1982 Baptême Eucharistie Ministère 338

V. L'ORDINATION

A - La signification de l'ordination

339 L'Eglise ordonne certains de ses membres au ministère, au nom du Christ, par l'invocation de l'Esprit et l'imposition des mains (1Tm 4,14 2Tm 1,6); en faisant cela, elle cherche à continuer la mission des apôtres et à rester fidèle à leur enseignement. L'acte d'ordination par ceux qui ont la charge de ce ministère atteste que l'Eglise est liée à Jésus-Christ et au témoignage apostolique; il rappelle que c'est le Seigneur ressuscité qui est le vrai célébrant de l'ordination et qui accorde le don du ministère. En ordonnant, l'Eglise veille, sous la conduite du Saint-Esprit, à la proclamation fidèle de l'Evangile et à l'humble service au nom du Christ. L'imposition des mains est le signe du don de l'Esprit, qui rend visible le fait que le ministère a été institué dans la révélation accomplie en Christ, et qui rappelle à l'Eglise de regarder à lui comme à la source de sa mission. Cette ordination, cependant, peut impliquer différentes intentions en rapport avec les tâches spécifiques des évêques, des presbytres et des diacres selon ce qui est mentionné dans les liturgies d'ordination.

COMMENTAIRE

Il est clair que les Eglises ont des pratiques différentes de l'ordination et qu'il serait faux d'en privilégier une comme exclusivement valide. D'autre part, si les Eglises sont disposées à se reconnaître mutuellement dans le signe de la succession apostolique, comme il est décrit plus haut, il devrait s'ensuivre que la vieille tradition selon laquelle c'est l'évêque qui ordonne, avec la participation de la communauté, soit reconnue et observée également.

340 A proprement parler, l'ordination exprime donc une action accomplie par Dieu et par la communauté, dans laquelle les personnes ordonnées sont fortifiées par l'Esprit, en vue de l'accomplissement de leur tâche, et soutenues par la reconnaissance et les prières de la communauté.

COMMENTAIRE

Les termes originaux du Nouveau Testament pour désigner l'ordination sont simples et descriptifs. On note le fait d'une désignation. L'imposition des mains est indiquée. Il y a une prière en vue du don de l'Esprit. Les diverses traditions ont bâti différentes interprétations sur la base de ces données. Il est évident qu'il y a une différence entre les situations culturelles sous-entendues par le mot grec cheirotonein et les mots latins ordo et ordinare. L'usage néo- testamentaire du premier terme est chargé de la signification séculière initiale de " désignation " (
Ac 14,23 2Co 8,19), qui est dérivée, à son tour, du sens originel d'"étendre la main", soit pour désigner une personne, soit pour exprimer un vote. Certains savants voient dans cheirotonein une référence à l'acte d'imposition des mains, du fait de l'indication littérale de cette action dans des cas apparemment parallèles tels que Ac 6,6 Ac 8,17 Ac 13,3 Ac 19,6; 1Tm 4,14 2Tm 1,6. D'autre part, ordo et ordinare sont des termes dérivés de la loi romaine et transmettent l'idée du statut spécial d'un groupe, distinct de la plèbe; ainsi, par exemple, l'expression ordo clarissimus désignait le sénat romain. Le point de départ de toute construction conceptuelle utilisant ces termes influencera profondément ce qui, dans la pensée et l'action qui en découlent, est considéré comme acquis.

B - L'acte de l'ordination

341 Une longue et ancienne tradition chrétienne situe l'ordination dans le contexte du culte et spécialement de l'eucharistie. Une telle place pour la célébration de l'ordination met en évidence sa signification comme acte de toute la communauté, et non comme geste d'un certain ordre à l'intérieur de la communauté ou comme démarche de l'individu qui est ordonné. L'acte de l'ordination par Imposition des mains de ceux qui en ont le ministère est à la fois: invocation du Saint-Esprit (epiclesis), signe sacramentel, reconnaissance des dons et engagement.

