1999 Don de l'autorité 109
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« Nous croyons que si cette déclaration au sujet de la nature de l'autorité et de la manière de l'exercer est acceptée et mise en pratique, cette question cessera d'être une cause de rupture permanente de communion entre nos deux Eglises » (51 ). Il y a ici une affirmation vigoureuse et pleine d'espoir du degré d'accord présent dans la Déclaration, de même qu'une reconnaissance de la différence entre la théorie et la pratique (signalée par l'insistance « et mise en pratique »). Cette différence importe à l'interprétation de la quatrième partie.
La récapitulation des nouveaux points d'accord en 52 n'est pas seulement très impressionnante mais elle peut même être trop modeste. Elle inclut la plupart des points que nous avons discutés mais ne mentionne pas les paragraphes 32-33 qui situent précisément l'autorité dans le contexte d'une ecclésiologie de communion et de mission. On a relevé plus haut l'utilité particulière de ces paragraphes, au vu des accents nouveaux à la fois dans l'ecclésiologie et dans l'enseignement catholique officiel.
La description des développements au sein de chaque communauté (53-55 ) semble tout-à-fait exacte. L'Eglise catholique romaine a indubitablement donné ces dernières années une attention et une importance nouvelles à l'exercice de l'autorité localement, synodalement et avec l'inclusion du laïcat. Les anglicans sont plus attentifs depuis peu à l'exercice de l'autorité au plan universel, et ils ont l'intention de continuer. Ils semblent par là avancer dans des directions qui les rapprocheront entre eux sur les questions de l'autorité et de son exercice.
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Les « Questions posées aux anglicans et aux catholiques romains » de 56-57 ne doivent pas être considérées comme contredisant la déclaration de l'accord enregistré en 51 , mais plutôt comme une expression de la différence entre la théorie et la pratique. L'indication de tels défis, après avoir parlé d'accord, est en harmonie avec ce que le Pape Jean-Paul II a appelé le « dialogue de conversion » (Ut unum sint,UUS 82), dont il a été question plus haut.
Ces « Questions » (56-57 ), avec les paragraphes sur la « Collégialité rénovée » (58-59 ), répondent à une demande croissante exprimée dans les publications concernant la réception des documents oecuméniques. On demande de plus en plus aux commissions de dialogue non seulement de produire des textes mais également de suggérer des pas concrets par lesquels le progrès de la communion puisse se traduire de façon visible. La coopération entre évêques anglicans et catholiques aux plans des rencontres, de la prière, du témoignage et même de l'enseignement en commun semble pleinement en harmonie avec l'expérience rapportée par le Pape Jean-Paul II au chapitre II de Ut unum sint, sur « Les fruits du dialogue », de sa collaboration de diverses manières avec d'autres dirigeants chrétiens. La suggestion d'envisager la participation d'évêques anglicans aux visites ad limina semble un geste noble, une manière concrète d'exprimer la reconnaisance anglicane d'une primauté universelle rapportée aux paragraphes 45-48 de la déclaration sur Le don de l'autorité. En même temps, on imagine qu'un tel pas demanderait une certaine prudence pastorale. Ici comme dans le cas d'un enseignement en commun, on devrait examiner soigneusement comment de telles démarches seraient comprises par les fidèles et, autant que possible, il faudrait se protéger de l'exploitation par un média peu porté à se retenir de donner aux faits une portée sensationnelle facilement trompeuse.
