Catena Aurea 3918

vv. 18-22

3918 Mt 9,18-22

S. Chrys. (hom. 32). Aux enseignements Jésus-Christ fait succéder les oeuvres, ce qui devait surtout fermer la bouche aux pharisiens; car celui qui venait demander un miracle était un chef de la synagogue, et sa douleur était grande; cette jeune personne était sa fille unique, et dans la première fleur de l'âge, puisqu'elle n'avait que douze ans. «Comme il leur parlait de la sorte, un chef s'approcha». S. Aug. (de l'accord des Evang., liv. 2, chap. 28). Saint Marc et saint Luc racontent le même fait, mais en suivant un ordre différent, et ils le placent après que Jésus eut traversé le lac, en quittant le pays des Gérazéniens, où il avait chassé les démons dans un troupeau de pourceaux. Selon le récit de saint Marc, ce fait ce serait passé après que Jésus eut de nouveau traversé le lac; mais combien de temps après? c'est ce qu'on ne peut savoir. Ce pendant s'il n'y avait eu aucun intervalle, il n'y aurait pas moyen de placer ce que raconte saint Matthieu du repas qui eut lieu dans sa maison, et c'est immédiatement après que le chef de la synagogue est venu trouver Jésus. Car si ce prince s'est présenté lorsque Jésus proposait la comparaison du drap neuf et du vin nouveau, on ne doit pouvoir placer aucune action, aucune parole intermédiaire. Or, dans la narration de saint Marc, on voit où l'on pourrait intercaler d'autres faits. Saint Luc lui-même n'est pas contraire à saint Matthieu, car la manière dont il commence son récit: «Et voici qu'un homme qui s'appelait Jaïre»,n'indique pas que ce soit immédiatement après ce qui précède, mais après ce que saint Matthieu raconte en ces termes du repas qu'il prenait avec les publicains: «Pendant qu'il parlait de la sorte, un prince (c'est-à-dire Jaïre, chef de la synagogue) s'approcha, et il l'adorait en lui disant: Seigneur, ma fille vient de mourir».Pour faire disparaître toute contradiction, il faut remarquer que les deux autres Évangélistes ne disent pas qu'elle est morte, mais sur le point de mourir, tellement qu'ils ajoutent que des envoyés vinrent apprendre au père que sa fille était morte, et qu'il n'eût point à tourmenter davantage le Seigneur. Il faut donc admettre que pour abréger, saint Matthieu s'est attaché surtout à rapporter la prière qui fut adressée au Sauveur de faire ce qu'il fit en effet, c'est-à-dire de ressusciter celle qui venait de mourir. Il ne s'est donc pas arrêté à de que le père dit à Jésus de sa fille, mais, ce qui est bien plus important, aux sentiments et aux désirs qui l'agitaient. En effet, cet homme avait tellement désespéré de l'état de sa fille, que ce qu'il désirait, c'est qu'elle fût rendue à la vie, tant il croyait peu qu'il dût retrouver vivante celle qu'il avait laissée si près de la mort. Les deux autres évangélistes ont donc rapporté les paroles de Jaïre; saint Matthieu nous fait connaître surtout ses désirs, ses pensées. Évidemment si l'un de ces deux Évangélistes avait prêté au père ces paroles, que Jésus n'eût pas à se mettre en peine, parce que sa fille était morte, le langage que lui fait tenir saint Matthieu serait contra dictoire. Mais rien ne dit que cet homme ait partagé les sentiments de ses serviteurs. Nous trouvons ici un des principes d'explication les plus importants: c'est que dans les paroles d'un homme nous ne devons chercher que ce qu'il a l'intention de dire, que la volonté dont ses paroles sont l'expression, et que ce n'est point mentir que de raconter en d'autres termes ce qu'il a voulu dire sans rapporter les expressions dont il s'est servi. - S. Chrys. (hom. 32). Ou bien encore, ce que ce chef de la synagogue dit de la mort de sa fille n'est qu'une manière d'exagérer son malheur. C'est l'ordinaire de tous ceux qui demandent une grâce d'amplifier les maux qu'ils souffrent, et d'ajouter à la vérité pour fléchir plus efficacement ceux dont ils im plorent le secours. C'est pourquoi il dit à Jésus: «Mais venez lui imposer les mains, et elle vivra». Voyez quelles idées grossières il avait encore sur le Sauveur. Il lui demande deux cho ses: et de venir en personne, et d'imposer les mains; c'est ce que demandait ainsi Naaman au prophète Elisée. C'est qu'en effet ceux qui se trouvent dans ces dispositions imparfaites ont besoin de signes sensibles et frappants.

Remi. Admirons ici tout à la fois l'humilité et la douceur du Seigneur. A peine le centurion l'en a-t-il prié, qu'il consent à le suivre: «Alors Jésus, se levant, le suivit». Le Sauveur instruit tout à la fois les supérieurs et ceux qui sont placés sous leur direction; à ceux-ci il donne un exemple d'obéissance; à ceux-là, il fait voir quelle doit être leur assiduité, leur sollicitude dans l'enseignement, et le zèle avec lequel ils doivent se transporter là où ils apprennent qu'un homme a perdu la vie de l'âme.

