1880 Arcanum Divinae Sapientiae
10 février 1880
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Le mystérieux dessein de la sagesse divine que Jésus- Christ, le Sauveur des hommes, devait accomplir sur cette terre, était que le monde, atteint de décadence, fût restauré divinement par Lui et en Lui. C est ce que l'apôtre saint Paul exprimait par une grande et magnifique parole, lorsqu'il écrivait aux Ephésiens : "Le secret de sa volonté.. c'est de restaurer dans le Christ toutes les choses qui sont au ciel et sur la terre" Ep 1,9-10. Et, en effet, lorsque le Christ Notre Seigneur voulut accomplir la mission qu'il avait reçue de son Père, il imprima aussitôt à toutes choses une forme et un aspect nouveaux, et il répara ce que le temps avait fait déchoir. Il guérit les blessures dont la nature humaine souffrait par suite de la faute de notre premier père ; il rétablit en grâce avec Dieu l'homme devenu par nature enfant de colère ; il conduisit à la lumière de la vérité les esprits fatigués par de longues erreurs ; il fit renaître à toutes les vertus des coeurs usés par toutes sortes de vices ; et après avoir rendu aux hommes l'héritage du bonheur éternel, il leur donna l'espérance certaine que leur corps même, mortel et périssable, participerait un jour à l'immortalité et à la gloire du ciel.
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Et, afin que ces insignes bienfaits aient sur la terre une durée égale à celle du genre humain, il institua l'Eglise dispensatrice de ses dons, et il pourvut à l'avenir en lui donnant la mission de remettre l'ordre dans la société humaine là où il serait troublé, et de relever ce qui viendrait à s'affaisser.
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Bien que cette restauration divine, dont Nous avons parlé, eût pour objet principal et direct les ,hommes constitués dans l'ordre surnaturel de la grâce, néanmoins ses fruits précieux et salutaires profitèrent largement aussi à l'ordre naturel.
C'est pourquoi les hommes pris individuellement, aussi bien que le genre humain tout entier en reçurent un notable perfectionnement ; car l'ordre de choses fondé par le Christ une fois établi, chaque homme put heureusement contracter la pensée et l'habitude de se confier en la Providence paternelle de Dieu et s'appuyer sur l'espérance du secours d'en haut avec la certitude de n'être point déçu ; de la naissent le courage, ]a modération, la constance, l'égalité et la paix de l'âme, et enfin beaucoup d'éminentes vertus et de belles actions.
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Quant à la société domestique et à la société civile, il est merveilleux de voir à quel point elles gagnèrent en dignité, en stabilité, en honneur. L'autorité des princes devint plus équitable et plus sainte, la soumission des peuples plus volontaire et plus facile ; l'union des citoyens plus étroite, le droit de propriété mieux garanti. La religion chrétienne sut veiller et pourvoir si complètement à tout ce qui est utile aux hommes vivant en société, qu'il semble, au témoignage de saint Augustin, qu'elle n'aurait pu faire davantage pour rendre la vie agréable et heureuse, lors même qu'elle n'aurait eu d'autre but que de procurer et d'accroître les avantages et les biens de cette vie mortelle.
Mais Notre intention n'est pas de traiter en détail ce vaste sujet : Nous voulons seulement parler de la société domestique dont le mariage est le principe et la base.
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Tout le monde sait, Vénérables Frères, quelle est la véritable origine du mariage. - Quoique les détracteurs de la foi chrétienne refusent d'admettre sur cette matière la doctrine constante de l'Eglise et s'efforcent depuis longtemps déjà de détruire la tradition de tous les peuples et de tous les siècles, ils n'ont pu toutefois ni éteindre, ni affaiblir la force et l'éclat de la Vérité. Nous rappelons ce qui est connu de tous, et ce qui ne saurait être révoqué en doute : le sixième jour de la création, Dieu ayant formé l'homme du limon de la terre, et ayant soufflé sur sa face le souffle de vie, voulut lui donner une compagne, qu'il tira merveilleusement du flanc de l'homme lui-même, pendant qu'il dormait Gn 2,18-24. En cela, Dieu voulut, providentiellement, que ce couple d'époux fût le principe naturel de tous les hommes et la souche d'où le genre humain devait sortir, et, par une série non interrompue de générations, se conserver dans tous les temps.
