Caté Somme - 43. Du sacrement de mariage: nature; empêchements; devoirs; divorce; secondes noces; fiançailles
- A côté du sacrement de l'Ordre, destiné à perfectionner l'homme en vue de la vie sociale surnaturelle, par le pouvoir qu'il lui confère à l'effet d' agir sur les autres hommes pour leur communiquer les biens de la grâce de Jésus-Christ, quel est l'autre sacrement institué par Jésus-Christ pour perfectionner aussi l'homme en vue de la vie sociale surnaturelle?
- C'est le sacrement de mariage (III 42,0).
- Comment le sacrement de mariage est-il ordonné au bien de la société surnaturelle?
- Le sacrement de mariage est ordonné au bien de la société surnaturelle par cela même qu'il est ordonné essentiellement à la propagation de l'espèce humaine dont les membres sont appelés à faire partie de la société surnaturelle (III 41,0-42).
- Qu'entendez-vous par le sacrement de mariage?
- J'entends l'union de l'homme et de la femme, indissoluble jusqu'à la mort de l'un des deux conjoints, et qui exclut de soi toute participation d'un tiers à cette union, laquelle union est contractée entre sujets baptisés par le consentement réciproque des deux sujets se donnant l'un à l'autre, en vue du droit qu'ils auront tous les deux de s'appeler à vaque r ensemble aux actes qui ont pour effet de donner à la patrie de la terre et à la patrie du ciel les dignes membres qui doivent les peupler (III 41,0-42).
- Pourquoi cette union, dans le moment où elle se contracte entre baptisés, a-t-elle la raison de sacrement?
- Parce que Jésus-Christ l'a voulu ainsi, et qu'il l'a élevée à la dignité de signifier sa propre union avec l'Église, tirée en quelque sorte de son flanc sur la croix comme la première femme avait été tirée par Dieu, au début, du premier homme mystérieusement endormi (III 42,2).
- Que faut-il pour que deux sujets baptisés aient le droit de contracter cette union?
- Il faut qu'ils puissent l'un et l'autre disposer d'eux-mêmes et qu'il n'y ait aucun obstacle qui s'oppose à leur union.
- Quels sont les obstacles qui peuvent s'opposer à l'union matrimoniale?
- C'est ce qu'on appelle les empêchements du mariage.
- Tous les empêchements du mariage sont-ils de même nature?
- Non, car il en est qui ne font que rendre le mariage illicite; tandis qu'il en est d'autres qui le rendent nul.
- Comment appelle-t-on les empêchements qui rendent le mariage illicite; et comment appelle-t-on ceux qui le rendent nul?
- Les premiers s'appellent empêchements prohibants; les seconds, empêchements dirimants (Code CIS 1036).
- Quels sont les empêchements prohibants?
- Ce sont, d'abord, le voeu simple de virginité, ou de chasteté parfaite, ou de ne pas se marier, ou de recevoir les ordres sacrés, et d'embrasser l'état religieux; puis, la parenté légale qui résulte de l'adoption, dans les pays où la loi civile en fait un empêchement prohibant; enfin, ce qui donnerait un mariage mixte quand l'un des deux sujets baptisés se trouve enrôlé dans une secte hérétique ou schismatique (Code CIS 1058-1060).
- Que faut-il pour que le mariage puisse se faire, quand existe l'un de ces empêchements?
- Il faut que l'Église dispense de cet empêchement, chose qu'elle ne fait que pour des raisons graves, surtout dans le cas du mariage mixte, et dans ce cas elle exige l'engagement que la partie non-catholique écarte tout péril de perversion pour la partie catholique et que les deux parties veillent à ce que tous leurs enfants ne reçoivent que le baptême et l'éducation catholiques (Code CIS 1061).
- Si l'une des deux parties, sans appartenir à une secte hérétique ou schismatique, était notoirement impie, ayant rejeté la foi catholique ou s'étant enrôlée dans des sociétés condamnées par l'Église, y aurait-il, dans ce cas, empêchement de mariage?
- Non, de telle manière qu'il faille recourir à une dispense de l'Église; mais l'Église veut que les fidèles redoutent au plus haut point de contracter de telles unions, en raison des périls de toutes sortes qui s'y trouvent attachés (Code CIS 1065).
- Pourriez-vous me dire quels sont les empêchements dirimants du mariage?
