Vie divine de la très-sainte Vierge Marie - EXERCICES DE DÉVOTION DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE, ET PRÉPARATION A LA SAINTE COMMUNION.

CHAPITRE XLV.

FÊTES CÉLÉBRÉES PAR LA REINE DES ANGES.

Tous les titres éclatants que la très-sainte Vierge avait dans l'Eglise, de Reine, de souveraine, de mère, de guide, de maîtresse, ne restèrent jamais sans fruit en elle, mais elle les exerçait tous avec une grâce surabondante. Comme reine elle connaissait toute sa grandeur; comme souveraine elle savait jusqu'où s'étendaient les limites de son empire; comme mère elle connaissait tous les enfants et les serviteurs de son Église, jusqu'à la fin du monde; comme guide tous ceux qui marchaient avec elle lui étaient connus; comme maîtresse elle était remplie de la souveraine sagesse, et elle possédait toute la science, selon laquelle la sainte Église devait être gouvernée et enseignée dans les différents temps, moyennant son intercession. Elle eut donc une entière connaissance de tous les saints qui l'avaient précédée, et de tous ceux qui devaient lui succéder, avec leurs actions, leur vie, leur mort et leur récompense. Elle connut clairement tous les rus, les cérémonies et les fêtes que l'Église établirait dans la suite des temps, avec toutes les raisons, les motifs et la nécessité de chaque chose. Cette plénitude de science fit naître en elle une sainte émulation de la reconnaissance, du culte, de la vénération et de la mémoire qu'en ont les anges et les saints dans la Jérusalem céleste, et pour introduire tout cela dans l'Église militante, en tant que celle-ci peut imiter l'autre, elle commença à le pratiquer, et elle inspira aussi aux apôtres de célébrer -un grand nombre de fêtes. Quoiqu'elle eût commencée à célébrer plusieurs fêtes après l'incarnation du Verbe, après l'ascension de son fils et dans les dernières années de sa sainte vie, elle le fit avec une solennité plus grande.

Le huitième jour de décembre, chaque année, elle célébrait son immaculée conception, et elle s'estimait insuffisante et incapable d'en rendre de dignes actions de grâces. Elle commençait à la célébrer le soir du jour précédent, elle passait toute la nuit dans des exercices admirables et des larmes de joie, elle faisait des prostrations, des actes de vénération et des cantiques de louanges au Seigneur; elle considérait qu'elle avait été formée de la boue ordinaire, comme descendante d'Adam, selon l'ordre universel de la nature, et néanmoins elle avait été élue, délivrée et préservée seule de la loi commune, et ainsi exemptée du grave tribut du péché et conçue avec la plénitude de la grâce et des dons surnaturels. Elle invitait alors les anges, afin de l'aider à rendre grâces à l'auteur de la grâce, et elle chantait avec eux des cantiques de louanges. Elle invitait aussi les autres esprits bienheureux et les saints du ciel, et elle s'enflammait de telle sorte, qu'il était nécessaire que son divin fils descendît du ciel pour la fortifier, il la conduisait avec lui, et là elle apaisait l'ardeur de son coeur par ses humbles actions de grâces. Les trois personnes divines se réjouissaient de l'avoir préservée de la contagion commune des enfants d'Adam, ils ratifiaient et confirmaient la possession de tout ce que la grande reine avait reçu- d'eux, et une voix qui sortait du trône divin, disait: Vos démarches sont belles, fille du roi, et conçue sans péché. Ensuite on entendait les choeurs des anges et des saints qui chantaient ces paroles: Marie conçue sans le péché originel. L'humble reine répondait à toutes ces faveurs par des actions de grâces et des louanges avec une humilité si profonde, qu'elle surpassait l'intelligence même des anges. Alors elle était élevée à la vision intuitive de Dieu pendant plusieurs heures. Descendue ensuite du ciel, elle s'exerçait à des actes de très-profonde humilité.

Elle célébrait la mémoire de sa nativité, le huit septembre, jour auquel elle était née. Elle commençait la veille par ses exercices habituels, dès prostrations et des cantiques de reconnaissance. Elle rendait grâces au Très-haut de ce qu'elle était née à la lumière du monde, et avait eu le bonheur d'être portée au ciel. Elle prenait des résolutions héroïques d'employer tout le reste de sa vie au service du Seigneur, et à l'accomplissement de sa volonté; il lui semblait qu'elle n'avait rien fait pour sa plus glande gloire, aussi elle se proposait de commencer tout de bon; elle demandait au Très-Haut qu'il l'aidât par sa grâce, qu'il dirigeât toutes ses actions et les fit tendre vers les fins les plus élevées de sa gloire. Le divin fils descendait dans son oratoire avec plusieurs choeurs d'anges, les antiques patriarches, les prophètes et en particulier saint Joachim, sainte Anne, saint Joseph, et ils célébraient la nativité de la grande reine. Elle adorait son divin fils avec un grand respect et une grande vénération, et lui renouvelait ses humbles actions de grâces; les anges chantaient: Nativitas tua, sancta dei genitrix Virgo; et les patriarches et les prophètes avec Adam et Eve, chantaient des cantiques de gloire à la réparatrice du monde. Le divin fils relevait sa divine mère de terre où elle se tenait prosternée, la plaçait à sa droite et lui manifestait de nouveaux mystères, elle était toute transformée dans son fils, et pleine d'ardeur pour travailler, comme si elle avait commencé. Saint Jean eut le bonheur plusieurs fois de jouir en quelque chose de ces fêtes en entendant la musique des anges. Le saint évangéliste venait célébrer la sainte messe dans son oratoire et communiait la grande Reine, qui était là sur le trône de son divin fils, qu'elle recevait sous les espèces sacramentelles, dans son coeur très-pur et enflammé d'amour; la vue de tous ces mystères causait une joie nouvelle et profonde à tous ces saints, qui servaient comme de parrains à la communion la plus digne, qui après celle du Christ, s'est vue et se verra jamais dans l'Église. Après que la grande reine avait reçu son fils sous les espèces sacramentelles, il la faisait devenir semblable à lui dans le divin sacrement, et de cette manière glorieuse et naturelle qu'elle possédait, elle s'en revenait au ciel. O merveilles cachées et admirables de la toute-puissance divine! si Dieu se montre grand et admirable dans tous les saints, combien nous pouvons penser qu'il l'a été avec sa chère mère?

