Catena Aurea 4238

vv. 38-40

4238 Mt 12,38-40

S. Chrys. (hom. 44). Le Seigneur avait bien des fois réduit les pharisiens au silence et mis un frein à leur impudence; ils se rejettent donc de nouveau sur ses oeuvres, ce que l'Évangéliste étonné nous raconte en ces termes: «Alors quelques-uns des scribes lui dirent», etc. Alors, c'est-à-dire quand ils auraient dû se rendre, pleins d'admiration et d'étonnement; mais ils per sévèrent dans leur malice et ils lui disent pour le surprendre: «Nous voudrions que vous nous fassiez voir un prodige».

S. Jér. Ils demandent des prodiges, comme si les faits qu'ils ont vus jusqu'ici n'étaient pas des prodiges. Saint Luc explique plus clairement quelle espèce de miracle ils lui demandent: Nous voudrions que vous nous fassiez voir un prodige dans le ciel (Lc 11). Peut-être voulaient-ils que comme Elie il fît descendre le feu du ciel, ou qu'à l'exemple de Samuel (2R 1), il fît en plein été et contrairement à ce qui arrive dans ces contrées, il fit gronder le tonnerre, briller les éclairs et tomber la pluie (1S 7 1S 12). Mais n'auraient-ils pas trouvé le moyen de calomnier ces prodiges en disant qu'ils étaient le résultat de causes secrètes et variées qui agis sent sur l'atmosphère? Car, puisque vous calomniez ce que vous voyez de vos yeux, ce que vous touchez de la main, ce dont vous ressentez l'utilité, que ne diriez-vous pas d'un miracle qui viendrait du ciel? Vous répondriez sans doute que les magiciens en Egypte ont fait eux-mêmes beaucoup de prodiges dans les airs.

S. Chrys. (hom. 43). Leurs paroles sont pleines à la fois d'adulation et d'ironie. Ils avaient commencé par outrager le Sauveur en le traitant de possédé du démon; ils cherchent à le flat ter maintenant en l'appelant Maître. Aussi leur répond-il avec sévérité: «Cette génération méchante», etc. Lorsqu'ils le chargeaient d'injures, il leur répondait avec douceur; mais lors qu'ils veulent le prendre par la flatterie il leur fait les plus vifs reproches; il prouve ainsi qu'il était supérieur à toute faiblesse, incapable de s'irriter des outrages ou de faiblir devant la flatterie. Or, voici le sens de ces paroles: «Qu'y a-t-il d'étonnant que vous agissiez ainsi contre moi qui suis pour vous un inconnu, quand vous vous êtes conduit de la même manière à l'égard de mon Père dont vous aviez éprouvé tant de fois la puissance et que vous avez aban donné pour courir aux autels du démon ?» Il les appelle «génération méchante» parce qu'ils n'ont jamais eu que de l'ingratitude pour leurs bienfaiteurs. Les bienfaits ne font que les rendre plus mauvais, ce qui est le comble de la perversité. - S. Jér. Le mot «adultère» qu'il ajoute est parfaitement choisi, parce que cette génération avait abandonné son mari et que, suivant Ezéchiel, elle s'était livrée à plusieurs amants (Ez 16,15 Ez 16,24-25 Ez 16,33). -
S. Chrys. (hom. 43). Il se déclame ainsi l'égal de Dieu son Père, puisque c'est pour n'avoir pas voulu croire en lui que cette génération est devenue adultère.

