1992 Aetatis Novae



Les Communications sociales


à l'approche d'un nouvel âge



Instruction pastorale du Conseil pontifical pour les Communications sociales


Traduction française du Conseil pontifical pour les Communications sociales, Libreria Editrice Vaticana.
L'Instruction, qui a été rendue publique le 17 mars 1992, porte le titre latin de : " AEtatis novae ".


Introduction


Une révolution dans la communication humaine

1 À l'approche d'un nouvel âge, les communications sociales connaissent une expansion considérable qui influence profondément les cultures de l'ensemble du monde. Les révolutions technologiques ne représen-tent qu'un aspect de ce phénomène. Il n'existe pas de lieu où ne se fasse sentir l'impact des médias sur les attitudes religieuses et morales, les systèmes politiques et sociaux, l'éducation.

Nul n'ignore, pas exemple, le rôle de la communication, que les frontières géographiques et politiques n'ont pu arrêter, dans les bouleversements qui se sont vérifiés au cours des années 1989-1990, et dont le Pape a souligné la portée historique (1).

"Le premier aéropage des temps modernes est le monde de la communication, qui donne une unité à l'humanité en faisant d'elle, comme on dit, un "grand village". Les médias ont pris une telle importance qu'ils sont, pour beaucoup de gens, le moyen principal d'information et de formation ; ils guident et inspirent les comportements individuels, familiaux et sociaux " (2).Plus d'un quart de siècle après la promulgation du Décret du Concile Vatican II sur les communications sociales, Inter mirifica, et deux décennies après l'Instruction pastorale Communio et progressio, le Conseil pontifical pour les Communications sociales souhaite réfléchir sur les conséquences pastorales de cette situation nouvelle. Il le fait dans l'esprit de la conclusion de Communio et progressio : " Le Peuple de Dieu, dans sa marche à travers les siècles regarde l'avenir avec confiance, car il entrevoit les promesses d'un nouvel âge : celui des communications sociales " (3).

Estimant que les principes et les idées de ces documents conciliaires et post-conciliaires ont une valeur durable, nous désirons les appliquer au nouveau contexte. Nous ne prétendons pas prononcer des paroles définitives sur une situation complexe, mouvante et en perpétuelle évolution, mais seulement procurer un outil de travail et des encouragements à ceux et celles qui sont affrontés aux conséquences pastorales de ces réalités nouvelles.

1
CA 12-13 (DC 1991, n 2029, p. 518-550).
2 RMi 37 (DC 1991, n 2022, p. 152-191).
3 Communio et progressio, 187 (DC 1971, n 1588, p. 562-582).




2 Au cours des années qui ont suivi la parution d'Inter mirifica et de Communio et progressio, on s'est habitué à des expressions telles que " société d'information ", " culture des médias " et " génération des médias ". Ce type d'expression est à remarquer : il souligne que ce que les hommes et les femmes de notre temps savent et pensent de la vie est en partie conditionné par les médias ; l'expérience humaine comme telle est devenue une expérience médiatique.

Les dernières décennies ont également été le théâtre de nouveautés spectaculaires en matière de technologie de communication. Ceci a autant comporté une évolution rapide des technologies anciennes que l'apparition de nouvelles technologies de communication, parmi lesquelles figurent les satellites, la télévision par câble, les fibres optiques, les vidéo cassettes, les disques compact, la conception d'images par ordinateur et d'autres technologies digitales et informatiques. L'utilisation de médias nouveaux a donné naissance à ce que l'on a pu appeler de " nouveaux langages " et a suscité d'ultérieures possibilités pour la mission de l'Église ainsi que de nouveaux problèmes pastoraux.


3 Dans ce contexte, nous encourageons les pasteurs et le Peuple de Dieu à approfondir le sens de tout ce qui touche à la communication et aux médias, et à le traduire dans des projets concrets et réalisables.

" Tandis que les Pères du Concile scrutaient l'avenir et cherchaient à discerner le contexte dans lequel l'Église serait appelée à réaliser sa mission, ils pouvaient voir combien le progrès de la technologie était en train, dès lors, de "transformer la terre", alors que déjà commençait la conquête de l'espace. Ils reconnaissaient que les développements dans la technologie de communication, en particulier, étaient susceptibles de provoquer des réactions en chaîne aux conséquences imprévisibles "(4).

