Catena Aurea 3605
3605 Mt 6,5-6
S. Chrys. (sur S. Matth). Salomon (Si 9,23) nous fait cette recommandation: «Avant la prière, prépa rez votre âme». C'est ce que fait celui qui donne l'aumône avant de prier. Les bonnes oeuvres, en effet, réveillent la foi du coeur et donnent à l'âme la force de s'adresser à Dieu par la prière. L'aumône est donc une préparation à la prière et c'est pour cela qu'après avoir expliqué les conditions de l'aumône le Sauveur nous donne ses instructions sur la prière.
S. Aug. (serm. sur la mont). Or, il nous enseigne ici non pas l'obligation de la prière, mais la manière dont nous devons prier, de même que plus haut il n'a point parlé de la nécessité de l'aumône, mais de l'intention avec laquelle on doit la faire. - S. Chrys. (sur S. Matth). La prière est comme un tribut spirituel que l'homme tire du plus intime de son âme pour l'offrir à Dieu. Plus donc la prière est honorable et glorieuse, plus il faut prendre garde à ce qu'une in tention tout humaine ne vienne l'avilir. Aussi, écoutez le Sauveur: «Lorsque vous prierez, vous ne serez pas comme des hypocrites». - S. Chrys. (hom. 49). Il appelle hypocrites ceux qui font semblant de prier et regar dent de tous côtés si les hommes les considèrent, et c'est pour cela qu'il ajoute «Qui aiment à prier dans les synagogues». - S. Chrys. (sur S. Matth). Je ne pense pas que le Seigneur veuille parler ici du lieu où l'on prie, mais de l'intention qui anime la prière, car c'est une action louable que de prier dans les assemblées des fidèles, selon cette parole du roi-prophète: «Bénissez Dieu dans les assemblées». Celui-là donc qui prie pour être vu des hommes, ce n'est pas vers Dieu, mais vers les hommes qu'il tourne ses regards et, par son intention, il prie dans la synagogue. Le texte ajoute: «Et dans les coins des rues», afin de paraître prier en secret, poursuivant ainsi aux yeux des hommes le double mérite de la prière et de la prière faite en secret. - La Glose. Ou bien ces coins de rues sont les endroits où une voie en coupe une autre et forme un carrefour.
S. Chrys. (sur S. Matth). Il nous défend donc de prier dans l'assemblée de nos frères dans l'intention d'en être remarqués; aussi ajoute-t-il: «Pour être vus des hommes». Que celui qui se livre à la prière évite donc avec soin tout ce qui est extraordinaire et qui peut attirer les re gards des hommes, comme d'élever la voix, de se frapper la poitrine ou de tenir les mains étendues. - S. Aug. (serm. sur la mont). Ce qui est un mal, ce n'est pas d'être vu des hommes, mais d'agir pour en être remarqué. - S. Chrys. (hom. 19). Il est toujours bon de se dérober au danger de la vaine gloire, mais surtout dans la prière, car si même sans ce défaut nos pensées nous égarent çà et là pendant la prière, comment comprenons-nous ce qui nous est dit si nous venons prier avec une âme travaillée de cette nouvelle infirmité? - S. Aug. (serm. sur la mont). Nous devons éviter également de faire voir aux hommes que nous ne voulons pour récompense de nos actions que leur être agréables, car écoutons ce qui suit: «Je vous le dis en vérité, ils ont reçu leur récompense». - S. Chrys. (sur S. Matth). Chacun ne moisson nera que ce qu'il aura semé; celui donc qui aura prié pour plaire aux hommes plutôt qu'à Dieu recevra les louanges des hommes et n'aura aucun droit aux louanges de Dieu. Notre-Seigneur dit: «Ils ont reçu», car Dieu voulait leur accorder la récompense dont il est l'auteur, ils ont mieux aimé rechercher celle que donnent les hommes. Mais comment doit-on prier? Notre-Seigneur nous l'enseigne par ce qui suit: «Pour vous, lorsque vous voudrez prier, entrez dans votre chambre et, après en avoir fermé la porte, priez votre Père dans le secret. - S. Jér. Ces paroles, dans leur sens naturel, apprennent à celui qui les entend à fuir la vaine gloire dans la prière. - S. Chrys. (sur S. Matth). Il faut qu'il n'y ait absolument là que celui qui prie et celui à qui s'adresse la prière. Un témoin, loin de vous être alors utile, ne fait que vous être à charge.
