Vie divine de la très-sainte Vierge Marie - RETOUR DE LA SAINTE VIERGE A NAZARETH.

CHAPITRE XI.

VOYAGE DE LA SAINTE VIERGE A BETHLÉEM. NAISSANCE DE JÉSUS.

Dans le temps de cette sainte préparation il parut un édit de César-Auguste, comme le rapporte saint Luc. Saint Joseph en apprit la nouvelle avec une vive affliction parce que la grossesse de son épouse était fort avancée, et qu'il était obligé ou de la laisser seule ou de l'emmener avec lui dans ce pénible voyage. Il engagea la sainte vierge à prier le Seigneur et à lui recommander cette affaire. Elle le fit quoiqu'elle n'ignorât point la divine volonté et elle connut qu'elle devait partir aussi elle-même pour Bethléem. Ils préparèrent tout pour le départ et confièrent la maison à une pieuse voisine. Saint Joseph chercha une mouture pour servir dans ce voyage et il la trouva avec peine à cause du grand nombre de personnes qui en cherchaient. La sainte vierge prit les langes préparées et au moment du départ elle se mit à genoux pour demander la bénédiction à son époux et elle partit avec lui de Nazareth pour Bethléem.

En outre des anges ordinaires, Dieu ordonna à neuf mille autres de l'accompagner et à d'autres de porter les messages de Dieu à la sainte vierge et de la sainte vierge à Dieu. Ils étaient tous visibles à ses yeux. Le voyage dura cinq journées, parce qu'ils marchaient peu chaque jour. Ils éprouvèrent de grandes peines à cause de la multitude des personnes qui allaient à Jérusalem. La nuit ils ne trouvaient jamais à se loger, si ce n'est dans quelque recoin du vestibule, parce qu'ils étaient pauvres et que les plus riches étaient toujours mieux accueillis. A ces incommodités il faut joindre la mauvaise saison avec le froid, la pluie, la neige et le vent, et après tout cela ils ne trouvaient pour se reposer que la terre ou une étable au milieu des animaux qui, plus reconnaissants envers leur créateur, honoraient à leur manière leur Dieu dans le sein de la sainte mère. Les saints pèlerins étaient surtout affligés d'entendre des paroles indécentes et de voir le mauvais état de quelques âmes dont notre reine découvrait l'intérieur. Cette affliction était si grande qu'elle en perdait connaissance de douleur. Les saints anges l'assistaient pour lui procurer quelque repos et l'archange saint Michel ne quitta jamais ses côtés et la soutint plusieurs fois. Dans les misérables auberges où ils s'arrêtaient, l'es anges les environnaient et faisaient autour d'eux comme un mur impénétrable. ils chantèrent plusieurs fois dans le voyage pour soulager les souffrances qu'ils enduraient, et la nuit ils éclairaient leur marche, et la lumière qu'ils donnaient était d'une si grande clarté pour la sainte vierge et saint Joseph que celle des étoiles et des planètes né l'eût pas égalée dans leur plus grand éclat.

Ils arrivèrent au milieu de ces souffrances et de ces célestes consolations à Bethléem, le samedi au coucher du soleil. lIs cherchèrent un logement dans la ville chez les amis et les parents de saint Joseph. Mais ce fut en vain, personne ne voulut les recevoir et plusieurs les congédièrent avec mépris et avec des injures. La sainte Vierge savait bien que personne ne les recevrait, mais pour pratiquer l'humilité et la patience elle suivait son époux de maison en maison, de porte en porte dans les rues. En cherchant ainsi un logement ils rencontrèrent la maison où l'on tenait les registres, ils firent inscrire leur nom et payèrent leur tribut pour ne pas être obligés de revenir. Ils continuèrent à chercher un abri mais ils n'en trouvèrent point quoiqu'ils le demandassent à plus de cinquante maisons et auberges. Il était neuf heures du soir, lorsque saint Joseph accablé de tristesse se tourna vers son épouse: Je me souviens, dit-il, qu'il y a une grotte hors des murs qui sert pour les bergers; allons-y et si elle n'est pas occupée, nous y prendrons le logement qu'il est impossible ici de trouver. La sainte vierge le consola par ses douces paroles; et ils se mirent en marche accompagnés des saints anges qui les éclairaient dans les ténèbres. Cette grotte était si misérable que malgré la multitude des personnes de toute condition qui étaient à Bethléem, personne n'eût la pensée de s'y retirer. Les saints hôtes y entrèrent, et ils reconnurent aussitôt à la lumière que donnaient les anges combien ce lieu était humble et pauvre. ils se mirent à genoux et rendirent des actions de grâces à Dieu pour ce bienfait, La sainte vierge pria le seigneur de récompenser avec libéralité les habitants de Bethléem qui en lui refusant leur maison lui avaient procuré un si grand bien. La grotte était taillée dans le roc et destinée à loger des animaux. Les anges se rangèrent autour sous une forme visible même à saint Joseph. La sainte vierge qui savait ce qui devait être opéré en ce lieu cette nuit, commença aussitôt à nettoyer cette grotte pour pratiquer l'humilité et pour orner le mieux qu'il était possible ce temple à Dieu dans ce lieu abandonné. Saint Joseph et les saints anges lui vinrent en aide, et en peu de temps elle fut entièrement nettoyée; bien plus elle fut remplie de célestes parfums. Saint Joseph alluma un peu de feu pour se garantir du grand froid qu'il faisait dans cette nuit et après s'être réchauffés ils prirent un peu de nourriture avec une joie incroyable. Ils passèrent quelque temps dans de saints entretiens. La sainte Vierge pria ensuite son époux de prendre à l'écart un peu de repos, et saint Joseph pria la sainte Vierge d'en faire autant de son côté. Il prépara avec les hardes qu'ils avaient une crèche qui se trouvait dans la grotte pour servir aux animaux. Après avoir disposé ce lit à son épouse il se retira dans un coin de la grotte et il se mit en oraison. Il fut ravi en une extase très-sublime, dans laquelle il vit tout ce qui arriva dans cette nuit; il ne reprit l'usage de ses sens que lorsque sa divine épouse l'appela. En même temps la sainte Vierge fut élevée à une haute contemplation, où elle vit intuitivement la divinité d'une manière si ineffable que la langue humaine ne pourrait l'exprimer. Son ravissement en Dieu dura une heure entière et ce fut celle qui précéda l'enfantement. Ayant repris ses sens, elle connut que le saint enfant commençait à se mouvoir dans son chaste sein, et ce mouvement ne lui causait point de douleur, mais au contraire une joie inexprimable, avec des effets surnaturels si sublimes que l'entendement de l'homme ne saurait les comprendre. Son corps devint si beau et son visage si resplendissant qu'elle ne paraissait plus une créature terrestre. Elle était à genoux, les yeux élevés vers le ciel, les mains jointes sur la poitrine et dans cette position humble et pieuse, sortant de son divin ravissement, elle donna au monde le fils unique du père éternel, et le sien, Jésus-Christ notre sauveur, Dieu et homme, à minuit, un jour de dimanche, l'an du monde trois-mille-neuf-cent-soixante, conformément à ce que tient la sainte Eglise romaine.

