Vie divine de la très-sainte Vierge Marie - L'ARCHANGE GABRIEL ANNONCE A LA SAINTE VIERGE SON HEUREUSE MORT. MERVEILLES QUI ARRIVENT.

CHAPITRE XLVII.

L'HEUREUSE MORT DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE. ET SÉPULTURE DE SON CORPS TRÈS-PUR.

Le jour auquel l'Arche véritable du Testament devait être placée dans le temple de la Jérusalem céleste s'approchait; trois jours auparavant les apôtres et les disciples furent réunis dans le cénacle par le ministère des anges. Les forces corporelles de la grande reine cédaient déjà un peu à la violence de l'amour divin, parce que d'autant plus elle se rapprochait du souverain bien, d'autant plus grandement qu'elle participait à la qualité de l'amour qui est Dieu même. Là grande reine, vint à la porte de l'oratoire, recevoir le Vicaire de Jésus-Christ, saint Pierre, et s'étant mise à genoux, elle lui demanda sa bénédiction, rendant grâce au Très-Haut de cette consolation, elle en fit de même avec tous les autres apôtres. Elle se retira dans son oratoire et saint Pierre fit un discours aux disciples dans le cénacle, ils entrèrent tous dans l'oratoire pour l'assister, ils la trouvèrent n genoux sur un petit lit dont la divine mère se servait toujours pour se coucher, lorsqu'elle prenait un peu de repos , ils la virent toute éclatante de beauté, revêtue de splendeurs célestes, entourée de ses mille anges qui l'assistaient sous une forme visible. L'état naturel de son très-saint corps virginal et ses traits étaient aussi ceux qu'elle avait lorsqu'elle était âgée de trente-trois ans, elle n'avait ni rides dans ses mains et sur son visage, elle ne fut ni faible, ni plus décharnée avec les années, comme il arrive à tous les enfants d'Adam: ce fut un privilège spécial de la très-sainte Vierge qui correspondait au privilège de son âme très-sainte, afin qu'il parut dériver de celui d'avoir été exempte de la faute d'Adam, dont les effets ne se firent sentir en aucune manière dans son très- saint corps, de même qu'ils n'avaient jamais eu accès dans son âme très-pure.

Saint Pierre et saint Jean, se mirent à genoux au chevet du lit, et les autres tout autour suivant leur rang. La grande reine les regarda tous avec sa modestie et sa pudeur ordinaire et elle leur dit: Mes chers enfants; permettez à votre servante de parler. Et saint Pierre, répondit que tous l'écouteraient volontiers comme elle le désirait, mais qu'elle s'assit sur le lit comme maîtresse et reine de tous. Elle obéit aussitôt, et elle les pria de lui donner tous la bénédiction, ce qu'ils firent pour lui obéir, en versant des larmes en abondance à la vue d'une si profonde humilité unie à une si incomparable grandeur. Elle se leva de son lit et se mit à genoux, par terre, en présence de saint Pierre, en disant mon seigneur, je vous supplie comme pasteur universel de me donner en votre nom et au nom de toute l'Eglise, dont vous êtes le chef, votre sainte bénédiction, et de pardonner à votre servante de vous avoir si peu servi dans le temps de ma vie, car je vais aller de celle-ci à celle qui est éternelle, et si vous y consentez, permettez que Jean dispose de mes vêtements qui sont deux tuniques pour les donner à deux pauvres filles qui m'ont plusieurs fois rendu service par leur charité. Après ces paroles, elle se prosterna à terre et baisa les pieds à saint Pierre avec une abondance de larmes, dont ils furent tous attendris. Ensuite elle se mit aux pieds de saint Jean, en disant: Jean, mon fils et mon seigneur, pardonnez-moi de n'avoir pas exercé envers vous mes devoirs de mère, comme je devais et comme le Seigneur me l'avait ordonné: je vous remercie profondément de la bonté avec laquelle vous m'avez assistée, comme mon fils; et vous, bénissez-moi pour parvenir à la possession de mon Bien. Elle continua à prendre congé des apôtres et de quelques uns des disciples, ensuite de tous les autres. Elle se leva et parla ainsi à tous les assistants: mes chers enfants, et mes seigneurs, je vous ai toujours conservés au-dedans de mon âme, et vous ai aimés tendrement avec la charité qui m'a été commandée par mon très-saint Fils que j'ai toujours considéré en vous tous. Pour accomplir sa sainte volonté, je pars pour les demeures célestes, d'où je vous promets que comme mère, vous me serez présents dans la claire lumière de la divinité. Je vous recommande l'Église ma mère, l'exaltation du saint nom de Dieu, et la propagation de sa loi évangélique; l'amour des paroles de mon très-saint fils, la mémoire de sa vie, de sa- passion et de sa mort. Aimez la sainte Église, et aimez-vous les uns les autres de tout votre coeur; et à vous Pierre, pontife saint, je vous recommande mon fils Jean et tous les autres.