Suite. «Et ses disciples marchèrent avec lui». S. Chrys. (hom. 32). Suivant saint Marc et saint Luc, Jésus prit avec lui trois de ses disciples, Pierre, Jacques et Jean; il ne choisit point Matthieu afin d'exciter en lui un désir plus vif, et aussi parce que ses dispositions étaient en core imparfaites. Il honore les premiers pour engager les autres à se rendre semblables à eux. C'était assez pour Matthieu d'être témoin de la guérison de cette femme qui souffrait d'une perte de sang: «Et voici, nous dit-il, qu'une femme qui souffrait d'une perte de sang depuis douze ans, s'approcha par derrière, et toucha la frange de son vêtement».

S. Jér. Ce n'est ni dans la maison où était le Sauveur ni dans la ville que cette femme vient le trouver (car la loi lui défendait d'habiter dans les villes) (Lv 19, 25), mais elle se présente à Jésus au milieu du chemin, et c'est ainsi qu'en allant pour guérir une femme il rend la santé à une autre. - S. Chrys. (hom. 32,) Cette femme ne vient pas faire à Jésus-Christ un aveu public de son infirmité, elle en avait honte dans la persuasion qu'elle était impure; car la loi considé rait cette maladie comme une très-grande impureté; c'est pourquoi elle se cache et veut se dérober à tous les regards. - Remi. Cette humilité est digne de tout éloge; elle ne se présente pas devant le Sauveur, elle s'approche par derrière, et se juge indigne de toucher ses pieds. Ce n'est pas même son vêtement qu'elle touche, mais la frange seulement; car le Seigneur portait une frange à son vêtement pour obéir à une prescription de la loi. (Nb 15,38) Les pharisiens aussi portaient des franges qu'ils étalaient avec orgueil, et auxquelles ils ajoutaient des espèces d'épines. Mais les franges des vêtements du Sauveur n'avaient rien qui pût blesser, et ne pou vaient que guérir. Aussi cette femme disait en elle-même: «Si je touche seulement la frange de sa robe, je serai guérie». Sa foi est vraiment admirable: elle a perdu tout espoir de la part des médecins qui lui ont dévoré tout son avoir, mais elle comprend qu'elle a trouvé un médecin descendu du ciel, c'est en lui qu'elle place toute son espérance, et c'est pour cela qu'elle mérita sa guérison. «Et Jésus se retournant alors, et la voyant, lui dit: Ma fille, ayez confiance: votre foi vous a guérie». - Rab. Pourquoi donc lui recommander la confiance? Si elle n'avait pas eu la foi, elle ne lui aurait pas demandé sa guérison. Ce qu'il exige d'elle, c'est la force et la persévérance de la foi, afin qu'elle parvienne à une guérison certaine et véritable. - S. Chrys. (hom. 32). Ou bien, il veut rassurer cette femme trop craintive, en lui disant: «Ayez confiance». Il l'appelle sa fille, car la foi l'avait rendue véritablement sa fille. - S. Jér. Il ne lui dit pas: Votre foi vous guérira, mais «votre foi vous a guérie»; car vous êtes déjà guérie par cela seul que vous avez cru. - S. Chrys. (hom. 32). Cependant cette femme n'avait pas encore une connaissance parfaite du Sauveur, puisqu'elle croyait pouvoir se dérober à ses re gards. Mais il ne permit pas qu'elle demeurât cachée, non point pour la gloire qui pourrait lui en revenir, mais dans l'intérêt de tous ceux qui étaient présents. Premièrement, il bannit la crainte du coeur de cette femme qui aurait pu se reprocher d'avoir dérobé la grâce de sa guéri son; secondement, il rectifie la pensée qu'elle avait eue de pouvoir se cacher; troisièmement, il révèle à tous sa foi pour les porter à l'imiter. Enfin, en montrant qu'il savait tout, il nous donne une preuve non moins grande de sa divinité qu'en arrêtant cette perte de sang. «Et cette femme, continue l'Évangéliste, fut guérie à l'heure même». - La Glose. Ce fut au moment même où elle toucha le bord de sa robe, et non pas au mo ment qu'il se retourna vers elle, car alors elle était déjà guérie, comme les autres Évangélistes le remarquent expressément, et comme on peut le conclure des paroles mêmes du Seigneur. - S. Hil. Combien la puissance du Seigneur se montra ici admirable ! Cette puissance qui rési dait dans son corps communiquait à des choses périssables la vertu de guérir, et l'opération divine s'étendait jusqu'aux franges de ses vêtements. C'est qu'en effet Dieu ne pouvait être ni circonscrit ni renfermé dans les limites étroites d'un corps, car en s'unissant à un corps mortel il n'y a point renfermé la nature de sa puissance, mais cette même puissance a élevé la fragilité de notre chair pour accomplir l'oeuvre de notre rédemption.