4 Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale des Communications sociales 1990 (DC 1990, n 2002, p. 286- 287) ; cf.
GS 5.


" Loin de suggérer que l'Église devrait rester à l'écart ou tenter de s'isoler du courant des événements, les Pères du Concile ont vu l'Église située au centre même du progrès humain, partageant les expériences de l'humanité, en cherchant à les comprendre et à les interpréter à la lumière de la foi. C'est aux fidèles du Peuple de Dieu qu'il appartient de faire un usage créatif de leurs découvertes et de leurs nouvelles technologies pour le bienfait de l'humanité et la réalisation du plan de Dieu sur le monde pour que les potentialités de l'"ère informatique" soient utilisées au service de la vocation humaine et transcendante de chaque personne, afin de glorifier ainsi le Père, qui est à l'origine de tout bien " (5).

5 GS 5.

Nous tenons à exprimer notre reconnaissance envers tous ceux qui ont permis la constitution d'un réseau de communication créatif dans l'Église. En dépit des difficultés - qui tiennent à des ressources limitées, aux obstacles parfois opposés à l'Église dans son accès aux médias, au remodelage constant de la culture, des valeurs et des attitudes que provoque l'omniprésence des médias beaucoup a déjà été fait et continue de l'être. Les évêques, les clercs, les religieux et les laïcs qui se consacrent à cet apostolat capital méritent la gratitude de tous.

Il nous faut également exprimer notre satisfaction à l'égard de tous ces efforts positifs de collaboration oecuménique dans le domaine des médias, où sont impliqués des catholiques et leurs frères et soeurs d'autres Églises et communautés ecclésiales, ainsi qu'envers la collaboration interreligieuse avec les membres des autres religions de l'humanité. Il est non seulement souhaitable mais nécessaire d'engager " les chrétiens à s'unir plus profondément dans leur action communicative et à se concerter plus directement avec les autres religions de l'humanité au sujet de leur présence commune au service des communications " (6).

6 Conseil pontifical pour les Communications sociales, Critères de collaboration oecuménique et interreligieuse dans les communications, 1 (DC 1989, n 1995, p. 1038-1040).


I. Contexte des communications sociales

A. Contexte culturel et social

4 Le bouleversement qui se produit aujourd'hui dans la communication suppose, plus qu'une simple révolution technologique, le remaniement complet de ce par quoi l'humanité appréhende le monde qui l'entoure, et en vérifie et exprime la perception. La mise à disposition constante des images et des idées ainsi que leur transmission rapide, fûtce d'un continent à un autre, ont des conséquences, à la fois positives et négatives, sur le développement psychologique, moral et social des personnes, la structure et le fonctionnement des sociétés, les échanges d'une culture à une autre, la perception et la transmission des valeurs, les idées du monde, les idéologies et les convictions religieuses. La révolution des communications affecte également la perception que l'on peut avoir de l'Église et contribue à en façonner les propres structures et le fonctionnement.

Tout ceci a d'importantes conséquences pastorales. On peut aussi bien, en effet, recourir aux médias pour proclamer l'Évangile que pour le chasser du coeur des gens. L'imbrication de plus en plus étroite des médias dans la vie quotidienne influence la compréhension que l'on peut avoir du sens de la vie.

Les médias ont la capacité de peser non seulement sur les modes de pensée mais encore sur les contenus de la pensée. Pour beaucoup de personnes, la réalité correspond à ce que les médias définissent comme tel ; ce que les médias ne reconnaissent pas explicitement paraît insignifiant. Le silence peut ainsi se trouver imposé de facto à des individus ou des groupes que les médias ignorent ; la voix de l'Évangile peut, elle aussi, se trouver par là réduite au silence, sans être pour autant entièrement étouffée.

Il est donc important que les chrétiens soient capables de fournir des nouvelles qui " créent l'information ", et de donner la parole à ceux qui en sont privés.

Le pouvoir qu'ont les médias de renforcer ou de détruire les références traditionnelles en matière de religion, de culture et de famille souligne bien la pertinente actualité des paroles du Concile : " Pour qu'il soit fait un usage correct de ces moyens, il est absolument nécessaire que tous ceux qui les utilisent connaissent les principes de l'ordre moral et les appliquent fidèlement " (7).

