1982 Baptême Eucharistie Ministère 308

A - Le ministère ordonné

308 Afin d'accomplir sa mission, l'Eglise a besoin de personnes qui soient responsables publiquement et de façon continue pour mettre en évidence sa dépendance fondamentale par rapport à Jésus-Christ et qui ainsi constituent, parmi la multiplicité des dons, un foyer (foyer qui traduit focus, est pris au sens optique d'un foyer qui fait converger des rayons) de son unité. Le ministère de telle personnes, qui, depuis des temps très anciens, ont été ordonnées, est constitutif de la vie et du témoignage de l'Eglise.

309 L'Eglise n'a jamais existé sans des personnes qui tiennent une autorité et une responsabilité spécifiques. Jésus a choisi et envoyé les disciples pour être des témoins du Royaume (Mt 10,1-18). Les Douze ont reçu la promesse qu'ils siégeraient sur des trônes jugeant les tribus d'Israël (Lc 22,30). Un rôle particulier est attribué aux Douze dans les communautés de la première génération. Ils sont des témoins de la vie et de la résurrection du Seigneur (Ac 1,21-26), des guides de la communauté dans la prière, dans l'enseignement, dans la fraction du pain, dans la proclamation et dans le service (Ac 2,42-47 Ac 6,2-6 etc.). L'existence même des Douze et des autres apôtres montre que, dès le début, il y avait des rôles différenciés dans la communauté.

COMMENTAIRE

Dans le Nouveau Testament, le terme "apôtre" est employé dans des sens variés. Il est utilisé pour les Douze mais aussi pour un cercle plus large de disciples. Il est appliqué à Paul et à d'autres en tant qu'ils sont envoyés par le Christ ressuscité pour proclamer l'Evangile. Les rôles des apôtres couvrent à la fois la fondation et la mission.

310 Jésus a appelé les Douze à être représentants de l'Israël renouvelé. A ce moment-là ils représentaient le peuple de Dieu tout entier et en même temps ils exerçaient un rôle spécial au milieu de la communauté. Après la résurrection, ils sont parmi les guides de la communauté. On peut donc dire que les apôtres préfigurent à la fois l'Eglise entière et les personnes chargées d'une autorité et d'une responsabilité spécifiques dans l'Eglise.
Le rôle des apôtres comme témoins de la résurrection du Christ est unique et ne peut pas être réitéré.
Il y a donc une différence entre les apôtres et les ministres ordonnés, dont les ministères sont fondés sur ceux des apôtres.

311 Le Christ, qui a choisi et envoyé les apôtres, continue, par le Saint-Esprit, à choisir et appeler des personnes en vue du ministère ordonné. Comme hérauts et ambassadeurs, les ministres ordonnés représentent Jésus-Christ pour la communauté et proclament son message de réconciliation. Comme guides et enseignants, ils appellent la communauté à se soumettre à l'autorité de Jésus-Christ le maître et le prophète, en qui la loi et les prophètes sont accomplis. Comme pasteurs, sous l'autorité de Jésus-Christ le grand pasteur, ils rassemblent et conduisent le peuple de Dieu dispersé, dans l'attente du Royaume qui vient.

COMMENTAIRE

La réalité fondamentale d'un ministère ordonné existait dès le début (voir
paragraphe 8 ). Les formes actuelles de l'ordination et du ministère ordonné, cependant, ont évolué au cours d'un développement historique compliqué (voir
19>319]). Les Eglises doivent donc éviter d'attribuer leurs formes particulières du ministère ordonné directement à la volonté et à l'institution de Jésus-Christ lui-même.

312 Tous les membres de la communauté croyante, ordonnés et laïques, sont étroitement liés. D'une part, la communauté a besoin de ministres ordonnés. Leur présence rappelle à la communauté l'initiative divine et la dépendance de l'Eglise par rapport à Jésus-Christ, qui est la source de sa mission et le fondement de son unité. Ils sont au service de l'édification de la communauté en Christ et du renforcement de son témoignage. En eux, l'Eglise cherche à donner un exemple de sainteté et de compassion. D'autre part, le ministère ordonné ne peut exister sans la communauté. Les ministres ordonnés ne peuvent accomplir leur vocation que dans et pour la communauté. Ils ne peuvent se passer de la reconnaissance, du soutien et de l'encouragement de la communauté.