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La déclaration sur Le don de l'autorité s'achève sur plusieurs paragraphes qui caractérisent aussi le ministère de la primauté universelle comme un « don ». Les catholiques ne peuvent que se réjouir de cette aimable disposition chez leurs frères et soeurs anglicans. Plusieurs expressions dans cette section amèneront probablement des critiques à s'en prendre au texte, avec l'objection qu'il n'affirme seulement qu'une certaine sorte de primauté, celle qui « maintient la diversité légitime » (60 ) et qui « protège la recherche théologique » (61 ), une primauté qui peut être recouvrée et re-reçue par les anglicans seulement « sous certaines conditions claires » (62 ). A mon sens, ce serait une erreur que d'interpréter de telles expressions comme suggérant une sorte de crypto-gallicanisme. La doctrine et la théologie catholiques peuvent prendre ces expressions en un sens compatible avec une compréhension correcte de la primauté papale. Il est juste de dire que dans l'univers oecuménique aucune autre communauté n'a été aussi loin avec les catholiques sur la question d'un accord commun au sujet de la primauté de l'Evêque de Rome. On se rappelle les paroles poignantes du Pape Paul VI, selon lequel il n'est pas de plus grand « obstacle » à l'oecuménisme que la papauté.(28) Ici, peut-être pour la première fois dans le dialogue oecuménique, les anglicans parlent en commun avec leurs partenaires de dialogue catholiques de la primauté comme un « don ».
notes : (28) « Le Pape, Nous le savons bien, est sans doute l'obstacle le plus grave sur la route de l'oecuménisme. Que dirons-Nous ? Devrons-Nous en appeler, une fois de plus, aux titres qui justifient Notre mission ? Devrons-Nous, une fois encore, tenter de la présenter dans ses termes exacts, telle réellement qu'elle veut être : principe indispensable de vérité, de charité, d'unité ? Mission pastorale de direction, de service et de fraternité, qui ne conteste la liberté et l'honneur à aucune personne ayant une position légitime dans l'Eglise de Dieu, mais bien plutôt protège les droits de tous et ne réclame d'autre obéissance que celle qui est requise des enfants d'une même famille ? » D'après l'allocution du Pape Paul VI au Secrétariat pour l'unité des chrétiens, le 28 avril 1967 ; dans Acta Apostolicae Sedis, 59, 1967, 498.
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Tout au long de ce commentaire j'ai essayé d'indiquer comment ARCIC II a tenté d'aborder les sujets signalés par les deux réponses officielles au travail d'ARCIC sur sur l'autorité. La déclaration sur Le don de l'autorité semble avoir réussi le mieux possible à réaliser cette tâche. Mais en même temps, c'était inévitable, en se centrant sur ces sujets elle a pu manquer l'occasion de développer plus pleinement des thèmes moins profilés par les réponses officielles. A cet égard, j'aimerais indiquer simplement deux domaines dans lesquels je crois qu'une plus grande précision rendrait encore plus adéquate la compréhension de l'autorité présente dans ce texte, approfondissant aussi par là l'accord entre anglicans et catholiques.
Une question concerne ce qu'on désigne comme le sensus fidelium. Le texte ne pourrait-il pas être plus clair quand au sens précis de cette expression ? Le sensus fidelium est-il distinct du sensus fidei, que l'on décrit comme « une capacité active de discernement spirituel, une intuition formée par la participation au culte et par la vie en communion comme membre fidèle de l'Eglise » (29 ) ? Le paragraphe 29 déclare : « Quand cette capacité est exercée de concert avec le corps des fidèles on peut parler d'exercice du sensus fidelium ». Que veut dire exercer le sensus fidei « de concert » ? Plus loin, le sensus fidelium est décrit presque comme une force ou un principe actif : « Au sein du sensus fidelium, il y a une relation de complémentarité entre l'évêque et le reste de la communauté » (36 ; voir aussi 1 ,43 et 56 ). Finalement, une autre signification semble apparaître, comme si la formule ne renvoyait pas à une capacité subjective, exercée isolément ou de concert, mais plutôt à un contenu doctrinal concernant les matières de foi et de morale et effectivement cru par les fidèles : « Lorsque les évêques tiennent conseil ensemble, ils cherchent à la fois à discerner et à articuler le sensus fidelium » (38 ). Il me semble que le texte serait amélioré s'il restreignait la signification de sensus fidelium à ce dernier sens. Vatican II pourrait peut-être y aider. Lumen gentium LG 12, à quoi se réfère 43 , n'utilise pas l'expression sensus fidelium, mais se contente de parler du « sensus fidei de tout le peuple ».
