Catena Aurea 3102

v. 2

3102 Mt 1,2

S. Aug. (de l'accord des Evang. liv. 2, chap. 1). Saint Matthieu en commençant son évangile par la généalogie de Jésus-Christ, prouve par là qu'il a entrepris de nous raconter l'origine de Jésus-Christ selon la chair. Saint Luc au contraire qui se propose de nous le pré senter surtout comme Prêtre chargé d'expier nos péchés, ne raconte la généalogie de Jésus-Christ qu'après son baptême, alors que saint Jean lui rendit ce témoignage: Voici celui qui efface les péchés du monde.

La suite des générations dans saint Matthieu nous représente Notre-Seigneur Jésus-Christ pre nant sur lui nos péchés, et dans saint Luc, Notre-Seigneur effaçant ces mêmes péchés (cf. Lc 3,23: «Et Jésus avait alors trente ans commencés, étant comme l'on croyait, fils de Joseph»); c'est pour cela que saint Matthieu dresse cette généalogie en descendant, et saint Luc en re montant. Or s aint Matthieu, qui raconte la génération de Jésus-Christ en commençant par ses premiers ancêtres, ouvre la série des générations par Abraham. - S. Amb. (sur S. Luc). En effet, Abraham fut le premier qui mérita que Dieu rendit témoignage à sa foi, parce qu'il crut à Dieu, et que sa foi lui fut imputée à justice (Gn 15, 16; Rm 4, 6; Gal 3, 1; Jc 3, 23). Il avait aussi droit à nous être représenté comme la souche de la génération du Christ, parce que le premier encore il reçut la promesse de l'établissement de l'Église par ces paroles: «En toi seront bénies toutes les nations de la terre».David partage également cet honneur que Jésus soit appelé son fils, et la prérogative de voir la généalogie du Sauveur commencer par son nom. - S. Aug. (Cité de Dieu, liv. 15, chap. 15). L'Évangéliste S. Matthieu voulant graver dans la mémoire la génération de Jésus-Christ selon la chair par la série de ses aïeux, com mence par Abraham et dit: «Abraham engendra Isaac». Pourquoi ne dit-il pas: il engendra Ismaël qui fut l'aîné de ses enfants? Il ajoute Isaac engendra Jacob».Pourquoi n'a-t-il pas dit: Il engendra Esaü qui fut son premier-né? C'est que ni par Ismaël, ni par Esaü on ne pour rait descendre jusqu'à David. - La Glose. Cependant les frères de Juda sont comptés avec lui dans la génération, parce qu'ils font partie du peuple de Dieu, tandis qu'Ismaël et Esaü n'ont pas persévéré dans le culte d'un seul Dieu. - S. Chrys. (hom. 3 sur S. Matth). Ou bien il fait mention des douze patriarches pour ôter tout prétexte à l'orgueil qui vient de la noblesse des aïeux. Car plusieurs d'entre eux eurent pour mères de simples servantes, mais tous furent également patriarches et chefs de tribu. - La Glose. Juda est désigné nommément, parce que c'est de lui seul qu'est descendu le Seigneur.

S. Anselme. Chacun des aïeux du Christ doit nous rappeler non seulement leur histoire, mais encore une allégorie et une moralité: une allégorie en ce que tous ont été la figure du Christ; une moralité, parce que chacun d'eux nous inspire la vertu par la signification de son nom ou par les exemples de sa vie. Ainsi Abraham dans plusieurs circonstances a été la figure du Christ et il l'a été de plus par son nom, car Abraham signifie père de plusieurs nations, et le Christ a été aussi le père de tous les fidèles (Ps 17,40). Abraham sortit encore de sa famille pour aller habiter dans une terre étrangère, et le Christ abandonna le peuple juif pour aller chez les Gentils dans la personne de ses Apôtres. - S. Chrys. (sur S. Matth). Isaac signifie ris. Or le rire des saints n'est pas l'éclat insensé qui sort des lèvres, mais la joie modérée d'une âme raisonnable. En cela il a été la figure du Christ, car de même qu'Isaac fut donné à ses parents dans leur extrême vieillesse pour être leur joie, et l eur apprendre qu'il n'était pas l'enfant de la nature mais de la grâce, ainsi Jésus-Christ naquit dans les derniers temps d'une mère juive, pour être la joie de tous; l'un naquit d'une vierge, l'autre d'une femme âgée, tous deux contre les lois et l'espérance de la nature. - Remi. Le nom de Jacob signifie qui supplante, qui renverse, et il est dit du Christ: «Vous avez renversé sous moi ceux qui s'élevaient contre moi (Ps 17,40) ».

