Caté Somme - 25. Péchés où l'on trompe le prochain et où l'on abuse de lui: la fraude; l'usure

25. Péchés où l'on trompe le prochain et où l'on abuse de lui: la fraude; l'usure


- Quel est le dernier genre de péchés qui se commettent contre la justice commutative?
- Ce sont les péchés où l'on amène, d'une façon indue, le prochain au consentement de choses qui sont à son préjudice (II-II 77,0 prologue ).

- Comment appelle-t-on ces péchés?
- On les appelle la fraude et l'usure (II-II 77,0-78).

- Qu'entendez-vous par la fraude?
- J'entends cet acte d'injustice qui se commet dans les contrats de vente ou d'achat et qui, trompant le prochain, l'amène à vouloir ce qui est un dommage pour lui (II-II 78,0).

- De combien de manières peut se produire ce péché de fraude?
- Ce péché peut se commettre: en raison du prix, selon qu'on achète une chose moins qu'elle ne vaut, ou qu'on la vend plus qu'elle ne vaut; en raison de la chose vendue, selon qu'elle n' est pas ce qu'elle paraît, que le vendeur le sache ou qu'il l'ignore; en raison du vendeur, qui tait un défaut qu'il connaît; en raison de la fin, qui est le gain poursuivi (II-II 77,1-4).

- Ne peut-on jamais, le sachant, acheter une chose moins qu'elle ne vaut, ou la vendre plus qu'elle ne vaut?
- Non; car le prix de la chose que l'on vend ou que l'on achète doit toujours, dans les contrats de vente ou d'achat, correspondre à la juste valeur de la chose elle-même: demander plus ou donner moins, le sachant, est, de soi, chose essentiellement injuste et qui oblige à la restitution (II-II 77,1).

- Est-ce contre la justice de vendre une chose pour ce qu'elle n'est pas, ou d'acheter une chose qui est autre qu'on ne la croit?
- Oui, vendre ou acheter une chose qui est autre que ce qu'elle paraît, qu'il s'agisse de son espèce, de sa quantité, ou de sa qualité, est contraire à la justice; et c'est un péché, si on le fait sciemment, et il y a obligation de restituer. Bien plus, cette obligation de restituer existe, alors même qu'il n'y a pas eu péché, dès que l'on s'aperçoit de ce qu' il en est de la chose achetée ou vendue (II-II 77,2).

- Le vendeur est-il toujours tenu de manifester les vices de la chose qu'il vend, selon qu'il les connaît?
- Oui, le vendeur est toujours tenu de manifester les vices de la chose qu'il vend, lorsque ces vices, connus de lui, sont cachés et qu'ils peuvent être, pour l'acheteur, une cause de péril ou de dommage (II-II 77,3).

- Est-il permis de se livrer aux ventes et aux achats, en vue du seul gain à réaliser, sous forme de négoce?
- Le négoce pour le négoce a quelque chose de honteux ou de contraire à l'honnêteté de la vertu, parce que, en ce qui est de lui, il favorise l'amour du lucre, qui ne connaît pas de bornes, mais tend à acquérir sans fin (II-II 77,4).

- Que faudra-t-il donc pour que le négoce devienne une chose permise et honnête?
- Il faut que le gain ou le lucre ne soit pas recherché pour lui-même, mais en vue d'une fin honnête. Ainsi en est-il quand on ordonne le gain modéré, qu'on cherche dans le négoce, à soutenir sa propre maison, ou encore à subvenir aux indigents; ou qu'on vaque au négoce en vue de l'utilité publique, afin que les choses nécessaires à la vie ne manquent point dans sa patrie ou parmi les hommes, et qu' on cherche le gain, non comme une fin, mais comme prix de son travail (II-II 77,4).

- Qu'entendez-vous par le péché d'usure?
- J'entends cet acte d'injustice, qui consiste à abuser du besoin dans lequel un homme se trouve, et à lui prêter de l'argent, ou toute chose appréciable à prix d'argent, mais qui n'a d' autre usage que la consommation, ordonnée aux nécessités du moment, en l'obligeant à rendre cet argent ou cette chose à date fixe, avec un surplus, à titre d'usure ou de prix de l'usage (II-II 78,1-3).

- L'usure est-elle la même chose que le prêt à intérêt?
- Non; car si toute usure est un prêt à intérêt, tout prêt à intérêt n'est pas une usure.