7
IM 4 (DC 1963, n 1414, col. 1661-1668).


B. Contexte politique et économique

5 Les structures économiques des nations sont fortement dépendantes des systèmes de communication contemporains. On considère généralement comme nécessaire au développement économique et politique que l'État investisse dans une infrastructure efficace de communication. La hausse du coût de cet investissement a d'ailleurs constitué un facteur de première importance qui a conduit les gouvernements de nombreux pays à adopter des politiques visant à accroître la concurrence. C'est notamment pour cette raison, que, dans bien des cas, les systèmes publics de télécommunication et de diffusion ont été soumis à des politiques de déréglementation et de privatisation.

Tout comme le mauvais usage du service public peut mener à la manipulation idéologique et politique, également, la commercialisation non réglementée et la privatisation de la diffusion ont de profondes conséquences. En pratique, et souvent de façon officielle, la responsabilité publique de l'usage des ondes se trouve dévalorisée. C'est en fonction du profit, et non du service, que l'on tend à évaluer son succès. Les motifs de profit et les intérêts des annonceurs publicitaires exercent une influence anormale sur le contenu des médias : on préfère la popularité à la qualité et on s'aligne sur le plus petit dénominateur commun. Les annonceurs publicitaires outrepassent leur rôle légitime consistant à identifier les besoins véritables et à leur répondre, et, poussés par des motifs mercantiles, ils s'efforcent de créer des besoins et des modèles artificiels de consommation.

Les pressions commerciales s'exercent également audelà des frontières nationales, aux dépens de certains peuples et de leur culture. Face à l'accroissement de la concurrence et à la nécessité de trouver de nouveaux marchés, les entreprises de communication revêtent un caractère de plus en plus " multinational " ; le manque de possibilités locales de production rend en même temps certains pays plus dépendants des nations étrangères. C'est ainsi que les réalisations de certains médias populaires, caractéristiques d'une culture, se répandent dans une autre culture souvent au détriment des formes artistiques et médiatiques qui s'y trouvent et des valeurs qu'elles contiennent.

La solution des problèmes nés de cette commercialisation et de cette privatisation non réglementées ne réside pas toutefois dans un contrôle de l'État sur les médias, mais dans une plus ample réglementation, conforme aux normes du service public, ainsi que dans une responsabilité publique plus grande. Il faut remarquer à ce sujet que, si les cadres juridiques et politiques dans lesquels fonctionnent les médias de certains pays sont actuellement en nette amélioration, il est d'autres lieux où l'intervention gouvernementale demeure un instrument d'oppression et d'exclusion.


II. Tâche des moyens de communication

6 Communio et progressio se fonde sur une présentation de la communication comme une voie vers la communion. Le texte déclare que " plus qu'exprimer des idées ou des sentiments ", la communication est " le don de soi par amour " (8). La communication est, en ce sens, le reflet de la communion ecclésiale et peut y contribuer.

8 Communio et progressio, 11.

La communication de la vérité peut véritablement avoir une puissance rédemptrice qui émane de la personne du Christ. Il est le Verbe de Dieu fait chair et l'image du Dieu invisible. En lui et par lui, la vie de Dieu se communique à l'humanité par l'action de l'Esprit. " Ce qu'il y a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir à l'intelligence à travers ses oeuvres, son éternelle puissance et sa divinité " (9). On peut également citer le verset suivant : " Et le Verbe s'est fait chair et il a demeuré parmi nous, et nous avons vu sa gloire, cette gloire qu'il tient de son Père, comme Fils unique, plein de grâce et de vérité " (10).

9
Rm 1,20.
10 Jn 1,14.

Dans le Verbe fait chair, Dieu se communique définitivement. Dans la prédication et l'action de Jésus, la Parole se fait libératrice et rédemptrice pour toute l'humanité. Cet acte d'amour par lequel Dieu se révèle, associé à la réponse de foi de l'humanité, engendre un dialogue profond.

L'histoire humaine et l'ensemble des relations entre les hommes se déroulent dans le cadre de cette communication de Dieu dans le Christ. L'histoire est elle-même destinée à devenir une sorte de parole de Dieu, et la vocation de l'homme est d'y contribuer en vivant, de façon créatrice, cette communication constante et illimitée de l'amour réconciliateur de Dieu. Nous sommes appelés à traduire cela en paroles d'espérance et en actes d'amour, c'est-à-dire à travers notre mode de vie. La communication doit, par conséquent, se situer au coeur de la communauté ecclésiale.