Dans le sens mystique, ce chef représente la loi qui vient demander à Jésus-Christ de rendre la vie au cadavre de ce peuple qu'elle lui avait préparé, et qu'elle avait nourri elle-même de l'espérance de son avènement. - Rab. Ou bien, ce prince de la synagogue représente Moïse, et il s'appelle Jaïre, c'est-à-dire qui illumine ou qui est illuminé; car il a reçu les paroles de vie pour nous les transmettre, et éclairer ainsi les autres comme il est éclairé lui-même par l'Esprit saint. La fille du chef de la synagogue (c'est-à-dire la fille de la synagogue elle-même, âgée de douze ans, âge de la puberté) est abattue sous le poids des erreurs qui la minent, alors qu'elle devait enfanter à Dieu une famille toute spirituelle. Pendant que le Verbe de Dieu s'empresse d'aller trouver cette fille du chef de la synagogue pour sauver les enfants d'Israël, la sainte Église composée des Gentils, et dont les forces se perdaient au milieu des crimes qui se com mettaient dans son sein, s'empare par sa foi de la guérison qui était destinée à d'autres. - Rab. Remarquez encore que la fille du chef de la synagogue est âgée de douze ans, et que cette femme souffre depuis douze ans de cette perte de sang, en sorte que l'une avait commen cé à souffrir au moment où l'autre venait de naître: or, ce fut à peu près à la même époque que les patriarches donnèrent le jour à la synagogue, et que la multitude des nations étrangères se plongea dans les souillures de l'idolâtrie. Car la perte de sang dont il est ici question peut s'entendre de deux manières ou de la fange de l'idolâtrie, ou des plaisirs de la chair et du sang. Ainsi pendant que la synagogue avait encore toute sa force, l'Église était languissante; mais le péché de la synagogue est devenu le salut des Gentils. Or, l'Église s'approche du Seigneur, et le touche, lorsqu'elle vient à lui par la foi.

La Glose. Elle crut, elle dit, elle toucha; car c'est par ces trois choses la foi, la parole et les oeuvres, que l'on obtient le salut. - Rab. Elle s'approcha par derrière, obéissant par avance à cette parole: «Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il me suive». Ou bien c'est parce que n'ayant point vu le Seigneur revêtu d'une chair mortelle, elle est parvenue à le connaître après l'accomplissement des mystères de son incarnation: c'est pour cela qu'elle touche la frange de son vêtement; figure en cela du peuple des Gentils qui, sans avoir vu le Fils de Dieu incarné, a reçu la parole qui lui annonçait son incarnation. En effet, on peut dire que le mystère de l'incarnation de Jésus-Christ est comme le vêtement dont la divinité était enveloppée, et la doctrine de l'i ncarnation comme la frange de ce vêtement. Les Gentils ne touchent pas le vê tement, mais seulement la frange, car ils n'ont point vu le Seigneur incarné, mais ils ont reçu par les Apôtres la doctrine de l'incarnation. Heureux celui qui touche par la foi, ne fût-ce même que les extrémités du Verbe ! Ce n'est pas au milieu de la ville que cette femme est gué rie, mais dans le chemin où marche le Sauveur; c'est pour cela que les Apôtres ont dit plus tard: «Parce que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voilà que nous allons vers les Gentils». Or, ce fut dès l'avènement du Sauveur que la Gentilité reçut les pré mices du salut.


vv. 23-26

3923 Mt 9,23-26

La Glose. Après la guérison de l'hémorroïsse, vient la résurrection de la jeune fille que l'écrivain sacré raconte en ces termes: «Et lorsque Jésus fut arrivé dans la maison du chef de la synagogue». - S. Chrys. (hom. 32). Il est à remarquer que Notre-Seigneur semble user ici de lenteur, et qu'il s'entretient avec la femme qu'il vient de guérir pour laisser à la jeune fille le temps de mourir, et rendre ainsi plus éclatant le fait de sa résurrection. Il suivit la même conduite à l'égard de Lazare, qui demeura dans le tombeau jusqu'au troisième jour. «Et lorsqu'il eut vu les joueurs de flûte et une foule qui faisait grand bruit». Nous avons là une preuve évidente que la jeune fille était morte. - S. Amb. (sur S. Luc, 6). En effet, c'était un usage chez les anciens de faire venir des joueurs de flûte pour exciter la douleur et faire couler les larmes aux funérailles des morts. - S. Chrys. (hom. 32). Mais Jésus-Christ chassa tous ces joueurs de flûte, et fit entrer les parents de la jeune fille afin que l'on ne pût attribuer à un autre sa résur rection. Avant même de la ressusciter, il relève leur courage par ces paroles: «Retirez-vous, car la jeune fille n'est pas morte, mais elle dort». - Rab. C'est-à-dire elle est morte à vos yeux, mais pour Dieu qui peut la ressusciter, elle n'est qu'endormie dans son corps comme dans son âme. - S. Chrys. Par ces paroles, le Sauveur apaise l'agitation intérieure de ceux qui étaient présents, et il leur montre avec quelle facilité il peut ressusciter les morts. Il tint le même langage à Lazare (Jn 11): «Notre ami Lazare dort», et il nous apprend ainsi à ne pas redouter la mort. Comme il devait mourir lui-même, il voulut, en rendant la vie à quelques morts, ranimer la confiance de ses disciples, et leur apprendre à supporter la mort avec cou rage. Car dès qu'il s'approche, la mort n'est plus qu'un sommeil. Or, en entendant ces paroles, ils se moquaient de lui, mais il ne leur en fait aucun reproche: car il voulait que cette dérision, les flûtes et toutes les autres circonstances fussent autant de preuves de la mort de cette jeune fille. Comme il arrive bien souvent que les hommes refusent de croire aux miracles lorsqu'ils sont opérés, il veut les convaincre auparavant par leurs propres aveux; c'est ce qu'il fit encore à la mort de Lazare, lorsqu'il demanda: «Où l'avez-vous mis ?» Afin que ceux qui lui répon dirent: «Venez et voyez» fussent forcés de croire que Lazare était véritablement mort, et qu'il l'a ressuscité.

