Vie divine de la très-sainte Vierge Marie - LES APOTRES SORTENT DU CENACLE POUR PRÊCHER. MIRACLES OPÉRÉS PAR LA DIVINE MÈRE.
Les apôtres continuaient avec assiduité et sans interruption leurs prédications qu'ils accompagnaient de miracles et de prodiges, le nombre de ceux qui croyaient s'accrut, et sept jours après la venue de l'Esprit-Saint il était déjà de cinq mille, mais ces fruits si abondants étaient dus aux. ferventes prières de la grande maîtresse de l'Eglise. Saint Pierre et saint Jean et le reste des apôtres. vinrent à la présence de la divine mère qui les reçut avec une grande vénération, elle se mit à genoux et demanda avec humilité la bénédiction au chef de l'Église, après l'avoir donnée saint Pierre parla au nom de tous les autres, il exposa à la divine maîtresse, que les nouveaux chrétiens étaient instruits dans les articles nécessaires de la foi et qu'il serait convenable de les baptiser, mais qu'on demandait son avis pour connaître la volonté de Dieu. La prudente mère répondit, Seigneur, vous êtes le chef de l'Église et le vicaire de mon très-saint fils, ainsi tout ce que vous ferez en son nom sera approuvé de sa divine volonté, et ma volonté est la vôtre avec celle de mon fils; alors saint Pierre ordonna, que le jour suivant qui correspond au dimanche de la sainte Trinité, le saint baptême serait donné, aux catéchumènes qui s'étaient convertis cette semaine. Quelques uns de l'assemblée pensaient qu'il fallait donner le baptême de Jean-Baptiste qui était le baptême de la pénitence, mais saint Pierre et saint Jean avec la divine mère décidèrent qu'il fallait donner le baptême de Jésus-Christ, et ils furent d'avis que la matière devait être l'eau naturelle, et la forme : Je vous baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, parce que notre Seigneur avait désigné cette matière et cette forme, et qu'il en avait ainsi baptisés plusieurs de sa main. Quoiqu'on lise dans les actes des apôtres ,qu'ils baptisaient au nom de Jésus-Christ, il ne faut pas entendre ceci de la forme du baptême, mais de l'auteur, pour distinguer ce baptême de celui de pénitence que saint Jean-Baptiste avait établi; car baptiser au nom de Jésus, signifie la même chose que baptiser du baptême institué par Jésus-Christ, parce que la forme est la même que celle que le divin maître avait enseignée.
Le jour suivant les catéchumènes se rassemblèrent tous dans le cénacle, saint Pierre pria la divine mère d'instruire plus parfaitement ces nouveaux convertis par ses ferventes paroles. La mère de l'humilité leur dit avec une grande modestie, mes enfants, le rédempteur du monde, mon fils et vrai Dieu, à cause de l'amour qu'il avait pour les hommes a offert au Père éternel le sacrifice de son corps divin et de son sang, en se consacrant et se cachant sous les espèces du pain et du vin, sous lesquelles il a voulu rester présent dans la sainte Église, afin que ses enfants eussent un sacrifice à offrir au Père éternel, et possédassent aussi l'aliment de vie éternelle et un gage très-assuré de celle qu'ils espèrent dans le ciel, de sorte que par le moyen de ce sacrifice qui contient tous les mystères de la vie et de la mort du fils on puisse apaiser le Père éternel, et en lui et par lui l'Eglise lui rendra les actions de grâces et les louanges qui lui sont dues comme Dieu et souverain bienfaiteur: vous êtes les prêtres à qui seuls il appartient de l'offrir. C'est mon désir, s'il est suivant votre bon plaisir, que vous commenciez à offrir ce sacrifice non-sanglant, afin de témoigner notre reconnaissance pour l'ineffable bienfait de notre rédemption que Jésus-Christ a opérée pour nous, et pour avoir envoyé l'Esprit-Saint à son Église. Les fidèles en le recevant, commenceront à jouir .de ce pain de vie éternelle et de ses divins effets. Parmi ceux qui auront reçu le baptême, on pourra admettre à la sainte communion ceux qui en seront capables et seront disposés, car le, baptême est la première condition pour le recevoir. Tous les apôtres et les disciples se conformèrent aux désirs de la mère de la