- Les voici, tels qu'ils se trouvent précisés dans le Code du nouveau droit canonique:
1° le manque d'âge voulu, c'est-à-dire avant seize ans révolus pour l'homme, avant quatorze ans révolus pour la femme;
2° l'impuissance antérieure au mariage et perpétuelle, du côté de l'homme ou du côté de la femme, connue ou non connue, absolue ou relative;
3° le fait d'être déjà marié, même si le mariage n'a pas été consommé;
4° la disparité du culte, quand l'une des deux parties n'est pas baptisée et que l'autre a été baptisée dans l'Église catholique, ou est revenue à l'Église en se convertissant du schisme ou de l'hérésie;
5° le fait d'être dans les ordres sacrés;
6° le fait d'avoir émis les voeux solennels de religion, ou aussi les voeux simples, auxquels serait jointe, par une prescription spéciale du Saint-Siège, la vertu de rendre le mariage nul;
7° le rapt ou la violente détention en vue du mariage, jusqu'à ce que la partie enlevée ou détenue soit rendue à sa pleine liberté;
8° le crime d'adultère avec promesse ou tentative civile de mariage, ou l'adultère suivi du crime d'assassinat, commis par l'un des deux à l'endroit d'une partie conjointe, ou la coopération, même sans adultère, soit physique, soit morale, dans l'assassinat de l'une des parties conjointes;
9° la consanguinité en ligne directe toujours, et, en ligne collatérale, jusqu'au 3e degré, lequel empêchement ne se multiplie que si chaque fois se multiplie la souche commune aux deux parties;
10° l'affinité en ligne directe toujours, et en ligne collatérale jusqu'au 2e degré inclusivement, et cet empêchement se multiplie selon que se multiplie l'empêchement de consanguinité qui le cause, ou par le mariage subséquent avec un consanguin du conjoint défunt;
11° l'honnêteté publique provenant, d'un mariage invalide, consommé ou non, et du concubinage public ou notoire; il dirime le mariage au premier et au second degré de la ligne droite entre l'homme et les consanguines de la femme, et vice versa;
12° la parenté spirituelle, contractée entre le sujet baptisé et celui qui le baptise et son parrain ou sa marraine;
13° la parenté légale provenant de l'adoption, si la loi civile la tient pour un obstacle à la validité du mariage, devient par la vertu du droit canonique un empêchement dirimant (Code CIS 1067-1080).
- L'Église dispense-t-elle quelquefois de ces empêchements dirimants?
- Elle ne dispense jamais ni ne peut dispenser des empêchements dirimants qui sont de droit naturel strict ou de droit divin, comme sont l'impuissance, ou le mariage consommé, ou la consanguinité de ligne directe ou de ligne collatérale trop rapprochée. Mais les autres empêchements, qui relèvent plutôt d'elle-même, elle en peut dispenser; ce qu'elle ne fait cependant que pour des raisons graves.
- N'y a-t-il pas encore un autre empêchement dirimant, qui ne regarde plus la condition des parties contractantes mais est quelque chose d'extrinsèque?
- Oui; c'est l'empêchement de clandestinité.
- Qu'entendez-vous par l'empêchement de clandestinité?
- J'entends cette loi de l'Église qui déclare nul tout mariage contracté entre des baptisés catholiques, ou ayant appartenu à l'Église catholique; et entre ces baptisés et des non-catholiques, baptisés ou non; et entre latins et orientaux: s'il n'est contracté devant le curé de la paroisse ou devant l'Ordinaire du lieu où se fait le mariage, ou devant un prêtre délégué soit par l'un, soit par l'autre, dans les limites de leur territoire, avec, au moins, la présence de deux témoins. Si le curé ou l'Ordinaire ne pouvaient absolument pas ou sans de trop grosses difficultés être appelés, et qu'il y eût danger de mort, ou que les difficultés dussent rendre cet appel impossible durant un mois, le mariage pourrait être contracté validement avec la seule présence de deux témoins (Code CIS 1094-1099).
- Quand se trouvent réunies, du côté des parties contractantes, en vue du sacrement de mariage à recevoir, toutes les conditions requises, que faut-il pour qu'elles reçoivent en eff et ce sacrement; et quel en est le ministre?
- Il faut et il suffit que les deux parties se donnent l'une à l'autre, actuellement, par consentement libre ou sans violence et sans crainte grave et injuste venue du dehors, formel et réciproque, manifesté au dehors par des paroles ou des signes non équivoques; et elles sont elles-mêmes les ministres du sacrement (Code CIS 1081-1087 III 47,1-6).
- Le consentement qui fait le mariage pourrait-il être infirmé et annulé, s'il y avait erreur du côté des personnes contractantes?
