Catena Aurea 3818
3818 Mt 8,18-22
S. Chrys. (hom. 28). Comme Jésus-Christ ne guérissait pas seulement les corps, mais qu'il rendait encore les âmes meilleures en leur enseignant la vraie sagesse, il a voulu montrer dans sa personne non-seulement la puissance qui guérit les maladies, mais encore l'humilité qui fuit toute ostentation; c'est pour cela que l'Évangéliste ajoute: «Or, Jésus se voyant environné d'une grande foule de peuple, ordonna à ses disciples de passer à l'autre bord. Il agissait de la sorte pour nous enseigner la modestie dans nos actions, calmer l'envie des Juifs, et nous ap prendre à ne rien faire par amour de la vaine gloire. - Remi. Ou bien il agissait ici comme homme, pour se débarrasser des importunités de la foule. Ce peuple lui était fortement attaché, plein d'admiration pour sa personne, et ne pouvait se lasser de le voir. Qui aurait pu, en effet se séparer d'un homme qui opérait de tels prodiges? Qui n'aurait voulu contempler l'auguste simplicité de son visage et la bouche d'où sortaient de tels oracles? Si Moïse avait le visage resplendissant de gloire (Ex 34), et saint Etienne la figure d'un ange (Ac 7), comment le souverain Maître de toutes choses n'aurait-il point paru avec la majesté qui convenait à son auguste personne, et n'est-ce pas ce que le Roi-Prophète prédisait en ces termes: «Vous surpassez en beauté tous les enfants des hommes».
S. Hil. (Can. 7 sur S. Matth). Le nom de disciples ne s'applique pas seulement aux douze apôtres, car nous voyons qu'outre les apôtres, Jésus eut plusieurs disciples.
S. Aug. (de l'accord des Evang. liv. 2, chap. 22). Il est évident que le jour où Jésus ordonna à ses disciples de passer à l'autre bord ne fut pas le lendemain du jour où il avait guéri la belle-mère de Pierre, car ce jour là il se retira dans le désert, comme le racontent saint Marc et saint Luc. - S. Chrys. (hom. 28). Remarquez qu'il ne renvoie pas directement la foule, pour ne pas la blesser; mais il ordonne à ses disciples d'aller au delà, en laissant au peuple l'espérance de pouvoir l'y suivre.
Remi. Mais que s'est-il passé entre l'ordre donné ici par le Sauveur et son exécution? L'Évangéliste a pris soin de nous l'apprendre. Et voici qu'un scribe lui dit: «Maître, je vous suivrai partout où vous irez». - S. Jér. Si ce scribe, qui ne connaissait que la lettre qui tue (cf. Rm 7), avait dit: «Seigneur, je vous suivrai partout ou vous irez», il n'eût pas été repous sé par le Sauveur; mais comme il ne le considérait que comme un maître ordinaire, qu'il n'était lui-même qu'un homme attaché à la lettre extérieure, et n'avait pas les oreilles intérieures de l'âme, il n'a rien en lui où Jésus puisse reposer sa tête. Nous voyons aussi que ce scribe a été rejeté, parce qu'à la vue des prodiges étonnants opérés par le Sauveur, il ne voulait le suivre que pour recueillir du profit de ces oeuvres. Il désirait ce que Simon le magicien voulait plus tard acheter de saint Pierre. (Ac 8).
S. Chrys. (hom. 28). Voyez aussi quel est son or gueil: il arrive, et à son langage, on voit qu'il dédaigne d'être confondu avec la foule, et qu'il veut montrer qu'il lui est supérieur. S. Hil. (can. 7 sur S. Matth). Ou bien encore, ce scribe, qui est un des docteurs de la loi, demande à Jésus s'il doit le suivre, comme si la loi ne disait pas clairement que c'est le Christ, et qu'il a tout intérêt de marcher à sa suite. Il trahit donc l'incrédulité de son âme par cette question de défiance, car on ne doit pas interroger, mais sui vre les inspirations et les enseignements de la foi.
S. Chrys. (hom. 28). Le Sauveur répond ici non pas à la question contenue dans ses paroles, mais à la pensée renfermée dans son âme. Et Jésus lui dit: «Les renards ont leurs tanières et les oiseaux du ciel leurs nids, mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête». C'est-à-dire pourquoi voulez-vous me suivre dans l'espérance des richesses et des avantages du siècle, moi dont la pauvreté est si grande que je ne possède pas même un petit réduit, et que je couche sous un toit qui ne m'appartient pas. - S. Chrys. (hom. 28). Notre-Seigneur ne lui tient pas ce langage pour le repousser, mais pour lui reprocher sa mauvaise intention, et il lui accorderait ce qu'il demande, s'il consentait à pratiquer la pauvreté en marchant à sa suite. Mais voyez, sa malice est si grande que cette le çon ne peut le convertir et qu'il ne s'écrie pas: «Je suis prêt à vous suivre».