S. Chrys. (sur S. Matth). Notre Jacob engendra douze apôtres non dans la chair, mais dans l'esprit, non de son sang, mais par sa parole. Juda signifie celui qui confesse, qui rend gloire, et en cela il était la figure de Jésus-Christ qui devait rendre gloire à son Père: «Je vous rends gloire, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre». - La Glose. Au sens moral, Abraham par ses exemples est une figure de la vertu de foi, puisqu'il est dit de lui: «Abraham crut à Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice». Isaac est la figure de l'espérance, car son nom signifie ris, et il fut en effet la joie de ses parents. Or c'est ce que fait également l'espérance en nous comblant de joie dans l'attente des biens éternels. Abraham engendra Isaac, parce que la foi est mère de l'espérance. Jacob est la figure de la charité, car la charité embrasse à la fois deux vies différentes: la vie active par l'amour du prochain, la vie contemplative par l'amour de Dieu. La vie active est figurée par Lia, la contemplative par Rachel. Lia signifie celle qui travaille, parce que la vie active suppose nécessairement le travail, Rachel le principe vu, car par la vie contemplative on voit Dieu qui est le principe de toutes choses. Jacob a pour aïeul et pour père Abraham et Isaac, parce que la charité naît de la foi et de l'espérance. En effet, ce que nous croyons, ce que nous espérons, nous ne pouvons nous empêcher de l'aimer.


vv. 3-5

3103 Mt 1,3-5

La Glose. L'Évangéliste laissant de côte les autres enfants de Jacob, poursuit la descen dance de Juda en ces termes «Juda engendra Phares et Zara». - S. Aug. (Cité de Dieu, liv. 15, chap. 45). Juda n'était pas l'aîné. Ces deux enfants jumeaux n'étaient pas non plus ses premiers-nés, car il en avait eu trois autres avant eux. L'écrivain sacré les place dans la série des générations, pour arriver par eux jusqu'à David, et de là au but qu'il se propose.

S. Jér. Il est à remarquer que dans la généalogie du Sauveur l'Évangéliste ne nomme aucune des saintes femmes de l'ancienne loi, mais uniquement celles dont l'Écriture blâme la conduite. En voulant naître ainsi de femmes pécheresses, celui qui était venu pour les pécheurs veut nous apprendre qu'il venait effacer les péchés de tous les hommes, c'est pour cette raison que nous trouvons dans les versets suivants Ruth la Moabite. - S. Amb. (sur S. Luc, chap. 3). S. Luc les a omises pour montrer dans toute sa pureté la généalogie sacerdotale du Sauveur. Et tou tefois, le dessein de saint Matthieu n'a rien qui blesse la raison ou la justice. Il se proposait en effet d'exposer la génération selon la chair de celui qui venait se charger de nos péchés, se soumettre à tous les outrages, s'assujettir à toutes les souffrances, et il n'a pas cru qu'il fût indigne de cette bonté, de faire connaître qu'il n'avait pas voulu se soustraire à l'humiliation d'une origine qui n'était pas exempte de tache. L'Église en voyant le Seigneur compter des pécheurs parmi ses ancêtres apprenait aussi à ne point rougir de se voir elle-même composée de pécheurs. Enfin le Sauveur faisait ainsi remonter jusqu'à ses ancêtres le bienfait de sa ré demption, nous apprenait qu'une tache dans la naissance n'était pas un obstacle à la vertu, et anéantissait l'arrogance de ceux qui se vantent de la noblesse de leur origine.

S. Chrys. (hom. 3 sur S. Matth). Le dessein de l'Évangéliste est de nous montrer que tous ont été coupables de péché. C'est Thamar accusant Juda de fornication; c'est David devenant le père de Salomon par suite d'un adultère. Or, si la loi était violée par les personnes les plus marquantes du peuple de Dieu, elle l'était de même par tous les autres; ainsi tous avaient pé ché, et la venue du Christ était indispensablement nécessaire.

