Vie divine de la très-sainte Vierge Marie - NOUVELLES TRAMES DE LUCIFER CONTRE L'ÉGLISE. LA SAINTE VIERGE PART DE JÉRUSALEM, ET OPÈREDE NOUVELLES MERVEILLES.

CHAPITRE XXXIX.

MARTYRE DE SAINT JACQUES, IL EST ASSISTÉ DE LA DIVINE MÈRE. EMPRISONNEMENT DE SAINT PIERRE ET SA DÉLIVRANCE. DIVERSES MERVEILLES.

Saint Jacques arriva à Jérusalem lorsque la ville était soulevée contre les disciples de Jésus-Christ, cette haine furieuse était excitée par Lucifer, qui brûlait du désir de détruire l'Église; le saint apôtre en entrant se mit à prêcher le nom glorieux du crucifié avec un zèle si ardent, que plusieurs de ceux qui l'entendaient ne pouvant résister au feu divin de sa parole, se convertirent. Lucifer se sentant affaibli par la présence de saint Jacques en devint encore plus furieux, il alla vers les princes des prêtres et les principaux d'entre les juifs, pour les exciter encore plus fortement dans leur haine et leur rage contre le saint nom du Christ. Alors ils choisirent deux magiciens instruits dans la loi de Moïse et dans la magie, pour disputer avec saint Jacques et le confondre. L'un s'appelait Hermogène et l'autre Philète son disciple. La dispute commença avec Philète, qui proposa publiquement au saint apôtre plusieurs difficultés, qui donnèrent lieu au saint de démontrer avec clarté par le secours de la divine lumière les vérités révélées, l'adversaire se convertit et les juifs en furent couverts de confusion. Le nouveau converti redoutait les enchantements dangereux de son maître obstiné dans l'erreur, mais le saint le fortifia en lui donnant une sainte relique des langes de Jésus; saint Jacques prêchait comme un saint pasteur aux brebis confiées à ses soins. Après quelques jours les juifs engagèrent Hermogène à embarrasser et à confondre saint Jacques, il ne put s'en défendre, les pharisiens, les scribes et les docteurs de la loi de Moïse se rassemblèrent, mais tous les efforts d'Hermogène furent vains, et il fut obligé de confesser la foi de Jésus-Christ; ensuite Hermogène et Philète furent tous les deux catéchisés et baptisés a la grande confusion du Judaïsme, et à la grande fureur de l'enfer, qui avait perdu deux de ses ministres. La divine mère contribua par ses larmes et ses prières à ces conversions et à d'autres opérées par saint Jacques; elle voyait tout de son oratoire, d'autant plus qu'elle prenait un soin tout particulier de son apôtre bien-aimé. Hermogène et Philète sortirent de Jérusalem par crainte des juifs et allèrent en Asie, mais s'étant refroidis dans leur ferveur, ils apostasièrent la foi de Jésus-Christ.

Lucifer devenu plus furieux par la conversion d'Hermogène et de Philète, excita les juifs contre le saint apôtre et leur inspira une plus grande haine. Ils gagnèrent avec de l'argent deux centurions de la milice romaine pour le mettre en prison, et pour en presser l'exécution on choisit Abiathar et Josias, l'un prêtre et l'autre scribe. Saint Jacques prêchait au peuple sur la place publique de Jérusalem, et lui annonçait les mystères de la religion avec un grand fruit; les ministres indignes enflammés du fureur donnèrent le signal aux soldats romains, il fut arrêté et lié avec une corde au cou, comme perturbateur de la république; il fut conduit devant Hérode fils d'Archélaüs, ennemi déclaré du saint nom de Jésus, et qui avait ordonné la première persécution contre les disciples; aussitôt il commanda qu'il fût décollé. Il est impossible de dire la joie du saint apôtre à la vue de l'heureux moment, où il devait donner sa vie pour celui qui le premier l'avait donnée pour lui. Il se souvint de l'assistance de la divine mère, et il l'invoqua du fond de sa grande âme. Elle était tout occupée du soin de l'Église et en particulier des apôtres, lorsqu'elle vit descendre du ciel une multitude d'anges, les uns allaient vers l'apôtre et les autres venaient à son oratoire, ils formèrent comme un trône d'une nuée éclatante et conduisirent la divine Reine au lieu du martyre de l'apôtre, qui guérissait les infirmes, délivrait les possédés, obtenait des grâces à tous et priait pour ses ennemis. Le saint la vit revêtue de célestes splendeurs, environnée d'un nombre infini d'esprits bienheureux. A cette douce vue il fut transporté d'une sainte joie et il dit: O sainte mère de mon Jésus, ma protectrice, consolatrice des affligés, refuge de ceux qui sont dans la peine, donnez-moi votre bénédiction que je désire si ardemment. Que vos très-pures mains soient l'autel de mon -sacrifice, je remets mon âme entre vos mains; à ces paroles la tête fut séparée du tronc, et la grande reine reçut l'âme du bien-aimé Jacques et la plaça à ses cotés sur son trône; elle la conduisit au ciel, et la présenta à son fils glorieux, ce qui causa à tous les habitants de la cour céleste une nouvelle joie et une nouvelle gloire. La sainte Vierge fit en actions de grâces un cantique de louanges à la divine Majesté, et sa grande âme fut remplie de célestes bénédictions et de nouvelles grâces; après avoir reçu de nouveaux secours et de nouvelles faveurs pour l'Eglise, elle fut ramenée dans son oratoire d'Ephèse, là, prosternée le Visage contre terre, elle se confondit avec la poussière, et rendit humblement grâces à Dieu de tous ses bienfaits. Ensuite elle commanda à un ange de prendre soin avec les disciples du saint corps du glorieux apôtre; Ils le prirent et le transportèrent au port de Joppée, et de là en Galice dans l'Espagne.