Le saint enfant vint au monde très-beau et tout resplendissant, sans blesser la sainte virginité, parce qu'il pénétra le sein virginal comme un rayon de soleil. Il n'avait point cette espèce de tunique qu'on appelle secondine, dans laquelle les autres enfants sont enveloppés.' Il vint au monde glorieux et transfiguré, car la gloire de son âme sainte rejaillissait alors sur son corps. Aussitôt qu'il fut né, les saints archanges Michel et Gabriel, le prirent dans leurs mains et montrèrent à la divine mère son fils tout resplendissant, comme le prêtre montre au peuple la sainte hostie. Pendant qu'ils le tenaient ainsi, l'enfant divin parla à sa mère et les premières paroles qu'il prononça furent celles-ci : « Mère, devenez semblable à moi qui pour l'être humain que j'ai reçu de vous, veux vous donner un être de grâce plus élevé, et qui étant de pure créature, soit semblable au mien qui suis Dieu et homme. » Elle répondit humblement: « Trahe me post te, curremus in odorem unguentorum tuorum. Elle ouït aussi la voix du Père éternel qui disait Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je me plais uniquement: Après ces entretiens si remplis de profonds mystères le divin enfant cessa d'apparaître transfiguré, il suspendit les dons de gloire de son saint corps par un miracle non moins merveilleux, et se montra dans son être naturel passible. La sainte Vierge l'adora de nouveau dans cet état avec une profonde humilité et une grande vénération. Elle le reçut à genoux de la main des saints anges, et se répandit en actes d'amour, elle l'offrit au Père éternel comme son fils unique et aux hommes comme leur Sauveur. Tandis que la divine mère le tenait dans ses bras, les: dix-mille anges l'adorèrent les premiers, ensuite tous les esprits célestes descendus dans la grotte entonnèrent à sa louange le nouveau cantique: Gloria in excelsis deo etc. II était déjà temps de rappeler saint Joseph de son extase, afin qu'il vît avec ses sens le grand mystère qu'il avait connu par révélation dans son ravissement divin. Etant revenu de son extase, le premier objet que vit le saint époux fut le divin enfant dans les bras de la très-sainte Vierge. Il l'adora avec une profonde humilité, et lui baisa les petits pieds avec respect. Après cette adoration, Marie demanda à son divin fils la permission de s'asseoir, saint Joseph lui donna les langes qu'elle avait apporté avec elle et elle l'en enveloppa avec une dévotion et un respect inconcevables. Ensuite elle le coucha dans la crèche, en y mettant un peu de paille et de foin pour servir au premier lit que voulut sur la terre le verbe incarné. Dès que l'enfant fut placé dans la crèche, il vint aussitôt par l'ordre de Dieu des champs un boeuf qui entra dans la grotte et se joignit à l'âne qu'ils avaient amené de Nazareth. La divine mère leur commanda d'adorer à leur manière leur créateur. Les animaux obéirent aussitôt et réchauffèrent le Saint enfant de leur haleine vérifiant ainsi la prophétie d'Isaïe: Cognovit bos possessorem suum, et asinus proesepe domini sui.