Elle célébrait en outre avec les princes du ciel, la mémoire des bienfaits reçus, et elle les invitait aussi pour l'aider à cri rendre grâces, et les anges en reconnaissant une si grande science dans leur reine chantaient: Qu'il soit éternellement béni exalté votre créateur, ô Marie, vous êtes la gloire de tout le genre humain; vous êtes la merveille du pouvoir du Verbe de Dieu; la vive image de toutes ses perfections; vous êtes la digne maîtresse de l'Église militante, la gloire spéciale de la triomphante, l'honneur de toutes les créatures: réparatrice de vôtre race, vous êtes digne que toutes les nations vous reconnaissent à-cause de vos vertus et de votre grandeur, et que toutes les générations vous louent et vous bénissent. Le jour, dans lequel arrivait la mémoire de sa présentation au temple, elle se retirait la veille dans son oratoire, et elle passait toute la nuit dans de saints exercices et des actions de grâces, elle témoignait une humble et profonde reconnaissance au Seigneur, pour l'avoir conduite dans son temple à un âge si tendre, et pour tous les bienfaits qu'elle avait reçus dans le lieu saint. Elle éprouvait dans cette fête un attrait naturel pour la solitude, parce que la retraite unit plus intimement l'âme à Dieu. Le Seigneur avait coutume de la visiter, et lui disait: Ma mère et ma colombe, voici votre Dieu et votre fils, je veux vous donner un temple et une habitation plus élevée, plus sûre et plus divine, qui est mon être propre; venez bien-aimée dans votre légitime séjour. A ces douces paroles elle était placée à la droite de son fils, et aussitôt elle sentait que la divinité du fils la pénétrait par une union incompréhensible toute pure et divine. Elle appelait pour cela cette solennité, la fête de l'être de Dieu; elle composait de beaux cantiques de louanges au Seigneur, et rendait grâces au Très-Haut de l'avoir appelée dans un âge tendre à cette sainte solitude.

Les jours anniversaires de la mort de saint Joachim et de sainte Anne, elle célébrait aussi leur fête par des actes de culte et de vénération au Seigneur, et lui rendait grâce de lui avoir donné des parents si saints. Elle remerciait la très-sainte Trinité pour tous les dons, les grâces et les faveurs qu'elle leur avait accordés pendant leur vie, et pour la gloire ineffable dont elle les avait couronnée. Les bienheureux parents tous glorieux descendaient du ciel avec le divin fils et parlaient avec leur fille. Les anges de chaque choeur chantaient des louanges au Seigneur, en expliquant quelque attribut divin, et ravie en extase, remplie d'une joie incomparable, elle répétait le cantique de louanges et d'actions de grâces. A la fin, elle demandait la bénédiction à ses saints parents, après avoir reçu celle de son fils, et ils s'en retournaient au ciel; elle restait à genoux confondue avec la poussière, s'estimant indigne de tous ses bienfaits. A la fête de saint Joseph, elle pensait à la compagnie si fidèle de son chaste époux. Saint Joseph, descendait tout glorieux et resplendissant dans l'oratoire accompagné d'anges sans nombre, qui chantaient des hymnes en l'honneur du saint, et la divine mère répétait ces hymnes comme mère de la sagesse, et en composait d'autres pour remercier la divine Majesté des grâces et de la gloire qu'elle avait accordées au saint époux. Après plusieurs heures de douces actions de grâces, elle s'entretenait avec saint Joseph, le priait de la recommander au Très-Haut, et de le remercier pour les grâces qu'il lui avait accordées, elle lui recommandait les besoins de l'Église et par-dessus tout, l'assistance divine des apôtres et des disciples qui propageaient la sainte foi. Ensuite elle lui demandait la bénédiction, et il retournait au ciel. Il ne faut pas omettre encore que la grande reine dans ces fêtes préparait à manger à un grand nombre de pauvres et les servait à table à genoux; elle disait à saint Jean de chercher les plus nécessiteux et les plus misérables. Dans le jour elle visitait encore les malades dans les maisons où ils étaient recueillis et dans les réduits abandonnés. Ainsi la grande reine célébrait les fêtes.

Il est impossible d'exprimer avec quel recueillement et quels actes de culte elle célébrait ensuite la fête de l'incarnation et la naissance du Verbe incarné, car elle considérait l'incarnation, comme l'oeuvre première de la toute-puissance opérée dans son sein. Elle comprenait la profondeur de ce mystère adorable; elle voyait le grand dessein de Dieu, le défaut de correspondance et l'ingratitude des hommes; et comme dépositaire élue des mystères du grand Conseil divin, elle découvrait qu'il lui appartenait de correspondre à cet ineffable bienfait, de compenser et de suppléer notre ingratitude et notre lâcheté; c'est pourquoi elle faisait chaque jour au nom du monde racheté un grand nombre de génuflexions, de prostrations et d'actes d'adoration, et elle disait intérieurement au Seigneur. Dieu tout-puissant prosternée en votre présence, en mon nom et au nom de tout le genre humain, je vous loue, bénis, glorifie, exalte, confesse et adore humblement pour l'admirable bienfait de votre ineffable incarnation, dans le mystère de l'union hypostatique de la nature humaine avec la personne divine du Verbe éternel; si un grand nombre d'hommes vivent dans l'oubli de ce bienfait, souvenez-vous Seigneur miséricordieux et notre père qu'ils vivent dans une chair fragile, qu'ils sont remplis d'ignorance et de passions désordonnées, et qu'ils ne peuvent venir à vous, si votre infinie bonté ne les attire et ne les conduit. Pardonnez, mon Dieu ces négligences, comme provenant d'une nature si fragile. Moi votre esclave et vil vermisseau de terre, en mon nom et au nom de chacun des mortels, je vous remercie pour ce bienfait inestimable , en union avec tous les esprits bienheureux et tous les saints du paradis; et vous mon fils et mon Seigneur, je vous supplie du fond de mon coeur, prenez en main la cause des hommes vos frères, afin qu'ils parviennent à obtenir le pardon de votre Père éternel. Je vous demande miséricorde pour votre peuple et le mien, car en tant que vous êtes homme, nous avons tous votre nature, daignez donc pas nous rejeter, et en tant que vous êtes Dieu , donnez un prix infini à vos oeuvres, et qu'elles soient la digne récompense de ce qui vous est dû: Vous êtes notre salut, notre bien et notre unique espérance.