sagesse et lui rendirent des actions de grâces; on régla qu'après le baptême des catéchumènes saint Pierre célébrerait la première messe comme chef de l'Église. Saint Pierre y consentit et avant de quitter l'assemblée, il proposa de règler une autre difficulté, c'était la manière de distribuer les aumônes et les biens qu'offraient les convertis. L'exemple funeste de Judas empêchait que quelqu'un voulût se charger de cet emploi; on émit donc plusieurs avis. La grande maîtresse des vertus écoutait tout sans proférer une parole, car quoique maîtresse elle s'estimait par son humilité incomparable, disciple et servante de tous, avide surtout d'entendre et d'apprendre. Saint Pierre et saint Jean voyant la diversité des avis supplièrent la divine mère de les éclairer dans cette difficulté, alors avec une grande humilité, elle les exhorta tous à la pauvreté volontaire pour imiter le divin maître, et proposa d'élire six ou sept personnes d'une solide vertu pour recevoir les aumônes et les dons offerts, par lesquels on fournirait à l'entretien des fidèles, afin que les apôtres fussent libres pour la prédication de l'ÉvangiIe, de sorte que personne dans l'Église ne regarderait une chose comme lui appartenant plutôt qu'à ses frères; si les aumônes ne suffisaient pas, les sept personnes demanderaient des secours au nom de Jésus-Christ. Ils approuvèrent tous l'avis plein de sagesse de la reine des anges, et on choisit sept hommes d'une solide vertu, pour recevoir les aumônes et pourvoir aux nécessités des fidèles. La grande reine demanda la bénédiction aux apôtres qui sortirent aussitôt pour prêcher, et les disciples allèrent instruire les catéchumènes et les préparer à recevoir le baptême.
La divine mère accompagnée des saints anges et des Maries, alla préparer et orner la salle où son divin fils avait célébré la dernière cène, elle la balaya elle-même, et l'accommoda avec décence pour y célébrer la sainte messe. Il demanda au bon maître de la maison les mêmes ornements dont on s'était servi le jeudi de la cène, il les accorda aussitôt à cause de la grande vénération qu'il avait pour la sainte Vierge, elle prépara aussi le pain azyme et le vin nécessaire à la consécration, avec le petit plat et le calice dont s'était servi le rédempteur. Elle prit soin aussi d'avoir des vases avec .de l'eau pure et des bassins, pour que le saint baptême fût conféré avec plus de facilité et de décence. Après tous ces préparatifs, la miséricordieuse mère se retira et passa toute la nuit dans des actes d'amour, des génuflexions et. des actions de grâces, elle offrit au Père éternel de ferventes prières, afin que les nouveaux fidèles reçussent le lendemain la sainte communion, selon le bon plaisir de sa divine Majesté. Elle fit avec humilité la même prière pour ceux qui devaient être baptisés. Le matin du jour suivant, qui fut l'octave de la venue de l'Esprit-Saint, tous les fidèles et les catéchumènes avec les apôtres et les disciples se réunirent dans la salle. Saint Pierre fit un discours pour montrer l'excellence du baptême et les divins effets qu'il produisait, il leur dit qu'ils seraient marqués d'un caractère intérieur comme membres du corps mystique de l'Église, et régénérés pour être enfants de Dieu, et héritiers de la gloire par le moyen de la grâce justifiante et de la rémission des pêchés. Il les exhorta à l'observation de la loi de Dieu. Il leur annonça la vérité du saint sacrement de l'Eucharistie. Ils furent tous remplis de ferveur, et les apôtres conférèrent le baptême de leurs propres mains, avec un grand ordre et une grande dévotion; les catéchumènes entraient par une porte, et après avoir été baptisés, ils sortaient par une autre, conduits par les disciples. La divine mère était présente à tout, et retirée dans un coin du cénacle, elle priait et louait le Seigneur. Elle voyait que ces fidèles étaient renouvelés par le sang divin de l'agneau et par la grâce qu'ils recevaient. A la vue même des assistants, il descendait du ciel une lumière sensible et très-belle, sur ceux qui étaient baptisés.
