1999 Don de l'autorité 48

Les ministres que Dieu donne à l'Eglise pour soutenir sa vie

sont marqués par la

C'est pourquoi, ayant ce ministère par la miséricorde de Dieu, nous ne perdons pas coeur ...mais nous avons ce trésor dans des vases de terre, pour montrer que le pouvoir transcendant appartient à Dieu et non à nous (2Co 4,1-7) .

Il est clair que c'est seulement par la grâce de Dieu que l'exercice de l'autorité dans la communion de l'Eglise porte les marques de l'autorité du Christ lui-même. Cette autorité est exercée par des chrétiens fragiles pour le bien d'autres chrétiens fragiles. Cela n'est pas moins vrai du ministère de Pierre : « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le blé, mais j'ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas ; et quand tu seras revenu, affermis tes frères » ( Lc 22,31-32 cf. Jn 21,15-19) .

Le pape Jean-Paul II s'en explique clairement dans Ut Unum Sint :

J'accomplis ce devoir avec la profonde conviction d'obéir au Seigneur, et clairement conscient de ma fragilité d'homme. Si le Christ lui-même a donné à Pierre cette mission spéciale dans l'Eglise et l'a exhorté à affermir ses frères, il lui a certes aussi fait prendre clairement conscience de sa faiblesse humaine et de son besoin spécial de conversion (UUS 4).

La faiblesse humaine et le péché ne font pas qu'affecter les ministres individuels : ils peuvent en outre fausser les structures humaines de l'autorité (cf. Mt 23) . C'est pourquoi une critique loyale ainsi que des réformes sont parfois nécessaires, comme le montre l'exemple de Paul (cf. Ga 2,11-14) . La conscience de la fragilité humaine dans l'exercice de l'autorité garantit que les ministres chrétiens restent ouverts à la critique et au besoin de renouveau, et surtout attentifs à exercer l'autorité à l'exemple et dans l'esprit du Christ .

La discipline: l'exercice de l'autorité

et la liberté de conscience


49
L'exercice de l'autorité dans l'Eglise doit être reconnu et accepté comme un instrument de l'Esprit de Dieu pour la guérison de l'humanité. L'exercice de l'autorité doit toujours respecter la conscience, car l'oeuvre divine du salut affirme la liberté humaine. En acceptant librement la voie de salut offerte par le baptême, le disciple chrétien assume librement aussi la discipline qu'implique le fait d'être un membre du Corps du Christ. Puisque l'Eglise de Dieu est reconnue comme la communauté où les moyens divins du salut sont à l'oeuvre, les exigences de la condition de disciple pour le bien de la communauté chrétienne entière ne peuvent être rejetées. Il y a également une discipline requise pour l'exercice de l'autorité. Ceux appelés à ce ministère doivent eux-mêmes se soumettre à la discipline du Christ, se conformer à ce que requièrent la collégialité et le bien commun, et respecter scrupuleusement les consciences de ceux qu'ils sont appelés à servir.


L' «Amen» de l'Eglise au «Oui» de Dieu dans l'Evangile


50
Nous sommes parvenus à une compréhension commune de l'autorité en la voyant, dans la foi, comme une manifestation du « Oui » de Dieu à sa création, et qui appelle l' « Amen » de ses créatures. Dieu est la source de l'autorité, et l'exercice correct de l'autorité est toujours ordonné au bien commun et au bien de la personne. Dans un monde brisé et à une Eglise divisée, le « Oui » de Dieu en Jésus Christ apporte la réalité de la réconciliation, l'appel à devenir disciple et un avant-goût du but final de l'humanité lorsque, par l'Esprit, tous exprimeront en Christ leur « Amen » à la gloire de Dieu. Le « Oui » de Dieu, incarné en Christ, est reçu dans l'annonce et la Tradition de l'Evangile, dans la vie sacramentelle de l'Eglise et dans les modes selon lesquels l'épiscopè est exercé. Quand les Eglises, par leur pratique de l'autorité, manifestent le pouvoir de l'Evangile pour la guérison et la réconciliation, le monde se voit alors offrir une vision de ce que Dieu veut pour toute la création. La visée de l'exercice de l'autorité et de sa réception est de rendre l'Eglise capable de dire « Amen » au « Oui » de Dieu dans l'Evangile .

IV. ACCORD SUR L'EXERCICE DE L'AUTORITE: DES PAS VERS L'UNITE

VISIBLE


51
Nous soumettons à nos autorités respectives cette déclaration commune sur l'autorité dans l'Eglise. Nous croyons que si cette déclaration au sujet de la nature de l'autorité et de la manière de l'exercer est acceptée et mise en pratique, cette question cessera d'être une cause de rupture permanente de communion entre nos deux Eglises. En conséquence, nous énumérons ci-dessous quelques traits de notre accord, certains développements récents significatifs dans chacune de nos communions et quelques problèmes qui leur restent posés. Dans notre marche vers la pleine communion ecclésiale, nous suggérons des moyens par lesquels notre communion déjà existante, quoique imparfaite, peut être rendue plus visible, grâce à l'exercice d'une collégialité renouvelée entre les évêques, et par un exercice et une réception renouvelés de la primauté universelle.