Le Christ est à la fois le contenu et la source de ce que communique l'Église lorsqu'elle proclame l'Évangile. L'Église n'est autre que " le corps mystique du Christ, la plénitude cachée du Christ glorifié qui remplit toute la création " (11). Nous sommes par conséquent en marche, dans l'Église, par la Parole et les sacrements, vers l'espérance de l'unité définitive où " Dieu sera tout en tous " (12).

11 Ep 1,23 Ep 4,10.
12 1Co 15,28 ; Communio et progressio, 11.


A. Les médias au service des personnes et des cultures

7 Parallèlement à tout le bien qu'ils font et sont capables de faire, les médias " peuvent à la fois édifier l'unité et la compréhension mutuelle, et d'autre part transmettre une vision déformée de l'existence, de la famille, des valeurs religieuses et éthiques : c'est-à-dire une interprétation qui ne respecte pas l'authentique dignité et destinée de la personne humaine " (13). Il est impératif que les médias respectent et participent au développement intégral de la personne qui comporte " les dimensions culturelles, transcendantes et religieuses de l'homme et de la société " (14).

13 Conseil pontifical pour les Communications sociales, Pornographie et violence dans les médias : une réponse pastorale, 7 (DC 1989, n 1986, p. 581-584).
14 SRS 46 (DC 1988, n 1957, p. 233-256).

La source de certains problèmes individuels et sociaux réside aussi dans la substitution d'un usage de plus en plus important des médias aux relations interpersonnelles et dans l'attachement considérable que l'on accorde aux personnages médiatiques de fiction. Les médias ne peuvent ni remplacer le contact personnel immédiat ni les relations entre les membres d'une famille ou entre des amis. Mais les médias peuvent aussi apporter une contribution à la solution de ces difficultés à travers des groupes de discussion, des débats sur des films ou émissions, qui stimulent la communication interpersonnelle, plutôt que de se substituer à elle.


B. Les médias au service du dialogue avec le monde actuel

8 Le Concile Vatican II a souligné que " la communauté des chrétiens se reconnaît réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire " (15). Ceux qui proclament la " Parole " de Dieu ont le devoir de prendre en compte et de chercher à comprendre les paroles des peuples et des cultures divers afin, non seulement de s'en instruire, mais de les aider à reconnaître et à accepter la Parole de Dieu (16). L'Église doit donc entretenir une présence active et attentive au monde, de façon à nourrir la communauté et à soutenir ceux et celles qui recherchent des solutions acceptables aux problèmes personnels et sociaux.

15
GS 11.
16 EN 20 (DC 1976, n 1689, p. 1-22).

De plus, si l'Église doit toujours communiquer son message d'une façon adaptée à chaque époque et aux cultures des nations et des peuples particuliers, elle doit le faire particulièrement aujourd'hui dans et pour la culture des nouveaux médias (17). C'est là une condition fondamentale si l'on veut apporter une réponse à l'une des préoccupations essentielles du Concile Vatican II : l'apparition de " liens sociaux, techniques, culturels ", qui unissent les hommes de plus en plus étroitement, constitue pour l'Église " une nouvelle urgence " : les rassembler tous dans la " pleine unité dans le Christ " (18). Considérant le rôle important que peuvent jouer les moyens de communication dans ses efforts pour favoriser cette unité, l'Église les regarde comme des moyens " du dessein providentiel de Dieu " pour le développement de la communication et de la communion entre les hommes pendant la durée de leur pèlerinage sur terre (19).

17 IM 3.
18 LG 1.
19 Communio et progressio, 12.

L'Église, qui cherche à dialoguer avec le monde moderne, désire pouvoir mener un dialogue honnête et respectueux avec les responsables des médias. Ce dialogue implique que l'Église s'efforce de comprendre les médias - leurs objectifs, leurs méthodes et les différents aspects de leurs règles de travail, leurs structures internes et leurs modalités - et qu'elle soutienne et encourage ceux qui y travaillent. En se fondant sur cette compréhension et ce soutien, il devient possible de faire des propositions significatives en vue d'écarter les obstacles qui s'opposent au progrès humain et à la proclamation de l'Évangile.

