Vie divine de la très-sainte Vierge Marie - FUITE EN EGYPTE.

CHAPITRE XVI.

MASSACRE DES INNOCENTS.

Il y avait six mois qu'ils étaient en Egypte, lorsque Hérode, devenu furieux à la nouvelle des diverses choses qu'il apprit être arrivées aux rois Mages à Bethléem, et au saint enfant à Jérusalem, ordonna le cruel massacre .des innocents. Aussitôt que l'ordre barbare du roi commença à s'exécuter, notre grande reine vit que son fils priait le père éternel pour les parents de ces enfants et qu'il offrait ces jeunes victimes qui mouraient, comme les prémices de sa rédemption. Elle vit qu'afin que ces innocents fussent sacrifiés au nom de leur rédempteur, il demanda pour eux l'usage de la raison et qu'il récompensât leur mort par la gloire et la couronne des martyrs. La sainte Vierge connut que le père éternel avait accordé au verbe incarné toutes ces demandes. Elle désirait connaître ce qui était arrivé à Elisabeth et à Jean-Baptiste dans cette cruelle persécution, mais elle n'osait point à cause du respect qu'elle lui portait et de la prudence avec laquelle elle agissait en matière de révélations, néanmoins elle en fit l'humble demande à son très-saint fils. Le Seigneur contenta son pieux désir et lui fit savoir, que Zacharie était mort quatre mois après son enfantement virginal, et qu'Elisabeth alors veuve s'était retirée sans autre compagnie que son fils Jean, dans le désert, pour éviter la persécution d'Hérode, et qu'elle était cachée dans une grotte où elle passait sa vie dans de grandes mortifications. Elle apprit aussi du Seigneur que sainte Elisabeth mourrait dans trois ans, et que Jean-Baptiste continuerait de vivre dans le désert. La sainte Vierge d'après ces nouvelles envoya visiter souvent sa sainte cousine par ses anges et lui fit apporter plusieurs fois de la nourriture, qui fut le meilleur mets qu'elle eût au désert. Lorsque Elisabeth fut sur le point de mourir, elle lui envoya plusieurs de ses anges pour l'assister et ensuite pour l'ensevelir dans cette solitude. Après sa mort, elle envoya jusqu'à sept ans au jeune Jean-Baptiste la nourriture nécessaire, qui était du pain et quelque autre mets. Après sept ans elle ne lui envoya plus rien, parce qu'alors il put déjà se procurer par son industrie sa nourriture, qui consista en herbes, en miel sauvage et en sauterelles.

Elle vit comme si elle eût été présente le cruel massacre des innocents qui furent égorgés par la jalousie insensée d'Hérode, elle en connut le nombre et elle vit qu'il était accordé à tous, (et les uns avaient 8 jours, les autres deux mois, les autres six, mais aucun plus de deux ans), l'usage de la raison, afin qu'ils offrissent volontairement à Dieu leurs vies. Ils reçurent une profonde connaissance de l'essence divine; et les vertus infuses de charité parfaite, d'espérance, de foi et de vertus de religion avec lesquelles ils exercèrent des actes héroïques de foi, d'espérance, d'amour de Dieu et de vénération. Elle vit une multitude d'anges qui assistaient à leur martyre et qui les accompagnaient aux limbes, afin de les amener plus tard dans le paradis. A cette vue enflammée du saint amour, la grande reine entonna, remplie de joie, le cantique; Laudate pueri dominum, et les anges l'accompagnèrent.

Un jour tandis que la sainte Vierge s'entretenait avec saint Joseph son chaste époux de l'incarnation du verbe, le saint enfant voulut donner une consolation à son saint tuteur en lui parlant de vive voix, ce qu'il n'avait encore jamais fait. La première parole qu'il lui dit fut de l'appeler père. Cette parole pénétra tellement le coeur de saint Joseph, que ce fut un miracle qu'il ne se liquéfiât point d'amour. Cela arriva un an après l'arrivée en Egypte. La sainte, Vierge avait toujours tenu emmailloté le saint enfant pendant cette première année, mais jugeant avec raison qu'elle pouvait enfin cesser, elle lui en demanda la permission. II lui fit alors cette réponse: « Ma mère, les liens de mon enfance m'ont paru doux à cause de l'amour que je porte aux âmes que j'ai créées, et que je suis venu racheter; à mon âge parfait je dois être arrêté, lié, conduit à mes ennemis et par eux à la mort, et si ce souvenir m'est agréable dans la vue de plaire à mon père éternel, tout le reste me sera facile. Je ne veux avoir qu'un habit dans ce inonde, car je désire seulement ce qui m'est nécessaire pour me couvrir. Quoique tout ce qui est créé soit à moi, je veux enseigner aux hommes par mon exemple à rejeter tout ce qui est superflu. Vous me revêtirez donc, ma chère mère, d'une longue tunique de couleur sombre qui me servira toujours, elle croîtra aussi avec moi, et ce sera sur elle qu'on jettera le sort à ma mort, car elle ne doit pas même être laissée à ma libre disposition, afin que tous les hommes sachent que je suis né, que j'ai vécu et suis mort pauvre. » La Vierge lui dit alors: je vous demande la permission de vous mettre aux pieds une chaussure, afin que dans un âge si tendre, vos pieds ne soient pas blessés, je désire aussi que vous mettiez cette espèce de toile sous votre tunique pour protéger vos membres contre le rude vêtement de laine. Le Seigneur répondit: Ma mère, je consens à ce qu'à cet âge vous me mettiez quelque pauvre chaussure, jusqu'au temps de ma prédication où je marcherai pieds nu, mais je ne veux pas me servir de linge, pour enseigner au monde et à ceux qui m'imiteront dans la suite, en grand nombre la pauvreté dans les habits. La Vierge mère ayant connu la volonté de son cher fils lui prépara. les sandales de ses propres mains, ainsi que la tunique sans couture qu'elle tissa avec de la laine, tout d'une pièce, et cette tunique s'accrut ensuite toujours à proportion que Jésus grandissait. Elle ne vieillit jamais et ne se salit point pendant trente-deux ans qu'il la porta, et jamais elle ne perdit ni la couleur ni le lustre qu'elle avait la première fois qu'il la revêtit.