Les saints anges ne restèrent pas seulement autour de la crèche et dans la grotte, mais ils allèrent en divers endroits annoncer la naissance du fils de Dieu. Saint Michel alla aux limbes, en donner la nouvelle aux saints pères. En l'apprenant saint Joachim et sainte Anne puèrent l'archange de re- commander à Marie leur fille d'adorer et de vénérer en leur nom le Dieu enfant, ce qu'elle fit aussitôt. Un autre archange en prévint Elisabeth et saint Jean-Baptiste, d'autres l'annoncèrent à Siméon, à Zacharie et à Anne la prophétesse et d'autres aux trois rois mages, en outre de l'étoile qui fut formée cette nuit et apparut à leurs yeux. Saint Lue rapporte en particulier l'ambassade faite aux bergers, qui vinrent adorer le divin enfant. Ils en furent éclairés dans leur coeur, et plusieurs méritèrent le bonheur que quelqu'un de leurs enfants fussent mis à mort par Hérode dans le massacre des innocents. Sainte Elisabeth ne vint pas à Bethléem, Dieu l'ordonna ainsi afin que ce mystère ne fut pas rendu plus public qu'il ne le voulait. Elle envoya un messager à la sainte Vierge pour la féliciter et pour lui apporter des présents. Elle en garda une partie et distribua le reste aux pauvres. Tous les justes ressentirent quelques effets divins au moment où le rédempteur vint au inonde; ce qui étaient en grâce; éprouvèrent une nouvelle joie intérieure et surnaturelle dont ils ignoraient la cause, mais plusieurs eurent la pensée que c'était l'heure où le messie était né. Il y eut encore plusieurs miracles dans cette sainte nuit dans les créatures; les influences des planètes furent renouvelées, et le soleil avança sa course; plusieurs arbres donnèrent des fleurs et d'autres des fruits; quelques temples des idoles furent renversés et plusieurs même entièrement ruinés et les démons en furent chassés. Les hommes attribuèrent à diverses causes ces effets merveilleux. Tout cela fut caché aux démons, qui ne connurent ni l'adoration des pasteurs, ni les ambassades des anges, ni la venue des mages, ni l'apparition de l'étoile. Dieu leur cacha toutes ces choses afin qu'ils ne connussent point la venue du messie, comme en effet ils ne la surent jamais d'une manière certaine. En voyant cet enfant si pauvre et abandonné et ensuite se soumettant à la circoncision, Lucifer en conclut qu'il n'était pas le messie. Son esprit orgueilleux, altier et superbe ne pouvait comprendre cette sublime pauvreté et cette humilité. Les bergers restèrent dans la grotte depuis l'aurore jusqu'à midi, la sainte Vierge leur parla et les exhorta à la persévérance dans le service de Dieu, elle leur donna à manger et les congédia ensuite remplis de consolation. Ils revinrent plusieurs autres fois et apportèrent avec eux les présents que permettait leur pauvreté. Après que les saints hôtes furent partis de Bethléem, ces pieux bergers racontèrent aux autres tout ce qu'ils avaient vu et entendu. Tous ne les crurent pas parce qu'on les regardait comme des personnes simples et crédules. Hérode fut du nombre de ceux qui crurent en eux, non par une foi sainte et par dévotion, mais dans la crainte de perdre son royaume. La Vierge mère ne cessait jamais de prier Dieu pour tous ceux qui se rendaient indignes de connaître la véritable lumière du monde et elle employa n ces prières la plus grande partie du temps qu'elle demeura dans la grotte. Lorsqu'il fut temps de donner le sein virginal au saint enfant pour l'allaiter, elle lui demanda avec humilité la permission de le faire. S'il fallait le confier à saint Joseph, le saint fléchissait trois fois le genou et baisait respectueusement la terre et la Vierge mère en faisait autant lorsqu'elle le recevait du saint époux. Elle le tenait toujours sur ses bras, excepté lorsqu'elle voulait prendre un peu de repos, et alors elle le confiait à saint Joseph. Elle le remettait aussi aux saints archanges Michel et Gabriel, parce qu'ils lui avaient dit de le leur confier, lorsqu'elle voulait prendre sa nourriture ou son repos. Dans le temps de son repos Dieu lui accorda un sommeil miraculeux, car elle ne perdait jamais en dormant les forces pour tenir le saint enfant dans ses bras, et elle ne cessait de le contempler par son entendement intérieur, comme si elle l'eut vu de ses yeux et elle connaissait tous les actes qu'il faisait à l'extérieur et dans son intérieur.

CHAPITRE XII.

CIRCONCISION DE NOTRE-SEIGNEUR

Le temps d'être circoncis, suivant là loi, étant arrivé, la divine mère demanda avec ferveur à Dieu de lui inspirer sa divine volonté, et le Seigneur lui révéla qu'il devait être circoncis. Elle en parla donc à saint Joseph et lui demanda humblement son avis sans lui faire connaître la révélation du Seigneur. Saint Joseph fut d'avis qu'il fut circoncis puisqu'il était revêtu de l'humanité comme les autres hommes. On prépara donc le remède pour guérir la blessure et une fiole de cristal pour y mettre les saintes reliques avec des linges ou devaient tomber les gouttes de ce sang qui devait être le premier versé pour la rédemption des hommes. On parla ensuite du nom qu'il fallait donner au saint enfant et ils convinrent, suivant la révélation de l'ange, de lui donner le nom de Jésus. Marie et Joseph s'entretenaient sur ce sujet, lorsqu'il descendit du ciel des légions d'anges chacun avec une devise où était gravé le nom de Jésus si resplendissant qu'il surpassait en éclat la lumière. Ils se rangèrent autour de la grotte et saint Miche! et saint Gabriel annoncèrent aux saints époux que c'était le nom qu'il fallait donner au divin enfant. Il y avait à Bethléem une synagogue où l'on n'offrait point de sacrifices car ils ne pouvaient s'offrir qu'à Jérusalem. Un prêtre y lisait la sainte loi au peuple, et les mères lui apportaient leurs enfants, non que ce fut une obligation, mais parce qu'elles pensaient qu'ils courraient moins de dangers s'ils étaient circoncis par un prêtre. Le sainte Vierge voulut qu'il fut le ministre de la circoncision de son fils, à cause de la dignité de l'enfant. Saint Joseph appela donc le prêtre, et ayant jeté les yeux sur le divin enfant il se sentit embrasé d'une sainte ardeur, sans en comprendre la cause. Il dit à la divine mère de se. retirer à l'écart et de confier l'enfant à son père où à un des ministres qu'il avait amené avec lui. Il agissait ainsi afin que la mère ne fut pas trop affligée à la vue de ce sacrifice. La Vierge mère voulait obéir au prêtre, mais elle avait aussi le désir de tenir dans ce temps en ses bras son divin fils. Elle prit donc le parti de prier le prêtre de lui permettre d'être présente, et qu'il ne craignit rien de son courage. Cette faveur lui fut accordée elle démaillota le saint enfant, et l'enveloppa d'un linge pour le préserver du froid et pour recueillir le sang divin. Le prêtre accomplit son ministère et circoncit l'enfant qui pleura un peu non seulement à cause de la douleur de la blessure, mais surtout à cause de la dureté des coeurs des hommes. Sa tendre mère compatit vivement à sa douleur, elle recueillit les sacrées reliques et le sang précieux, et ayant remis tout cela aux mains de saint Joseph elle enveloppa l'enfant dans ses langes et pansa la blessure avec le remède préparé à cet effet. En ce moment le divin enfant témoigna aussi sa mère son amour et sa compassion. Le prêtre demanda le nom qu'ils voulaient lui donner, Marie gardait le silence par humilité et saint Joseph aussi, et tandis que le prêtre attendait tous les deux dirent en même temps Jésus est son nom. Le prêtre l'écrivit dans le registre, et ressentit en le faisant une émotion intérieure qui lui fit verser des larmes. Il dit i ses, parents: Cet enfant sera un grand prophète du Seigneur ayez en soin; dites-moi si je puis vous secourir dans votre indigence, je le ferai volontiers, et il les quitta. Après le départ du prêtre, les saints époux s'entretinrent de nouveau des mystères de la circoncision; ils composèrent des cantiques de louanges pour le saint nom de Jésus, et ils prièrent les anges de chanter à la gloire de leur Dieu humanisé, ce qu'ils firent aussitôt.