Après le baptême de ces cinq mille personnes et au-delà, tandis qu'ils rendaient tous des actions de grâces au Seigneur pour ce grand bienfait, les apôtres se mirent en prière et se préparèrent avec tous les autres fidèles à recevoir la sainte communion; ils se prosternèrent à terre, adorèrent la bonté infinie de Dieu, et confessèrent leur indignité pour recevoir un don si ineffable. Ensuite ils récitèrent les cantiques et les psaumes que le Seigneur avait dits. Alors saint Pierre prit dans ses mains le pain préparé, et élevant les yeux au ciel avec une grande dévotion et un profond recueillement, il prononça sur le pain les divines paroles de la consécration du corps sacré de Jésus-Christ. Le cénacle à l'instant fut rempli d'une grande splendeur visible à tous, et d'une multitude infinie d'anges, et à la vue de tous les assistants, cette divine lumière se dirigeait spécialement vers la grande reine. Aussitôt saint Pierre consacra le vin dans le calice, et continua avec le corps sacré et le sang précieux les mêmes cérémonies que le sauveur, c'est-à-dire il les éleva, afin que tous les adorassent. Après cela, il se communia lui-même, et ensuite il communia tous les autres apôtres, selon que la sainte Vierge l'avait réglé; ensuite la divine mère communia des mains de saint Pierre, les esprits célestes étaient là présents avec un ineffable respect. Avant d'arriver à l'autel, la grande reine fit trois actes d'humilité, elle se prosterna la face contre terre, au grand étonnement de ses anges gardiens et à l'édification des assistants qui en furent attendris. La grande reine retourna aussitôt toute recueillie et ravie dans le Seigneur au lieu où elle était auparavant. Il n'est pas possible d'expliquer par des paroles les effets divins qu'opéra dans cette grande créature cette sainte communion; car elle fut toute transformée, élevée et absorbée dans l'embrasement du divin amour de son très-saint fils, qu'elle avait reçu dans son coeur si pur.
Lorsque la divine reine fut ainsi élevée, les saints anges. l'environnèrent par sa volonté, afin que les assistants ne connussent des effets divins que ce qu'il était convenable qu'ils découvrissent.
Après la sainte communion de la reine des anges, les autres fidèles communièrent; mais des cinq mille qui avaient été baptisés, mille seulement reçurent la sainte communion, parce que les autres n'étaient encore suffisamment disposés et préparés. La manière de donner la communion ce jour là, fut celui-ci: saint Pierre communia les apôtres, la sainte Vierge, et tous ceux qui avaient reçu l'Esprit-Saint, sous les deux espèces du pain et du vin. Les fidèles qui avaient été baptisés auparavant reçurent la sainte communion sous les seules espèces du pain. Cette différence n'eut pas lieu, parce que les nouveaux fidèles étaient moins dignes de recevoir une espèce que l'autre, mais parce que les apôtres savaient que sous toutes les saintes espèces on recevait également Jésus dans le saint Sacrement, d'autant plus qu'il n'y avait pas de précepte de communier sous les deux espèces. Après la sainte communion, saint Pierre termina les saints mystères par des oraisons et des psaumes en action de grâce. Ensuite ils demeurèrent quelque temps en prière. La grande reine rendit des actions de grâces au Très-Haut au nom de tous; la divine Majesté y prit ses complaisances, elle agréa et accepta les prières que sa bien-aimée lui fit, pour tous les fidèles présents et futurs de la sainte Église.
Il est incontestable que les faveurs que la divine mère reçut de son divin fils, après qu'elle fut descendue du ciel pour diriger l'Église, sont ineffables, si en effet, auparavant elles avaient été très-grandes, elles augmentèrent dès ce moment d'une manière incroyable, pour montrer que le pou. voir de celui qui les communiquait était infini, et que la capacité de cette créature unique, singulière et élue entre toutes les autres, qui les recevait était immense. Le grand et incomparable miracle fut que les espèces sacramentelles du corps divin de Jésus, se conservaient dans le coeur ardent de la Vierge mère jusqu'à l'autre communion, qui avait lieu le lendemain. II ne faut pas en chercher d'autres raisons que celles qu'eurent les autres faveurs dont le Dieu tout- puissant combla uniquement cette grande reine, qui sont sa volonté sainte, et son pouvoir infini par lequel il opère toujours ce qui convient avec poids et mesure. il suffit à la piété chrétienne de savoir que cette pure créature fut la mère naturelle de Dieu, et qu'elle fut seule digne de l'être entre toutes les créatures, et puisque cette merveille a été unique et sans exemple, ce serait un aveuglement trop grand de chercher un exemple, pour être ainsi persuadé de ce que Dieu fit pour sa mère, car il a fait pour elle seule ce qu'il n'a jamais fait et ce qu'il ne fera jamais pour les autres créatures, car seule MARIE est établie et élevée au-dessus de l'ordre commun de tous les êtres. Ce fondement supposé, le Très-Haut veut que par les lumières de la foi eUes autres lumières divines nous puissions découvrir les raisons de convenance et de justice, par lesquelles son bras tout-puissant a opéré ces merveilles en faveur de sa très-digne mère, afin que nous puissions ainsi parvenir à le connaître et à le louer en elle et par elle, et que nous comprenions combien notre espérance et notre destinée est certaine et assurée, dans les mains de cette reine si puissante dans laquelle Dieu a mis en dépôt toute la force de son amour.
