1998 Nature Théo et Jur. Conf. Ev.



JEAN-PAUL II

LETTRE APOSTOLIQUE


EN FORME DE MOTU PROPRIO

SUR LA NATURE THEOLOGIQUE

ET JURIDIQUE

DES CONFERENCES DES EVEQUES(1)


Notes:

(1) Les Eglises orientales patriarcales et les Archevêchés majeurs sont gouvernés par leurs synodes des Evêques respectifs, qui sont dotés de pouvoirs législatifs, judiciaires et, dans certains cas, aussi administratifs (cf. CIO 110 CIO 152) : de cela, il n'est pas question dans le présent document. De ce point de vue en effet, on ne peut pas établir d'analogie entre ces Synodes et les Conférences des Evêques. Ce document à l'inverse concerne les Assemblées constituées dans les régions dans lesquelles se trouvent plusieurs Eglises sui iuris, réglées par le CIO 322 cf. par leurs statuts propres approuvés par le Siège apostolique (cf. CIO 322, $ 4; Const. apost. Pastor bonus, art. , 1, dans la mesure où ces Eglises sont comparables aux Conférences des Evêques (cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret sur la charge des Evêques dans l'Eglise Christus Dominus, CD 38) .



I INTRODUCTION


Le Seigneur Jésus a constitué les Apôtres " sous la forme d'un collège, c'est-à-dire d'un groupe stable, à la tête duquel il mit Pierre, choisi parmi eux ".(2) Les Apôtres ne sont pas choisis et envoyés par Jésus indépendamment l'un de l'autre, mais au contraire formant le groupe des Douze, comme cela a été souligné par les Evangiles au moyen de l'expression " l'un des Douze ", utilisée à maintes reprises.(3) Le Seigneur leur confie, à tous ensemble, la mission de prêcher le Règne de Dieu;(4) et ils sont envoyés par Lui non pas isolément, mais deux par deux.(5) Au cours de la dernière cène, Jésus prie le Père pour l'unité des Apôtres et de ceux qui, par leur parole, croiront en Lui.(6) Après sa Résurrection et avant l'Ascension, le Seigneur confirme Pierre dans la charge pastorale suprême(7) et confie aux Apôtres la mission même qu'il avait reçue du Père.(8)
Avec la venue de l'Esprit Saint le jour de la Pentecôte, la réalité du Collège apostolique se manifeste pleine de la vitalité nouvelle qui vient du Paraclet. Pierre, " debout avec les Onze ",(9) parle à la foule et baptise un grand nombre de croyants; la première communauté apparaît unie dans l'écoute de l'enseignement des Apôtres;(10) elle reçoit d'eux la solution aux problèmes pastoraux;(11) Paul s'adresse aux Apôtres restés à Jérusalem, pour garantir sa communion avec eux et ne pas risquer de courir en vain.(12) La conscience de former un corps non divisé se manifeste aussi lorsque apparaît la question de l'obligation pour les chrétiens issus du paganisme d'observer ou non certaines normes de la Loi ancienne. Alors, dans la communauté d'Antioche, " il fut décidé que Paul, Barnabé et quelques autres des leurs monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des anciens pour traiter de ce litige ".(13) Pour examiner cette question, les Apôtres et les anciens se réunirent, se consultèrent et délibérèrent, guidés par l'autorité de Pierre; finalement, ils prononcèrent la sentence suivante: " L'Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas vous imposer d'autres charges que celles-ci, qui sont indispensables ".(14)

Notes:

(2) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, LG 19 cf. Mt 10,1-4 Mt 16,18 Mc 3,13-19 Lc 6,13 Jn 21,15-17
(3) Cf. Mt 26,14 Mc 14,10 Mc 14,20 Mc 14,43 Lc 22,3 Lc 22,47 Jn 6,72 Jn 20,24
(4) Cf. Mt 10,5-7 Lc 9,1-2
(5) Cf. Mc 6,7
(6) Cf. Jn 17,11 Jn 18 Jn 20-21
(7) Cf. Jn 21,15-17
(8) Cf. Jn 20,21 Mt 28,18-20
(9) Ac 2,14
(10) Cf. Ac 2,42
(11) Cf. Ac 6,1-6
(12) Cf. Ga 2,1-2 Ga 2,7-9
(13) Ac 15,2
(14) Ac 15,28


La mission de salut que le Seigneur confia aux Apôtres durera jusqu'à la fin du monde.(15) Pour que cette mission puisse être accomplie selon la volonté du Christ, les Apôtres eux-mêmes " ont pris soin d'instituer des successeurs (...). Les Evêques, en vertu d'une institution divine, ont pris par succession la place des Apôtres comme pasteurs de l'Eglise ".(16) En effet, pour accomplir leur ministère pastoral, " les Apôtres ont été comblés par le Christ de dons par une effusion spéciale de l'Esprit Saint descendant sur eux,(17) et ont transmis eux-mêmes à leurs collaborateurs, par l'imposition des mains, le don de l'Esprit,(18) qui s'est transmis jusqu'à nous dans la consécration épiscopale ".(19)
" De même que, selon les dispositions du Seigneur, saint Pierre et les autres Apôtres constituent un seul collège apostolique, d'une manière semblable, le Pontife romain, successeur de Pierre, et les Evêques, successeurs des Apôtres, sont unis entre eux ".(20) Ainsi, les Evêques tous ensemble ont reçu du Christ le mandat d'annoncer l'Evangile sur la terre entière et, pour cela, ils sont tenus d'avoir de la sollicitude pour toute l'Eglise, de même que, pour accomplir la mission qui leur a été confiée par le Seigneur, ils sont tenus de collaborer entre eux et avec le Successeur de Pierre,(21) en qui est institué " le principe et le fondement perpétuel et visible de l'unité de foi et de communion ".(22) A son tour, chaque Evêque est le principe et le fondement de l'unité dans son Eglise particulière.(23)