Les progrès de l'entente


52
Au sentiment de la Commission, nous avons approfondi et élargi notre accord sur les points que voici : comment l'autorité du Christ est présente et active dans l'Eglise quand la proclamation du « Oui » de Dieu provoque l' « Amen » de tous les croyants (paragraphes 7-18) ; l'interdépendance dynamique de l'Ecriture et de la Tradition apostolique et le rôle normatif de l'Ecriture à l'intérieur de la Tradition (paragraphes 19-23) ; la nécessité d'une réception constante de l'Ecriture et de la Tradition, et de leur re-réception dans des circonstances particulières (paragraphes 24-26) ; comment l'exercice de l'autorité est au service de la foi personnelle dans la vie de l'Eglise (paragraphes 23, 29, 49) ; le rôle du peuple de Dieu en son entier au sein duquel, en tant que maîtres de la foi, les évêques ont une voix distincte pour la formation et l'expression de la pensée de l'Eglise (paragraphes 29-30) ; la synodalité et ses implications pour la communion de tout le peuple de Dieu et de toutes les Eglises locales, en tant qu'ensemble elles cherchent à suivre le Christ qui est la Voie (paragraphes 34-40) ; la coopération essentielle du ministère de l'épiscopè et du sensus fidei de toute l'Eglise dans la réception de la Parole de Dieu (paragraphes 29, 36, 43) ; la possibilité, en certaines circonstances, que l'Eglise enseigne de façon infaillible, au service de l'indéfectibilité de l'Eglise (paragraphes 41-44) ; une primauté universelle, exercée collégialement dans le cadre de la synodalité, comme partie intégrante de l'épiscopè au service de la communion unverselle ; une telle primauté ayant toujours été associée à l'Evêque et au Siège de Rome (paragraphes 46-48) ; comment le ministère de l'Evêque de Rome assiste le ministère de tout le corps épiscopal dans le contexte de la synodalité, promouvant la communion des Eglises locales dans leur vie en Christ et la proclamation de l'Evangile (paragraphes 46-48) ; comment l'Evêque de Rome exerce un ministère spécifique ayant pour objet le discernement de la vérité ( paragraphe 47)


Des développements significatifs dans les deux Communions


53
La Conférence de Lambeth de 1988 a reconnu le besoin de réfléchir sur la manière dont la Communion anglicane prend des décisions normatives. Au plan international, les instruments de synodalité anglicans ont une autorité considérable pour influencer et soutenir les provinces, mais aucun d'eux n'a pouvoir de l'emporter sur une décision provinciale, même si elle menace l'unité de la Communion. En conséquence, la Conférence de Lambeth de 1998, à la lumière du Virginia Report de la Commision théologique et doctrinale inter-anglicane, a décidé de renforcer ces instruments de différentes manières, particulièrement le rôle de l'Archevêque de Cantorbéry et de l'Assemblée des Primats. Cette Conférence a demandé également à l'Assemblée des Primats d'engager une étude en chaque province sur la question de savoir « si la communion effective à tous les échelons n'exige pas des instruments appropriés, avec les garanties nécessaires non seulement pour la législation mais aussi pour le contrôle ... et sur la question d'un ministère universel au service de l'unité chrétienne » (Résolution III, 8 (h)). Nonobstant l'autonomie des provinces, les anglicans en viennent à voir que l'interdépendance entre Eglises locales et entre provinces est elle aussi nécessaire pour promouvoir la communion.


54
L'Eglise catholique romaine, spécialement depuis le Deuxième Concile du Vatican, a développé progressivement des structures synodales pour soutenir plus effectivement la koinonia. Le rôle croissant des Conférences épiscopales nationales et régionales et la tenue régulière des assemblées générales du Synode des Evêques illustrent cette évolution. Il y a eu également un renouveau dans l'exercice de la synodalité à l'échelon local, bien que cela varie d''un endroit à l'autre. La législation canonique demande dorénavant que des laïcs, hommes et femmes, des personnes engagées dans la vie religieuse, des diacres et des prêtres aient un rôle dans les conseils de pastorale paroissiaux et diocésains, les synodes diocésains et une variété d'autres organismes quand ils ont des réunions.


55
Il y a dans la Communion anglicane évolution vers des structures universelles pour promouvoir la koinonia, et dans l'Eglise catholique romaine un renforcement des structures locales et intermédiaires. A nos yeux, ces développements reflètent une prise de conscience croissante et partagée que l'autorité dans l'Eglise a besoin d'être exercée comme il faut à tous les échelons. Mais même ceci acquis, des questions se posent encore pour les anglicans et les catholiques romains sur des aspects importants de l'exercice de l'autorité au service de la koinonia. La Commission en pose franchement quelques unes, mais dans la conviction que nous avons besoin du support l'un de l'autre pour y répondre. Nous croyons que dans la situation dynamique et mouvante où elles sont posées, la recherche d'une réponse doit aller de pair avec de nouvelles avancées dans le partage de l'exercice de l'autorité.


Questions posées aux anglicans


56
Nous avons vu que des instruments de contrôle et de décision sont nécessaires à tous les niveaux pour le support de la communion. Dans ce but, la Communion anglicane étudie présentement le développement de structures d'autorité dans ses provinces. La Communion est-elle également ouverte à l'acceptation de structures de contrôle qui permettraient qu'en certaines circonstances des décisions soient prises qui engagent toute l'Eglise ? Quand de nouvelles questions majeures surgissent auxquelles la fidélité à l'Ecriture et à la Tradition demande une réponse commune, ces structures aideront-elles les anglicans a communier au sensus fidelium avec tous les chrétiens ? Jusqu'à quel point une action unilatérale de provinces ou de diocèses, dans des matières qui concernent l'Eglise entière, même à la suite d'une consultation, affaiblit-elle la koinonia ? Les anglicans se sont montrés disposés à tolérer des anomalies afin de sauvegarder la communion. Or cela a pourtant conduit à affaiblir la communion, aux plans de l'Eucharistie, de l'exercice de l'épiscopè et de l'échange des ministres. Quelles conséquences en découlent ? Surtout, comment les anglicans aborderont-ils la question de la primauté universelle telle qu'elle se dégage de leur vie ensemble et du dialogue oecuménique