La consolation de la sainte Vierge et de saint Joseph fut incroyable, lorsqu'ils virent marcher l'e saint enfant. Il marchait en leur présence sans être soutenu, mais il dissimulait cette merveille pour les étrangers. La sainte Vierge continua néanmoins à l'allaiter trois fois le jour encore pendant six mois. Dans la suite aussi elle lui donnait trois fois une légère nourriture, le matin, à midi et le soir, mais jamais il n'en demandait. Lorsqu'il fut devenu grand il mangea à la même heure que les saints époux, c'était lui qui donnait la bénédiction au commencement du repas et qui disait l'action de grâces à la fin. Aussitôt que Jésus commença de marcher, il allait souvent pour prier dans le petit oratoire de sa mère, Elle ne savait pas si elle devait le laisser seul ou le suivre pour l'imiter en tout et copier ses divines actions, mais il l'engagea lui même à entrer et à rester avec lui. Par cet ordre du Seigneur, elle devint de nouveau le disciple de son divin fils, et dès ce moment il se passa entre eux des. mystères si cachés et si grands, qu'il n'est pas possible à la langue humaine de les raconter. Nous ne devons pas omettre, que dans les saints exercices spirituels que faisaient Jésus et Marie, plusieurs fois dans ces prières, le Sauveur pleura et eut des sueurs de sang. Sa chère mère essuyait ce sang précieux et ces saintes larmes occasionnées, comme elle le découvrait dans l'intérieur de son fils, par la perte des réprouvés et des hommes ingrats envers leur rédempteur. Après avoir atteint l'âge de six ans, il commença à sortir quelquefois de la maison pour visiter les infirmes, les consoler et les fortifier dans leurs afflictions. Un grand nombre d'enfants accouraient vers lui, et il leur enseignait k tous la pratique des saintes vertus et la voie du salut éternel. Dans la maison il commença à prendre dans la conversation un air plus sérieux que lorsqu'il était plus petit. Il cessa les caresses dont il usait à l'égard de sa mère et de saint Joseph, et il apparut sur son visage une si grande majesté, que s'il ne l'avait tempérée par une incomparable douceur, personne n'eût osé lui parler par la crainte respectueuse qu'il imprimait.

CHAPITRE XVII.

RETOUR D'EGYPTE A NAZARETH.

Après six ans d'exil en Egypte, le Père éternel ordonna expressément au Verbe incarné de retourner h Nazareth. Sa mère qui priait à côté de son fils, le vit dans son coeur se conformer à la divine volonté; l'ange dans le même temps avertit saint Joseph du départ, comme le rapporte l'évangéliste. Après avoir tout réglé entre eux, ils distribuèrent aux pauvres les ustensiles de leur maison qui étaient peu nombreux, et cette aumône se fit par l'entremise du divin enfant, qui avait coutume de faire aussi les autres petites aumônes. Ils partirent d'Héliopolis, accompagnés encore des saints anges, à travers ces mêmes déserts où ils étaient passés sept ans. auparavant. La sainte Vierge était sur la pauvre monture avec l'enfant sur les bras, saint Joseph marchait devant sa sainte épouse, il se soulageait dans ses peines, tantôt en priant, tantôt par des saints entretiens avec la divine mère, ou bien en contemplant le divin enfant et en lui chantant quelques saints cantiques. Ils épuisèrent en quelques jours la petite provision qu'ils avaient prise, mais le fils multipliait le pain et ordonnait aux anges de les secourir dans cette nécessité. Après les souffrances de ce long et pénible voyage ils arrivèrent aux confins de la Palestine ou le saint époux apprit que le cruel Hérode était déjà mort et qu'Archélaüs son fils régnait en Judée. Il jugea bon de faire un détour et de traverser le pays de la tribu de Dan et d'Issachar dans la partie inférieure de la Galilée, ils suivirent la côte de la Méditerranée laissant à main droite Jérusalem et arrivèrent enfin à Nazareth. Ils rendirent des actions de grâces à Dieu, et saint Joseph chercha aussitôt la sainte femme leur ancienne voisine, à qui ils avaient confié leur maison de Nazareth. En entrant dans la maison, la sainte Vierge se prosterna à terre et remercia de nouveau le Très-Haut de les avoir délivrés des mains d'Hérode. Elle mit en. ordre les choses de la maison et se livra à ses occupations ordinaires, suivant son règlement de vie.