La grande reine répétait cette prière et d'autres semblables. Elle commençait cette fête le seize mars au soir, et pendant les neuf jours suivants, jusqu'au vingt-cinq, elle était retirée sans manger, ni boire, ni dormir, et l'évangéliste seul venait auprès d'elle pour la sainte communion. Le Tout-Puissant lui renouvelait en ce temps toutes les faveurs et toutes les grâces qu'il lui avait accordées, les neuf jours qui précédèrent l'incarnation. Son divin fils qui avait été conçu dans ses chastes entrailles prenait soin de l'assister, de la favoriser et de la combler de grâces dans cette fête. Le Verbe éternel fait homme descendait du ciel, avec la même majesté et la même gloire dont il y est revêtu, accompagné d'un nombre innombrable d'esprits bienheureux. L'humble Vierge prosternée le visage contre terre, adorait son fils, Dieu véritable, les anges la relevaient de terre et la plaçaient à la droite du fils, elle était toute transformée et environnée de gloire, et dans cet état sublime elle chantait ami Seigneur des cantiques de louanges en action de grâce. Le divin fils disait au Père éternel je vous confesse et vous loue, mon Père, et je vous offre cette créature digne de vous être présentée, comme élue entre toutes les créatures pour ma chère mère, et comme preuve de nos attributs infinis. Elle seule a su dignement et pleinement reconnaître et agréer de tout son coeur l'immense bienfait accordé aux hommes, en me faisant homme et en les délivrant de la mort éternelle; ainsi nous ne pouvons pas rejeter les prières de notre bien-aimée.

A l'heure ensuite où s'accomplit l'ineffable incarnation, la divinité se manifestait à elle d'une manière intuitive, avec une gloire plus grande que celle dont jouissent tous les bienheureux. Elle priait alors pour la conversion du monde, pour l'accroissement de l'Église, l'assistance des ouvriers apostoliques, et pour les âmes du purgatoire, elle envoyait les anges les délivrer, ce qu'elle faisait comme reine, et elle commandait aux âmes délivrées de rendre grâces dans le ciel à la très-sainte Trinité, pour le grand bienfait de l'incarnation. Elle célébrait la sainte naissance de son divin fils d'une autre manière, et elle recevait de nouvelles faveurs. La veille elle s'appliquait dans la retraite à des exercices d'actions de grâces, de louanges, de prostrations, et à l'heure de la naissance son très-saint fils descendait du ciel avec des milliers d'anges et de saints, accompagné aussi de saint Joachim, sainte Anne, saint Joseph, sainte Elisabeth et saint Jean-Baptiste son fils et d'autres saints patriarches. La grande reine était placée par les anges sur le trône du divin fils, et l'oratoire devenait un paradis, les anges chantaient le cantique, gloria in excelsis Deo, et in terra pax etc., et d'autres cantiques composés par la divine mère, en actions de grâces de ce grand bienfait, à la louange de la divinité. Après quelque temps la grande reine demandait à son fils la permission de descendre du trône, et l'ayant obtenue, elle se prosternait à terre au nom de tous le genre humain, et lui rendait grâces d'être venu au monde pour le racheter; ensuite elle faisait une fervente prière pour tous les enfants de l'Église, afin qu'ils obtinssent la vie éternelle, et faisait valoir en leur faveur sa miséricorde infinie. Le Seigneur agréait cette prière de cette mère et lui accordait de disposer, comme maîtresse absolue, de ses mérites et de ses miséricordes. Enfin elle demandait aux saints de remercier le Seigneur pour elle et en son nom. Et le fils après lui avoir donné la bénédiction s'en retournait au ciel.

Jamais les hommes ni même les anges ne parviendront à comprendre ce que le monde doit à cette divine mère, pour les faveurs et les miséricordes, obtenues en faveur du genre humain, particulièrement dans ces fêtes qu'elle célébrait, rendant toujours grâces au Très-Haut au nom du monde entier. Le jour anniversaire de la circoncision, dans laquelle le Verbe incarné répandit les prémices de son sang pour notre salut, elle se retirait selon sa coutume pour faire ses exercices accoutumés; son divin fils descendait du ciel avec son cortège ordinaire d'anges et de saints; les actes que faisait la divine-mère étaient ineffables, en considérant avec-sa profonde sagesse que le Verbe incarné s'était assujetti dans ce jour à la loi des pécheurs comme s'il l'avait été lui-même. La grande reine s'humiliait au-dessous de la poussière, et portait une vive compassion à tout ce que souffrit l'enfant Dieu dans cet âge si tendre; elle acceptait cette immense bienfait pour tous les enfants d'Adam, et elle pleurait avec des larmes de sang l'oubli universel et l'ingratitude des hommes, qui faisaient si peu de cas de ce sang versé, et voyant qu'on correspondait si peu à cet ineffable bienfait, elle était pleine de confusion en présence de son souverain, C'est pourquoi elle offrait de mourir dans les souffrances, de répandre son sang et de donner la vie pour correspondre à ce grand amour. Elle passait tout ce jour dans ces entretiens avec le Seigneur, et ajoutait des nouvelles inventions de son amour au profit des mortels; elle priait la divine majesté de répandre sur tous les vivants, les faveurs et les grâces qu'elle recevait de sa main toute-puissante et de sa bonté infinie, et qu'elle seule souffrit pour son amour, afin que tous se convertissent et que personne ne se damnât. Elle offrait le sang de son fils versé dans la circoncision au Père éternel et l'humilité qu'il éprouva dans cette action. Elle l'adorait comme Dieu et homme véritable. Ensuite son divin fils la bénissait et remontait au ciel; elle se prosternait le visage contre terre, s'humiliait profondément, s'estimait indigne que la terre la supportât, et elle rendait toujours grâces à la divine majesté de ses grandes miséricordes.