CHAPITRE XIII.

ARRIVÉE DES ROIS MAGES. ADORATION DE L'ENFANT.

La circoncision étant faite, saint Joseph exposa à la Vierge mère les incommodités de ce lieu. Elle avait une grande affection pour cette grotte humble et pauvre, comme miroir de toutes les saintes vertus et elle savait par la révélation de Dieu que les saints rois mages devaient y venir adorer son fils. Néanmoins elle ne découvrit pas son désir de rester en ce lieu, ni l'arrivée prochaine des trois mages, elle se montra docile à faire tout ce que commanderait son époux. Le saint eut voulu que sa très-pure épouse fit connaître plus clairement sa volonté, il se mit en prière et l'archange saint Michel lui découvrit que c'était la volonté de Dieu qu'ils attendissent en ce lieu l'arrivée des mages qui depuis dix jours s'étaient mis en voyage et étaient déjà peu éloignés. A cet avis les saints époux résolurent d'attendre en ce lieu. Ils le nettoyèrent de nouveau et le mirent le mieux qu'il était possible à l'abri des rigueurs de la saison. La sainte Vierge se servit souvent du suprême pouvoir qu'elle avait sur les créatures, et commanda aux vents, à la pluie et au froid de ne pas faire souffrir leur créateur et de tourner toutes leurs rigueurs contre elle seule. II arriva plusieurs fois que le divin enfant était réchauffé dans les bras de sa mère sans ressentir les incommodités du vent et du froid, tandis que sa mère en éprouvait toutes les rigueurs. Sa manière de le nourrir était de l'allaiter trois fois le jour, et son lait ne se corrompit jamais, comme il arrive souvent pour les autres mères. Elle l'allaitait toujours avec un grand respect et une grande vénération, elle lui demandait humblement la permission de s'asseoir lorsqu'elle y était obligée, et elle restait à genoux la plus grande partie du temps qu'elle tenait le sain enfant dans ses bras. Elle lui baisait respectueusement les pieds et pour le baiser au visage elle lui en demandait la permission, l'enfant Jésus répondait aux affectueuses caresses de sa mère par un air agréable, tantôt il s'inclinait sur son sein, tantôt il embrassait amoureusement son cou de ses tendres bras, à la manière des autres enfants à l'égard de leur mère.