Questions aux catholiques romains


57
Le Deuxième Concile du Vatican a rappelé aux Catholiques romains combien les dons de Dieu sont présents dans tout le peuple de Dieu. Il a aussi enseigné la collégialité de l'épiscopat dans sa communion avec l'Evêque de Rome, tête du collège. Cependant, y a-t-il à tous les niveaux participation effective du clergé aussi bien que des laïcs dans les organismes synodaux naissants ? L'enseignement du Deuxième Concile du Vatican concernant la collégialité des évêques a-t-il été suffisamment mis en oeuvre ? Les actions des évêques reflètent-elles une conscience suffisante de l'ampleur de l'autorité qu'ils reçoivent par l'ordination pour gouverner l'Eglise locale ? A-t-on suffisamment cherché à assurer la consultation entre l'Evêque de Rome et les Eglises locales avant des décisions importantes qui affectent soit l'Eglise locale soit l'Eglise universelle ? Comment la variété des opinions théologiques est-elle prise en compte en de telles décisions ? Les structures et les procédures de la Curie romaine, en assistant l'Evêque de Rome dans sa tâche de promouvoir la communion entre les Eglises, respectent-elles adéquatement l'exercice de l'épiscopè à d'autres niveaux ? Surtout, comment l'Eglise catholique romaine abordera-t-elle la question de la primauté universelle telle qu'elle se dégage du « dialogue patient et fraternel » sur l'exercice de la charge de l'Evêque de Rome, auquel Jean-Paul II a invité « les responsables d'Eglises et leurs théologiens » ?


Collégialité rénovée: rendre visible notre communion existante


58
Anglicans et catholiques romains sont déjà attelés à ces questions, mais les réponses peuvent prendre du temps. Il n'y a cependant pas de retour en arrière dans notre marche à la pleine communion ecclésiale. A la lumière de notre accord, la Commission croit que nos deux communions devraient rendre plus visible la koinonia que nous avons déjà. Le dialogue théologique doit continuer à tous les niveaux dans les Eglises, mais à lui seul il ne suffit pas. Pour le bien de la koinonia et d'un témoignage chrétien unique à rendre au monde, les évêques anglicans et catholiques devraient trouver des moyens de coopération et des moyens de développer des relations de responsabilité mutuelle dans leur exercice de supervision. A ce nouveau stade, nous n'avons pas seulement à faire ensemble ce que nous pouvons, mais nous avons à être ensemble tout ce qu'autorise notre koinonia existante.


59
Une telle coopération dans l'exercice de l'épiscopè impliquerait que les évêques se rencontrent régulièrement aux plans local et régional, et que des évêques d'une communion participent aux rencontres internationales des évêques de l'autre communion. On devrait examiner sérieusement si des évêques anglicans ne pourraient pas accompagner les évêques catholiques dans leurs visites ad limina à Rome. Partout où cela est possible, les évêques devraient saisir toute occasion d'enseigner et d'agir ensemble dans les questions de foi et de moeurs. Ils devraient aussi témoigner conjointement dans la sphère publique sur les questions qui intéressent le bien commun. Des modes pratiques plus spécifiques de partage de l'épiscopè se dégageront des initiatives locales.


La primauté universelle: un don à partager


60
Le travail de la Commission a abouti à un accord suffisant sur la primauté universelle en tant que don à partager, pour que nous proposions qu'une telle primauté puisse être proposée et reçue avant même que nos Eglises soient en pleine communion. Catholiques romains et anglicans voient ce ministère exercé collégialement et synodalement - un ministère de servus servorum Dei (Grégoire le Grand, cité dans Ut Unum Sint,
UUS 88). Nous envisageons une primauté qui aidera même dès maintenant à maintenir la diversité légitime des traditions, les renforçant et les sauvegardant dans la fidélité à l'Evangile. Elle encouragera les Eglises dans leur mission. Cette sorte de primauté aidera déjà l'Eglise sur terre à être l'authentique koinonia catholique dans laquelle l'unité ne brade pas la diversité, et la diversité ne met pas en péril mais renforce l'unité. Elle sera un signe effectif pour tous les chrétiens de la manière dont ce don de Dieu édifie cette unité pour laquelle le Christ a prié.


61
Ce primat universel exercera une leadership dans le monde et aussi dans les deux communions, par des interventions de type prophétique. Il promouvra le bien commun par des voies non entravées par les intérêts particuliers, il aura en propre un ministère d'enseignement permanent, particulièrement sur les questions difficiles de morale et de théologie. Une primauté universelle de ce style accueillera et protègera la recherche théologique et les autres formes de quête de la vérité, de manière que leurs résultats enrichissent et fortifient tant la sagesse humaine que la foi de l'Eglise. Cette primauté universelle pourra réunir les Eglises de diverses façons pour des consultations et des discussions.


62
Une expérience de primauté universelle de cette sorte confirmerait deux conclusions particulières auxquelles nous avons abouti : que les anglicans s'ouvrent à, et désirent, une reprise et re-réception, sous certaines conditions claires, de l'exercice de la primauté universelle par l'Evêque de Rome ; que les catholiques romains s'ouvrent à, et désirent, une re-réception de lexercice de la primauté par l'Evêque de Rome et la proposition de ce ministère à toute l'Eglise de Dieu.