313 La fonction spécifique du ministère ordonné est de rassembler et construire le Corps du Christ, par la proclamation et l'enseignement de la Parole de Dieu, par la célébration des sacrements, et par la direction de la vie de la communauté dans sa liturgie, sa mission et sa diaconie.

COMMENTAIRE

Ces fonctions ne sont pas exercées par le ministre ordonné d'une manière exclusive. Puisque le ministère ordonné et la communauté sont étroitement liés, tous les membres participent à l'exercice de ces fonctions. En fait, tout charisme sert à rassembler et construire le Corps du Christ. Tout membre du Corps peut participer à la proclamation et à l'enseignement de la Parole de Dieu, peut contribuer à la vie sacramentelle du Corps. Le ministère ordonné accomplit ces fonctions d'une manière représentative, constituant le foyer d'unité de la vie et du témoignage de la communauté.

314 C'est tout spécialement dans la célébration eucharistique que le ministère ordonné est le foyer visible de la communion profonde qui unit le Christ et les membres de son Corps, et qui embrasse toute la réalité. Dans la célébration de l'eucharistie, le Christ rassemble, enseigne et nourrit l'Eglise.
C'est le Christ qui invite au repas et le préside. Dans la plupart des Eglises, cette présidence du Christ a pour signe celle d'un ministre ordonné, qui la représente.

COMMENTAIRE

Le Nouveau Testament dit peu de choses sur l'ordonnance de l'eucharistie. Il n'y a pas d'indication explicite sur la présidence de l'eucharistie. Très tôt, il est évident qu'un ministre ordonné a la fonction de présider la célébration. S'il est vrai que le ministère ordonné constitue un foyer d'unité de la vie et du témoignage de l'Eglise, il est naturel de donner à un ministre ordonné cette tâche de présidence eucharistique. Elle est intimement liée à la responsabilité de conduire la communauté, c'est-à-dire de veiller sur sa vie (episcopè) et de fortifier sa vigilance par rapport à la vérité du message apostolique et en relation avec la venue du Royaume.

B - Ministère ordonné et autorité

315 L'autorité du ministre ordonné est enracinée en Jésus-Christ, qui l'a reçue du Père (Mt 28,18), et qui la confère dans l'Esprit Saint à travers l'acte d'ordination. Cet acte prend place dans une communauté qui accorde une reconnaissance publique à une personne. Parce que Jésus est venu comme celui qui sert (Mc 10,45 Lc 22,27), être mis à part pour le ministère ordonné signifie être consacré pour le service.
Puisque l'ordination est essentiellement une mise à part avec prière pour le don de l'Esprit Saint, l'autorité du ministère ordonné ne peut pas être comprise comme la propriété de la personne ordonnée, mais comme un don pour l'édification continue du Corps dans et pour lequel le ministre a été ordonné. L'autorité a le caractère d'une responsabilité devant Dieu et est exercée avec la participation de toute la communauté.

316 C'est pourquoi les ministres ordonnés ne doivent pas être des autocrates ni des fonctionnaires impersonnels. Bien qu'ils soient appelés à exercer une fonction de direction, dans la sagesse et l'amour, sur la base de la Parole de Dieu, ils sont liés aux fidèles dans l'interdépendance et la réciprocité. Ce n'est que s'ils recherchent vraiment la réaction et l'accord de la communauté que leur autorité peut être protégée des déviations de l'isolement et de la domination. Ils manifestent et exercent l'autorité du Christ de la manière selon laquelle le Christ lui-même a révélé l'autorité de Dieu au monde : en engageant leur vie pour la communauté. L'autorité du Christ est unique. "Il les enseignait en homme qui a autorité (exousia) et non pas comme leurs scribes " (Mt 7,29). Son autorité est une autorité dominée par l'amour pour " les brebis qui n'ont pas de berger " (Mt 9,36). Elle est confirmée par sa vie de service et, de façon suprême, par sa mort et sa résurrection. L'autorité dans l'Eglise ne peut être authentique que si elle cherche à se conformer à ce modèle.

COMMENTAIRE

Ici deux dangers doivent être évités. D'une part, l'autorité ne peut pas être exercée sans égard pour la communauté. Les apôtres étaient attentifs à l'expérience et au jugement des croyants. D'autre part, l'autorité des ministres ordonnés ne doit pas être réduite au point de les rendre dépendants de l'opinion commune de la communauté. Leur autorité repose sur leur responsabilité de rappeler la volonté de Dieu dans la communauté.