Elle cessa de parler, et ses paroles, comme des flèches enflammées pénétraient et attendrissaient tous les coeurs, et versant un torrent de larmes, ils se jetèrent tous par terre avec des gémissements et des sanglots tels, qu'ils attendrirent au suprême degré la miséricordieuse mère, qui ne pouvait résister à ses plaintes si amères de ses enfants bien-aimés. Après quelque temps, elle les pria de prier tous en silence pour elle et avec elle. Au milieu de ce silence, le Verbe incarné, descendit du ciel, sur un trône de gloire ineffable, accompagné de tous les saints et d'un nombre infini d'anges et le cénacle fut tout rempli de lumière. La chère mère lui baisa les pieds, et l'adora, elle fit le dernier acte d'humilité et de culte dans sa vie mortelle par lequel elle surpassa tous les hommes ensemble, elle se recueillit et se confondit avec la poussière, quoiqu'elle fût mère de Dieu. Le divin fils la bénit et en présence de cette assemblée de saints, il lui dit: chère mère, il est déjà temps de passer pour toujours au paradis, où un trône vous est préparé à ma droite; puisque je vous ai fait, comme ma mère, entrer dans le monde, pure et exempte de toute tache de péché, ainsi pour en sortir, la mort n'a aucun droit de vous toucher; si donc, vous ne voulez pas passer par elle à la vie bienheureuse, venez avec moi sans mourir, participer à la gloire que vous avez déjà mérité. La mère, avec un visage joyeux et la tête inclinée, répondit: Mon fils et mon Seigneur, je vous demande que votre mère et votre servante entre dans la vie éternelle, par la porte commune des enfants d'Adam et comme vous Dieu véritable. Le Seigneur approuva ce sacrifice d'humilité, les anges commencèrent à chanter quelques versets des cantiques; cette harmonie était entendue de tous, et non-seulement l'oratoire mais tout le cénacle fut rempli d'une admirable splendeur, de sorte qu'à cette merveille il accourut de la ville un si grand nombre de personnes, que le passage des rues en était empêché, le Seigneur permettant qu'il y eût plusieurs témoins de cette grande merveille et de la gloire de sa mère.

Lorsque les anges commencèrent à chanter ce premier verset: Venez ma colombe, elle se coucha sur le lit et la tunique resta comme collée à son corps sacré, les mains jointes et les yeux fixes sur son divin fils, elle était tout embrasée des feux du divin amour. Lorsque les anges arrivèrent en chantant à ce verset: Surge, propera, amica mea, elle dit à son divin fils les mêmes paroles qu'il avait prononcées, lorsqu'il expira sur la croix: Seigneur je remets mon âme entre vos mains. Et ayant fermée ses yeux très-purs, la sainte Vierge expira. De sorte que la maladie, qui lui ôta la vie, fut l'amour, sans aucune autre cause, ni maladie d'aucune espèce; et cela se fit ainsi: le pouvoir divin suspendit le concours miraculeux, par lequel jusqu'alors elle avait conservé les forces naturelles, pour ne pas être consumée -par l'ardeur surnaturelle et le feu sensible qu'entretenait en elle l'amour divin; mais le miracle ayant cessé, le feu de l'amour produisit son effet, en consumant l'humide radical du coeur et ainsi la vie naturelle du corps eut sa fin. L'âme très-sainte et très-pure passa au trône et à. la droite du fils, environnée d'une gloire immense, et aussitôt les heureux assistants étonnés, commencèrent à entendre que la musique des anges s'éloignait déjà à travers la région de l'air. Le très-saint corps virginal, qui avait été le temple et le sanctuaire de l'Esprit-Saint, resta tout éclatant de lumière et de splendeur, et il répandait un parfum céleste, dont les assistants étaient intérieurement et extérieurement réjouis. Les mille anges gardiens de la grande reine restèrent pour garder l'inestimable trésor. Les apôtres et les disciples furent comme dans le ravissement pendant quelques temps, au milieu des larmes de deuil et de joie, ensuite ils chantèrent des hymnes et des cantiques de louange à la divine mère. Cette glorieuse mort eut lieu un vendredi, trois heures avant le coucher du soleil, le treize du mois d'août; la sainte Vierge était âgée de soixante-dix ans moins vingt-six jours. Voici l'exacte supputation des années de sa vie; à la naissance du Christ, la Vierge-Mère avait quinze ans, trois mois et dix-sept jours. A sa passion et à sa mort, elle avait quarante-huit ans, six mois et dix-sept jours. Il faut ajouter à ceux-ci, vingt-un ans quatre mois et dix-neuf jours, qu'elle survécût à son fils, ce qui donne soixante-dix ans, moins vingt-six jours. (1)

