Caté Somme - 10. Des conséquences de l'incarnation du Fils de Dieu, selon que nous le considérons en lui-même,
- Que s'ensuit-il pour le Fils de Dieu incarné, considéré en lui-même et selon que nous pouvons et devons parler de lui, en raison de son incarnation?
- Il s'ensuit que nous pouvons et devons dire en toute vérité, que Dieu est homme, car une personne qui est Dieu est homme aussi; que l'homme est Dieu, car une personne qui est vraiment homme est une personne qui est Dieu; que tout ce qui est propre à la nature humaine et lui convient peut être dit de Dieu, car tout cela convient à une personne qui est Dieu et tout ce qui est propre à la nature divine peut être dit de l'homme qu'est le Fils de Dieu incarné, car cet homme est une personne qui est Dieu; mais nous ne pouvons pas dire de la divinité ce qui se dit de l'humanité, ou inversement, dans la personne du Fils de Dieu incarné, parce que les deux natures demeurent distinctes et gardent chacune leurs propriétés (III 16,1-2).
- Peut-on dire que Dieu a été fait homme?
- Oui, on peut dire que Dieu a été fait homme; parce qu'une personne qui est Dieu a commencé d'être vraiment homme dans le temps, alors qu'auparavant elle ne l'était pas (III 16,6).
- Peut-on dire également que l'homme a été fait Dieu?
- Non, on ne peut dire que l'homme a été fait Dieu; car cela supposerait qu'une personne étant homme d'abord sans être Dieu, est ensuite devenue Dieu (III 16,7).
- Peut-on dire du Fils de Dieu incarné qu'il est une créature?
- On ne peut pas le dire d'une façon pure et simple; mais il faut avoir soin d'ajouter: en raison de la nature humaine qu'il s'est unie hypostatiquement, car il est vrai qu' en effet cette nature humaine est quelque chose de créé (III 16,8).
- Peut-on dire: cet homme, en montrant Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné, a commencé d'être?
- Non, on ne doit pas dire: cet homme, en montrant Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné, a commencé d'être; parce que cela s' entendrait de la personne du Fils de Dieu, qui n'a pas commencé d'être. On ne pourrait le dire qu'en ajoutant: selon qu'il est homme, ou en raison de sa nature humaine (III 16,9).
- Jésus-Christ, ou le Fils de Dieu incarné, constitue-t-il un seul être, ou est-il plusieurs?
- Il ne constitue qu'un seul être, Dieu et homme tout ensemble, en raison de l'unité de personne qui subsiste en l'une et l'autre des deux natures divine et humaine (III 17,1-2).
- Pouvons-nous parler de multiplicité de volontés en Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné?
- Oui; car il y a en lui la volonté divine, comme Dieu; et la volonté humaine, comme homme (III 18,1).
- Y a-t-il aussi, en lui, multiplicité de volontés, comme homme?
- Oui; à prendre le mot volonté dans un sens large et selon qu'il désigne la faculté affective sensible en même temps que la faculté affective intellectuelle; ou encore selon qu'il désigne parfois divers actes de ces mêmes facultés (III 18,2-3).
- Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné eut-il et a-t-il dans sa nature humaine le libre arbitre?
- Assurément, et d'une manière souverainement excellente; bien que d'ailleurs il fût dans l'absolue impossibilité de pécher, sa volonté délibérée étant toujours et de tout point conforme à la volonté divine, même quand la partie affective sensible ou le mouvement naturel de sa volonté, en ce qui était de leur domaine propre, pouvaient se porter ailleurs qu'à ce que voulait sa volonté délibérée en conformité avec le vouloir positif divin (III 18,4).
- Pouvons-nous aussi et devons-nous parler de multiplicité d'opérations en Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné?
- Oui, nous devons parler de multiplicité d'opérations en Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné; parce que si, du côté de la personne ou du principe à qui sont attribuées les opérations, il y avait en Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné, unité parfaite et absolue, du côté des principes propres d'opérations, il y avait autant d'opérations diverses qu'il y avait de diversité de principes ou de facultés d'agir dans sa nature humaine; et, en plus, la grande diversité des opérations propres à la nature divine distinctement des opérations propres à la nature humaine (III 19,1-2).
- Mais alors en quel sens parle-t-on d'opération théandrique en Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné; et que signifie cette expression?