C - Ministère ordonné et sacerdoce

317 Jésus-Christ est l'unique prêtre de la Nouvelle Alliance. Il a donné sa vie en sacrifice pour tous. D'une manière dérivée, l'Eglise tout entière peut être décrite comme un sacerdoce. Tous les membres sont appelés à offrir leur être " en sacrifice vivant" et à intercéder pour l'Eglise et le salut du monde. Les ministres ordonnés participent, comme tous les chrétiens, à la fois au sacerdoce du Christ et au sacerdoce de l'Eglise. Mais ils peuvent être proprement appelés prêtres, parce qu'ils accomplissent un service sacerdotal particulier en fortifiant et en construisant le sacerdoce royal et prophétique des fidèles par la Parole et les sacrements, par leurs prières d'intercession et leur direction pastorale de la communauté.

COMMENTAIRE

Le Nouveau Testament n'utilise jamais les termes "sacerdoce" ou "prêtre" (hiereus) pour désigner le ministère ordonné ou le ministre ordonné. Dans le Nouveau Testament ces termes sont réservés, d'une part, à l'unique sacerdoce de Jésus-Christ et, d'autre part, au sacerdoce royal et prophétique de tous les baptisés. Le sacerdoce du Christ et le sacerdoce des baptisés, à leur manière propre, sont une fonction de sacrifice et d'intercession. Comme le Christ s'est offert lui-même, les chrétiens offrent leur être " en sacrifice vivant". Comme le Christ intercède devant le Père, les chrétiens intercèdent pour l'Eglise et le salut du monde. Cependant, les différences entre ces deux sortes de sacerdoce ne peuvent pas être sous-estimées. Alors que le Christ s'est offert lui-même en un sacrifice unique, une fois pour toutes, pour le salut du monde, les croyants ont à recevoir comme un don de Dieu ce que le Christ a fait pour eux. Dans l'Eglise ancienne on commença à utiliser les termes " sacerdoce " et " prêtre " pour désigner le ministère ordonné et le ministre présidant l'eucharistie. Ils soulignent le fait que le ministère ordonné est en relation avec la réalité sacerdotale de Jésus-Christ et de la communauté. Quand les termes sont utilisés en relation avec le ministère ordonné, ils ont un sens différent que lorsqu'ils sont appliqués au sacerdoce sacrificiel de l'Ancien Testament, à l'unique sacerdoce rédempteur du Christ et au sacerdoce commun du peuple de Dieu. Saint Paul caractérisait ainsi son ministère : "Je suis un liturge de Jésus-Christ pour les nations, accomplissant une fonction de prêtre au moyen de l'Evangile de Dieu, afin qu'ait lieu l'offrande des nations, agréable, sanctifiée dans l'Esprit Saint" (
Rm 15,16).

D - Le ministère des hommes et des femmes dans l'Eglise

318 Là où le Christ est présent, les barrières humaines sont brisées. L'Eglise est appelée à présenter au monde l'image d'une nouvelle humanité. En Christ il n'y a ni homme ni femme. Hommes et femmes doivent découvrir ensemble leurs contributions au service du Christ dans l'Eglise. L'Eglise doit découvrir les ministères qui peuvent être exercés par des femmes aussi bien que ceux qui peuvent être exercés par des hommes. Une compréhension plus profonde de l'étendue du ministère qui reflète l'interdépendance des hommes et des femmes doit être plus largement manifestée dans la vie de l'Eglise. Quoiqu'elles soient d'accord sur cette nécessaire réflexion, les Eglises tirent des conclusions différentes en ce qui concerne l'admission des femmes au ministère ordonné. Un nombre croissant d'Eglises ont décidé qu'il n'y a pas de raison biblique ou théologique contre l'ordination des femmes et beaucoup d'entre elles la pratiquent. Cependant, beaucoup d'Eglises affirment que la tradition de l'Eglise à ce sujet ne doit pas être changée.