Les Juifs excités par Lucifer devinrent plus furieux à cette mort du saint apôtre, ils allèrent donc trouver Hérode pour faire périr aussi saint Pierre qui était à Jérusalem, il fut aussitôt mis en prison et les Juifs voulaient le faire mourir sans retard. Les disciples qui désiraient conserver le chef de l'Église, s'adressèrent avec des vives prières à la divine mère. Quoiqu'elle fût à Éphèse, néanmoins ses yeux miséricordieux étaient en tout lieux et regardaient principalement le vicaire de son divin fils, elle se prosterna le visage contre terre et pria le Seigneur en versant des larmes pour la vie de saint Pierre; le fils glorieux lui apparut et lui dit avec bonté, ma mère, modérez votre douleur, ce que vous désirez, sera fait vous êtes la reine, commandez, gouvernez les fidèles, disposez toutes choses. Non Seigneur tout-puissant, répondit-elle, puisque votre bonté est infinie, commandez en ce moment que Lucifer et les siens qui troublent votre Église soient précipités à l'instant dans les abîmes; et aussitôt ils furent précipités, abattus et sans force par l'efficacité de ses paroles. Elle envoya ensuite un ange délivrer saint Pierre ce qui fut fait, et il se retira en un lieu sûr. La très-prudente mère du Seigneur, rendit grâce à Dieu de tout cela.

CHAPITRE XL.

VERTUS HÉROÏQUES QUE LA SAINTE VIERGE EXERCE A LA MORT D'HÉRODE. FRUIT DU ZÈLE DE SAINT JEAN A ÉPHÈSE. TRIOMPHE DE MARIE CONTRE LUCIFER.

La divine mère réfléchissait profondément en elle-même à l'état de l'Église, dont elle était chargée en ce temps-là, comme elle le sera toujours, puisqu'elle en est la protectrice et la miséricordieuse mère. Elle se consolait, en voyant son chef en liberté, et- Lucifer enchaîné au fond des cavernes infernales, Il n'y avait que le seul Hérode, persécuteur de l'Église qui affligeait la grande reine, car elle savait qu'il était résolu d'exterminer entièrement les fidèles, L'est pourquoi elle ne cessait jamais de demander avec humilité et avec larmes, du secours au Seigneur. Dirigée par sa souveraine prudence, elle parla ainsi à un de - ses anges gardiens les plus élevés: ministre de mon Dieu et Seigneur, je vous prie d'aller devant le trône de Dieu pour lui exposer mon affliction et lui demander humblement de ma part la grâce que je souffre pour ses serviteurs, mais qu'il ne permette que les ordres d'Hérode soient exécutés , car il veut détruire l'Église. L'ange accomplit aussitôt son ambassade, et rapporta cette réponse: le Seigneur des armées, dit, vous êtes mère, reine et maîtresse de l'Eglise, comme reine et souveraine, prononcez la sentence contre Hérode. L'humble mère de la piété se troubla un peu, elle dit à l'ange, de retourner dans, le ciel, et d'exposer au Seigneur, qu'elle offrait de faire pénitence et de souffrir les plus grands tourments en faveur d'Hérode, afin que ce malheureux se sauvât. L'ange partit, et revint avec cette réponse : Hérode est obstiné dans sa perversité, il repousse les inspirations et ne suit pas les lumières du ciel, c'est pourquoi il ne coopère pas au fruit de la rédemption. Le coeur de la miséricordieuse mère s'attendrit, et elle envoya pour la troisième fois l'ange au Très-Haut, comme avocate et mère des pécheurs, pour lui dire qu'il n'était pas possible à son amour de condamner à l'enfer une créature ouvrage de ses mains. L'ange à son retour lui apporta cette réponse: qu'elle était mère des pécheurs qui veulent se corriger, mais non de ceux qui vivent obstinés et endurcis, et ne veulent pas changer de vie, et encore moins de ceux qui méprisent les grâces divines, comme fait Hérode. Votre sentence, comme reine de l'univers, sera exécutée. Alors, élevant les yeux au ciel, elle dit en versant des larmes: Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements sont équitables; je souffrirai mille morts pour gagner cette âme, si elle ne se rendait elle-même indigne de la miséricorde de Dieu, mais puisqu'elle est l'ennemie opiniâtre de Dieu, indigne de son éternelle amitié, je la condamne par un juste jugement à la mort qu'elle a méritée, afin qu'elle ne persécute plus l'Eglise, et qu'elle ne mérite pas de plus grands châtiments dans l'enfer. Elle envoya un ange à Césarée, où se trouvait Hérode, qui touché de la main de l'ange, mourut aussitôt mangé des vers. Après avoir fait décoller saint Jacques, et emprisonner saint Pierre, il était parti pour Césarée, afin d'apaiser un différent entre les Syriens et les Sidoniens; un jour qu'il déclamait revêtu de ses habits royaux le peuple pour le flatter cria, c'est un Dieu, Hérode enorgueilli, ajouta foi à une semblable folie. Il mit par là le comble à sa perversité; car il avait poursuivi les apôtres, s'était moqué du rédempteur, il avait décollé Jean-Baptiste, commis un adultère public et scandaleux avec Hérodiade sa parente et d'autres abominations innombrables. (1)