Nous devons considérer que la sainte Vierge vécut trente-trois ans dans la compagnie de son divin fils, et dès l'instant que la divine Majesté humanisée vint au monde, elle ne le quitta jamais jusqu'à la croix. Ainsi, elle le nourrit, le servit, l'accompagna, le suivit, l'imita, faisant toutes ses saintes actions comme mère, comme fille, comme épouse, comme bien-aimée et comme servante; elle jouissait de sa vue, de sa conversation, de sa doctrine, et des faveurs qu'en considération de ses mérites et de ses hommages , elle reçut dans sa vie mortelle. Jésus ensuite monta au ciel, et la grandeur de son amour et toutes les raisons l'obligèrent d'amener avec lui sa mère bien-aimée, afin de ne pas y être privé d'elle et qu'elle ne. restât pas au monde sans lui, mais l'ardente charité que le fils et la mère avaient pour les hommes, rompit en quelque manière autant qu'il fut possible ce lien, en obligeant la miséricordieuse mère. de revenir au monde pour affermir l'Église naissante, et le divin fils à l'envoyer et à permettre qu'elle fût éloignée de lui, pendant le temps nécessaire. Mais puisque le fils de Dieu est tout-puissant et qu ml pouvait récompenser cette privation de bonheur d une manière possible, il devait à l'amour immense qu'il portait à sa mère, de lui accorder pour récompense de rester avec elle de cette manière, autrement, elle lui eut fait éprouver une peine insupportable, si elle eût dû être éloignée de lui et privée de sa présence pendant un si grand nombre d'années. Le divin fils satisfait à tout en restant toujours sous les saintes espèces dans le coeur divin de sa mère, il récompensa aussi avec abondance la joie qu'il avait éprouvée lorsqu'il était sur la terre, de la part de sa tendre mère, car alors il s'éloignait souvent pour s'appliquer à l'oeuvre de la rédemption, et elle s'affligeait dans ces occasions, car elle craignait qu'à cause de ses grandes fatigues il ne retournerait point, et lorsqu'elle le voyait, elle ne pouvait détourner son esprit de la passion et de la mort de la croix qui l'attendaient, et cette douleur diminuait le bonheur qu'elle avait de sa présence. Mais lorsqu'il était à la droite de son père, que la passion était accomplie, et que son divin fils était dans son sein virginal sous les espèces sacramentelles, la divine mère jouissait alors pleinement de sa vue et de sa présence sans crainte et sans appréhension, car avec son fils, elle avait la très-sainte Trinité.
Par cette faveur que la divine mère reçut, le Seigneur satisfit à la promesse qu'il avait faite d'être dans son Église jusqu'à la fin du monde, car dans ces premières années les apôtres n'avaient ni temples, ni lieux de réserve, ni tabernacles pour conserver la divine Eucharistie, c'est pourquoi toutes les saintes espèces étaient consommées le jour même. La sainte Vierge fut le temple et le tabernacle, dans lequel pendant quelques années le Seigneur se conserva sous les saintes espèces, afin que le verbe incarné fût toujours présent dans son Église. Quoiqu'il ne fut pas présent dans ce saint tabernacle pour l'usage des fidèles, il y était sans aucun doute pour leur avantage et pour d'autres fins très-élevées, car la mère de la piété priait, demandait, suppliait pour tous les fidèles dans le temple de son coeur, elle adorait Jésus sous les espèces sacramentelles au nom de toute l'Église. Par le moyen de cette miséricordieuse mère et par la présence que Jésus faisait par elle dans l'Église, il était uni d'une certaine manière au corps mystique des fidèles. Cette grande reine rendit surtout ce siècle plus heureux, en conservant dans son coeur son fils sous les saintes espèces, qu'en restant comme à présent dans les tabernacles, car dans le coeur de la sainte Vierge il fut toujours adoré, vénéré, aimé, loué et honoré d'une manière parfaite et jamais il ne fut outragé, offensé et profané comme il l'est maintenant presque toujours dans nos temples. Jésus trouvait dans Marie avec abondance les délices qu'il avait souhaité de prendre dès l'éternité avec les enfants des hommes; la présence perpétuelle de Jésus dans son Église avait été résolue pour se réjouir avec nous, sa divine majesté obtint ce but, et il ne l'eût jamais complètement obtenu d'une autre manière, s'il ne fut resté sous les espèces sacramentelles dans le coeur brûlant d'amour de sa mère bien-aimée. Elle fut la sphère propre et le vrai centre où il prit pleinement son repos, de sorte que toutes les créatures excepté la Vierge mère n'étaient pour lui qu'un lieu étranger, car il ne retrouvait dans aucune cet aliment que trouvait dans Marie le feu de sa divinité, qui brûle toujours parce qu'il est la charité infinie.