Au milieu de ces douces occupations, arrivèrent les trois mages, qui avaient connu par les anges et par l'étoile la naissance du Sauveur. Ils gouvernaient trois états voisins l'un d l'autre, mais très peu étendus. Ils se connaissaient entre eux e ils s'étaient entretenus plusieurs fois de tout ce qui regardai le gouvernement, la justice et les vertus morales. Ils partirent en même temps de leurs états, sans rien savoir les un des autres et chacuns prépara l'or, l'encens et la myrrhe con duit par l'esprit de Dieu dans le choix de ces dons mystérieux. L'ange qui avait annoncé le mystère aux mages, avait en même temps formé une étoile, et l'avait placée à une telle distance et hauteur qu'elle put être aperçue de tous les trois, quoiqu'ils fussent à des endroits différents. En suivant chacun ce guide, ils se trouvèrent ensemble et s'étant communiqués leur révélation, ils poursuivirent le voyage avec leurs serviteurs et leurs chameaux. L'étoile était dans la région de l'air, et sa lumière était différente de celle du soleil et des autres étoiles. La nuit elle éclairait de ses rayons comme une torche ardente et le jour elle se distinguait de la clarté du soleil par une activité extraordinaire. Lorsque les rois furent réunis, elle se rapprocha d'eux et s'abaissa, de plusieurs degrés, de sorte qu'elle leur donnait une plus grande consolation. Arrivés à Jérusalem, il arriva tout ce que rapportent les évangélistes. Sortis de la ville ils se dirigèrent vers Bethléem, et arrivés en ce lieu, l'étoile diminua sa grandeur et entra dans la sainte grotte où elle se plaça sur la tête du saint enfant. Lorsque les saints rois entrèrent, la sainte Vierge tenait l'enfant Jésus dans ses bras avec une modestie et une beauté incomparable. il y avait une certaine splendeur sur son visage, mais la lumière qui paraissait sur le divin visage de Jésus était beaucoup plus éclatante et ses rayons éclairaient cette humble grotte. Les saints rois saisis d'admiration se prosternèrent à terre et adorèrent avec une foi vive l'enfant; dans cette adoration ils reçurent de grandes lumières sur la personne de Jésus-Christ, sur la divine mère et sur les saints anges qui les assistaient. Ils se relevèrent et félicitèrent la sainte mère de son bonheur, ils lui témoignèrent leur vénération en fléchissant le genou devant elle et ils lui demandèrent humblement la main à baiser selon la coutume de leur pays, mais la prudente reine retira modestement la sienne et leur donna à baiser celle du saint enfant. Ils félicitèrent à plusieurs reprises tantôt la sainte Vierge, tantôt saint .Joseph qui fut toujours présent, et qui eut leurs congratulations d'avoir été choisi pour époux de la Vierge mère de Dieu, enfin ils demandèrent la permission d'aller à Bethléem chercher un logement. Ils louèrent une maison et ils s'entretinrent tous trois ensemble avec une abondance de larmes de tout ce qu'ils avaient vu. ils envoyèrent ensuite leurs serviteurs à la sainte grotte pour apporter des présents afin de soulager la pauvreté des époux; c'étaient des choses apportées de leurs pays jointes à d'autres achetées à Bethléem. La sainte Vierge accepta de ces dons autant qu'il était nécessaire pour venir en aide à quelques pauvres, qui attirés par sa bonté et sa bienveillance, venaient souvent la visiter dans la grotte. Le jour suivant, les mages allèrent de nouveau à la grotte offrir les présents mystérieux qu'ils avaient préparés par l'inspiration de Dieu et qui furent ceux dont parle l'évangéliste, l'or, l'encens et la myrrhe. Ils se prosternèrent de nouveau à terre et adorèrent humblement l'enfant. ils s'entretinrent ensuite longtemps, avec la divine mère et la consultèrent sur plusieurs des mystères de la foi et la manière de gouverner leurs états. La sainte Vierge reçut les dons mystérieux offerts à Jésus qui témoigna par un air agréable qu'il les recevait avec complaisance; et il leur donna sa bénédiction. ils présentèrent ensuite à la, Vierge mère des pierres précieuses, à l'usage de leurs pays, mais l'amante de la pauvreté les refusa avec de douces manières; elle fut satisfaite de leur affection et de leur générosité, et leur donna à son. tour quelques linges dont le divin enfant avait été enveloppé. Avec ces linges qui exhalaient un doux parfum, les saints rois opérèrent plusieurs miracles dans leurs pays. Ils offrirent de faire construire une maison plus commode pour l'habiter et de la pourvoir de tout ce qu'elle désirerait et pour elle-même et pour son fils, mais l'humble Vierge ne voulut rien accepter. Les bons rois jouissaient d'un si doux et si agréable plaisir en entendant les discours de la sainte Vierge et les sages réponses qu'elle faisait à leurs demandes, qu'ils, ne pouvaient se résoudre à partir, il fut nécessaire qu'un ange du Seigneur les prévint de se retirer dans leur pays. Ils sortirent enfin de la sainte grotte, après avoir reçu la bénédiction de Jésus, de Marie et de saint Joseph. Dans la nuit, un ange les avertit de prendre un autre chemin pour, retourner dans leur patrie, et l'étoile les guida dans leur voyage. Ces rois étaient de la Perse, de l'Arabie et de. Saba, pays de l'orient de la Palestine. Après le départ des saints rois il s'éleva un doute entre la saint Vierge et saint Joseph pour la distribution des présents reçus des mages, la sainte Vierge désirait que saint Joseph les distribuât à son gré et saint Joseph voulait qu'elle en disposât. Enfin ils convinrent ensemble d'en offrir au temple une partie qui fut la myrrhe et l'encens avec une partie de l'or, de donner l'autre partie au prêtre qui avait circoncis l'enfant afin qu'il servît pour lui et pour la synagogue; de distribuer la troisième au pauvres, ce qui fut ainsi fait. il y avait à une petite distance de la grotte une pauvre maison qu'habitait une femme pauvre aussi, mais pleine de piété; ayant vu les incommodités que souffraient les saints hôtes dans la grotte, elle alla les trouver et leur offrit sa petite maison, misérable sans doute, mais au moins préférable à la grotte. Elle parla avec tant de bonté et de charité que la sainte Vierge après en avoir conféré avec saint Joseph se détermina à accepter cette aimable invitation.

Ils quittèrent donc la sainte grotte et allèrent à la pauvre maison qui était située auprès des murs de Bethléem. Tous les anges les accompagnèrent sous la forme humaine et merveilleusement resplendissants, ce qu'ils firent toutes les fois que les saints époux allèrent de leur habitation visiter la sainte grotte. Dieu y mit un ange avec une épée à la main pour la garder, afin qu'aucun animal n'y entrât et cet ange continue encore aujourd'hui à protéger ce saint lieu.

CHAPITRE XIV.

PRÉSENTATION AU TEMPLE.

La très-sainte Vierge et saint Joseph restèrent avec le divin enfant dans la pauvre maison de Bethléem, jusqu'au temps prescrit par la loi de le présenter au temple, qui étaIt de quarante jours. Le temps étant accompli, ils résolurent d'aller à Jérusalem, et d'offrir suivant la loi le fils unique du père éternel, connaissant le désir qu'il avait d'être soumis à la loi et d'être offert à son divin Père. Ayant fixé le jour du départ, il prirent congé de la pieuse femme qu'ils laissèrent comblée de célestes bénédictions. Ils allèrent d'abord visiter la sainte grotte, et prosternés à terre, ils vénérèrent ce lieu sacré avec de tendres émotions. Après avoir accompli cette dévotion, la sainte Vierge demanda pour satisfaire sa profonde humilité la permission à son époux de faire le voyage à pied nu, et de porter dans ses bras le saint enfant. Saint Joseph lui accorda sa dernière demande, mais non la première dans la crainte qu'elle éprouvât une trop grande souffrance. L'humble Vierge ne répliqua rien, elle demanda avec saint Joseph la bénédiction à son fils, qui la leur donna d'une manière visible et ils se mirent en voyage; elle fut accompagnée non-seulement des dix mille anges qui l'assistaient depuis l'incarnation mais de plusieurs autres légions. Il faisait un froid très-vif qui n'épargnait pas son créateur ,et plusieurs fois le saint enfant en pleura dans les bras de sa mère, comme homme véritable. Touchée de ces souffrances elle se servit de son autorité sur les créatures, et changea ces rigueurs à un temps très-doux pour son fils, mais elle n'usa jamais pour elle de ce pouvoir.