(1) La conformité de ce récit, avec ce qu'on lit dans les actes des apôtres, Chap. 12. V. 20 à 23. est frappante. Ici nous avons l'Ecriture sainte, quelquefois elle se tait, ce n'est pas une raison de rejeter les autres faits venus de la même source, l'Esprit de Dieu, qui souille où il veut. L'exactitude du récit de la conversion de saint Paul, n'est pas moins évidente; ainsi que l'emprisonnement de saint Pierre et sa délivrance par un ange. Voy. Actes des apôtres. La composition du symbole et la division des provinces sont en tous points conformes à la tradition reçue par les théologiens. Il est donc permis de dire avec l'examinateur de ce livre, le P. Joannes, Matris Dei : Calamus altiori impulsu directus, la plume de l'écrivain a été dirigée par l'impulsion du ciel; il l'a écrit, mais non composé, videtur scripsisse, non composuisse.

(Note du Traducteur.) L'ange revint à Éphèse, et la miséricordieuse mère en apprenant la mort de ce malheureux, pleura amèrement la perte de cette âme damnée, et adora la justice de Dieu. L'évangile par cette mort se répandit non-seulement dans la Galilée et la Judée, mais encore à Ephèse, par le moyen de saint Jean, qui y prêchait. La divine mère instruisait aussi dans les villes voisines, elle opérait de grands prodiges, elle délivrait les possédés, guérissait les malades, secourait les pauvres et les nécessiteux dans leurs maisons, et dans les lieux où on les recueillait; elle avait également chez elle des plantes médicales, pour ceux qui étaient dans le besoin, avec du pain et des vêtements pour les secourir, surtout elle prenait soin des moribonds, les guérissait, les consolait et les éclairait. Le fruit de sa grande charité pour les âmes destinées au ciel fut si abondant, que plusieurs volumes ne suffiraient pas à le raconter. Il serait difficile de dire aussi, la fureur qu'en éprouva Lucifer; élevant sa tête superbe au fond des cavernes infernales, où la divine mère l'avait précipité, il appela plein de haine et de rage tous ses maudits compagnons et leur dit, qu'il avait pensé d'exposer au Très-Haut ses justes plaintes contre cette grande femme, comme il avait fait à l'égard de Job, autrement l'enfer était perdu. Aussitôt le dragon exécuta ce nouveau dessein, Dieu le permettant pour la plus grande gloire de sa divine mère; il allégua au Très-haut, qu'il était d'une nature angélique infiniment supérieure à la condition de celle qui était formée de poussière et de cendre, qu'ainsi il demandait à la détruire.