- Cette expression signifie que Jésus-Christ étant Dieu et homme tout ensemble, une sorte de subordination existait en lui, entre tous ses principes d'opérations, notamment entre les principes d'opération propres à la nature humaine, et la nature divine, principe de l'opération formellement divine; si bien que l'opération humaine, en lui, se trouvait divinement perfectionnée et surélevée par le voisinage et l'influence de la nature divine, et que l'opération propre à la nature divine s'humanisait en quelque sorte en se communiquant au dehors par l'entremise ou avec le concours de l'opération humaine (III 19,1 ad 1).
- Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné, par son opération humaine, a-t-il pu mériter quelque chose pour lui-même?
- Oui, il a pu mériter et il convenait qu'il méritât pour lui-même tout ce dont l'absence temporaire n'était pas contraire à l'excellence et à la dignité qui était la sienne; comme la gloire du corps et tout ce qui devait toucher à son exaltation extérieure au ciel ou sur la terre (III 19,3).
- A-t-il pu aussi mériter pour les autres?
- Oui; et d'un mérite parfait ou condigne, en raison de l'unité mystique que forment avec lui tous les membres de son Église dont il est la tête; si bien que toutes ses actions valaie nt non seulement pour lui personnellement, mais encore pour tous ceux qui, parmi les hommes, font partie de son Église, au sens de l'universalité marquée plus haut, quand il s'est agi de la grâce capitale du Fils de Dieu incarné, dans la nature humaine qu'il s'est unie hypostatiquement (III 19,4).
- Que faut-il pour que le mérite des actions du Fils de Dieu incarné atteigne les autres hommes?
- Il faut qu'ils lui soient unis par la grâce du baptême, qui est la grâce d'incorporation à Jésus-Christ; comme nous aurons à le dire plus tard (III 19,4 ad 3).
- Que s'en est-il suivi de l'incarnation du Fils de Dieu, dans ses rapports avec son Père ou dans les rapports du Père avec lui?
- Il s'en est suivi que le Fils de Dieu incarné a été soumis au Père; qu'il l'a prié; qu'il l'a servi par son sacerdoce; et que tout en restant le Fils par nature, non par adoption, il a pu cependant et dû être prédestiné par le Père (III 20,0-24).
- Qu'entendez-vous quand vous dites que Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné a été soumis au Père?
- J'entends qu'en raison de sa nature humaine, le Fils de Dieu incarné n'avait qu'une bonté participée, tandis que le Père est la bonté par essence; que tout ce qui regardait sa vie humaine était réglé, disposé, ordonné par son Père; enfin, que dans sa nature humaine, il s'est, en toutes choses, montré d'une obéissance parfaite et absolue à l'endroit du Père (III 20,1).
- Ces mêmes titres ne faisaient-ils pas que le Fils de Dieu incarné était également soumis à lui-même en tant que Dieu ou en raison de sa nature divine?
- Assurément; car la nature divine, en raison de laquelle le Père était supérieur au Fils dans son incarnation, est commune au Père et au Fils (III 20,2).
- En quel sens peut-on dire que Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné pouvait ou peut encore prier?
- En ce sens que sa volonté humaine n'ayant point, par elle-même et indépendamment de la volonté divine, le pouvoir de réaliser ce qu'elle souhaite; en raison de cette volonté, le Fils de Dieu incarné peut s'adresser au Père, afin qu'il accomplisse, par sa volonté toute-puissante, qui est aussi la sienne, comme Dieu, ce que sa volonté humaine ne pourrait réaliser par elle-même (III 21,1).
- Est-ce que Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné pouvait prier pour lui-même?
- Oui; même en ce sens qu'il pouvait demander au Père les biens du corps ou sa glorification extérieure qu'il n'avait pas encore tant qu'il vivait sur notre terre; mais, à tout le moins, pour remercier le Père et lui rendre grâces de tous les dons et privilèges accordés à lui dans sa nature humaine; et, sous cette forme, sa prière durera pendant toute l'éternité (III 21,3).
- Peut-on dire que la prière de Jésus-Christ ou du Fils de Dieu incarné a toujours été exaucée, quand il était sur notre terre?
- Oui; à prendre la prière dans son sens parfait, qui est la demande ferme d'une chose qu'on veut de volonté délibérée; car le Fils de Dieu incarné, qui connaissait excellemment la volonté du Père, n'a jamais voulu, d'une volonté délibérée, que ce qu'il savait être de tout point conforme à la volonté du Père, qui était aussi la sienne comme Dieu (III 21,4).