S. Aug. (serm. sur les par. du Seigneur). Ou bien encore, le Fils de l'homme n'a pas où repo ser sa tête dans votre foi; les renards ont leurs tanières dans votre âme pleine de ruses; les oiseaux du ciel ont aussi leurs nids dans votre coeur dominé par l'orgueil; avec cet esprit de ruse et d'orgueil vous ne pouvez me suivre; celui qui est trompeur peut-il suivre celui qui marche simplement? - S. Grég. (Moral. 19, 1). Ou bien, les renards sont des animaux rusés qui se cachent dans des trous ou dans des cavernes. Lorsqu'ils en sortent, ce n'est point dans les droits chemins, mais dans les sentiers détournés qu'on les voit courir; quant aux oiseaux, leur vol est très élevé au-dessus de terre. Il faut donc entendre par les renards les démons de la ruse et de la fourberie, et par les oiseaux les démons de l'orgueil. Voici donc le sens des paro les de Jésus: Les démons de la ruse et de la vaine gloire trouvent place dans votre coeur, mais mon humilité ne peut se reposer dans une âme livrée à l'orgueil. - S. Aug. (quest. sur l'Evang). Il est à croire que, séduit par l'éclat des miracles du Sauveur, il voulut s'attacher à lui par un motif de vaine gloire, figurée ici par les oiseaux, et qu'il a joué le personnage d'un disciple obéissant, hypocrisie qui est représentée par les renards. - Rab. Les hérétiques qui mettent toute leur confiance dans leurs subtilités sont ici figurés par les renards, et les esprits malins par les oiseaux du ciel. Les uns et les autres avaient leurs tanières et leurs nids, c'est-à-dire leur de meure dans le coeur du peuple juif.
Un autre de ses disciples lui dit: «Seigneur, permettez-moi d'aller d'abord ensevelir mon père». - S. Jér. Quelle différence entre le scribe et ce disciple ! Celui-ci l'appelle simplement maître, celui-là le reconnaît pour son Seigneur. L'un, obéissant à un sentiment de piété filiale, désire aller ensevelir son père; l'autre promet de suivre Jésus partout, mais ce n'est pas la personne du Maître qu'il recherche, c'est le gain qu'il espère en retirer. - S. Hil. (Can. 7 sur S. Matth). Ce disciple ne demande pas non plus s'il doit suivre Jésus; il croit que c'est pour lui une obligation, et il demande simplement qu'il lui Soit permis d'aller ensevelir son père.
S. Aug. (serm. 7 sur les par. du Seig). Lorsque le Seigneur prépare les hommes au ministère évangélique, il rejette toutes les excuses que suggèrent les sentiments de la nature et les solli citudes de cette vie; c'est ce que prouvent les paroles suivantes: «Or Jésus lui dit: Suivez-moi, et laissez les morts ensevelir leurs morts». S. Chrys. (hom. 28). Gardons-nous de croire que le Sauveur nous commande de refuser à nos parents l'honneur qui leur est dû; il nous ap prend à ne rien voir de plus nécessaire que l'affaire de nos intérêts éternels, à nous y appliquer avec toute l'ardeur possible, sans le plus léger retard, quelque inévitables, quelque irrésistibles que soient les attachements qui nous retiennent. Car quoi de plus nécessaire, et aussi quoi de plus facile que d'ensevelir son père? L'accomplissement de ce devoir ne demandait pas grand temps. Par là encore le Seigneur a voulu nous arracher à une multitude de maux, à la douleur, à l'affliction, et à tout ce qui accompagne de semblables accidents. Après les funérailles, en effet, seraient venus les débats sur le testament, le partage de la succession, et ces agitations successives auraient pu l'éloigner considérablement de la vérité. Si votre coeur se soulève en core, rappelez-vous que souvent on laisse ignorer à des malades la mort de leur père, ou de leur fils, ou de leur mère, et qu'on ne leur permet pas de les accompagner jusqu'au lieu de leur sépulture. Loin que ce soit là de la cruauté, c'est la conduite contraire qui mériterait ce repro che. Ce serait un bien plus grand mal de détourner un homme des enseignements spirituels, alors surtout que d'autres pourraient le remplacer pour rendre ces derniers devoirs; c'est jus tement ce qui avait lieu ici; c'est ce qui fait dire au Sauveur: «Laissez les morts ensevelir leurs morts». - S. Aug. (serm. 7 sur les par. du Seig). C'est-à-dire: votre père est mort, il y a d'autres morts qui pourront ensevelir leurs morts, car ils sont dans l'infidélité. - Chrys. (hom. 28). Ces paroles indiquent que celui qui était mort n'était pas un de ses disciples, mais qu'il était du nombre des infidèles. Vous admirez ce jeune homme qui, en présence d'un devoir aussi pressant, vient demander à Jésus ce qu'il faut faire, et ne veut point agir de lui-même; mais qu'il est bien plus admirable d'avoir obéi à la défense qui lui était faite, non point par un sentiment d'ingratitude ou de négligence, mais pour ne pas interrompre une affaire plus im portante ! - S. Hil. D'ailleurs, comme nous avons appris à dire au commencement de l'Oraison domini cale: «Notre Père qui êtes dans les cieux», et que ce disciple représente tout le peuple croyant, le Seigneur lui rappelle ici qu'il n'y a pour lui qu'un Père qui est dans les cieux (Mt 23,9), et que les droits que donne ce nom de père ne sont pas laissés au père infidèle à l'égard de son fils devenu fidèle. Il nous apprend encore à ne pas mêler à la mémoire des saints le souvenir de ceux qui sont morts dans l'infidélité, et à regarder comme morts ceux qui vivent en dehors de la vie de Dieu. Que les morts donc ensevelissent leurs morts; car pour ceux qui sont vivants, ils doivent s'attacher au Dieu vivant par la foi qu'ils ont en lui.