La divine reine priait sans cesse pour l'Église, et elle voyait en esprit la bataille que Lucifer préparait contre elle; elle répandait continuellement des larmes pour sa défense et son triomphe contre l'enfer. Son affliction était d'autant plus grande, qu'elle voyait Lucifer adoré comme un Dieu de ses aveugles idolâtres; elle éprouva une si grande douleur dans son tendre coeur, en pensant qu'il faisait sa demeure dans le grand temple si célèbre de Diane, qu'elle en serait morte, si Dieu ne lui eût conservé la vie. Le service du temple était fait par des vierges idolâtres, et quoique païennes elles aimaient beaucoup la pureté. Votre charité infinie m'a établie mère et guide des vierges, qui sont la portion la plus chère de votre Église, disait la Vierge mère au Seigneur, ne permettez pas qu'elle soient consacrées à Lucifer votre implacable ennemi. Dans ce temps-là, saint Jean, entra dans l'oratoire, et la divine mère se tournant vers lui, lui dit: O mon fils Jean, mon coeur est dans l'amertume, parce que j'ai connu les grands péchés, qui se commettent contre Dieu, particulièrement dans ce temple de Diane. Ma reine, j'ai vu quelque-chose de ce qui se passe dans ce lieu abominable, et je n'ai pu retenir mes larmes, en voyant que le démon y était vénéré par un culte, qui n'est dû qu'à Dieu, personne ne pourra empêcher ce mal, si vous ne vous chargez de cela. Alors la très-prudente reine, dit au saint apôtre de l'accompagner dans son oratoire, pour demander au Très-Haut de remédier à ce mal. Saint Jean obéit et alla dans l'oratoire, la grande reine se prosterna le visage contre terre, et versant des larmes amères, elle persévéra longtemps dans la prière avec une grande ferveur, et elle fut presque à l'agonie par la véhémence de la douleur. Le divin fils vint aussitôt; ma mère, et ma colombe, lui dit-il, ne vous affligez pas, tout ce que vous me demandez, sera fait, sans aucun retard, ordonnez et commandez, comme toute-puissante reine, tout ce que votre coeur désire. A ces paroles le coeur de la mère fut tout enflammé de zèle pour l'honneur de Dieu. Elle se leva, et avec un empire de reine, elle commanda à tous les démons qui étaient dans le temple profane de Diane, de tomber dans l'enfer; aussitôt ils y furent tous précipités. Elle commanda ensuite à un de ses anges gardiens d'aller au temple et de le détruire entièrement, en laissant seulement la vie à neuf femmes; ce qui fut aussitôt exécuté. Saint Jean profita de cet évènement pour prêcher la foi, afin de désabuser les Éphésiens de l'erreur, dans laquelle le démon les avait retenus. Un grand nombre se convertirent, mais les incrédules s'obstinant dans leur idolâtrie, firent construire à Diane un autre temple, moins somptueux et moins magnifique, après le départ de la grande reine d'Éphèse, et c'est de celui-ci dont parlent les Actes des apôtres. (1)

(1) On lit dans la vie de plusieurs saints des faits semblables. Saint Martin et d'autres ont renversé des temples d'idoles où les démons avaient établi leur demeure. Mais ce n'est pas seulement dans les premiers siècles que ces faits ont en lieu, ils se passent encore de nos jours dans les pays infidèles où nos intrépides missionnaires vont porter la foi. Ce n'est pas inutilement que es Chinois et les peuples de l'Inde, accusent nos chrétiens d'empêcher les sacrifices, et de rendre leurs idoles muettes. (Note du Traducteur.)