S. Amb. (sur S. Luc). Remarquez que ce n'est pas sans raison que saint Matthieu nomme ces deux frères, bien qu'il ne fût nécessaire que de faire mention de Pharès. La vie de chacun d'eux renferme un mystère, et ces deux frères jumeaux représentent la double vie des peuples, l'une selon la loi, l'autre selon la foi. S. Chrys. (sur S. Matth). Zara représente le peuple juif qui apparut le premier à la lumière de la foi, sortant pour ainsi dire du sein ténébreux du monde, c'est pour cela qu'il fut marqué par le ruban d'écarlate de la circoncision, l'opinion générale étant que le peuple circoncis devait être plus tard le peuple de Dieu. Mais la loi fut placée de vant lui comme une haie ou comme une muraille, et devint pour ce peuple un empêchement. Lorsque le Christ fut venu, la muraille de la loi qui séparait les Juifs des Gentils fut renversée selon ces paroles de l'Apôtre: «Détruisant la muraille de séparation (Ep 2, 14) ». Et il arriva que le peuple des Gentils signifié par Pharês, entra le premier dans le chemin de la foi, après que la loi eut été renversée par les commandements du Christ, tandis que le peuple juif ne vint qu'à sa suite (cf. Gn 28, 27-30).

«Pharès engendra Esrom». - La Glose. Juda engendra Pharès et Zara avant d'aller en Égypte, et ses deux enfants vinrent s'y fixer plus tard avec lui. Ce fut en Égypte que Pharès engendra Esrom; Esrom, Aram; Aram, Aminadab; Aminadab, Nahasson; et c'est alors que Moïse fit sortir le peuple d'Egypte. Nahasson fut sous Moïse, chef de la tribu de Juda dans le désert, où il engendra Salmon. Ce dernier fut un des chefs de la tribu de Juda, et entra avec Josué dans la terre promise. - S. Chrys. (sur S. Matth). Nous croyons que ce n'est pas sans un dessein providentiel que l'Évangéliste rappelle ici les noms de ces ancêtres du Sauveur.

«Nahasson engendra Salmon». - S. Chrys. (sur S. Matth). Salmon prit une femme du nom de Raab. On croit communément que cette Raab fut la courtisane de Jéricho qui reçut chez elle les espions du peuple d'Israël, les cacha et leur sauva la vie. Or, Salmon qui était un des princi paux des enfants d'Israël, de la tribu de Juda, et fils du chef de cette tribu, voyant la fidélité de Raab, mérita de la prendre pour épouse, comme si elle eut été de grande naissance. Peut-être aussi la signification du nom de Salmon fut pour lui comme une Invitation de la providence à recevoir Raab comme un vase d'élection. Car Salmon signifie reçois ce vase (cf. Tit 9).

«Salmon engendra Booz de Raab». - La Glose. Ce fut dans la terre promise que Salmon eut Booz de Raab, et Booz, Obed de Ruth.
- S. Chrys. (sur S. Matth). Je crois inutile d'expliquer comment Booz prit pour épouse une femme moabite, parce que chacun connaît cette histoire de la sainte Écriture. Je ferai remar quer seulement que Ruth épousa Booz en récompense de sa foi qui lui fit abandonner les idoles de son pays pour adorer le Dieu vivant; et que c'est aussi à cause de sa foi que Booz fut jugé digne d'épouser cette femme, et de contracter cette sainte union qui devait le rendre père d'une race royale. - S. Amb. (sur S. Luc). Pourquoi Ruth qui était étrangère a-t-elle épousé un israélite, et comment l'Évangéliste croit-il devoir parler d'un mariage, que défendait tout l'ensemble de la loi? Il vous paraîtra sans doute déshonorant pour la mémoire du Sauveur de compter parmi ses ancêtres une femme illégitime, si vous ne vous rappelez cette maxime de l'apôtre saint Paul: «Que la loi n'est pas établie pour les justes, mais pour les méchants». Comment en effet, cette femme étrangère et moabite aurait-elle fait partie du peuple de Dieu, alors que la loi défendait ces unions avec les filles de Moab et leur admission dans l'assemblée des enfants d'Israël (cf. Ex 23, 52; 34, 15.16; Nb 25, 1; Dt 7, 7; 23, 1.3), si elle n'avait été élevée au-dessus de la loi par la sainteté et la pureté de ses moeurs. Elle se plaça au-dessus des prescriptions de la loi, et mérita d'être comptée parmi les ancêtres du Seigneur, honneur qu'elle dut non pas aux liens du sang, mais à la parenté spirituelle qui l'unissait au Christ. Or elle est pour nous un grand exemple, car elle est la figure de nous tous qui avons été choisis parmi les Gentils pour entrer dans l'Église du Seigneur. - S. Jér. (lettre à Paulin). Ruth la moabite accomplit cet oracle d'Isaïe: Envoyez, Seigneur, l'agneau dominateur de la terre, du rocher du désert à la montagne de la fille de Sion.