(1) La présence des apôtres à la mort de la sainte Vierge, la venue de Jésus, des anges et des saints, sa mort causée par le seul amour divin, sont des faits confirmés par l'autorité de tous les docteurs. Si on veut bien lire les deux discours de saint Jean Damascène, sur le trépas de la sainte Vierge, on remarquera la plus parfaite identité entre ces deux récits. Ceci confirme l'autorité de ce livre, qui a bien son poids, par l'approbation dont il a été revêtu. Un grand nombre de miracles se firent à cette précieuse mort de la grande reine de l'univers: le soleil s'éclipsa pendant quelques heures, il vint au cénacle un grand nombre d'oiseaux de diverses espèces, et par un chant plaintif comme un murmure, ils déploraient à leur manière la mort de la grande reine, et ils donnaient de tels signes de douleur, qu'ils firent fondre en larmes tout ceux qui les entendirent. Toute la ville s'émut, et comme saisie d'étonnement, tous confessaient lé pouvoir du Tout-Puissant. On amena les malades, qui furent tous guéris aussitôt. Toutes les âmes du purgatoire furent délivrées et allèrent au ciel accompagner leur miséricordieuse mère. Au même instant que mourut la Vierge-Mère, il mourut aussi un homme et deux femmes près du cénacle, mais en état de péché mortel. Lorsque leur cause arriva au tribunal de Jésus-Christ, la miséricordieuse mère demanda grâce et miséricorde pour eux, ils furent rendus à la vie et ayant fait pénitence de leurs péchés, ils persévérèrent dans la grâce et se sauvèrent. (1) Cependant les apôtres avec les disciples versant toujours des larmes, pensèrent à lui donner la sépulture, dans la vallée de Josaphat, où était un sépulcre neuf, préparé par la divine providence; et comme son divin fils avait été embaumé, ils préparèrent des onguents précieux, selon la coutume des juifs, pour en faire de même à l'égard du corps sacré de la divine mère; on chargea de ce soin les deux pieuses filles, qui avaient hérité les deux tuniques de la grande reine. Ces deux pieuses filles étant entrées avec le baume et un linceul neuf pour envelopper le sacré corps, la grande splendeur qui en sortait les arrêta et éblouit leurs yeux, de sorte qu'elles n'eurent pas le courage d'approcher, car elles ne le voyaient pas. Elles sortirent toutes tremblantes et allèrent en donner avis aux apôtres, qui comprirent que ce corps très-pur, qui était l'arche sacrée du nouveau testament ne devait pas être touché ni remué même par des vierges. Saint Pierre et saint Jean entrèrent, ils virent la splendeur et entendirent l'harmonie divine des anges, qui chantaient: Dieu vous salue, Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec vous; et d'autres répondaient: Vierge avant l'enfantement, Vierge dans l'enfantement et Vierge après l'enfantement. Les apôtres, ravis d'admiration à ces merveilles, se mirent à genoux, et ils entendirent une voix qui dit: Qu'on ne découvre, ni ne touche le corps sacré. Ils préparèrent un cercueil et la splendeur céleste ayant un peu diminué, les deux apôtres s'approchèrent, ils attachèrent avec une vénération admirable la tunique sur les pieds divins sans les toucher, et aussitôt ils enlevèrent l'inestimable trésor et le placèrent dans la même position dans le cercueil qu'ils avaient mis sur le lit; ils éprouvèrent que le corps virginal était très-léger, car ils ne ressentirent autre chose que le poids des vêtements, et celui-ci même à peine. Lorsque le corps fut placé dans le cercueil, la splendeur diminua encore davantage, et tous purent voir avec facilité la beauté plus qu'angélique de son visage virginal et de ses mains, le Seigneur le permettant ainsi pour la consolation de tous les fidèles. On mit autour un grand nombre de cierges, qui, quoique allumés pendant trois jours, ne se consumèrent point. Le Tout-Puissant voulut encore que la sépulture et les prodiges, qui l'accompagnèrent, fussent connus de tous; c'est pourquoi il toucha tous les habitants de Jérusalem, et par l'impulsion d'en haut tous les juifs et gentils accoururent à cette merveille, car tous les malades étaient guéris dès qu'ils avaient à peine vu le sacré corps, les obsédés étaient délivrés, les affligés étaient consolés et tous éprouvaient une grande consolation intérieure.