- Quand on parle du sacerdoce de Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné, que veut-on dire?
- On veut dire que c'est à lui qu'il a appartenu et qu'il appartient, par excellence, d'apporter aux hommes les dons de Dieu; et de se présenter devant Dieu, au nom des hommes, pour offrir à Dieu leurs prières, et pour apaiser Dieu à leur endroit, les réconciliant tous avec lui (III 22,1).
- Peut-on dire que Jésus-Christ fut tout ensemble prêtre et victime?
- Oui; car c'est en acceptant d'être mis à mort pour nous, qu'il a réalisé dans sa propre personne, en raison de sa nature humaine ainsi immolée, la triple raison du sacrifice imposée dans l'ancienne loi, savoir: la victime pour le péché; la victime pacifique; et l'holocauste. Il a, en effet, satisfait pour nos péchés et les a effacés; il nous a valu la grâce de Dieu, qui est notre paix et notre salut; et il nous a ouvert la porte de la gloire, où nous devons être unis à Dieu totalement et définitivement dans l'éternité (III 22,2).
- Est-ce aussi pour lui-même, dans sa nature humaine, que Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné a été prêtre?
- Non; ce n'est point pour lui-même; car lui-même pouvait immédiatement approcher de Dieu, sans qu'il eût besoin d'un médiateur; et, de plus, n'ayant en lui que la similitude du péché, non le péché lui-même, il n'avait pas à offrir pour lui de victime expiatrice, mais seulement pour nous (III 22,4).
- Doit-on dire que le sacerdoce de Jésus-Christ demeure éternellement?
- Oui; en ce sens que l'effet de son sacerdoce, c'est-à-dire la consommation, dans la gloire, des saints, purifiés par la vertu de son sacrifice, sera éternellement son oeuvre, au ciel (III 22,5).
- Pourquoi dit-on que Jésus-Christ est prêtre selon l'ordre de Melchisédech?
- Pour marquer la supériorité du sacerdoce de Jésus-Christ sur le sacerdoce lévitique de l'ancienne loi, qui n'en était que la figure (III 22,6).
- Quand on parle d'adoption de la part de Dieu, que veut-on dire?
- On veut dire que Dieu, dans la Trinité de ses personnes, a daigné, par un mouvement d'infinie bonté, admettre ses créatures raisonnables à participer [à] son héritage ou [à] ses propres richesses, qui ne sont pas autre chose que la gloire de sa propre béatitude; de telle sorte que, ne pouvant être ses fils par nature, - car ceci n'appartient qu'au seul fils unique -, les anges et les hommes admis à cette gloire deviennent ses fils ou ses enfants d'adoption (III 23,1).
- Le Fils de Dieu incarné peut-il, en raison de sa nature humaine, être dit Fils de Dieu par adoption?
- Non, il ne le peut pas, en aucune manière; car, la filiation étant une propriété personnelle, où se trouve la filiation naturelle il n'y a plus place pour la filiation d'adoption qui n'en est qu' une similitude (III 23,4).
- Peut-on parler de prédestination, au sujet de Jésus-Christ ou du Fils de Dieu incarné?
- Oui; car la prédestination n'est pas autre chose que la préordination fixée par Dieu de toute éternité de ce qu'il devait accomplir dans le temps dans l'ordre de la grâce. Or, le fait d' un être humain étant Dieu en personne, et de Dieu étant homme, a été réalisé dans le temps par Dieu, et appartient au plus haut point à l'ordre de la grâce, dont il constitue le sommet. Il s'ensuit que c' est au plus haut point qu'on peut et qu'on doit parler de prédestination, au sujet du Fils de Dieu incarné (III 24,1).
- Cette prédestination, portant sur le fait qu'en raison de la nature humaine qui serait unie, dans le temps, d'une union hypostatique, au Fils unique de Dieu, un jour existerait un être humain qui serait le Fils de Dieu lui-même et que Dieu serait homme, est-elle le modèle ou l'exemplaire et la cause de notre propre prédestination?
- Oui; car la prédestination portant sur nous devait ordonner que nous serions par adoption ce que le Fils de Dieu incarné est par nature; et elle devait ordonner aussi que notre salut s'accomplirait par Jésus-Christ lui-même qui en serait l'auteur (III 24,3-4).
- Que s'en est-il suivi, de l'incarnation du Fils de Dieu, dans ses rapports avec nous?