«Obed engendra Jessé». - La Glose. Jessé père de David porte deux noms, il est plus souvent appelé du nom d'Isaï, mais comme le Prophète lui donne le nom de Jessé, et non celui d'Isaï (Is 11) « Un rejeton sortira de la tige de Jessé», l'Évangéliste choisit le nom de Jessé pour montrer l'accomplissement de cette prophétie en Jésus et en Marie.

«Jessé engendra David qui fut roi». - Remi. Pourquoi donc l'Auteur sacré ne donne-t-il qu'à David le titre de roi? C'est pour nous rappeler qu'il a été le premier roi sorti de la tribu de Juda. Or, le Christ est un nouveau Pharès, c'est-à-dire séparateur, car il séparera les boucs des brebis. Il est aussi l'Orient comme Zara, selon ces paroles: «Voici un homme, et l'Orient est son nom». Comme Esrom il est une flèche selon ces autres paroles: «Il m'a placé comme une flèche de choix». - Rab. Ou bien il est encore comme le vestibule d'une maison, à cause de l'abondance de la grâce qui est en lui, et de l'étendue de sa charité. Il est Aram, c'est-à-dire l'élu selon ces paroles: «Voici mon enfant que j'ai choisi», ou bien il signifie encore élevé, d'après ces autres paroles: «Le Seigneur est élevé au-dessus de toutes les nations». Il est Aminadab, c'est-à-dire volontaire, lui qui dît à Dieu par la bouche du Roi-prophète: «Je vous sacrifierai de tout coeur». Il est Nahasson, ou l'augure, lui qui connaît le passé, le présent et l'avenir; ou bien le serpent, d'après ces paroles: «Moïse a élevé un serpent dans le désert».Il est encore Salmon, c'est-à-dire sensible, lui qui a dit: «J'ai senti une vertu s'échapper de moi». - La Glose. Il a épousé Raab, c'est-à-dire l'Église composée de toutes les nations, car Raab veut dire faim ou étendue, ou mouvement impétueux, et en effet, l'Église des nations a faim et soif de la justice, et elle a converti les philosophes et les rois par l'élan impétueux de sa doctrine. Ruth signifie aussi celle qui voit ou qui se hâte, image de l'Église qui voit Dieu d'un coeur pur et se hâte vers le but de sa sublime vocation (cf. Ph 3,14). - Remi. Il est Booz, celui qui est fort, car il a dit: «Lorsque je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi». Il est Obed, celui qui est serviteur, comme il le dit de lui-même: «Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir». Il est Jessé, ou l'encens, lui qui a dit: «Je suis venu apporter le feu sur la terre». Il est David, dont la main est forte; car il est dit de lui: «Le Seigneur est fort et puissant». Il est aussi le désirable, lui dont le Prophète a écrit: «Le désiré des nations viendra; il est d'une rare beauté selon ces paroles du Roi-prophète: «Il surpasse en beauté les plus beaux des enfants des hommes».