S. Jér. Si donc c'est aux morts à ensevelir les morts, nous devons prendre soin des vivants, et non point des morts, de peur que cette préoccupation pour les morts ne nous fasse ranger nous-mêmes parmi les morts. - S. Grég. (Moral., liv. 4, chap. 25). On peut dire encore que les morts ensevelissent leurs morts lorsque les pécheurs se montrent favorables aux pécheurs, car en prodiguant les louanges à celui qui pêche, ils enterrent pour ainsi dire ce mort sous le poids de leurs éloges. - Rab. Cette maxime du Sauveur nous apprend aussi qu'il faut quel quefois sacrifier un bien moins important à un bien qui l'est davantage. S. Aug. (de l'accord des Evang., liv. 2, chap. 23). S. Matthieu raconte ce fait comme étant arrivé après que Jésus eut ordonné à ses disciples de passer sur l'autre bord, tandis que saint Luc le place au moment où ils étaient en chemin; il n'y a ici aucune contradiction, puisqu'ils étaient en chemin pour arriver au bord de la mer.
3823 Mt 8,23-27
Orig. Notre-Seigneur Jésus-Christ ayant fait éclater sur la terre de grands et d'étonnants pro diges, passe sur la mer pour y opérer des miracles plus extraordinaires encore, et se faire ainsi reconnaître partout comme le Seigneur de la terre et de la mer. «Et après qu'il fut monté dans une barque», dit l'Évangéliste, il fut suivi de ses disciples qui n'étaient plus des disciples fai bles, mais fermes et stables dans la foi. En le suivant, ils étaient moins attachés à ses pas qu'à la sainteté de sa vie qui les attirait à lui. - S. Chrys. (hom. 29). Il prend ses disciples avec lui et les fait monter dans la même barque pour leur apprendre à ne pas s'effrayer au milieu des dan gers, et leur enseigner à conserver toujours l'humilité au milieu des honneurs, car il permet qu'ils soient le jouet des flots, afin de prévenir la haute idée qu'ils auraient pu avoir d'eux-mêmes en voyant que Jésus les avait se tenus de préférence aux autres. Lorsqu'il opérait des prodiges éclatants, il permettait à la foule d'en être témoin; mais lorsqu'il s'agit de se mesurer avec les tentations, avec les craintes, il ne prend avec lui que les athlètes qu'il devait former à combattre contre l'univers entier. - Orig. Après qu'il fut entré dans la barque, il commanda à la mer de s'agiter. «Et voici, dit le texte sacré, qu'une grande tempête s'éleva sur la mer». Cette tempête ne s'éleva pas d'elle-même, mais elle obéit à la puissance de celui qui commande et qui fait sortir les vents de ses trésors (Ps 134). La tempête fut grande pour que le mira cle le fut également; plus les flots venaient fondre sur la barque, plus aussi l'effroi bouleversait les disciples, et leur faisait désirer d'être délivrés par la puissance du Sauveur.
S. Chrys. (hom. 29). Ils avaient été témoins des bienfaits que Jésus répandait si libéralement sur les autres; mais comme nous ne jugeons pas de la même manière de ce qui se fait dans l'intérêt des autres, et de ce que l'on fait pour nous, Notre-Seigneur voulut les faire jouir de ses bienfaits par une expérience personnelle; il permit donc cette tempête, pour que leur déli vrance leur fît comprendre plus clairement ce qu'il faisait en leur faveur. Or cette tempête était la figure des tentations qu'ils devaient éprouver dans l'avenir, et dont saint Paul a dit: «Je ne veux pas vous laisser ignorer, mes frères, que nous avons été surchargés au-dessus de nos for ces». L'Évangéliste nous dit que Jésus dormait, parce qu'il voulait laisser à la crainte le temps de s'emparer de leur âme. Car si la tempête était survenue pendant qu'il était éveillé, ou ils n'auraient eu aucune crainte, ou ils n'auraient pas imploré son secours, ou ils n'auraient pas cru qu'il pût opérer un semblable miracle.