S. Jér. Mais ceux qui couvraient ainsi d'indignes outrages le Sauveur qui allait ressusciter cette jeune fille, n'étaient pas dignes d'assister au fait mystérieux de sa résurrection; c'est pourquoi l'Évangéliste ajoute: «Et après qu'on eut fait sortir tout le monde, il entra, lui prit la main, et la jeune fille se leva». - S. Chrys. (hom. 32). Il n'introduit pas dans son corps une âme nouvelle, mais il y fait rentrer celle qui en était sortie, et rappelle la jeune fille comme d'un sommeil, pour préparer ainsi les esprits à croire en la résurrection. Non-seulement il res suscite cette jeune fille, mais il lui fait encore donner à manger, pour que tous soient bien convaincus que cette résurrection n'est pas une chose imaginaire, mais bien une réalité. - » Et le bruit s'en répandit dans tout le pays. - La Glose. Cette circonstance fait ressortir la grandeur et la nouveauté de ce miracle, en même temps qu'elle devient une preuve évidente et irréfragable de sa vérité.

S. Hil. (can. 9 sur S. Matth). Dans le sens mystique, Notre-Seigneur entre dans la maison du chef de la synagogue, c'est-à-dire dans la synagogue elle-même, au moment ou les cantiques de la loi font entendre en son honneur des chants funèbres. - S. Jér. Jusqu'à ce jour la jeune fille repose morte dans la maison de son père, et ceux qui paraissent être les maîtres sont les joueurs de flûte qui font entendre des airs lugubres. La foule des Juifs n'est pas le peuple des croyants, c'est une foule tumultueuse. Mais lorsque la plénitude des nations sera entrée, alors tout Israël sera sauvé. (Rm 11). - S. Hil. Afin qu'il fût bien démontré que le nombre des croyants était limité, la foule tout entière fut mise dehors. Le Sauveur aurait bien désiré qu'elle fût sauvée, mais en se moquant de ses paroles et de ses actions, elle se rendit indigne d'être témoin de la résurrection de cette jeune fille. - S. Jér. «Jésus lui prit la main, et la jeune fille se leva», car la synagogue ne peut avoir part à la résurrection avant que les mains des Juifs n'aient été purifiées du sang dont elles sont souillées. - S. Hil. Le bruit de cette résurrection se répand dans toute cette contrée; en effet, après que Jésus a sauvé ceux qu'il avait élus, ils vont publier les bienfaits du Christ et ses oeuvres.

Rab. Dans le sens moral, la jeune fille morte dans la maison, c'est l'âme qui est morte dans ses pensées. Le Sauveur dit qu'elle n'est qu'endormie, parce que ceux qui pèchent dans la vie pré sente peuvent encore ressusciter par la pénitence. Les joueurs de flûte, ce sont les flatteurs qui applaudissent à celle qui est morte. - S. Grég. (Moral. 17, 25). La foule est mise dehors avant que la jeune fille soit ressuscitée, car tant que la multitude des intérêts temporels n'est pas chassée des plus secrètes parties du coeur, l'âme qui est morte au dedans ne peut ressusci ter. - Rab. Notre-Seigneur ressuscite cette jeune fille dans la maison en présence d'un petit nombre de témoins, le jeu ne homme en dehors de la porte de la ville, et Lazare devant un grand nombre de spectateurs, parce qu'une faute publique exige un remède public; tandis qu'une faute légère peut être effacée par une pénitence secrète et plus douce.