COMMENTAIRE

Les Eglises qui pratiquent l'ordination des femmes le font en raison de leur compréhension de l'Evangile et du ministère. Cela repose pour elles sur leur conviction théologique profonde que le ministère ordonné de l'Eglise manque en plénitude lorsqu'il est limité à un seul sexe. Cette conviction théologique a été renforcée par leur expérience durant les années où elles ont inclus des femmes dans leurs ministères ordonnés. Elles ont découvert que les dons des femmes sont aussi larges et variés que ceux des hommes et que leur ministère est aussi pleinement béni par le Saint-Esprit que le ministère des hommes. Aucune n'a trouvé de raison pour revenir sur sa décision. Les Eglises qui ne pratiquent pas l'ordination des femmes considèrent que la force de dix-neuf siècles de tradition contre cette ordination ne doit pas être mise de côté. Elles croient qu'on ne peut pas renoncer à cette tradition comme si elle était un manque de respect pour le rôle de la femme dans l'Eglise. Elles croient qu'il y a des problèmes théologiques concernant la nature humaine et concernant la christologie qui sont liés au coeur de leurs convictions et de leur compréhension du rôle des femmes dans l'Eglise. La discussion de ces questions pratiques et théologiques dans les diverses Eglises et traditions chrétiennes devrait être complétée par une étude commune et une réflexion à l'intérieur de la communion oecuménique de toutes les Eglises.

III. LES FORMES DU MINISTERE ORDONNE

A - Evêques, presbytres et diacres

319 Le Nouveau Testament ne décrit pas une forme unique de ministère qui devrait servir d'esquisse ou de norme durable pour tout ministère futur dans l'Eglise. Dans le Nouveau Testament apparaît plutôt une variété de formes qui existaient en différents lieux et temps. Alors que le Saint-Esprit continuait à conduire l'Eglise dans sa vie, son culte et sa mission, certains éléments de cette variété primitive furent développés, puis fixés dans une forme de ministère plus universelle. Durant les IIème et IIIème siècles, une triple forme, avec évêque, presbytre et diacre, s'établit comme la forme du ministère ordonné à travers l'Eglise. Dans les siècles suivants, les ministères de l'évêque, du presbytre et du diacre connurent des changements considérables; dans leur exercice pratique. A certains moments de crise dans l'histoire de l'Eglise, les fonctions durables du ministère furent distribuées, en certains lieux et communautés, selon d'autres structures que la triple forme prédominante. Parfois, on fit appel au Nouveau Testament pour justifier ces autres formes. En d'autres cas, on soutint que la restructuration du ministère appartenait à la compétence de l'Eglise, dans son effort d'adaptation au changement des circonstances.

320 Il est important d'être attentif aux changements que le triple ministère a subis dans l'histoire de l'Eglise. Les indications les plus anciennes sur le triple ministère en font la forme du ministère ordonné dans la communauté eucharistique locale. L'évêque était le chef de la communauté. Il était ordonné, et installé pour proclamer la Parole et présider la célébration de l'eucharistie. Il était entouré d'un collège de presbytres et par des diacres qui l'assistaient dans ses tâches. Dans ce contexte, le ministère de l'évêque était un foyer de l'unité dans la communauté entière.

321 Cependant, assez tôt, les fonctions se modifièrent. Les évêques commencèrent à exercer de plus en plus l'episcopè sur plusieurs communautés locales à la fois. Dans la première génération, des apôtres avaient exercé l'episcopè dans l'Eglise au sens plus large. Plus tard, on note que Timothée et Tite ont accompli une fonction de supervision dans une région donnée. Plus tard encore, cette tâche apostolique est exercée d'une manière nouvelle par les évêques. Ils constituent un foyer d'unité de la vie et du témoignage dans des régions comprenant plusieurs communautés eucharistiques. En conséquence, des rôles nouveaux sont assignés aux presbytres et aux diacres.. Les presbytres deviennent les conducteurs d'une communauté eucharistique locale et, comme assistants des évêques, les diacres reçoivent des responsabilités dans une région plus large.