Orig. Chose étonnante et merveilleuse ! L'Évangéliste nous montre livré au sommeil celui qui ne dort, qui ne sommeille jamais (Ps 120,4). Son corps dormait, mais la divinité veillait, et il prouvait par là qu'il portait un corps véritable comme le nôtre, et qu'il s'en était revêtu avec toutes ses faiblesses. Il dormait donc extérieurement pour apprendre à ses apôtres à veiller, et nous apprendre à tous à éviter le sommeil de l'âme. La crainte qui les bouleversait était si grande, qu'ils avaient presque perdu la tête, qu'ils se précipitaient près de lui et qu'au lieu de lui parler avec modération et avec douceur, ils le réveillent brusquement. Et ses disciples s'approchèrent, et ils l'éveillèrent en disant: «Seigneur, sauvez-nous, nous périssons».
S. Jér. Nous voyons une figure de cet événement dans le prophète Jonas, qui, pendant que tous tremblent à la vue du danger, seul est tranquille, et dort si profondément qu'il faut le ré veiller. - Orig. Et vous les vrais disciples de Jésus-Christ, vous avez le Seigneur au milieu de vous, et vous craignez le danger? La vie est avec vous, et la crainte de la mort vous préoc cupe? Peut-être vont-ils répondre: Nous sommes encore faibles, pusillanimes; c'est pour cela que la crainte s'empare de nous. Aussi Jésus leur dit: «Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi ?» C'est-à-dire: vous avez été témoins de ma puissance sur la terre, pourquoi doutez-vous que cette puissance s'étende aussi à la mer? Et quand la mort elle-même vien drait fondre sur vous, ne devriez-vous pas la supporter avec courage? Celui qui croit faible ment sera repris, celui qui ne croit pas du tout sera condamné. - S. Chrys. (hom. 20). Dira-t-on que réveiller Jésus ne fut pas chez eux un signe de peu de foi? Au moins est-ce une preuve qu'ils n'avaient pas de lui une opinion convenable, car ils pensaient qu'il pourrait apaiser la mer étant éveillé, mais que cela lui serait impossible pendant son sommeil. Aussi est-ce pour cela qu'il n'opère pas ce miracle en présence de la foule, pour n'avoir pas à leur reprocher devant elle leur peu de foi; il les prend seuls avec lui pour leur faire ce reproche et il apaise ensuite les flots soulevés. «Et se levant en même temps, il commanda aux vents et à la mer, et il se fit un grand calme.
S. Jér. Cet acte de puissance doit nous faire conclure que toutes les créatures ont le sentiment de leur Créateur, car ceux qui reçoivent un commandement doivent avoir sentiment de celui qui leur commande; nous ne partageons pas cependant l'erreur des hérétiques qui considèrent tous les êtres comme animés, mais nous disons que la majesté du Créateur rend pour ainsi dire sensibles pour lui les créatures qui demeurent insensibles pour nous. - Orig. Il commanda donc aux vents et à la mer, et à cette grande agitation succéda un grand calme. Il est digne de celui qui est grand de faire de grandes choses, et c'est pour cela qu'après avoir troublé magni fiquement les profondeurs de la mer, il commande qu'un grand calme se fasse, afin que la joie de ses disciples égale la crainte qui les a troublés.
S. Chrys. (hom. 29). Ces paroles nous font voir encore que la tempête a été calmée tout d'un coup et tout entière, sans qu'il restât la moindre trace d'agitation; chose tout à fait extraordi naire, car lorsque le soulèvement des flots s'apaise selon les lois ordinaires de la nature, ils restent encore longtemps agités, taudis qu'ici toute agitation cesse dans un instant. Ainsi Jésus-Christ accomplit en sa personne ce que le Roi-Prophète avait dit de Dieu le Père: «Il a parlé et la tempête s'est apaisée», car d'une seule parole et par son seul commandement il a calmé la mer et mis un frein à la fureur des flots. Ceux qui étaient avec lui, à son aspect, à son sommeil, à l'usage qu'il faisait d'une barque, le regardaient seulement comme un homme; aussi ce mira cle les jette dans l'étonnement. Or les hommes furent dans l'admiration, et ils disaient: «Quel est celui-ci ?» etc. - La Glose. Saint Chrys ostome traduit ainsi: «Quel est cet homme ?» En effet, à ne considérer que son sommeil et son extérieur, c'était un homme; mais la mer et le calme qu'il y ramena montraient qu'il était Dieu. Orig. Mais quels sont ces hommes qui fu rent dans l'admiration? Ne croyez pas que cette expression désigne les Apôtres, car il n'est jamais parlé d'eux qu'en termes honorables, et ils sont toujours appelés ou apôtres ou disci ples. Ceux qui étaient dans l'admiration furent donc ceux qui étaient avec le Sauveur dans la barque, et à qui cette barque appartenait. - S. Jér. Si quelqu'un cependant, par esprit de contradiction, prétend que ce sont les disciples de Jésus qui furent dans l'admiration, nous ré pondrons que c'est à juste titre que l'Évangéliste leur donne le nom d'hommes, car ils ne connaissaient pas encore la puissance du Sauveur.
Orig. En disant: «Quel est donc celui-ci ?» ils ne font pas une question, mais ils affirment que c'est à cet homme que les vents et la mer obéissent. «Quel est donc celui-ci ?» C'est-à-dire quelle est sa puissance, quelle est sa force, quelle est sa grandeur? Il commande à toute créature, et elle ne transgresse pas ses ordres; les hommes seuls lui résistent, et seront pour cela condamnés au jugement.