Les trois saintes personnes s'approchaient déjà de Jérusalem, lorsque Dieu par des lumières intérieures prévint saint Siméon et Amie la prophétesse que le Messie venait pour être présenté au temple, mais dans un état pauvre et humble Siméon et Anne s'étant communiqués leurs saintes inspirations résolurent d'envoyer un des serviteurs à la rencontre sur le chemin de Bethléem pour les conduire dans sa maison, sans lui découvrir la qualité des personnes au-devant des quelles il allait. Le serviteur exécuta avec soin ce qu'on lui avait ordonné, il rencontra les trois pauvres pèlerins, les conduisit dans sa maison et vint en donner avis au saint prêtre. Pendant ce temps la sainte Vierge et saint Joseph recherchèrent ce qu'ils devaient faire, ils arrêtèrent que le soir même Joseph irait offrir au temple les présents des rois mages, afin que l'offrande restât plus secrète, et au retour il achèterait les tourterelles qu'il fallait offrir le jour suivant en public. Il exécuta ponctuellement tout cela, et le matin la Vierge mère ayant enveloppé l'enfant divin dans ses langes et préparé toutes choses, se dirigea vers le temple accompagnée de saint Joseph et de milliers d'anges en forme humaine, visibles à ses yeux. Étant arrivée, elle se prosterna à terre, et adora le Très-Haut, en ce moment la très-sainte Trinité se manifesta à elle par une vision intellectuelle et elle entendit une voix qui dit: Hic est filius meus dilectus, in quo mihi benè complacui. En même temps Siméon conduit par l'esprit de Dieu vint au temple, et s'approchant du lieu où était Marie avec Jésus, il les vit tous rayonnants d'une vive lumière. Anne vint aussi au temple conduite par l'esprit de Dieu et vit la même chose. Siméon prit l'enfant dans ses bras, l'offrit au père éternel et entonna le célèbre cantique: Nunc dimittis servum tuum, domine, secundum verbum tuum in pace. Il annonça ensuite la passion cruelle qu'elle devait souffrir dans son coeur à la vue des souffrances de Jésus. Lorsque le saint prêtre prophétisa la passion, l'enfant inclina humblement la tête pour témoigner qu'il acceptait la prophétie et voulait l'accomplir. Après cela la sainte Vierge prit congé du prêtre à qui elle demanda la bénédiction et baisa la main, elle se tourna ensuite vers sainte Anne sa maîtresse et la pria de la bénir. Étant sortis du temple, ils retournèrent à la maison que leur avait fait préparer Siméon où ils restèrent encore plusieurs jours. Ils allaient chaque jour au temple renouveler leur offrande, et ils restaient en prières, depuis l'heure de tierce jusqu'au soir, dans le lieu le plus humble et le plus retiré du temple.

CHAPITRE XV.

FUITE EN EGYPTE.

Le cinquième jour après la présentation, la très-sainte Vierge eut une vision abstractive de la divinité dans Laquelle elle fut avertie de s'enfuir en Egypte, parce qu'Hérode cherchait à faire périr le messie qui venait de naître , et de ne point craindre les incommodités et les fatigues du voyage parce que Dieu l'assisterait en toutes choses. Elle répondit avec humilité: Ecce ancilla domini fiat mihi secundum verbum tuum. Ensuite elle pria le Très-Haut de faire supporter à elle seule toutes les souffrances. Néanmoins en considérant les peines que souffrirait un enfant si jeune dans l'exécution de cet ordre, elle fut touchée de compassion et ne put retenir ses larmes. A la vue de cette tristesse, saint Joseph qui ne savait rien se troubla un peu, mais il n'osa point l'interroger. Son trouble ne fut de longue durée, car dans la même nuit, l'ange du Seigneur lui apparut et lui dit de fuir en Egypte, comme le rapporte saint Mathieu. Le saint se leva aussitôt, il appela la sainte Vierge et lui annonça l'ordre qu'il avait reçu. Elle se montra prompte à partir avec son époux affligé, sans manifester qu'elle eut aussi reçu cet ordre. Elle s'approcha du berceau où dormait le saint enfant, et l'ayant découvert elle le trouva endormi, elle se mit à genoux et le prit doucement dans ses bras, mais il s'éveilla et se mit à verser beaucoup de larmes, ensuite il donna la bénédiction à la sainte Vierge et à saint Joseph qui la lui avaient demandée. Elle l'enveloppa de ses langes et ils partirent sans retard, peu après minuit, avec la monture qu'ils avaient amenée de Nazareth.

La sainte Vierge désirait aller visiter dans ce voyage la sainte grotte de Bethléem, mais les dix mille anges qui l'accompagnaient lui représentèrent le danger qu'il y avait de la part d'Hérode. Sans rien répliquer, elle se soumit à la volonté du Seigneur, et se contenta de saluer de loin ce lieu sacré et de le vénérer. Elle se consola avec l'ange à qui Dieu avait confié la garde de la sainte grotte et qui vint de Bethléem pour adorer son Dieu humanisé dans les bras de sa sainte mère. Elle désirait aussi passer par Hébron où se trouvait en ce moment sainte Elisabeth et qui était peu éloigné de son chemin, mais saint Joseph par crainte d'Hérode n'approuva pas cette résolution. L'humble Vierge sans dire un mot, demanda la permission d'envoyer au moins un de ses anges à Elisabeth non seulement pour la saluer, mais aussi, pour la prévenir de mettre en sûreté son fils Jean-Baptiste. L'ange accomplit son ambassade et Elisabeth lui ayant demandé de venir adorer le saint enfant, il le lui défendit pour ne pas retarder le voyage. Elle envoya un de ses serviteurs qui apporta des vivres pour les saintes personnes, des langes pour le divin enfant et un peu d'argent avec lequel la sainte Vierge dans sa pauvreté pourvut aux plus pressants besoins de son jeune enfant et de son saint époux, et elle distribua le reste aux pauvres.