COMMENTAIRE

L'Eglise, dès ses débuts, a connu à la fois le ministère itinérant de missionnaires comme Paul et le ministère local de direction dans les endroits où l'Evangile était reçu. Au plan local, les formes d'organisation semblent avoir varié selon les circonstances. Les Actes des Apôtres mentionnent pour Jérusalem les Douze et les Sept, plus tard Jacques et les anciens, pour Antioche, les prophètes et les didascales (
Ac 6,1-6 Ac 15,13-22 Ac 13,1). Les lettres aux Corinthiens parlent des apôtres, des prophètes et des didascales (1Co 12,28); de même la lettre aux Romains, qui parle aussi des diacres ou assistants (Rm 16,1). A Philippe, les termes séculiers episcopoi et diaconoi étaient tous deux utilisés pour les ministres chrétiens (Ph 1,1). Plusieurs de ces ministères sont attribués aux femmes et aux hommes. Tandis que certains étaient désignés par l'imposition des mains, il n'y a pas d'indication de cette procédure dans d'autres cas. Quel qu'en fût le nom, ces ministères avaient pour but de proclamer la Parole de Dieu, de transmettre et sauvegarder le contenu originel de l'Evangile, de nourrir et fortifier la foi, la discipline et le service des communautés chrétiennes, de protéger et stimuler l'unité en elles et entre elles. Ces tâches du ministère ont été constantes à travers les développements et les crises de l'histoire chrétienne.

322 Bien qu'il n'y ait pas qu'une seule forme du ministère selon le Nouveau Testament, bien que l'Esprit ait souvent conduit l'Eglise à adapter ses ministères aux besoins d'un contexte historique et bien que d'autres formes du ministère ordonné aient été bénies par les dons du Saint- Esprit, cependant, le triple ministère de l'évêque, du presbytre et du diacre peut servir aujourd'hui d'expression à l'unité que nous cherchons et aussi de moyen pour y parvenir. Historiquement, il est vrai que le triple ministère devint la forme généralement acceptée dans l'Eglise des premiers siècles et qu'il est encore conservé aujourd'hui par beaucoup d'Eglises. Pour l'accomplissement de leur mission et de leur service, les Eglises ont besoin de personnes qui, de diverses manières, expriment et remplissent les tâches du ministère ordonné dans sa forme et sa fonction diaconale, presbytérale et épiscopale.

323 L'Eglise comme Corps du Christ et peuple eschatologique de Dieu est constituée par le Saint Esprit à travers une diversité de dons et de ministères. Parmi ces dons, un ministère de l'episcopè est nécessaire pour exprimer et sauvegarder l'unité du corps. Chaque Eglise a besoin de ce ministère d'unité, dans une certaine forme, afin d'être l'Eglise de Dieu, l'unique Corps du Christ, un signe de l'unité de tous dans le Royaume.

324 La triple forme du ministère a évidemment besoin d'une réforme. Dans certaines Eglises, la dimension collégiale de la présidence à l'intérieur de la communauté eucharistique a souffert d'un amoindrissement. Dans d'autres, la fonction des diacres a été réduite à un rôle d'assistants dans la célébration de la liturgie: ils ont cessé de remplir une quelconque fonction concernant le témoignage diaconal de l'Eglise. En général, la relation entre le presbytérat et le ministère épiscopal a été discutée au cours des siècles, et le degré de participation du presbytre au ministère épiscopal est encore pour beaucoup une question non résolue et d'une importance oecuménique de grande portée. Dans certains cas, des Eglises qui n'ont pas conservé explicitement la triple forme du ministère ont en fait maintenu certaines de ses intentions originelles.

325 La triple forme traditionnelle du ministère soulève ainsi des questions pour toutes les Eglises. Les Eglises qui maintiennent cette triple forme devront se demander comment ses potentialités peuvent être pleinement développées en vue du témoignage le plus efficace de l'Eglise dans le monde. Les Eglises qui n'ont pas la triple forme du ministère devraient aussi participer à cette tâche. Puis, elles devront se demander s'il n'y a pas un appel puissant pour elles à accepter la triple forme du ministère ainsi développée.

B - Principes directeurs pour l'exercice du ministère

ordonné dans l'Eglise

326 Trois considérations sont importantes à ce propos. Le ministère ordonné devrait être exercé selon un mode personnel, collégial et communautaire. Le ministère ordonné doit être exercé selon un mode personnel. Une personne ordonnée pour proclamer l'Evangile et appeler la communauté à servir le Seigneur dans l'unité de la vie et du témoignage, manifeste le plus effectivement la présence du Christ au milieu de son peuple.
Le ministère ordonné doit être exercé selon un mode collégial, c'est-à- dire qu'il faut qu'un collège de ministres ordonnés partage la tâche de représenter les préoccupations de la communauté. Finalement, la relation étroite entre le ministère ordonné et la communauté doit trouver son expression dans une dimension communautaire, c'est-à- dire que l'exercice du ministère ordonné doit être enraciné dans la vie de la communauté et qu'il requiert sa participation effective dans la recherche de la volonté de Dieu et de la conduite de l'Esprit.