Le Seigneur voulant que sa sainte mère fut un exemplaire de toutes les vertus, quoique pure créature, s'appliqua avec un soin tout spécial à la perfectionner, pendant les vingt-trois années qu'il passa avec elle dans cette sainte maison. Pour l'éprouver dans la grandeur du saint amour et dans l'exercice de toutes les plus héroïques vertus, il la priva de la vue intérieure de son intérieur qui lui donnait une consolation inexprimable. Il commença à agir envers elle avec une plus grande gravité, il lui parlait rarement et se retirait souvent à l'écart. La tendre Vierge mère, ne connaissant pas le motif de cette manière d'agir, avait recours à sa profonde humilité, elle s'estimait indigne de cette faveur, et elle s'affligeait moins d'avoir perdu la vue de son Seigneur, qu'elle n'éprouvait de peine dans la crainte de l'avoir dégoûté par son ingratitude. Jésus ressentait vivement les afflictions de sa chère mère, mais il ne voulut jamais lui en témoigner extérieurement quelque compassion. Quelquefois lorsque sa mère l'appelait pour prendre la nourriture nécessaire à l'entretien de sa vie, il n'accourait pas aussitôt comme auparavant, ensuite il arrivait et ne la regardait point. Il ne disait pas un seul mot, mais dans cette manière d'agir extérieurement si sévère, il éprouvait une joie intérieure inexprimable, en voyant une si inébranlable et si grande vertu dans une pure créature. Il montrait encore un plus grand sérieux lorsqu'elle le conduisait pour dormir, car tandis qu'elle lui demandait pardon à genoux de son peu de zèle et de soin envers lui dans ce jour, il ne répondait rien à ces humble paroles, quoiqu'il la vit toute baignée de larmes, mais il lui commandait de se retirer. Cette dure et cruelle épreuve qui faisait éprouver à sa tendre et bonne mère une souveraine douleur et à Jésus une grande complaisance à la vue de la grandeur de l'amour divin de sa mère, dura plusieurs jours. Enfin après trente jours de ce douloureux martyre, elle vint se prosterner à ses pieds et le supplia instamment avec larmes de lui découvrir, si elle avait bus quelque négligence à le servir, mais de ne pas continuer plus longtemps de la priver de la douce correspondance de son amour. Le Seigneur alors lui dit : Levez-vous, ma mère. A ces amoureuses paroles, la tendre mère accablée de douleur se sentit renaître, elle fut aussitôt transformée et élevée à une extase très-sublime, où toute sa tristesse se changea en un doux contentement intérieur de l'âme. Mais à cette affliction il en succéda bientôt une autre.

La loi de Moïse ordonnait que trois fois dans l'année les Israélites iraient à Jérusalem adorer Dieu dans son temple. Cette loi à la vérité n'obligeait pas les femmes, néanmoins on avait résolu que saint Joseph irait seul pendant deux fois, mais qu'à la troisième la sainte Vierge y viendrait avec son Fils. Ce voyage était de plusieurs milles, Jésus malgré cela voulut toujours le faire à pied, quoiqu'il souffrit beaucoup dans cet âge si tendre. La première fois seulement il permit qu'on le prît quelque fois sur le bras, tantôt sa mère et tantôt saint .Joseph, et qu'on lui fit faire ainsi un péu de chemin. Le soir dans les hôtelleries et dans le chemin il ne quittait jamais les côtés de sa mère, enfin qu'elle pût toujours le considérer et l'imiter exactement dans ses actions. Ils firent un de ces voyages lorsque Jésus avait déjà douze ans, et ce fut pour la grande fête des Azymes, qui durait sept jours entiers. Le dernier jour de cette solennité, ils se mirent en marche pour retourner à Nazareth et le Seigneur mit à profit cette, occasion pour se séparer de ses parents. Pour exécuter son dessein, il se prévalut de l'usage et de la coutume des juifs qui, étant en très grand nombre, se divisaient en divers groupes, les femmes marchant séparées des hommes pour la plus grande décence. Les enfants qui étaient venus à la fête pouvaient se trouver dans la compagnie ou du père ou de la mère, c'est pourquoi saint Joseph put penser que Jésus était avec sa mère, et la sainte vierge qu'il était avec saint Joseph. Cependant la pensée de la sainte vierge fut détournée du Seigneur par une très-haute contemplation, revenue ensuite à elle-même et ne voyant pas Jésus auprès d'elle, elle pensa qu'il était avec saint Joseph. Le divin enfant se sépara d'eux en sortant de la porte de la ville ou la foule était très grande. Ils marchèrent un jour entier, mais toujours dans ce même ordre, les femmes avec les femmes et les hommes ensemble. Enfin lorsque la foule se divisait par divers chemins et que chacun se réunissait avec ceux de sa famille aux endroits désignés, la sainte vierge et saint Joseph se retrouvèrent et en ne voyant. pas le saint enfant, ils restèrent muets et confondus de douleur sans pouvoir se parler; enfin ayant repris un peu de force, ils résolurent de revenir sur le chemin qu'ils. avaient fait dans ce jour afin de le chercher, en proie tous les deux à une douleur inexprimable, et s'accusant chacun. de sa propre négligence. La sainte vierge en demanda des nouvelles à ses anges, qui ne lui en donnèrent point. Les époux affligés soupçonnèrent qu'Archelaüs ayant eu connaissance de l'enfant l'avait fait arrêter, ou qu'il s'était enfui de lui-même pour quelque faute de leur part. Ils continuèrent dans ces affligeantes pensées à le chercher en pleurant, sans pouvoir prendre aucune espèce de repos ni de nourriture. Ils le cherchèrent chez leurs amis et leurs. connaissances dans Jérusalem, mais personne ne leur en donna des nouvelles. Étant sortis de nouveau de la ville, ils résolurent d'aller le chercher auprès de saint Jean-Baptiste dans le désert, mais ils en furent détournés par les anges. Le troisième jour, ils voulaient aller à Bethléem pour voir s'il n'était pas allé visiter la sainte grotte, mais ils en furent encore dissuadés par les anges. Ils retournèrent à Jérusalem et en cherchant dans les rues, ils donnèrent le signalement, pour le reconnaître, de ses cheveux, de son visage , de sa taille et de ses habits,. Une femme leur répondit qu'un enfant semblable était venu demander l'aumône à sa porte, et en la lui donnant elle avait ressenti une tendre compassion dans son coeur, de voir un enfant si gracieux et si aimable, sans personne qui en prit soin. Sur ces paroles, la mère affligée se dirigea avec saint Joseph vers l'hospice des pauvres, et elle apprit encore là, qu'un enfant semblable à celui qu'elle décrivait, était venu consoler les pauvres, mais qu'il était parti et on ne savait pour quel lieu. Alors la vierge affligée eut la pensée avec son époux qu'il était au temple, et ayant interrogé ses anges gardiens ils lui répondirent de l'y chercher. Ils se dirigèrent vers le temple et y arrivèrent lorsque la dispute des rabbins et des scribes de la loi, à laquelle Jésus avait pris part, était sur le point d'être terminée; ils entendirent seulement les dernières raisons données par le saint enfant pour prouver la venue du Messie, qui était le sujet de la discussion. La sainte vierge, ravie de joie d'avoir retrouvé son trésor, s'approcha de son fils, et en présence de tous les assistants lui dit les paroles rapportées par saint Luc: Filii quid fecisti nobis sic? ecce pater tuus et ego dolentes quaerebamus te. Jésus fit à ses paroles la réponse rapportée aussi par saint Luc. Ils sortirent du temple et se dirigèrent vers Nazareth; aussitôt que la sainte vierge fut dans un lieu solitaire, elle fit ce qu'elle n'avait pas osé faire au temple en présence de la multitude, c'est-à-dire, se jeter selon sa coutume aux pieds de jésus et lui demander sa bénédiction. Il la consola par de douces paroles et lui fit connaître plus parfaitement qu'il ne l'avait jamais fait tous les mystères de son coeur et les fins élevées pour lesquelles il avait agi ainsi.