Notes:

(15) Cf. Mt 28,18-20
(16) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 20
(17) Cf. At 1, 8; 2, 4; Jn 20,22-23
(18) Cf. 1Tm 4,14 2Tm 1,6-7
(19) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium LG 21
(20) Ibid., LG 22
(21) Cf. Ibid., LG 23
(22) Ibid., LG 18 cf., LG 22-23, note explicative préliminaire, n. 2; Conc. oecum. Vat. I, Const. dogm. Pastor aternus, Prologue: DS 3051
(23) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium LG 23


Restant sauf le pouvoir d'institution divine que l'Evêque a dans son Eglise particulière, la conscience de faire partie d'un corps non divisé a amené les Evêques, au long de l'histoire de l'Eglise, à employer dans l'accomplissement de leur mission, des instruments, des organismes ou des moyens de communication qui manifestent leur communion et leur sollicitude pour toutes les Eglises et qui continuent la vie même du collège des Apôtres: la collaboration pastorale, les consultations, l'aide mutuelle, etc.
Depuis les premiers siècles, cette réalité de la communion a trouvé une expression particulièrement appropriée et caractéristique dans la célébration des conciles, parmi lesquels, outre les Conciles oecuméniques, qui commencèrent avec le Concile de Nicée en 325, il faut mentionner aussi les conciles particuliers, pléniers ou provinciaux, qui furent célébrés fréquemment dans toute l'Eglise dès le deuxième siècle.(24)
Cette pratique de la célébration de conciles particuliers se perpétua tout au long du Moyen-Age. Après le Concile de Trente (1545-1563) au contraire, leur célébration régulière se fit de plus en plus rare. Cependant, le Code de Droit canonique de 1917, avec l'intention de donner une nouvelle vigueur à une si vénérable institution, édicta aussi des dispositions pour la célébration de conciles particuliers. Le canon 281 dudit Code faisait référence au concile plénier et établissait qu'on pouvait le célébrer, avec l'autorisation du Souverain Pontife, qui désignait son délégué afin qu'il le convoque et le préside. Le même Code prévoyait la célébration des conciles provinciaux au moins tous les vingt ans,(25) et la célébration, au moins tous les cinq ans, de conférences ou d'assemblées des Evêques d'une province, pour traiter des problèmes des diocèses et préparer le concile provincial.(26) Le nouveau Code de Droit canonique de 1983 continue à maintenir un vaste ensemble de normes sur les conciles particuliers, qu'ils soient pléniers ou provinciaux.(27)

Notes:

(24) Sur certains conciles du IIe siècle, cf. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique V, 16, 10; 23, 2-4; 24, 8: SC 41, pp. 49, 66-67, 69. Au début du IIIe siècle, Tertullien fait l'éloge de l'usage chez les Grecs de célébrer des conciles (cf. De ieiunio 13, 6: CCL 2, p. 1272). Grâce aux lettres de saint Cyprien de Carthage, nous avons des informations sur divers conciles africains et romains, à partir de la deuxième ou troisième décennie du IIIe siècle (cf. Lettres 55, 6; 57; 59, 13, 1; 61; 64; 67; 68, 2, 1; 70; 71, 4, 1; 72; 73, 1-3: Bayard (éd.), Paris (1961) II, pp. 134-135; 154-159; 180; 194-196; 213-216; 227-234; 235; 252-256; 259-262; 262-264). Sur les conciles des Evêques des IIe et IIIe siècles, cf. K. J. Hefele, Histoire des Conciles I, Paris, (1869), pp. 77-125.
(25) Cf. CIC 283.
(26) Cf. Ibid., CIC 292
(27) Cf. CIC 439-446


A côté de la tradition des conciles particuliers et en harmonie avec elle, à partir du siècle dernier, pour des raisons historiques, culturelles, sociologiques et pour des objectifs pastoraux précis, sont nées dans différents pays les Conférences des Evêques, pour traiter les diverses questions ecclésiales d'intérêt commun et pour y apporter des solutions opportunes. Ces Conférences, à la différence des conciles, ont eu un caractère stable et permanent. L'Instruction de la Sacrée Congrégation des Evêques et des Réguliers du 24 août 1889 y fait référence, les nommant expressément " Conférences épiscopales ".(28)
Le Concile Vatican II, dans le décret Christus Dominus, non seulement souhaite que la vénérable institution des conciles particuliers retrouve une nouvelle vigueur (cf. n. 36), mais traite aussi expressément des Conférences des Evêques, faisant apparaître leur existence dans de nombreuses nations et établissant des normes particulières en ce qui les concerne (cf. nn. 37-38). En effet, le Concile a reconnu l'opportunité et la fécondité de tels organismes, estimant " qu'il est opportun au plus haut point que partout dans le monde les Evêques d'un même pays ou d'une même région se rencontrent dans le cadre d'une seul assemblée, se réunissant à des dates fixes pour mettre en commun les lumières de leur prudence et de leur expérience, afin que par l'échange des idées se réalise une sainte harmonie des forces en vue du bien commun des Eglises ".(29)

Notes:

(28) Instruction " Certains archevêques ", De collationibus quolibet anno ab Italis Episcopis in variis qua designantur Regionibus habendis (24 août 1889): Léon XIII, Acta IX (1890), p. 184.
(29) Conc. oecum. Vat. II, Décret Christus Dominus, CD 37 cf. Const. dogm. Lumen gentium, LG 23