La manière dont le Très-Haut opérait ce nouveau miracle était celui-ci. Lorsque la sainte Vierge recevait les espèces sacramentel1es, elles se retiraient de. l'estomac où se fait la coction de la nourriture et où les aliments naturels se trans- forment, afin que les saintes espèces ne se confondissent pas avec le peu de nourriture que la divine reine prenait pour conserver sa vie, et ne se consommassent pas ainsi avec elle. Ainsi Jésus sous les espèces sacramentelles, n'entrait pas dans l'estomac, mais par miracle il se plaçait dans le coeur même de Marie, que le Seigneur récompensait ainsi du sang précieux qu'il avait fourni dans l'incarnation du Verbe, lorsque la très-sainte humanité fut formée, à laquelle il s'unit aussitôt hypostatiquement. Et si la communion sacramentelle est appelée une extension de l'incarnation, il était juste et convenable que la divine mère participât à cette extension par une nouvelle et particulière manière, puisqu'elle avait concouru aussi d'une manière miraculeuse et singulière à l'incarnation du Verbe éternel. Il est vrai que la chaleur du coeur chez les personnes vivantes et saines est très-grande, et la nature prévoyante prend soin d'y envoyer de l'air qui donne une ventilation, pour tempérer cette chaleur naturelle qui est le principe de la vie, mais dans la noble et si parfaite organisation de la souveraine de l'univers, la chaleur du corps était très-grande, et elle était encore augmentée par les affections ineffables de son coeur ardent, néanmoins les espèces sacramentelles n'étaient pas consommées, et il y avait encore là un autre miracle, mais ils ne manquaient pas dans cette créature unique qui était le miracle des miracles et qui les rassemblait tous en elle.
Cette faveur commença à la première communion qu'elle reçut du Seigneur à la cène, et elle dura jusqu'à la seconde qu'elle fit des mains de saint Pierre, et en avalant les secondes espèces, les premières se consommaient. Ainsi de cette manière miraculeuse, de ce jour jusqu'à la dernière heure de sa vie, Jésus sous les espèces sacramentelles resta dans son sacré coeur. Par ce privilège et celui de la continuelle vision abstractive de la divinité, la sainte Vierge fut si divinisée et ses opérations et ses facultés furent si élevées au-dessus de tout ce que peut concevoir l'esprit humain qu'il est impossible de l'expliquer. Qui parmi les mortels et même les séraphins pourra faire connaître l'embrasement de l'amour divin qui brûlait dans son coeur très-pur? Qui pourra comprendre l'impétuosité du fleuve de la divinité qui a inondé cette cité de Dieu? Très-souvent le corps de Jésus lui apparaissait tout glorieux dans son sein très-pur, d'autre fois avec la beauté naturelle de la très-sainte humanité. Elle connaissait ensuite tous les miracles que renferme la sainte Eucharistie et tous les mystères, mais ce qui pour elle était au-dessous de tout prix, c'était que son très-saint fils étant sous les espèces sacramentelles dans son coeur très-pur trouvait plus de joie d'être avec elle, qu'avec tous les sainte et tous les anges ensemble. Ranimons donc notre foi envers elle, élevons notre espérance, enflammons-nous d'amour pour Dieu et pour une si sainte mère, et implorons son secours dans tous nos besoins, car elle est toute-puissante, très miséricordieuse et pleine de charité.