(1) Saint Liguori raconte aussi un fait semblable dans le livre des gloires de Marie: Nous savons bien que quelques chrétiens, d'une foi timide hésiteront; mais saint Liguori a été déclaré docteur, et la sacrée congrégation des rits a approuvé ses ouvrages, comme elle a approuvé celui- ci. Sur cette autorité nous n'hésitons pas. Quant à la délivrance des âmes du purgatoire, il y a eu plusieurs révélations, qu'elles avaient été toutes délivrées au grand Jubilé de l'an 1300. Est-ce que la mort de la sainte Vierge aurait moins d'efficacité qu'un Jubilé; il est sans doute permis de croire que non. Les apôtres mirent sur leurs épaules le cercueil où était le propitiatoire des divines faveurs, ils partirent du cénacle, rangés en procession, et traversant toute la ville, il se dirigèrent vers la vallée de Josaphat, suivis d'une multitude immense, qui exaltait les grandes qualités et les rares vertus de la glorieuse défunte. C'était la procession visible. Parlons d'une autre, plus belle et plus brillante, mais qui n'était pas visible à tous. Au premier rang étaient les mille anges gardiens de la reine, continuant la musique céleste, qui était entendue par les apôtres, les disciples et plusieurs autres fidèles, elle dura trois jours sans interruption , avec une grande douceur et suavité. Il descendit aussi de ciel plusieurs millions d'anges et des légions des esprits les plus élevés, ainsi que les anciens pères et prophètes, et en particulier saint Joachim, sainte Anne, saint Joseph, sainte Elisabeth et Jean-Baptiste, et les autres saints, envoyés du haut du ciel, pour assister à la grande cérémonie. La magnifique procession, visible et invisible, formée des habitants dé la terre et de ceux du ciel, s'avançait à pas lents, tous les assistants versaient des larmes de joie, et étaient vivement touchés, car dans ce jour les trésors de la divine miséricorde étaient ouverts; et non-seulement tous les malades de Jérusalem furent guéris, tous, les énergumènes délivrés, ceux qui étaient dans la tribulation consolés et fortifiés, mais encore un grand nombre d'aveugles gentils et de juifs obstinés furent éclairés et confessèrent la vérité de la foi évangélique, parvinrent à la connaissance de Jésus-Christ, le confessèrent à haute voix, en versant des larmes, pour le vrai Dieu et rédempteur du monde, et demandèrent le saint baptême. De plus les apôtres, en portant le corps très-pur, éprouvèrent des effets admirables de la divine lumière, et une ineffable consolation intérieure. Et toute cette affluence de personnes diverses, par l'odeur qui sortait du corps sacré, par la musique angélique qu'ils entendaient, par les miracles opérés qu'ils voyaient de leurs propres yeux, étaient dans l'étonnement et tous attendris , ils se frappaient la poitrine avec une grande componction, et reconnaissaient la défunte pour véritable mère de Dieu, et Dieu pour grand et tout- puissant dans cette créature.