S. Cypr. (De l'Oraison Dominicale). D'ailleurs il est plus convenable pour notre foi de prier dans les lieux retirés, nous comprenons mieux alors que Dieu est présent partout et qu'il pénè tre les endroits les plus secrets de la plénitude de sa majesté. - S. Chrys. (sur S. Matth). Nous pouvons aussi par cette porte de la maison entendre notre bouche, en ce sens que nous n'avons pas besoin d'élever bien haut la voix, mais que nous devons prier dans le silence du coeur pour trois raisons: la première c'est que Dieu qui écoute la voix du coeur ne doit pas être importuné par des cris, mais apaisé par le spectacle d'une conscience droite; la seconde, c'est que personne, excepté Dieu et vous ne doit connaître l'objet de vos prières secrètes; la troisième, c'est que votre prière bruyante est un véritable empêchement pour celui qui prie à côté de vous. - Confér. Nous devons prier dans le plus grand silence, afin que nos ennemis qui nous entourent, surtout pendant la prière, ne puissent connaître dans quelle intention nous prions. - S. Aug. (serm. sur la mont). Par nos chambres on peut encore entendre nos coeurs, dont le Psalmiste a dit (Ps 4): «Ce que vous dites dans vos coeurs, repassez-le avec amertume dans le lieu de votre re pos». La porte ce sont les sens de la chair; au dehors sont toutes les choses temporelles qui pénètrent par les sens dans nos pensées, et la multitude des vains fantômes qui viennent nous étourdir pendant la prière. - S. Cypr. (de l'Or. Dom). Mais quelle est cette négligence qui vous laisse prendre et entraîner lorsque vous priez Dieu, par des pensées aussi ridicules que profanes? Quelle pensée donc doit vous occuper davantage que celle-ci; c'est à Dieu que je parle. Comment exiger que Dieu vous écoute, alors que vous ne vous écoutez pas vous-mêmes? C'est vraiment là ne pas vous mettre en garde contre votre ennemi, c'est offenser Dieu par la négligence et la froideur de votre prière. - S. Aug. (serm. sur la mont). Il faut donc fermer la porte, c'est-à-dire résister à l'importunité des sens, afin que la prière toute spi rituelle monte jusqu'au Père après avoir été formée au plus intime du coeur où l'âme prie Dieu dans le secret, c'est pourquoi il ajoute: «Et votre Père vous le rendra. - Remi. Voici donc le sens de ces paroles: qu'il vous suffise que votre prière soit connue de celui-là seul qui pé nètre jusqu'au plus secret des coeurs, et qui par là même ne peut manquer de l'exaucer.
S. Chrys. hom. 12). Remarquez qu'il ne dit pas: «C'est lui qui vous donnera gratuitement», mais «c'est lui qui vous le rendra», car Dieu se constitue lui-même votre débiteur.
3607 Mt 6,7-8
S. Aug (serm. sur la mont). Le propre des hypocrites est de se donner en spectacle dans leurs prières et de n'y chercher d'autres fruits que la louange des hommes; ainsi le propre des païens (c'est-à-dire des Gentils) est de penser que c'est à force de paroles qu'ils seront exaucés dans leurs prières. C'est pourquoi Notre-Seigneur ajoute: «Or en priant, ne parlez pas beaucoup». - Confér. des Pères. Nos prières doivent être fréquentes mais courtes, de peur que notre ennemi ne prenne occasion d'une prière trop prolongée pour jeter ses pernicieuses insi nuations dans notre âme.
S. Aug. (Ep. 121 à Proba., chap. 10). Cependant ce n'est pas faire de longs discours en priant, comme plusieurs le pensent, que de prier longtemps. Les longs discours n'ont rien de commun avec la durée du sentiment intérieur. En effet, n'est-il pas dit du Seigneur lui-même, qu'il passa la nuit à prier (Lc 6), et ailleurs qu'il redoubla sa prière pour nous donner l'exemple? (Lc 22) On dit que nos frères d'Égypte se livrent à de fréquentes mais très courtes prières qu'ils lancent pour ainsi dire vers le ciel à la dérobée afin que la ferveur d'intention si nécessaire à celui qui prie ne soit pas soumise à une espèce de violence pendant une prière trop prolongée. Par là ils nous apprennent que de même qu'il ne faut pas fatiguer cette intention, si elle ne peut durer plus longtemps, on ne doit pas non plus l'interrompre si elle veut encore continuer. Ne multiplions pas les paroles dans la prière, mais multiplions-y les supplications, si la ferveur de l'intention se soutient. Parler beaucoup dans la prière c'est noyer une demande nécessaire dans un flot de paroles superflues; tandis que prier beaucoup c'est importuner pour ainsi dire celui que nous prions par les cris continuels de notre coeur: car presque toujours cette affaire se traite bien mieux par des gémissements que par des dis cours, et plus efficacement avec des larmes qu'avec des paroles.
S. Chrys. (hom. 49). Notre-Seigneur condamne ici toutes les paroles inutiles et vaines dans la prière, comme lorsque nous demandons à Dieu non pas ce qui est digne de lui et de nous, mais la puissance, la gloire, la victoire sur nos ennemis, de grandes richesses. Il nous défend donc ici les longues prières, je ne dis pas longues par leur durée, mais par la multitude des paroles dont elles sont composées. Cependant la persévérance dans la prière est nécessaire: «Persévérez dans la prière» nous dit l'apôtre (Rm 12 Col 4,2 Ep 6,18). Ce n'est pas qu'il nous ordonne de faire des prières composées de dix mille phrases; il veut simplement que nous les prolongions par les instances de no tre coeur; c'est ce que Notre-Seigneur nous insinue indirectement par ces paroles: «N'affectez pas de parler beaucoup».