En 1966, par le Motu proprio Ecclesia Sancta, le Pape Paul VI imposa la constitution des Conférences épiscopales là où elles n'existaient pas encore; celles qui existaient déjà devaient rédiger leurs propres statuts; en cas d'impossibilité de constitution, les Evêques intéressés devaient s'unir à des Conférences épiscopales déjà érigées; on pouvait créer des Conférences épiscopales pour plusieurs nations ou aussi internationales.(30) Quelques années après, en 1973, le Directoire pastoral des Evêques rappela que " la Conférence épiscopale a été instituée afin de pouvoir aujourd'hui apporter une contribution variée et féconde à l'application concrète de l'esprit collégial. Grâce aux Conférences épiscopales, est encouragé de manière excellente l'esprit de communion avec l'Eglise universelle et entre les différentes Eglises particulières ".(31) Enfin, le Code de Droit canonique, que j'ai promulgué le 25 janvier 1983, a établi des normes spécifiques (can. 447-459), par lesquelles sont définies les finalités et les compétences des Conférences des Evêques, de même que leur érection, leur composition et leur fonctionnement.
L'esprit collégial qui inspire la constitution des Conférences épiscopales et qui en guide l'activité pousse aussi à la collaboration entre les Conférences des diverses nations, comme cela est souhaité par le Concile Vatican II(32) et exprimé par les normes canoniques.(33)

Notes:

(30) Paul VI, Motu proprio Ecclesia Sancta (6 août 1966) I, Norma ad exsequenda Decreta SS. Concilii Vaticani II " Christus Dominus " et " Presbyterorum ordinis ", PO 41: AAS 58 (1966), pp. 773-774.
(31) Congr. pour les Evêques, Directoire Ecclesia imago. De pastorali ministerio Episcoporum (22 février 1973), n. 210.
(32) Cf. Décret Christus Dominus, CD 38,5
(33) Cf. CIC 459, $ 1. De fait, une telle collaboration a été favorisée par les réunions internationales des Conférences épiscopales, le Consejo Episcopal Latinoamericano (C E.L.A.M.), le Consilium Conferentiarum Episcopalium Europa (C.E.E.), le Secretariado Episcopal de América Central y Panama (S.E.D.A.C ), la Commissio Episcopatuum Communitatis Europa (COM.E.C E.), l'Association des Conférences épiscopales de l'Afrique centrale (A.C E.A.C ), l'Association des Conférences épiscopales de la Région de l'Afrique centrale (A.C E.R.A.C ), le Symposium des Conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar (S.C E.A.M.), l'Inter-Regional Meeting of Bishops of Southern Africa (I.M.B.S.A.), la Southern African Catholic Bishop's Conference (S.A.C B.C ), les Conférences épiscopales de l'Afrique de l'Ouest francophone (C E.R.A.O.), l'Association of the Episcopal Conferences of Anglophone West Africa (A.E.C A.W.A.), l'Association of Member Episcopal Conferences in Eastern Africa (A.M.E.C E.A.), la Federation of Asian Bishops' Conferences (F.A.B.C ) et la Federation of Catholic Bishops' Conferences of Oceania (F.C B.C O.) (Cf. Annuario pontificio 1998, Cité du Vatican (1998), p. 1112-1115). Cependant, ces institutions ne sont pas à proprement parler des Conférences épiscopales.


A partir du Concile Vatican II, les Conférences épiscopales se sont développées de manière notable et ont assumé le rôle d'organe préféré par les Evêques d'une nation ou d'un territoire déterminé pour les échanges de vue, pour les consultations réciproques et pour les collaborations en vue du bien commun de l'Eglise: " Elles sont devenues au cours de ces années une réalité concrète, vivante et efficace, dans toutes les parties du monde ".(34) Leur importance apparaît par le fait même qu'elles contribuent efficacement à l'unité entre les Evêques, et donc à l'unité de l'Eglise, étant un instrument valable pour affermir la communion ecclésiale. Néanmoins, l'évolution de leur activité, toujours plus vaste, a soulevé certaines questions de nature théologique et pastorale, spécialement dans leurs relations avec chaque évêque diocésain.

Notes:

(34) Jean-Paul II, Allocution à la Curie romaine (28 juin 1986), n. 7 c: AAS 79 (1987), p. 197.


Vingt ans après la conclusion du Concile Vatican II, l'Assemblée extraordinaire du Synode des Evêques, célébrée en 1985, a reconnu dans la situation actuelle l'utilité pastorale, et plus encore la nécessité des Conférences des Evêques, mais, en même temps, elle n'a pas manqué d'observer que " dans leur façon d'agir, les Conférences épiscopales doivent avoir en vue à la fois le bien de l'Eglise, c'est-à-dire le service de l'unité, et la responsabilité inaliénable de chaque Evêque à l'égard de l'Eglise universelle et de son Eglise particulière ".(35) Le Synode a donc recommandé que soit plus amplement et plus profondément explicitée l'étude du status théologique et par conséquent juridique des Conférences des Evêques et surtout le problème de leur autorité doctrinale, en tenant compte du n. CD 38 du Décret conciliaire Christus Dominus et des canons CIC 447 et CIC 753 du Code de Droit canonique.(36)
Le présent document est le résultat de l'étude souhaitée. En stricte fidélité aux documents du Concile Vatican II, il se propose d'expliciter les principes théologiques et juridiques fondamentaux en ce qui concerne les Conférences épiscopales, et de présenter les normes indispensables à intégrer, pour aider à établir une pratique des Conférences elles-mêmes, théologiquement fondée et juridiquement sûre.


Notes:

(35) Rapport final, II, C 5: La Documentation catholique 83 (1986), p. 40.
(36) Cf. Ibid.,II, C 8, b.