- Il s'en est suivi que nous devons l'adorer, et qu'il est notre médiateur (III 26,6).
- Qu'est-ce à dire, que nous devons adorer Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné?
- Cela veut dire que nous devons rendre à la personne du Fils de Dieu, où qu'elle se trouve et sous quelle forme qu'elle nous apparaisse, soit comme étant Dieu, soit comme étant homme, le culte de latrie qui est le culte propre à Dieu; bien que si nous considérions la nature humaine de Jésus-Christ, comme raison ou motif du culte que nous lui rendons à lui, elle ne motivât que le seul culte de dulie (III 25,1-2).
- Est-ce pour la même raison que nous rendons au Coeur sacré de Jésus ou du Verbe incarné le culte de latrie?
- Oui; car le Coeur de Jésus fait partie de sa personne adorable; et, de tout ce qui appartient à la personne adorable de Jésus-Christ dans sa nature humaine, le Coeur était de nature à recevoir plus spécialement ce culte de latrie, parce qu'il est le symbole par excellence de l'oeuvre d'amour infini accomplie, pour notre salut, par le Verbe fait chair, dans les mystères de l'incarnation et de la rédemption: au point que le culte du Sacré-Coeur n'est rien de moins que le culte même de Jésus-Christ dans son amour.
- Faut-il adorer ou honorer du culte de latrie l'image de Jésus-Christ?
- Oui; parce que le mouvement dont on se porte vers l'image d'une chose en tant qu'image de cette chose est le même que celui dont on se porte vers la chose elle-même (III 25,3).
- Et la croix de Jésus-Christ, doit-elle être adorée ou honorée du culte de latrie?
- Oui; car elle nous représente Jésus-Christ étendu sur elle et mourant pour nous; et, s'il s'agit de la croix même où Jésus-Christ fut attaché, nous l'adorons encore pour cette autre raison qu'elle a touché les membres de Jésus-Christ et qu'elle a été imprégnée de son sang (III 25,4).
- Devons-nous aussi l'adoration et le culte de latrie à la très sainte Vierge Marie, Mère de Jésus-Christ?
- Non; parce que ce n'est pas seulement en raison de Jésus-Christ que nous rendons un culte à sa Mère, mais aussi en raison d'elle-même: et, parce qu'elle n'est qu'une pure créature, nous ne l'honorons pas du culte de latrie, qui est exclusivement propre à Dieu. Nous lui rendons cependant un culte suréminent, dans l'ordre du culte de dulie appartenant aux créatures unies à Dieu; car nulle autre ne lui a été unie comme elle: et c'est pourquoi nous l'honorons du culte d'hyperdulie (III 25,5).
- Devons-nous aussi, en raison de Jésus-Christ, rendre un culte aux reliques des saints, notamment à leurs corps?
- Oui; parce que les saints ont été et demeurent les membres de Jésus-Christ, les amis de Dieu et nos intercesseurs auprès de lui; et que, par suite, tout ce qui a été en rapport avec eux mérite que nous l'honorions en raison d'eux-mêmes; mais surtout leurs corps qui ont été les temples du Saint-Esprit, et qui doivent être configurés au corps de Jésus-Christ par la résurrection glorieuse (III 25,6).
- Quand nous disons que le Fils de Dieu incarné est le médiateur de Dieu et des hommes, que voulons-nous dire?
- Nous voulons dire qu'en raison de la nature humaine qu'il s'est unie hypostatiquement, le Fils de Dieu incarné se trouve au milieu, entre Dieu, dont il est distant par cette nature humaine, et les hommes, dont il est distant par l'excellence de sa dignité ou des dons de grâce et de gloire qu'il possède en cette même nature humaine; et qu'étant ainsi au milieu entre Dieu et les hommes, c'est à lui qu'il appartient en propre de communiquer aux hommes les préceptes et les dons de Dieu, et de se présenter devant Dieu, au nom des hommes, satisfaisant pour eux et intercédant pour eux (III 26,1-2).
- Ce fait, si mystérieux et si merveilleux, du Fils unique de Dieu se revêtant de notre nature humaine et devenant homme comme nous au sens et avec toutes les conséquences qui ont été marquées, comment s' est-il réalisé ou déroulé sur notre terre et dans le domaine de l'histoire?