Elle célébrait la fête de l'adoration des Mages, et elle s'y préparait plusieurs jours auparavant, pour disposer les dons qu'elle voulait offrir au Verbe incarné. La principale offrande que la prudente grande reine cherchait à préparer était l'or: qui sont les âmes qu'elle voulait ramener à la grâce, elle se servait du ministère des anges, qu'elle excitait à aider les âmes par de fortes et spéciales inspirations à se convertir à la sainte foi, elle faisait de ferventes prières, par lesquelles elle ramenait un grand nombre d'agonisants à une véritable pénitence et les sauvait. A ce premier don elle ajoutait le second, qui était la myrrhe d'innombrables prostrations à terre, et en forme de croix, et d'autres exercices de mortifications. La troisième offrande était l'encens, qui consistait dans des oraisons jaculatoires enflammées, et des élans d'amour ineffable, avec des affections douces et pures de son coeur virginal. Son fils descendait du ciel dans ce jour avec son cortège ordinaire, et elle invitait les esprits bienheureux à lui venir en aide, aussitôt elle offrait à son fils avec un grand respect et une vénération admirable, les dons dont nous avons parlé, au nom de tous les- hommes, et elle priait pour eux. Elle était élevée sur le trône divin, et le très-saint fils, afin que sa mère bien-aimée prit quelque repos dans les élans de ses ardentes affections, l'inclinait sur son sein, et tandis que les anges chantaient des cantiques de louanges, le Seigneur la remplissait de célestes bénédictions. Après l'avoir comblée de nouvelle faveurs Jésus retournait au ciel, et prosternée à terre elle rendait grâces à la miséricorde infinie.

Elle faisait aussi la commémoration du baptême de Notre-Seigneur qu'elle remerciait de cet inappréciable bienfait. Et après plusieurs ferventes prières, elle se retirait pendant quarante jours pour célébrer le jeune du rédempteur qu'elle faisait de la même manière, dans tout ce temps elle ne sortait pas de l'oratoire, ne mangeait point, et ne buvait ni ne dormait, elle recevait uniquement saint Jean pour lui administrer la sainte communion, pendant ce temps le disciple ne s'éloignait pas du cénacle, et s'il venait des malades ou des pauvres vers la divine mère, il les consolait, les soulageait et les guérissait en leur appliquant quelque relique de la mère de la piété. Lorsqu'on amenait des énergumènes, les démons s'enfuyaient avant d'arriver au seuil du cénacle, et laissaient libres les obsédés. Si la grande reine ne mangeait ni ne dormait pendant ces quarante jours, qui pourrait jamais dire les actes intérieurs et extérieurs de culte et de vénération, les prières, les génuflexions que sa très-sainte âme si pleine d'activité faisait? Elle appliquait tout cela pour le bien des fidèles, pour l'exaltation de la sainte Église et la justification des âmes. Elle était visitée souvent par son divin fils. Elle était encore visitée dans le jour, par les anges qui venaient du ciel avec une nourriture céleste, pour la fortifier dans les jeûnes, et les mortifications dont elle affligeait son corps virginal si pur; d'autres fois le Seigneur lui présentait de ses divines mains la nourriture , l'exhortait à restaurer ses forces, et il la remplissait toujours plus de grâces célestes. La reine des vertus faisait dans toutes ses faveurs des actes héroïques d'humilité, de soumission et de respect, se reconnaissant indigne de toutes ces faveurs, et elle demandait de nouvelles grâces pour mieux le servir à l'avenir. Après ce jeûne, elle célébrait la fête de sa purification et de la présentation de l'enfant Jésus au temple. Elle offrait Jésus son fils au Père éternel: les anges la revêtaient et l'ornaient dans ce jour d'une manière divine, et ainsi parée, elle faisait une longue et fervente prière à la très-sainte Trinité, qu'elle priait pour tout le genre humain et particulièrement pour l'Église. En récompense de son humilité pour s'être assujettie à la loi de la purification, sans qu'elle en eut aucun besoin, elle recevait un accroissement de grâces, privilèges et faveurs, avec de nouveaux bienfaits pour tous ceux qu'elle avait recommandés.