Ils arrivèrent, enfin au bienheureux tombeau dans la vallée de Josaphat, en chantant des hymnes de louange, saint Pierre et saint Jean, prirent le dépôt sacré et le mirent dans le tombeau , ils le couvrirent d'un linge blanc et très-fin, avec une grande vénération, et fermèrent le sépulcre; les saints retournèrent au ciel, et les mille anges gardiens continuèrent la céleste harmonie. Tout le peuple revint à la ville, les apôtres et les disciples retournèrent au cénacle, pendant une année entière, une agréable odeur se fit sentir dans ce sanctuaire vénérable. Les apôtres réglèrent que deux à deux, et tour à tour, ils veilleraient au saint sépulcre de leur maîtresse, pendant tout le temps qu'on y entendrait la musique céleste, et que les autres s'appliqueraient à catéchiser, à instruire et à baptiser les convertis. Saint Pierre et saint Jean ne s'éloignèrent jamais, et les autres venaient -le visiter de jour et de nuit. Il ne faut pas passer sous silence le concours des créatures privées de raison; les oiseaux chantaient sur le tombeau avec des voix plaintives, les bêtes sorties des forêts, témoignaient par des mouvements plaintifs leur douleur de la grande perte de la Maîtresse de l'univers. (1)

(1) Saint Jean Damascène met aussi la mort de la sainte Vierge dans le cénacle et sa sépulture dans la vallée de Josaphat. Les voyageurs en Orient, Vont visiter le tombeau de la Vierge dans la vallée célèbre, où le fils de Dieu doit juger tous let hommes, li donne presque tous les détails rapportés ici. Quant aux animaux, on sait ce qu'ils étaient pour saint François d'Assise, il n'y a pas lieu donc de douter de ce qui est rapporté ici, d'ailleurs Adam avant sa chute, avait un plein pouvoir sur les animaux qui lui étaient soumis, mais la sainte Vierge est bien au-dessus d'Adam.

CHAPITRE XLVIII.

ENTRÉE TRIOMPHANTE DE L'ÂME AUGUSTE DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE DANS LE CIEL, ASSOMPTION DE SON CORPS. ET SON COURONNEMENT.

A peine l'âme auguste, et qui n'a pas d'égale de la sainte Vierge, fut séparée du corps, Jésus-Christ la reçut à sa droite sur son trône royal, et l'immense procession des anges et des saints se dirigea vers le ciel. Le rédempteur, entra avec sa mère entourée de gloire, sans qu'il lui fût demandé compte dans un jugement particulier, des dons et des faveurs qui lui avaient été accordés, ni de rien autre chose, selon la promesse qui lui fut faite, lorsqu'elle fut exemptée du péché originel, comme élue pour reine, comme privilégiée, et n'ayant pas part à toutes les misères des enfants d'Adam. Dès le premier instant de sa conception, elle fut une aurore claire et resplendissante, environnée des rayons du soleil divin, elle surpassa la clarté des plus ardents séraphins, ensuite elle fut élevée jusqu'à toucher la divinité dans l'union du Verbe avec la sainte humanité, il fut dès lors convenable et nécessaire, que pendant toute l'éternité elle fût sa compagne, et qu'il y eût la plus grande ressemblance possible entre le fils et la mère. Le divin rédempteur la présenta sous ce titre auguste devant le trône divin, et il dit: mon Père éternel, ma chère mère, votre fille bien-aimée, et l'épouse chérie de l'Esprit-Saint, vient recevoir la possession éternelle de la couronne, et de la gloire que nous lui avons préparée en récompense de ses mérites. C'est celle qui est née parmi les enfants d'Adam comme une rose entre les épines, sans tâche, pure et belle, digne d'être reçue dans nos mains; c'est notre élue, notre unique et singulière, à qui nous avons donné la grâce et la participation de nos perfections, au-dessus des règles ordinaires des autres créatures, en elle nous avons déposé le trésor de notre divinité; c'est celle qui a trouvé grâce à nos yeux et en qui nous avons pris nos complaisances. Il est donc juste, que ma mère reçoive la récompense comme mère, et si pendant tout le cours de sa vie, elle a été semblable à moi au degré possible à une pure créature, elle doit encore aussi me ressembler dans la gloire et être sur le trône de notre majesté, afin que là où est la sainteté par essence, soit aussi celle qui en a reçu la plus grande participation.