63
Lorsque la communion réelle, mais imparfaite, entre nous est rendue plus visible, le réseau de l'unité qui est fait de communion avec Dieu et de réconciliation mutuelle est élargi et fortifié. Ainsi, l' « Amen » que anglicans et catholiques romains disent à l'unique Seigneur est plus près de devenir un « Amen » dit ensemble par l'unique et saint peuple de Dieu, témoignant du salut de Dieu et de son amour de réconciliation dans un monde brisé.

64

MEMBRES DE LA COMMISSION


MEMBRES ANGLICANS

Très Révérend Mc Santer, Evêque de Birmingham, RU (Coprésident)
Très Révérend Jn Baycroft, Evêque d'Ottawa, Canada
Dr E. Rozanne Elder, Professeur d'histoire, Université du Western Michigan, USA
Révérend Professeur Jaci Maraschin, Professeur de théologie, Institut oecuménique, São Paolo, Brésil
Révérend Chanoine Richard Marsh, Secrétaire pour les affaires oecuméniques de l'Archevêque de Cantorbéry, Londres, RU (depuis 1996)
Révérend Dr Jn Muddiman, Fellow et Directeur d'études en théologie, Mansfield College, Oxford, RU
Très Révérend Michael Nazir-Ali, Evêque de Rochester, RU
Révérend Dr Nicholas Sagovsky, Chargé de recherche, Université de Newcastle, RU
Révérend Dr Charles Sherlock, Maître assistant, Trinity College Theological School, Parkville, Australie

SECRETAIRES

Révérend Dr Donald Anderson, Directeur des relations et études oecuméniques, Bureau de la Communion anglicane, Londres, RU (1994-1996)
Révérend Chanoine David Hamid, Directeur des affaires et des relations oecuméniques, Bureau de la Communion anglicane, Londres, RU (depuis 1996)
Révérend Chanoine Stephen Platten, Secrétaire pour les affaires oecuméniques de l'Archevêque de Cantorbéry, Londres, RU (jusqu'en 1994)
65
MEMBRES CATHOLIQUES ROMAINS

Son Excellence Monseigneur Cormac Murphy-O'Connor, Evêque d'Arundel et Brighton, RU (Coprésident)
Soeur Sara Butler MSBT, Professeur assistant de théologie systématique, Université de St Mary of the Lake, Mundelein, Illinois, USA
Révérend Peter Cross, Professeur de théologie systématique, Collège catholique de théologie, Clayton, Australie
Révérend Dr Adelbert Denaux, Professeur, Faculté de théologie, Université catholique, Louvain, Belgique
Son Excellence Monseigneur Pierre Duprey, Evêque tit. de Thibaris, Secrétaire, Conseil Pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, Cité du Vatican
Son Excellence Monseigneur Patrick A. Kelly, Archevêque de Liverpool, RU (depuis 1996)
Révérend Père Jn M. R. Tillard, OP, Professeur, Faculté dominicaine de théologie, Ottawa, Canada
Révérend Père Liam Walsh, OP, Professeur de théologie dogmatique, Université de Fribourg, Suisse
Monseigneur William Steele, Vicaire épiscopal pour la mission et l'unité, Diocèse de Leeds, RU (1994-1995)

SECRETAIRE
Révérend Timothy Galligan, Collaborateur, Conseil Pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, Cité du Vatican
66
OBSERVATEURS DU CONSEIL OECUMENIQUE DES EGLISES
Professeur Dr Michael Root, Séminaire luthérien de la Trinité, Columbus, Ohio, USA (depuis 1995)
Révérend Dr Günther Gassmann, Directeur, Commission Foi et Constitution, COE, Genève, Suisse (jusqu'en 1994)





Commentaire

de la Déclaration sur Le don de l'autorité

de la Commission internationale Anglicane -

Catholique romaine par le P. William Henn, OFM Cap.


81
Cette Déclaration sur Le don de l'autorité cherche à approfondir et à élargir l'accord sur l'un des problèmes les plus difficiles qui se posent au mouvement oecuménique. Le document reconnaît franchement la difficulté, mais elle ne l'empêche pas de prendre avec courage une position claire :

La nature et l'exercice de l'autorité dans les Eglises et dans la société sont l'objet d'un vaste débat. Anglicans et catholiques romains veulent témoigner devant les Eglises et devant le monde que l'autorité correctement exercée est un don de Dieu qui apporte réconciliation et paix à l'humanité.(1)

note : (1) Le don de l'autorité, paragraphe 5. Les références à ce document apparaîtront ici entre parenthèses dans le texte, sous cette forme : Don, suivi du numéro du paragraphe.


Si ce texte n'avait d'autre résultat que d'être sans cesse dans l'esprit de ses lecteurs et de ceux qui viendraient à jeter un coup d'oeil sur son titre le rappel que les notions d'« autorité » et de « don » vont ensemble, ce serait là déjà un précieux service rendu à l'unité chrétienne. Il ne pourra jamais y avoir de réconciliation sur la question de l'autorité, entre les communautés chrétiennes divisées, si ces communautés ne voient pas l'autorité comme quelque chose de positif.

Mais à part l'intérêt de faciliter une plus grande unité, une approche positive de l'autorité, consistant à voir en elle un don de Dieu, est nécessaire surtout parce qu'une telle approche est vraie. Dieu veut en effet que l'Eglise soit guidée par la grâce de sa propre autorité, active dans les missions salvatrices du Fils et du Saint-Esprit. L'Evangile de Matthieu se termine sur ces paroles consolantes et stimulantes de Jésus :

Toute autorité m'a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc et de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé, et voici je suis avec vous toujours jusqu'à la fin des temps (
Mt 28,18-20) .