II L'UNION COLLEGIALE DES EVEQUES


Dans la communion universelle du peuple de Dieu, au service duquel le Seigneur a institué le ministère apostolique, l'union collégiale de l'épiscopat manifeste la nature de l'Eglise qui, étant dans le monde la semence et le commencement du Royaume de Dieu, constitue " pour tout le genre humain le germe le plus vigoureux d'unité, d'espérance et de salut ".(37) De même que l'Eglise est une et universelle, de même l'épiscopat est un et non divisé,(38) il a toute l'extension de la société visible de l'Eglise et il en exprime la riche diversité. Le Pontife romain, chef du corps épiscopal, est le principe et le fondement visible de cette unité.
L'unité de l'épiscopat est l'un des éléments constitutifs de l'unité de l'Eglise.(39) En effet, par le corps des Evêques " la tradition apostolique est manifestée et maintenue dans le monde entier ";(40) le partage de la même foi, dont le dépôt est confié à leur vigilance, la participation aux mêmes Sacrements, " dont ils organisent, par leur autorité, la distribution régulière et fructueuse ",(41) l'adhésion et l'obéissance qui leur sont dues comme pasteurs de l'Eglise, sont les éléments essentiels de la communion ecclésiale. Cette communion, du fait qu'elle traverse toute l'Eglise, structure également le Collège épiscopal et elle est " une réalité organique, qui requiert une forme juridique et est animée en même temps par la charité ".(42)

Notes:

(37) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 9
(38) Conc. oecum. Vat. I, Const. dogm. Pastor aternus, Prologue: DS 3051
(39) Cf. Congr. pour la Doctrine de la Foi, Lettre Communionis notio (28 mai 1992), Koinonia .
(40) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 20
(41) Ibid., LG 26
(42) Ibid.,Note explicative préliminaire, n. 2.


L'ordre des Evêques est collégialement, " en union avec sa Tête le Pontife romain et jamais sans cette Tête, le sujet d'un pouvoir suprême et plénier sur l'Eglise tout entière ".(43) Le Concile Vatican II, et c'est connu de tous, a également rappelé, en enseignant cette doctrine, que le Successeur de Pierre garde " le pouvoir de ce primat qui s'étend à tous, qu'ils soient pasteurs ou fidèles. En effet, le Pontife romain, en vertu de sa charge de vicaire du Christ et de pasteur de toute l'Eglise, a sur l'Eglise un pouvoir plénier, suprême et universel qu'il peut toujours exercer librement ".(44)
Le corps des Evêques ne peut exercer que collégialement le pouvoir suprême qu'il possède sur toute l'Eglise, soit de manière solennelle quand les Evêques sont réunis dans le Concile oecuménique, soit quand ils sont dispersés dans le monde, du moment que le Pontife romain les appelle à un acte collégial ou au moins approuve ou accepte librement leur action commune. Dans ces actions collégiales, les Evêques exercent un pouvoir qui leur est propre pour le bien de leurs fidèles et de toute l'Eglise et, en respectant fidèlement le primat et la prééminence du Pontife romain, chef du Collège épiscopal, ils n'agissent cependant pas dans ce cas comme ses vicaires ou ses délégués.(45) Il en ressort clairement qu'ils sont Evêques de l'Eglise catholique, un bien pour toute l'Eglise, et, comme tels, reconnus et respectés de tous les fidèles.

Notes:

(43) Ibid., LG 22
(44) Ibid.
(45) Cf. ibid.Acta synodalia sacrosancti Concilii oecumenici Vaticani II, vol. III, pars VIII, Typis Poliglottis Vaticanis 1976, p. 77, n. 102.


Au niveau des différentes Eglises particulières et de leurs regroupements, il n'y a pas d'action collégiale similaire de la part des Evêques concernés. Au niveau d'une Eglise particulière, l'Evêque diocésain paît au nom du Seigneur le troupeau qui lui est confié comme son pasteur propre, ordinaire et immédiat, et son action est strictement personnelle, non collégiale, même si elle est animée de l'esprit de communion. En outre, tout en étant revêtu de la plénitude du sacrement de l'Ordre, il n'y exerce cependant pas la puissance suprême, laquelle appartient au Pontife romain et au Collège épiscopal en tant qu'éléments propres de l'Eglise universelle, intérieurs à chaque Eglise particulière, afin que cette dernière soit pleinement Eglise, c'est-à-dire présence particulière de l'Eglise universelle avec tous ses éléments essentiels.(46)
Au niveau du regroupement d'Eglises particulières par zones géographiques (pays, région, etc.), les Evêques mis à leur tête n'exercent pas ensemble leur charge pastorale par des actes collégiaux similaires à ceux du Collège épiscopal.

Notes:

(46) Cf. Congr. pour la Doctrine de la Foi, Lettre Communionis notio (28 mai 1992), Koinonia .