Dans le sens mystique, nous naviguons tous avec le Seigneur dans la barque de l'Église sur la mer orageuse du monde; le Seigneur cependant dort d'un sommeil de miséricorde, et attend ain si notre patience dans les maux et le repentir des pécheurs. S. Hil. (Can. 7 sur S. Matth). Ou bien il dort, parce que notre propre sommeil l'assoupit au milieu de nous. C'est ce que Dieu permet pour nous faire espérer le secours du ciel au milieu de l'effroi que nous cause le danger, et plût à Dieu qu'une espérance même tardive nous donne l'assurance d'échapper au péril, grâce à la puissance du Christ qui veille au milieu de nous ! - Orig. Approchons-nous donc de lui avec empressement, en lui disant avec le Prophète: «Levez-vous; pourquoi dor mez-vous, Seigneur ?» (Ps 43). Et il commandera lui-même aux vents, c'est-à-dire aux démons qui soulèvent les flots, aux princes de ce monde qui suscitent les persécutions contre les saints, et le Christ fera régner un grand calme autour du corps et de l'esprit, en rendant la paix à l'Église et la tranquillité au monde.
Rab. Ou bien encore la mer, ce sont les flots agités du monde, la barque dans laquelle monte Jésus-Christ; c'est l'arbre de la croix à l'aide duquel les fidèles traversent cette mer du monde et parviennent à la céleste patrie comme à un port assuré. Jésus-Christ monte dans cette barque avec ses disciples,et c'est pour cela qu'il dit plus bas: «Que celui qui veut venir après moi, se renonce lui-même, qu'il porte sa croix et qu'il me suive». Lorsque le Christ fut attaché à la croix, il se fit une grande agitation, parce que l'âme de ses disciples fut troublée par le specta cle de la passion. La barque fut couverte par les flots, car la violence de la persécution se dé chaîna autour de la croix sur laquelle Jésus-Christ succomba. C'est pour cela qu'il est dit: «Et lui cependant dormait». Son sommeil était la mort. Les disciples éveillent leur Maître, alors que, bouleversés par sa mort, ils font les voeux les plus ardents pour sa résurrection, et lui di sent: «Sauvez-nous en ressuscitant, car nous périssons dans le trouble où nous a jetés votre mort. Lorsqu'il ressuscite, il leur reproche la dureté de leur coeur, comme nous le voyons ail leurs. Le Seigneur a commandé aux vents, lorsqu'il a écrasé l'orgueil du démon; il a comman dé à la mer, en dissipant la fureur insensée des Juifs; et il s'est fait un grand calme, car la frayeur des disciples s'apaisa lorsqu'ils furent témoins de la résurrection de leur Maître. - La Glose. Ou bien encore, la barque c'est l'Église de la terre, dans laquelle le Christ traverse avec les siens la mer de ce monde et apaise les flots des persécutions, digne objet de notre admiration et de notre reconnaissance.
3828 Mt 8,28-34
S. Chrys. (hom. 29). Les hommes ne voyaient dans Jésus-Christ que la nature humaine; les démons vinrent proclamer sa divinité, afin que ceux qui n'avaient point écouté la voix de la mer en fureur et soudain redevenue calme, entendissent la voix des démons; c'est l'objet des versets suivants: «Jésus étant passé à l'autre bord, dans le pays des Géraséniens», etc. - Rab. Gérasa est une ville de l'Arabie, située au delà du Jourdain auprès du mont Galaad; elle était habitée par la tribu de Manassès et n'était pas éloignée du lac de Tibériade, dans lequel les pourceaux furent précipités.