La Glose. Notre-Seigneur condamne la multitude des paroles qui provient de l'incrédulité, ce qu'il exprime en disant: «Ainsi que font les païens». Cette abondance de paroles était nécessaire aux païens pour instruire les démons de l'objet de leurs demandes, «car», dit Jésus-Christ, «ils sont persuadés que c'est à force de paroles qu'ils seront exaucés. - S. Aug. (serm. sur la mont). Et en effet toute abondance superflue de paroles vient des païens, qui beaucoup plus occupés du soin d'exercer leur langue que de changer leur coeur, transportent ce flux habituel de paroles jusque dans les prières qu'ils adressent à Dieu. - S. Grég. (Moral., liv. 33, chap. 21). La prière véritable consiste dans les gémissements amers de la componc tion et non dans des paroles arrangées avec art; aussi Notre-Seigneur conclut-il, «Ne vous rendez donc pas semblables à eux». - S. Aug. (serm. sur la mont). Si cette abondance de paroles a pour objet de dissiper l'ignorance de celui à qui on s'adresse, qu'en est-il besoin vis-à-vis de celui qui connaît toutes choses? C'est pourquoi il ajoute: «Votre Père céleste sait avant que vous le lui demandiez, ce qui vous est nécessaire».
S. Jér. Quelques philosophes ont pris occasion de là pour formuler comme un dogme cette impiété: Si Dieu connaît par avance et l'objet de nos prières, et les besoins que nous voulons lui exposer, il est inutile de les lui dire. Nous leur répondons que nous faisons à Dieu non pas un récit mais une prière, et qu'il y a une grande différence entre raconter à quelqu'un ce qu'il ignore, et lui demander ce qu'il sait déjà.
S. Chrys. (homél. 19). Vous ne priez donc pas pour instruire Dieu, mais pour le fléchir, pour vous unir intimement à lui par la continuité de la prière, pour vous humilier, pour réveiller en vous le souvenir de vos péchés. - S. Aug. (serm. sur la mont). Ce n'est pas par nos paroles que nous devons chercher à obtenir de Dieu ce que nous désirons, mais par les dispositions habituelles de notre âme, par la droiture de notre intention, la pureté de notre amour, la simplicité de notre coeur. - S. Aug. (Lettre 121 à Proba). Cependant de temps à autre nous adres sons à Dieu des prières vocales, afin que ces signes extérieurs nous réveillent, nous fassent connaître quels sont nos progrès dans le saint désir de la prière, et nous excitent plus vivement à l'augmenter en nous. Car ce désir qui s'attiédit au contact de mille soins divers, finirait par se refroidir et s'éteindre tout à fait, si nous ne ravivions fréquemment sa flamme. Les paroles nous sont donc nécessaires non pas pour apprendre à Dieu ce qu'il ne sait pas, ou pour le flé chir, mais pour nous donner de salutaires avertissements, et nous faire examiner l'objet de nos prières.
S. Aug. (serm. sur la mont). On pourrait demander encore en quoi la prière elle-même (qu'elle consiste en paroles ou en sentiments intérieurs) est nécessaire si Dieu sait par avance ce dont nous avons besoin, s'il n'était évident que la seule volonté de la prière est pour l'âme une source de paix et de pureté, et la rend plus propre à recevoir les dons spirituels que Dieu ré pand en nous. Dieu n'exauce pas nos prières par le désir qu'il a d'être prié, car il est toujours prêt à donner sa lumière, mais nous ne sommes pas toujours disposés à la recevoir, inclinés que nous sommes vers d'autres biens. Dans la prière notre coeur se tourne donc vers Dieu, et en excluant le désir des biens temporels l'oeil intérieur de notre âme se purifie, et ainsi rendu à sa pureté il devient capable de supporter la lumière dans toute sa clarté, et de demeurer dans cette sublime contemplation avec ce sentiment de joie qui est la perfection du bonheur.
3609 Mt 6,9
La Glose. Parmi les enseignements salutaires et les conseils divins que Notre-Seigneur donne à ceux qui croient en lui, il leur propose une formule de prière, et cette formule renferme peu de paroles; il veut que cette brièveté même qu'il nous commande nous inspire la confiance d'être promptement exaucés. Cette prière commence ainsi: «Notre Père qui êtes dans les cieux». - S. Cypr. (de l'Or. Dom). Celui qui nous a donné la vie nous a enseigné aussi à prier, afin qu'en adressant au Père la prière que le Fils nous a lui même apprise, nous soyons plus facilement exaucés. C'est prier Dieu en ami et avec une espèce de familiarité que de se servir de ses propres paroles. Que le Père donc reconnaisse les paroles de son Fils dans nos prières, et puisque ce divin Fils est près du Père l'avocat qui intercède pour nos péchés, lors que nous venons demander le pardon de nos péchés, empruntons le langage même de notre avocat. Ce ne sont pas cependant les seules paroles dont nous puissions nous servir pour prier; il en est d'autres qui ont le même sens et qui peuvent également enflammer notre coeur.