Pour situer correctement et mieux comprendre la manière dont l'union collégiale se manifeste dans l'action pastorale commune des Evêques d'une région géographique, il convient de rappeler, même brièvement, comment chacun des Evêques, dans sa charge pastorale ordinaire, se relie à l'Eglise universelle. Il faut en effet se rappeler que l'appartenance de chaque Evêque au Collège épiscopal s'exprime, par rapport à toute l'Eglise, non seulement par les actes collégiaux déjà mentionnés, mais aussi par la sollicitude envers l'Eglise universelle qui, même sans être exercée par des actes de juridiction, contribue cependant suprêmement à son bien. Tous les Evêques, en effet, doivent promouvoir et défendre l'unité de la foi et la discipline commune à toute l'Eglise, et promouvoir toutes les activités communes à l'Eglise entière, spécialement en faisant en sorte que la foi progresse et que la lumière de la pleine vérité se lève sur tous les hommes.(47) " Du reste, il est bien établi que, en gouvernant bien leur Eglise propre comme une portion de l'Eglise universelle, ils contribuent efficacement au bien de tout le Corps mystique, qui est aussi le Corps des Eglises ".(48)
Les Evêques contribuent au bien de l'Eglise universelle par le bon exercice du munus regendi dans leurs Eglises particulières, mais aussi par l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de sanctification.
Assurément, en tant que maîtres de foi, les différents Evêques ne s'adressent pas à la communauté universelle des fidèles, si ce n'est par un acte de tout le Collège épiscopal. En effet, seuls les fidèles confiés à la sollicitude pastorale d'un Evêque doivent se conformer à son jugement donné au nom du Christ en matière de foi et de morale et y adhérer par l'assentiment religieux de l'esprit. En réalité, " les Evêques, enseignant en communion avec le Pontife romain, doivent être révérés par tous comme témoins de la vérité divine et catholique ";(49) et leur enseignement, en tant qu'il transmet fidèlement et éclaire le contenu de la foi à croire et à appliquer à la vie, est un grand avantage pour toute l'Eglise.
Chaque Evêque aussi, en tant que " dispensateur de la grâce du sacerdoce suprême ",(50) dans l'exercice de sa fonction de sanctification, contribue dans une grande mesure à l'oeuvre de l'Eglise pour la glorification de Dieu et la sanctification des hommes. C'est là l'oeuvre de toute l'Eglise du Christ qui agit en chaque célébration liturgique légitime accomplie en communion avec l'Evêque et sous sa direction.

Notes:

(47) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 23
(48) Ibid.
(49) Ibid., LG 25
(50) Ibid., LG 26


Lorsque les Evêques d'un territoire exercent conjointement certaines fonctions pastorales pour le bien de leurs fidèles, cet exercice conjoint du ministère épiscopal applique concrètement l'esprit collégial (affectus collegialis),(51) qui " est l'âme de la collaboration entre les Evêques sur le plan régional, national ou international ".(52) Toutefois il ne revêt jamais la nature collégiale propre aux actes de l'ordre des Evêques en tant que sujet de l'autorité suprême sur toute l'Eglise. En effet, la relation des Evêques avec le Collège épiscopal est nettement différente de leur relation avec les organismes formés pour l'exercice commun mentionné ci-dessus de certaines fonctions pastorales.
La collégialité des actes du corps épiscopal est liée au fait que l'" on ne peut concevoir (l'Eglise universelle) comme la somme des Eglises particulières ou comme une fédération d'Eglises particulières ".(53) " Elle n'est pas le résultat de leur communion, mais elle est, dans son mystère essentiel, une réalité ontologiquement et chronologiquement préalable à toute Eglise particulière singulière ".(54) De même, le Collège épiscopal ne doit pas être compris comme la somme des Evêques à qui sont confiées les Eglises particulières, ni le résultat de leur communion, mais, en tant qu'élément essentiel de l'Eglise universelle, il est une réalité antérieure à la charge d'être tête de l'Eglise particulière.(55) En effet, le pouvoir du Collège épiscopal sur toute l'Eglise n'est pas constitué par la somme des pouvoirs exercés individuellement par les Evêques dans leurs Eglises particulières; il s'agit d'une réalité antérieure à laquelle participent les Evêques, qui ne peuvent agir pour toute l'Eglise sinon collégialement. Seul le Pontife romain, chef du Collège, peut exercer personnellement le pouvoir suprême sur l'Eglise. En d'autres termes, " la collégialité épiscopale, au sens propre ou strict, n'appartient qu'au Collège épiscopal tout entier, lequel, comme sujet théologique, est indivisible ".(56) Et c'est là la volonté expresse du Seigneur.(57) Il ne faut toutefois pas entendre le pouvoir comme une domination, au contraire la dimension de service lui est essentielle, car elle vient du Christ, le bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis.(58)

Notes:

(51) Cf. ibid., LG 23
(52) Assemblée générale extraordinaire du Synode des Evêques (1985), Rapport final (7 décembre 1985), II, C 4: La Documentation catholique 83 (1986), p. 40.
(53) Jean-Paul II, Discours aux Evêques des Etats-Unis d'Amérique (16 septembre 1987), n. 3: La Documentation catholique 84 (1987), p. 964.
(54) Congr. pour la Doctrine de la Foi, Lettre Communionis notio (28 mai 1992), Koinonia .
(55) Entre autres, comme il est évident pour tous, il y a de nombreux Evêques qui, tout en exerçant des tâches proprement épiscopales, ne sont pas à la tête d'une Eglise particulière.
(56) Jean-Paul II, Discours à la Curie romaine (20 décembre 1990), n. 6: AAS 83 (1991), p. 744.
(57) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 22
(58) Cf. Jn 10,11


Les regroupements d'Eglises particulières ont avec les Eglises qui les composent une relation correspondant au fait qu'ils sont fondés sur les liens de traditions communes de vie chrétienne et d'enracinement de l'Eglise dans des communautés humaines unies par la langue, la culture et l'histoire. Cette relation est très différente du rapport d'intériorité mutuelle de l'Eglise universelle avec les Eglises particulières.
De manière similaire, les organismes formés par les Evêques d'un territoire (pays, région, etc.) et les Evêques qui les composent sont dans une relation qui, tout en ayant une certaine ressemblance, est en réalité bien différente de celle du Collège épiscopal et des Evêques individuellement. La validité et le caractère d'obligation des actes du ministère épiscopal exercé conjointement au sein des Conférences épiscopales et en communion avec le Siège apostolique découle du fait que ce dernier a constitué ces organismes et leur a confié, en se fondant sur le pouvoir sacré des Evêques personnellement, des compétences précises.
L'exercice conjoint de certains actes du ministère épiscopal sert à mettre en oeuvre la sollicitude de chaque Evêque pour toute l'Eglise qui s'exprime de manière significative dans l'aide fraternelle apportée aux autres Eglises particulières, spécialement les plus proches et les plus pauvres,(59) et qui se traduit par ailleurs dans la mise en commun avec les autres Evêques de la même zone géographique d'efforts et d'objectifs pour faire progresser le bien commun et celui de chaque Eglise.(60)