82
Cette autorité est partagée de manière unique avec ceux qui, successeurs des apôtres, sont ordonnés au ministère épiscopal et chargés de servir l'unité de l'Eglise dans la foi et la charité. En accomplissant ce ministère selon les besoins du temps et des circonstances, ils ont le devoir de décider de questions relatives à la doctrine et à la vie de l'Eglise. Au temps de la division entre l'Eglise d'Angleterre et l'Eglise catholique romaine, ces convictions ne furent pas matière à controverse entre les deux communautés. ARCIC II veut les affirmer une fois de plus, dans le contexte d'une réflexion ecclésiologique sur la nature et l'exercice de l'autorité dans l'Eglise en général. Ce contexte rend possible une tentative sereine et prudente d'arriver à une compréhension commune de ce qui fut un vrai contentieux au temps de la rupture entre les deux communautés : le ministère de la primauté de l'évêque de Rome au service de l'unité universelle.(2)

note : (2) La première déclaration de l'ARCIC sur l'autorité (L'autorité dans l'Eglise , 1976) notait : « C'est précisément dans le problème de la primauté papale que nos divisions historiques ont trouvé leur malheureuse origine » : dans La Documentation catholique 74, 1977, 118.



Une autre caractéristique du texte est sa « catholicité », dans le sens, plein et riche, où anglicans et catholiques se disent les uns et les autres « catholiques ». Cette qualité apparaît spécialement dans le refus inflexible du document de se laisser prendre à de trompeuses alternatives ou d'opposer des traits de la vie chrétienne qui doivent en réalité être tenus ensemble, en complémentarité. Le don de l'autorité refuse ainsi d'opposer la liberté et l'obéissance. Jésus, auteur de la vérité qui rend libre (
Jn 8,31) , est aussi celui dont la soumission à la volonté du Père peut être qualifiée à juste titre d' « obéissance (...) qui est source de vie » (cf. 10 ). Ou encore, il ne peut être question de choisir entre la foi de l'individu ou la foi de l'Eglise (cf. 11-13 ). Elles vont ensemble. De même, l'Eglise n'a pas à se demander, pour discerner la volonté de Dieu, s'il faut consulter l'Ecriture ou la Tradition, il faut les deux. Le texte montre de façon précise que diverses dichotomies de ce genre sont de fausses alternatives. Aucune ecclésiologie adéquate ne peut se satisfaire d'une liste de « ou bien ou bien », du genre : ou la Parole de Dieu ou l'autorité de l'Eglise, ou le ministère ordonné ou le laïcat, ou l'Eglise locale ou l'Eglise universelle, ou la synodalité ou la primauté. Le désaccord sur l'autorité découle souvent de l'erreur qui consite à opposer deux réalités ou deux valeurs, ou deux sujets, qui tout simplement ne s'opposent pas. La grand mérite de la Déclaration est de l'indiquer constamment.
Le résultat de cette catholicité théologique est un texte très riche du point de vue de l'ecclésiologie. Je ne me risquerai pas à évaluer la manière dont il reflète effectivement l'héritage doctrinal anglican, mais les catholiques y trouveront bien des échos des thèmes auxquels les ont familiarisés le Deuxième concile du Vatican et les écrits des papes Paul VI et Jean-Paul II. Et même, dans ce qui est peut-être parmi les paragraphes les plus remarquables dans le dialogue oecuménique à ce jour, il y a un effort pour réaffirmer certaines des doctrines essentielles de la Constitution Pastor aeternus de Vatican sur sur la primauté et l'infaillibilité papales (cf. 45-48 ).

Première partie: l'appui des accords précédents


83
Le texte a quatre parties, dont la première est rétrospective. Elle regarde le passé et cherche à résumer les convergences acquises dans les textes antérieurs de l'ARCIC sur l'autorité ( « Déclaration de Venise », 1976, avec l' « Elucidation », « Déclaration de Windsor », de 1981). Les réponses officielles de la Communion anglicane en 1988 et de l'Eglise catholique romaine en 1991 à ces textes se sont avérées extrêmement utiles à la commission de dialogue pour cerner les thèmes précis à examiner dans ce troisième document sur l'autorité. Ces réponses officielles ont aidé la commission à formuler son but précis, comme étant de chercher à élargir l'accord sur les sujets suivants : la relation entre l'Ecriture, la Tradition et l'exercice de l'autorité doctrinale ; la collégialité, la conciliarité et le rôle des laïcs dans les prises de décision ; le ministère pétrinien de la primauté universelle, en relation avec l'Ecriture et la Tradition. (
3 ). Le fait que la Déclaration vise de nouveaux progrès sur précisément les questions jugées par les réponses officielles comme ayant besoin d'être travaillées davantage, est important pour discerner sa part dans l'évaluation du degré d'accord entre anglicans et catholiques au sujet de l'autorité. Cet accord est plus large et plus profond que ce qui est exprimé dans ce seul texte, précisément parce que dans une certaine mesure il se limite à des problèmes non suffisamment résolus par les accords antérieurs. On ne devra pas oublier l'importante attention accordée dans les documents précédents à des questions telles que le ministère de l'épiscopè, la primauté régionale, la juridiction, le ius divinum et les textes pétriniens du Nouveau Testament. Le sous-titre : « L'autorité dans l'Eglise III », est à prendre à la lettre.