Un tel dialogue nécessite que Église se préoccupe activement des médias profanes, et notamment de l'élaboration de la politique qui les concerne. Les chrétiens ont en effet le devoir de faire entendre leur voix au sein de tous les médias. Leur tâche ne se limite pas seulement à la transmission de nouvelles ecclésiastiques. Ce dialogue requiert en outre qu'elle soutienne les professionnels des médias, qu'elle élabore une anthropologie et une véritable théologie de la communication, ne seraitce que pour que la théologie se fasse, elle-même, plus communicative, plus efficace pour révéler les valeurs évangéliques et les appliquer aux réalités contemporaines de la condition humaine ; il nécessite encore que les responsables de l'Église et les agents pastoraux répondent avec bonne volonté et prudence aux demandes des médias, tout en cherchant à établir avec eux des relations de confiance et de respect mutuels, fondés sur des valeurs communes, avec ceux qui ne partagent pas notre foi.


C. Les médias au service de la communauté humaine et du

progrès social

9 La communication qui s'opère dans l'Église et par l'Église consiste essentiellement dans l'annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. C'est la proclamation de l'Évangile comme parole prophétique et libératrice adressée aux hommes et aux femmes de notre temps, c'est le témoignage rendu, face à une sécularisation radicale, à la vérité divine et à la destinée transcendante de la personne humaine ; c'est, face aux conflits et aux divisions, le parti pris de la justice, en solidarité avec tous les croyants, au service de la communion entre les peuples, les nations et les cultures.

Le sens ainsi donné par l'Église à la communication éclaire de façon exceptionnelle les moyens de communication et le rôle qu'ils ont à jouer, selon le plan providentiel de Dieu, dans la promotion du développement intégral des personnes et des sociétés humaines.


D. Les médias au service de la communion ecclésiale

10 À tout ce qui vient d'être dit, il convient d'ajouter le rappel important du droit fondamental au dialogue et à l'information au sein de l'Église, ainsi que l'affirme Communio et progressio (20), et la nécessité de continuer à rechercher les moyens efficaces de favoriser et de protéger ce droit, notamment par une utilisation responsable des moyens de communication. Nous pensons ici, entre autres, aux affirmations du Code de Droit Canon selon lesquelles, tout en manifestant leur obéissance envers les pasteurs de l'Église, les fidèles " ont la liberté de (leur) faire connaître leurs besoins, surtout spirituels, et leurs souhaits " (21) ; en outre en fonction de leur connaissance, compétence et prestige, ces fidèles ont " le droit et parfois même le devoir " d'exprimer à leurs pasteurs leur opinion sur les questions concernant le bien de l'Église (22).

20 Communio et progressio, 12.
21 Cf.
CIC 212 p2.
22 Cf. CIC 212 p3.

Il y a là un moyen de maintenir et de renforcer la crédibilité et l'efficacité de l'Église. Plus fondamentalement encore, ce peut être un moyen de réaliser concrètement le caractère de communion de l'Église, qui trouve son fondement dans la communion intime de la Trinité et qui la reflète. Entre les membres de cette communauté qui constitue l'Église, il existe une égalité foncière de dignité et de mission qui provient du baptême et est à la base de la structure hiérarchique et de la diversité des charges et des fonctions. Cette égalité s'exprimera dans un partage honnête et respectueux de l'information et des opinions.

En cas de désaccord, cependant, il est important de savoir que " ce n'est pas en exerçant ainsi une pression sur l'opinion publique que l'on peut contribuer à la clarification des problèmes doctrinaux et servir la vérité " (23). En effet, " toutes les opinions des fidèles ne peuvent pas être purement et simplement identifiées au sensus fidei " (24).

23 Congrégation pour la Doctrine de la foi, Instruction sur la vocation ecclésiale du théologien, 30 (DC 1990, n 2010, p. 693- 701).
24 Cf. ibid., 35.

Pourquoi l'Église tient-elle avec insistance au droit des gens à une information correcte ? Pourquoi l'Église souligne-t- elle son propre droit à l'annonce authentique de la vérité évangélique ? Pourquoi l'Église rappelle-t-elle la responsabilité qu'ont ses pasteurs de communiquer la vérité et de former les fidèles à en faire autant ? C'est parce que l'entière compréhension de la communication dans l'Église se fonde sur le fait que le Verbe de Dieu se communique lui-même.