La grande reine élevée au plus haut degré de la grâce et de la sainteté considérait avec sa profonde sagesse le petit troupeau qui se multipliait tous les jours, et comme un mère vigilante du sommet de la montagne où l'avait placé le bras tout-puissant de son fils, elle observait avec soin le embûches infernales. Etant en oraison, elle vit Lucifer ave une foule innombrable de démons, qui sortaient des cavernes de l'enfer, où ils avaient été précipités à la mort du rédempteur; pleins de rage et de haine, ils venaient faire la guerre à l'Église avec une implacable fureur. Elle le vit venir sur la terre et la parcourir avec soin; ensuite il se dirigea vers Jérusalem pour déployer toute sa haine contre les brebis de Jésus-Christ. Lorsque le dragon insidieux eut reconnu le fruit du sang du Sauveur, la sainteté des convertis, la facilité de rentrer en grâce, il redoubla de haine et de fureur. Il faisait de violents efforts pour s'introduire dans lé cénacle où était l'assemblée des fidèles, mais il ne pouvait y entrer, parce qu'il en était repoussé par leur ardente charité et leur union étroite, il l'entoura de tous les côtés avec ses démons et il rodait autour pour pouvoir enlever quelques brebis, mais toute son infernale malice était inutile. Alors la puissante et miséricordieuse mère se tourna avec majesté vers le dragon infernal et lui dit: qui est semblable à Dieu qui habite dans les lieux élevés? Le Tout-puissant t'a vaincu et terrassé du haut de la croix, il te commande de te précipiter avec tes compagnons dans les abîmes, et en son nom, je te donne le même commandement, afin que tu ne mette aucun obstacle à la gloire de Dieu. Elle se prosterna le visage contre terre, et demanda humblement au Seigneur son secours en faveur de l'Église. Lucifer et tous les siens tombèrent aussitôt au plus profond des enfers, et le Seigneur parla ainsi .à sa mère: ma chère mère ne vous affligez pas des piéges que satan veut tendre à l'Église, car je tirerai le bien du mal qu'il fera pour ma plus grande gloire et son éternelle confusion. Alors le Seigneur permit à Lucifer de revenir sur la terre avec ses démons, mais ne pouvant s'approcher des nouveaux chrétiens, ils allèrent tenter les scribes et les pharisiens et leur insinuèrent d'empêcher la prédication des apôtres; ils les remplirent d'envie et de haine, et ils assemblèrent le conseil, car ils furent témoins du miracle de saint Pierre et de Saint Jean, qui guérirent le boiteux à la porte du temple. Ils appelèrent les apôtres et leur défendirent d'enseigner dans Jérusalem; mais saint Pierre leur répondit avec un courage intrépide qu'ils ne pouvaient pas obéir, parce que Dieu leur commandait le contraire. Les scribes couverts de confusion laissèrent en liberté les deux apôtres, qui allèrent informer la sainte Vierge de tout ce qui était arrivé; mais elle en avait connaissance, parce qu'elle avait tout vu en vision. Ils se mirent tous en oraison, et peu après ils reçurent le Saint-Esprit qui apparut sur chacun d'eux avec des signes visibles.
Quelques jours après arriva le funeste événement d'Ananie et de Saphyre, qui après avoir été baptisés et avoir vendu tout ce qu'ils possédaient n'en apportèrent pas tout le prix aux pieds des apôtres; interrogés par saint Pierre s'il y était tout entier, ils lui mentirent et aussitôt ils tombèrent frappés, de mort à ses pieds. Les fidèles furent saisis de crainte à cet évènement, et les apôtres prêchant publiquement dans la ville encore toute épouvantée de cette punition, un grand nombre de personnes se convertirent. Mais les magistrats et les sadducéens remplis de haine et d'envie, firent mettre en prison saint Pierre et saint Jean. La reine des anges vit tout cela en oraison et elle pria ardemment le Seigneur pour eux; elle envoya un de ses anges gardiens à la prison avec l'ordre d'ôter les chaînes aux apôtres et de les mettre en liberté en les conduisant hors de la prison; ce qu'il fit. Ensuite elle envoya aussi d'autres anges pour combattre Lucifer et les siens, afin qu'ils n'empêchassent pas la prédication évangélique. Saint Pierre et saint Jean, étant délivrés allèrent trouver la divine mère, elle les reçut à genoux en leur disant: maintenant mes enfants, je vous reconnais pour de véritables imitateurs et de vrais disciples de votre maître, puisque vous souffrez les injures pour son nom, et que contents et joyeux vous l'aidez à porter la croix; que son bras tout-puissant vous bénisse et vous communique sa divine vertu; elle leur baisa les mains et elle se mit à les servir à table à genoux.