Deuxième partie: l'autorité dans l'Eglise


84
Cette partie et la suivante représentent ce qui est précisément le nouveau stade d'accord atteint avec Le don de l'autorité. La deuxième partie discute de l'autorité en référence à l'Eglise locale et universelle (
13-14 22-27 30 ), à l'Ecriture et à la Tradition (14-23 ), à l'apostolicité et à la catholicité (16-17 26-27 ). C'est tout le peuple de Dieu qui est le récepteur de la Parole de Dieu transmise dans l'Ecriture et la Tradition (28 ). Au sein du peuple, l'attention se porte particulièrement sur la relation entre le croyant individuel et l'Eglise locale (11-13 ) et sur la relation entre ceux chargés du ministère de l'épiscopè, d'une part, et le peuple doté du sensus fidei d'autre part (24-30 ). Les paragraphes qui suivent vont tenter de dégager quelques uns des thèmes importants de cette deuxième partie.

Tout d'abord, l'estimation positive de l'autorité, qui est le leitmotiv du document, ressort clairement de l'heureuse initiative d'avoir fait un refrain du mot hébreu « Amen », expression biblique de la foi comme acte et comme attitude.
En Jésus Christ, Fils de Dieu et né d'une femme, le « Oui » de Dieu à l'humanité et l' « Amen » de l'humanité à Dieu deviennent une réalité humaine concrète. Ce thème du « Oui » de Dieu et de l' « Amen » de l'humanité en Jésus Christ est la clé de l'étude de l'autorité dans cette déclaration (8 ).

Les différents sujets traités : l'acte de foi du croyant individuel, la foi de l'Eglise locale, la réception de la Tradition et de l'Ecriture ou la catholicité qui unit les Eglises locales dans le temps et l'espace, sont tous développés dans le cadre de l'« Amen » dit à Dieu en réponse au « Oui » de Dieu aux humains. Ce fil d'or continue dans les autres parties du document, jusqu'à la toute dernière phrase du texte, qui rassemble habilement les affirmations précédentes, les plaçant de façon précise dans la perspective de la recherche de la pleine communion : « Ainsi, l' Amen qu'anglicans et catholiques romains disent à l'unique Seigneur est plus près de devenir un Amen dit ensemble par l'unique et saint peuple de Dieu, témoignant du salut de Dieu et de son amour de réconciliation dans un monde brisé ». (63 ). De cette façon, la commission a sagement choisi de rappeler que l'acte très banal et sans problèmes de dire « Amen » importe à la question de l'autorité dans l'Eglise. L'exercice de l'autorité au sein de l'Eglise et l'acceptation de cet exercice doivent être compris comme constitutifs de l' « Amen » de l'Eglise à Dieu.


85
Cette approche positive est renforcée par le fait que la deuxième partie s'ouvre sur plusieurs paragraphes fortement bibliques et trinitaires. Le matériau biblique appuie le sens chrétien de la normativité de la Parole de Dieu. Une attitude positive envers l'autorité a pour elle la sanction des Ecritures. Jésus lui-même est le modèle de l'acceptation de l'autorité du Père et de l'obéissance à cette autorité dans la puissance du Saint-Esprit. Le thème trinitaire illustre ce que le décret de Vatican II sur l'oecuménisme, Unitatis redintegratio, 11, proposait comme un sain principe de méthode à appliquer dans le dialogue oecuménique, en attirant l'attention sur l'ordre, ou la "hiérarchie", qui existe entre les vérités de foi. Lorsque la question de l'autorité ecclésiale est située dans le contexte des vérités centrales de la foi, de l'économie par laquelle le Dieu Un et Trine réalise le salut des humains, elle apparaît dans une lumière bien plus positive. La Déclaration sur Le don de l'autorité devrait en être plus convaincante et plus crédible, non seulement pour les anglicans et les catholiques romains, mais aussi pour les membres d'autres communautés.
La relation entre la Tradition et l'Ecriture, entre l'interprétation du magistère et la réception, domine la deuxième partie du la Déclaration. Le texte part de la Tradition, se référant explicitement à la fameuse déclaration de la Commission Foi et Constitution de Montréal en 1963 (
14-18 ). Dans cette section, le lecteur peut observer la remarquable qualité synthétique du texte. Le Saint-Esprit guide le processus de tradition (pneumatologie) à travers le ministère de la Parole et du Sacrement, et dans la vie commune du peuple de Dieu (les trois dimensions de la communion, qui correspondent à l'agir du Christ comme prophète, prêtre et berger/roi ; cf. Lumen gentium, LG 13-14 cf. Unitatis redintegratio,UR 2; 14 ). La Tradition est « un canal de l'amour de Dieu », qui est « partie intégrante de l'économie de la grâce », un « acte de communion », qui « unit les Eglises locales » les unes aux autres, ainsi qu' « à celles qui les ont précédées dans l'unique foi apostolique ». Le processus de tradition est ainsi un fait de « réception constante et perpétuelle » dans les temps et circonstances diverses. Il élicite l' « Amen » qui unit l'Eglise entière dans la réponse au « Oui » de Dieu à l'humanité (15-16 ). Yves Congar a souvent souligné la qualité profondément synthétique qui caractérisait les écrits de tant de Pères de l'Eglise. Il semble clair que ce texte jouit lui aussi d'un tel don de synthèse. Ses auteurs ont choisi avec raison une manière de penser patristique.