- En quoi le prêt à intérêt se distingue-t-il de l'usure?
- Le prêt à intérêt se distingue de l'usure en ce que l'on y considère l'argent comme pouvant être productif, en raison des circonstances sociales et économiques où les hommes vivent aujourd' hui.

- Que faut-il pour que le prêt à intérêt demeure permis et ne risque pas de se transformer en usure?
- Il y faut deux choses: 1°) que le taux de l'intérêt ne dépasse pas le taux légal, ou le taux fixé par un usage raisonnable, 2°) que les riches qui abondent en superflu sachent ne pas se montrer exigeants envers les pauvres gens qui empruntent, non pour faire un négoce d'argent, mais en vue de la seule consommation et pour subvenir aux nécessités de leur vie.


26. Des éléments de la vertu de justice: faire le bien et éviter le mal; vices opposés: l'omission; la transgression


- Quand il s'agit de la vertu de justice, outre ses diverses espèces, pouvons-nous considérer encore comme des éléments qui la constituent, ainsi qu'il a été dit pour la prudence?
- Oui; et ces éléments ne sont autres que ce qu'on appelle: faire le bien et éviter le mal (II-II 79,1).

- Pourquoi ces deux éléments sont-ils propres à la vertu de justice?
- Parce que dans les autres vertus morales, comme la force ou la tempérance, il n'y a pas à les distinguer, ne pas faire le mal s'identifiant en elles à ce qui est faire le bien, tandis que, dans la vertu de justice, faire le bien consiste à faire, par nos actes, que l'égalité règne entre nous et le prochain; et ne pas faire le mal consiste à ne rien faire qui puisse aller contre cette égalité, qui doit régner entre nous et le prochain (II-II 79,1).

- Comment s'appelle le péché contre le premier mode?
- Il s'appelle l'omission (II-II 79,3).

- Et comment s'appelle le péché contre le second mode?
- Il s'appelle la transgression (II-II 79,2).

- De ces deux péchés, quel est le plus grave?
- En soi, le plus grave est le péché de trangression, bien que telle omission puisse être plus grave que telle transgression. Et, par exemple, il est plus grave d'injurier quelqu' un que de ne pas lui rendre le respect qu'on lui doit; mais, s'il s'agit d'un supérieur très élevé, il sera plus grave de manquer au respect qu'on lui doit en ne lui rendant pas le témoignage extérieur que le respect demande, notamment devant le public, que ne sera un léger signe de dédain ou une parole légèrement blessante à l'endroit d'une personne infime dans la société (II-II 79,4).


27. Vertus annexes de la justice: la religion; la piété; l'observance; la gratitude;

le soin de la vengeance; la vérité; l'amitié; la libéralité; l'équité naturelle


- La vertu de justice a-t-elle aussi, dans sa dépendance, des vertus qui se rapportent à elle et qui soient, pour elle, comme des parties annexes?
- Oui, la vertu de justice a de ces sortes de parties (II-II 80,1).

- Mais comment, ou en quoi, ces autres vertus se distinguent-elles de la justice proprement dite?
- Elles s'en distinguent en cela, que la justice proprement dite a pour objet de rendre à autrui, en parfaite égalité, ce qui lui est rigoureusement dû, tandis que ces autres vertus, bien qu'elles se réfèrent à autrui comme la justice, en quoi elles conviennent avec elle, cependant ont leur acte qui aboutit: - ou bien à donner une chose qui n'est due à autrui que dans un sens large et non point en stricte rigueur, pouvant être exigée au nom du droit fixé par la loi, devant les tribunaux, - ou bien à ne donner que d'une manière nécessairement imparfaite, et en-deçà de l'égalité absolue, ce qui est dû rigoureusement (II-II 80,1).

- Combien y a-t-il de vertus qui se rattachent à la justice; et quelles sont-elles?
- Il y en a neuf, qui sont :- la religion, - la piété, - l'observance, - la gratitude, - le soin de la vengeance, - la vérité, - l'amitié, - la libéralité, - et l'équité naturelle (II-II 80,1).