S. Aug. (serm. sur la mont). Dans toute prière il faut avant tout se concilier la bienveillance de celui qu'on prie, et lui exposer ensuite l'objet de notre demande. C'est par la louange qu'on se concilie cette bienveillance, et on la place ordinairement au commencement de la prière. La loi contenait bien des préceptes sur la manière dont Dieu devait être loué, mais on n'en trouve aucun qui enjoigne au peuple d'Israël d'appeler Dieu notre Père (cf. Is 1,2 Is 63,16 Is 64,8 Ps 81,6 Ml 1,6 Sg 14,3 Si 23,1 Si 23,4). Car Dieu ne leur était pré senté que comme un maître qui commande à ses serviteurs, et non comme un père plein de tendresse pour ses enfants. Le peuple chrétien au contraire, d'après le témoignage de l'Apôtre a reçu l'esprit d'adoption dans lequel nous crions: «Mon Père, mon Père», non point sans doute par l'effet de nos mérites, mais par la grâce qui nous fait dire dans la prière: «Mon Père». Ce nom excite à la fois la charité dans nos coeurs (car qu'y a-t-il de plus cher à des enfants que leur père), un sentiment d'affectueuse supplication, qui nous fait dire à Dieu: «Notre Père», et l'espérance presque certaine d'obtenir ce que nous demandons. Car que peut-il refuser à ses enfants qui le prient, après le bienfait inestimable de cette filiation divine? Enfin avec quelle sollicitude celui qui dit: «Notre Père» doit veiller à ne pas se rendre indigne d'une si auguste filiation? Ceux qui ont les richesses en partage, ou qui se glorifient d'une il lustre origine doivent apprendre, du moment qu'ils sont devenus chrétiens, à ne point se conduire avec hauteur à l'égard de ceux qui sont pauvres ou de condition obscure, puisque tous ensemble ils disent à Dieu: «Notre Père», parole qui ne peut avoir dans leur bouche ni l'accent de la piété, ni celui de la vérité, s'ils ne les reconnaissent pour leurs frères. - S. Chrys. (hom. 28). Quel mal peut résulter pour nous de notre parenté d'ici-bas alors que par une alliance bien plus sublime nous ne formons tous qu'une même famille? Par ce nom seul de Père, nous proclamons le pardon de nos péchés, notre adoption, notre droit à l'héritage, la fraternité qui nous unit au Fils unique, et l'effusion de l'Esprit saint dans nos âmes, car personne ne peut appeler Dieu son Père, s'il n'est en possession de tous ces biens. Notre âme donc se trouve au commencement de la prière élevée tout à la fois et par la dignité de celui qu'elle invoque, et par la grandeur des bienfaits dont elle est comblée. - S. Cypr. (de l'Or. Dom). Nous ne disons pas: «Mon Père», mais «Notre Père»; parce que le Maître de la paix et de l'unité ne veut pas de ces prières individuelles et privées, qui omit pour objet exclusif l'intérêt de celui qui prie. Notre prière a nous doit être publique et com mune; lorsque nous prions, ce n'est pas pour un seul, c'est pour tout le peuple chrétien, car nous ne formons tous qu'un seul peuple, et Dieu a voulu qu'un seul priât pour tous comme il nous a lui-même portés tous en un seul. - S. Chrys. (sur S. Matth). C'est la nécessité qui nous force de prier pour nous, mais c'est la charité fraternelle qui nous inspire de prier pour les autres. Or la prière qu'inspire l'amour de la fraternité est plus agréable à Dieu que celle qui est dictée par la nécessité. - La Glose. Nous disons: «Notre Père», expression qui est com mune à tous les chrétiens, et non pas: «Mon Père», ce qui n'appartient qu'à Jésus-Christ seul, qui est fils par nature.
S. Chrys. (sur S. Matth). Notre-Seigneur ajoute: «Qui êtes dans les cieux», pour nous ap prendre ainsi que nous avons un Père céleste et nous faire rougir lorsque nous nous abaissons au niveau des choses de la terre. - Confér. des Pères. C'est aussi pour nous inspirer un vif désir de parvenir à cette région où nous reconnaissons qu'habite notre Père. - S. Chrys. (hom. 26). En disant: «Qui êtes dans les cieux», il n'y renferme pas l'immensité divine, mais il détache simplement de la terre celui qui prie pour le transporter dans les régions plus éle vées. - S. Aug. (serm. sur la mont. 2, 9). Ou bien ces paroles: «Dans les cieux», veulent dire: Dans les saints et dans les justes, car Dieu ne peut être renfermé dans l'espace. On entend ordinairement par les cieux les parties de cet univers dont la nature est plus parfaite, et si l'on admet qu'elles sont le séjour d e Dieu, il faudra dire que les oiseaux sont de meilleure condition que nous, puisqu'ils vivent dans des lieux plus rapprochés de Dieu. Or, il n'est pas écrit: «Le Seigneur est proche des hommes qui habitent les lieux élevés ou les montagnes», mais: «Il est proche de ceux qui ont le coeur contrit» (Ps 33,19). Mais de même que le pécheur est appelé terre et que Dieu lui a dit: «Tu es terre et tu retourneras en terre», ainsi par une raison contraire le nom de ciel convient parfaitement aux justes. C'est donc avec raison que nous disons: «Qui êtes dans les cieux», c'est-à-dire qui êtes dans les justes, car la distance spirituelle qui sépare les justes des pécheurs est aussi grande que la distance qui, dans le monde visible, sépare le ciel de la terre. C'est pour cela que lorsque nous prions nous nous tournons vers l'orient d'où nous voyons le ciel se lever. Ce n'est pas que Dieu y soit d'une manière particulière, à l'exclusion des autres parties du monde, mais c'est pour rappeler à notre âme qu'elle doit se tourner vers la nature plus parfaite de Dieu, en même temps que notre corps qui est terrestre se tourne vers un corps céleste qui est aussi plus parfait. Il est convenable aussi que tous, les petits comme les grands, se servent de leurs sens pour concevoir des sentiments dignes de Dieu, et pour ceux qui ne peuvent se faire une idée d'un être incorporel, il vaut mieux encore croire que Dieu est dans le ciel que sur la terre.