86
L'Ecriture est située dans le contexte de la Tradition. Elle a une « place normative » parce qu' «unique attestation inspirée» ; elle fait par là « seule autorité». La discussion relative à l'Ecriture frappe par son extrême souci des enjeux herméneutiques. La manière dont la composition des livres du Nouveau Testament s'est faite, en rapport avec les questions auxquelles étaient confrontées les communautés locales de l'âge apostolique, semble s'accorder avec l'approche historico-critique adoptée par la plupart des savants biblistes (cf.
20-21 ). Mais même ici il y a lieu de nuancer. L'interprétation n'est pas simplement laissée aux érudits, elle est une activité ecclésiale. « La signification de l'Evangile révélé de Dieu n'est pleinement perçue qu'au sein de l'Eglise » (23 ). Ce paragraphe du texte non seulement affirme la nécessité de la foi comme présupposé herméneutique sans lequel une interprétation adéquate de la Bible est impossible, mais il note en plus que « la foi de la communauté précède la foi de l'individu » (23 ). Il est extrêment satisfaisant de voir dans cette discussion de l'autorité de l'Ecriture que l'interprétation individuelle est présentée comme guidée par celle de la communauté à laquelle elle contribue à son tour. Quand il est affirmé (23 ) que «l'Eglise ne saurait être décrite en sa vérité comme un aggrégat de croyants individuels, pas plus que sa foi n'est la somme des croyances individuelles», il est difficile pour un catholique de ne pas penser à des formules semblables utilisées par le Pape Jean-Paul II en parlant de la relation des évêques au collège épiscopal,(3) ou par la Congrégation pour la Doctrine de la foi à propos de l'unité des Eglises locales au sein de l'Eglise universelle.(4) En outre, le contenu herméneutique de la Déclaration est en résonance avec le travail fait récemment par la Commission Foi et Constitution sur l'herméneutique oecuménique. Il serait tout-à-fait intéressant d'examiner comment les résultats de ces deux commissions pourraient s'éclairer mutuellement.

notes : (3) Apostolos suos, texte français dans La Documentation catholique 95, 1998, 751-759, voir 754. (4) Communionis notio, 9. Texte français dans La Documentation catholique 89, 1992, 729-734, voir 731.



87
Les divisions chrétiennes ont été parfois attribuées à une prétendue opposition entre l'Ecriture, que l'on doit suivre puisqu'elle est la Parole de Dieu, et la Tradition, accusée de contredire l'Ecriture en introduisant des nouveautés. Ou encore, certains ont vu une opposition entre l'obéissance à l'Ecriture et l'obéissance à ceux qui exercent l'autorité dans l'Eglise. Le présent texte contient un certain nombre de vrais joyaux, dont l'un répond exactement à ces prétendues oppositions, en montrant, de manière très satisfaisante, l'harmonie existant entre l'Ecriture, la Tradition, l'autorité et l'obéissance.

La formation du canon des Ecritures était partie intégrante du processus de la tradition. La reconnaissance par l'Eglise de ces Ecritures comme canoniques, après une longue période de discernement critique, représentait à la fois un acte d'obéissance et un acte d'autorité. Acte d'obéissance, en ce que l'Eglise discernait et recevait le « Oui » vivifiant de Dieu par les Ecritures, les acceptant comme normes de la foi. Acte d'autorité, en ce que l'Eglise, guidée par le Saint-Esprit, recevait et communiquait ces textes en déclarant qu'ils étaient inspirés et que d'autres ne sauraient être inclus dans le canon (
22 ).


88
Les deux paragraphes amenés par le sous-titre spécifique « Réception et Re-réception » contiennent des propositions qui plairont beaucoup aux catholiques, mais j'imagine qu'on pourrait en dire autant des anglicans. Tout d'abord, la Declaration affirme clairement que c'est la totalité de la Tradition apostolique qui est reçue par l'Eglise. La réponse catholique officielle à la discussion de l'ARCIC sur sur l'autorité avait explicitement relevé comme un point faible la suggestion que seules les doctrines centrales pouvaient faire l'objet de définitions solennelles par les détenteurs de l'autorité dans l' Eglise.(5) Ce qui semblait suggérer une sorte de supériorité et d'indépendance de l'Eglise par rapport à la Révélation par le fait de déclarer quelles sont les doctrines centrales et normatives, tout en laissant libre le croyant individuel pour les vérités jugées non centrales. Ce thème a fait l'objet d'amples discussions au cours des trente dernières années, spécialement de la part de ceux qui ont essayé d'expliquer la compatibilité entre l'enseignement de Vatican II sur la « hiérarchie des vérités » et la conviction traditionnelle que l'autorité de Dieu est sous-jaçante à la totalité de la révélation, conviction exprimée, pour ne donner qu'un exemple, dans l'encyclique Mortalium animos de Pie XI en 1928. Le présent texte atteste sans ambiguïté que catholiques et anglicans sont convaincus que l' « Amen » de l'Eglise est donné à toute la révélation de Dieu, et pas seulement à ce qui peut en être considéré comme ses articles les plus fondamentaux. En même temps, il illustre joliment la hiérarchie des vérités, comme noté ci-dessus, quand il relie organiquement ses diverses affirmations les unes aux autres et aux vérités fondamentales sur la Trinité en tant que base ultime de la vie de l'Eglise et de l'exercice de l'autorité ecclésiale.

De plus, la réception est présentée comme une activité dans laquelle la mémoire de l'Eglise est rafraîchie et même guérie. A mon avis, ceci est un des thèmes les plus profonds et les plus prometteurs de ceux liés à la notion théologique de réception. Il s'harmonise bien avec l'appel de Jésus à la conversion, la metanoia, et à un changement d'esprit et de coeur. En ce sens, la notion de « re-réception » peut même trouver un fondement vétérotestamentaire dans l'appel des prophètes à se rappeler l'Alliance tombée dans l'oubli et à réformer sa vie en conséquence. Ceci va très bien avec une approche catholique de l'oecuménisme qui a constamment souligné la conversion comme une partie absolument nécessaire de la marche à la pleine communion. Le Pape Jean-Paul II peut même bien avoir forgé une formule neuve à cet égard, en parlant de « dialogue de conversion ».