- Nous répondrons à cette question en considérant quatre choses: d'abord, la venue ou l'entrée du Fils de Dieu incarné en ce monde; secondement, la suite de sa vie en ce monde; troisièmement, sa sortie de ce monde; quatrièmement, son exaltation après cette vie durant laquelle il avait vécu parmi nous (III 27,0 prologue ).
- Comment le Fils de Dieu dans son incarnation est-il venu et a-t-il fait son entrée en ce monde?
- Le Fils de Dieu, dans son incarnation, est venu et a fait son entrée en ce monde, en naissant de la glorieuse Vierge Marie, sa Mère, de laquelle il avait été conçu par l'action toute surnaturelle de l'Esprit-Saint.
- La glorieuse Vierge Marie, que le Fils de Dieu, en vue de son incarnation, s'était choisie pour Mère, avait-elle été gratifiée de privilèges spéciaux en raison de cette maternité?
- Oui; et le plus merveilleux de tous ces privilèges fut celui de l'Immaculée Conception (III 27,0).
- Qu'entendez-vous par ce privilège de l'Immaculée Conception?
- J'entends le fait, qu'eu égard à sa dignité de créature unique choisie pour être la Mère du Fils de Dieu incarné, la très sainte Vierge Marie a été, par une grâce unique lui appliquant par avance les mérites de la rédemption, préservée de la souillure du péché originel qu'elle aurait dû contracter en raison de sa venue d'Adam pécheur par voie de conception naturelle; et que, dès le premier instant de sa création, son âme a été revêtue et ornée de toute la plénitude des dons surnaturels de la grâce (Pie IX. - Définition du dogme de l'Immaculée Conception).
- Qu'entendez-vous quand vous dites que le Fils de Dieu incarné est né de la Vierge Marie?
- J'entends que la Mère du Fils de Dieu, bien loin de perdre sa virginité en raison de sa maternité, a vu, au contaire, consacrer divinement cette virginité par sa maternité, de telle sorte que, vierge avant la conception du Fils de Dieu, elle est demeurée vierge dans cette conception, vierge quand elle lui a donné naissance, et vierge à tout jamais après cette naissance (III 28,1-3).
- Ce fut donc d'une manière toute surnaturelle et miraculeuse que la glorieuse Vierge Marie conçut en elle sous l'action de l'Esprit-Saint le Fils de Dieu se revêtant de notre nature humaine dans son sein virginal?
- Oui; ce fut d'une manière toute surnaturelle et miraculeuse que la glorieuse Vierge Marie conçut en elle, sous l'action de l'Esprit-Saint, le Fils de Dieu se revêtant de notre nature humaine dans son sein virginal; avec ceci toutefois que dans cette conception la très sainte Vierge eut toute la part qu'ont les autres mères dans la conception naturelle de leur enfant (III 31,5).
- Fut-ce tout de suite et instantanément que le Fils de Dieu se trouva ainsi revêtu de notre nature humaine dans le sein virginal de Marie, avec toutes les prérogatives de grâce que nous avons vu qu' il prit dans cette nature humaine en se l'unissant hypostatiquement?
- Oui; ce fut instantanément et tout de suite, dès que la Vierge Marie eut prononcé le fiat de son consentement au jour de l'Annonciation, que se trouvèrent accomplies par l'action toute-puissante de l'Esprit-Saint, dans son sein virginal, toutes les merveilles qui constituent le mystère de l'incarnation (III 34,14).
- Doit-on dire que dès ce premier moment, le Fils de Dieu incarné eut, dans sa nature humaine, l'usage du libre arbitre et qu'il put commencer à mériter?
- Oui; dès ce premier moment, le Fils de Dieu incarné eut, dans sa nature humaine, toutes les splendeurs de science béatifique et infuse dont nous avons parlé plus haut, jouit pleinement de l'usage du libre arbitre, et commença à mériter d'un mérite parfait (III 34,1-3).
- Quand nous disons que le Fils de Dieu est né de la Vierge Marie, est-ce d'une vraie naissance affectant la pers onne du Fils de Dieu que nous parlons; et comment se distingue-t-elle de la naissance par laquelle nous disons que le Fils est né du Père?
- Quand nous disons que le Fils de Dieu est né de la Vierge Marie, c'est d'une vraie naissance affectant la personn e du Fils de Dieu que nous parlons; mais cette naissance se dit en raison de la nature humaine; tandis que lorsque nous parlons de la naissance du Fils de Dieu par rapport à son Père, nous parlons de naissance en raison de la nature divine que le Fils reçoit du Père de toute éternité (III 35,1-2).