- Si l'erreur portait sur la personne elle-même, le mariage serait nul; il serait illicite, si l'erreur portait sur les qualités de la personne (Code CIS 1083).
- Est-il bon qu'à l'occasion de la célébration de ce sacrement, les parties contractantes assistent à une messe spéciale, où leur union sera bénie par le prêtre?
- Oui; et l'Église souhaite aussi, vivement, que tous ses enfants, avant de recevoir ce grand sacrement où doit leur être accordée une grâce spéciale en vue des charges du mariage, se disposent à recevoir cette grâce dans toute sa plénitude par une bonne confession et une communion fervente (Code CIS 1101).
- Quelle est la grâce spéciale attachée au sacrement de mariage?
- C'est la grâce d'une parfaite harmonie conjugale qui s'inspire d'une affection vraie, profonde, surnaturelle, de nature à résister à tout ce qui pourrait la compromettre jusqu'à la mort, et en même temps la grâce d'une générosité à toute épreuve en vue des futurs petits êtres dont leur union pourra être bénie de Dieu, à l'effet de ne pas entraver leur venue, de les voir se multiplier avec une sainte joie, et de veiller avec le soin le plus jaloux à tout ce qui pourra former leurs âmes et leurs corps, soit comme membres de la patrie de la terre, soit comme membres de la patrie du ciel (III 49,1-6).
- Est-ce que le mariage, une fois validement contracté, peut être dissous par le divorce civil?
- Nullement; car aucune loi humaine ne peut séparer ce que Dieu a uni. Aussi bien, même après le divorce civil, les deux parties demeurent unies par le lien du mariage, et si l'une ou l'autre passe à de nouvelles noces, la nouvelle union est purement concubinaire, aux yeux de Dieu et de l'Église.
- Après la mort de l'un des deux conjoints, est-il permis à la partie qui survit de contracter un nouveau mariage?
- Oui; la chose est permise: bien que l'état de veuvage soit, pris en lui-même, plus honorable; seulement, dans le cas de ces nouvelles noces, la femme qui a déjà reçu une première fois la bénédiction nuptiale solennelle, ne peut pas la recevoir de nouveau (III 43,0 Code CIS 1142-1143).
- Les fiançailles qui se célèbrent avant le mariage sont-elles chose bonne?
- Oui: elles consistent essentiellement en la promesse que se font deux aspirants au mariage, en vue du mariage à contracter entre eux dans un temps à venir. Pour qu'elles soient [juridiquement] valides, soit au for intérieur, soit au for extérieur, il faut que la promesse soit faite par écrit et qu'elle soit signée des deux parties, du curé ou de l'Ordinaire du lieu, ou du moins de deux témoins. Si l'une des deux parties ne savait pas écrire, ou ne pouvait pas le faire, il faudrait le signaler dans l'acte et amener un nouveau témoin pour signer (III 43,1; Code CIS 1017).
- Les fiançailles donnent-elles le droit d'user du mariage avant que le mariage soit célébré?
- Nullement; et des fiancés qui en agiraient de la sorte, outre qu'ils commettraient une faute grave, se voueraient eux-mêmes à la justice de Dieu qui pourrait leur faire payer très cher, plus tard, dans le mariage, l'abus qu'ils auraient fait de l'honnêteté des fiançailles.
- Par cette merveilleuse économie des sept sacrements qu'il a institués pour communiquer aux hommes l'effet de la rédemption, hors de laquelle il n' est point de salut, ni de vie morale parfaite, possible pour eux; et dont les cinq premiers, qui sont le baptême, la confirmation, l'eucharistie, la pénitence et l'extrême-onction, perfectionnent l'homme en ce qui est de sa propre personne, tandis que les deux autres, qui sont l'Ordre et le mariage, le perfectionnent en vue du bien commun de toute la société dans laquelle il vit et qui d evait avoir en elle, en effet, la vertu de se multiplier et de se continuer source de vie surnaturelle pour tous les hommes jusqu'à la fin des temps; - à quelle foi, Jésus-Christ, - qui vit et qui règne au ciel depuis son ascension, et, de là, veille au bien de son Église par l'Esprit-Saint qu'il lui a envoyé et qui en est l'âme, - conduit-il le genre humain qu'il a conquis par son sang?
- Il le conduit à la fin de la vie immortelle, qui doit s'épanouir dans la gloire, au ciel, pendant toute l'éternité.
- Est-ce tout de suite, et pour ainsi dire de plain-pied, que Jésus-Christ conduit ainsi, par l'action de son gouvernement rédempteur, les hommes à la gloire de l'immortelle vie?