- Pourriez-vous justifier l'ordre de ces vertus?
- Oui, et le voici en peu de mots. - Les huit premières se rapportent à la justice particulière; la neuvième, à la justice générale ou légale. - Et des huit premières il en est trois: la religion, la piété et l'observance, qui restent en-deçà de la justice au sens strict, non point par manque de rigueur dans la raison de dette, mais par l'impossibilité d'atteindre la raison d'égalité, dans l'acquittement de cette dette: la religion, par rapport à Dieu; la piété, par rapport aux parents et à la patrie; l'observance, par rapport aux hommes vertueux, ou à ceux qui sont élevés en dignité. - Les cinq autres sont en défaut du côté de la dette, car elles ne portent point sur quelque chose qui soit dû légalement et qui puisse être exigé en justice devant les tribunaux humains, comme étant déterminé par la loi, mais seulement sur ce qui est dû moralement et dont la détermination ou l'acquittement est laissé au mouvement vertueux d'un chacun: chose cependant qui est requise pour l'honnêteté de la vie humaine ou la bonne harmonie des rapports des hommes entre eux, soit d'une manière nécessaire, comme l'objet de la vérité, de la gratitude, du soin de la vengeance, soit à titre de perfection et de mieux, comme l'objet de l'amitié et de la libéralité (II-II 80,1).


28. La religion: sa nature


- Qu'est-ce que c'est que la vertu de religion?
- La vertu de religion - ainsi appelée parce qu'elle constitue le lien par excellence devant rattacher l'homme à Dieu, comme à celui qui est la source de tout bien - est une perfection de la volonté, l'amenant à reconnaître, comme il convient, la dépendance de l'homme à l'endroit de Dieu, premier principe et fin dernière de tout, souverainement parfait en lui-même et de qui dépend toute autre perfection (II-II 81,1-5).

- Quels seront les actes qui appartiendront à cette vertu?
- Tous les actes qui, de soi, tendent à confesser la dépendance de l'homme à l'égard de Dieu rentrent dans l'objet propre de la vertu de religion. Mais elle peut aussi ordonner à cette même fin les actes de toutes les autres vertus; et, dans ce cas, elle fait de toute la vie de l'homme un acte de culte envers Dieu (II-II 81,7-8).

- Comment l'appellera-t-on alors?
- On l'appellera du nom de sainteté. Car l'homme saint est précisément celui dont toute la vie est transformée en un acte de religion (II-II 81,8).

- Cette vertu de religion est-elle particulièrement excellente?
- La vertu de religion est, en deçà des vertus théologales, la plus excellente de toutes les vertus (II-II 81,6).

- D'où vient cette excellence de la vertu de religion?
- Elle lui vient de ce que, parmi toutes les vertus morales, dont l'objet propre est de perfectionner l'homme dans tous les ordres de son activité consciente en vue de Dieu à conquérir, tel que la foi, l'espérance et la charité nous le font atteindre, aucune autre vertu n'a d'objet aussi rapproché de cette fin. Tandis que les autres vertus, en effet, ordonnent l'homme, soit en lui-même, soit avec les autres créatures, la religion l'ordonne avec Dieu: elle fait qu'il soit, par rapport à Dieu, ce qu'il doit être, reconnaissant, comme il le doit, sa souveraine majesté, le servant et l'honorant, par ses actes, comme demande d'être servi et honoré celui dont l'excellence dépasse à l'infini toutes choses et dans tous les ordres (II-II 81,6).


29. La religion: ses actes intérieurs: la dévotion; la prière: nature; nécessité; formule; le Notre Père, ou l'oraison dominicale; efficacité


- Quel est le premier des actes de la religion?
- Le premier des actes de la religion est l'acte intérieur qui s'appelle du nom de dévotion (II-II 82,1-2).

- Qu'entendez-vous par la dévotion?
- J'entends, par la dévotion, un certain mouvement de la volonté, qui fait qu'elle se donne elle-même et qu'elle donne tout ce qui dépend d'elle, dans l'homme, au service de Dieu, s' y portant toujours et en tout, avec un saint empressement (II-II 82,1-2).

- Quel est, après la dévotion, le premier acte, dans l'homme, ainsi appliqué au service de Dieu?
- C'est l'acte de la prière.

- Qu'est-ce que l'acte de la prière?
- L'acte de la prière, entendu dans son sens le plus haut, et selon qu'il s'adresse à Dieu, est un acte de la raison pratique, par lequel, sous forme de demande qui supplie, nous voulons amener Dieu à faire ce que nous souhaitons (II-II 83,1).

- Mais est-ce là chose raisonnable et possible?
- Oui, certes; et il n'est même rien, sur cette terre, qui soit plus raisonnable ou plus en harmonie avec notre nature (II-II 83,2).