Notes:

(59) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 23 Décret Christus Dominus, CD 6
(60) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret Christus Dominus, CD 36



III LES CONFERENCES EPISCOPALES



Les Conférences épiscopales constituent une forme concrète de l'application de l'esprit collégial. Le Code de Droit canonique en donne une description précise, qui a sa source dans les prescriptions du Concile Vatican II: " La Conférence des Evêques, institution à caractère permanent, est la réunion des Evêques d'une nation ou d'un territoire donné, exerçant ensemble certaines charges pastorales pour les fidèles de son territoire, afin de mieux promouvoir le bien que l'Eglise offre aux hommes, surtout par les formes et moyens d'apostolat adaptés de façon appropriée aux circonstances de temps et de lieux, selon le droit ".(61)

Notes:

(61) CIC 447 cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret Christus Dominus, CD 38,1


A notre époque, la nécessité de la convergence des forces, fruit des échanges de sagesse et d'expérience au sein de la Conférence épiscopale, a bien été mis en évidence par le Concile, car " il n'est pas rare que les Evêques ne puissent pas accomplir leur charge de façon convenable et fructueuse, s'ils ne mènent pas en accord avec les autres Evêques une action de plus en plus étroitement concertée et coordonnée ".(62) Il n'est pas possible d'inscrire dans une liste exhaustive les sujets qui supposent cette coopération, mais il n'échappe à personne que la promotion et la sauvegarde de la foi et des moeurs, la traduction des livres liturgiques, la promotion et la formation des vocations sacerdotales, la mise au point d'instruments pour la catéchèse, la promotion et le soutien des universités catholiques et d'autres institutions d'éducation, l'engagement oecuménique, les relations avec les autorités civiles, la défense de la vie humaine, de la paix, des droits humains, notamment parce qu'ils sont protégés par la législation civile, la promotion de la justice sociale, l'usage des moyens de communication sociale, etc., sont des sujets qui invitent actuellement à une action conjointe des Evêques.

Notes:

(62) Conc. oecum. Vat. II, Décret Christus Dominus, CD 37


Les Conférences épiscopales sont normalement nationales, c'est-à-dire qu'elles comprennent les Evêques d'un seul pays,(63) parce que les liens de culture, de traditions et d'histoire communes, ainsi que l'entrecroisement des rapports sociaux entre les citoyens d'un même pays, demandent une collaboration des membres de l'épiscopat de ce territoire beaucoup plus continue que ne pourraient l'exiger les conditions ecclésiales d'un autre genre de territoire. Toutefois les normes canoniques elles-mêmes laissent ouverte la possibilité pour une Conférence épiscopale d'" être érigée pour un territoire plus ou moins étendu, de telle sorte qu'elle comprenne seulement les Evêques de certaines Eglises particulières constituées dans le territoire donné ou les chefs des Eglises particulières situées dans des nations différentes ".(64) On en déduit qu'il peut y avoir des Conférences épiscopales également à un autre niveau territorial, ou bien au niveau supra-national. Le jugement sur les situations des personnes ou les circonstances qui suggèrent une ampleur plus grande ou plus réduite du territoire d'une Conférence est réservé au Siège apostolique. En effet, " il revient à la seule Autorité suprême de l'Eglise, après qu'elle a entendu les Evêques concernés, d'ériger, de supprimer ou de modifier les Conférences des Evêques ".(65)

Notes:

(63) Cf. CIC 448, $ 1.
(64) CIC 448, $ 2.
(65) CIC 449, $ 1.


Parce que la finalité des Conférences des Evêques consiste à veiller au bien commun des Eglises particulières d'un territoire grâce à la collaboration des pasteurs sacrés à qui la charge en a été confiée, chaque Conférence doit comprendre tous les Evêques diocésains du territoire et ceux qui leur sont équiparés par le droit, ainsi que les Evêques coadjuteurs, les Evêques auxiliaires et les autres Evêques titulaires qui exercent dans ce territoire une charge spéciale confiée par le Siège apostolique ou par la Conférence épiscopale elle-même.(66) Dans les réunions plénières de la Conférence épiscopale, les Evêques diocésains et ceux qui leur sont équiparés par le droit, ainsi que les Evêques coadjuteurs, ont voix délibérative, et cela de par le droit lui-même, les statuts de la Conférence ne pouvant prendre d'autres dispositions à cet égard.(67) Le Président et le Vice-Président de la Conférence épiscopale doivent être choisis seulement parmi les membres qui sont Evêques diocésains.(68) En ce qui concerne les Evêques auxiliaires et les autres Evêques titulaires membres de la Conférence épiscopale, c'est aux statuts de la Conférence qu'il revient de déterminer si leur voix est délibérative ou consultative.(69) A cet égard, on devra tenir compte de la proportion entre les Evêques diocésains et les Evêques auxiliaires et les autres Evêques titulaires, afin qu'une éventuelle majorité de ces derniers ne conditionne pas le gouvernement pastoral des Evêques diocésains. Il convient par ailleurs que les statuts des Conférences épiscopales prévoient la présence des Evêques émérites avec voix consultative. On sera notamment attentif à les faire participer à certaines commissions d'étude, lorsqu'elles traitent de sujets pour lesquels un Evêque émérite a une compétence particulière. Etant donné la nature de la Conférence épiscopale, la participation d'un membre de la Conférence ne peut pas être déléguée.