Elle célébrait avec une préparation plus grande la fête de l'ascension de son divin fils au ciel, sachant qu'elle était célébrée avec une grande solennité dans la paradis; elle commençait le jour où se célébrait la résurrection, et pendant tout ce temps elle faisait la mémoire des faveurs et des bienfaits qu'elle avait reçus de son fils dans cette occasion, et en rendait grâces au Seigneur en faisant de nouveaux cantiques et d'autres saints exercices, elle recevait de nouvelles faveurs ineffables et de nouveaux bienfaits de la divinité, par lesquels elle était préparée à en recevoir d'autres. Notre-Seigneur descendait le jour de l'ascension dans l'oratoire avec son auguste cortège d'anges, de patriarches et de saints; elle attendait cette visite prosternée le visage contre terre, à genoux confondue avec la poussière et abaissée dans son néant, mais son coeur était élevé au plus sublime degré de l'amour divin possible à une pure créature. Le Seigneur ordonnait qu'elle fut placée sur son trône et mise à sa droite, alors il lui demandait avec bonté ce qu'elle désirait si ardemment? Elle répondait aussitôt; mon fils et mon Dieu, je désire uniquement l'exaltation et la connaissance de votre saint nom, que -l'on comprenne le grand bienfait que vous avez accordé, en élevant à la droite du Père éternel la boue de notr,e misérable humanité, et que tous glorifient votre divinité. Ma mère et ma colombe répondait le fils, venez à la céleste patrie où tous vos désirs seront accomplis, et vous jouirez de la solennité de ce jour parmi les habitants du ciel. Aussitôt l'immense procession se dirigeait vers le ciel, à travers les airs. Arrivée au trône auguste de la très-sainte Trinité, elle se prosternait avec une grande humilité, et faisait un admirable cantique de louanges et d'actions de grâces qui renfermait tous les mystères de l'incarnation et de la rédemption avec toutes les victoires du fils contre la mort et contre l'enfer. Le Très-Haut y prenait ses complaisances, les saints y répondaient par d'autres cantiques, et glorifiaient le Tout-puissant dans cette créature si admirable, et tous éprouvaient une nouvelle joie à la vue de leur reine. Elle était ensuite élevée à la droite dû fils et la divine essence lui était manifestée intuitivement, et après l'avoir illuminée et ornée, le Seigneur lui donnait l'entière possession de son bienheureux royaume préparé pour elle dès l'éternité. Chaque année elle recevait cette ineffable faveur, et elle était interrogée si elle voulait rester dans la Jérusalem céleste, mais sa charité pour les fidèles l'attirait à retourner dans la vallée des larmes. La très-sainte Trinité agréait chaque année ce sacrifice et cette charité pour le prochain, qui faisait l'admiration de toute la cour céleste. Après ces merveilles la grande reine faisait des prières pour l'exaltation du saint nom de Dieu, pour l'accroissement de l'Église, l'assistance des ouvriers évangéliques, le salut des pécheurs et la victoire contre l'enfer. Toutes ses demandes étaient exaucées et elle s'accomplissent dans l'Eglise dans tous les siècles; et les effets de la grande protection d'une si puissante avocate seraient bien plus grands, si les péchés du monde ne les empêchaient. Ensuite les anges l'apportaient leur reine sur un char de lumière, en chantant des hymnes à sa louange jusques à son oratoire. Elle se prosternait aussitôt à terre et s'humiliait toujours d'avantage, et rendait grâces au Seigneur de ses grandes miséricordes. Saint Jean fut témoin de ces merveilles, et plusieurs fois il vit la divine mère toute resplendissante de la divine lumière, et comme la grande maîtresse de l'humilité se tenait toujours à terre à genoux, et était prosternée aux pieds de l'évangéliste pour lui demander la permission pour les plus petites choses, saint Jean avait ainsi l'occasion de la voir et de l'admirer, à la grande joie de son esprit.

La grande reine considérait les effets et les bienfaits de cette grande fête de l'ascension, pour célébrer d'une manière plus digne la venue de l'Esprit-Saint, elle se préparait ainsi les neuf jours précédents, demandant par ses ardentes prières au Seigneur qu'il lui renouvelât les dons ineffables de son Esprit-Saint, et lorsque le jour si heureux pour l'Église était arrivé, ses desseins étaient accomplis par la toute-puissance divine, car à la même heure que l'Esprit-Saint descendait sur l'Église rassemblée dans le cénacle, il descendait chaque -année sur la divine mère, temple vivant du divin Esprit. Elle était assistée dans cette ineffable faveur de milliers d'anges qui chantaient avec une douce mélodie des cantiques à l'Esprit-Saint, qui l'enflammait et renouvelait par une surabondance de dons et par l'accroissement ceux qu'elle possédait déjà dans un degré si éminent. Elle rendait d'humbles actions de grâces au Seigneur d'avoir achevé par cette venue l'oeuvre de la rédemption; ensuite elle demandait avec ardeur de daigner continuer dans la sainte Eglise pour ce temps et pour les siècles futurs les effusions de sa grâce et de sa puissance, sans regarder les péchés des hommes; et toutes ses prières étaient exaucées par l'Esprit-Saint. A ces fêtes la grande reine en joignait encore deux autres; l'une de tous les anges, l'autre de tous les saints. Elle se préparait à la première quelques jours auparavant par ses exercices ordinaires, cri récapitulant dans des cantiques de louanges les oeuvres de la création des esprits bienheureux, particulièrement celles de la grâce sanctifiante, et de leur glorification, dont elle connaissait comme mère de la sagesse les mystères en chacun d'eux. Au jour fixé elle les invitait tous à glorifier le Très-Haut, et il en descendait des milliers de tous les ordres avec une gloire admirable dans son oratoire, ils formaient deux choeurs: d'un coté les anges de l'autre leur reine, et ils chantaient alternativement pendant tout ce jour à la gloire du suprême créateur qui s'était manifesté par les oeuvres de la création, principalement en créant une mère si pure et si sainte. Un autre jour elle célébrait la fête de tous les saints qui avaient vécu sur la terre, elle s'y préparait auparavant par de longues prières et ses exercices ordinaires, ensuite au jour de la fête, les anciens patriarches, les prophètes et les autres saints descendaient dans l'oratoire. Elle chantait de nouveaux cantiques de reconnaissance pour la gloire de tous les saints, parce que la rédemption et la mort de son fils avaient été efficaces en eux; elle pénétrait le profond secret de la prédestination des saints. Elle se réjouissait dans ce jour de voir tant de personnages si distingués, assurés de la bienheureuse éternité et elle en bénissait le Père des miséricordes. Elle célébrait cette fête comme maîtresse de l'Eglise, dans laquelle elle prévoyait qu'elle se célébrerait dans les temps futurs.