La Glose. (ou S. Anselme). Considérons maintenant les vertus que le souvenir de ces ancê tres de Jésus-Christ doit nous inspirer. La foi, l'espérance et la charité sont comme le fonde ment de toutes les autres vertus. Celles qui viennent ensuite n'en sont que la continuation et le couronnement. Or, Juda signifie confession. Il y a deux sortes de confession, celle de la foi, et celle des péchés. Si donc après avoir reçu le don des trois vertus dont nous avons parlé, on vient à offenser Dieu, la confession de la foi ne suffit pas, il faut y ajouter la confession des péchés. Après Juda viennent Pharês et Zara, Pharès signifie division, Zara, Orient, Thamar, amertume. En effet, la confession produit la division en nous séparant des vices, et elle fait en même temps lever les vertus du sein de l'amertume de la pénitence. Après Phares vient Esrom qui veut dire flèche, car celui qui s'est détaché des inclinations vicieuses du siècle, doit devenir une flèche qui perce les vices dans les coeurs des hommes, et y fasse pénétrer l'amour de Dieu. Vient ensuite Aram qui veut dire l'élu ou le sublime, car lorsqu'on s'est éloigné du monde, et qu'on s'est rendu utile aux autres, on est regardé nécessairement comme l'élu de Dieu, et ou acquiert aux yeux des hommes la réputation d'une haute vertu. Nahasson veut dire augure, mais augure du ciel et non de la terre. Joseph se glorifiait de ce titre en faisant dire à ses frères: (Gn 44, 5) «Vous avez enlevé la coupe de mon maître, dont il se sert pour les divinations». Cette coupe, c'est l'Écriture sainte qui contient le précieux breuvage de la sagesse. Le Sage se sert de cette coupe pour augurer, parce qu'il y voit les choses futures ou célestes. Vient ensuite Salmon, c'est-à-dire sensible, car lorsqu'on s'est livré à l'étude de la divine Écriture, on ac quiert cette sensibilité qui fait discerner le bien du mal, ce qui est doux de ce qui est amer. Après Salmon vient Booz, le fort, car celui qui. est versé dans les saintes Écritures y puise une force invincible contre toute sorte d'épreuves. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ce fort, c'est le fils de Raab, c'est-à-dire de l'Église; Raab, en effet, signifie étendue qui s'est dilatée, parce que l'Église a été réunie et formée de toutes les nations de la terre. - La Glose. (ou S. Anselme). Vient ensuite Obed ou celui qui sert, car on n'est propre au joug de la servitude qu'autant qu'on est fort. Cet état de servitude vient de Ruth, qui signifie celle qui se hâte, car le serviteur doit être actif et ennemi de la paresse.
- S. Chrys. (sur S. Matth). Disons mainte nant que ceux qui cherchent la richesse plutôt que la vertu, la beauté plutôt que la foi, qui dési rent trouver dans leurs épouses ce que l'on cherche ordinairement dans les femmes de mauvaise vie, auront des enfants sans soumission pour leurs ordres et pour ceux de Dieu, juste châtiment de leur propre impiété. Obed a engendré Jessé ou le rafraîchissement, car celui qui est soumis à Dieu et à ses parents par une grâce particulière de Dieu, aura des enfants qui se ront comme le rafraîchissement de sa vie. - La Glose.(ou S. Anselme). Ou bien encore Jessé signifie encens, car si nous servons Dieu par un motif de crainte et d'amour, notre piété aura sa source dans notre coeur et deviendra comme un foyer spirituel sur lequel elle pourra offrir à Dieu un encens de la plus suave odeur. Or, lorsqu'un homme est devenu un digne serviteur de Dieu et un sacrifice d'agréable odeur, il faut également qu'il soit fort et robuste, et qu'il com batte courageusement les ennemis, et rende tributaires les Iduméens, c'est-à-dire qu'il doit soumettre à Dieu les hommes charnels par ses paroles aussi bien que par ses exemples.


vv. 6-8

3106 Mt 1,6-8

La Glose. L'Évangéliste poursuit la seconde partie de la généalogie composée de quatorze générations, elle contient celle des rois et commence à David le premier roi de la tribu de Juda: «Le roi David engendra Salomon de celle qui fut la femme d'Urie».

S. Aug. (de l'accord des Evang., liv. 2, chap. 4). Comme la généalogie de saint Matthieu a pour objet de montrer que le Sauveur a pris sur lui nos péchés, elle nous présente la descen dance de David par Salomon dont la mère fut complice du crime commis par David. Saint Luc au contraire remonte à David par Nathan, prophète dont Dieu se servit pour faire expier à ce prince son péché, parce que la généalogie donnée par saint Luc est la figure de la rémission de nos péchés. - S. Aug. (Rétract. liv. 2, chap. 16). Il était nécessaire de dire comment s'appelait ce prophète, par lequel s'accomplit cette expiation pour ne pas le confondre avec un autre différent qui portait le même nom. - Remi. On peut se demander pourquoi l'Évangéliste ne désigne pas Bersabée par son nom propre comme les autres femmes. La raison en est que ces autres femmes quoique répréhensibles en un point, s'étaient cependant rendues recomman dables par leurs vertus, tandis que Bersabée fut complice non seulement de l'adultère de David, mais encore de l'homicide de son mari, et c'est pourquoi son nom n'a pas été inséré dans la généalogie du Sauveur. - La Glose. Il est une autre raison pour laquelle le nom de Bersa bée est remplacé par celui d'Urie, c'est afin que ce nom rappelle le plus grand des crimes commis par David. - S. Amb. (sur S. Luc. chap. 3). Ce qui élève ce saint roi au-dessus des autres, c'est qu'il reconnut qu'il était homme et qu'il s'efforça d'effacer par les larmes de la pénitence le crime d'avoir enlevé la femme d'Urie; nous apprenant ainsi à ne point mettre no tre confiance dans nos propres forces. Nous avons, en effet, un ennemi dont nous ne pouvons triompher sans le secours de Dieu, et c'est souvent dans des personnages illustres que vous rencontrerez de plus grandes fautes, pour vous apprendre qu'ils ont pu succomber à la tenta tion comme des hommes ordinaires, et afin que leurs qualités brillantes ne les placent pas dans votre esprit au-dessus de l'humanité. - S. Chrys. (sur S. Matth). Salomon veut dire pacifique; en effet, lorsqu'il monta sur le trône, toutes les nations voisines étaient pacifiées et tributaires de son royaume et son règne ne fut troublé par aucune guerre. Salomon engendra Roboam qui veut dire multitude du peuple, car c'est la multitude qui engendre les séditions, ajoutez que les désordres commis par un grand nombre, restent presque toujours impunis, le petit nombre au contraire est ami et protecteur de l'ordre.