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Et afin que cette union de l'homme et de la femme fût mieux en harmonie avec les desseins très sages de Dieu, elle reçut et, à partir de ce jour, porta au front, comme une empreinte et comme un sceau, deux qualités principales, nobles entre toutes, savoir l'unité et la perpétuité - C'est ce que nous voyons déclaré et ouvertement confirmé dans l'Evangile par la divine autorité de Jésus-Christ, affirmant aux Juifs et aux Apôtres que le mariage, d'après son institution même, ne doit avoir lieu qu'entre deux personnes, un seul homme et une seule femme ; que des deux il doit se faire comme une seule chair ; et que le lien nuptial, de par la volonté de Dieu, est si intimement et si fortement noué ,qu'il n'est au pouvoir d'aucun homme de le délier ou de le rompre. "L'homme s'attachera à son épouse, et ils seront deux en une seule chair. C'est pourquoi ils ne sont déjà plus deux, mais une seule chair. Que l'homme ne sépare donc point ce que Dieu a uni" Mt 19,5-6.
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Mais cette forme du mariage, si excellente et si haute, commença peu à peu à se corrompre et à disparaître chez les peuples païens, et dans la race même des Hébreux elle sembla se voiler et s'obscurcir.
L'usage général s'était, en effet, introduit chez eux de permettre à un homme d'avoir plusieurs femmes ; et, plus tard, lorsque Moïse, à cause de la dureté de leur coeur Mt 19,8-9, eut l'indulgence d'autoriser la répudiation des épouses, la voie fut ouverte au divorce.
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Quant à la société païenne, on peut à peine croire à quel degré de corruption et de déformation le mariage y descendit, livré qu'il était aux flots des erreurs de chaque peuple et des plus honteuses passions. On vit toutes les nations oublier plus ou moins la notion et la véritable origine du mariage ; et, en conséquence, les mariages furent réglés par des lois de toute sorte, qui paraissaient dictées par des raisons d'Etat, au lieu d'être conformes aux prescriptions de la nature. Des rites solennels, inventés suivant le bon plaisir des législateurs, faisaient qu'une femme avait le titre honoré d'épouse ou le titre honteux de concubine ; bien plus, on était venu à ce point que l'autorité des chefs d'Etat décidait quels étaient ceux à qui il était permis de contracter mariage et quels étaient ceux qui ne le pouvaient pas, ces prescriptions législatives étant en grande partie contraires à l'équité ou même absolument injustes. En outre, la polygamie, la polyandrie et le divorce furent cause d'un extrême relâchement dans le lien conjugal.
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Une profonde perturbation s'introduisit aussi dans les droits et les devoirs réciproques des époux, le mari ayant acquis la propriété de l'épouse, et la répudiant souvent sans aucun juste motif, tandis qu'il avait le droit de donner libre cours à ses passions effrénées "en fréquentant les lupanars et les femmes esclaves, comme si c'était la dignité et non pas la volonté qui fait la faute" (St Jérôme, let. 77 à Oceanus). Au milieu de ces dérèglements de l'homme, rien n'était plus misérable que la condition de l'épouse, dont l'avilissement était si grand qu'elle était presque considérée comme un instrument acheté pour satisfaire la passion ou pour donner une postérité. On n'eut même pas honte d'établir un trafic (cf. Arnobe, Adv. Gent. 4), à l'instar de toutes les choses vénales, sur les femmes à marier ; en même temps, on donnait au père et au mari le pouvoir d'infliger à la femme le dernier supplice.
La famille qui naissait de pareils mariages devenait nécessairement la propriété de l'Etat ou le domaine du père de famille (cf. Denys d'Halicarn, liv. II, ch. 26-27), à qui les lois permettaient, non seulement de faire et de défaire à son gré les mariages de ses enfants, mais aussi d'exercer sur eux le droit barbare de vie et de mort.