Que votre nom soit sanctifié.
S. Aug. (serm. sur la mont., 2, 12). Le Sauveur nous a fait connaître celui à qui doit s'adresser notre prière et le lieu qu'il habite, voyons maintenant quel doit être l'objet de nos prières. La première de toutes les demandes est celle-ci: «Que votre nom soit sanctifié». Cette demande ne suppose pas que le nom de Dieu ne soit pas saint par lui-même, mais elle exprime le désir que la sainteté de ce nom soit reconnue par tous les hommes c'est-à-dire que les hommes aient une connaissance si parfaite de Dieu qu'ils n'estiment rien de plus saint que lui. - S. Chrys. (Hom. 20). Ou bien il veut que dans la prière nous demandions que Dieu soit glorifié par notre vie, comme si nous disions à Dieu: «Accordez-nous de vivre de manière que notre vie soit pour toutes les créatures un sujet de vous louer et de vous glorifier», car l'expression: «Qu'il soit sanctifié» est la même que celle-ci: Qu'il soit glorifié. Or, pour être digne de Dieu, la prière ne doit rien demander avant la gloire du Père, et doit subordonner tout à ses louanges. - S. Cyp. (de l'Orais. Dom). Ou bien encore: Nous ne formons pas le souhait que Dieu soit sanctifié par nos prières, mais que son nom soit sanctifié en nous-mêmes. C'est lui qui nous a dit: «Soyez saint comme je suis saint»; nous le supplions donc, lui qui nous a sanctifiés dans le baptême, de nous faire persévérer dans la sainteté que nous avons reçue. - S. Aug. (Du don de la Persévér., chap. 2). Mais pourquoi demander cette persévérance à Dieu, si, comme le prétendent les Pélagiens, Dieu ne peut la donner? N'est-ce pas une dérision que de lui de mander ce qu'on sait qu'il ne peut donner, et ce qui est au pouvoir de l'homme sans le concours de sa grâce ?
S. Cyp. (De l'Orais. Dom). C'est tous les jours que nous demandons que son nom soit sanctifié, car nous avons besoin de cette sanctification continuelle pour expier les offenses que nous commettons chaque jour de notre vie.
3610 Mt 6,10
Que votre règne arrive
La Glose. Après l'adoption des enfants, il est juste que nous demandions l'avènement du royaume qui est promis aux enfants. C'est l'objet de la demande suivante: «Que votre règne arrive». - S. Aug. (serm. sur la mont). Ces paroles ne veulent pas dire que Dieu ne règne pas actuellement sur la terre et qu'il n'y ait pas toujours régné. Cette expression: «Qu'il arrive» signifie donc: «Qu'il soit manifesté aux hommes». Or, personne qui puisse ignorer le royaume de Dieu, lorsque son Fils unique viendra non plus d'une manière spirituelle, mais visi blement pour juger les vivants et les morts; c'est alors, comme le Seigneur l'enseigne, qu'aura lieu le jugement dernier, lorsque l'Évangile aura été prêché à toutes les nations. Cette demande se rattache à la sanctification du nom de Dieu. - S. Jér. Ou bien nous demandons d'une ma nière générale que le démon cesse de régner sur toute la surface de la terre, ou que Dieu règne dans chacun de nous et détruise le règne du péché dans notre corps mortel (hom. 6). -
S. Cyp. (de l'Orais. Dom). Ou bien nous demandons l'avènement de ce royaume que Dieu nous a promis, que Jésus-Christ nous a mérité par son sang, afin qu'après l'avoir servi sur la terre nous puissions régner avec lui dans le ciel. - S. Aug. (Lettre 121 à Proba, chap. 11). Vou lons-le, ne le voulons pas, le royaume de Dieu ne laissera pas d'arriver, mais nous nous exci tons à le désirer, afin qu'il arrive pour nous et que nous puissions y régner un jour. - Confér. des Pères. Ou bien le juste s'exprime ainsi parce qu'il sait, au témoignage de sa conscience, que lorsque apparaîtra le royaume de Dieu il en sera rendu participant. - S. Jér. Considérons quelle hardiesse étonnante et quelle pureté de conscience il faut avoir pour oser demander le royaume de Dieu, et ne pas craindre ses jugements.