Le Père et le Saint-Esprit approuvèrent aussitôt ce décret du Verbe incarné, et l'âme très-sainte de Marie, fut élevée à la droite de son fils sur le trône royal de l'auguste Trinité, C'est la plus sublime excellence de notre grande reine, d'être placée sur le trône nième des personnes divines, et d'y avoir le rang et le titre de souveraine Impératrice, lorsque tous les autres habitants du ciel, sont les ministres et les serviteurs du roi Tout-Puissant. Il n'est pas possible d'exprimer l'intensité de la nouvelle joie que reçurent dans ce jour solennel tous les bienheureux, ils entonnèrent de nouveaux cantiques de louanges au Très-Haut, pour la gloire incompréhensible de sa fille, mère et épouse, dans laquelle ils glorifiaient, l'oeuvre de sa main toute-puissante; et quoique le Seigneur ne puisse pas recevoir une nouvelle gloire intérieure, puisqu'elle est infinie de toute éternité; néanmoins les manifestations extérieures de ses complaisances, pour l'heureux accomplissement de ses décrets éternels furent plus grandes dans ce jour, car il sortit une voix du trône divin qui dit: Tous nos désirs et notre divine volonté se sont accomplis dans la gloire de notre bien-aimée, et tout s'est fait à l'entière satisfaction de notre complaisance.

Le troisième jour dans lequel l'âme très-sainte de la divine mère Vierge jouissait de la gloire, le Seigneur- manifesta à toute la cour céleste, que c'était sa volonté que cette grande âme revînt au monde, et reprit son corps, afin d'être de nouveau élevée en corps et en âme au trône divin, sans attendre la résurrection générale des morts. Tous applaudirent au décret divin, le rédempteur lui-même descendit du ciel avec l'âme glorieuse de sa mère à ses côtés, accompagné des saints et des esprits bienheureux; après être arrivés au sépulcre à la vue du temple virginal du Très-Haut,. le Seigneur parla ainsi aux saints: ma mère a été conçue sans aucune tâche de péché, afin que de sa très-pure substance virginale et immaculée, je me revêtisse de l'humanité avec laquelle je suis venu au monde, racheté déjà de l'esclavage auquel il était assujetti, ma chair est la chair de ma mère, elle a encore coopéré avec moi dans l'oeuvre de la rédemption; ainsi je dois la ressusciter comme je me suis ressuscité, et que ce soit au même moment où je ressuscitai moi-même, car je veux la rendre en tout semblable à moi. Tandis que tous les saints applaudissaient par des cantiques de louanges à ce nouveau bienfait, l'âme très-pure de la reine entra aussitôt, par le commandement de son divin fils, dans son corps très-pur, et le ressuscita en le prenant, elle lui communiqua les quatre qualités glorieuses, savoir; la clarté, l'impassibilité, l'agilité et la subtilité, qui correspondent toutes à la gloire de l'âme dont elles tirent leur origine. La sainte Vierge sortit avec ces qualités du sépulcre en corps et en âme, sans remuer la pierre, et ses habits et le linceul restèrent dans le tombeau.