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Mais tous ces vices et toutes ces hontes dont les mariages étaient souillés trouvèrent enfin leur relèvement et leur remède divins ; car Notre-Seigneur Jésus-Christ, rétablissant la dignité humaine et perfectionnant les lois mosaïques, fit du mariage un des objets importants de sa sollicitude. En effet, il ennoblit par Sa présence les noces de Cana, en Galilée, et il les rendit mémorables Jn 2,1 par le premier de ses miracles. En vertu de ces faits, et à partir de ce jour, il semble que le mariage ait commencé à recevoir un caractère nouveau de sainteté.
Ensuite, le Sauveur rappela le mariage à la noblesse de sa première origine en réprouvant les moeurs des Juifs au sujet de la pluralité des épouses et de l'usage de la répudiation, et surtout en proclamant le précepte que personne n'osât séparer ce que Dieu lui-même avait uni par un lien perpétuel. C'est pourquoi, après avoir résolu les difficultés qui provenaient des institutions mosaïques, il formula, en qualité de législateur suprême, cette règle sur le mariage : "Je vous dis que quiconque renverra son épouse, hors le cas de fornication, et en prendra une autre, est adultère, et quiconque prendra celle qui aura été renvoyée est adultère" Mt 19,9.
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Mais ce que l'autorité de Dieu avait décrété et établi au sujet du mariage les Apôtres, messagers des lois divines, le confièrent plus complètement et plus explicitement à la tradition et à l'Ecriture. C'est le lieu de rappeler ce que, à la suite des Apôtres, "les saints Pères, les Conciles et la tradition de l'Eglise universelle ont toujours enseigné" DS 1800 savoir que le Christ Notre-Seigneur a élevé le mariage à la dignité de sacrement ; qu'il a voulu en même temps que les époux, assistés et fortifiés par la grâce céleste, fruit de ses mérites, puisent la sainteté dans le mariage même ; que dans cette union, devenue admirablement conforme au modèle de son union mystique avec l'Eglise, il a rendu plus parfait l'amour naturel DS 1799 et resserré plus étroitement encore par le lien de la divine charité, la société, indivisible par nature, de l'homme et de la femme. "Epoux, disait saint Paul aux Ephésiens, aimez vos épouses, comme le Christ aima son Eglise et se sacrifia pour elle afin de la sanctifier... Les maris doivent aimer leurs femmes comme leur propre corps... Car personne n'a jamais haï sa propre chair; mais chacun la nourrit et en prend soin, comme le Christ le fait pour l'Eglise ; parce que nous sommes les membres de son corps, formés de sa chair et de ses os. C'est pourquoi l'homme laissera son père et sa mère et s'attachera à son épouse, et ils seront deux en une seule chair. Ce sacrement est grand ; je dis dans le Christ et dans l'Eglise " Ep 5,25-32.
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De même, nous avons appris par les Apôtres que le Christ a voulu que l'unité et la stabilité perpétuelle du mariage, exigées par l'origine même de cette institution, fussent saintes et à jamais inviolables. "A ceux qui sont unis par le mariage", dit le même apôtre saint Paul, "je prescris, ou plutôt c'est le Seigneur lui-même, que la femme ne se sépare point de son mari ; que si elle s'en sépare, elle reste sans se marier, ou qu'elle se réconcilie avec son mari" 1Co 7,10-11 Et encore : "La femme est enchaînée à la loi tant que vit son mari ; que si son mari vient à mourir, elle est libre" 1Co 7,39
Pour tous ces motifs, le mariage est devenu "un grand sacrement Ep 5,32 honorable en tout" He 13,4, pieux, chaste, digne d'un grand respect, en raison des choses sublimes dont il est la signification et l'image.
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Mais la perfection et la plénitude du mariage chrétien n'est pas contenue tout entière dans ce qui vient d'être rappelé. Car, d'abord un but bien plus noble et plus élevé qu'auparavant fut proposé à la société conjugale, puisque la fin qui lui fut assignée ne fut pas seulement de propager le genre humain, mais de donner à l'Eglise des enfants, "concitoyens des Saints et familiers de Dieu" Ep 2,19, c'est-à-dire de faire qu'"un peuple fut engendré et élevé pour le culte et la religion du vrai Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ" (Catech romain ch. 8).