- En raison de sa naissance de la Vierge Marie, le Fils de Dieu peut-il être dit Fils de la Vierge Marie et la Vierge Marie peut-elle être dite sa mère?
- Absolument; car tout ce que donne une mère à l'enfant qui est son fils, tout cela la Vierge Marie l'a donné au Fils de Dieu (III 35,3).
- S'ensuit-il que la Vierge Marie soit Mère de Dieu?
- Sans aucun doute, puisqu'elle est vraiment la mère, selon la nature humaine prise par lui, du Fils de Dieu, qui est Dieu (III 35,4).
- Quand le nom de Jésus a-t-il été donné au Fils de Dieu incarné, après sa naissance de la glorieuse Vierge Marie?
- C'est le huitième jour après sa naissance, dans la cérémonie de la circoncision, que le nom de Jésus fut donné au Fils de Dieu incarné, conformément à l'ordre porté du ciel à Marie et à Joseph par l'ange du Seigneur (III 37,2).
- Que signifie le nom de Jésus, donné par choix et par ordre du ciel au Fils de Dieu incarné?
- Ce nom désigne la qualité foncière qui devait être celle du Fils de Dieu incarné, dans l'ordre de la grâce, savoir qu'il serait le Sauveur de tous les hommes.
- Pourquoi ajoute-t-on, au nom de Jésus, le mot Christ, pour désigner le Fils de Dieu incarné?
- Parce que le mot Christ signifie Oint, et désigne excellemment l'onction divine qui fait de lui, à un titre exceptionnel, le saint, le prêtre, et le roi, qui domine tout dans l'ordre du salut (III 22,1 ad 3).
- C'est donc tout cela qu'on désigne quand on dit: Jésus-Christ?
- Oui; quand on dit: Jésus-Christ, on désigne le Fils unique de Dieu, qui, étant de toute éternité, avec son Père et l'Esprit-Saint, le même seul et unique vrai Dieu, par qui toutes choses ont été créées et qui les conserve et les gouverne en souverain maître, s'est revêtu, dans le temps, de notre nature humaine, en raison de laquelle il est vraiment homme comme nous en continuant d'être avec le Père et l'Esprit-Saint le même Dieu qu'il est de toute éternité, ce qui entraîne, dans sa nature humaine, et lui assure, en tant qu'il est homme comme nous, des privilèges de grâce en quelque sorte infinis, au premier rang desquels brille sa qualité de Sauveur des hommes, et qui le constituent, en tant qu'homme, médiateur unique de Dieu et des hommes, prêtre souverain, roi suprême, prophète sans égal, et chef ou tête de toute l'assemblée des élus, anges et hommes, formant tous son véritable corps mystique.
- D'où vient que Jésus-Christ étant ce que nous venons de préciser, il ait voulu, au début de sa vie publique, être baptisé du baptême de Jean?
- Précisément pour commencer sa mission, qui était d'opérer l'oeuvre de notre salut, laquelle devait consister dans la rémission des péchés qui se ferait par le baptême qu' il allait promulguer et inaugurer. Or, ce baptême, qui serait le sien, devait se donner dans l'eau, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; et tous les hommes sans exception devraient le recevoir, étant tous pécheurs. C' est pourquoi, voulant montrer cette nécessité pour tous, il demanda lui-même, qui pourtant n'avait que la similitude de notre chair de péché, à recevoir le baptême de Jean, simple figure de l'autre baptême. Et il reçut ce baptême dans l'eau, afin de sanctifier l'eau par son contact et de la préparer ainsi à être la matière du sacrement. Et, dans son baptême, toute la Trinité se manifesta, lui dans sa nature humaine, l'Esprit-Saint sous la forme d'une colombe, et le Père dans la voix qui se fit entendre, afin de déclarer ce qui serait la forme même du sacrement. Il en montre aussi l'effet, en ce que les cieux s'ouvrirent au-dessus de sa tête; car ce devait être par son baptême que le ciel nous serait rouvert à nous-mêmes, en vertu du baptême de sang où il laverait dans sa propre personne le péché du monde (III 39,1-8).
- Cette entrée de Jésus-Christ au monde par sa naissance, et, dans sa vie publique, par son baptême, fut-elle suivie du cours qui convenait à sa dignité et à sa mission?