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Par cette appréciation de la foi (sensus fidei) suscitée et soutenue par l'Esprit de vérité, le Peuple de Dieu, guidé par l'autorité sacrée chargée de l'enseignement (magisterium) et lui obéissant, reçoit non la simple parole des hommes, mais vraiment la Parole de Dieu (cf. 1Th 2,13) , la foi conférée une fois pour toutes aux saints (cf. Jud 3) . Le Peuple adhère infailliblement à cette foi, la pénètre plus profondément avec un jugement droit et l'applique plus pleinement dans la vie quotidienne.
Dans ce texte, le sensus fidei est clairement une capacité subjective qui accompagne la foi ; il est un don du Saint-Esprit. Si tout le peuple, guidé par ce don du sensus fidei, s'accorde par un consentement universel sur une question de foi ou de moeurs, il n'errera pas sur ce point de foi (d'après Lumen gentium LG 12) . L'expression sensus fidelium ne pourrait-elle pas renvoyer précisément au degré d'accord sur une question particulière de foi ou de morale ? Ce n'est qu'en cas d'unanimité que l'on serait assuré que tout le corps des fidèles est exempt d'erreur. Sans cette unanimité, les opinions communes à tout le peuple ne sont pas pour autant dénuées de signification. Elle contribuent encore à l'interprétation de la Parole révélée de Dieu. Mais cette affirmation même dévoile le vrai rôle du sensus fidelium. Il n'est pas que l'Eglise a besoin de discerner le sensus fidelium comme un but en soi. Le but ultime du discernement est plutôt de recevoir la Parole de Dieu, d'y adhérer et de l'appliquer à la vie. Le sensus fidei est un don fait à chaque croyant pour l'assister à faire cela. Le sensus fidelium est comparable à une « lecture » faite pour savoir ce que les fidèles croient effectivement. De telles clarifications permettraient à ARCIC II d'indiquer plus clairement comment le sensus fidelium contribue à l'enseignement normatif, il permettrait aussi de reconnaître plus franchement les difficultés de la tâche de discerner ce que les fidèles croient et le degré de leur unanimité. Spécialement dans un âge où l' « opinion publique » est si souvent consultée et paraît être si malléable, une réflexion plus rigoureuse sur ce très important aspect de la vie ecclésiale serait utile.
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Une seconde suggestion n'est pas sans lien avec la première. C'est ceci. Ne serait-il pas possible de définir plus clairement l'autorité propre d'enseignement de l'épiscopat comme partage, par le Christ, de sa propre autorité d'enseignement ? Il y a quelque chose de cela dans la Déclaration, sans aucun doute. On peut être particulièrement reconnaissant des références christologiques dans les paragraphes 36 et 43 ainsi que pour la pneumatologie présente dans tout le tissu du texte (4 , 18 , 28 , 30 , 35 , 36 , 41 , 42 , 43 , 47 , 49 ).. Ces références aux missions du Fils et du Saint-Esprit justifient une évaluation optimiste de l'autorité ministérielle dans l'Eglise. En même temps, on se demande si cet optimisme n'admettrait pas un traitement plus étoffé de l'ordination épiscopale comme rite sacramentel épiclétique, dans lequel l'évêque nouvellement ordonné reçoit la grâce d'avoir part d'une manière pastorale unique à l'autorité du Christ le bon Pasteur.
En outre, l'accent mis utilement sur le laïcat, spécialement en recourant au thème du sensus fidelium, peut, ce nonobstant, donner l'impression que ceux chargés du « ministère de la mémoire » ont accès à la Parole de Dieu principalement par les convictions communément tenues dans le peuple. Le fait est, bien sûr, que les évêques apprennent de laïcs la Parole de Dieu. Qui pourrait oublier ces paroles adressées au nom de Paul à Timothée, paroles empreintes d'un certain charme familial mais qui suggèrent aussi l'enracinement personnel profond des ministres ordonnés dans toute la communauté des croyants ?
J'évoque le souvenir de la foi sincère qui est en toi, foi qui habita d'abord en Loïs, ta grand-mère et en Eunice, ta mère, et qui, j'en suis convaincu, réside aussi en toi. C'est pourquoi je te rappelle d'avoir à raviver le don de Dieu qui est en toi depuis que je t'ai imposé les mains (2Tm 1,5-6) .