- Comment montrez-vous qu'il en est ainsi?
- Par ces considérations: étant des êtres raisonnables et conscients, nous avons besoin, au plus haut point, de prendre conscience de ce qu'est Dieu et de ce que nous sommes. Or, nous ne sommes que misère; et lui est la source de tout bien. Plus, donc, nous aurons conscience de notre misère, jusque dans le détail de ses besoins, et que c'est de Dieu seul que nous viennent, comme de leur première source, les biens capables d'y remédier, plus nous serons ce que nous devons être, c'est-à-dire ce que notre nature requiert. Et l'acte de la prière est précisément cela même. Il est d'autant plus parfait qu'il nous fait davantage prendr e conscience de notre misère et de la bonté de Dieu y remédiant. Aussi, est-ce bien pour cela que Dieu, dans sa miséricorde, a voulu que nous priions, déterminant que certaines choses ne nous seraient accordées qu'à la demande que nous lui en ferions (II-II 83,2).

- C'est donc, au plus haut point, la volonté de Dieu que nous faisons, en voulant l'amener par notre prière à faire ce que nous voulons?
- Oui, c'est, au plus haut point, la volonté même de Dieu que nous faisons en nous efforçant de l'amener, par notre prière, à accomplir ce que nous souhaitons, toutes les fois que ce que nous souhaitons est pour notre vrai bien.

- Dieu nous exauce-t-il toujours alors?
- Oui, Dieu nous exauce toujours, quand nous lui demandons, sous l'action même de son Esprit-Saint, ce qui est pour notre vrai bien (II-II 83,15).

- Y a-t-il une formule de prière qui nous assure que nous demandons toujours notre vrai bien?
- Oui, c'est la formule de la prière par excellence, qui s'appelle le Notre Père, ou l'oraison dominicale (II-II 83,9).

- Qu'entendez-vous par ces mots: l'oraison dominicale?
- J'entends la prière que nous a enseignée Notre Seigneur Jésus-Christ dans l'Évangile.

- Pouvez-vous me dire cette prière?
- Oui, et la voici :
Notre Père, qui êtes aux cieux: que votre nom soit sanctifié; que votre royaume arrive; que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel; donnez-nous aujourd' hui notre pain de chaque jour; pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés; et ne nous laissez pas succomber à la tentation; mais délivrez-nous du mal. Ainsi soit-il.

- Cette prière contient-elle, à elle seule, toutes les prières ou toutes les demandes que nous pouvons et devons faire à Dieu?
- Oui, cette prière contient, à elle seule, toutes les prières ou toutes les demandes que nous pouvons et devons faire à Dieu; et tout ce que nous demanderons à Dieu se ramènera toujours, si nous demandons ce qu' il faut, à l'une de ces demandes du Notre Père (II-II 83,9).

- Y a-t-il encore une autre excellence de cette prière et qui lui appartienne tout à fait en propre?
- Oui; et cette excellence consiste en ce qu'elle met sur nos lèvres, dans l'ordre même où ils doivent être dans notre coeur, tous les désirs qui doivent être les nôtres (II-II 83,9).

- Pourriez-vous me montrer cet ordre des demandes de l'oraison dominicale?
- Le voici en quelques mots. De tous nos désirs, le premier doit être que Dieu soit glorifié, puisque la gloire de Dieu est la fin de toutes choses; mais, tout de suite, et pour coopérer nous-mêmes, le plus excellemment, à cette gloire, nous devons désirer d'être admis à la partager un jour éternellement dans le ciel. Et tel est le sens des deux premières demandes du Notre Père, quand nous disons: Que votre nom soit sanctifié; que votre royaume arrive. - Cette glorification de Dieu en lui-même et de nous en lui sera le terme final de notre vie un jour. Sur cette terre et durant la vie présente, nous devons travailler à mériter d'y être admis. Pour cela, nous n'avons qu'une seule chose à faire: accomplir en tout, aussi parfaitement que possible, la volonté de Dieu. C' est ce que nous demandons quand nous disons: Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. - Mais, pour accomplir cette volonté d'une manière parfaite, n ous avons besoin du secours de Dieu qui soutienne notre faiblesse, soit dans l'ordre des nécessités temporelles, soit dans l'ordre des nécessités spirituelles. Nous demandons ce secours, quand nous disons: Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour. - Et cela suffirait, si nous n'avions à nous débarrasser du mal qui peut être un obstacle, soit à l'acquisition du royaume de Dieu, soit à l'accomplissement de la volonté de Dieu, soit à la suffisance des choses dont nous avons besoin dans la vie présente. Contre ce triple mal, nous disons à Dieu: Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons, nous, à ceux qui nous ont offensés; et ne nous laissez point succomber à la tentation; mais délivrez-nous du mal (II-II 83,9).