- Non pas; car bien que les mystères accomplis dans son humanité sainte et les sacrements qui nous unissent à ces mystères, eussent la vertu de le faire, il convenait à la sagesse divine que la nature humaine, condamnée dans son fond, et comme nature pécheresse ou déchue, à porter la peine de ce péché de nature, ne fût restaurée comme nature, dans toute sa plénitude, en la personne de ses divers individus, qu'au terme du cours de son évolution parmi les hommes. Et voilà pourquoi, même les baptisés, ou tous ceux qui participent aux sacrements de Jésus-Christ, même après leur sanctification personnelle, demeurent soumis aux pénalités de la vie présente, et, notamment, à la plus redoutable de toutes, la mort (III 69,1).
- Ce ne sera donc qu'à la fin des générations humaines, que la mort elle-même sera définitivement vaincue, et que tous les rachetés de Jésus-Christ pourront ressusciter en vue d'une vie immortelle s'épanouissant pleinement dans leur âme et dans leur corps, au ciel, pour toute l'éternité?
- Oui, ce ne sera qu'alors; et, d'ici-là, quand ils meurent, ils restent dans un certain état intermédiaire, qui est un état d'attente.
- Qu'entendez-vous quand vous dites qu'ils restent dans un certain état intermédiare, qui est un état d'attente?
- On veut dire, par là, que, ou bien ils n'obtiennent pas tout de suite la récompense de leur vie méritoire, ou bien, s'ils se trouvent placés au terme de la récompense pour leurs mérites ou du châtiment pour leurs démérites, ils n'auront pas, jusqu'au jour de la résurrection, leur récompense ou leur châtiment, avec toute la plénitude qu'ils auront éternellement à partir de ce jour-là (III 69,2).
- Comment appelez-vous le lieu intermédiaire où se trouvent, après leur mort, ceux qui n'obtiennent pas tout de suite la récompense de leur vie méritoire?
- On l'appelle le purgatoire (III 71,6; Appendice, II).
- Quelles sont les âmes qui occupent, après la mort, ce lieu intermédiaire qui est le purgatoire?
- Ce sont les âmes des justes qui meurent dans la grâce de Jésus-Christ, mais qui, au moment de leur mort, se trouvent n'avoir pas entièrement satisfait à la justice de Dieu, pour la peine temporelle due au péché (Ibid.).
- Le purgatoire est donc un lieu d'expiation où l'on doit, par des peines proportionnées, satisfaire à la justice de Dieu, avant de pouvoir être admis à la récompense du ciel?
- Exactement, le purgatoire est cela; et rien ne pouvait être plus en harmonie, soit avec la miséricorde de Dieu, soit avec sa justice (Ibid.).
- Comment ou en quoi la miséricorde de Dieu éclate-t-elle dans l'expiation du purgatoire?
- Elle éclate en ceci que, même après leur mort, Dieu donne aux âmes des justes, le moyen de satisfaire à sa justice et de se préparer ainsi à entrer dans le ciel, libres de toute dette envers cette justice. Mais elle éclate aussi en ce que, par la communion de saints, Dieu permet aux vivants qui sont sur la terre d'offrir, en forme de suffrages, leurs propres satisfactions, ou d' appliquer, en gagnant des indulgences à leur intention, les satisfactions de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des saints, au lieu et place des satisfactions que les chères âmes du purgatoire devraient donner à la justice de Dieu, et, par là, de hâter leur entrée dans le ciel (III 71,6).
- Parmi tous les actes que peuvent faire ou procurer les justes qui vivent sur la terre à l'effet d'abréger l'expiation des âmes du purgatoire, en est-il un qui soit plus particulièrement excellent?
- Oui; c'est l'oblation du saint sacrifice de la messe.
- Est-il important, quand on fait ou que l'on procure cette oblation en vue des âmes du purgatoire, que l'on ait soi-même une plus grande ferveur?
- Oui; car, lorsqu'il s'agit de satisfaire à la justice de Dieu dans l'ordre de la rémission des péchés, Dieu regarde sans doute la valeur de ce qu'on lui offre - et, dans l'oblation du saint sacrifice de la messe, cette valeur est infinie; - mais il regarde, plus encore, la ferveur de celui qui offre: qu'il offre par lui-même, comme le prêtre; ou qu'il offre par l'entremise ou le ministère d'un autre, comme les fidèles qui demandent au prêtre d'offrir en leur nom et à leur intention le saint sacrifice de la messe (III 71,9 III 79,5).