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Ceci étant, le texte ne serait-il pas encore plus satisfaisant s'il pouvait inclure une réflexion plus développée sur la relation entre le ministère ordonné et la proclamation de la Parole de Dieu ? Elle utiliserait avec profit les passages bibliques dans lesquels Jésus partage sa mission de proclamation avec les douze (tel que Mt 10,1-42) . Elle pourrait aussi rappeler la responsaibilité spéciale de l'épiscopat de conserver et de garder la foi, une idée qui a pour elle non seulement le Nouveau Testament mais aussi un abondant matériau dans les écrits et la pratique des Pères de l'Eglise.
Les anglicans et les catholiques romains, qui sont convaincus les uns et les autres que l'épiscopat fait partie de la volonté de Dieu pour l'Eglise et qui n'ont jamais été formellement en conflit à ce sujet, peuvent naturellement éprouver à un degré moindre la nécessité de donner un solide fondement à l'épiscopat dans leurs textes d'accord. Il est vrai qu'une critique à L'autorité était était justement qu'elle se centrait trop sur la hiérarchie et disait trop peu au sujet du laïcat.(29) Du fait que la déclaration sur Le don de l'autorité tente d'exécuter le mandat spécifié dans les réponses officielles à ARCIC I, il est naturel que le laïcat soit mis spécialement en relief dans le texte. Peut-être que plus d'attention au fondement sacramentel et à la signification de l'ordination épiscopale améliorerait encore ce qui est déjà un accord remarquable.
Au seuil d'un nouveau millénaire, il semble remarquablement providentiel, un signe de l'influence du Saint-Esprit, que dans l'intervalle de quelques mois d'importants textes d'accord ont paru, qui ont recueilli un consensus significatif sur deux des questions doctrinales les plus décisives qui divisent les communautés chrétiennes. En plus de la Déclaration sur Le don de l'autorité, étudiée dans le présent commentaire, une Déclaration commune, luthéro-catholique, sur la doctrine de la justification a été publiée en juin 1998.(30) Ces documents ne résultent pas de processus identiques et n'ont pas la même doctrine pour objet, mais les deux thèmes et les deux accords ne sont pas sans rapports les uns avec les autres. Dans les deux cas, il s'agit de la guérison et de l'élévation de la nature par la grâce rédemptrice du Christ. La Déclaration sur la justification porte sur la manière dont cela se produit dans la vie de l'individu racheté. Le don de l'autorité contemple en revanche l'oeuvre de la grâce dans toute la communauté qui est l'Eglise, locale et universelle. On pourrait prédire avec confiance que l'impact de ces accords débordera le cadre des relations entre l'Eglise catholique romaine et les seules communautés luthériennes et anglicanes. Le texte sur la justification pourrait bien faciliter le dialogue catholique avec beaucoup d'autres communautés de la Réforme. Le texte sur l'autorité peut faire de même, mais pourrait aussi contribuer à la prise en considération commune de la primauté qui reste spécialement préoccupante pour la guérison des divisions entre les Eglises orthodoxe et catholique.
notes : (29) Voir Elucidation 4, dans La Documentation catholique 79, 1982, 500.
(30) Texte français dans La Documentation catholique 94, 1997, 875-885 ; Réponse catholique officielle et déclaration à la presse du Cardinal Cassidy dans La Documentation catholique 95, 1998, 713-718.
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Le Pape Jean-Paul II a relevé que ce qui nous unit est bien plus grand que ce qui nous divise. Il a espéré que le nouveau millénaire nous trouverait plus proches qu'auparavant, sinon complètement un. Ce dernier accord offert par la Commission internationale anglicane-catholique romaine aide certainement à ce que ce rêve devienne réalité. L'espoir de la Commission, « que l' Amen qu'anglicans et catholiques disent en commun à l'unique Seigneur » sera plus proche « d'être un Amen dit ensemble par l'unique peuple saint au salut de Dieu et à son amour réconciliateur, dans un monde brisé » n'est pas irréaliste. Son travail contribuera à susciter ce témoignage commun et cet « Amen » commun si indiqué et si nécessaires à l'aube du nouveau millénaire.
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