Il est impossible ici de décrire la clarté, la splendeur et l'admirable beauté de sa gloire; il nous suffit de considérer que de même- que la divine mère donna à son très-saint fils la forme humaine dans son sein virginal, et la lui donna très-pure et sans tache pour racheter le monde; ainsi en retour de ce don, le Seigneur lui donna dans cette résurrection et nouvelle génération, une autre gloire et beauté semblable à la sienne; et dans cette correspondance toute mystérieuse et divine chacun fit ce qui lui fut possible, car la Vierge mère engendra Jésus-Christ semblable à elle-même autant qu'il fut possible, et Jésus-Christ la ressuscita en lui communiquant sa gloire, autant qu'elle fut capable d'en recevoir dans sa sphère de pure créature. La magnifique procession partit du sépulcre avec une musique céleste, et s'avança à travers la région de l'air vers le ciel empyrée, au même moment ou le Christ ressuscita, le jour du dimanche qui suivit immédiatement la mort, après minuit; c'est pourquoi tous les apôtres ne purent connaître le miracle, excepté ceux qui étaient présents et veillaient auprès du saint sépulcre. Les saints et les anges entrèrent dans le ciel dans le même ordre qu'ils étaient venus de la terre; après eux venait le glorieux Rédempteur et à sa droite la reine mère avec une parure enrichie d'or et embellie de divers ornements: elle était si admirablement belle que tous les bienheureux en étaient dans l'admiration et l'étonnement, ils se tournaient pour l'admirer et la bénir avec une nouvelle joie et de nouveaux cantiques de louanges. Alors on entendit ces éloges mystérieux que Salomon a écrits: sortez fils de Sion pour voir votre reine que louent les étoiles du matin et que bénissent les enfants du Très-Haut. Qu'elle est celle-ci qui s'élève du désert comme une colonne de fumée, formée de tous les parfums? Qu'elle est celle-ci qui parait comme l'aurore, plus belle que la lune, élue comme le soleil, et terrible comme une armée rangée en bataille? Qu'elle est celle-ci qui vient du désert, appuyée sur son bien-aimé, abondante en délices? Qu'elle est celle-ci dans qui la Divinité même a trouvé plus de complaisances que dans tout le reste des créatures, et qu'il élève au-dessus de toutes, jusqu'au trône de sa lumière inaccessible et de sa Majesté. O merveille qu'on n'avait jamais vue dans les cieux! O prodige de la toute-puissance, qui la glorifie et l'exalte ainsi. La très-sainte Vierge arriva dans cette gloire en corps et en âme au trône royal de la très-sainte Trinité, et les trois personnes divines la reçurent avec un embrassement éternellement in- dissoluble, elle fut comme absorbée entre les personnes divines et comme submergée dans cette mer infinie de l'abîme de la Divinité, et tous les saints remplis d'admiration et d'une nouvelle joie extraordinaire, entendirent ces paroles du Père éternel: Notre fille Marie n été élue et choisie par notre éternelle volonté, comme unique et singulière parmi toutes les créatures, et elle est aussi la première pour nos délices, jamais elle n'a dégénéré de son titre de fille, qui lui a été donné dès l'éternité dans notre entendement divin; c'est pourquoi elle a droit sur notre royaume éternel, dont elle doit être reconnue et couronnée la légitime Souveraine et Reine. Le Verbe incarné dit aussi; A ma mère véritable et naturelle, appartiennent toutes les créatures que j'ai créées et rachetées, et tout ce dont je suis roi, elle doit en être aussi la souveraine reine légitime. Et l'Esprit-Saint dit: par le titre de mon épouse unique et élue, auquel elle a correspondu avec une parfaite fidélité, la couronne de reine lui est due aussi pour toute l'éternité.

Après ces paroles, les trois personnes divines placèrent sur la tête auguste de la très-sainte Vierge, une couronne de gloire, d'une splendeur si belle, qu'il ne s'en était jamais vue auparavant, et qu'il ne s'en verra donner à l'avenir à une pure créature. Dans le même instant, il sortit une voix du trône, qui dit: Notre amie et élue entre toutes les créatures, notre royaume vous appartient, vous êtes souveraine, reine, maîtresse de tous les Séraphins et de tous les anges nos ministres, et de l'universalité de toutes nos créatures; veillez donc, commandez et régnez heureusement sur elles; dans notre suprême Consistoire nous vous donnons l'empire, la majesté et le domaine, parce que, quoique remplie de grâce au-dessus de toutes les créatures, vous vous êtes humiliée dans votre esprit, et vous vous êtes toujours mise au dernier rang; recevez maintenant le rang sublime qui vous est du, et participez au souverain domaine que notre divinité possède sur tout ce que. notre toute-puissance a créé. De votre trône royal vous commanderez jusqu'au centre de la terre, et par le pouvoir que nous vous donnons, vous tiendrez l'enfer assujetti; tous vous craindront et vous obéiront jusque dans les cavernes infernales; vous règnerez sur la terre, et sur tous les éléments, nous mettons dans vos mains les vertus et les effets de toutes les causes naturelles, et leur conservation, afin que vous disposiez des influences du ciel et des fruits de la terre, de tout ce qui existe et existera; distribuez-le selon votre bon plaisir, et notre volonté sera toujours prompte à accomplir la vôtre. Vous êtes impératrice et reine de l'Eglise militante, sa protectrice, son avocate, sa mère et sa maîtresse. Vous serez l'amie, la patronne, la protectrice de tous les justes nos amis, vous les consolerez, les Fortifierez et les remplirez de biens, selon qu'ils s'en rendront dignes par leur dévotion. Vous êtes la Dépositaire de toutes nos richesses divines, la Trésorière de nos biens. Nous laissons dans vos mains les secours et les faveurs de noire grâce, afin que vous les dispensiez; car nous ne voulons rien accorder au monde, qui ne passe par vos mains, et nous ne voulons rien refuser, de ce que vous accorderez. La grâce sera répandue sur vos livres, pour tout ce que vous, voudrez et ordonnerez dans le ciel et sur la terre; les anges et les hommes vous obéiront en tout lieu, parce que tout ce qui est à nous vous appartient, de même que vous nous avez toujours appartenue, et vous règnerez avec nous pour l'éternité.