- C'est donc sur la ferveur de ceux qui demandent au prêtre d'offrir à leur intention le saint sacrifice de la messe, que Dieu mesure plus spécialement l'application du fruit du sacrifice?
- Oui, il en est ainsi; et cela montre combien ils doivent eux-mêmes s'exciter à la ferveur en faisant cette demande.
- Les oeuvres satisfactoires que les justes font sur cette terre en les offrant à Dieu par mode de suffrages avec l'intention de les appliquer, soit aux âmes du purgatoire en général, soit à tel groupe d'âmes, soit à telle âme en particulier, sont-elles appliquées conformément à leur intention?
- Oui; et avec le degré de valeur que leur donne la ferveur du sujet qui les accomplit et les offre ainsi en esprit de charité (III 71,6).
- Peut-on aussi appliquer, soit aux âmes du purgatoire en général, soit à tel groupe d'âmes, soit à telle âme en particulier, les indulgences que l'on gagne et qui sont applicables aux âmes du purgatoire?
- Oui, on le peut également; et tout dépend ici de l'intention de celui qui les gagne, réglée elle-même par l'intention de l'Église que manifeste la teneur des termes qui fixent la concession (III 71,6; Code, CIS 930).
- Quand se trouve achevée ou complète la satisfaction qu'elles devaient offrir à Dieu pour leurs péchés passés, les âmes qui étaient détenues au purgatoire, sont-elles immédiatement introduites dans le ciel?
- Oui; c'est tout de suite après qu'elles ont complété leur satisfaction, que les âmes des justes détenues au purgatoire en sont retirées pour être introduites au ciel (III 69,2; Appendice, II, 6).
- Qu'entendez-vous par le ciel?
- J'entends le lieu où se trouvent, depuis le commencement du monde les anges bienheureux, et où sont admis tous les justes, rachetés du sang de Jésus-Christ, depuis le jour où Jésus-Christ y a fait son ascension glorieuse.
- Que faut-il pour que les justes, rachetés du sang de Jésus-Christ, soient ainsi admis dans le ciel?
- Il faut qu'ils soient arrivés au terme de leur vie mortelle, et qu'ils n'aient aucune dette à payer à la justice de Dieu (III 69,2).
- Y a-t-il des âmes justes qui sont admises au ciel, tout de suite après la mort?
- Oui; ce sont les âmes qui ont reçu, avec un plein effet, l'application des mérites de Jésus-Christ; ou qui ont offert à Dieu, sur cette terre, en union avec la satisfaction de Jésus-Christ, toute la plénitude de satisfaction qu'elles pouvaient devoir à Dieu pour leurs péchés (III 69,2).
- Les enfants qui meurent après avoir reçu le baptême et avant d'être arrivés à l'âge de pouvoir pécher, sont-ils admis au ciel tout de suite après leur mort?
- Oui; parce qu'ils n'ont plus le péché originel, qui, seul, aurait pu les empêcher d'entrer au ciel.
- En serait-il de même pour les adultes qui, ayant déjà commis des péchés mortels, recevraient le baptême avec de bonnes dispositions et mourraient tout de suite après ou avant d'avoir commis d' autre péché?
- Oui; parce que le sacrement de baptême applique dans toute leur plénitude ou avec un plein effet les mérites de la passion de Jésus-Christ (III 69,1-2 III 69,7-8).
- Et ceux qui, après avoir commis des péchés, même mortels, depuis leur baptême et qui n'en avaient pas encore fait suffisamment pénitence, au moins quant à la satisfaction de la peine, mais qui, au moment de leur mort, donneraient leur vie à Dieu dans un acte de charité parfaite, pourraient-ils être également reçus dans le ciel tout de suite après leur mort?
- Oui; surtout quand cet acte de charité parfaite est le martyre (II-II 124,3).
- Que deviennent les âmes des justes, dès qu'elles ont fait leur entrée dans le ciel?
- Elles sont tout de suite admises à la vision de Dieu, qui les comble d'un bonheur en quelque sorte infini (I 12,11).
- Est-ce par elles-mêmes qu'elles peuvent ainsi voir Dieu; ou faut-il qu'elles reçoivent, à cet effet, une perfection toute nouvelle, en plus des perfections d'ordre surnaturel qu' elles pouvaient avoir déjà par la grâce, les vertus et les dons?
- Il faut qu'elles reçoivent une perfection toute nouvelle et qui est le couronnement dernier de toutes les autres perfections surnaturelles qu'elles avaient déjà (Ibid., I 12,5).