S. Aug. (de l'accord des Evang., liv, 2, chap. 24). Saint Matthieu parle ici de deux possédés, saint Marc et saint Luc ne parlent que d'un seul; cette différence s'explique en disant qu'il y en avait un des deux plus connu et plus renommé, qui affligeait davantage cette contrée et dont les habitants désiraient plus ardemment la guérison, guérison qui eut aussi plus de retentisse ment. - S. Chrys. (hom. 29). Ou bien saint Luc et saint Marc ont choisi le plus furieux pour sujet de leur récit, et ils nous retracent plus en détail ses souffrances. Saint Luc, en effet, dit qu'après avoir brisé ses liens, il était emporté dans le désert, et saint Marc qu'il se meurtrissait lui-même avec des cailloux. Cependant ils ne disent pas qu'il était seul, pour ne pas se mettre en contradiction avec saint Matthieu. Nous voyons ensuite qu'ils sortaient des tombeaux, ce qu'ils faisaient pour accréditer cette erreur pernicieuse que les âmes de ceux qui sont morts deviennent des démons. C'est par suite de cette erreur qu'un grand nombre d'aruspices égor gent des enfants pour associer leur âme à leurs criminelles opérations. C'est pour cela qu'on entend les possédés s'écrier: «Je suis l'âme d'un tel !» Ce n'est pas l'âme de celui qui est mort qui s'exprime de la sorte, mais le démon qui emprunte sa voix pour tromper ceux qui l'entendent; car si l'âme d'un mort pouvait entrer dans un corps étranger, à plus forte raison pourrait-elle rentrer dans celui qu'elle animait précédemment. Mais il est contraire à la raison de croire qu'une âme qui souffre des peines injustes prête son concours à celui qui les lui fait souffrir, ou qu'un homme puisse changer un être incorporel en une autre substance, c'est-à-dire une âme en la substance du démon; car même pour les corps cela est impossible à l'homme, et il ne pourrait par exemple changer le corps d'un homme en celui d'un âne. D'ailleurs serait-il raisonnable de penser qu'une âme séparée de son corps soit comme errante sur la terre? Les âmes des justes sont dans la maison de Dieu (Sg 3); de même aussi les âmes innocentes des enfants. Quant aux âmes des pécheurs, il est certain, d'après l'histoire de Lazare et du mauvais riche, qu'elles sont aussitôt enlevées de ce monde (Lc 16). Or comme personne n'osait amener ces possédés à Jésus-Christ, il va lui-même les trouver. L'Évangéliste nous donne une idée de leur fureur en ajoutant: «Ils étaient si furieux que personne n'osait passer», etc. Mais ces furieux qui empêchaient les autres de passer trouvèrent à leur tour quelqu'un qui leur défendit d'aller plus loin; ils se sentaient flagellés d'une manière invisible, et la présence seule du Christ leur causait des tourments intolérables, comme nous le voyons par ce qui suit: «Et ils se mirent à pousser des cris, en disant, «etc.
S. Jér. Mais ce n'est pas là cette confession volontaire que Dieu se plaît à récompenser aus sitôt, c'est la force de la nécessité qui malgré eux leur extorque cet aveu. Ainsi lorsque des esc laves ont pris la fuite, et que bien longtemps après ils se trouvent en présence de leur maître, ils ne demandent qu'une chose, c'est d'échapper au châtiment qu'ils méritent; ainsi les démons se trouvant tout à coup devant le Seigneur qu'ils voient descendre sur la terre, croyaient qu'il était venu pour les juger. Quelques auteurs trouvent absurde de dire que les démons connais saient le Fils de Dieu, tandis que le prince des démons ne le connaissait pas, parce que leur malice est moins grande et qu'ils ne sont que ses satellites. Est-ce que, en effet, toute la science des disciples ne doit pas être rapportée au Maître ?
S. Aug. (Cité de Dieu, chap. 21). Dieu ne se fit connaître à eux qu'autant qu'il le voulut, et il ne le voulut qu'autant qu'il le fallait. Il ne se manifesta donc pas à leurs regards comme la vie éternelle et comme cette lumière qui éclaire les âmes pieuses, mais seulement par quelques effets temporels de sa puissance et par quelques-uns de ces signes secrets de sa puissance, qui sont sensibles pour les esprits angéliques, même pour ceux qui sont mauvais, plutôt que pour la faiblesse de notre nature. - S. Jér. Cependant il faut admettre que les démons et le diable lui-même ont soupçonné qu'il était le Fils de Dieu, plus qu'ils ne l'ont connu véritablement. - S. Aug. (quest. sur l'Anc. et le Nouir. Test). Ce cri que poussent les démons: «Qu'y a-t-il de commun entre vous et nous, Jésus, Fils de Dieu», est plutôt l'expression d'un soupçon, que d'une connaissance certaine, car s'ils l'avaient connu, jamais ils n'auraient permis que le Dieu de gloire fût crucifié. Remi. Toutes les fois qu'ils étaient tourmentés par les effets de sa puis sance, ils croyaient que c'était le Fils de Dieu; mais lorsqu'ils le voyaient soumis à la faim, à la soif et à d'autres nécessités semblables, le doute rentrait dans leur esprit, et ils le regardaient comme un simple mortel. Remarquons aussi que les Juifs incrédules, qui osaient dire que c'était par Belzébul que le Sauveur chassait les démons, et les Ariens, qui prétendaient que c'était une simple créature, sont condamnés tout à la fois et par le jugement de Dieu et par la confession des démons qui proclament que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. C'est avec raison qu'ils disent: «Qu'y a-t-il de commun entre vous et nous ?» etc. C'est-à-dire il n'y a rien de commun entre notre malice et votre grâce, car, d'après l'Apôtre (2Co 6), il n'y a point d'union possible entre la lumière et les ténèbres. - S. Chrys. (hom. 20). Ce qui prouve que cet aveu n'était pas dicté par la flatterie, c'est qu'une douloureuse expérience les force de s'écrier: «Vous êtes venu nous tourmenter avant le temps. - S. Aug. (Cité de Dieu, chap. 23). Peut-être regardaient-ils comme soudain ce qu'ils pensaient ne devoir leur arriver que beaucoup plus tard; peut-être considéraient-ils comme leur perte ce qui allait arriver, d'être dévoilés et cou verts de mépris, et cela avant le jour où ils entendraient l'arrêt de leur damnation éternelle. - S. Jér. La présence du Sauveur est elle-même un tourment pour les démons. - S. Chrys. (hom. 29). Ils ne pouvaient pas dire qu'ils n'avaient commis aucune faute, car Jésus-Christ les avait surpris en flagrant délit, en se faisant un jeu de tourmenter une créature de Dieu. Aussi craignaient-ils qu'en raison de cette multitude de crimes dont ils étaient coupables, il n'attendît pas, pour les punir, la sentence suprême du dernier jugement.