- Pourquoi disons-nous au début de cette prière: Notre Père qui êtes aux cieux?
- Pour nous exciter à une confiance sans bornes, puisque celui à qui nous nous adressons est un Père, et qu'il règne dans les cieux, ayant tout en son pouvoir (II-II 83,9 ad 5).

- Faut-il réciter souvent cette prière du Notre Père?
- Il faut vivre continuellement dans son esprit et la dire aussi de temps en temps, le plus souvent même, selon que les conditions de notre vie nous le permettent (II-II 83,14).

- Est-ce le moins qu'il soit convenable de faire, en quelque condition qu'on se trouve, de ne point laisser passer un seul jour sans dire cette prière?
- Oui, c'est le moins qu'il soit convenable de faire, en quelque condition qu'on se trouve, de ne point laisser passer un seul jour sans dire cette prière.

- Est-ce à Dieu seul que nous devons adresser nos prières?
- Oui, c'est à Dieu seul que nous devons adresser nos prières, comme à celui de qui nous attendons tous nos biens; mais nous pouvons nous adresser à certaines créatures pour les prier d'intercéder en notre faveur auprès de Dieu (II-II 83,4).

- Quelles sont ces créatures à qui nous pouvons nous adresser pour les prier d'intercéder en notre faveur auprès de Dieu?
- Ce sont les anges ou les saints qui sont dans le ciel et les justes qui vivent sur la terre (II-II 83,11).

- Est-il bon de se recommander ainsi aux âmes saintes et de solliciter leurs prières?
- Oui, c'est chose excellente de se recommander à la pieuse intercession des âmes saintes et de solliciter leurs prières auprès de Dieu.

- Parmi toutes les créatures, en est-il quelqu'une qui doive, à un titre tout spécial, être ainsi sollicitée par nous dans nos prières?
- Oui, c'est la glorieuse Vierge Marie, la Mère du Fils de Dieu incarné, Notre Seigneur Jésus-Christ.

- De quel nom a-t-on appelé la très sainte Vierge Marie en raison de cette mission spéciale qu'elle a d'intercéder pour nous?
- On l'a appelée la toute-puissance d'intercession.

- Et qu'a-t-on voulu signifier par ces mots?
- On a voulu signifier par là que tous ceux pour qui elle intercède auprès de Dieu, sont exaucés de lui dans leurs prières.

- Est-il une formule de prière plus particulièrement excellente pour solliciter ainsi l'intercession de la très sainte Vierge Marie auprès de Dieu?
- Oui, c'est la prière de l'Ave Maria ou du: "Je vous salue".

- Pourriez-vous me dire cette prière?
- Oui; et la voici: Je vous salue, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Ainsi soit-il.

- Quand est-ce qu'il est bon de réciter cette prière?
- Il est bon de la réciter le plus souvent possible; et, tout spécialement, à la suite du Notre Père, quand on le récite en particulier.

- Y a-t-il un mode particulièrement excellent de joindre ensemble ces deux prières pour en assurer l'efficacité?
- Oui, c'est le Rosaire.

- Qu'entendez-vous par le Rosaire?
- J'entends un mode de prière qui consiste à rappeler les quinze principaux mystères de notre rédemption, et à réciter, en présence du souvenir de chacun d'eux, une fois le Notre Père, qu'on fait suivre du Je vous salue, répété dix fois, après quoi on ajoute: Gloire soit au Père et au Fils et au Saint-Esprit, comme il était au commencement et maintenant et toujours et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


30. Actes extérieurs: l'adoration; le sacrifice; les dons; le denier du culte; le voeu; le serment; l'invocation du saint nom de Dieu


- Après les actes intérieurs de la dévotion et de la prière, quels sont les autres actes de la vertu de religion?
- Ce sont tous les actes extérieurs qui sont ordonnés de soi à honorer Dieu (II-II 84,0-91).