COMMENTAIRE

Il est nécessaire de tenir les trois aspects ensemble. Dans diverses Eglises, l'un a été exagérément développé au détriment des autres. Dans certaines Eglises, la dimension personnelle du ministère ordonné tend à diminuer les dimensions collégiale et communautaire. Dans d'autres Eglises, les dimensions collégiale et communautaire prennent une place si importante que le ministère ordonné perd sa dimension personnelle. Chaque Eglise doit se demander en quoi l'exercice du ministère ordonné en son sein a souffert au cours de l'histoire. La reconnaissance de ces trois dimensions est sous- jacente à une recommandation faite par la première conférence mondiale de Foi et Constitution à Lausanne en 1927 (rapport de la Commission V, actes, Paris, 1928, p. 531):
"Dans la constitution de l'Eglise primitive, on retrouve et la charge épiscopale, et les Conseils d'anciens, et la Communauté des fidèles. Chacun de ces trois systèmes d'organisation ecclésiastique (épiscopalisme, presbytérianisme, congrégationalisme) a été accepté dans le passé durant des siècles, et est encore pratiqué aujourd'hui par d'importantes fractions de la chrétienté. Chacun d'eux est considéré par ses tenants comme essentiel au bon ordre de l'Eglise. En conséquence, nous estimons que, sous certaines conditions à préciser, ils devront prendre simultanément leur place respective dans l'organisation de l'Eglise réunie. "

327 Le ministère ordonné doit être organisé constitutionnellement ou canoniquement et exercé dans l'Eglise de telle manière que chacune de ces trois dimensions puisse trouver une expression adéquate. Au niveau de la communauté eucharistique locale, il faut un ministre ordonné agissant dans un collège. On devrait mettre un fort accent sur la participation active de tous les membres dans la vie et dans les décisions de la communauté. Au niveau d'une région, il faut aussi un ministre ordonné exerçant un service de l'unité. Les dimensions collégiale et communautaire trouveront leur expression dans des rassemblements synodaux représentatifs et réguliers.

C - Fonctions des évêques, des presbytres et des diacres

328 Quelles sont les fonctions des évêques, des presbytres et des diacres? Une réponse uniforme à cette question n'est pas nécessaire à la reconnaissance mutuelle du ministère ordonné. Les considérations suivantes sont donc présentées comme des exemples.

329 Les évêques prêchent la Parole, président la célébration des sacrements, administrent la discipline de manière à être les ministres pastoraux et représentatifs de la supervision, de la continuité et de l'unité dans l'Eglise. Ils ont la surveillance, pastorale de la région où ils sont appelés. Ils sont les serviteurs de l'apostolicité et de l'unité de l'enseignement, du culte et de la vie sacramentelle de l'Eglise. Ils ont une responsabilité de direction dans la mission de l'Eglise. Ils mettent en relation la communauté chrétienne dans leur région avec l'Eglise au sens plus large, et l'Eglise universelle avec leur communauté. En communion avec les presbytres, les diacres et toute la communauté, ils sont responsables de la transmission régulière de l'autorité ministérielle dans l'Eglise.

330 Les presbytres servent comme ministres pastoraux de la Parole et des sacrements dans une communauté eucharistique locale. Ils sont prédicateurs et enseignants de la foi, ils exercent la cure d'âme et ils portent la responsabilité de la discipline de la communauté, afin que le monde croie et que tous les membres de l'Eglise soient renouvelés, affermis et équipés pour le ministère. Les presbytres ont une responsabilité particulière dans la préparation des membres de l'Eglise pour la vie chrétienne et le ministère.

331 Les diacres représentent au sein de l'Eglise sa vocation de servante dans le monde. En menant un combat au nom du Christ parmi les innombrables nécessités de la société et des personnes, les diacres donnent l'exemple de l'interdépendance du culte et du service dans la vie de l'Eglise. Ils exercent une responsabilité dans le culte de la communauté. Par exemple, ils font la lecture des Ecritures, ils prêchent et ils conduisent les fidèles dans la prière... Ils participent à l'enseignement de la communauté. Ils y accomplissent un ministère de charité. Ils remplissent certaines tâches administratives et peuvent être élus à des responsabilités de gouvernement.