S. Aug. (de l'accord des Evang, liv. 2, chap. 24). Que les paroles des démons aient été rap portées différemment par les Évangélistes, il n'y a point à s'en inquiéter, car on peut ramener toutes ces variantes à une seule pensée, ou bien supposer même que toutes ces paroles ont été dites. On ne doit pas non plus s'étonner que dans saint Matthieu les démons parlent au pluriel, tandis que les autres Évangélistes les font parler au singulier, car ces derniers rapportent que le démon interrogé quel était son nom, répondit qu'il s'appelait légion, parce qu'en effet ils étaient plusieurs démons.
«Or il y avait non loin d'eux un nombreux troupeau de pourceaux qui paissaient». - S. Grég. (Moral. liv, 2, chap. 6). Le démon sait fort bien qu'il ne peut rien faire par sa propre puis sance, puisque ce n'est point de lui même qu'il tient son existence comme esprit. - Remi. Ils ne demandèrent pas à entrer dans d'autres hommes, parce que celui qui les tour mentait paraissait revêtu de la nature humaine. Ils ne demandèrent pas non plus à entrer dans un troupeau de moutons, car ces animaux étaient purs d'après la loi et pouvaient être offerts dans le temple de Dieu. Parmi les animaux immondes, ils choisirent de préférence les pour ceaux, parce qu'il n'y a point d'animal plus immonde. Le mot de pourceau en latin est même synonyme de couvert d'ordures, car cet animal se plaît au milieu des immondices. Comme eux aussi les démons se plaisent dans les souillures du péché. Ils ne demandèrent pas à être envoyés dans les régions de l'air, à cause de l'extrême désir qu'ils ont de nuire aux hommes.
Et il leur dit: «Allez». - S. Chrys. (hom. 29). Ce n'est point à leur persuasion que Notre-Seigneur agit de la sorte, mais pour plusieurs raisons dignes de sa sagesse: d'abord il voulait montrer combien sont malfaisants et pernicieux les démons qui cherchaient à perdre ces hom mes; en second lieu il voulait nous apprendre que sans sa permission ils n'osent rien entre prendre, même contre des pourceaux; troisièmement il faisait voir par là qu'ils auraient fait endurer à ces hommes un traitement plus cruel qu'aux pourceaux, si la divine providence n'était venue à leur secours dans leur malheur, car les démons ont bien plus de haine contre les hommes que contre les animaux. Nous avons encore ici une preuve évidente que chacun de nous est l'objet des soins de la divine Providence; elle ne suit pas à l'égard de tous les mêmes voies, elle n'emploie pas les mêmes moyens, et c'est en cela qu'éclate surtout sa sagesse, car la Providence se révèle en procurant à chacun de nous ce qui lui est le plus utile. En outre, nous voyons aussi que non-seulement elle a soin de tous en général, mais de chacun de nous en par ticulier, et nous en serons convaincus en considérant ce qui serait arrivé à ces possédés qui depuis longtemps auraient été étouffés si la divine Providence n'avait veillé sur eux. Jésus leur permit encore d'envahir ce tr oupeau de pourceaux, pour rendre sa puissance plus sensible aux habitants de cette contrée. En effet, dans les endroits où il n'était pas encore connu, il faisait des miracles plus éclatants pour attirer les hommes à la connaissance de sa divinité. - S. Jér. Ce n'est donc pas pour accéder à leur demande, qu'il leur dit: «Allez», mais afin que la mort de ces pourceaux devint une occasion de salut pour les hommes. L'Évangéliste ajoute: «Et étant sortis (c'est-à-dire des possédés), ils entrèrent dans ces pourceaux, et aussitôt tout le troupeau courut avec impétuosité se précipiter dans la mer, et ils moururent dans les eaux». Que le manichéen rougisse ici de son opinion ! Si les âmes des hommes et celles des bêtes ont une même substance et une même origine, comment deux mille porcs ont-ils été sacrifiés pour sauver un ou peut-être deux hommes ?