Dans les dernières années de sa très-sainte vie, elle opérait avec une activité plus qu'angélique, le jour et la nuit sans qu'elle restât un seul moment oisive, car elle n'y avait jamais été dès le premier instant de sa conception, pas même dans son sommeil. Le poids de la nature corporelle ne lui était pas un obstacle, elle était infatigable comme un ange, elle était comme Une flamme et un grand incendie dans son activité, et tout ce qu'elle faisait à la gloire du Seigneur lui paraissait toujours peu de chose.

CHAPITRE XLVI.

L'ARCHANGE GABRIEL ANNONCE A LA SAINTE VIERGE SON HEUREUSE MORT. MERVEILLES QUI ARRIVENT.

La très-sainte Vierge était parvenue à l'âge de soixante-sept ans, sans avoir jamais interrompu, pas même le plus petit instant, le cours de ses oeuvres admirables et héroïques, ni arrêté les élans de son coeur, ni diminué les feux de son amour; au contraire celui-ci ayant toujours continuellement augmenté dans tous les moments de la vie, elle s'était en quelque manière spiritualisée et déifiée, de sorte que les flammes de son coeur ardent ne lui permettaient aucune sorte de repos. Le Père éternel désirait sa fille unique, le Verbe sa bien-aimée, et le Saint-Esprit sa très-pure épouse. Les anges souhaitaient vivement la vue de leur reine; les saints désiraient ardemment la présence de leur grande souveraine, et tous les cieux demandaient à leur manière leur impératrice, afin qu'elle les remplit tous de gloire et de joie. La très-sainte Trinité envoya l'archange Gabriel avec une multitude d'esprits bienheureux, pour annoncer à leur reine dans quel temps, et de quelle manière elle passerait à la gloire éternelle. Le Prince céleste descendit avec le cortège des anges dans l'oratoire, où il trouva la divine mère prosternée à terre en forme de croix, qui demandait avec larmes miséricorde pour les pécheurs. Et comme réveillée par la mélodie des anges, elle se releva et resta à genoux pour entendre l'embassade du Seigneur. ils arrivèrent tous avec des couronnes et des palmes à la main, toutes différentes, qui signifiaient diverses récompenses et mérites de la grande reine. L'archange l'ayant saluée par l'Ave Maria, continua: Le Tout-Puissant et le saint des saints nous envoie à votre Majesté, pour vous annoncer de sa part l'heureuse fin de votre pèlerinage: Ils vous reste encore trois ans pour être reçue pour toute l'éternité dans la gloire bienheureuse, où tous les habitants vous désirent. Elle reçut cette agréable nouvelle avec une joie ineffable et prosternée de nouveau à terre, elle répondit de la même manière qu'à l'annonciation: Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. Elle pria les anges de l'aider à rendre grâce au Seigneur pour cette nouvelle si agréable, et elle commença un nouveau cantique-d'actions de grâces, les esprits bienheureux y répondirent pendant deux heures, ensuite elle ordonna aux anges de prier le Seigneur de la préparer à ce passage. L'archange lui répondit qu'elle serait obéie, et ayant pris congé, il retourna à l'empyrée; elle resta le visage contre terre en versant des larmes d'humilité et de joie, et elle dit ces paroles: Terre, je vous rends les grâces que je vous dois, de ce que sans l'avoir mérité vous m'avez supportée pendant soixante-sept ans; comme j'ai été créée de vous et en vous; qu'ainsi de vous et par vous j'arrive à la fin désirée de la vue et de la possession de mon créateur. Elle fit encore un long entretien avec les créatures.

Du moment qu'elle eut reçu cet avis, elle s'enflamma du feu de l'amour divin, de sorte qu'elle multiplia ses exercices, comme si elle avait eu quelque chose à réparer, semblable à un voyageur qui,. voyant venir le soir lorsqu'il lui reste encore à faire une grande partie de son chemin se hâte et marche avec rapidité, en ranimant ses forces; la grande reine ne faisait pas cela par crainte de la mort, ni par le danger du péché qu'elle n'avais jamais commis; mais à cause de son grand amour et de son désir de la lumière éternelle, elle se hâtait donc dans ses héroïques actions, non pour arriver plutôt, mais afin d'entrer plus riche et plus heureuse dans l'éternelle jouissance du Seigneur. Elle envoya ses anges à tous les apôtres et à tous les disciples dispersés dans le monde, afin de les animer toujours plus aux entreprises héroïques, et dans ces trois ans elle le fit plusieurs fois; de même elle fit des démonstrations d'amour plus grandes à tous les fidèles qui étaient à Jérusalem, et de pressantes exhortations d'être fermes dans la foi, et quoiqu'elle gardât le secret, néanmoins elle agissait comme une personne qui s'attend à partir, et qui veut laisser tout le monde comblé de biens. Il en fut autrement avec saint Jean, car un jour à genoux à ses pieds, elle lui demande la permission de parler, et après l'avoir obtenue elle lui dit: Mon Seigneur et mon fils, vous savez qu'entre toutes les créatures je suis la plus redevable au pouvoir divin. Sachez que la divine miséricorde a daigné me faire connaître que le terme de ma vie mortelle pour passer à la vie éternelle arrivera bientôt, il ne me reste que trois ans pour finir mon exil; je vous supplie donc, mon Seigneur de m'aider dans ce temps si court, afin que je m'applique à chercher à correspondre en quelque chose aux immenses bienfaits que j'ai reçus; priez pour moi, je vous en supplie de l'intime de mon coeur.