L'évangéliste n'a écrit autre chose des dix-huit années que Jésus demeura à Nazareth, sinon qu'il était soumis à ses parents, et erat subditus illis; c'est que les choses qu'il y fit furent si divines et si élevées qu'aucune intelligence humaine ne peut les comprendre. Notre grande reine reçut en ce lieu la connaissance de tous les mystères, des rites et des cérémonies de la sainte Eglise; . elle connut la fausseté des hérésies, les erreurs des gentils et tous les évènements de la loi évangélique. Elle comprit la doctrine des quatre évangiles qui devaient être écrits, avec tous les mystères qu'ils contenaient, et cela avec une telle clarté et une telle profondeur qu'il est impossible à la langue humaine de l'exprimer.

Dans une vision de la divinité, elle reconnut que Dieu la voulait pour maîtresse de la nouvelle loi de grâce, et elle reçut les lumières qui étaient nécessaires pour une oeuvre de cette importance. Le Seigneur employa trois ans pour instruire sa mère d'une manière parfaite, et chaque jour il lui faisait trois instructions, Il opérait aussi par la force du saint amour, et il ne s'écoula pas un instant, où il n'ajoutât des grâces aux grâces reçues, des dons à ses dons, une nouvelle sainteté à sa sainteté, des faveurs aux faveurs déjà accordées. Entre autres choses, non-seulement elle connut qu'il y aurait le saint sacrement de l'autel, mais elle sut qu'il serait établi avant sa mort et qu'elle le recevrait plusieurs fois. Dans cette connaissance elle s'abaissa dans son néant et rendit à Dieu de vives et sincères actions de grâces, dès ce moment elle commença à offrir toutes ses pensées et toutes ses actions pour se préparer à recevoir dans la suite la très-sainte communion. Pendant le grand nombre d'années qui s'écoulèrent jusqu'à l'institution de la sainte Eucharistie, elle n'interrompit jamais cette préparation, et elle eut toujours présente à sa pensée ce mystère ineffable. Ces merveilles s'accomplirent ordinairement dans l'humble oratoire, que notre reine avait dans sa pauvre maison. Jésus s'y entretenait longuement avec sa mère de profonds mystères, ils y priaient ensemble, tantôt à genoux, tantôt en forme de croix, quelquefois ils étaient soulevés de terre, et en l'air aussi ils étaient en forme de croix. Il lui parlait quelquefois comme un maître, d'autres fois comme un fils, tantôt il était transfiguré dans son corps, comme plus tard sur le Thabor, tantôt il était comme dans sa, passion et avait des sueurs de sang.