E. Les médias au service d'une nouvelle évangélisation

11 En plus des moyens traditionnellement en vigueur, tels que le témoignage de vie, l'enseignement du catéchisme, le contact personnel, la piété populaire, la liturgie et d'autres célébrations similaires, l'utilisation des médias est devenue essentielle à l'évangélisation et à la catéchèse. En effet, " l'Église se sentirait coupable devant son Seigneur si elle ne mettait en oeuvre ces puissants moyens que l'intelligence humaine rend chaque jour plus perfectionnés " (25).

25
EN 45.

Les moyens de communication sociale peuvent et doivent être des instruments au service du programme de ré-évangélisation et de nouvelle évangélisation de l'Église dans le monde contemporain. En vue de la nouvelle évangélisation, une attention particulière sera donnée à l'impact audio-visuel des moyens de communication, selon l'adage " voir, évaluer, agir ".

Il est ainsi très important, pour l'attitude que l'Église doit adopter envers les médias et face à la culture, qu'ils contribuent à élaborer, d'avoir toujours présent à l'esprit qu' il ne suffit pas de les utiliser pour assurer la diffusion du message chrétien et de l'enseignement de l'Église, mais il faut intégrer le message dans cette "nouvelle culture" créée par les moyens de communication modernes avec de nouveaux langages, de nouvelles techniques et de nouveaux comportements " (26). L'évangélisation actuelle devrait trouver des ressources dans la présence active et ouverte de l'Église au sein du monde des communications.

(26) RMi 37.


III. Défis actuels

A. Nécessité d'une évaluation critique

12 Si l'Église adopte une attitude positive et ouverte envers les médias, en cherchant à pénétrer la culture nouvelle créée par les communications afin de les évangéliser, il est nécessaire qu'elle propose aussi une évaluation critique des médias et de leur impact sur les cultures.

Comme cela a été dit bien des fois, la technologie des communications constitue une merveilleuse expression du génie humain et les médias profitent considérablement à la société. Mais, comme cela a été également souligné, l'application de la technologie des communications n'a été qu'un demi-bienfait, et son utilisation à bon escient nécessite des valeurs saines et des choix avisés de la part des individus, du secteur privé, des gouvernements et de l'ensemble de la société. L'Église ne prétend pas dicter ces décisions et ces choix mais elle cherche à fournir une aide véritable en indiquant les critères éthiques et moraux applicables à ce domaine, critères que l'on trouvera dans les valeurs à la fois humaines et chrétiennes.


B. Solidarité et développement intégral

13 Dans la situation actuelle, il arrive que les médias exacerbent les obstacles individuels et sociaux qui empêchent la solidarité et le développement intégral de la personne humaine. Ces obstacles sont notamment le sécularisme, le consumérisme, le matérialisme, la déshumanisation et l'absence d'intérêt pour la condition des pauvres et des démunis (27).

27
CA 41.


Dans cette situation, l'Église, qui reconnaît dans les ins truments de communication sociale " la voie la plus favorable pour la création et la transmission de la culture " (28), se fait un devoir de proposer une formation aux professionnels de la communication et au public pour qu'ils considèrent les médias avec un " sens critique, animé par la passion de la vérité " ; elle reconnaît aussi son devoir d'engager " une action visant à défendre la liberté et le respect de la dignité de la personne, et à favoriser la culture authentique des peuples, par un refus ferme et courageux de toute forme de monopolisation et de manipulation " (29).

28 CL 44 (DC 1989, n 1978, p. 152-196).
29 CL 44.


C. Politiques et structures

14 Il est clair que certains problèmes à cet égard sont le fruit de politiques et de structures particulières des médias : citons à titre d'exemples le fait que certains groupes ou classes se voient refuser l'accès aux moyens de communication, la réduction systématique du droit fondamental à l'information en certains lieux, l'extension du contrôle que certains groupes économiques, sociaux et politiques exercent sur les médias.