vv. 8-11

3108 Mt 1,8-11

S. Jér. Nous lisons au quatrième livre des Rois (4 R 8, 24; 11, 2ss) que Joram engendra Ochosias, et qu'à la mort de ce dernier, Josabeth, fille du roi Joram et soeur d'Ochosias, enleva Joas fils de son frère, pour le soustraire au massacre commandé par Athalie. Joas eut pour suc cesseur son fils Amasias; après Amasias, régna son fils Azarias, qui fut appelé Ozias et auquel succéda son fils Joathan. Ce témoignage historique vous démontre l'existence de trois rois que l'Évangéliste n'a point insérés dans sa généalogie. Joram, en effet, n'a pas engendré Osais, mais Ochosias et les deux autres que nous venons de citer. La raison de cette omission est que l'Évangéliste s'était proposé trois séries de quatorze noms chacune, correspondant à trois dif férentes époques. Ajoutons que Joram s'était allié à la famille de l'impie Jézabel, et qu'en pu nition de cette alliance son souvenir est effacé jusqu'à la troisième génération, et son nom jugé indigne de figurer parmi ceux qui forment la généalogie du Sauveur.

S. Hil. Après avoir épuré la généalogie du Christ de tout contact avec la gentilité, l'Évangéliste reprend sa descendance royale dans la quatrième des générations qui suivent. - S. Chrys. (sur S. Matth). L'Esprit saint avait prédit par le Prophète que Dieu détruirait tout enfant mâle de la race d'Achab et de Jézabel, et cette prédiction fut accomplie par Jéhu fils de Nanzi, à qui Dieu avait promis que ses enfants s'assiéraient sur le trône d'Israël jusqu'à la quatrième génération. La bénédiction que Dieu répandit sur Jéhu pour avoir tiré vengeance de la maison d'Achab, fut égale à la malédiction dont il frappa la maison de Joram à cause de son alliance avec la fille de l'impie Achab et de Jèzabel.

Jusqu'à la quatrième génération, ses enfants sont retranchés du catalogue des rois, et ainsi son péché descend sur ses enfants, selon qu'il avait été écrit (Ex 34,7): «Je punirai les péchés des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération». Voyez par là quels dangers entraînent les alliances avec les impies. - S. Aug. (quest. du Nouv. et de l'Anc. Test., chap. 85). C'est avec justice que les noms d'Ochosias, de Joas et d'Amazias ne figurent pas dans cette généalogie avec les autres; car leur impiété continua pendant toute leur vie sans interruption et sans intervalle. Salomon dut au mérite de son père et Roboam au mérite de son fils d'avoir été conservés parmi les rois dans la généalogie du Sauveur. Quant à ces trois rois impies, leurs noms en ont été retranchés, car l'exemple du vice entraîne la ruine de toute une race quand il est donné avec éclat et sans discontinuité.

«Ozias engendra Joatham; Joatham engendra Achaz; Achaz engendra Ezéchias. - La Glose. C'est à Ezéchias qui était sans enfant qu'il fut dit: «Mets ordre à ta maison, parce que tu mourras bientôt (Is 38) ». Il versa des larmes en entendant ces paroles, non pas qu'il désirait une vie plus longue, car il savait que Salomon avait été agréable à Dieu en ne deman dant pas une longue suite d'années, mais il se voyait sans enfants, lui, descendant de David, d'où devait naître le Christ, et il craignait que les promesses de Dieu ne pussent s'accomplir.