La grande reine aimait avec une grande tendresse tous les fidèles, mais d'une manière particulière les apôtres qu'elle regardait comme fondateurs de l'Église et comme prêtres. Ii fallut que les apôtres pour accroître le nombre des fidèles sortissent de Jérusalem, afin de prêcher dans les lieux circonvoisins et baptiser les convertis après qu'ils étaient instruits. Lucifer reprit courage en voyant qu'ils s'éloignaient de la reine des anges, car son orgueil ne les redoutait pas. Mais plus il ourdissait des trames pour les perdre, plus la miséricordieuse mère priait pour eux avec son ardente charité et sa profonde sagesse, et dans son oraison elle découvrait les pièges et les embûches de l'enfer et tout ce qui arrivait aux prédicateurs de l'évangile. Dans tous leurs besoins, elle leur envoyait ses anges gardiens pour les assister, les animer, les consoler et surtout pour chasser les démons des pays où l'évangile était prêché par les apôtres, jamais ils ne furent dans aucune peine, ni dans aucune inquiétude sans être ainsi secourus par cette miséricordieuse mère. Elle avait la même sollicitude pleine de charité pour tous les autres fidèles, et quoiqu'il y en eut un très-grand nombre dans Jérusalem et dans la Palestine elle les connaissait tous en particulier, et leur venait en aide dans chaque occasion, non-seulement pour les besoins de leur âme, mais encore pour ceux du corps. Elle guérissait les uns de leurs maladies, et ceux à qui il n'était pas expédient de rendre la santé du corps, elle les assistait elle même, les visitait et les servait de ses propres mains. L'amour qu'elle témoignait aux pauvres ne peut s'exprimer, Souvent elle leur donnait à manger, elle faisait elle-même leurs lits, et avait soin de tout ce qui regardait leur propreté, comme si elle avait été leur servante; l'humilité, la charité, et la sollicitude de la grande reine de l'univers étaient si grandes, qu'elle les remplissait tous de consolation et de joie. Lorsqu'elle ne pouvait leur donner ses soins personnellement à cause de la distance, elle leur envoyait ses anges gardiens pour leur apporter des secours et leur donner de saintes inspirations. Sa piété maternelle s'exerçait en particulier en faveur des moribonds, elle en assista un grand nombre dans ce dernier combat, et les aida par des paroles efficaces et de saintes exhortations, jusqu'à ce qu'ils fussent en sûreté pour leur salut éternel. Elle avait une grande compassion pour les âmes qui allaient au purgatoire et elle venait à leur secours, elle faisait à cet effet de longues prières se tenant à genoux en forme de croix, et elle ajoutait des prostrations, des génuflexions et d'autres exercices de mortifications , jusqu'à ce qu'elle avait satisfait pour elles. Ensuite elle envoyait aussitôt un de ses anges, pour délivrer ces âmes, les conduire au ciel et les présenter à son divin fils en son nom, comme le bien propre du Seigneur et le fruit de son sang.
Une pauvre femme de basse condition qui avait été baptisée dès le commencement avec les cinq mille personnes, tomba gravement malade, et sa maladie se prolongeant, elle se refroidit de sa première ferveur et commit le péché qui lui fit perdre la grâce reçue au baptême. Lucifer qui souhaitait ardemment d'avoir quelques âmes de ces prémices de l'Eglise lui apparut sous la forme d'une jeune femme pour la tromper, Dieu le permettant ainsi pour sa plus grande gloire, il lui dit de se séparer de ces personnes qui croyaient au crucifié et de ne pas mettre sa confiance en lui. La malheureuse malade donna son consentement aux paroles du malin esprit, elle ajouta; mais comment dois-je me comporter à l'égard de cette reine, qui parmi ces personnes est si gracieuse et si bonne que je ne saurais m'empêcher de l'aimer. Oh celle-ci, repartit le démon, est plus méchante que les autres, et vous devez principalement l'abhorrer, et ceci est ce qui importe le plus autrement les magistrats, et les princes des prêtres vous persécuteront et vous serez malheureuse; si vous revenez à votre première religion vous guérirez et vous serez contente. La prétendue femme s'éloigna et l'âme de cette femme fut infestée par ces paroles. Un de ces soixante-douze disciples qui allait visiter les infirmes entra chez la malade si malheureusement séduite et trompée, et la voyant obsédée du démon, il commença à l'exhorter avec zèle à détester son