vv. 27-31

3927 Mt 9,27-31

S. Jér. Ces premiers miracles qui ont pour objet la fille du prince de la synagogue et la femme malade sont suivis, par une admirable conséquence, de la guérison de deux aveugles. Il fallait, en effet, que la privation de la vue démontrât ce que la mort et la maladie venaient elles-mêmes de proclamer; c'est pour cela qu'il est dit: «Comme Jésus sortait de ce lieu (c'est-à-dire s'éloignait de la maison de Jaïre), deux aveugles le suivirent en criant et en disant: Fils de David, ayez pitié de nous». - S. Chrys. (hom. 33). C'est là un grand sujet d'accusation contre les Juifs: des hommes privés de la vue reçoivent la foi par l'ouïe seule, tandis que les Juifs, dont les yeux constataient la vérité de ces miracles, refusent d'y croire. Voyez encore le désir de ces aveugles; ils ne se contentent pas d'approcher de Jésus, mais ils le font avec de grands cris, et en ne lui demandant qu'une seule chose, c'est qu'il ait pitié d'eux. Ils l'appellent Fils de David, parce que ce nom leur paraissait un titre d'honneur. - Remi. C'est avec raison d'ailleurs qu'ils lui donnent ce nom, car la Vierge Marie descendait de la race de David. - S. Jér. Que Marcion, que les Manichéens et les autres hérétiques se rendent attentifs à ces paroles, eux qui déchirent l'Ancien Testament, et qu'ils apprennent que le Sauveur est proclamé Fils de David. Or, s'il n'est pas né dans une chair mortelle, comment peut-il être appelé Fils de David ?

S. Chrys. (hom. 33). Il est à remarquer que dans une foule de circonstances ce n'est qu'après qu'on l'en a prié que le Seigneur guérit les malades, car il ne veut pas laisser croire qu'il a cou ru après les miracles pour s'attirer de l'honneur et de la gloire. - S. Jér. Et cependant, ce n'est pas dans le chemin et en passant, comme ils le pensaient, qu'il guérit ces aveugles qui le prient, mais lorsqu'il est arrivé dans la maison; ils s'avancent pour entrer, et tout d'abord il examine leur foi, afin de les préparer à recevoir la lumière de la vraie foi. «Lorsqu'il fut entré dans la maison, ces aveugles s'approchèrent de lui, et Jésus leur dit : «Croyez-vous que je puisse faire ce que vous me demandez ?» - S. Chrys. Il nous apprend une fois de plus à fuir la gloire que donne la multitude, car comme la maison n'était pas éloignée, il y conduit les aveugles pour les y guérir en secret. - Remi. Lui qui pouvait rendre la vue aux aveugles, ne pouvait ignorer s'ils avaient la foi; il les interroge toutefois, afin qu'en confessant de bouche la foi qu'ils portaient dans leur coeur, ils pussent obtenir une récompense plus grande, selon ces paroles de l'Apôtre: «Il faut confesser de bouche pour obtenir le salut». - S. Chrys. (hom. 33). Et ce n'est pas la seule raison; Jésus voulait encore montrer qu'ils étaient dignes d'être guéris, et prévenir cette difficulté: que si le salut était l'oeuvre exclusive de la miséricorde, tous devaient y avoir part. Il exige encore d'eux la foi, afin de les élever plus haut; ils l'ont appelé Fils de David, il leur apprend qu'ils doivent avoir de lui de plus hautes idées. Aussi ne leur dit-il pas: «Croyez-vous que je puisse prier mon Père ?» mais: «Croyez-vous que je puisse faire ce que vous me deman dez ?» Ils lui répondent: «Oui, Seigneur». Ils ne l'appellent plus Fils de David, ils s'élèvent plus haut et confessent sa souveraineté. Il leur imposa alors les mains, comme dit le texte sacré, et il toucha leurs yeux en leur disant: «Qu'il vous soit fait selon votre foi». Il leur parle de la sorte pour affermir leur foi et constater en même temps que ce qu'ils venaient de dire ne leur avait pas été dicté par la flatterie. L'Évangéliste rapporte ensuite leur guérison: «Et aussitôt leurs yeux furent ouverts». Jésus leur défend d'en parler à qui que ce soit; et ce n'est pas une simple défense, c'est un ordre exprès accompagné de menaces sévères. «Et Jésus leur défendit fortement d'en parler, en leur disant: «Prenez bien garde que qui que ce soit ne le sache !» Mais eux, s'en étant allés, répandirent sa réputation dans tout le pays». - S. Jér. C'est par amour pour l'humilité et pour fuir l'éclat de la vaine gloire que Jésus leur fait cette défense; mais la reconnaissance qu'ils éprouvent d'un si grand bienfait, ne leur per met pas de garder le silence. - S. Chrys. Ce que Notre-Seigneur dit à un autre dans une cir constance différente: «Va et annonce la gloire de Dieu» (Lc 8), n'est pas contraire à ce qui est ici raconté. Jésus veut nous apprendre à fermer la bouche à ceux qui cherchent à nous louer, en rapportant à nous seuls les louanges qu'ils nous donnent. Mais si ces louanges doi vent se rapporter à Dieu, bien loin de les défendre, nous devons les exciter et les prescrire. - S. Hil. Ou bien encore le Sauveur commande à ces aveugles de se taire, parce que c'était aux Apôtres qu'était réservé l'office de la prédication.