S. Cyp. (de l'Orais. Dom). On peut encore entendre le royaume de Dieu de Jésus-Christ lui-même, dont l'avènement fait tous les jours l'objet de nos désirs les plus ardents. Car, de même qu'il est la résurrection (Jn 11, 25), parce que c'est en lui que nous ressusciterons, on peut aussi le prendre pour le royaume de Dieu, parce que c'est en lui que nous règnerons. C'est avec dessein que le Sauveur nous fait demander le royaume de Dieu, c'est-à-dire celui qui est dans les cieux, car il y a aussi un royaume terrestre; mais celui qui a renoncé au monde est supérieur à ses honneurs et à son royau me. Celui donc qui s'est consacré à Dieu et à Jésus-Christ ne désire plus les royaumes de la terre, mais le royaume du ciel. - S. Aug. (Du don de la Persévér). Par cette demande: «Que votre règne arrive», que peuvent désirer ceux qui ont déjà reçu la grâce de la sainteté, si ce n'est la persévérance dans cette grâce que Dieu leur a faite? Car le royaume de Dieu, dont l'avènement est certain pour ceux qui persévèrent jusqu'à la fin, ne viendra pour eux qu'à cette condition (Mt 10, 22; 24, 13).
Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
S. Aug. (serm. sur la mont). Dans ce royaume de la vraie félicité, la vie heureuse aura toute sa perfection dans les saints, comme elle l'a maintenant dans les anges: aussi, après cette de mande: «Que votre règne arrive», vient celle-ci: «Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel», c'est-à-dire: «De même que les anges accomplissent cette volonté en jouis sant de vous sans qu'aucun nuage d'erreur obscurcisse leur intelligence, sans qu'aucune misère fasse obstacle à leur bonheur, qu'elle s'accomplisse également dans les saints qui sont sur la terre et qui ont été, quant à leur corps, formés de la terre. On peut encore entendre ces paro les: «Que votre volonté soit faite» dans ce sens: Soyez obéi sur la terre comme dans le ciel, par les hommes comme par les anges, non pas que les anges agissent eux-mêmes sur la vo lonté de Dieu, mais parce qu'ils font ce qu'il veut et qu'ils agissent d'une manière conforme à sa volonté.
S. Chrys. (hom. 20). Voyez cet enchaînement admirable: Notre-Seigneur nous a enseigné à diriger nos désirs vers le ciel par ces paroles: «Que votre règne arrive»; en ajoutant: «Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel», il veut, avant de parvenir au ciel, que nous fassions de la terre un ciel anticipé en accomplissant ces paroles: «Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel». - S. Jér. Qu'ils rougissent ici de leur opinion, ceux qui prétendent que le péché fait tous les jours des ruines dans le ciel. - S. Aug. (serm. sur la mont). Ou bien: «Sur la terre comme au ciel», c'est-à-dire dans les pécheurs comme dans les justes, ce qui revient à dire: «De même que les justes font votre volonté, que les pécheurs l'accomplissent également en se convertissant à vous», ou bien «De manière qu'on rende à chacun ce qui lui est dû, ce qui aura lieu au dernier jugement». Ou bien encore nous pouvons entendre par le ciel et la terre l'esprit et la chair, et alors dans ces paroles de l'Apôtre: «Je suis soumis à la loi de Dieu selon l'esprit» (Rm 7), nous verrons la vo lonté de Dieu accomplie en esprit. Dans ce sens, le merveilleux changement qui est promis aux justes nous est signifié par ces paroles: «Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel»; c'est-à-dire que le corps soit soumis à l'esprit comme l'esprit est soumis à Dieu. Ou bien enfin «sur la terre comme dans le ciel», c'est-à-dire dans l'Église comme en Jésus-Christ, dans l'épouse qu'il s'est unie comme dans l'époux qui a fidèlement exécuté la volonté de son Père. En effet, le ciel et la terre sont une figure très juste de l'homme et de la femme, car la terre ne produit des fruits qu'autant qu'elle est fécondée par le ciel.
S. Cyp. (de l'Orais. Dom). Ainsi nous ne demandons pas que Dieu fasse ce qu'il veut, mais que, quant à nous, nous puissions faire ce que Dieu veut. Or, il n'y a que la volonté divine qui puisse nous en rendre capables, c'est-à-dire sa protection et le secours qu'il nous donne, car personne n'est fort de ses propres forces et la miséricorde divine fait seule toute notre sûreté. -
S. Chrys. (hom. 20). La vertu n'est pas seulement le fruit de nos efforts, mais de la grâce d'en haut. Or, Notre-Seigneur prescrit de nouveau à chacun de nous de prier ici pour l'univers entier, car il n'a pas dit: «Que votre volonté soit faite en moi», ou «soit faite en nous», mais: «Qu'elle soit faite par toute la terre»; que l'erreur en soit arrachée, que la vérité y soit plantée, que le mal en soit banni, que la vertu y soit ramenée et qu'ainsi il n'y ait plus de diffé rence entre le ciel et la terre.
S. Aug. (Du don de la Persévér., chap. 3). Nous avons ici contre les Pélagiens une preuve évidente que le commencement de la foi est un don de Dieu, puisque la sainte Église prie pour les infidèles, afin que Dieu leur donne le commencement de la foi. Puisque la volonté de Dieu est déjà faite dans les saints, en priant qu'elle se fasse de nouveau, que demandent-ils si ce n'est de persévérer dans la voie où ils sont entrés ?