S. Chrys. (hom. 29). Les démons firent périr ces pourceaux, parce qu'ils n'ont point d'autre occupation que de jeter les hommes dans la tristesse et de se réjouir de leurs pertes. La gran deur du dommage augmentait la renommée de ce prodige. Bien des personnes allaient le rendre public, ceux qui avaient été guéris, ceux à qui les pourceaux appartenaient, et leurs gardiens; c'est ce que nous lisons dans la suite du récit: «Ceux qui les gardaient s'enfuirent, et étant venus à la ville, ils racontèrent tout ceci, et ce qui était arrivé aux possédés des mauvais esprits, et aussitôt toute la ville sortit au devant de Jésus». Mais alors qu'ils auraient dû l'adorer et admirer sa puissance, ils le renvoient loin d'eux. «Et l'ayant vu, ils le priaient de se retirer des confins de leur pays». Remarquez la douceur de Jésus-Christ après le miracle de sa puissance. Ces hommes qu'il vient de combler de ses bienfaits le chassent loin d'eux; il ne résiste pas et il abandonne ceux qui se jugent indignes de ses divines leçons, leur laissant pour docteurs ceux qu'il vient de délivrer de la possession des démons, et les gardiens des pourceaux. - S. Jér. Ou bien on peut dire que ce n'est point par un sentiment d'orgueil, mais d'humilité, qu'ils prient Jésus de s'éloigner de leur contrée. Ils se jugent indignes de la présence de Dieu, à l'exemple de Pierre, qui disait: «Seigneur, retirez-vous de moi, car je suis un homme pé cheur».
Rab. Le mot Gerasa signifie celui qui repousse son habitant, ou bien l'étranger qui approche, c'est-à-dire la gentilité qui repousse loin d'elle le démon, et qui d'abord éloignée du Christ s'approche de lui lorsqu'après sa résurrection il la visite par ses Apôtres. - S. Amb. (Liv. 6 sur saint Luc, chap. 18). Ces deux possédés du démon sont aussi la figure des païens, car Noé ayant eu trois enfants, Sem, Cham et Japhet, et la famille de Sem ayant seule formé le peuple de Dieu, ses deux frères sont comme la souche de la multitude des nations païennes. - S. Hil. (can. 8 sur S. Matthieu). Voilà pourquoi les démons retenaient ces deux possédés hors de la ville, hors de la synagogue, de la loi et des prophètes; en effet, les origines de ces deux nations étaient comme situées au milieu des demeures des défunts et des cadavres des morts, rendant le chemin de la vie présente dangereux à tous ceux qui le traversent. - Rab. Ce n'est pas sans raison que l'Évangéliste nous fait remarquer que ces deux possédés habitaient dans les tom beaux. Que sont en effet, les corps de ceux qui sont infidèles à leur Dieu, si ce n'est des tom beaux où est renfermée non pas la parole de Dieu, mais l'âme que les péchés ont mise à mort? L'auteur sacré ajoute que personne ne pouvait passer par le chemin, parce qu'avant l'avènement du Sauveur la gentilité était en marche et dans le chemin. Ou bien encore, ces deux hommes représentent les Juifs et les païens qui n'habitaient plus dans leur maison, c'est-à-dire qui ne trouvaient plus de repos dans leur conscience, mais qui demeuraient dans des tom beaux, c'est-à-dire dans des oeuvres mortes, et personne ne pouvait plus passer par le chemin de la foi, que les attaques des Juifs rendaient impraticable.
S. Hil. (can. 8). Ceux qui viennent au devant de Jésus figurent le concours de ceux qui se por tent volontairement au devant du salut. Quant aux démons, voyant qu'ils ne peuvent plus de meurer au milieu des Gentils, ils demandent avec instance qu'on leur laisse habiter le coeur des hérétiques, et à peine s'en sont-ils emparés, que par l'instinct qui leur est naturel, ils les préci pitent dans la mer, c'est-à-dire dans les passions du monde, pour les y faire périr avec les restes de l'incrédulité. - Bède. Ou bien, les pourceaux sont ceux qui mettent leur joui ssance dans la fange du vice, car le démon n'a de pouvoir sur personne à moins qu'il ne vive de la vie des pourceaux ou s'il a quelque pouvoir, ce n'est point celui de perdre, mais d'éprouver. Ces pourceaux qui ont été précipités dans le lac sont une figure de ceux qui après que les Gentils ont été délivrés de la tyrannie des démons, ont refusé de croire en Jésus-Christ et pratiquent dans des lieux retirés leurs rites sacrilèges, aveuglés qu'ils sont et comme submergés dans les abîmes de leur curiosité. Ces gardiens des pourceaux qui s'enfuient tout en annonçant ce pro dige figurent ces princes des impies qui, tout en ne voulant point se soumettre à la loi chré tienne, ne cessent cependant de célébrer avec admiration la puissance de Jésus-Christ. Ceux qui frappés d'une grande crainte, prient le Sauveur de s'éloigner, représentent la multitude retenue par la fausse douceur de ses anciennes habitudes, qui ne veut point rendre honneur à la loi chrétienne, en disant qu'il lui est impossible de l'accomplir.
S. Hil. Ou bien encore, cette ville est une figure du peuple juif; elle entend parler des oeuvres du Christ, et va au devant de son Seigneur, mais c'est pour lui défendre d'entrer sur les confins de son territoire et dans ses murs, car les partisans de la loi n'ont point voulu recevoir la prédi cation de l'Évangile.
Catena Aurea 3818