89
L'Eglise catholique doit entrer dans ce qu'on pourrait appeler un « dialogue de conversion », qui constitue le fondement spirituel du dialogue oecuménique. Dans ce dialogue, qui a lieu devant Dieu, chaque individu doit reconnaître ses propres fautes, confesser ses péchés et se mettre dans les mains de Celui qui est notre intercesseur devant le Père, Jésus Christ. ... Le « dialogue de conversion » avec le Père, de la part de chaque communauté, avec la pleine acceptation de tout ce qu'il exige, est la base de relations fraternelles qui veulent être quelque chose de plus qu'une simple entente cordiale ou une sociabilité purement extérieure. Les liens de la koinonia fraternelle doivent être forgés devant Dieu et dans le Christ Jésus (Ut unum sint,
UUS 82).

La deuxième partie se conclut par six paragraphes qui relient l'autorité à la catholicité de l'Eglise. On y affirme plusieurs points importants. Tout d'abord, l'Eglise est comprise comme un tout, s'étendant dans le temps et l'espace (Don, 26). Il faut voir là une claire opposition à une ecclésiologie qui poserait l'Eglise locale comme une communauté se suffisant à elle-même. Même affirmation, et même en plus explicite, dans la discussion de la troisième partie sur la synodalité :

L'interdépendance mutuelle de toutes les Eglises est constitutive de la réalité de l'Eglise telle que Dieu la veut. Aucune Eglise locale inscrite dans la Tradition vivante ne peut se considérer comme auto-suffisante (37 ).

Même l'Eucharistie, sommet de la vie de l'Eglise locale, révèle le dynamisme indéracinable qui met la communauté locale en communion avec l'unité catholique du tout.

L'Eglise locale est une communauté eucharistique. Au centre de sa vie est la célébration de la Sainte Eucharistie dans laquelle tous les croyants entendent et reçoivent le « Oui » de Dieu pour eux en Christ. Dans la grande Action de grâces, lorsque le mémorial du don de Dieu dans l'oeuvre salvifique du Christ crucifié et ressuscité est célébré, la communauté est une avec tous les chrétiens de toutes les Eglises qui, depuis le commencement et jusqu'à la fin, prononcent l' « Amen » de l'humanité à Dieu,- l' « Amen » dont l'Apocalypse affirme qu'il est au coeur de la grande liturgie du ciel (Ap 5,14) .(13 ).(6)

notes : (5) Voir «Réponse du Saint-Siège au document final de l'ARCIC (1982)» dans La Documentation catholique 89, 1992, 113.
(6) Une idée semblable est exprimée dans Communionis notio, qui souligne que la célébration elle-même de l'Eucharistie démontre que l'Eglise locale n'est pas auto-suffisante mais, par nature, intrinsèquement reliée au tout.



90
En second lieu, l'Eglise comme telle est présentée comme étant le seul sujet qui entre en ligne de compte pour la réception et la transmission de la Tradition vivante. Laïcs, théologiens et ministres ordonnés, tous ont une responsabilité dans la réception et la transmission de la Parole de Dieu, chacun selon sa capacité spécifique (
28 ). Les catholiques reconnaîtront immédiatement l'affinité de ce paragraphe avec Lumen Gentium LG 12, de Vatican II, qui affirme que « le saint Peuple de Dieu a part également à l'office prophétique du Christ » et que « le corps entier des fidèles ... a une onction qui vient du Saint (cf. 1Jn 2,20 1Jn 2,27) ». Dans ce contexte, la Déclaration décrit le sensus fidei comme « une capacité active de discernement spirituel, une intuition formée par la participation au culte et par la vie en communion comme membre fidèle de l'Eglise » (29 ). La discussion du sensus fidei et de la notion corrélative de sensus fidelium, semble être une des principales manières dont ARCIC II exécute la tâche requise par la réponse anglicane officielle à ARCIC I, qui demandait que la suite du dialogue examine « le rôle des laïcs dans les prises de décision au sein de l'Eglise ».(7) La relation entre ceux qui exercent l'épiscopè, « le ministère de la mémoire » d'une part, et tout le peuple dont la réception de la Parole de Dieu dans la foi peut se résumer dans le sensus fidelium, d'autre part, est décrite à l'aide de l'analogie de la symphonie. Du fait que le Saint-Esprit est à l'oeuvre dans l'Eglise, il y a harmonie entre épiscopè et sensus fidelium. Le « ministère (...) de l'évêque et de ceux ordonnés sous sa responsabilité» est attentif et « sensibilisé au sensus fidelium, qu'ils ont eux aussi en partage... Le sensus fidelium du peuple de Dieu et le ministère de la mémoire existent ainsi ensemble et dans une relation réciproque » (30 ). Alors que ces affirmations sont vraies, en même temps on se demande si le texte ne ferait pas bien de considérer également la très réelle possibilité de tensions dans la communauté à propos de questions de foi et de discipline. Je reviendrai sur ce point dans une section concernant des améliorations possibles susceptibles de rendre encore plus impressionnant l'accord enregistré dans le présent texte.


notes : (7) Voir The Truth Shall Make You Free. The Lambeth Conference 1988, Londres 1988, 211.



1999 Don de l'autorité 48