«Ezéchias engendra Manassé, Manassé engendra Amon; Amon engendra Josias; Josias en gendra Jéchonias et ses frères vers le temps où les Juifs furent transportés à Babylone». - S. Chrys. (sur S. Matth). Le livre des Rois ne nous présente pas le même ordre dans les générations (4 R 23, 30.31). Nous lisons que Josias engendra Eliachim, plus tard appelé Joachim, et Joachim, Jéchonias. Mais Joachim a été rayé du nombre des rois, parce que ce n'était pas le choix du peuple de Dieu qui l'avait placé sur le trône, mais Pharaon qui l'avait imposé par force. Car si trois princes ont été justement effacés du catalogue des rois, uniquement à cause de leur alliance avec la famille d'Achab, pourquoi Joachim n'aurait-il pas été lui-même éliminé, lui que Pharaon en guerre avec le peuple de Dieu lui avait imposé par violence? Voilà pour quoi Jéchonias fils de Joachim et petit-fils de Josias, a pris la place de son père dans la généa logie comme s'il était fils de Josias. - S. Jér. Ou bien il nous faut admettre que le premier Jéchonias est le même que Joachim, le second est le fils et non pas le père; le nom du premier s'écrit par un k et un m, celui du second lias ch et n, ce qui s'est trouvé confondu dans le texte grec et dans le texte latin par la négligence des copistes et la longue suite du temps. - S. Amb. (sur S. Luc, chap. 3). Nous lisons dans les livres des Rois qu'il y eut deux Joa chim: «Joachim dormit avec ses pères, et son fils Joachin régna en sa place (4 R 24, 5-6). Or c'est ce fils que Jérémie appelle Jéchonias (Jér 22, 24; 1 Paral 3, 16-17). Saint Matthieu en inscrivant le nom de Jéchonias et non celui de Joachim, n'a pas voulu s'exprimer autrement que le Prophète, et par là il a fait ressortir davantage les effets de la bonté du Seigneur. Nous ne le voyons pas, en effet, rechercher la noblesse qui vient des ancêtres, mais il préfère pour aïeux des pécheurs réduits en esclavage, parce qu'il venait lui-même prêcher la délivrance à ceux que le péché retenait captifs. L'Évangéliste n'a donc pas voulu supprimer l'un des deux rois, mais il les a exprimés tous deux par le nom de Jéchonias qui leur était commun. - Remi. Mais comment l'Évangéliste peut-il dire que ces princes naquirent dans l'exil, tandis que leur naissance a précédé l'époque de la transmigration? C'est qu'ils semblent n'avoir été mis au monde que pour être arrachés du trône et emmenés captifs en punition de leurs péchés et de ceux du peuple, et comme Dieu prévoyait leur captivité future, l'Évangéliste a pu dire qu'ils étaient nés dans la transmigration. Remarquons ici que tous ceux qu'il a fait entrer dans la gé néalogie du Sauveur ont été également remarquables par l'éclat de leurs vertus ou de leurs vices; c'est ainsi que par leurs vertus Juda et ses frères se sont rendus dignes d'éloge, tandis que Phares et Zara, Jéchonias et ses frères ne se sont fait remarquer que par le dérèglement de leur vie.