COMMENTAIRE

Aujourd'hui, dans beaucoup d'Eglises, il y a une considérable incertitude concernant la nécessité, le sens, le statut et les fonctions des diacres. Dans quel sens le diaconat peut-il être considéré comme une partie du ministère ordonné? Qu'est-ce qui le distingue d'autres ministères dans l'Eglise (catéchistes, musiciens, etc.)? Pourquoi les diacres doivent-ils être ordonnés alors que ces autres ministères ne reçoivent pas d'ordination? S'ils sont ordonnés, reçoivent-ils l'ordination dans le plein sens du mot ou leur ordination n'est-elle que la première étape vers une ordination comme presbytres? Aujourd'hui, il y a une forte tendance dans beaucoup d'Eglises à restaurer le diaconat comme un ministère ordonné avec sa propre dignité et conçu comme devant être exercé pour la vie. Maintenant que les Eglises se rapprochent, on pourrait réunir dans cet office diaconal les ministères qui existent actuellement sous des formes et des noms divers. Des différences dans l'ordonnance du ministère diaconat ne devraient pas être regardées comme un empêchement à une reconnaissance mutuelle des ministères ordonnés.

D - Variété des charismes

332 La communauté qui vit dans la puissance de l'Esprit est caractérisée par une variété de charismes. L'Esprit est le dispensateur des dons divers qui enrichissent la vie de la communauté. Afin de les rendre plus effectifs, la communauté reconnaît certains de ces dons publiquement. Certains de ces ministères remplissent des services permanents de la vie de la communauté, tandis que d'autres seront temporaires. Des hommes et des femmes dans les communautés des ordres religieux accomplissent un service qui est d'une particulière importance dans la vie de l'Eglise. Le ministère ordonné, qui est lui-même un charisme, ne doit pas devenir un empêchement à la variété des charismes. Au contraire, il devra aider la communauté à découvrir les dons répandus sur elle par le Saint-Esprit et il aura à équiper les membres du Corps pour servir dans une variété de formes.

333 Dans l'histoire de l'Eglise, il y a eu des temps où la vérité de l'Evangile n'a pu être préservée que grâce à des personnalités prophétiques et charismatiques. Souvent de nouvelles impulsions n'ont pu se frayer une voie dans la vie de l'Eglise que de manière inhabituelle. Parfois, des réformes ont exigé un ministère spécial. Les ministres ordonnés et toute la communauté devront être attentifs au défi lancé par de tels ministères spéciaux.


IV. LA SUCCESSION DANS LA TRADITION APOSTOLIQUE

A - La tradition apostolique dans l'Eglise

334 Dans le Credo, l'Eglise confesse qu'elle est apostolique. L'Eglise vit dans la continuité avec les apôtres et leur proclamation. C'est le même Seigneur qui a envoyé les apôtres en mission et qui continue à être présent dans l'Eglise. L'Esprit garde l'Eglise dans la tradition apostolique jusqu'au jour où l'histoire trouvera son accomplissement dans le Royaume de Dieu. La tradition apostolique dans l'Eglise implique la continuité dans la permanence des caractéristiques de l'Eglise des apôtres : témoignage de la foi apostolique, proclamation et interprétation renouvelée de l'Evangile, célébrations du baptême et de l'eucharistie, transmission des responsabilités ministérielles, communion dans la prière, l'amour, la joie et la souffrance, service auprès de ceux qui sont dans la maladie et le besoin, unité des Eglises locales et partage des biens que le Seigneur a donnés à chacun.

COMMENTAIRE

Les apôtres, témoins de la vie et de la résurrection du Christ et envoyés par lui, sont à l'origine de la transmission de l'Evangile, de la tradition des paroles et des gestes sauveurs de Jésus-Christ qui constituent la vie de l'Eglise. Cette tradition apostolique se poursuit à travers l'histoire et relie l'Eglise à ses origines en Christ et dans le collège des apôtres. A l'intérieur de cette tradition apostolique, il y a une succession apostolique du ministère, qui est au service de la continuité de l'Eglise, dans sa vie en Christ, et de sa fidélité aux paroles et aux gestes de Jésus, transmis par les apôtres. Les ministres institués par les apôtres, puis les épiscopes des Eglises, ont été les premiers gardiens de cette transmission de la tradition apostolique; ils ont été les témoins de la succession apostolique du ministère qui se poursuivit à travers les évêques de l'Eglise ancienne, en communion collégiale avec les presbytres et les diacres au sein de la communauté chrétienne. Il convient donc de distinguer tradition apostolique de toute l'Eglise et succession du ministère apostolique.