Ces paroles brisèrent le coeur si aimant de saint Jean, et il répondit tout en larmes ma mère et ma reine, je suis résigné au bon plaisir de Dieu et au vôtre. Ma mère et ma reine, puisque vous êtes toute miséricordieuse, daignez secourir votre fils qui va se trouver seul, privé de votre précieuse compagnie; saint Jean ne put proférer d'autre parole, oppressé par le sanglots et la douleur; et quoique la miséricordieuse mère l'animât, néanmoins dès ce jour le saint apôtre fut pénétré et accablé d'une si grande tristesse, qu'elle l'affaiblissait et le rongeait, comme il arrive aux fleurs qui deviennent languissantes au coucher du soleil. La miséricordieuse mère lui promit de l'assister toujours comme une tendre mère, et elle pria son très-saint fils pour lui, afin qu'il ne perdit pas la vie. Saint Jean fit part de cette nouvelle à saint Jacques-le-Mineur, évêque de Jérusalem, et dès ce moment les deux apôtres furent plus assidus à visiter la divine maîtresse. Dans le cours de ces trois dernières années, le pouvoir divin disposa par une douce et secrète force, que toute la nature commençât à s'émouvoir et à prendre des signes de deuil, pour la mort de celle dont la vie donnait la, beauté à toutes les choses bées. Les apôtres, quoique dispersés dans le monde, ressentaient un vif désir de voir leur mère et maîtresse; les autres fidèles, qui étaient plus voisins, éprouvaient un pressentiment intérieur, que leur trésor et leur joie ne resterait pas longtemps parmi eux. Toutes les créatures s'émurent et gémirent, les cieux, les animaux et les oiseaux, et six mois avant la mort, le soleil, la lune et les étoiles donnèrent une lumière plus faible qu'à l'ordinaire. Les hommes en ignoraient la cause, saint Jean seul accompagnait ces signes de ses larmes, ce qui fit que tous les pieux fidèles de Jérusalem en connurent la raison; c'est pourquoi ils accoururent au cénacle, pour vénérer la grande reine, ils se jetaient à ses pieds, lui demandaient la bénédiction et baisaient la terre, qu'elle avait foulée de ses pieds divins. La mère de la miséricorde les consolait tous. Et quoique cette perte fut inévitable pour les fidèles, la miséricordieuse mère s'émut dans ses entrailles maternelles; et par ces prières et ses larmes, la-grande reine fit que tous les fidèles et tous les enfants de l'Eglise obtiendraient toutes les grâces temporelles et spirituelles qu'ils désireraient; (1) aussi il est impossible de rapporter le concours immense des personnes qui allaient auprès d'elle, et les miracles qu'elle opérait en faveur de tous. Elle en convertit un grand nombre aux vérités de la foi; elle mit un nombre immense d'âmes en état de grâce; elle remédia aux nécessités des misérables, en les secourant miraculeusement; elle les confirma tous dans la crainte de Dieu, dans la foi et dans l'obéissance à la sainte Église; et comme trésorière des richesses divines, elle ouvrit les portes du trésor divin, et en enrichit les fidèles de l'Église avant de t'éloigner d'eux. De plus elle les consola tous, et leur promit de faire beaucoup plus du haut du ciel, lorsqu'elle y serait parvenue.

(1) N'est-ce pas exactement la parole de saint Bernard , qui défie toutes les générations, d'entendre jamais dire qu'aucun de ceux, qui se sont adressés à Marie, en ait été abandonné. On n'a jamais entendu dire qu'aucun de ceux, qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance et réclamé votre secours, ait été abandonné de vous. Ah! fidèles, priez donc Marie pour vous, pour les autres, pour vos âmes, pour vos corps, pour l'Église, pour l'Etat. Cependant son très-pur esprit était élevé avec des élans inconcevables, par les flammes de son amour, jusqu'à la sphère de la Divinité, sans pouvoir arrêter l'impétuosité de son coeur enflammé; pour donner quelque adoucissement à ses violences, elle se retirait seule et apaisait ses ardeurs avec le Seigneur, en disant: Mon doux amour, mon bien unique, trésor de mon âme, attirez-moi après vous à l'odeur de vos parfums; brisez maintenant les liens de la mortalité, qui me retiennent. Esprits célestes, dites à votre Seigneur et au mien la cause de ma douleur; dites-lui, que pour lui plaire, j'embrasse les souffrances pour mon exil, et c'est ce que je veux; mais je ne puis vouloir vivre en moi, mais seulement en Dieu; s'il veut donc que je vive, comment pourrai-je vivre étant éloignée de lui, qui est ma vie? D'une part il me donne la vie, et de l'autre il me l'ôte; parce que la vie ne peut être sans l'amour, comment donc pourrais-je exister sans la vie, qui-est celui que j'aime uniquement? Je languis dans cette douce violence. Par ces paroles et par d'autres beaucoup plus tendres, la Vierge-Mère apaisait l'incendie de son coeur enflammé à l'admiration et à la joie des anges mêmes, qui l'assistaient et la servaient. Son divin fils la visitait plus souvent que par le passé et la fortifiait par ses visites; elle renouvelait ses prières pour l'Eglise et pour tous les ministres, qui, dans les siècles à venir, devaient la servir dans la prédication évangélique. Parmi les merveilles, que fit le Seigneur à sa divine mère dans ces derniers temps, il y en eut une qui fut non-seulement connue du saint évangéliste, mais encore de plusieurs autres fidèles qui l'approchaient; c'était que lorsque la grande reine communiait, elle restait pendant plusieurs heures, revêtue d'une telle splendeur et clarté qu'elle paraissait transfigurée, comme son divin fils au Thabor, à la grande joie de ceux qui avaient le bonheur de la contempler.