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En second lieu, les devoirs de chacun des époux furent nettement définis et leurs droits exactement déterminés. C'est une obligation pour eux de se souvenir toujours qu'ils se doivent la plus grande affection, une constante fidélité et une assistance réciproque, dévouée et assidue.
L'homme est le chef de la famille et la tête de la femme ; celle-ci cependant parce qu'elle est la chair de sa chair et l'os de ses os, doit se soumettre et obéir à son mari, non à la façon d'une esclave mais d'une compagne, en sorte que l'obéissance qu'elle lui rend Ne soit ni sans dignité ni sans honneur. Et dans celui qui est le chef, aussi bien que dans celle qui obéit, tous deux étant l'image, l'un du Christ, l'autre de l'Eglise, il faut que ce soit toujours la charité divine qui règle le devoir. Car "l'homme est le chef de la femme, comme le Christ est le Chef de l'Eglise... Mais Comme l'Eglise est soumise au Christ, ainsi les femmes doivent être soumises à leur mari en toutes choses" Ep 5,23-24.
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Pour ce qui est des enfants, la conscience leur fait un devoir de se soumettre et d'obéir à leurs parents, et de les honorer ; et, en retour, il faut que les parents appliquent toutes leurs pensées et tous leurs soins à protéger leurs enfants, et surtout à les élever dans la vertu : "Pères, élevez vos enfants dans la discipline et la correction du Seigneur" Ep 6,4. D'où l'on comprend que les devoirs des époux sont nombreux et graves ; mais ces devoirs, par la vertu que donne le sacrement, deviennent pour les bons époux, non seulement supportables mais doux à accomplir.
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Le Christ, ayant relevé le mariage jusqu'à une si haute perfection, en remit et confia à l'Eglise toute la discipline. Et ce pouvoir sur les mariages des chrétiens, l'Eglise l'a exercé en tous temps et en tous lieux, et elle l'a fait de façon à montrer que ce pouvoir lui appartenait en propre et qu'il ne tirait point son origine d'une concession des hommes, mais qu'il lui avait été divinement accordé par la volonté de son Fondateur. - Combien de vigilance et de soins l'Eglise a déployés pour préserver la sainteté du mariage et pour maintenir intact son véritable caractère, c'est là un fait trop connu pour qu'il soit besoin de l'établir. Nous savons, en effet, que le Concile de Jérusalem flétrit Les amours dissolues et libres Ac 15,29 ; que Saint Paul condamna, par son autorité, comme coupable d'inceste, un citoyen de Corinthe 1Co 5,5 ; que l'Eglise a toujours repoussé et rejeté avec la même énergie les tentatives de tout ceux qui ont attaqué le mariage chrétien, tel que les Gnostiques, les Manichéens, les Montanistes, dans les premiers temps du christianisme, et de nos jours les Mormons, les Saint-Simoniens, les Phalanstériens, les Communistes.
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Ainsi encore le droit au mariage a été équitablement établi et rendu égal pour tous par la suppression de l'ancienne distinction entre les esclaves et les hommes libres (cf. de conjug. Serv. C. 1) ; l'égalité des droits a été reconnue entre l'homme et la femme ; car, ainsi que le disait saint Jérôme, "parmi nous, ce qui n'est pas permis aux femmes est également interdit aux hommes, et dans une même condition, ils subissent le même joug " (Let 77 à Oceanus) ; et ces mêmes droits se sont trouvés solidement confirmés par le fait de la réciprocité de l'affection et des devoirs ; la dignité de la femme a été affirmée et revendiquée ; il a été défendu au mari de punir de mort sa femme adultère et de violer la foi jurée (Can Interfectores ; Can. Admonere Q. 2), en se livrant à l'impudicité et aux passions.