La grande reine continuait ses prières, pour la propagation de la foi, et- pour l'exaltation de la sainte Église, tous ses anges gardiens se rendirent visibles à ses yeux sous la forme humaine, et lui dirent: notre, reine, c'est la volonté du Très-Haut, que nous vous conduisions au ciel en présence de son trône. La sainte Vierge répondit, je ne suis que poussière et l'esclave du Seigneur, que sa sainte volonté s'accomplisse en moi. Aussitôt elle fut placée sur un trône de lumière et présentée à la très-sainte Trinité; l'être de Dieu lui fut manifesté dans une vision abstractive, et elle l'adora avec une profonde humilité. Le Père éternel, lui dit: ma fille et ma colombe, vos désirs pour l'exaltation de mon saint nom, et vos prières pour l'exaltation de la sainte Eglise, sont agréables à mon coeur divin; aussi en récompense je veux vous confier mon pouvoir, afin que vous puissiez défendre mon honneur et ma gloire, par le triomphe que vous obtiendrez sur l'antique orgueil de mes ennemis, en leur écrasant la tête. Voici, répondit-elle, la dernière de vos créatures, qui est prête à obéir à vos divins desseins. Le Père éternel ajouta: que tous les courtisans du ciel sachent, que je nomme et choisis MARIE, pour chef et reine de toutes mes armées, afin de vaincre mes ennemis et en triompher glorieusement. Le même décret fut confirmé par les deux autres personnes divines. Tous les bienheureux du ciel répondirent; que votre volonté se fasse dans le ciel et sur la terre. La grande reine fut ornée par l'ordre de Dieu par six séraphins d'une sorte de lumière, comme d'un bouclier impénétrable, aussi invincible aux démons que la sainteté de leur reine, et qui ressemblait à la force de Dieu-même. Elle fut illuminée par six autres séraphins d'une sorte de divine splendeur, qui paraissait sur son beau et très-pur visage, afin de jeter l'épouvante à l'enfer. Six autres ajoutèrent à ses facultés une nouvelle vertu divine, qui correspondait à tous les dons, qui lui avaient été accordés dans le premier instant si glorieux de sa conception, de sorte qu'elle pouvait à son gré empêcher et arrêter la plus intime pensée, et tous les efforts de Lucifer et des siens; et dès ce moment tout l'enfer fut soumis à sa volonté et à son bon plaisir. Les trois personnes divines lui donnèrent ensemble une pleine bénédiction. Abaissée toujours davantage dans son néant, elle rendit grâces à la divine Trinité, et elle fut rapportée dans son oratoire. les bienheureux habitants du ciel chantèrent: saint, saint, saint est le Dieu des armées. Elle se confondit avec la poussière et rendit de nouveau grâces au Seigneur de ses grandes miséricordes. Elle rentra en elle-même pour se préparer au combat, et elle vit monter de l'enfer sur la terre un dragon sanguinaire, épouvantable qui avait sept têtes, et jetait par chacune d'elles avec une grande rage et fureur, des feux et des flammes, il était suivi d'une foule d'autres dragons; ils se dirigeaient tous vers Éphése où était la courageuse et invincible grai4e reine; ils poussaient des cris en s'excitant les uns les autres; allons perdre notre ennemie, puisque le Très-Haut nous a permis de l'attaquer: elle est créature terrestre. Ils se transformèrent tous en anges de lumière, et toute cette armée vint en sa présence dans l'oratoire, Lucifer avec son venin, qui est l'orgueil commença à parler; tu es puissante, ô Marie, noble et courageuse entre les femmes, le monde entier t'honore et te glorifie, à cause des grandes vertus qu'il reconnaît en toi, et pour les grandes merveilles que tu opères, tu es digne de cette gloire, puisque personne ne t'égale en sainteté. Et tandis qu'il prononçait comme fausses ces incontestables vérités, il tâchait de faire naître dans l'imagination de l'humble reine des pensées, de vaine complaisance, mais ces tentations diaboliques étaient comme des traits acérés pour son humble coeur, de sorte que tous les tourments des martyrs lui auraient causé une douleur moins sensible; pour les repousser, elle fit des actes profonds d'humilité, s'abaissant en elle-même et ne s'estimant que néant. A la vue de cet anéantissement héroïque, Lucifer poussant des cris dit aux siens: ah! l'enfer me tourmente moins, que l'humilité de cette grande femme. Et se précipitant dans l'abîme, ils restèrent vaincus et écrasés. La grande reine rendit grâce: au Très-Haut de cette première victoire.

CHAPITRE XLI.

LA TRÈS-SAINTE VIERGE RETOURNE A JÉRUSALEM SES AUTRES VICTOIRES CONTRE LUCIFER.

La persécution de l'Église étant apaisée par la mort d'Hérode, les apôtres prêchaient en toute liberté, avec des fruits admirables, principalement saint Barnabé et saint Paul, dans l'Asie-Mineure, et saint Pierre aussi, qui s'y était réfugié de Jérusalem, pour éviter la persécution d'Hérode. Il s'éleva plusieurs difficultés parmi les fidèles, sur l'observance de la circoncision et de la loi mosaïque, en particulier à Jérusalem, ils écrivirent à saint Pierre comme à leur chef, pour terminer ces controverses, et lui dirent qu'il serait utile, qu'il vint dans cette ville, et qu'il pouvait écrire encore à la divine mère de -venir aussi. Saint Pierre écrivit une humble lettre à la Vierge mère, en la priant de venir à Jérusalem, et lui exposa les besoins et les désirs des fidèles. La grande reine reçut cette lettre quelque temps après, en apprenant du messager qu'elle était de saint Pierre, elle la reçut à genoux, et la baisa avec respect, mais elle ne l'ouvrit pas, parce que saint Jean, qui prêchait sur la place n'était pas présent, dès qu'il fut rentré, elle se mit à genoux et demanda à son ordinaire la bénédiction de l'apôtre; elle lui remit la lettre, en lui disant, qu'elle était du Vicaire de Jésus-Christ et du chef de tous les fidèles. L'apôtre demanda humblement ce qui contenait la lettre, et la maîtresse de l'humilité répondit: vous le verrez en l'ouvrant d'abord, et en la lisant, et vous me direz ce qu'elle contient. Il le fit, ensuite ils délibérèrent ensemble s'il valait mieux quitter Éphèse, et revenir à Jérusalem. Elle dit à l'apôtre, mon Fils et mon Seigneur, commandez-moi ce qui est convenable et votre servante vous obéira. Saint Jean ajouta, il faut obéir au chef de l'Église. Et elle dit, préparez tout pour le départ, et nous partirons si tel est votre désir.