Elle demanda à saint Jean la permission de sortir de la maison avec lui et les milles anges qui l'assistaient, et elle alla visiter les lieux saints, auxquels elle dit adieu en versant des larmes; mais elle s'arrêta pendant longtemps sur le mont du Calvaire, elle pria pour ses bien-aimés fidèles présents et futurs, et en considérant la douloureuse mort de son fils en faveur du genre humain, la flamme de son ardente charité s'accrut si fort, qu'elle aurait perdu la vie, si son divin fils ne fût venu lui-même, qui lui dit: Ma mère et ma colombe, coadjutrice de la rédemption des hommes, vos demandes sont déjà arrivées à mon coeur, je vous promets que je serai très-libéral envers les hommes et leur donnerai de continuels secours, afin qu'avec leur libre volonté, ifs puissent mériter, par les mérites de mon sang, la gloire éternelle, s'ils ne la méprisent pas; et dans le ciel vous serez leur médiatrice et leur avocate , et je comblerai de. mes faveurs et de mes miséricordes infinies, tout ceux qui obtiendront votre protection. La divine mère, prosternée à ses pieds, lui rendit de très-humbles actions de grâces, et ayant été fortifiée dans ses amoureuses peines, elle baisa avec un grand sentiment d'humilité cette terre consacrée, par la mort d'un Dieu fait homme; elle ordonna aux saints auges, de garder continuellement ces lieux sacrés et de les défendre toujours; elle dit aussi aux saints anges et à saint Jean de les bénir, ce qu'ils firent aussitôt. Elle retourna à son oratoire, et lorsqu'elle y fut arrivée tout attendrie et en larmes, elle dit adieu à la sainte Église, en disant: Église sainte et catholique, qui dans les siècles futurs vous appeler romaine, ma mère et ma reine, véritable trésor de mon âme; vous avez été l'unique consolation de mon exil, mon refuge et mon soutien dans mes douleurs; vous êtes ma force et ma joie, dans vous j'ai vécu étrangère et éloignée de ma patrie, et vous m'avez entretenue depuis que j'ai reçu en vous la vie de la grâce, par votre chef et le mien, Jésus mon fils et mon Seigneur; vous êtes pour les fidèles, ses enfants, un guide assuré pour les conduire à la gloire; vous les fortifiez dans ce dangereux pèlerinage. Vous m'avez orné et enrichi de vos beaux ornements, pour entrer aux noces de l'époux, en vous habite votre chef dans l'adorable sacrement; heureuse Église militante, ma bien-aimée, il est déjà temps que je vous laisse, daignez m'appliquer vos bien si précieux, lavez-moi dans le sang divin de l'agneau, qui vous a été confié, et qui peut sanctifier plusieurs mondes couverts de péchés. Sainte Eglise, mon honneur et ma gloire, je vous laisse dans la vie mortelle, mais je vous trouverai glorieuse dans la vie éternelle; de là, je vous regarderai avec tendresse, et je prierai toujours pour votre prospérité et vos progrès.

Après avoir fait cet adieu, la grande reine résolut de faire son testament, elle en demanda la permission au Seigneur, qui voulût le confirmer par sa divine présence; la très-sainte Trinité vint elle-même dans son oratoire, avec des milliers d'Esprits bienheureux; il sortit du trône divin une voix, qui dit: Notre épouse et notre élue, réglez votre dernière volonté selon votre désir, car elle sera accomplie et confirmée par notre divine puissance. Seigneur tout-puissant, Dieu éternel, dit-elle avec une profonde humilité, moi, vil vermisseau de terre, je vous reconnais et vous adore du plus profond de mon âme, Père, Fils et Saint-Esprit, trois personnes distinctes dents une seule nature, indivisible et éternelle; je déclare et je dis que ma dernière volonté est celle-ci: Je n'ai rien à laisser des biens temporels, car je n'ai jamais possédé autre chose, que vous, mon souverain bien; je remercie toutes les créatures, qui m'ont entretenue sans que je le méritasse! Je laisse à Jean deux tuniques et un manteau, qui m'a servi pour me couvrir, afin qu'il en dispose selon son plaisir, comme mon fils. Je demande à la terre de recevoir mon corps; je remets mon âme, dépouillée enfin de son corps, dans vos mains, ô mon Dieu, afin qu'elle vous aime éternellement. Je laisse la sainte Église, ma mère, héritière universelle de tous mes mérites, que j'ai acquis parle moyen de votre grâce et par mes souffrances, afin qu'ils servent à l'exaltation de votre saint nom. En second lieu, je les offre pour les apôtres bien-aimés, et pour les prêtres présents et ceux qui existeront dans l'avenir, afin qu'ils deviennent de dignes ministres, pour édifier et sanctifier les âmes. En troisième lieu, je les applique pour le bien spirituel de mes dévots, qui me serviront, m'invoqueront et intercèderont auprès de moi, afin qu'ils reçoivent votre grâce et à la fin la vie éternelle En quatrième lieu, je désire et je souhaite que vous vous considériez, comme obligé par mes souffrances et mes oeuvres envers tous les pécheurs, enfants d'Adam, afin qu'ils sortent du malheureux état du péché; et dès ce moment je désire et je veux intercéder toujours pour eux, en votre divine présence tant que le monde durera. Ceci est, mon Seigneur et mon Dieu, ma dernière volonté toujours soumise à votre bon plaisir. Lorsqu'il fût terminé, la très-sainte Trinité le confirma et le Christ l'approuva, en gravant dans le coeur de sa mère ces paroles: Il sera fait comme vous voulez et ordonnez. Prosternée le visage contre terre, elle fit de très-humbles actions de grâces et elle demanda que les apôtres vinssent l'assister, afin de prier pour elle dans ce passage, et qu'elle mourût avec leur bénédiction, ce qui lui fut accordé. Les personnes divines cessèrent d'être visibles, et l'humanité de Jésus-Christ retourna à l'empyrée.


Vie divine de la très-sainte Vierge Marie - EXERCICES DE DÉVOTION DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE, ET PRÉPARATION A LA SAINTE COMMUNION.