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C'est aussi un fait important que l'Eglise ait limité, autant qu'il fallait, le pouvoir du père de famille, pour que la juste liberté des fils et des filles qui veulent se marier ne fût en rien diminuée (c. 30, q. 3 ; c. III de cognat. Spirit. ); qu'elle ait déclaré la nullité des mariages entre parents et alliés à certains degrés (c. 8 de consang. et affin. ; c. 1 de cognat legali), afin que l'amour surnaturel des époux se répandît dans un plus vaste champ ; qu'elle ait veillé à écarter du mariage, autant qu'elle le pouvait l'erreur, la violence et la fraude (c. de sponsal ; c. 13, 15, 29, de sponsal. et matrim.) ; qu'elle ait voulu assurer et maintenir intactes la sainte pudeur de la couche nuptiale, la sûreté des personnes (c. 1 de convers. Infidelium ; c. 5,6 de eo qui duxit in matrim.), l'honneur des mariages (c. 3, 5, 8, de sponsal. et matrim.) et la fidélité aux serments DS 1814. Enfin, elle a entouré cette institution divine de tant de lois fortes et prévoyantes, qu'il ne peut y avoir aucun juge équitable qui ne comprenne que, en cette matière aussi du mariage, le meilleur gardien et le plus ferme défenseur de l'humanité a été l'Eglise, dont la sagesse a triomphé du cours du temps, de l'injustice des hommes et des innombrables vicissitudes publiques.
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Mais, par suite des efforts de l'ennemi du genre humain, il se trouve des hommes qui, répudiant avec ingratitude les autres bienfaits de la Rédemption, ne craignent pas non plus de mépriser ou de méconnaître complètement la restauration qui a été opérée et la perfection qui a été introduite dans le mariage. Certains anciens commirent la faute de combattre le mariage en quelques parties de cette institution; mais c'est un crime bien plus pernicieux que de vouloir, comme on le fait de nos jours, pervertir absolument la nature même du mariage, qui est complète et parfaite sous tous les rapports et en toutes ses parties.
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La cause principale de ce fait est que beaucoup d'esprits, imbus des opinions d'une fausse philosophie et gâtés par des habitudes vicieuses, ne supportent rien plus impatiemment que la soumission et l'obéissance, et qu'ils travaillent de toutes leurs forces à amener, Non seulement l'individu, mais aussi la famille et la société humaine tout entière, à braver orgueilleusement la loi de Dieu.
Or, comme la source et l'origine de la famille et de toute la société humaine se trouvent dans le mariage, ces hommes ne peuvent souffrir qu'il soit soumis à la juridiction de l'Eglise ; ils font plus : ils s'efforcent de le dépouiller de tout caractère de sainteté et de le faire entrer dans la petite sphère des institutions humaines, qui sont régies et administrées par le droit civil des peuples.
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D'où il devait résulter nécessairement qu'ils attribueraient aux chefs d'Etat tout droit sur le mariage, refusant d'en reconnaître aucun à l'Eglise et prétendant que, si parfois l'Eglise a exercé quelque pouvoir de ce genre, c'était par une concession des princes ou une usurpation. Mais il est temps, disent-ils, que ceux qui sont à la tête de l'Etat reprennent énergiquement possession de leurs droits et s'appliquent à régler par leur propre volonté tout ce qui regarde le mariage. De là l'origine de ce qu'on appelle le mariage civil ; de là ces lois promulguées sur les causes qui forment empêchement aux mariage : de là ces sentences judiciaires sur les contrats conjugaux, pour décider s'ils sont valides ou non. Enfin, nous voyons qu'en cette matière, tout pouvoir de régler et de juger a été si soigneusement enlevé à l'Eglise catholique, qu'on ne tient plus aucun compte de son autorité divine, ni des lois si sages sous l'empire desquelles ont vécu pendant si longtemps les peuples, qui ont reçu avec le christianisme la lumière de la civilisation.
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Cependant, les philosophes naturalistes et tous ceux qui professent le culte du Dieu-Etat, et qui, par ces mauvaises doctrines, s'efforcent de semer le trouble chez tous les peuples, ne peuvent échapper au reproche de fausseté.