erreur, mais ce fut en vain, car elle ne voulut rien répondre. Le saint disciple voyant cette obstination alla trouver saint Jean qui après l'avoir entendue vint aussitôt auprès de la malade, et l'avertit avec une grande ferveur du piége du démon, mais il en fut de même, car elle ne répondit pas un mot, le grand apôtre ayant vu l'opiniâtreté de cette malheureuse, vint tout affligé en donner avis à la grande reine, afin que sa grande charité y apportât remède. La mère de Dieu jeta sa vue intérieure sur la malade et- découvrit le grand danger de cette malheureuse, alors la miséricordieuse mère fut saisie de compassion pour cette brebis trompée et pervertie par l'ennemi infernal, elle se prosterna le visage contre terre, et pria et supplia son divin fils pour obtenir le remède à ce mal. Mais le Seigneur ne répondit rien, non que ses prières ne lui fussent pas agréables, mais parce qu'il désirait entendre plus longtemps ses charitables gémissements. La mère de miséricorde ne se-découragea point, elle continua de supplier le Très-Haut, et en même temps elle envoya un des anges pour la protéger contre les piéges du démon et lui venir en aide par ses saintes inspirations. L'ange exécuta l'ordre, mais la femme résista à la. grâce de Dieu, il revint donc rendre compte de la dureté de coeur de la malade. La miséricordieuse mère s'affligea au-delà de ce qu'il est possible de dire, et elle continua ses prières avec une plus grande ferveur en disant: mon Seigneur, Dieu de miséricorde , voici ce chétif vermisseau de terre, châtiez-le et affligez-le, mais ne permettez pas que cette âme marquée de votre caractère divin, premice de votre sang, soit sous ses yeux trompée par le serpent et devienne la proie de sa malice. La grande reine persévéra dans sa prière, mais le Seigneur ne lui répondit encore rien, pour éprouver l'amour invincible de son coeur et son ineffable charité pour les fidèles. Elle se leva et appela saint Jean pour l'accompagner, afin d'aller en personne chez la malade. A peine sortie de l'oratoire les anges l'empêchèrent d'aller plus avant. Elle adora la, volonté du Seigneur, et elle entendit avec joie les paroles des anges; grande reine, nous ne pouvons pas permettre que vous marchiez dans la ville, lorsque nous pouvons vous porter nous-mêmes avec plus de bienséance. Aussitôt elle fut placée.. sur un trône d'une nuée très-brillante et fut transportée dans la chambre de la pauvre agonisante, qui avait été laissée seule, parce qu'elle ne parlait plus, et elle était environnée de démons qui attendaient son âme pour la conduire en enfer. A la vue de la divine mère ils se précipitèrent dans l'enfer comme la foudre. Elle s'approcha de la malade, l'appela par son nom et la prenant par la main, elle lui dit de douces paroles de vie éternelle qui la renouvelèrent; revenue à elle-même elle répondit à la reine des anges; ma reine, une femme qui m'a visitée il y a quelques jours, m'a persuadé que les disciples de Jésus me trompaient, et qu'ainsi je devais me séparer d'eux et de vous. Ma fille, repartit la mère du bel amour, celle qui vous a paru une femme est le démon votre ennemi, je suis venue vous donner la vie éternelle de la part du Très-Haut. Revenez donc à la foi véritable, et reconnaissez Jésus pour vrai Dieu et rédempteur du monde, invoquez-le et demandez lui pardon de vos fautes. La malade contrite de ses péchés se mit à verser des larmes en abondance, les apôtres appelés par les anges vinrent et lui administrèrent les sacrements. Cette femme véritablement heureuse expira en invoquant les noms de Jésus et de Marie, délivrée de tous ses péchés et de la peine qui y est attachée, la sainte Vierge l'envoya aussitôt au ciel par un de ses anges gardiens. Elle fut rapportée dans son oratoire comme auparavant, et prosternée à terre, elle adora et. remercia le Très-Haut par de nouveaux cantiques de louanges. Le Seigneur ordonna ce miracle, afin que les anges, les apôtres, tous les saints du paradis et même les démons connussent le pouvoir incomparable de la très-sainte Vierge, et que de même qu'elle était la reine de toutes les créatures, ainsi toutes ensemble n'étaient pas aussi puissantes qu'elle, et que rien de tout ce qu'elle demanderait et désirait ne lui serait refusé.
Vie divine de la très-sainte Vierge Marie - LES APOTRES SORTENT DU CENACLE POUR PRÊCHER. MIRACLES OPÉRÉS PAR LA DIVINE MÈRE.