La Vierge mère, au milieu de ces divins enseignements et de ces saints exercices, atteignit sa trente-troisième année. C'est l'âge où le corps humain a toute sa perfection naturelle et où il commence à décliner, mais dans Marie on n'y vit jamais aucun changement, et son admirable complexion ne s'altéra ni ne changea point, elle se conserva jusqu'à soixante-dix ans dans le même état qu'elle était à l'âge de trente-trois ans. Le Seigneur lui accorda ce privilège, afin qu'elle restât toujours semblable à la sainte humanité de son fils, quant à l'état de sa plus grande perfection, c'est-à-dire de trente-trois ans. La même faveur ne fut pas accordée à saint Joseph, aussi la sainte Vierge voyant le changement opéré dans son époux, lui parla un jour et le pria de cesser le pénible métier avec lequel il gagnait pour vivre lui-même et sa famille, parce qu'elle travaillerait à sa place et gagnerait par les ouvrages de ses mains ce qui était nécessaire à l'entretien de la maison. Le saint patriarche opposa de grandes difficultés pour ne pas céder à la proposition de sa sainte épouse, mais enfin il s'y soumit. Ils distribuèrent aux pauvres les outils de son métier, parce qu'ils ne voulaient rien de superflu dans la maison, et saint Joseph s'occupa entièrement à la contemplation du grand mystère dont il avait reçu le dépôt et à la pratique des saintes Vertus. La sainte Vierge procurait par son travail tout ce qui était nécessaire, sans jamais sortir de sa retraite, car quelques dévotes femmes voisines, qui, l'aimaient à cause de. ses vertus lui procuraient de l'ouvrage pour gagner l'entretien de sa famille. Un grand gain n'était pas nécessaire parce que leur nourriture ordinaire était très-frugale; le divin fils ni la mère ne mangeaient jamais de la viande, mais seulement des poissons, des fruits, des herbes et encore même avec une grande sobriété. Elle accordait très-peu de temps au repos et elle employait plusieurs heures de la nuit au travail des mains, car Dieu le lui avait permis, maintenant plus qu'en Egypte. Lorsque tout cela ne suffisait pour traiter d'une manière convenable le vieux saint Joseph qui avait besoin de plusieurs choses, Dieu y pourvoyait par miracle, tantôt en multipliant le peu qu'ils avaient; tantôt en faisant apporter ce qui manquait par les anges gardiens de la Vierge mère.

CHAPITRE XVIII.

MALADIE ET PRÉCIEUSE MORT DE SAINT JOSEPH.

Les douleurs et les souffrances causées par les continuelles indispositions du saint vieillard allaient toujours croissant, et s'aggravaient de plus en plus avec les années. La sainte épouse de son côté pleine de sollicitude augmentait son travail, pour pourvoir non-seulement fournir à son entretien, mais encore afin de procurer quelque soulagement à son époux bien-aimé. Elle se servit plusieurs fois du pouvoir, qu'elle avait sur les créatures et ordonna aux viandes d'avoir un meilleur goût et d'être plus agréables au malade. Elle lui donnait à manger toujours à genoux et elle le déchaussait aussi, lorsqu'il ne pouvait le faire lui-même. Pendant les trois dernières années, dans lesquelles ses douleurs s'accrurent encore davantage, elle l'assista le jour et la nuit excepté le temps où elle était occupée à servir et à donner à manger à Jésus. Non contente de ces soins si pénibles, elle demanda au Seigneur, qu'afin de diminuer les souffrances à son époux, il les envoyât à elle-même. Elle commandait aux douleurs de s'adoucir, et elle ordonnait aux anges de le consoler tantôt en lui apparaissant en forme visible, tantôt en s'entretenant avec lui des perfections de Dieu, ou en lui faisant entendre de célestes mélodies. Il y avait déjà huit ans, que Dieu éprouvait par diverses maladies la vertu du saint patriarche, pour sa plus grande récompense, lorsque la sainte Vierge voyant que le temps de sa mort approchait, pria son divin fils de vouloir bien l'assister à ce dernier moment si dangereux. Le miséricordieux Jésus lui promit non-seulement de l'assister, mais de l'élever à un rang si élevé que les anges mêmes en seraient ravis d'admiration. En effet les cinq derniers jours de sa sainte vie, il ne s'éloigna jamais de son côté ni le jour ni la nuit à moins que la douce reine n'y fût présente. Pendant ces neuf jours, les anges par son ordre firent entendre trois fois le jour des chants célestes, dans cette petite chambre, et on y respirait un doux parfum de paradis qui ranimait et fortifiait le saint moribond. Le jour qui précéda sa bienheureuse mort, il fut ravi en une extase qui dura vingt-quatre heures, le Seigneur augmentant ses faibles forces pour la supporter. Il vit clairement dans cette extase l'essence divine, et tous les mystères de l'incarnation et de la rédemption qu'il avait crus jusqu'alors, lui furent découverts sans voile. La très-sainte Trinité le nomma son messager pour annoncer aux saints pères des Limbes leur prochaine rédemption. Revenu de son extase, le visage tout resplendissant il demanda la bénédiction à sa sainte épouse, mais l'humble reine au lieu de le bénir pria son divin fils de le faire, ensuite elle se mit à genoux et pria son époux de la bénir, et après avoir reçu sa bénédiction, elle baisa sa main avec respect. Saint Joseph demanda pardon à sa sainte épouse du peu d'égard qu'il avait eu pour sa dignité et pour ses mérites, et la pria de l'assister à ce dernier moment. Il s'adressa ensuite à son fils et le remercia de toutes les faveurs qu'il avait reçues de sa main libérale et dans sa maladie en particulier; il fit tous ses efforts pour se mettre à genoux, mais Jésus qui était à ses côtés le pressa dans ses bras, dans lesquels sa très-sainte lune s'exhala au milieu de saints entretiens. Le Seigneur ferma lui-même ses yeux de ses divines mains.