En effet, puisque Dieu lui-même a institué le mariage, et puisque le mariage a été dès le principe comme une image de l'Incarnation du Verbe, il s'ensuit qu'il y a dans le mariage quelque chose de sacré et de religieux, non point surajouté, mais inné, qui ne lui vient pas des hommes, mais de la nature elle-même. C'est pour cela qu'Innocent III (c. 8 de divort.) et Honorius III (c. 11 de transact.), Nos Prédécesseurs, ont pu affirmer sans témérité et avec raison que le sacrement du mariage existe parmi les fidèles et parmi les infidèles. Nous en attestons les monuments de l'antiquité, les usages et les institutions des peuples qui ont été les plus civilisés et qui ont été renommés par la connaissance plus parfaite du droit et de l'équité ; il est certain que, dans l'esprit de tous ces peuples, par suite d'une disposition habituelle et antérieure, chaque fois qu'ils pensaient au mariage, l'idée s'en présentait toujours sous la forme d'une institution liée à la religion et aux choses saintes. Aussi, parmi eux, les mariages ne se célébraient guère sans des cérémonies religieuses, l'autorité des Pontifes et le ministère des prêtres, tant avaient de force sur des esprits, même dépourvus de la doctrine céleste, la nature des choses, le souvenir des origines, la conscience du genre humain ! Le mariage étant donc sacré par son essence, par sa nature, par lui-même, il est raisonnable qu'il soit réglé et gouverné, Non point par le pouvoir des princes, mais par l'autorité divine de l'Eglise qui, seule, a le magistère des choses sacrées.
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Il faut considérer ensuite la dignité du sacrement, qui, en venant s'ajouter au mariage des chrétiens, l'a rendu noble entre tous; Mais, de par la volonté du Christ, c'est l'Eglise seule qui peut et qui doit décider et ordonner tout ce qui regarde les sacrements, à tel point qu'il est absurde de vouloir lui enlever même une parcelle de ce pouvoir pour la transférer à la puissance civile.
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Enfin, le témoignage de l'histoire est ici d'un grand poids et d'une grande force car il nous démontre, de la façon la plus évidente, que ce pouvoir législatif et judiciaire dont Nous parlons a été librement et constamment exercé par l'Eglise, même dans les temps où il serait ridicule et absurde de supposer que les chefs de l'Etat eussent accordé en cela à l'Eglise leur assentiment ou leur indulgence En effet, quelle supposition incroyable et insensée que d'imaginer que le Christ Notre-Seigneur eut reçu du procureur de la province ou du prince des Juifs, une délégation de pouvoir pour condamner l'usage invétéré de la polygamie et de la répudiation ou que Saint Paul, en proclamant que les divorces et les mariages incestueux n'étaient pas permis, ait agi par concession ou par délégation tacite de Tibère, de Caligula, de Neron ! Il sera impossible de persuader a un homme sain d'esprit, que tant de lois de l'Eglise sur la sainteté et la stabilité du lien conjugal (Can des Apot. 16-18), sur les mariages entre esclaves et personnes libres (cf. Philosophum), aient été promulguées avec l'assentiment des empereurs romains, très hostiles au nom chrétien, et qui n'avaient rien de plus à coeur Que d'étouffer par la violence et par les supplices la religion naissante du Christ ; surtout si l'on considère que ce droit exercé par l'Eglise était parfois tellement en désaccord avec le droit civil, que Ignace, martyr (Ep à Polycarpe), Justin (Apolog. Maj. N. 15), Athénagore (Legat pro Christian. N. 32,33) et Tertullien (De coron. milit. C. 13) dénonçaient publiquement comme illicites et adultères certains mariages, qui étaient cependant favorisés par les lois impériales.
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Après que le pouvoir suprême fut tombé entre les mains d'empereurs chrétiens, les Pontifes et les Evêques réunis dans les Conciles continuèrent, avec la même liberté et avec la même conscience de leur droit, à prescrire et à défendre, au sujet du mariage, ce qu'ils jugeaient utile et opportun, quelque désaccord qu'il parût y avoir entre leurs décrets et les lois civiles. Personne n'ignore combien de décisions, qui souvent s'écartaient beaucoup des lois impériales, furent prises par les pasteurs de l'Eglise au sujet des empêchements de mariage résultant des voeux, de la différence du culte, de la parenté, de certains crimes, de l'honnêteté publique, dans les Conciles de Grenade (Conc. Hispan. Can. 13, 15-17), d'Arles (Harduin, Act. Conc. T. I, can 11), de Chalcédoine (Harduin, Act. Conc. T. I, can 16), dans le deuxième Concile de Milève (Harduin, Act. Conc. T. I, can 17), et bien d'autres.