- Ces actes, quels sont-ils?
- Il y a d'abord les gestes ou mouvements du corps, tels que les inclinations de tête, les génuflexions, les prostrations ou tous autres actes qu'on comprend sous le nom général d'adoration (II-II 84,0).

- En quoi consiste l'excellence de ces actes?
- Elle consiste en ce qu'ils font contribuer le corps lui-même à honorer Dieu et qu'ils peuvent, au plus haut point, quand ils sont accomplis comme ils doivent l'être, constituer un secours pour mieux faire les actes intérieurs (II-II 84,2).

- N'y a-t-il que notre coprs que nous devons ainsi faire servir à honorer Dieu dans la vertu de religion?
- Il y a aussi les choses extérieures que nous pouvons offrir à Dieu en hommage, sous forme de sacrifice ou de pieuse contribution (II-II 85,0-87).

- Y a-t-il, dans la loi nouvelle, une seule forme de sacrifice, au sens strict de ce mot, et selon qu'il implique une immolation de victime?
- Oui, c'est le saint sacrifice de la messe, dans lequel est immolé, sous les espèces sacramentelles du pain et du vin, celui qui depuis le sacrifice sanglant de la croix est l'unique victime offerte à Dieu et agréée de lui (II-II 80,4).

- Est-ce un acte de religion agréable à Dieu de contribuer, selon ses ressources, à assurer ou à rehausser le culte extérieur, en donnant pour ce culte ou pour l'entretien de ses ministres?
- Oui, tout cela est acte de religion, et Dieu l'a pour très spécialement agréable (II-II 86,0-87).

- N'est-ce qu'en donnant ainsi à Dieu, pour son culte, ou à ses ministres, qu'on fait acte de religion?
- On peut aussi faire acte de religion en promettant à Dieu quelque chose qui soit de nature à lui être agréable (II-II 88,0).

- Comment s'appelle cette promesse?
- On l'appelle le voeu (II-II 88,1-2).

- Quand on fait un voeu, est-on obligé de le tenir?
- Oui, quand on fait un voeu, on est obligé de le tenir, à moins d'impossibilité ou de dispense (II-II 88,3 II-II 88,10).

- Y a-t-il un dernier genre d'actes de religion?
- Oui; ce sont les actes où l'on use, en vue d'honorer Dieu, de quelque chose qui touche à Dieu lui-même (II-II 89,0).

- Qu'est-ce donc qui peut ainsi être quelque chose qui touche à Dieu et que nous pouvons utiliser à l'effet de l'honorer et de lui rendre hommage?
- Ce sont les choses saintes; et le saint nom de Dieu.

- Qu'entendez-vous par les choses saintes?
- J'entends tout ce qui a reçu de Dieu, par l'entremise de son Église, une consécration ou une bénédiction particulière; comme sont les personnes consacrées à Dieu; les sacrements; et les sacramentaux: tels que l'eau bénite ou les objets de piété; et aussi les lieux du culte (II-II 89,0 prologue ).

- Comment est-ce qu'on peut user du saint nom de Dieu, sous forme d'hommage rendu à Dieu?
- On peut user du saint nom de Dieu, sous forme d'hommage rendu à Dieu, en l'appelant à témoin de ce qu'on affirme ou en l'évoquant par mode de louange (II-II 89,0-91).

- De quel nom désigne-t-on le fait d'appeler Dieu à témoin de ce que l'on affirme ou de ce que l'on promet?
- C'est ce que l'on désigne sous le nom de serment (II-II 89,1).

- Le serment est-il une chose bonne en soi et qui soit à recommander?
- Le serment n'est une chose bonne qu'en raison d'une grande nécessité et dont il ne faut user qu'avec la plus extrême réserve (II-II 89,2).

- Et l'adjuration, qu'est-elle?
- L'adjuration est un acte qui consiste à en appeler au saint nom de Dieu ou à quelque chose sainte pour amener quelqu'un à agir ou à ne pas agir dans le sens que nous voulons (II-II 90,1).

- Est-ce là un acte permis?
- Oui; quand il est fait avec respect et selon que le demande la condition des êtres que nous adjurons (Ibid.)

- Est-il bon d'invoquer ou d'évoquer souvent le saint nom de Dieu?
- Oui; pourvu qu'on le fasse avec le plus grand respect et sous forme de louange (II-II 91,1).