Ils s'arrêtèrent deux jours à la ville de Gaza éloignée de vingt lieues de Jérusalem, dans un logement que leur avait procuré le serviteur d'Elisabeth. Ensuite laissant les lieux habités de la Judée, ils s'avancèrent vers l'Egypte par la route du désert appelé Bersabée. Ils voyagèrent au milieu de l'hiver dans ce désert, qui a cent soixante mille environ jusqu'à Héliopolis aujourd'hui le Caire d'Egypte, obligés de dormir toujours à découvert, sans aucun abri. Ils passèrent la première nuit au bas d'une colline, la reine de l'univers s'assit à terre avec son enfant dans les bras. Elle prit un peu de nourriture qu'ils avaient apportée de Gaza, et saint Joseph fit avec son manteau une petite tente sous laquelle se mirent a l'abri la sainte Vierge et le divin enfant. Le second jour ils continuèrent leur voyage, mais les vivres leur manquèrent; c'est pourquoi ils souffrirent beaucoup en ce jour et des fatigues de la route et parce qu'ils n'avaient rien pour manger, ce qui leur arriva encore un autre jour. La sainte Vierge demandait souvent à son fils si les rigueurs du froid et de la mauvaise saison l'incommodaient, le saint enfant répondait: ma mère, il m'est doux et agréable de souffrir pour l'amour de mon père éternel et des hommes à qui je suis venu donner l'exemple, d'autant plus que je suis en votre compagnie. Le saint enfant versait quelquefois des larmes, mais c'était des larmes d'amour et de compassion pour les hommes, sa miséricordieuse mère imitait son exemple. Pour se soulager dans ce pénible voyage la sainte Vierge le remettait souvent à saint Joseph qui tantôt le pressait sur son sein, tantôt lui baisait les petits pieds, ou lui demandait avec humilité la bénédiction. L'une des plus cruelles souffrances qu'ils éprouvèrent dans ce pénible voyage fut un vent impétueux qui s'éleva, accompagné de pluie et d'un grand froid, de sorte que malgré tous les efforts de la Vierge mère pour protéger son enfant bien aimé alors âgé de cinquante jours, il était si transi de froid qu'il en versait souvent des larmes. Il devint donc nécessaire d'user du pouvoir que la sainte Vierge avait sur les créatures, elle commanda, et le vent et la plaie cessèrent aussitôt. Pour récompenser ce soin amoureux de sa chère mère, le saint enfant ordonna aux saints anges d'assister leur reine et de la préserver des rigueurs du temps. Les anges exécutèrent les ordres, ils formèrent un globe lumineux dont ils enveloppèrent non seulement la divine mère et leur créateur mais aussi saint Joseph. Ce ne fut pas le seul bienfait que le Dieu enfant opéra en leur faveur, il les protégea contre la faim dans ce désert où ils n'avaient rien, ordonnant aux anges de les pourvoir des vivres nécessaires, et ils apportèrent aussitôt un pain blanc, des fruits exquis et une liqueur très agréable. Le Seigneur prit encore soin de les recréer d'une manière agréable, c'est pourquoi lorsqu'ils s'arrêtaient pour respirer un peu, il venait des montagnes voisines un grand nombre d'oiseaux les réjouir, tantôt par leurs doux chants, tantôt en se mettant sur leurs épaules et sur les mains et louant à leur manière leur créateur et la divine mère. Les anges accompagnaient ces chants de leur douce harmonie, pour ranimer le coeur des pèlerins accablés de fatigue.

Le désert de Bersabée est celui du pain mystérieux cuit sous la cendre, lorsque le prophète fuyait la persécution de Jésabel. Après un long circuit de soixante mille environ fait par l'ordre de Dieu avec d'indicibles souffrances, ils arrivèrent enfin en Egypte. En arrivant le saint enfant leva les yeux au ciel et pria le père éternel pour ces misérables peuples tourmentés des démons, dans le nombre infini d'idoles qu'ils adoraient. Usant de son suprême pouvoir sur l'enfer, à sa première entrée dans ce vaste royaume, il précipita tous les démons dans les abîmes, renversa à terre toutes les idoles et détruisit les temples de l'idolâtrie. La miséricordieuse mère coopérait à tout par ses ferventes prières. Cet évènement imprévu apporta un grand trouble parmi les Egyptiens qui en ignoraient la cause; néanmoins quelques uns des plus sages savaient par la tradition de leurs anciens qu'un roi des juifs devait venir dans leur pays, et qu'à son arrivée les idoles seraient brisées et les temples renversés. Dans ce trouble plusieurs allèrent trouver la sainte Vierge et saint Joseph, pour leur demander comme étrangers s'ils connaissaient la cause de cet étrange évènement. La mère de la divine sagesse profitait habilement de cette occasion pour les instruire, leur' ouvrir les yeux sur leurs fausses divinités et leur enseigner les dogmes de la vraie foi. Ils poursuivirent leur voyage au milieu de ces prodiges, chassant les démons des corps des possédés, et ils arrivèrent à Heliopolis près de la Thébaïde. En entrant dans la ville un arbre qui était près de la porte se courba jusqu'à terre pour rendre hommage à son créateur et le remercier de la manière qu'il pouvait de l'avoir délivré d'un démon, qui depuis longtemps y était vénéré des Egyptiens. Un grand nombre de personnes connurent ce fait et plusieurs auteurs en ont conservé le souvenir qui s'est perpétué à travers les siècles (voir Nic. Sozomène, Broch.); comme aussi celui de la fontaine miraculeuse où burent la sainte Vierge et saint Joseph, dont le souvenir s'est conservé jusqu'à présent parmi ces peuples et dont l'eau opère encore des miracles.