B - La succession du ministère apostolique

335 La première manifestation de la succession apostolique se trouve dans la tradition apostolique de l'Eglise tout entière. La succession est une expression de la permanence et donc de la continuité de la propre mission du Christ à laquelle l'Eglise participe. Dans l'Eglise, le ministère ordonné a une tâche particulière de préservation et d'actualisation de la foi apostolique. La transmission régulière du ministère ordonné est ainsi une expression puissante de la continuité de l'Eglise à travers l'histoire; elle souligne également la vocation du ministre ordonné comme gardien de la foi. Lorsque des Eglises négligent l'importance de la transmission régulière du ministère ordonné, elles doivent se demander si elles n'ont pas à changer leur conception de la continuité dans la tradition apostolique. D'autre part, lorsque le ministère ordonné ne sert pas adéquatement la proclamation de la foi apostolique, les Eglises doivent se demander si leurs structures ministérielles n'ont pas besoin d'une réforme.

336 En raison des circonstances historiques particulières de l'Eglise en croissance dans les premiers siècles, la succession des évêques devint un des modes, avec la transmission de l'Evangile et la vie de la communauté, selon lequel la tradition apostolique de l'Eglise fut exprimée. Cette succession fut comprise comme servant, symbolisant et gardant la continuité de la foi et de la communion apostolique.

COMMENTAIRE

Dans l'Eglise ancienne, le lien entre l'épiscopat et la communauté apostolique fut compris de deux façons. Clément de Rome reliait la mission de l'évêque à l'envoi du Christ par le Père et à l'envoi des apôtres par le Christ (let. Clément aux Corinthiens 42,44). Cela faisait de l'évêque un successeur des apôtres, assurant la permanence de la mission apostolique dans l'Eglise. Clément considère avant tout le moyen par lequel la continuité historique de la présence du Christ est assurée dans l'Eglise : la succession apostolique. Pour Ignace d'Antioche (let. d'Ignace aux Magnésiens 6,1; 3,1-2; Trall. 3,1), c'est le Christ entouré des Douze qui est présent de façon permanente dans l'Eglise en la personne de l'évêque entouré des presbytres. Ignace voit dans la communauté chrétienne assemblée autour de l'évêque, au milieu des presbytres et des diacres, la manifestation actuelle dans l'Esprit de la communauté apostolique. Ainsi, le signe de la succession apostolique ne met pas en évidence la continuité historique seulement, mais il manifeste aussi une réalité spirituelle actuelle.

337 Les Eglises qui ont la succession par l'épiscopat reconnaissent de plus en plus qu'une continuité dans la foi apostolique, dans le culte et la mission a été conservée dans les Eglises qui n'ont pas gardé la forme de l'épiscopat historique. Cette reconnaissance est facilitée encore par le fait que la réalité et la fonction du ministère épiscopal ont été maintenues dans beaucoup de ces Eglises, avec ou sans le titre d'évêque. L'ordination, par exemple, est toujours accomplie par des personnes en qui l'Eglise reconnaît l'autorité de transmettre le mandat ministériel.

338 Ces considérations ne diminuent pas l'importance du ministère épiscopal. Au contraire, elles aident les Eglises qui n'ont pas gardé l'épiscopat à considérer la succession épiscopale comme un signe, bien que pas une garantie, de continuité et d'unité de l'Eglise. Aujourd'hui des Eglises, dont celles engagées dans des négociations d'union, expriment leur volonté d'accepter la succession épiscopale comme un signe d'apostolicité de toute l'Eglise. Cependant, elles ne peuvent accepter aucune suggestion selon laquelle le ministère exercé dans leur propre tradition serait invalide jusqu'au moment où il entrera dans une lignée de la succession épiscopale. Leur acceptation de la succession épiscopale contribuera à l'unité de toute l'Eglise de la manière la plus positive si elle fait partie d'un processus plus large dans lequel les Eglises épiscopales elles-mêmes retrouvent également leur unité perdue.



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