Notes:

(66) Cf. CIC 450, $ 1.
(67) Cf. CIC 454, $ 1.
(68) Cf. Conseil pontifical pour l'interprétation des textes législatifs, Réponse au doute Utrum Episcopus Auxiliaris (23 mai 1988): AAS 81 (1989), p. 388.
(69) Cf. CIC 454, $ 2.


Chaque Conférence épiscopale a ses statuts propres, qu'elle élabore elle-même. Toutefois, ces statuts doivent obtenir la reconnaissance (recognitio) du Siège apostolique; dans ces statuts, " il faut prévoir entre autres la tenue de l'assemblée plénière de la Conférence et pourvoir au conseil permanent des Evêques et au secrétariat général de la Conférence, ainsi qu'aux autres fonctions et commissions qui, au jugement de la Conférence, favoriseront le mieux le but à poursuivre ".(70) Ce but à poursuivre demande, en tout cas, d'éviter la bureaucratisation des services et des commissions qui travaillent entre les réunions plénières. On doit tenir compte du fait essentiel que les Conférences épiscopales, avec leurs commissions et leurs services, existent pour aider les Evêques et non pour se substituer à eux.

Notes:

(70) CIC 451


L'autorité de la Conférence épiscopale et le champ de son action se trouvent en rapport étroit avec l'autorité et l'action de l'Evêque diocésain et des prélats qui lui sont équiparés. Les Evêques " président, à la place de Dieu, au troupeau dont ils sont les pasteurs en tant que maîtres pour l'enseignement, prêtres pour le culte sacré, ministres pour le gouvernement (...). En vertu d'une institution divine, ils ont pris par succession la place des Apôtres comme pasteurs de l'Eglise ",(71) et ils " dirigent les Eglises particulières qui leur sont confiées, comme vicaires et légats du Christ, par leurs conseils, leurs recommandations, leur exemple, mais aussi par l'exercice de leur autorité et de leur pouvoir sacré (...). Ce pouvoir, qu'ils exercent personnellement au nom du Christ, est un pouvoir propre, ordinaire et immédiat ".(72) Son exercice est régi par l'autorité suprême de l'Eglise, et cela comme conséquence nécessaire du rapport entre l'Eglise universelle et l'Eglise particulière, parce que cette dernière n'existe que comme portion du peuple de Dieu " dans laquelle est vraiment présente et agissante l'Eglise du Christ, une, sainte, catholique et apostolique ".(73) En effet, " le primat de l'Evêque de Rome et le Collège épiscopal sont des éléments propres à l'Eglise universelle: 'non pas dérivés de la particularité des Eglises', bien qu'intérieurs à toute Eglise particulière ".(74) Dans le cadre d'une telle réglementation, l'exercice du pouvoir sacré de l'Evêque peut être soumis à certaines limitations, en considération du bien de l'Eglise ou des fidèles,(75) et cela se trouve explicitement prévu par les normes du Code de Droit canonique où on lit: " A l'Evêque diocésain revient, dans le diocèse qui lui est confié, tout le pouvoir ordinaire, propre et immédiat requis pour l'exercice de sa charge pastorale, à l'exception des causes que le droit ou un décret du Pontife suprême réserve à l'autorité suprême ou à une autre autorité ecclésiastique ".(76)

Notes:

(71) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, LG 20
(72) Ibid., LG 27
(73) Conc. oecum. Vat. II, Décret Christus Dominus, CD 11 cf., CIC 368
(74) Congr. pour la Doctrine de la Foi, Lettre Communionis notio (28 mai 1992), Koinonia .
(75) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 27
(76) CIC 381, $ 1.


Dans la Conférence épiscopale, les Evêques exercent conjointement leur ministère épiscopal en faveur des fidèles du territoire de la Conférence; mais, afin que cet exercice soit légitime et s'impose aux différents Evêques, il faut l'intervention de l'autorité suprême de l'Eglise qui, par la loi universelle ou par des mandats particuliers, confie des questions déterminées à la délibération de la Conférence épiscopale. Les Evêques ne peuvent pas, de manière autonome, ni personnellement ni réunis en Conférence, limiter leur pouvoir sacré au bénéfice de la Conférence épiscopale, et moins encore d'une de ses parties, que ce soit le conseil permanent, ou une commission ou le président lui-même. Cette logique apparaît explicitement dans les normes canoniques concernant l'exercice du pouvoir législatif des Evêques réunis en Conférence épiscopale: " La Conférence des Evêques ne peut porter de décrets généraux que pour les affaires dans lesquelles le droit universel l'a prescrit, ou lorsqu'une décision particulière du Siège apostolique l'a déterminé de sa propre initiative ou à la demande de la Conférence elle-même ".(77) Dans d'autres cas, " la compétence de chaque Evêque diocésain demeure entière, et ni la Conférence ni son président ne peuvent agir au nom de tous les Evêques, à moins que tous et chacun des Evêques n'aient donné leur consentement ".(78)

Notes:

(77) CIC 455, $ 1. L'expression " décrets généraux " désigne aussi les décrets exécutoires dont il est question dans les canons 31 à 33 du CIC cf. Commission pont. pour l'Interprétation authentique du Code de Droit canonique, Réponse Utrum sub locutione (14 mai 1985): AAS 77 (1985), p. 771.
(78) CIC 455, $ 4.