S. Chrys. (sur S. Matth). On doit joindre ces paroles: «Sur la terre comme au ciel» aux de mandes précédentes: «Que votre nom soit sanctifié sur la terre comme dans le ciel; que votre règne arrive sur la terre comme dans le ciel; que votre volonté soit faite dans la terre comme dans le ciel». Et voyez quelle sagesse dans les paroles du Sauveur; il ne nous fait pas dire: «Père, sanctifiez en nous votre nom, que votre règne arrive pour nous, faites en nous votre volonté», ou bien: «Sanctifions votre nom; recevons votre royaume; faisons votre volonté», dans la crainte que l'accomplissement de ces commandements parût être l'oeuvre exclusive ou de Dieu ou de l'homme. Il s'exprime donc en général et sans déterminer personne, car de même que l'homme ne p eut faire le bien sans le secours de Dieu, de même Dieu ne peut opérer le bien dans l'homme, si l'homme ne lui prête le concours de sa volonté.
3611 Mt 6,11
Donnez-nous aujourd'hui notre pain au-dessus de toute substance
S. Aug. (Enchirid. chap. 15). Les trois choses contenues dans les demandes précédentes se commencent ici-bas et elles se développent en nous a proportion de notre progrès dans la vie spirituelle. Elles ne seront parfaites que lorsque nous les posséderons sans crainte de les perdre, comme nous l'espérons dans l'autre vie. Les quatre demandes suivantes ont pour objet les cho ses du temps qui nous sont nécessaires pour obtenir les biens éternels. Le pain qui fait l'objet de la première de ces demandes est une nécessité de la vie: «Donnez-nous aujourd'hui notre pain qui est au-dessus de toute substance. - S. Jér. L'expression que nous traduisons par au-dessus de toute substance est le mot grec åðéïõóéïí, de tous les jours, que les Septante expri ment fréquemment par p åñéïõóéïí, qui signifie e galement au-dessus de toute substance. Si nous examinons le texte hébreu, nous trouvons qu'au mot grec p åñéïõóéïí correspond toujours le mot hébreu sogolla, que Symmache traduit par le mot åîáéñåôïí, c'est-à-dire, principal ou remarquable, et auquel il donne dans un autre endroit le sens de particulier. Quand donc nous demandons à Dieu ce pain qui nous est propre ou ce pain d'une nature supérieure, nous avons en vue le pain dont le Seigneur a dit dans l'Évangile: Je suis le pain vivant descendu du ciel». - S. Chrys. En effet, le Christ est le pain de vie; ce pain n'appartient pas à tous, mais il est véritablement notre pain. Nous demandons que ce pain nous s oit donné tous les jours, c'est-à-dire que nous tous, qui sommes en Jésus-Christ et qui recevons tous les jours la sainte Eucha ristie, nous ne soyons pas éloignés de ce pain céleste par quelque faute grave et séparés ainsi du corps de Jésus-Christ. Nous prions donc Dieu, nous qui avons le bonheur de demeurer en Jésus-Christ, de n'être pas séparés de son corps et de sa grâce sanctifiante. - S. Aug. (Du don de la Persévér., chap. 4). C'est donc la persévérance que les saints demandent en priant Dieu de les conserver dans cette sainteté qui ne souffre aucun crime. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien ce pain au-dessus de toute substance est le pain quotidien. - Confér. des Pères. Cette expression «aujourd'hui» nous apprend que ce pain doit être mangé tous les jours et que nous devons faire cette prière en tout temps, car il n'est aucun jour dans la vie où nous ne de vions fortifier par cet aliment le coeur de l'homme intérieur.
S. Aug. (serm. sur la mont., 2, 7). Ceux qui, dans les églises d'Orient, ne participent pas tous les jours à la cène du Seigneur soulèvent ici une difficulté et ils appuient leur sentiment sur l'autorité ecclésiastique. Cette conduite, disent-ils, ne donne aucun scandale, et ceux qui gou vernent les églises ne s'opposent pas à cette manière d'agir. Mais, sans entreprendre aucune discussion sur cette matière, on verra, pour peu qu'on y réfléchisse, que nous avons reçu du Seigneur lui-même la règle de la prière et qu'il ne nous est pas permis de la transgresser. Qui donc oserait dire que nous ne devons réciter qu'une fois l'Oraison dominicale ou, si nous pou vons la réciter une deuxième et une troisième fois, qu'elle nous est défendue après que nous avons communié au corps du Seigneur? Car il semble alors que nous ne pourrions plus dire: «Donnez-nous aujourd'hui notre pain», puisque nous l'aurions déjà reçu. Ou bien il faudrait admettre qu'on pourrait nous forcer de célébrer le sacrifice dans la seconde partie du jour. - Confér. des Pères, 9. Aujourd'hui peut aussi s'entendre de la vie présente, c'est-à-dire: «Donnez-nous ce pain tant que nous sommes dans cette vie».
S. Jér. Nous pouvons encore entendre dans un autre sens ce pain supersubstantiel, c'est-à-dire du pain qui est au-dessus de toutes les substances, qui est supérieur à toutes les créatures, en un mot du corps du Seigneur. - S. Aug. (serm. sur la mont). Ou bien, ce pain quoti dien est un pain spirituel, c'est-à-dire les préceptes divins, que nous devons tous les jours mé diter et accomplir. - S. Grég. (Moral., 24, 5). Nous disons: «Notre pain», et cependant nous prions qu'il nous soit donné, parce qu'il est le pain de Dieu qui nous l'accorde, et qu'il devient notre pain lorsque nous le recevons. - S. Jér. D'autres expliquant simplement ce texte dans le sens des paroles de saint Paul (1Tm 6): «Ayant de quoi nous nourrir et de quoi nous couvrir, nous devons être contents», disent que les saints ne doivent s'occuper de la nourriture que pour le jour présent. C'est pour cela que plus loin Notre-Seigneur nous donne ce précepte: «Ne vous inquiétez pas pour le lendemain».