31. Vices opposés à la religion: la superstition; la divination; l'irréligion: la tentation de Dieu; le parjure; le sacrilège


- Quels sont les vices opposés à la vertu de religion?
- Il y a deux sortes de vices opposés à la vertu de religion: les uns par excès, qu'on appelle du nom de superstition; et les autres par défaut, qui s'appellent l'irréligion (II-II 92,0 prologue).

- Qu'entendez-vous par la superstition?
- J'entends cet ensemble de vices qui consiste à rendre à Dieu un culte qui ne peut lui être agréable, ou à rendre à d'autres qu'à Dieu le culte qui n'appartient qu'à lui seul (II-II 92,0-94).

- Y a-t-il un mode plus particulièrement fréquent de cette dernière sorte de vices?
- Oui, c'est le désir immodéré de connaître l'avenir ou les choses cachées, qui fait qu'on se livre aux multiples pratiques de la divination ou des vaines observances (II-II 95,0-96).

- Et l'irréligion, que comprend-elle?
- L'irréligion comprend deux choses: le fait de ne pas traiter avec le respect qui convient les choses qui regardent le service ou le culte de Dieu; ou le fait de s'abstenir entièrement de tout acte de religion.

- Ce dernier vice est-il particulièrement grave?
- Ce dernier vice est d'une gravité extrême; parce qu'il implique le mépris ou l'oubli dédaigneux de celui à qui nous sommes le plus obligés et que tout homme a le devoir le plus strict d' honorer et de servir.

- Sous quelle forme spéciale se présente aujourd'hui ce dernier vice?
- Il se présente sous la forme du laïcisme.

- Qu'entendez-vous par le laïcisme?
- J'entends ce système de vie qui consiste à mettre Dieu complètement de côté: soit d'une manière positive, en chassant Dieu de partout et en le persécutant, lui, ou tout ce qui est de lui, partout où on le trouve; soit d'une façon négative, ou en ne tenant aucun compte de lui dans l'organisation de la vie humaine, individuelle, familiale ou sociale.

- D'où provient ce grand vice du laïcisme, dans sa double forme positive et négative?
- La forme positive procède de la haine ou du fanatisme sectaire; la forme négative, d'une sorte de stupidité intellectuelle et morale dans l'ordre métaphysique et surnaturel.

- Doit-on s'opposer de toutes ses forces au laïcisme?
- Il n'y a pas de plus grand devoir que de s'opposer de toutes ses forces au laïcisme et de le combattre par tous les moyens en son pouvoir.

- Quels sont les autres vices d'irréligion?
- Ce sont: la tentation de Dieu et le parjure, qui sont contre Dieu lui-même ou son saint nom; le sacrilège et la simonie, qui sont contre les choses saintes (II-II 97,0 II-II 99,0).

- Qu'entendez-vous par la tentation de Dieu?
- J'entends ce péché contre la vertu de religion, qui consiste à manquer de respect envers Dieu en faisant appel à son intervention, comme pour s' assurer de sa puissance; ou en des circonstances qui ne lui permettent pas d'intervenir sans aller contre ce qu'il se doit à lui-même (II-II 97,1).

- Est-ce tenter Dieu que de compter sur un secours spécial de sa part, alors qu'on ne fait pas soi-même ce qu'il est possible de faire?
- Oui, c'est tenter Dieu d'agir ainsi, et on doit l'éviter avec le plus grand soin (II-II 97,1-2).

- Qu'entendez-vous par le parjure?
- J'entends ce péché contre la vertu de religion, qui consiste à en appeler au témoignage de Dieu pour une chose fausse, ou qu'on manque de tenir après l'avoir ainsi promise (II-II 98,1).

- Est-ce un péché qui se rattache à celui du parjure, que d'en appeler à Dieu par l'évocation de son saint nom à tout propos et de façon inconsidérée?
- Oui, sans être proprement un parjure, c'est un manque de respect envers le saint nom de Dieu, qui s'y rattache, et qu'on ne saurait éviter avec trop de soin.

- Qu'entendez-vous par le sacrilège?
- J'entends la violation des personnes, ou des choses, ou des lieux, revêtus d'une consécration ou d'une sanctification spéciales qui les voue au culte ou au service de Dieu (II-II 99,1).

- Le sacrilège est-il un grand péché?
- Oui, le sacrilège est un grand péché; car toucher aux choses de Dieu, c'est en quelque sorte toucher à Dieu lui-même, et Dieu réserve à ce péché, même sur cette terre, les plus grands châtiments (II-II 99,2-4).