342 (a) L'ordination est une invocation adressée à Dieu, afin que le nouveau ministre reçoive la puissance du Saint-Esprit, dans la nouvelle relation établie entre ce ministre et la communauté chrétienne locale, ce ministre et l'Eglise universelle, selon l'intention exprimée. L'altérité de l'initiative divine, dont le ministère ordonné est un signe, est ici reconnue dans l'acte de l'ordination lui-même. "L'Esprit souffle où il veut" (Jn 3,3) : l'invocation de l'Esprit implique que l'exaucement de la prière de l'Eglise dépend de façon absolue de Dieu. Cela veut dire que l'Esprit peut mettre de nouvelles forces en mouvement et ouvrir de nouvelles possibilités "infiniment au-delà de tout ce que nous demandons et pensons " (Ep 3,20).

343 (b) L'ordination est un signe de l'exaucement de cette prière par le Seigneur, qui accorde le don du ministère. Bien que l'exaucement de l'épiclèse de l'Eglise dépende de la liberté de Dieu, l'Eglise ordonne en étant convaincue que Dieu, fidèle à ses promesses en Christ, entre sacramentellement dans les formes contingentes et historiques des relations humaines et qu'il les utilise à ses fins. L'ordination est un signe accompli dans la foi que la relation spirituelle signifiée est présente dans, avec et à travers les mots exprimés, les gestes accomplis et les formes employées.

344 (c) L'ordination est une reconnaissance par l'Eglise des dons de l'Esprit chez celui qui est ordonné, et un engagement à la fois de l'Eglise et de celui qui reçoit l'ordination dans leur nouvelle relation. En recevant le nouveau ministre, par l'acte de l'ordination, la communauté reconnaît les dons de ce ministre et s'engage à prendre la responsabilité d'une attitude d'ouverture à l'égard de ces dons. De même, ceux qui ont reçu l'ordination offrent leurs dons à l'Eglise et s'engagent eux-mêmes à faire face aux charges et aux possibilités que leur présentent une autorité et une responsabilité nouvelles. En même temps, ils entrent dans une relation collégiale avec les autres ministres ordonnés.

C - Les conditions pour l'ordination

345 Des fidèles sont appelés au ministère ordonné selon des voies différentes. Il y a l'éveil à la certitude personnelle d'un appel du Seigneur à se consacrer au ministère ordonné. Cet appel peut être discerné dans la prière personnelle et la réflexion, mais aussi à travers des suggestions, des exemples, des encouragements, des influences venant de la famille, des amis, de la paroisse, des enseignants, et d'autres autorités de l'Eglise. Cet appel doit être authentifié par la reconnaissance ecclésiale des dons et des grâces d'une personne, accordés par la nature et l'Esprit, nécessaires au ministère à accomplir. Dieu peut se servir pour le ministère ordonné aussi bien de personnes qui vivent dans le célibat que de gens mariés.

346 Les personnes ordonnées peuvent être des ministres à plein temps au sens où ils reçoivent leur salaire de l'Eglise. L'Eglise peut aussi ordonner des gens qui restent dans d'autres emplois ou occupations.

347 Les candidats au ministère ordonné ont besoin d'une préparation appropriée à travers l'étude de l'Ecriture et de la théologie, la prière et la vie spirituelle, en se familiarisant aussi avec les réalités sociales et humaines du monde contemporain. Dans certains cas, cette préparation pourra prendre une autre forme que celle d'études académiques prolongées. La période de formation sera l'occasion d'éprouver la vocation du candidat, de la stimuler et de la confirmer, ou de la modifier dans sa conception.

348 L'engagement initial au ministère ordonné devrait normalement être accompli sans réserve ou limite de temps. Cependant, un congé par rapport au service n'est pas incompatible avec l'ordination. La reprise d'un ministère ordonné requiert l'accord de l'Eglise, mais pas une réordination. Eu égard au charisme du ministère donné par Dieu, l'ordination à chacun des ministères ordonnés particuliers n'est jamais répétée.