Pour l'exécution de ce décret éternel le Tout-Puissant ordonna à tous les courtisans du ciel de lui prêter tous obéissance et hommage, en la reconnaissant pour leur reine, et tous promptement obéissants se reconnurent ses serviteurs et ses vassaux, et la vénérèrent de la même manière, avec le culte, la crainte filiale, et la respectueuse vénération avec 1aquelle ils adorent le Seigneur; ainsi ils donnèrent relativement les mêmes devoirs à la divine mère; et ce petit nombre de saints qui étaient au ciel en corps et en âme, se prosternèrent et vénérèrent leur Reine par des hommages corporels. L'Impératrice des cieux fut ainsi glorifiée et couronnée au milieu de ces magnifiques démonstrations, qui furent une grande gloire pour elle et une nouvelle joie pour les bienheureux et un sujet de complaisance pour la très-sainte Trinité; elle donna une nouvelle gloire à toute la céleste Jérusalem, principalement à saint Joseph, son chaste époux, à ses saints parents et tous ceux qui lui étaient unis; mais pardessus tout à ses mille anges gardiens. Les saints virent dans son coeur très-pur, comme un petit -globe d'une splendeur et d'une beauté singulière qui leur causa et leur causera sans cesse une admiration et une joie spéciale; c'est la récompense et le témoignage de ce qu'elle avait gardé d'une manière digne dans son sein, le Verbe incarné sous les espèces sacramentelles et l'avait reçu dignement avec pureté et sainteté, sans aucune faute, ni une ombre même d'imperfection, mais avec une grande dévotion, amour et culte. Pour les autres récompenses correspondantes à ses héroïques et singulières vertus, il est impossible d'en dire quelque chose qui puisse les faire connaître d'une manière convenable. Nous dirons seulement que cette résurrection eut lieu le quinze août, son corps très-pur, demeura pendant trente-six heures dans le sépulcre, comme celui de son très-saint fils.

Les apôtres et les disciples sans pouvoir essuyer leurs larmes, assistaient jour et nuit au sépulcre, en particulier saint Pierre et saint Jean, et remarquant que la musique céleste avait cessée et qu'ils ne l'entendaient plus, ils comprirent que la divine mère était ressuscitée et était transportée au ciel en corps et en âme, comme son divin fils, alors ils se rassemblèrent tous avec les disciples et les autres fidèles, ils ouvrirent le sépulcre et le trouvèrent vide: saint Pierre prit là tunique et le linceul et les vénéra, ce que firent aussi tous les autres, ils furent ainsi pleinement assurés de la résurrection et de l'assomption de la sainte Vierge au ciel; ils célébrèrent cette merveille avec des larmes de joie et de douleur, en chantant des psaumes, et des hymnes de louanges et de gloire au Seigneur et sa divine mère, mais suspendus entre l'étonnement et la tendresse, ils regardaient le sépulcre s'en pouvoir s'en éloigner, lorsqu'un ange du Seigneur descendit du ciel, et leur apparut en leur disant: hommes de Galilée, de quoi êtes-vous étonnés? Votre reine et la nôtre vit déjà en corps et en âme dans le ciel, où elle règne pour toujours avec le Christ; elle m'envoie afin que je vous confirme cette vérité et que je vous dise de sa part, qu'elle vous recommande de nouveau l'Église, la conversion des âmes, et la propagation de l'évangile de Jésus-Christ au ministère duquel elle veut que vous reveniez aussitôt, comme il vous a été ordonné, et elle prendra soin de vous du haut du ciel. Les apôtres furent ranimés par cet avis, et dans leurs courses apostoliques, ils reconnurent ensuite très-souvent sa toute-puissante protection, en particulier à l'heure de leur martyre, car elle leur apparut à tous, les assista comme une mère miséricordieuse, et ensuite elle présenta leurs âmes au Seigneur, comme elle le fera aussi fidèlement pour tous ceux, qui la serviront avec une véritable ferveur dans la vie et l'invoqueront à la mort.



Vie divine de la très-sainte Vierge Marie - L'ARCHANGE GABRIEL ANNONCE A LA SAINTE VIERGE SON HEUREUSE MORT. MERVEILLES QUI ARRIVENT.