S. Aug. (Lettre 121 à Proba, chap. 11). Nous demandons ici toutes les choses qui nous sont nécessaires dans celle qui passe avant toutes les autres, et nous les renfermons toutes sous le nom de pain. - S. Chrys. (sur S. Matth). Nous ne faisons pas à Dieu cette prière: «Donnez-nous aujourd'hui notre pain», seulement pour recevoir notre nourriture, ce qui est commun aux justes et aux pécheurs, mais pour la recevoir de la main de Dieu, ce qui est le partage exclusif des Saints: car Dieu donne le pain à celui qui se prépare à le recevoir par la justice, et le démon à celui qui ne s'y dispose que par le péché. Ou bien nous demandons que ce pain que Dieu nous donne soit sanctifié lorsque nous le recevons, et c'est pourquoi il est appelé notre, en ce sens: Ce pain que nous nous sommes procuré, donnez-le nous pour qu'il reçoive de vous sa sanctifica tion, de même que le prêtre recevant le pain des mains d'un laïque, le sanctifie, et le lui rend ensuite. Ce pain appartient sans doute à celui qui l'offre, mais la sanctification qu'il reçoit vient du prêtre. Notre-Seigneur l'appelle «nôtre» pour deux raisons: d'abord le dessein de Dieu dans les biens qu'il nous donne, est de les répandre sur les autres par notre entremise, et il veut que nous en donnions une part aux indigents. Celui donc qui refuse de les assister du fruit de son travail ne mange pas seulement son pain, mais le pain des autres. Une seconde raison, c'est qu'il n'y a que celui qui a gagné ce pain par des moyens justes qui mange véritablement son pain; celui qui ne le doit qu'a des voies coupables, mange le pain des autres. - S. Aug. (serm. sur la mont., 2, 12). Peut-être sera-t-on surpris de nous voir demander à Dieu les choses nécessaires au soutien de cette vie, comme la nourriture et le vêtement, alors que le Seigneur nous dit: «Ne vous inquiétez pas comment vous trouverez votre nourriture ou vos vête ments». Car on ne peut être sans quelque inquiétude à l'égard d'une chose qu'on désire et qu'on demande. Celui qui ne désire que les choses nécessaires à la vie reste dans les limites de la modération et n'est aucunement répréhensible. Nous ne demandons point ce nécessaire pour lui-même, mais pour satisfaire aux besoins de notre corps, aux convenances de notre état, et afin de nous conformer honnêtement aux usages des personnes au milieu desquelles nous vi vons. Nous devons prier pour la conservation de ce nécessaire lorsque nous l'avons, et pour l'obtenir si nous ne l'avons pas.
S. Chrys. (hom. 20). Remarquons qu'après avoir dit: «Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel», Notre-Seigneur s'adressant à des hommes revêtus d'une chair mortelle et qui ne peuvent avoir la même impassibilité que les anges, veut bien condescendre à notre faiblesse qui a besoin de nourriture, Il nous commande donc de demander non pas les riches ses, non pas les molles délicatesses de la vie, mais seulement le pain, et le pain quotidien, et non content de cela, il ajoute: «Donnez-nous aujourd'hui»,car il ne veut pas que nous soyons accablés sous le poids des préoccupations du lendemain. - S. Chrys. (sur S. Matth). A la première vue d'après ces paroles, ceux qui font cette prière ne devraient avoir aucune réserve pour le lendemain et les jours suivants. S'il fallait l'entendre ainsi, cette prière conviendrait à un bien petit nombre, aux apôtres par exemple, qui voya geaient continuellement pour prêcher l'Évangile, et peut-être ne conviendrait-elle à personne. Or nous devons interpréter la doctrine de Jésus-Christ de manière à ce que la pratique en soit accessible à tous.
S. Cypr. (de l'Or. Dom). Le disciple de Jésus-Christ doit donc demander la nourriture divine, et sa prière ne doit pas embrasser un trop long espace de temps, car il y a contradiction et ré pugnance à demander tout à la fois le prompt avènement du royaume des cieux et une longue vie sur la terre. - S. Chrys. (hom. 14). Ou bien peut-être ce pain est appelé quotidien parce qu'on doit en le mangeant, obéir aux exigences de la raison, et non pas à l'entraînement des désirs sensuels. Si pour un seul repas vous dépensez autant que demanderait la nourriture de cent jours, ce n'est plus votre pain quotidien que vous mangez, c'est le pain de plusieurs jours.
S. Jér. Dans l'Évangile selon les Hébreux, à la place du mot super-substantiel, on trouve l'expression mohar, qui signifie lendemain et donne ce sens à cette demande: «Donnez-nous aujourd'hui notre pain de demain», c'est-à-dire pour l'avenir.
Catena Aurea 3605