Tout ceci est contraire aux objectifs fondamentaux et à la nature même des médias dont le rôle social particulier et nécessaire est de contribuer à garantir le droit de l'homme à l'information, à promouvoir la justice dans la recherche du bien commun, à assister les individus, les groupes et les peuples dans leur recherche de la vérité. Les médias exercent ces fonctions capitales lorsqu'ils favorisent l'échange d'idées et d'informations entre toutes les classes et secteurs de la société et offrent à toutes les opinions responsables l'occasion de se faire entendre.


D. Défense du droit à l'information et à la communication

15 On ne peut accepter que l'exercice de la liberté de communication dépende de la fortune, de l'éducation ou du pouvoir politique. Le droit à communiquer est le droit de tous.

Ceci demande des initiatives spécifiques de type national et international, non seulement pour donner aux pauvres et aux moins puissants l'accès à l'information dont ils ont besoin pour leur développement individuel et social, mais aussi pour faire en sorte qu'ils jouent un rôle effectif et responsable dans la décision du contenu des médias et la détermination des structures et des politiques de leurs institutions nationales des communications sociales.

Là où des structures juridiques et politiques favorisent la domination des médias par des groupes de pression, l'Église doit insister sur le respect du droit à communiquer, et notamment sur son propre droit d'accès aux médias, tout en recherchant d'autres modèles de communication pour ses propres membres et pour l'ensemble de la population. Le droit à la communication fait d'ailleurs partie du droit à la liberté religieuse, lequel ne devrait pas être limité à la seule liberté de culte.



IV. Priorités pastorales et moyens d'y répondre

A. Défense des cultures humaines

16 Étant donné la situation qui existe en de nombreux lieux, la sensibilité aux droits et aux intérêts des individus peut souvent inciter l'Église à favoriser d'autres moyens de communication. Dans les domaines de l'évangélisation et de la catéchèse, l'Église devra souvent prendre des mesures visant à préserver et à favoriser les " médias populaires " et autres formes traditionnelles d'expression, en reconnaissant que, dans certaines sociétés, ils peuvent être plus efficaces pour la diffusion de l'Évangile que des médias plus récents, parce qu'ils rendent possible une participation personnelle plus grande et atteignent des niveaux plus profonds de sensibilité humaine et de motivation.

L'omniprésence des médias dans le monde contemporain n'amoindrit en rien l'importance d'autres médias qui permettent aux personnes de s'engager et de prendre une part active à la production et même à la conception des communications. Les médias populaires et traditionnels ne représentent pas seulement, en effet, un carrefour important d'expression de la culture locale mais ils permettent aussi de développer une compétence pour la création et l'utilisation actives des médias.

Nous considérons également de façon positive le désir de nombreux peuples et groupes humains de disposer de systèmes de communication et d'information plus justes et équitables, pour se garantir de la domination et de la manipulation, que celles- ci viennent de l'étranger ou de leurs compatriotes. Les pays en voie de développement ont cette crainte à l'égard des pays développés ; les minorités de certaines nations, développées ou en voie de développement, connaissent la même préoccupation. Quelle que soit la situation, il faudrait que les citoyens puissent prendre une part active, autonome et responsable aux processus de communication, qui influencent, de bien des manières, leurs conditions de vie.


B. Développement et promotion des moyens de communication

de l'Église

17 Tout en continuant de s'engager de diverses manières dans le domaine des communications et des médias, malgré les multiples difficultés rencontrées, l'Église doit développer, entretenir et favoriser ses propres instruments et programmes catholiques de communication. Ceux-ci comprennent la presse catholique et les éditeurs catholiques, la radio et la télévision catholiques, les bureaux d'information et de relations publiques, les instituts et les programmes de formation à la pratique et aux questions des médias, la recherche médiatique, les relations avec les organismes de professionnels des communications en lien avec l'Église - notamment les organisations catholiques internationales de communication - dont les membres sont des collaborateurs qualifiés et compétents des Conférences épiscopales ainsi que des évêques pris individuellement.

Le travail des médias catholiques n'est pas seulement une activité supplémentaire venant s'ajouter à toutes celles de l'Église : les communications sociales ont, en effet, un rôle à jouer dans tous les aspects de la mission de l'Église. Aussi ne faut-il passe contenter d'avoir un plan pastoral de communication mais faut-il que les communications fassent partie intégrante de tout plan pastoral puisqu'elles ont, de fait, une contribution à apporter à tout autre apostolat, ministère ou programme.



1992 Aetatis Novae