S. Grég. (Moral., 19, 14). Examinons ici pourquoi le Tout-Puissant, pour qui vouloir et pouvoir sont une même chose a voulu que ses miracles demeurassent cachés, et que cependant ils fussent dévoilés comme malgré lui par ceux qui venaient de recouvrer l'usage de la vue. Il veut apprendre à ses disciples qui devaient marcher à sa suite, qu'ils devaient désirer que leurs vertus demeurassent cachées aussi aux yeux des hommes, et cependant les laisser publier mal gré eux dans l'intérêt de ceux qui pourraient en profiter. Ils doivent donc rechercher le secret par inclination, et laisser dévoiler leurs oeuvres par nécessité. Qu'ils aiment à se cacher pour garder plus sûrement leur âme de tout danger, et qu'ils consentent à se voir divulgués dans l'intérêt des autres.

Remi. Dans le sens allégorique, ces deux aveugles sont la figure des deux peuples, du peuple juif, et des Gentils, ou bien des deux fractions du peuple juif qui se séparèrent sous Roboam (cf. 1R 12). Notre-Seigneur Jésus-Christ choisit dans l'un et l'autre peuple qui croyait en lui, ceux qu'il devait éclairer dans la maison, qui est son Église, car en dehors de l'unité de l'Église, personne ne peut être sauvé. Or, ceux d'entre les Juifs qui crurent en Jésus publièrent son avè nement dans tout l'univers. Rab. La maison du chef de la synagogue, c'est la synagogue elle-même qui est soumise à Moïse; la maison de Jésus, c'est la céleste Jérusalem. Pendant que le Seigneur traverse ce monde pour retourner dans sa maison, les deux aveugles se mettent à le suivre; en effet, après la prédication de l'Évangile par les Apôtres, un grand nombre d'entre les Juifs et d'entre les Gentils se sont rangés sous sa conduite. Mais après son ascension dans les cieux, il est entré dans sa maison (c'est-à-dire dans son Église), et là, il leur a rendu l'usage de la lumière.


vv. 32-34

3932 Mt 9,32-34

Remi. Par un enchaînement admirable, le Sauveur, après avoir rendu la vue aux aveugles, délie la langue d'un muet, et guérit un homme possédé du démon, et il se déclare ainsi le Dieu de toute puissance, et l'auteur des guérisons divines, selon cet oracle d'Isaïe (Is 35): «Alors les yeux des aveugles et les oreilles des sourds seront ouverte, et la langue des muets sera déliée». Après leur départ, dit l'Évangéliste, «on lui présenta un homme muet». - S. Jér. Le mot grec ùöïò (cophos), dans le langage ordinaire, signifie plutôt sourd que muet, mais c'est l'usage des écrivains sacrés de le prendre indifféremment dans les deux sens. - S. Chrys. (hom. 33). Cette infirmité n'était pas naturelle, elle venait de la malignité du démon. C'est pourquoi cet homme eut besoin d'un secours étranger pour arriver jusqu'à Jésus-Christ, et il ne put ni le prier par lui-même, n'ayant pas l'usage de la parole, ni le faire prier par d'autres, le démon tenant liée son âme au ssi bien que sa langue. Aussi le Sauveur n'exige pas de lui la foi, mais il le guérit aussitôt, comme le rapporte l'écrivain sacré: «Et le démon ayant été chassé, le muet parla». - S. Hil. (can. 9 sur S. Matth). L'ordre naturel des choses est parfaitement observé, le démon est d'abord chassé, et le corps reprend immédiatement toutes ses fonctions.

«Et la multitude en fut dans l'admiration, et ils disaient: On n'a jamais rien vu de semblable en Israel». - S. Chrys. (hom. 33). Ce n'est pas seulement parce qu'ils admiraient en lui le pou voir de guérir qu'ils le plaçaient au-dessus de tous les autres, mais parce qu'il guérissait avec une facilité et une promptitude merveilleuse une infinité de maladies la plupart incurables. Ce qui contristait surtout les pharisiens, c'est que la multitude le proclamait supérieur non-seulement à ceux qui existaient alors, mais encore à tous ceux qui avaient jamais paru en Israel. C'est ce qui les excite en sens contraire à calomnier Jésus-Christ, comme le dit l'Évangéliste: «Les pharisiens, au contraire, disaient: C'est par le prince des démons qu'il chasse les dé mons». - Remi. Les scribes et les pharisiens niaient les miracles du Sauveur autant qu'il leur était possible de le faire, et ils interprétaient en mauvaise part ceux qu'ils étaient obligés d'admettre. Ils accomplissaient ainsi cette parole du Roi-Prophète: «La multitude de vos prodiges convaincra vos ennemis de mensonge». - S. Chrys. (hom. 33). Quoi de plus insensé que cette explication? Peut-on imaginer qu'un démon chasse un autre démon? Le démon ap plaudit à ses succès, mais il ne détruit pas ses oeuvres. Jésus-Christ, au contraire, ne chassait pas seulement les démons, mais il guérissait les lépreux, il ressuscitait les morts, il remettait les péchés, il prêchait le royaume de Dieu, et il amenait les hommes à son Père, ce que ne pouvait ni ne voulait faire le démon.