349 La discipline concernant les conditions pour l'ordination dans une Eglise donnée ne doit pas être nécessairement applicable universellement et utilisée comme raison pour ne pas reconnaître les ministères des autres Eglises.

350 Les Eglises doivent réévaluer leurs pratiques, si elles refusent de considérer des candidats au ministère ordonné en raison d'un handicap ou de leur appartenance à une race ou à un groupe social particulier, par exemple. Cette réévaluation est spécialement importante aujourd'hui, à cause des nombreuses expériences de formes nouvelles du ministère par lesquelles les Eglises approchent le monde moderne.

VI. VERS LA RECONNAISSANCE MUTUELLE DES MINISTERES ORDONNES

351 Afin de progresser vers la reconnaissance mutuelle des ministères, il faut accomplir des efforts concertés. Toutes les Eglises doivent examiner les formes du ministère ordonné et le degré de leur fidélité aux intentions originelles. Les Eglises doivent être préparées à renouveler leur compréhension et leur pratique du ministère ordonné.

352 Parmi les points qui doivent être étudiés, tandis que les Eglises avancent vers la reconnaissance mutuelle des ministères, celui de la succession apostolique est d'une importance particulière. Des Eglises, partenaires dans des conversations oecuméniques, peuvent reconnaître mutuellement leurs ministères ordonnés si elles sont assurées de l'intention de chacune de transmettre le ministère de la Parole et des sacrements en continuité avec les temps apostoliques. L'acte de la transmission devrait être accompli conformément à la tradition apostolique qui inclut l'invocation de l'Esprit et l'imposition des mains.

353 Afin de parvenir à la reconnaissance mutuelle des ministères, les diverses Eglises ont à franchir des étapes différentes. Par exemple :
(a) Les Eglises qui ont gardé la succession épiscopale ont à reconnaître le contenu apostolique du ministère ordonné existant dans les Eglises qui n'ont pas conservé cette succession et également l'existence dans ces Eglises d'un ministère de l'episcopè sous des formes variées.
(b) Les Eglises sans la succession épiscopale, et vivant dans la continuité fidèle avec la foi et la mission apostoliques, ont un ministère de la Parole et des sacrements comme le montrent la foi, la pratique et la vie de ces Eglises. Elles ont à réaliser que la continuité avec l'Eglise des apôtres trouve une expression profonde dans la succession de l'imposition des mains par les évêques et que, même si elles ne sont pas privées de la continuité dans la tradition apostolique, ce signe fortifiera et approfondira cette continuité. Elles auront à redécouvrir le signe de la succession épiscopale.

354 Certaines Eglises ordonnent des hommes et des femmes, d'autres n'ordonnent que des hommes. Ces différences créent des obstacles en ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des ministères. Mais ces obstacles ne doivent pas être regardés comme des empêchements décisifs à d'autres efforts vers la reconnaissance mutuelle. L'ouverture mutuelle comporte la possibilité que l'Esprit parle à une Eglise à travers les éclaircissements d'un autre. Les considérations oecuméniques donc devraient encourager et non pas freiner l'effort de regarder en face ce problême.

355 La reconnaissance mutuelle des Eglises et de leurs ministères implique une décision par les autorités et un acte liturgique à partir duquel l'unité sera manifestée publiquement. Plusieurs formes de cet acte public ont été proposées : imposition des mains mutuelle, concélébration eucharistique, culte solennel sans rite particulier de reconnaissance, lecture d'un texte d'union au cours d'une célébration. Aucune forme liturgique n'est absolument requise, mais en tout cas il est nécessaire de proclamer publiquement l'accomplissement de la reconnaissance mutuelle. La célébration commune de l'eucharistie serait certainement le lieu d'un tel acte.
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