Aussitôt qu'il fut mort, les anges firent entendre une céleste harmonie dans cette sainte maison et la sainte Vierge leur commanda de conduire cette grande âme aux Limbes, où étaient les saints pères. Elle prépara le saint corps pour être enseveli, elle-même l'enveloppa de ses propres mains et le Seigneur le revêtit d'une splendeur admirable. Il faut remarquer que la mort de ce saint patriarche ne fut pas causée seulement par ses grandes et particulières maladies, mais le feu ardent de la charité concourut encore à la lui donner, son coeur était consumé de feux si ardents qu'il fut conservé plusieurs fois en vie par miracle; Dieu donc, suspendant son concours, la nature ne put résister à la force des élans de son amour et le lien qui tenait unie son âme sainte à son corps fut rompu. Ce genre de won fut plutôt le triomphe de l'amour divin, que la peine du péché originel.

Saint Joseph mourut à l'âge de soixante ans. Il avait vécu vingt-sept ans avec la sainte Vierge qu'il laissa veuve à l'âge de quarante-un ans et six mois. La sainte Vierge ressentit une grande douleur naturelle de cette mort, parce qu'elle l'aimait avec une tendre affection, et son amour était d'autant plus grand, qu'elle connaissait mieux la sublime sainteté où il avait été élevé. Elle savait qu'il avait été sanctifié à l'âge de sept mois dans le sein de sa mère, et que le feu de la concupiscence avait été comme éteint, tout le temps de sa vie. Jamais il n'éprouva le plus léger mouvement d'impureté, ou d'affection déréglée; à l'âge de trois ans, l'usage de la raison lui avait été accordé et il avait eu la science , infuse et une augmentation de grâce au plus haut degré. Le don de la contemplation lui avait été accordé et à l'âge de sept ans il était d'une sainteté consommée. Il égalait les séraphins en pureté et jamais il n'eut aucune pensée, ni aucune représentation contre cette divine vertu. Enfin à cause de ses vertus héroïques il avait été jugé digne d'être le père nourricier et adoptif du fils de Dieu. Sachant toutes ces choses et d'autres encore, la Sainte Vierge ne pouvait point ne pas ressentir la douleur de cette grande perte.

Dieu a accordé divers privilèges à saint Joseph: I. Ceux qui l'invoqueront avec dévotion, seront protégés du ciel pour la vertu de chasteté et pour triompher des tentations des sens. II. Ils recevront des grâces particulières pour sortir du péché. III. Ils obtiendront la véritable dévotion à la sainte Vierge. IV. Ils feront une bonne et bienheureuse mort et ils seront protégés à ce dernier moment contre le démon. V. Ils seront délivrés, quand il sera expédient, des maladies du corps et ils trouveront un soulagement dans leurs peines. VI. Ils auront des successeurs dans leurs familles, s'ils sont mariés. VII. Les démons craindront extrêmement l'invocation du nom glorieux de saint Joseph.

Après la mort du saint patriarche, la sainte Vierge connut que Dieu voulait que désormais elle s'occupât moins au travail des mains, mais qu'elle s'adonnât davantage aux exercices intérieurs, car quelques heures de travail par jour suffisaient pour son entretien. Dès ce moment elle devait restreindre sa dépense à un très-léger repas par jour, puisque le motif de manger deux fois avait cessé, qui était de tenir compagnie au saint vieillard. Elle suivit aussitôt exactement cette manière de vivre, conformément à l'ordre du Seigneur et plusieurs fois elle ne mangeait que du pain et seulement le soir.

Le respect et la vénération de la Vierge mère pour son divin fils furent toujours très-grands, néanmoins après la mort de saint Joseph son chaste époux ils augmentèrent encore, particulièrement par les actes extérieurs. Se trouvant alors seule avec les anges, elle se prosternait souvent à terre jusqu'à ce que Jésus lui ordonnât de se lever. Elle lui baisait fréquemment les pieds et les saintes mains et elle lui présentait toujours la nourriture à genoux. Elle eut avec ses anges de saints débats d'humilité, parce qu'elle voulait faire toutes les actions humbles et basses de la pauvre maison, comme balayer les chambres, et laver la vaisselle, mais les anges la prévenaient souvent pour remplir aussi leur emploi de fidèles serviteurs de leur reine. A la vérité, lorsque la sainte Vierge les priait de ne point le faire, ils lui obéissaient aussitôt. Elle était très-attentive à tout ce qu'elle Voyait faire à son divin fils, et comme Jésus en considérant l'ingratitude des hommes et en voyant que plusieurs se perdraient, quoiqu'il offrît sa vie pour eux, s'affligeait extrêmement jusqu'à suer plusieurs fois du sang, ainsi Marie pour ces mêmes motifs, était pénétrée d'une grande douleur et versait quelquefois des larmes de sang. Le Seigneur rempli de compassion ordonna plusieurs fois aux anges de la consoler par de célestes mélodies, d'autres fois il la soutenait dans ses propres bras. Elle connut aussi plusieurs prédestinés, principalement les apôtres, les disciples et les fidèles de la primitive église, aussi quand elle vit ceux qui suivaient le rédempteur, elle les connaissait avant de leur avoir parlé et déjà elle avait prié pour eux. Il y a beaucoup d'autres mystères qui, eurent lieu entre Jésus et Marie dans ce temps particulièrement dans les quatre dernières années, ils sont réservés pour le bonheur particulier des prédestinés dans le ciel.