Tandis que l'apôtre préparait tout ce qui était nécessaire pour s'embarquer pour la Palestine, la sainte Vierge convoqua toutes les vierges, ses disciples, qui étaient dans Ephèse, et leur annonça son départ, elle les exhorta à la persévérance dans la foi, l'humilité, la pureté et les exercices des saintes vertus, et les assura de son amour et de sa protection, auprès de son fils leur époux. Elle établit supérieure des soixante-treize qu'elles étaient, la vieille Marie, une de celles qui avait été sauvées dans la ruine du temple de Diane; on l'appelait la vieille, parce qu'elle était la plus ancienne et la première, à qui la grande reine donna son nom lorsqu'elle reçut le baptême. Agenouillées toutes à ses pieds, elle lui demandèrent en versant des larmes la bénédiction, et après l'avoir reçue, elles continuèrent à rester dans la retraite, parce qu'elles vivaient comme dans un monastère. La sainte Vierge prit aussi congé de ses voisines, et le jour du départ étant venu, elle demanda à genoux la bénédiction à saint Jean, et ils partirent d'Éphèse, après un séjour de deux ans et demi, elle fut accompagnée des saints anges en forme visible et tous armés pour le combat, par où elle comprit que le combat avec le dragon insensé était imminent. Elle en donna avis à saint Jean, afin qu'il se préparât aussi par la prière et qu'il ne craignit point.

Ils venaient de s'embarquer et le vaisseau venait à peine de mettre à la voile, lorsque l'enfer déchaîna une si épouvantable tempête, que la mer n'en avait jamais vue et n'en verra jamais une semblable; les flots en fureur s'élevaient jusqu'aux nues, menaçant d'engloutir le vaisseau, tantôt ils se brisaient sur les flancs pour l'entr'ouvrir, et tantôt ils l'élevaient au sommet des ondes pour le replonger ensuite dans l'abîme. Le bruit des vagues, la fureur des vents, les cris des matelots et la rage de tout l'enfer acharné contre le navire, causèrent une grande frayeur à saint Jean, de sorte que se tournant en pleurs vers la grande reine, il lui dit: ma reine, demandez à votre divin fils que la tempête cesse. Elle jouissait comme reine des vertus d'une parfaite paix intérieure, et elle conservait une entière sérénité, à cause de sa grande magnanimité, au mépris de l'enfer. En considérant les périls des navigateurs, elle fut touchée de compassion, comme mère, pleine de charité, pour leurs dangers, et elle pria le Seigneur, pour eux. Elle répondit à l'apôtre, ne vous troublez pas, c'est le temps de combattre les combats du Seigneur, qui triomphera de ses ennemis, par la force et par la patience. Je lui demande, que personne de ce vaisseau ne périsse, il ne dort pas, il est avec nous. L'apôtre recouvra par ces paroles la paix intérieure et la tranquillité de l'âme. (1)

(1) Demandez au matelot à qui il a recours dans la tempête, et si Marie n'est pas véritablement l'étoile de la mer. Les pèlerinages de Notre-Dame de la garde, et tous les autres en sont des preuves. La vie de la très-sainte Vierge doit être merveilleuse, pourquoi s'étonnerait-on de ce qu'on lit dans ce livre, lorsqu'il y a tant de preuves qui attestent son origine divine. C'était le quatorzième jour de la terrible tempête, que Lucifer avait soulevée contre le pauvre vaisseau; il fit le dernier effort; le vaisseau se penchai, les extrémités des antennes touchaient les flots écumants, les eaux pénétraient déjà au-dedans, les matelots étaient découragés -et éperdus, à la vue du danger si imminent; et voilà que, descendu des hauteurs des cieux, Jésus apparaît et dit: Ma mère bien- aimée, je suis avec vous dans la tribulation. Quoique dans toutes les circonstances cette vue et ces douces paroles lui causassent une joie ineffable, néanmoins elles furent encore plus précieuses à la divine mère dans ce danger, à cause de la compassion qu'elle avait pour ses pauvres gens affligés. Ma mère et ma colombe, je veux que toutes les créatures soient soumises à vos ordres, commandez et vous serez obéie. Elle obéit, et par la vertu de son très-saint Fils, elle commanda à Lucifer et aux siens de quitter la mer Méditerranée; ensuite elle ordonna aux vents et à la mer de se calmer, et aussitôt ils obéirent; le Seigneur en la quittant la laissa remplie de bénédictions. Le jour, suivant ils arrivèrent heureusement au port, et ils rendirent aussitôt grâces à Dieu; après avoir débarqué, ils se mirent en chemin vers Jérusalem; mais auparavant elle demanda la bénédiction à saint Jean et le remercia de l'avoir accompagnée dans ses dangers. Tous les démons, le Seigneur le permettant ainsi, se trouvèrent sur son passage, et l'assaillirent par mille suggestions contre les saintes vertus; mais la Tour de David renvoyait les traits contre eux-mêmes. Arrivée à Jérusalem, elle voulait visiter les saints lieux, mais la maîtresse des vertus reconnut qu'elle devait premièrement aller au cénacle où était saint Pierre, pour lui rendre obéissance. Lorsqu'elle fut arrivée, elle se jeta à ses pieds, lui demanda la bénédiction, et lui baisa la main, comme au souverain pontife. Saint Jean raconta tout ce qu'ils avaient souffert: tous les disciples de Jérusalem vinrent pour vénérer la divine maîtresse avec des larmes de joie.