- Qu'entendez-vous par la simonie?
- J'entends ce péché spécial d'irréligion, qui consiste, imitant en cela l'impiété de Simon le Magicien, à faire injure aux choses saintes, en les traitant comme de viles choses matérielles, dont les hommes disposent en maîtres et qu'ils vendent ou achètent à prix d'argent (II-II 100,1).

- La simonie est-elle un grand péché?
- Oui, la simonie est un grand péché, que l'Église punit de peines très sévères (II-II 100,6).


32. La piété envers les parents et envers la patrie


- Après la vertu de religion, quelle est celle des vertus annexes à la justice, qui est la plus grande?
- C'est la vertu de piété (II-II 101,0).

- Qu'entendez-vous par la vertu de piété?
- J'entends cette vertu qui a pour objet de rendre aux parents, et à la patrie, l'honneur et le culte qui leur sont dus, pour le grand bienfait de l'être qu'ils nous ont donné, avec tous les biens qui le suivent, le conservent et le complètent (II-II 101,1-3).

- Ces devoirs de la vertu de piété envers les parents et envers la patrie sont-ils particulièrement saints?
- Oui, après les devoirs envers Dieu, il n'en est pas qui soient plus saints ou plus sacrés (II-II 101,1).

- Quels sont les devoirs de la vertu de piété envers les parents?
- Ce sont: toujours, le respect et la déférence; l'obéissance, quand ont vit sous leur autorité; l'assistance, en cas de besoin (II-II 101,2).

- Et quels sont les devoirs de la vertu de piété envers la patrie?
- Ce sont: le respect et la révérence envers ceux qui la personnifient ou la représentent; l'obéissance aux lois; et le don de soi jusqu'à sacrifier sa propre vie en cas de guerre juste contre ses ennemis.


33. L'observance envers les supérieurs


- Y a-t-il encore une autre vertu où l'obéissance puisse être requise, outre les vertus de religion et de piété?
- Oui, c'est la vertu d'observance (II-II 102,0).

- Qu'entendez-vous par la vertu d'observance?
- J'entends une vertu qui a pour objet de régler les rapports des inférieurs aux supérieurs, en deçà de la supériorité ou du domaine propre à Dieu ou aux parents et aux autorités qui personnifient ou représentent la patrie (II-II 102,0 II-II 103,0).

- Est-ce la vertu d'observance, qui garde les rapports des élèves aux maîtres, des apprentis aux patrons, ou de tous autres inférieurs à leurs supérieurs?
- Oui, c'est la vertu d'observance qui garde les rappports des élèves aux maîtres, des apprentis aux patrons, ou de tous autres inférieurs à leurs supérieurs (II-II 103,3).

- La vertu d'observance implique-t-elle toujours la vertu d'obéissance?
- Non; la vertu d'obéissance n'est requise par la vertu d'observance que s'il s'agit de supérieurs ayant autorité sur leurs inférieurs.

- Y a-t-il d'autres ordres de supériorité en dehors de ceux qui impliquent autorité sur les inférieurs?
- Oui, comme sont par exemple la supériorité du talent, du génie, des richesses, de l'âge, de la vertu et autres de ce genre (II-II 103,2).

- Dans tous ces ordres-là, y a-t-il lieu de pratiquer la vertu d'observance?
- Oui, la vertu d'observance fait que l'homme rend à toute supériorité, quelle qu'elle soit, les honneurs qui lui sont dus; avec ceci pourtant qu'elle rend ces honneurs d'abord aux supérieurs en autorité, à qui elle rend en même temps le culte ou le service qui leur est dû (Ibid.).

- Est-ce là chose importante pour le bien de la société?
- Oui, c'est une chose très importante pour le bien de la société; parce que toute société implique multiplicité et, en quelque sorte, subordination; et que tout subordonné doit pratiquer la vertu d' observance sous peine de troubler la beauté et l'harmonie qui font le charme de la vie des hommes entre eux.

- Tout homme peut-il avoir à pratiquer la vertu d'observance?
- Oui; parce qu'il n'est aucun homme, quelque supérieur qu'il soit dans un certain ordre, qui ne soit, dans un autre ordre, inférieur à quelque autre (II-II 103,2 ad 3).



Caté Somme - 25. Péchés où l'on trompe le prochain et où l'on abuse de lui: la fraude; l'usure