CHAPITRE XIX.

PRÉLUDES DE LA PRÉDICATION DE JÉSUS-CHRIST.

Jésus ayant atteint sa vingt-septième année, commença à se préparer à la prédication. Il sortait donc plus souvent de la maison, et quelquefois il restait trois jours entiers sans retourner vers sa mère. Elle souffrait beaucoup de cette absence, aussi elle envoyait souvent les saints anges auprès de lui, pour qu'ils l'informassent dans le plus grand détail, de ses occupations. Lorsqu'il restait ensuite à la maison, elle le recevait prosternée à terre et lui rendait des actions de grâces, pour les grâces qu'il avait accordées aux pécheurs. Elle le servait comme une tendre et affectueuse mère qu'elle était, et lui préparait quelque petit mets pour soulager sa sainte humanité qui en avait besoin, car il était resté quelque fois trois jours sans prendre du repos ni aucune nourriture. Non contente de cela, elle offrait de l'accompagner dans ses courses, pour aider aussi ceux qui entendraient ses divines paroles. Le Seigneur agréa cette offre, et lui donna la permission de le suivre, aussi dès ce moment toutes les fois que le divin maître sortait de Nazareth, la divine mère allait avec lui. Notre-Seigneur commença à parcourir les environs de Nazareth en annonçant le Messie, et il accompagnait ses enseignements d'inspirations intérieures de la grâce, afin qu'on fût préparé à le recevoir. Il proportionnait ses instructions à la qualité des personnes qui l'écoutaient, aux savants il alléguait le témoignage des prophéties, il parlait aux ignorants de la venue des Mages et du massacre des innocents et ainsi d'une manière différente suivant la capacité et les diverses dispositions des personnes. Le fruit de ces divins enseignements fut grand et abondant, quoiqu'il le fit en secret et non comme plus tard dans le temps de la prédication publique. Il visitait souvent les malades et assistait les moribonds qui étaient à l'agonie, il donnait aussi la santé du corps à un grand nombre, sans qu'ils en connussent la cause. La Vierge mère se trouvait ordinairement présente et coopérait avec lui, mais elle instruisait les femmes plus que les hommes, car le nombre de ceux qui suivaient Jésus était bien petit en ce temps là, le moment n'étant pas encore venu pour les appeler à sa suite. La compagnie ordinaire de Jésus était seulement sa mère et les anges qui, lorsqu'ils retournaient à la maison leur servaient comme d'abri, pour les défendre contre les rigueurs du temps. Ils enseignaient à toute sorte de personnes la venue du Messie sauveur du monde, les pauvres néanmoins étaient les plus privilégiés, parce qu'ils sont mieux disposés à recevoir la divine lumière, car leurs péchés sont plus légers, leur sollicitude des choses de ce monde moindre, et ils ont plus d'humilité.

En ce temps là, la voix du Seigneur se fit entendre à Jean-Baptiste, fils de Zacharie, comme le rapporte l'évangéliste. Il entendit cette voix dans une extase, dans laquelle Dieu lui fit comprendre qu'il devait sortir du désert et préparer les voies à la prédication du verbe. Le saint précurseur sortit donc du désert vêtu d'une peau de chameau, les pieds nus, le visage pâle. Il avait un air plein de gravité, avec une modestie incomparable et une humilité profonde; son âme était forte, généreuse et enflammée de charité pour Dieu et pour le prochain. Il était tel, en un mot, qu'il le fallait pour être le précurseur du verbe incarné et le prédicateur des hébreux, peuple dur, ingrat, opiniâtre, gouverné par des magistrats idolâtres et conduit par des prêtres avares et orgueilleux. Les anges avaient fait à Jean-Baptiste dans le désert une belle croix, devant laquelle il faisait plusieurs exercices de mortification, et souvent il s'y mettait en prière en forme de croix. Il ne crut pas convenable de laisser ce trésor dans le désert et il l'envoya par les anges en don à la sainte Vierge, qui la reçut avec une grande vénération et une douleur très- amère, à cause du mystère que sa vue représenta à son esprit. Elle la mit dans son oratoire, jusqu'au temps où les apôtres se dispersèrent dans le monde, et elle la leur donna avec plusieurs autres choses, comme nous le verrons clans la suite.