- Comment s'appelle cette perfection et ce couronnement?
- On l'appelle la lumière de gloire (Ibid.).
- Qu'entendez-vous par cette lumière de gloire?
- J'entends une qualité que Dieu produit dans l'intelligence des bienheureux et qui lui donne de pouvoir recevoir en elle comme principe propre de son acte de vision l'essence divine dans toute la splendeur de son infinie lumière (Ibid.).
- Que résulte-t-il, pour le bienheureux, de cette union de l'essence divine avec son intelligence perfectionnée par la lumière de gloire?
- Il en résulte qu'il voit Dieu comme Dieu se voit lui-même (Ibid.).
- Est-ce là ce qu'on appelle la vision face à face?
- Oui; c'est la vision face à face, qui nous est promise dans la sainte Écriture et qui, nous rendant semblables à Dieu autant qu'une créature puisse l'être, devait être le dernier mot de tout dans l'oeuvre divine.
- Est-ce pour cette vision de lui-même à communiquer aux bienheureux et pour l'infini bonheur qui leur en revient, que Dieu a créé toutes choses et les gouverne au cours de toute l'évolution du monde depuis le commencement jusqu'à la fin?
- Oui; c'est exactement pour cela; et quand toutes les places qu'il a marquées dans son ciel seront remplies; lorsque, par l'action de son gouvernement divin, il aura achevé la préparation du dernier élu qu'il a résolu, dans le mystère de sa libre et souveraine prédestination, d'y introduire, alors la marche actuelle du monde finira, et Dieu fixera le monde dans un état nouveau qui sera celui de la résurrection.
- Pouvons-nous savoir quand aura lieu la fin du monde actuel et quand Dieu doit fixer le monde dans l'état nouveau de la résurrection?
- Non; car ceci dépend uniquement du conseil de Dieu en ce qu'il a de plus intime et qui est l'ordre de sa prédestination.
- Les élus bienheureux qui jouissent déjà de la vision de Dieu dans le ciel s'intéressent-ils aux choses de la terre et du monde humain dans lequel ils ne sont plus?
- C'est au plus haut point que les élus bienheureux qui jouissent déjà de la vision de Dieu dans le ciel s'intéressent aux choses de la terre et du monde humain, bien qu'ils n' y soient plus; parce que c'est dans ce monde humain que continue à se dérouler le grand mystère de la prédestination divine et que l'accomplissement parfait de ce mystère doit coïncider avec le dernier achèvement de leur propre béatitude au jour de la résurrection glorieuse.
- Les élus qui sont déjà au ciel voient-ils tout ce qui se passe sur la terre?
- Ils voient, dans la vision même de Dieu, tout ce qui, des choses de la terre, se rapporte plus particulièrement à eux dans l'accomplissement du mystère de la prédestination dans le monde.
- Connaissent-ils les prières qu'on leur adresse; et aussi les besoins spirituels ou temporels de ceux qui les touchent de plus près?
- Oui, assurément; et ils sont toujours disposés à répondre à ces prières ou à pourvoir à ces besoins, en intervenant auprès de Dieu par leur intercession toute-puissante (III 72,1).
- D'où vient donc que nous ne ressentons pas toujours l'effet de leur intervention?
- Parce que cette intervention se produit dans la pleine lumière de Dieu, où ce qui peut nous paraître un bien à nous et pour nous, ne l'est peut-être pas selon la vérité ou dans l'ordre du plan divin (III 72,3).
- En réalité, il peut donc y avoir un commerce continuel entre nous qui vivons sur la terre et les saints qui sont déjà au ciel, y jouissant de la vision de Dieu?
- Oui; ce commerce peut être continuel; car il ne tient qu'à nous d'évoquer le souvenir de ces âmes saintes pour nous réjouir avec elles de leur bonheur et les prier de nous aider par leur intercession à le conquérir nous-mêmes.
- A l'extrême opposé du lieu d'éternelle béatitude qu'est le ciel, y a-t-il un autre lieu qui soit le lieu de l'éternelle damnation; et de quel nom l'appelle-t-on?
- Oui; ce lieu existe; et on l'appelle l'enfer (III 69,2).
- Qu'est-ce donc que l'enfer?
- L'enfer est un lieu de tourments auquel sont condamnés tous ceux qui par leurs crimes se sont révoltés contre l'ordre de la Providence ou de la prédestination et ont été fixés dans ces crimes de façon à ne s'en convertir jamais.
- Quels sont ceux qui se trouvent dans ce cas?