- Oui; car il vécut au milieu des hommes d'une vie toute de simplicité, mais de pauvreté parfaite, et en achevant l'ancienne loi dans sa propre personne pour préparer les voies à la loi nouvelle qui devait être la sienne (III 40,1-4).
- Pourquoi Jésus-Christ voulut-il être tenté après son baptême et au début de sa vie publique?
- Pour notre instruction, afin de nous montrer comment nous devions nous-mêmes résister à notre ennemi; et aussi pour répondre, par sa victoire sur le démon, à la défaite qui avait été celle de nos premiers parents, lors de la tentation au paradis terrestre (III 41,1).
- Son enseignement et sa prédication furent-ils ce qu'ils devaient être au cours de sa vie publique?
- Oui; car il parcourut lui-même personnellement tout le territoire du peuple de Dieu auquel il avait été envoyé par son Père; et ne cessa, durant les trois années de sa vie publique, de faire entendre sa voix pour communiquer aux hommes, selon qu'ils pouvaient les porter, les mystères du royaume des cieux (III 42,1-4).
- Les miracles accomplis par lui furent-ils ce qu'ils devaient être?
- Oui; car par la manière dont il les faisait et en montrant sa toute-puissance à l'endroit des créatures spirituelles, à l'endroit des corps célestes, à l'endroit des misères des hommes, à l'endroit des créatures inanimées elles-mêmes, il prouvait excellemment qui il était et donnait aux hommes le moyen infaillible de le reconnaître (III 45,4).
- Parmi ces miracles, en est-il qui soit d'une importance toute spéciale en raison de son caractère et des circonstances dans lesquelles il se produisit?
- Oui; c'est celui de la transfiguration (III 45,0).
- En quoi consiste ce que le miracle de la transfiguration a eu de particulièrement remarquable?
- En ceci, qu'après avoir annoncé à ses disciples les mystères de sa passion et de sa mort ignominieuse sur la croix, leur disant qu'il faudrait que tous les siens le suivent dans ce chemin de douleur, Jésus-Christ voulut montrer aux trois privilégiés, dans sa propre personne, le terme glorieux où ce chemin doit conduire tous ceux qui auront le courage d'y marcher. Et comme cet enseignement est le point culminant de l'enseignement de Jésus-Christ, son autorité exceptionnelle et unique parmi tous les maîtres devait être proclamée en cette circonstance particulièrement solennelle, d'une part en ce que la loi, personnifiée dans Moïse, et les prophètes, personnifiés dans Élie, venaient lui rendre hommage et s'éclipser devant lui, et de l'autre, en ce que la voix du Père lui-même le déclarait son Fils bien-aimé, celui qu'il fallait qu' on écoute (III 45,1-4).
- Pourquoi la voix du Père, proclamant la filiation divine de Jésus-Christ, s'est-elle fait entendre au baptême et à la transfiguration de Jésus?
- Parce que cette filiation divine de Jésus-Christ est le modèle auquel doit nous conformer notre filiation adoptive, commençant par la grâce du baptême et s'achevant dans la gloire de la patrie (III 45,4a d 2).
- N'est-ce point précisément du grand mystère de la passion et de la mort de Jésus-Christ que Moïse et Élie, apparaissant dans la gloire, s'entretenaient avec Jésus sur le Thabor?
- Oui; et c'est ce que saint Luc appelle d'un mot si bien choisi, la sortie de Jésus, qu'il devait accomplir à Jérusalem (III 45,3).
- Que comprend cette « sortie de Jésus » de ce monde, qu'il devait accomplir à Jérusalem?
- Elle comprend quatre choses: la passion, la mort, la sépulture et la descente aux enfers (III 46,0-52).
- Pourquoi Jésus-Christ a-t-il voulu souffrir tout ce qu'il a souffert au cours de sa passion devant aboutir jusqu'à la mort sur la croix?
- Jésus-Christ a voulu souffrir tout cela, d'abord pour obéir à son Père qui l'avait ainsi déterminé dans ses conseils éternels; et parce que, pleinement instruit de ces divins conseils, il savait que cette passion devait être le chef-d'oeuvre de la sagesse et de l'amour de Dieu, réalisant par ce moyen le salut du monde de façon à confondre son mortel ennemi, le démon, et à donner aux hommes le témoignage suprême de son amour (III 46,1).
- Ce que Jésus-Christ a ainsi souffert au cours de sa passion dépasse-t-il tout ce qu'il sera jamais possible de trouver comme somme de souffrance?