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Les princes, loin de s'attribuer aucun pouvoir sur les mariages chrétiens, reconnurent plutôt et déclarèrent que ce pouvoir tout entier appartient à l'Eglise. En effet, Honorius, Théodose le Jeune, Justinien (novel. 137) n'hésitèrent pas à avouer qu'en ce qui concerne le mariage il ne leur était permis que d'être les gardiens et les défenseurs des sacrés canons. Et, s'ils publièrent quelques édits relatifs aux empêchements du mariage, ils n'hésitèrent pas à déclarer qu'ils agissaient avec la permission et l'autorisation de l'Eglise (FEJER, Matrim ex instit. Christ.), dont ils avaient coutume d'invoquer et d'accepter respectueusement le jugement dans les controverses touchant la légitimité des naissances (c. 3 de ordin. Cognit.), les divorces (c. 3 de divort.) et enfin tout ce qui se rapporte au lien conjugal (c. 13 qui filii sint legit.).
C'est donc à bon droit que le Concile de Trente a défini qu'il est au pouvoir de l'Eglise "d'établir les empêchements dirimants du mariage" DS 1803-1804, et que "les causes matrimoniales appartiennent aux juges ecclésiastiques" DS 1812
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Et que personne ne se laisse émouvoir par la distinction que les légistes régaliens proclament avec tant d'ardeur, entre le contrat de mariage et le sacrement, dans le but de réserver le sacrement à l'Eglise et de livrer le contrat au pouvoir et à l'arbitraire des princes. Cette distinction qui est plutôt une rupture ne peut, en effet être admise puisqu'il est reconnu que, dans le mariage chrétien le contrat ne peut être dissocié du sacrement et que par conséquent il ne saurait y avoir dans le mariage de contrat vrai et légitime sans qu'il y ait par cela même sacrement. Car le Christ Notre-Seigneur a élevé le mariage à la dignité de sacrement, et le mariage, c'est le contrat même, s'il est fait selon le droit.
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En outre le mariage est un sacrement , précisément parce qu'il est un signe sacré qui produit la grâce et qui est l'image de l'union mystique du Christ avec l'Eglise. Mais la forme et l'image de cette union consistent précisément dans le lien intime qui unit entre eux l'homme et la femme et qui n'est autre chose que le mariage même. D'où il résulte que, parmi les chrétiens, tout mariage légitime est sacrement en lui-même et par lui-même, et que rien n'est plus éloigné de la vérité que de considérer le sacrement comme un ornement surajouté, ou comme une propriété extrinsèque, que la volonté de l'homme peut en conséquence disjoindre et séparer du contrat.
Ainsi, ni le raisonnement, ni les témoignages historiques ne montrent que le pouvoir sur les mariages des chrétiens soit attribué justement aux chefs d'Etat. Et si, dans cette matière, le droit d'autrui a été violé, personne, certainement, ne pourrait dire que c'est l'Eglise qui l'a violé.
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Plût à Dieu que les doctrines des philosophes naturalistes, qui sont pleines de fausseté et d'injustice, ne fussent pas en même temps fécondes en malheurs et en ruines ! Mais il est facile de voir combien de maux a produits cette profanation du mariage, et de combien de maux elle menace dans l'avenir la Société tout entière.
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En effet une loi a été divinement établie dès le principe, suivant laquelle toutes les institutions qui émanent de Dieu et de la nature sont d'autant plus utiles et salutaires qu'elles restent plus immuablement dans l'intégrité de leur état primitif ; car Dieu, créateur de toutes choses, a bien su ce qui convenait à l'établissement et à la conservation de chacune d'elles et il les a ordonnées toutes par son intelligence et par sa volonté, de telle sorte que chacune puisse atteindre convenablement son but. Mais si la témérité ou la malice des hommes veut changer et troubler cet ordre admirable de la Providence alors les institutions les plus sagement et les plus utilement établies commencent à devenir nuisibles ou cessent d'être utiles, soit que, par suite du changement qu'elles ont subi, elles aient perdu leur efficacité pour le bien, soit que Dieu lui-même ait préféré punir ainsi l'orgueil et l'audace des mortels
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Or, ceux qui nient que le mariage soit sacré, et qui, après l'avoir dépouillé de toute sainteté, le rejettent au nombre des choses profanes, renversent les fondements mêmes de la nature, contredisent aux desseins de la divine Providence et démolissent autant qu'il dépend d'eux, ce qui a été établi par Dieu. C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner que ces tentatives folles et impies engendrent tant de maux si funestes au salut des âmes et à l'existence de la société.