Elle alla aussitôt visiter les saints lieux, et ensuite elle se prépara à faire ses oeuvres de vertu. Lucifer avec tous les siens s'excitait à comparaître en sa présence avec des figures épouvantables, et il voulait même la menacer; mais les actes héroïques de toutes les vertus de la divine mère l'accablaient, aussi en proie à un horrible tourment il fut obligé de fuir, dépouillé de sa force et vaincu, Un jour en visitant les saints lieux, arrivée au mont des Oliviers, son divin fils lui apparut avec une amabilité ineffable, il la déifia, et l'éleva au-dessus de l'être terrestre, et elle reçut de si, grandes faveurs divines, qu'elle fût toute transformée en son, divin fils. A son retour au cénacle, Lucifer revint la tenter, mais en voyant une nouvelle force et une nouvelle vertu. dans son ennemie, il lui arriva comme au scorpion, qui, environné par le feu, se perce de son propre aiguillon et se tue lui-même. Ils s'enfuirent tous, en poussant des cris de rage, et disant: Oh, si le monde n'avait pas cette femme, nous voudrions le détruire et en vérité nous le pourrions, sans cette ennemie.

Lucifer alla tenter les nouveaux baptisés, et leur insinua, de ne pas abandonner les vieux rits de la loi de Moïse, principalement la circoncision; ils s'obstinèrent dans cette tentation, et- les gentils qui venaient à la foi ne voulaient pas se circoncire; mais la grande reine détruisit toutes les embûches perverses. Saint Paul et saint Barnabé arrivèrent d'Antioche à Jérusalem, ils se mirent à genoux, en versant une abondance des larmes de joie de se trouver en présence de la mère de Dieu; ce ne fut pas une moindre consolation pour la miséricordieuse grande reine de voir les deux apôtres, si chers à son fils et à elle-même. Saint Paul, dans cette entrevue avec la divine mère, eut une vision extatique, dans laquelle il comprit toutes les prérogatives de cette cité mystique de Dieu, de sorte qu'il la vit comme revêtue de la Divinité, il en fut rempli d'admiration, de vénération et d'un saint attendrissement, et revenu à lui-même, il dit: O mère de pitié et de clémence, pardonnez à cet homme misérable et pécheur, d'avoir persécuté votre divin fils, mon Seigneur, et son Église. L'humble reine répondit, Paul, serviteur du Seigneur, si celui qui vous a créé et racheté, vous a encore appelé à son amitié intime, comment sa servante refuserait-elle de vous pardonner? Il a fait de vous un vase d'élection, mon esprit le glorifie et l'exalte. L'apôtre lui rendit de vives actions de grâces, et lui demanda sa protection' et son patronage, ce que fit aussi Barnabé. Saint Pierre avait convoqué avec les apôtres, les disciples qui étaient peu éloignés de la ville et dans les pays voisins, ils se rassemblèrent tous un jour dans le cénacle, et il pria la divine mère de ne pas quitter l'assemblée par humilité; il parla à tous, et les exhorta à prier, .pour obtenir la lumière du ciel et l'assistance de l'Esprit Saint, et pendant dix jours ils persévérèrent dans la prière. La grande reine ayant préparé le cénacle de ses divines mains, le chef de l'Église célébra la sainte messe, il communia les apôtres, et la divine mère, ensuite les disciples; un grand nombre d'anges descendirent, revêtus d'une lumière divine, et remplirent ce Saint lieu de célestes parfums et de splendeur. Lorsque la sainte messe fut terminée, saint Pierre proposa les difficultés et recommanda à tous de faire de ferventes prières au Seigneur pendant ces dix jours. La grande reine se retira dans son oratoire, et pendant tous les dix jours elle ne mangea ni ne but, et elle ne cessa de prier le Très-Haut pour son Église; lorsqu'elle se prosterna à terre après s'être retirée après la sainte communion, elle fut élevée au ciel en corps et en âme. Lorsqu'elle passa sur son char de lumière, avec le cortège des anges à travers la région de l'air, le Très-Haut voulut qu tous les démons de l'enfer avec Lucifer comparussent en sa présence, et à leur grande peine, qu'ils reconnussent l'élévation, la grandeur, la majesté et la sainteté incomparable de cette grande femme, qu'ils avaient en si grande haine et poursuivaient si cruellement, qu'ils vissent aussi que la grande reine avait dans son coeur Jésus sous les espèces sacramentelles, et qu'elle était comme investie de la Divinité, afin que par la participation des divins attributs, elle les confondît tous, les humiliât et les anéantit. Et ils entendirent une voix sortir du trône de la Divinité. Avec ce bouclier invincible, je défendrai toujours mon Eglise. Les démons poussaient des cris de rage à cette vue, et ils s'écrièrent à ces paroles: Que le Tout-Puissant nous précipite dans l'abîme, mais qu'il ne nous laisse pas en présence de cette femme, car elle nous fait souffrir plus que mille enfers. Que le Dieu tout-puissant nous délivre, qu'il mette fin à cette nouvelle et cruelle peine, qui renouvelle celle que nous avons éprouvée, lorsque nous fûmes précipités du ciel, car maintenant s'accomplit le châtiment dont nous fûmes alors menacés de la part de la grande femme, qui est la merveille de ton bras tout-puissant. Toute cette armée de démons fut retenue avec ces cruelles souffrances, pendant un long espace de temps, et quoiqu'ils s'efforçassent de s'enfuir dans l'abîme, ils ne le pouvaient pas, afin d'être tourmentés par la présence de leur toute-puissante ennemie, jusqu'à ce qu'elle-même avec l'autorité de reine les précipitât au plus profond de l'enfer; et cette nouvelle chute causa aux damnés un nouveau et cruel tourment.