Lucifer fut confondu de ces évènements, et voyant tous ses compagnons précipités dans l'enfer, enflammé de fureur il sortit de l'abîme pour en chercher la cause. Il parcourut l'Egypte et ne découvrant rien, il jugea que la sainte Vierge était la cause de tout le mal, car il n'avait aucun soupçon du fils, le croyant né à la manière des autres enfants. Revenu dans l'enfer il fit part à ses compagnons de ses soupçons, et il les ramena au-dehors pour faire de nouveau la guerre à cette femme si terrible pour eux. Mais le Très-Haut ne le permit pas, et ils ne purent pas l'approcher pour la tenter, il les retint toujours éloignés de deux milles sans qu'ils pussent venir plus près. Lucifer faisant tous ses efforts pour s'approcher le pouvoir de Dieu le précipita de nouveau avec tous ses compagnons au fond des abîmes, et il ne leur permit point d'en sortir pendant un temps assez long.

Les saints époux s'arrêtèrent à Heliopolis pour y faire leur séjour. Ils trouvèrent une maison, qui était selon le désir de la sainte Vierge pauvre et un peu éloignée de la ville. En y entrant la sainte Vierge, se mit à genoux et en baisa le pavé; elle offrit au Seigneur toutes les peines qu'elle souffrirait en ce lieu jusqu'à son départ. Ensuite amie de la propreté, elle se mit à la nettoyer et à la mettre en ordre. Mais s'ils avaient dans cette pauvre maison ce qui était suffisant pour se loger, ils manquaient néanmoins du nécessaire pour vivre, car Dieu avait cessé alors de les secourir miraculeusement comme il l'avait fait dans le désert. Ils étaient en ce moment dans un lieu habité, c'est pourquoi ils pouvaient vivre comme font les pauvres par l'aumône. Saint Joseph se mit donc à aller de porte en porte demander la charité, par amour de Dieu. Dans les trois premiers jours, ils n'eurent pas d'autre nourriture que les morceaux de pain que saint Joseph avait reçus de la charité des habitants. La sainte Vierge restait avec le saint enfant dans la pauvre maison sans aucune commodité, sans une seule planche pour lit, dans la plus extrême misère. Le saint commença à gagner quelque chose par son travail et ils achetèrent un lit pour la sainte Vierge, et un berceau pour l'enfant, le saint patriarche ne voulut point d'autre lit que la terre nue. La maison fut privée d'ustensiles, jusqu'à ce qu'il put pourvoir par son travail à ce qui était le plus nécessaire pour vivre lui même et sa petite famille. Cette pauvre maison était divisée en trois chambres, l'une servait d'oratoire à la sainte Vierge qui s'y retirait pour prier , elle y gardait aussi le berceau du saint enfant. L'autre servait à saint Joseph pour prier et se reposer, la troisième servait de boutique pour y travailler du métier de charpentier. La sainte Vierge voyant qu'il fallait que le saint époux redoublât son travail pour fournir à l'entretien de la famille, lui vint en aide avec le travail de ses saintes mains, elle demanda de l'ouvrage à quelques femmes qui lui étaient affectionnées, et comme tout ce qu'elle faisait était parfait, le bruit s'en répandit bientôt et elle n'en manqua jamais dans la suite. Elle partagea son temps, le jour fut pour le travail, elle consacra la nuit aux exercices de piété, car elle ne voulait pas que Dieu les secourût par des miracles, lorsqu'ils pouvaient vivre par leur industrie. Mais dans son travail la grande reine ne perdait jamais de vue ni son fils ni son Dieu, et ne cessait jamais ses divines contemplations. Elle ne fit que transporter à la nuit les exercices purement spirituels qu'elle faisait auparavant dans le jour. Le saint enfant se réjouit beaucoup de la prudence de sa mère, c'est pourquoi il lui donna une exacte distribution des heures de sa journée, lui indiquant en particulier à quoi elle devait les employer suivant son bon plaisir. Elle se dirigea d'après ce règlement qu'elle avait reçu de Jésus, pendant tout le temps que la sainte, famille resta en Egypte. Voici la manière de se conduire pendant son travail, elle était toujours auprès de son enfant et à genoux devant le berceau où il reposait, elle avait avec lui de saints colloques, et elle chantait à sa louange des hymnes et des cantiques qui seraient s'ils avaient été écrits plus nombreux que les psaumes et les cantiques qui se chantent dans la sainte Église. La sainteté avec laquelle vivait cette sain te famille se répandit dans la ville, c'est pourquoi il accourait des gens de toute condition. Ils en rapportaient de grâces nombreuses, et Je concours s'accrut à un point que la sainte Vierge demanda à Dieu, comment elle dev,ait se conduire dans ce cas. Le Seigneur lui répondit, qu'elle devait les instruire tous des vérités de la foi et de la connaissance de Dieu. L'obéissante reine exécuta les ordres, et le fruit qu'elle produisit dans les âmes fut Si grand qu'il serait trop long de raconter les prodiges et les conversions admirables qu'elle opéra. Elle s'appliquait surtout au soin des pauvres infirmes, et elle usait en leur faveur de sa sagesse, de son pouvoir et particulièrement de sa grande charité. A cause des grandes et excessives chaleurs de l'Egypte il y eut la peste à Héliopolis, et dans tout ce temps son zèle et ses fatigues pour les malades furent incroyables. Le nombre des personnes qui accouraient fut si grand qu'elle obtint du Seigneur que saint Joseph put lui venir en aide dans ses oeuvres merveilleuses. Le plus souvent donc il guérissait et instruisait les hommes, et elle les femmes; c'est pourquoi l'affection des habitants du pays s'accrut pour eux. Le profit spirituel que ces peuples en retirèrent est incroyable, par reconnaissance ils leur apportaient des dons et des présents, mais la grande reine n'acceptait rien pour elle-même, et elle distribuait aux pauvres ce qu'il n'était pas quelquefois possible de refuser.


Vie divine de la très-sainte Vierge Marie - RETOUR DE LA SAINTE VIERGE A NAZARETH.