Rab. De même que dans le sens mystique les deux aveugles figuraient les deux peuples juif et gentil, ainsi cet homme muet et possédé est la figure du genre humain tout entier. - S. Hil. (can. 9 sur S. Matth). Ou bien cet homme à la fois muet, sourd et possédé du démon repré sente le peuple des Gentils, indigne d'obtenir le salut, plongé qu'il est dans un abîme de maux, et comme enlacé dans tous les vices de la chair. - Remi. Le peuple des Gentils était muet, parce qu'il ne pouvait ouvrir la bouche pour confesser la vraie foi et publier les louanges de son Créateur, ou bien parce que, livré au culte des idoles muettes, il leur était devenu sembla ble. Il était possédé, parce que la mort de l'infidélité l'avait soumis à l'empire du démon. S. Hil. (can. 9 sur S. Matth). La connaissance de Dieu ayant dissipé toutes les folles superstitions, l'homme recouvre tout à la fois l'usage de la vue, de l'ouïe, et de la parole du salut. - S. Jér. De même que les aveugles reçoivent la lumière, ainsi la langue des muets se délie pour confes ser celui qu'ils avaient auparavant nié. Cette foule qui est dans l'admiration, c'est la multitude des nations qui confessent la divinité du Seigneur. Les pharisiens qui le calomnient sont une figure de l'infidélité des Juifs qui persévère jusqu'à ce jour. - S. Hil. (can. 9 sur S. Matth). L'admiration de la foule est accompagnée de cet aveu: «Jamais on n'a rien vu de semblable en Israël», parce qu'en effet la puissance divine du Verbe sauve aujourd'hui tous ceux qui n'avaient pu recevoir aucun secours de la loi. - Remi. Dans ceux qui présentent le muet au Seigneur pour être guéri, on peut voir la figure des Apôtres et des prédicateurs qui ont offert aux yeux de la divine miséricorde le peuple des Gentils pour qu'elle lui accordât le salut. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 29). Saint Matthieu est le seul qui raconte ce double miracle des deux aveugles et du muet. Les deux aveugles dont parlent les autres Évangélistes (Mc 10,46 Lc 18,35) ne sont pas les mêmes; cependant le fait est semblable, et si saint Matthieu ne racontait pas ce miracle avec toutes ses circonstances, on pourrait croire que son récit est le même que celui de saint Marc et de saint Luc. Nous ne devons jamais perdre de vue qu'il se rencontre dans les Évangiles des faits qui présentent les mêmes caractères. On a une preuve certaine que ces faits sont différents lorsqu'ils sont rapportés par le même Évangéliste. Lorsque donc nous rencontrons des faits de même nature dans chacun des Évangélistes, et qu'il s'y trouve des particularités impossibles à concilier, nous devons en conclure que ce n'est pas le même fait, mais un fait semblable dans sa nature ou dans ses circonstances.


vv. 35-38

3935 Mt 9,35-38

S. Chrys. (hom. 33). Le Seigneur voulut répondre par ses oeuvres à cette accusation des pharisiens: «C'est par le prince des démons qu'il chasse les démons». Car lorsque le démon reçoit un outrage, il se venge non pas en faisant du bien, mais en cherchant à nuire à celui qui le déshonore. Le Seigneur tient une conduite contraire: après les injures et les outrages non-seulement il ne punit pas, il ne fait même pas de reproches; bien plus il répand des bienfaits. C'est ce que l'Évangéliste ajoute: «Et Jésus parcourait toutes les villes et les bourgades». C'est ainsi qu'il nous apprend à répondre à ceux qui nous accusent non par des accusations semblables, mais par des bienfaits. Celui qui, victime d'une accusation, cesse de faire le bien, montre qu'il n'agissait que pour s'attirer les louanges des hommes. Si au contraire Dieu est le principe du bien que vous faites à vos frères, quoiqu'ils entreprennent contre vous, leur conduite n'interrompra pas le cours de vos bienfaits, et votre récompense n'en sera que plus grande.

S. Jér. Vous voyez qu'il prêche également l'Évangile dans les villages comme dans les villes et dans les bourgs, c'est-à-dire aux petits comme aux grands; il ne considère pas la puissance qui vient de la noblesse, il ne voit que le salut de ceux qui croient en lui. L'Évangéliste ajoute: «Il enseignait dans leurs synagogues, accomplissant ainsi l'oeuvre que son Père lui avait confiée et satisfaisant la faim qu'il éprouvait de sauver les infidèles par sa parole». Il enseignait dans les synagogues l'Évangile du royaume, comme le dit expressément le texte sacré: «Et il prê chait l'Évangile du royaume». - Remi. Par cet évangile du royaume, il faut entendre l'Évangile de Dieu, car si on n'annonce que des biens temporels, ce n'est point là l'Évangile; c'est pour cela que ce nom n'est pas donné à la loi, parce qu'elle ne promettait à ceux qui l'observaient que des biens temporels, et non ceux de l'éternité.