Jésus était parvenu à la trentième année de son âge. La Vierge mère qui avait atteint le comble de son amour envers lui, étant un jour élevée à une très-haute contemplation, entendit une voix sortie du trône de Dieu qui dit: Marie ma fille et mon épouse, offrez-moi votre fils en sacrifice. L'obéissante Marie le fit aussitôt avec une si grande et si inexprimable intensité d'amour, que ce sacrifice fut incomparablement plus agréable à Dieu que celui d'Abraham, et que tous ceux qui lui avaient été offerts jusqu'alors. En récompense, la sainte Vierge fut élevée à une claire vision de la divinité, où il lui fut donné de voir tous les mystères de la rédemption des hommes, par le moyen de la prédication, de la passion et de la mort de son fils, à laquelle elle devait elle-même coopérer par son consentement. Revenu de son extase, Jésus vint se présenter à elle, pour lui demander la permission d'aller accomplir en faveur des hommes tout ce qu'elle savait que Dieu lui avait imposé, lui promettant de revenir vers elle, et de l'avoir dès-lors pour compagne dans tous ses travaux. La sainte Vierge se jeta à ses pieds, et Jésus embrassa sa mère, et fondant tous les deux en larmes ils firent l'oblation d'eux-mêmes pour le salut du monde. Le rédempteur se dirigea vers le Jourdain où Jean-Baptiste prêchait et baptisait les pécheurs. Il se mêla parmi. la foule et demanda d'être baptisé par Jean-Baptiste, celui-ci éclairé d'une nouvelle lumière intérieure s'humilia en sa présence, demanda son baptême et rendit témoignage de lui. Ensuite il obéit au Sauveur et le baptisa comme il est raconté dans l'évangile. En ce moment on entendit une voix du ciel qui dit: hic est filius meus delectus, et on vit le Saint-Esprit descendre sur lui en forme de colombe, ainsi la divinité de Jésus-Christ fut confirmée par ces témoignages éclatants. Jésus exauça dans la suite la prière de Jean, il le baptisa de sa main, et lui conféra le premier le grand caractère de chrétien, instituant à cette occasion le sacrement de baptême, quoique la promulgation en ait été différée jusqu'après la résurrection.

Jésus se dirigea du Jourdain vers le désert accompagné des anges, et parvint à l'endroit que sa divine volonté avait désigné. C'était un lieu désert au milieu des broussailles et des rochers ou se trouvait une grotte entièrement cachée. Il se prosterna à terre avec une profonde humilité, et remercia le Père éternel de lui avoir donné ce lieu si propre à la retraite, et il continua sa prière en forme de croix, priant pour le salut des hommes. Ce fut sa prière la plus ordinaire dans ce désert, et il la fit le plus souvent en forme de croix et plusieurs fois il eut des sueurs de sang dans ses prières. Plusieurs bêtes sauvages vinrent reconnaître leur créateur, mais surtout les oiseaux qui chantèrent de joie en se voyant en présence de leur Dieu fait homme. Aussitôt que notre grande reine sut que son divin fils était dans le désert, elle se retira aussi dans sa chambre pour l'imiter en tout, selon sa coutume. Elle pleurait fréquemment et souvent avec des larmes de sang les péchés des hommes. Les anges lui apprenaient à chaque instant ce que faisait Jésus-Christ, la manière dont il priait, et toutes ses divines occupations. Elle lui envoya diverses ambassades, et leur commandait de le visiter en son nom, et leur donnait quelque fois des linges faits de ses propres mains pour l'essuyer, lorsque accablé de fatigue dans ses prières il avait des sueurs. Sa retraite fut si grande pendant ces quarante jours, que les voisins crurent qu'elle était partie de Nazareth, comme ils savaient que Jésus l'avait fait. Elle tint toujours fermée la porte de sa pauvre maison, et elle s'occupa le jour et la nuit à faire tout ce que faisait le rédempteur son fils dans le désert. Elle ne prit pendant ces quarante jours aucune espèce de nourriture; elle se prosternait à terre trois cents fois par jour, comme le faisait Jésus son fils dans le désert, elle s'unissait à lui dans ses adorations, ses génuflexions et ses prières, et les faisait à la même heure que lui. Lorsqu'il fut tenté par le diable, elle vit toute la terrible bataille de Lucifer, et l'imita dans tous les actes par lesquels son divin fils le confondit; elle participa ainsi à son glorieux triomphe, et elle lui en envoya des félicitations par ses anges. A leur retour par l'ordre de Jésus-Christ, les anges lui servirent une part des mets qu'ils avaient apportés du ciel, et elle fut aussi fortifiée par le ministère des anges dans son long jeûne. Les quarante jours étant passés, avant de quitter le désert, le fils de Dieu rendit grâces au Père éternel et fit une très-fervente prière pour ceux qui, à son exemple se retiraient ou pour toute la vie, ou pour quel- que temps dans la retraite, pour s'y appliquer à la contemplation et aux saints exercices, en se séparant du monde. Le Très-Haut lui promit de les favoriser, de faire entendre à leurs coeurs des paroles de vie éternelle, et de les prévenir de grâces toutes particulières. Il alla ensuite trouver Jean- Baptiste, qui rendit de nouveau témoignage de lui à ceux qui l'écoutaient, il partit de ce lieu et s'arrêta dix mois dans la Judée, éclairant les personnes humbles et simples de l'arrivée du Messie, dans les pays qu'il parcourait. Notre grande reine de son côté sortit aussi de sa retraite et instruisit plusieurs personnes des pays voisins, en leur annonçant la venue du Messie rédempteur du monde, sans découvrir celui qui l'était.


Vie divine de la très-sainte Vierge Marie - FUITE EN EGYPTE.