- Parmi les anges, ce sont tous les anges qui ont péché; et, parmi les hommes, tous ceux qui sont morts dans l'impénitence finale (III 69,2).
- De ce que les damnés sont fixés dans le mal de façon à ne pouvoir plus revenir de leur obstination, que s'ensuit-il?
- Il s'ensuit que les peines et les tourments qu'ils méritent en raison de leurs crimes dureront toujours et ne finiront jamais.
- Mais Dieu ne pourrait-il pas mettre un terme à ces peines ou à ces tourments?
- Il le pourrait, de puissance absolue, puisque rien n'est impossible à sa toute puissance; mais, dans l'ordre de sa sagesse, il ne saurait le faire: car, selon cet ordre, désormais immuable, les créatures raisonnables arrivées au terme de leur vie morale, se trouvent fixées pour toujours dans le bien ou dans le mal: et le mal durant toujours, il faut bien que le châtiment de ce mal dure de même (III 99,1-2).
- C'est donc éternellement que les damnés devront subir les peines de l'enfer?
- Oui; c'est éternellement que les damnés devront subir les peines de l'enfer (Ibid.).
- Et quelles sont ces peines que les damnés devront subir éternellement?
- Ces peines sont de deux sortes; savoir: la peine du dam, et la peine du sens (III 97,1-2).
- Qu'entend-on par la peine du dam?
- La peine du dam est constituée par la privation du bien infini qu'on possède au ciel dans la vision béatifique.
- Cette peine est-elle bien sensible aux réprouvés dans l'enfer?
- Cette peine est et sera éternellement le tourment indicible des réprouvés de l'enfer.
- D'où vient que cette peine sera si cruellement ressentie par les réprouvés dans l'enfer?
- Cela vient d'abord de ce qu'étant arrivés au terme, ils auront vu le néant de tous les autres biens qu'ils avaient recherchés au préjudice de celui-là et qu' ils auront alors la notion exacte de la grandeur du bien qu'ils ont perdu; et ensuite de la conscience très nette qu'ils auront de l'avoir perdu uniquement par leur faute.
- Cette vue de leur conscience et de leur propre responsabilité dans la perte du bien infini, est-elle proprement ce que désigne l'Évangile sous le nom du ver rongeur qui ne meurt pas?
- Oui; car ce ver rongeur est ce qu'il y a de plus horrible pour un être conscient et il n'est autre que le remords dont la morsure devrait le tuer mille fois s'il pouvait mourir (III 97,2).
- Faut-il entendre aussi dans un sens métaphorique ou purement spirituel l'autre peine dont parle l'Évangile, et qu'il appelle le feu qui ne s'éteint pas?
- Non; ce feu doit s'entendre au sens d'un feu matériel; car il désigne proprement la peine du sens (III 97,5).
- Mais comment un feu matériel peut-il agir sur des esprits ou sur des âmes séparées de leur corps?
- Par un ordre spécial de la justice de Dieu qui communique à ce feu matériel, en raison de son action propre et de ce que cette action signifie, la vertu préternaturelle de servir d'instrument à cette justice (III 70,3).
- Est-ce de la même manière que tous les damnés seront tourmentés par le feu de l'enfer?
- Non; car étant l'instrument de la justice de Dieu, l'action de ce feu sera proportionnée à la nature, au nombre et à la gravité des péchés qui auront été commis par chacun (III 97,5 ad 3).
- Le supplice des damnés sera-t-il accru de l'affreuse compagnie que constituera cette horrible société où se trouveront tous les malfaiteurs et tous les criminels du genre humain, mélangés aux démons qui auront pour office de les tourmenter sous l'empire du premier d'entre eux, chef suprême du royaume du mal?
- Oui; très certainement, et c'est ce que paraît signifier l'Évangile quand il parle des ténèbres extérieures où sont les pleurs et les grincements de dents (III 97,3-4).
- Par quel acte se fait le départ entre ceux qui vont immédiatement au ciel ou au purgatoire ou en enfer?
- C'est par l'acte du jugement que ce départ se fait.
- Qu'entendez-vous par le jugement?
- J'entends cet acte de la justice de Dieu qui prononce définitivement sur l'état d'un sujet donné en vue de la récompense ou du châtiment à recevoir.
- Quand est-ce que se fait cet acte souverain de la justice de Dieu?
- Il se fait immédiatement après la mort, au moment où l'âme se trouve séparée du corps.
- Et où se fait cet acte du jugement?
- Là même où a eu lieu cette séparation de l'âme et du corps qui constitue la mort.