S. Jér. Après avoir prêché l'Évangile et enseigné sa doctrine, il guérissait toutes les langueurs et toutes les infirmités, persuadant ainsi par ses oeuvres ceux que ses discours n'avaient pu persuader; c'est ce qu'ajoute l'écrivain sacré: «Guérissant toute langueur et toute infirmi té». Ces paroles lui sont appliquées littéralement, car rien ne lui est impossible. - La Glose. La langueur, ce sont les longues souffrances; l'infirmité, les maladies les plus légè res. - Remi. Remarquez qu'il guérissait intérieurement l'âme de ceux dont il guérissait exté rieurement le corps, ce que les autres hommes ne peuvent faire par eux-mêmes, mais seulement par la grâce de Dieu.

S. Chrys. (hom. 33). La bonté de Jésus-Christ ne s'arrête pas là, il fait preuve à leur égard d'une autre sollicitude, et il ouvre sur eux les entrai lles de sa miséricorde. «Et, voyant ces troupes, dit l'Évangéliste, il en eut compassion». - Remi. Notre-Seigneur nous révèle ici les sentiments d'un bon pasteur si éloignés de ceux du mercenaire. Mais pourquoi cette com passion? La suite nous l'apprend. - Rab. Ou bien ils étaient tourmentés par diverses er reurs; ils étaient couchés, c'est-à-dire comme engourdis sans pouvoir se lever, et tout en ayant des pasteurs, ils étaient comme n'en ayant pas. - S. Chrys. (hom. 33). Le crime des princes des Juifs, c'est qu'étant les pasteurs du troupeau, ils se conduisaient à son égard comme des loups; car non-seulement ils ne travaillaient pas à la réforme du peuple, mais encore ils nui saient à son avancement. Le peuple dans l'admiration s'écriait: «Jamais on n'a rien vu de semblable dans Israël», et à ce témoignage ils opposaient cette calomnie: «C'est par le prince des démons qu'il chasse les démons».

Remi. Mais du moment que le Fils de Dieu eut regardé du ciel sur la terre pour entendre les gémissements de ceux qui étaient enchaînés (Ps 101), la moisson déjà grande devint plus considérable encore; car jamais la multitude du genre humain ne fût parvenue à la foi, si l'auteur du salut des hommes n'eût jeté du ciel un regard de miséricorde sur la terre, et c'est pour cela que l'Évangéliste ajoute: «Alors il dit à ses disciples: «La moisson est grande, il est vrai, mais les moissonneurs sont peu nombreux. - La Glose. La moisson, ce sont les hommes qui peuvent être moissonnés par les prédicateurs, séparés de la masse de perdition et conservés dans les greniers comme les grains détachés de la paille. - S. Jér. La grande mois son signifie la multitude des peuples, et le petit nombre d'ouvriers, la rareté de ceux qui doi vent enseigner. - Remi. Le nombre des Apôtres était bien petit en effet, en comparaison de ces vastes moissons. Or, le Sauveur exhorte ses prédicateurs, c'est-à-dire les Apôtres et leurs successeurs, à demander tous les jours que leur nombre s'augmente. «Priez donc le Maître de la moisson, qu'il envoie des ouvriers dans sa maison. - S. Chrys. (hom. 33). Il déclare ainsi indirectement qu'il est ce Maître dont il parle, car c'est lui-même qui est le Maître de la moisson. En effet, s'il a envoyé les Apôtres moissonner ce qu'ils n'avaient pas semé, il est évident qu'il n'a pu les envoyer recueillir la moisson d'autrui, mais ce que lui-même avait semé par les prophètes (Jn 4, 38). Mais comme ce sont les Apôtres qui sont les moissonneurs, il leur dit: «Priez donc le Maître de la moisson qu'il envoie des ouvriers en sa moisson». Cependant il ne leur adjoignit personne. Ils restèrent douze, et il ne les multiplia qu'en ajoutant non pas à leur nombre, mais à leur puissance. Remi. Ou bien leur nombre a augmenté quand il en a désigné soixante-douze autres, et quand les prédicateurs sont devenus nombreux, l'Esprit Saint descendant sur les croyants. S. Chrys. (hom. 33). Le Sauveur nous apprend quel don précieux c'est que de pouvoir annoncer convenablement la parole de Dieu, en nous recomman dant de prier à cet e ffet. Ces paroles nous rappellent les comparaisons du précurseur, l'aire, le van, la paille et le blé (Mt 3). - S. Hil. Dans le sens mystique, au moment où le salut est donné aux nations, toutes les vil les, toutes les bourgades sont éclairées par l'avènement et la vertu du Christ. Le Seigneur a pitié de son peuple tourmenté par la violence tyrannique de l'esprit impur, et fatigué du lourd fardeau de la loi, car il n'avait pas encore de pasteur qui pût lui assurer la garde de l'Esprit saint. Or, le fruit de ce don céleste était on ne peut plus abondant, et sa source féconde ne pouvait être épuisée par la multitude de ceux qui venaient y participer; car quel que soit leur nombre, sa plénitude se répand toujours de la même manière. Et comme il faut un grand nom bre de ministres pour distribuer cette grâce, Notre-Seigneur ordonne de prier le Maître de la moisson d'envoyer un grand nombre de moissonneurs pour recevoir ce don de l'Esprit saint. En effet, c'est par le moyen de la prière que Dieu répand sur nous cette grâce.


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