- Oui; parce que, d'une part, la sensibilité de Jésus-Christ était la plus parfaite qui fut jamais, soumise à un ensemble de causes de souffrance qui ne se retrouvera jamais semblable, sans que des sommets de son âme jouissant de la parfaite vision béatifique, aucun rayon de consolation descende pour venir adoucir les souffrances de sa partie sensible; et que, d'autre part, Jésus-Christ, portant en lui la responsabilité de tous les péchés du monde qu'il venait effacer par sa passion, a voulu prendre une somme de souffrance qui fût proportionnée à une telle fin (III 46,5-6).
- En quel mode la passion de Jésus-Christ a-t-elle réalisé l'oeuvre de notre salut?
- La passion de Jésus-Christ, considérée dans son rapport d'action avec la divinité et selon qu'elle en était l'instrument, a opéré notre salut par mode de cause efficiente, accomplissant elle-même cette oeuvre de notre salut; considérée comme acceptée par sa volonté humaine, elle a réalisé notre salut par mode de mérite; considérée sous sa raison propre de passion et de souffrance dans la chair de Jésus-Christ ou dans sa partie sensible, elle a réalisé l'oeuvre de notre salut: par mode de satisfaction, en tant qu'elle nous a délivrés de l'obligation à la peine qu'avaient méritée nos péchés; par mode de rédemption, ou de rachat, en tant qu'elle nous a délivrés de l'esclavage du péché et du démon; par mode de sacrifice, en tant que par elle nous rentrons en grâce auprès de Dieu, réconciliés avec lui (III 48,1-4).
- Faut-il dire que d'être rédempteur du genre humain est le propre de Jésus-Christ?
- Oui; car le prix de cette rédemption ou de ce rachat n'est pas autre que le sang et la vie de Jésus-Christ que lui-même a offerts à Dieu son Père et à toute l'auguste Trinité, pour que fût brisée la chaîne qui nous liait au péché et au démon. Toutefois, comme c'est de l'auguste Trinité que l'humanité du Sauveur tenait son sang et sa vie, et que le mouvement par lequel le Fils de Dieu incarné se portait, dans son humanité, à offrir ainsi le prix de notre rédemption venait, dans cette humanité, en première origine, de la divinité, cause première de tout bien, il s'ensuit que l'oeuvre de la rédemption s' attribue principalement à l'auguste Trinité tout entière comme à la cause première, bien qu'elle soit le propre du Fils de Dieu comme homme, en tant que cause immédiate (III 48,5).
- Est-ce à un titre spécial que la passion de Jésus-Christ nous a délivrés de l'esclavage du démon en nous arrachant à sa puissance?
- Oui; car elle a détruit le péché, par lequel l'homme cédant à la suggestion du démon, avait mérité de tomber sous sa puissance; elle nous a réconciliés avec Dieu que nous avions offensé et dont la justice avait livré l'homme à la puissance du démon; enfin, elle a usé le pouvoir tyrannique du démon, en lui permettant de se livrer sur le Fils de Dieu à l'abus de pouvoir qu' il a commis, le faisant mettre à mort, alors qu'il était innocent (III 49,1-4).
- Doit-on dire que l'effet très spécial de la passion de Jésus-Christ a été de nous ouvrir la porte du ciel?
- Oui; car ce qui fermait pour tout le genre humain la porte du ciel était le double obstacle des péchés personnels à chaque homme et du péché de nature commun à tous les hommes, en vertu de leur naissance d' Adam pécheur. Or, ce double obstacle a été entièrement enlevé par la passion de Jésus-Christ (III 49,5).
- Fallait-il que dans sa passion Jésus-Christ allât jusqu'à mourir comme il l'a fait?
- Oui; rien n'était plus en harmonie avec la sagesse des conseils divins et son amour. Car, de la sorte, nous étions nous-mêmes libérés de la mort spirituelle du péché et de la mort qui nous est infligée comme peine du péché. C'est, en effet, en mourant pour nous que Jésus-Christ a vaincu la mort dans sa personne et qu'il nous a valu de pouvoir en triompher nous-mêmes, soit en ne la craignant plus, sachant que nous ne mourons pas pour toujours, soit en nous assurant notre victoire sur elle par notre incorporation à sa propre mort (III 50,1).
Caté Somme - 10. Des conséquences de l'incarnation du Fils de Dieu, selon que nous le considérons en lui-même,