L'exercice conjoint du ministère épiscopal concerne aussi la fonction doctrinale. Le Code de Droit canonique définit la norme fondamentale à ce sujet: " Les Evêques qui sont en communion avec le chef du Collège et ses membres, séparément ou réunis en Conférences des Evêques ou en Conciles particuliers, bien qu'ils ne jouissent pas de l'infaillibilité quand ils enseignent, sont les authentiques docteurs et maîtres de la foi des fidèles confiés à leurs soins; à ce magistère authentique de leurs Evêques, les fidèles sont tenus d'adhérer avec une révérence religieuse de l'esprit ".(79) Outre cette norme générale, le même Code définit plus concrètement quelques compétences doctrinales des Conférences des Evêques, telles que " veiller à ce que soient édités des catéchismes pour son territoire, avec l'approbation préalable du Siège apostolique ",(80) et l'approbation des éditions des livres des saintes Ecritures et de leurs traductions.(81)
Quand, unanimement, les Evêques d'un territoire déterminé, en communion avec le Pontife romain, proclament conjointement la vérité catholique en matière de foi et de morale, leur voix peut parvenir plus efficacement à leur peuple et faciliter l'adhésion de leurs fidèles avec une révérence religieuse de l'esprit à ce magistère. En exerçant fidèlement leur fonction doctrinale, les Evêques servent la Parole de Dieu, à laquelle est soumis leur enseignement, ils l'écoutent avec piété, la gardent saintement et l'exposent fidèlement afin que leurs fidèles la reçoivent de la meilleure manière possible.(82) Et puisque la doctrine de la foi est un bien commun de toute l'Eglise et le lien de sa communion, les Evêques, réunis dans la Conférence épiscopale, veillent surtout à suivre le magistère de l'Eglise universelle et à le faire opportunément connaître au peuple qui leur est confié.

Notes:

(79) CIC 753
(80) CIC 775, $ 2.
(81) Cf. CIC 825
(82) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, DV 10


Lorsqu'ils abordent des questions nouvelles et qu'ils font en sorte que le message du Christ éclaire et guide la conscience des hommes pour résoudre les problèmes nouveaux suscités par les mutations de la société, les Evêques réunis dans la Conférence épiscopale exercent ensemble leur fonction doctrinale, bien conscients des limites de leurs déclarations, qui n'ont pas le caractère d'un magistère universel, tout en étant officiel et authentique et en communion avec le Siège apostolique. Qu'ils évitent par conséquent soigneusement de gêner l'oeuvre doctrinale des Evêques d'autres territoires, compte tenu des répercussions dans des zones plus vastes, et même dans le monde entier, que les moyens de communication sociale donnent aux événements d'une région déterminée. Etant présupposé que le magistère authentique des Evêques, c'est-à-dire celui qu'ils exercent revêtus de l'autorité du Christ, doit toujours être en communion avec le chef du Collège et avec ses membres,(83) si les déclarations doctrinales des Conférences épiscopales sont approuvées à l'unanimité, elles peuvent sans aucun doute être publiées au nom des Conférences elles-mêmes, et les fidèles sont tenus d'adhérer avec une révérence religieuse de l'esprit à ce magistère authentique de leurs Evêques. Mais si cette unanimité n'a pas été obtenue, la seule majorité des Evêques d'une Conférence ne peut publier une éventuelle déclaration comme magistère authentique de cette Conférence, auquel devraient adhérer tous les fidèles du territoire, à moins qu'elle n'ait obtenu la reconnaissance (recognitio) du Siège apostolique, qui ne la donnera pas si cette majorité n'est pas qualifiée. L'intervention du Siège apostolique se situe par analogie à celle requise pour que la Conférence épiscopale puisse émettre des décrets généraux.(84) La reconnaissance (recognitio) du Saint-Siège sert à assurer en outre que, en abordant les questions nouvelles que posent les changements sociaux et culturels rapides caractéristiques de ce moment de l'histoire, la réponse doctrinale favorise la communion, qu'elle ne porte pas préjudice à des interventions du magistère universel, mais plutôt qu'elles les prépare.

Notes:

(83) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 25 CIC 753
(84) Cf. CIC 455


La nature même de la fonction doctrinale des Evêques suppose que, s'ils l'exercent conjointement en Conférence épiscopale, cela ait lieu dans le cadre de l'assemblée plénière. Des organismes plus restreints - le conseil permanent, une commission ou d'autres services - n'ont pas l'autorité nécessaire pour poser des actes de magistère authentique ni en leur nom propre ni au nom de la Conférence, même pas par délégation de cette dernière.

Les tâches des Conférences épiscopales pour le bien de l'Eglise sont actuellement nombreuses. Elles sont destinées à favoriser, par une aide qui se développe, " la responsabilité inaliénable de chaque Evêque à l'égard de l'Eglise universelle et de son Eglise particulière "(85) et, naturellement, à ne pas le gêner en se substituant indûment à lui, dans les cas où les normes canoniques ne prévoient pas une limitation de son pouvoir épiscopal en faveur de la Conférence épiscopale, ou bien en agissant comme un filtre ou une entrave dans les rapports directs de chaque Evêque avec le Siège apostolique.
Les clarifications exprimées jusqu'ici, de même que les compléments normatifs ci-dessous, répondent aux voeux de l'Assemblée générale extraordinaire du Synode des Evêques de 1985 et visent à éclairer et à rendre encore plus efficace l'action des Conférences épiscopales, lesquelles sauront revoir opportunément leurs statuts, afin de les harmoniser avec ces clarifications et ces normes, suivant les voeux mentionnés ci-dessus.



1998 Nature Théo et Jur. Conf. Ev.