La Glose. Dans un sens mystique, David est la figure du Christ qui a terrassé Goliath (c'est-à-dire le démon). Une, dont le nom signifie Dieu est ma lumière, est le symbole du démon, qui avait dit: «Je serai semblable au Très-Haut (Is 14, 14) ». L'Église lui était unie lorsque le Christ la voyant des hauteurs de la majesté divine, il l'aima, la rendit belle et la prit pour épouse. Ou bien Urie représente le peuple juif qui se glorifiait de posséder la lumière dans la loi; le Christ est venu lui enlever la loi, en lui montrant qu'il en était lui-même l'objet. Bersa bée signifie le puits de satiété, c'est-à-dire l'abondance de la grâce spirituelle. - Remi. Bersa bée peut s'interpréter aussi le septième puits ou le puits du serment, et elle représente la fon taine du baptême dans laquelle on reçoit l'Esprit saint avec ses sept dons, et on prononce des adjurations contre le démon. Le Christ est aussi Salomon le pacifique, selon ces paroles de l'Apôtre: «Il est lui-même notre paix» (Ep 2). Il est Roboam ou l'étendue du peuple, d'après ses propres paroles: «Il en viendra un grand nombre d'Orient et d'Occident» (Mt 8,11). - Rab. Ou bien il est l'impétuosité du peuple, lui qui a si rapidement converti les peuples à la foi. - Remi. Il est Abias, c'est-à-dire le Seigneur Père, d'après ces paroles (Mt 23): «Vous n'avez qu'un seul Père qui est dans les cieux». Et ces autres: «Vous m'appelez Maître et Seigneur» (Jn 13). Il est Aza, c'est-à-dire celui qui ôte, au sens de ces paroles: «Voilà celui qui efface les péchés du monde» (Jn 1). Il est aussi Josaphat, celui qui juge, car il dit lui-même: «Dieu a donné tout jugement au Fils» (Jn 5). Il est Joram le sublime, selon ces autres paroles: «Personne ne monte au ciel que celui qui descend du ciel» (Jn 3). Il est Ozias, le fort du Seigneur, d'après ces paroles du Psalmiste: «Le Seigneur est ma force et ma gloire» (Ps 117). Il est Joatham, celui qui est consommé en perfection, lui dont l'Apôtre a écrit: «Le Christ est la fin de la loi». (Rm 10) Il est Achaz, celui qui convertit, selon ces paroles: «Convertissez-vous à moi» (Za 1). - Rab. Ou bien il est celui qui comprend, car personne ne connaît le Père si ce n'est le Fils (Mt 11, 27). - Remi. Il est Ezéchias, c'est-à-dire le Seigneur fort ou le Seigneur a fortifié, lui qui a dit: «Ayez confiance, j'ai vaincu le monde» (Jn 16). Il est aussi Manassé, celui qui est porté à oublier ou qui a oublié, selon ce qui est écrit: «Je ne me rappellerai plus vos péchés» (Is 43 Ez 28). Il est Amon, le fidèle, selon ces paroles du Psalmiste: «Le Seigneur est fidèle dans toutes ses paroles» (Ps 144). Il est Josias, l'encens du seigneur, selon ces paroles: «Étant tombé en agonie, il redoublait ses prières» (Lc 22). - Rab. Que l'encens soit le symbole de la prière, c'est le Psalmiste lui-même qui l'enseigne: «Que ma prière s'élève comme l'encens en votre présence» (Ps 140). Ou bien encore il est le salut du Seigneur, selon ces paroles d'Isaïe: «Le salut que je donnerai sera éternel» (Is 51). - Remi. Il est Jéchonias, celui qui prépare ou la préparation du Seigneur, comme il le dit de lui-même: «Si je m'en vais et que je vous prépare une place» (Jn 16).

La Glose. Au sens moral, David a pour fils Salomon, le pacifique, car on devient pacifique dans ses moeurs lorsqu'on a su éteindre ses inclinations vicieuses, et ou semble jouir déjà d'une paix éternelle un servant Dieu et en s'efforçant de convertir les autres à lui. Vient ensuite Ro boam ou l'étendue du peuple, car celui qui a triomphé de tous ses défauts doit tourner ses ef forts vers les autres et entraîner avec lui le peuple de Dieu vers les choses du ciel. Après lui, vient Abias, c'est-à-dire le Seigneur Père, car après tout ce que nous venons de dire, le Christ peut se glorifier d'être le Fils de Dieu. Alors il pourra devenir Asa, celui qui élève, et de vertu en vertu s'élever jusqu'à Dieu son Père. Alors encore il sera Josaphat, celui qui juge, car il jugera les autres sans être jugé par personne; et c'est ainsi qu'il deviendra Joram, c'est-à-dire le sublime, qui semble habiter dans les cieux. Il devient de la sorte Osais ou le fort du Seigneur, qui attribue toute sa force à Dieu et persévère dans ses résolutions. Après Osais vient Joatham, le parfait, car il avance tous les jours en perfection, et c'est ainsi qu'il devient Achaz ou celui qui comprend, parce que la connaissance se développe par les oeuvres, selon qu'il est écrit: «Ils ont annoncé les oeuvres de Dieu, et ils ont compris ses actions. Vient ensuite Ezé chias, c'est-à-dire le Seigneur fort, car il comprend toute la force de Dieu et c'est pour que cela converti à son amour il devient Manassé, celui qui oublie, et qui perd le souvenir des cho ses de la terre. Il devient ainsi Amon, c'est-à-dire fidèle, car celui qui méprise les choses de la terre ne fait tort à personne dans ses biens, et il devient par là Josias, qui veut dire salut du Seigneur, car il attend avec confiance et sécurité le salut qui vient de Dieu.



Catena Aurea 3102