- Par qui se fait l'acte du jugement?
- L'acte du jugement se fait par Dieu lui-même, dont la vertu passe par l'humanité sainte du Verbe fait chair, depuis l'ascension de Jésus-Christ au ciel.
- Est-ce que l'âme qui est jugée voit Dieu ou l'humanité sainte de Jésus-Christ?
- Il n'y a, à voir Dieu dans son essence ou même l'humanité sainte de Jésus-Christ qui est au ciel, que les âmes dont le jugement porte une sentence d'entrée immédiate dans le paradis.
- Et le jugement des autres âmes, comment se fait-il?
- Il se fait par un coup de lumière qui met sous leurs yeux instantanément toute la suite de leur vie et leur montre que la place qu'elles reçoivent immédiatement, ou dans l'enfer, ou dans le purgatoire, est tout ce qu'il y a de plus juste et de plus mérité.
- C'est donc quasi par un même acte et comme dans le même instant que les âmes, aussitôt séparées de leur corps, se trouvent jugées et placées, en raison de ce jugement, dans l'enfer, ou au purgatoire, ou au ciel?
- Oui; c'est quasi par un même acte, et comme dans le même instant, tout cela se faisant par la toute-puissance de Dieu, qui agit instantanément.
- Et sur quoi porte ce grand acte du jugement ou que montre-t-il à l'âme qui est ainsi jugée?
- Cet acte porte sur toute la suite de la vie morale et consciente, depuis le premier moment où l'on a eu l'usage de la raison, jusqu'au dernier acte qui a précédé la séparation même de l'âme d'avec le corps.
- Ce dernier acte qui aura précédé la séparation de l'âme d'avec le corps, aura-t-il pu, à lui tout seul, quelquefois, décider du sort d'une âme pour toute l'éternité, et lui valoir l'obtention du ciel?
- Oui; mais il ne le fait jamais qu'en raison d'une miséricorde très spéciale de Dieu et parce que, le plus souvent, d'autres actes dans la vie du sujet auront en quelque sorte préparé cette grâce, ou en raison de prières d'âmes saintes qui auront incliné Dieu à cet acte de suprême miséricorde.
- Et que verra l'âme qui est ainsi jugée, dans cette lumière qui met sous ses yeux instantanément toute la suite de sa vie et lui montre que la place qu'elle reçoit à l'instant même, ou dans l'enfer, ou au purgatoire, ou dans le ciel, est tout ce qu'il y a de plus juste et de plus mérité?
- Elle verra, jusque dans leur plus menu détail, tous les actes accomplis par elle et dont elle a pu être responsable au cours de toute sa vie, quelque longue qu'elle ait pu être, et pour chacune des journées qui ont composé le cours de cette vie, et pour chacun des instants qui ont composé ces journées: ses pensées les plus intimes et les plus changeantes; ses affections, quel qu'ait été leur objet, ou leur caractère, ou leur mouvement intérieur et extérieur; ses paroles graves ou légères, mûries ou inconsidérées, et vaines ou oiseuses; ses actes et la part qu'y auront eue ses sens ou les organes et les membres de son corps; - dans l'ordre de chaque vertu et de chaque vice, depuis la vertu de tempérance avec tout ce qui s'y rattache, en passant par la vertu de force et ses annexes, la vertu de justice et ses i nfinies ramifications, la vertu de prudence et ses applications de chaque instant dans la pratique des vertus morales, qu'il s'agît de la pratique de ces vertus sous leur raison de vertus naturelles, ou sous leur raison de vertus surnaturelles et infuses; mais plus encore et par-dessus tout, en ce qui est des grandes vertus théologales de foi, d'espérance et de charité, qui devaient tout commander dans sa vie. Elle verra ce qu'elle aura fait du sang de Jésus-Christ et de tous les mystères du salut attachés à ce sang rédempteur par l'usage des sacrements de la grâce dispensés dans l'Église catholique: comment elle aura négligé ou utilisé la grande vertu de pénitence avec les satisfactions qu'elle lui offrait par l'entremise du pouvoir souverain des clefs. Et ce sera cette vue instantanée qui lui fera dire, ou avec la joie reconnaissante des élus dans le ciel, ou avec la résignation aimante des justes dans le purgatoire, ou avec la rage désespérée des damnés dans l'enfer: votre jugement, ô Dieu, et votre sentence, sont la justice même.
Caté Somme - 43. Du sacrement de mariage: nature; empêchements; devoirs; divorce; secondes noces; fiançailles