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Si l'on considère la fin de cette divine institution du mariage, il est évident que Dieu a voulu mettre en lui la source la plus féconde du bien et du salut public. En effet cette institution n'a pas seulement pour objet la propagation du genre humain, mais elle rend meilleure et plus heureuse la vie des époux, et cela de plusieurs manières : par la mutuelle assistance qui sert à alléger les nécessités de la vie, par l'amour constant et fidèle, par la communauté de tous les biens, par la grâce céleste que produit le sacrement.
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Le mariage peut aussi beaucoup pour le bien des familles ; car, lorsque le mariage est selon l'ordre de la nature et en harmonie avec les desseins de Dieu, il contribue puissamment à maintenir la concorde entre les parents, il assure la bonne éducation des enfants, il règle l'autorité paternelle en lui proposant comme exemple l'autorité divine, et il inspire l'obéissance aux enfants envers les parents, aux serviteurs envers les maîtres. De tels mariages, la société peut à bon droit attendre une race et des générations de citoyens qui, animés du sentiment du bien, et accoutumés à la crainte et à l'amour de Dieu, estiment de leur devoir d'obéir aux autorités justes et légitimes, d'aimer le prochain et de ne nuire à personne.
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Ces fruits si grands et si magnifiques, le mariage les a réellement produits, tant qu'il conserva les dons de sainteté, d'unité, de perpétuité, d'ou provient toute sa force féconde et salutaire ; et il est hors de doute qu'il aurait continué à produire des effets semblables s'il était resté toujours et partout sous l'autorité et la sauvegarde de l'Eglise, qui est la conservatrice et la protectrice la plus fidèle de ces dons.
Mais comme il a plu de substituer naguère en divers lieux les lois établies par les hommes au droit naturel et au droit divin, non seulement le caractère et la notion supérieure du mariage, que la nature avait imprimés et en quelque sorte scellés dans l'âme humaine, ont commencé à s'effacer, mais, dans les mariages des chrétiens eux-mêmes, par le vice des hommes, a été très affaiblie une force, créatrice de grands biens.
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Quel bien, en effet, peut résulter de ces unions conjugales dont on veut bannir la religion chrétienne, qui est la mère de tous les biens, qui alimente les plus grandes vertus, qui excite et qui pousse vers tout ce qui est l'honneur d'une âme généreuse et élevée ? Si la religion chrétienne est éloignée et rejetée, le mariage se trouve inévitablement asservi à la nature corrompue de l'homme et à la domination des plus mauvaises passions, l'honnêteté naturelle ne pouvant lui fournir qu'une faible protection. De cette source ont découlé un grand nombre de maux, non seulement pour les familles, mais pour l'Etat. Si, en effet, on supprime la crainte salutaire de Dieu et la consolation dans les peines, qui n'est nulle part plus grande que dans la religion chrétienne, alors il arrive très souvent, comme par une pente naturelle, que les charges et les devoirs du mariage paraissent à peine supportables ; et le nombre n'est que trop grand de ceux qui, jugeant que le lien qu'ils ont contracté dépend d'un droit purement humain et de leur volonté, éprouvent le désir de le rompre lorsque l'incompatibilité de caractère, ou la discorde, ou la foi violée par l'un des époux, ou le consentement réciproque, ou d'autres raisons leur persuadent qu'il est nécessaire de recouvrer leur liberté. Et si, par hasard, la loi défend de donner satisfaction à l'intempérance de ces désirs, alors on s'écrie que la loi est inique et inhumaine, et en, contradiction avec le droit de citoyens libres ; en conséquence, on estime qu'il faut, après avoir abrogé ces lois surannées, décréter, par une loi plus humaine, que le divorce est permis.
1880 Arcanum Divinae Sapientiae