Prosternée devant le trône sublime de la Divinité, elle, l'adora humblement, et la pria pour l'Église, afin que les apôtres reçussent les lumières nécessaires, et elle en reçut l'assurance. Elle vit que son divin fils présentait au père le zèle de sa mère, et dans le même temps elle vit qu'il sortait de l'essence divine un temple très-beau, tout resplendissant et magnifiquement orné; les habitants du ciel le virent aussi, il alla se placer sur le sein de Jésus-Christ, qui l'unit à sa sainte humanité, et aussitôt il le remit dans les mains de sa sainte mère, en le recevant elle fut remplie de nouveau de splendeur et absorbée par la Divinité elle jouit de la vision béatifique. A la vue de ces faveurs, les anges chantèrent: Vous êtes saint, saint, saint et tout-puissant dans les oeuvres de vos mains. Elle fut rapportée dans son oratoire, tenant toujours dans ses mains le temple mystérieux de la sainte Église, et elle continua ainsi ses prières encore pendant neuf jours. A la fin saint Pierre célébra de nouveau la sainte messe et les communia tous, lorsqu'elle fut terminée, ils invoquèrent l'Esprit-Saint; et saint Pierre parla, comme il est raconté dans les actes des apôtres. Les difficultés furent résolues, on écrivit les réponses, et elles furent envoyées à Antioche; lorsqu'elles furent lues à Antioche comme à Jérusalem, l'Esprit-Saint descendit visiblement en forme de langue de feu. Après le concile, la sainte Vierge rendit grâce au Seigneur avec tous ceux qui étaient rassemblés, ensuite Paul et Barnabé prirent congé, et elle leur fit présent des saintes reliques de Jésus enfant, et aussi des saintes épines; ils partirent fortifiés par la grâce, et tout joyeux de la protection de la divine mère. Lucifer rugissait comme un lion de ne pouvoir s'approcher de cette grande reine, il alla chez quelques magiciennes de Jérusalem, pour les engager à enlever la vie à la grande reine par le moyen des maléfices. Les malheureuses se présentèrent plusieurs fois en sa présence, mais sa grande et infinie piété les toue-ha et les convertit; néanmoins une seule reçut la lumière évangélique, et fut baptisée à la grande rage de Lucifer.


Vie divine de la très-sainte Vierge Marie - NOUVELLES TRAMES DE LUCIFER CONTRE L'ÉGLISE. LA SAINTE VIERGE PART DE JÉRUSALEM, ET OPÈREDE NOUVELLES MERVEILLES.