Rab. Il va maintenant leur répondre non pas en leur faisant voir un prodige dans le ciel, mais en le tirant des profondeurs de la terre. Il a donné ce signe dans le ciel, mais à ses disciples, en leur dévoilant la gloire de l'éternelle félicité, d'abord en figure sur la montagne (Mt 18), et puis en réalité lorsqu'il s'éleva dans les cieux (Mc 16). Il ajoute :«On ne lui donnera pas d'autre signe». - S. Chrys. (hom. 43). Il parle ainsi, parce que ce n'était pas pour les amener à lui qu'il faisait des mira cles, car il savait qu'ils étaient plus durs que la pierre, mais c'était pour en convertir d'autres. Ou bien c'est parce qu'ils ne devaient pas être témoins d'un signe tel qu'ils le demandaient. En effet, il leur donna plus tard un signe, alors qu'ils apprirent à connaître sa puissance par leur propre châtiment, et c'est ce qu'il leur fait entendre à mots couverts en leur disant: «On ne lui donnera pas de signe», paroles dont voici le sens: J'ai répandu sur vous mes bienfaits à profusion, aucun d'eux ne vous a portés à rendre hommage à ma puissance; vous la connaîtrez donc par le châtiment qui vous attend, lorsque vous verrez la destruction de votre cité. Il en tremêle ici une prédiction de sa résurrection, qu'ils devaient aussi connaître un jour par leur supplice, «si ce n'est le signe du prophète Jonas».La croix n'aurait jamais été l'objet de la foi si elle n'avait eu pour elle le témoignage des miracles, et si elle n'avait pas été crue, la résur rection ne l'aurait pas été davantage; c'est pour cela qu'il l'appelle un signe, et que pour en faire reconnaître la vérité il en rappelle une figure prophétique: «Car, de même que Jonas fut dans le ventre de la baleine», etc. - Rab. Il fait voir aux Juifs qu'ils sont aussi coupables que les Ninivites, et que leur ruine est imminente s'ils ne font pénitence; mais de même que Jonas, en annonçant le châtiment, indique les moyens de l'éviter, ainsi les Juifs ne doivent pas déses pérer de leur pardon, si du moins, après la résurrection de Jésus-Christ, ils font pénitence. Jo nas, don t le nom signifie colombe et celui qui gémit, figure celui sur lequel l'Esprit saint des cendit en forme de colombe (Lc 3), et qui s'est chargé de nos souffrances (Is 53). La baleine qui engloutit Jonas au milieu de la mer (Jon 2) signifie la mort que Notre-Seigneur Jésus-Christ a endurée sur la croix. Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la ba leine, le Christ demeura le même temps dans le tombeau. Jonas fut jeté sur le rivage, le Christ a ressuscité dans sa gloire.

S. Aug. (De l'acc. des Evang., 3, 24). Quelques auteurs qui paraissent ignorer la manière de s'exprimer de l'Écriture, ont voulu compter pour une nuit les trois heures qui s'écoulèrent de la sixième à la neuvième et pendant lesquelles le soleil fut obscurci, et pour un jour les trois autres heures, depuis la neuvième jusqu'au coucher du soleil, pendant lesquelles il éclaira de nouveau la terre. Vint ensuite la nuit du sabbat, et en la comptant avec le jour qui suivit on a deux nuits et deux jours. Après le jour du sabbat vient la nuit du premier jour de la semaine (c'est-à-dire la nuit qui précède le dimanche) dans laquelle le Seigneur est ressuscité. Nous avons donc deux nuits et deux jours et de plus une nuit, alors même qu'on devrait la comprendre tout entière, et que nous ne prouverions pas que le point du jour était la partie extrême de cette nuit. C'est ainsi que sans compter ces six heures (dont trois heures de nuit et trois heu res de jour), nous avons réellement trois jours et trois nuits, et il ne nous reste plus qu'à dém ontrer que cette explication est conforme à l'usage de l'Écriture, qui prend souvent la partie pour le tout. - S. Jér. Ce n'est pas que Jésus-Christ ait été les trois jours entiers et les trois nuits dans les enfers, mais on entend que ces trois jours et ces trois nuits sont formés d'une partie du jour de la Pâque, d'une partie du dimanche et du jour du sabbat tout entier. - S. Aug. (De la Trinité, 4, 9). L'Écriture elle-même nous témoigne que ces trois jours ne furent pas complets; mais la seconde partie du premier jour et la première partie du troisième jour sont comptées pour des jours entiers; quant au jour intermédiaire, c'est-à-dire le deuxième jour, il est complet et a ses vingt-quatre heures, douze de nuit et douze de jour. La nuit qui pré céda la première aurore où la résurrection du Seigneur eût lieu appartient au troisième jour. Car de même que les premiers jours de l'homme sur la terre se comptent du jour à la nuit comme symbole de sa chute future, de même les jours se comptent ici de la nuit au jour comme figure de la réparation de l'homme. - S. Chrys. (hom. 44). Il ne leur dit pas claire ment qu'il ressusciterait, car ils se seraient moqués de lui; mais il le leur donne à entendre pour qu'ils pussent croire par la suite ce qu'il avait prédit par avance. Il ne dit pas simplement: «Dans la terre», mais «dans les entrailles de la terre» pour exprimer une véritable sépulture, et afin que personne ne pût soupçonner que sa mort n'était qu'apparente. Il dit clairement qu'il y restera trois jours, afin que l'on ne pût douter de la réalité de sa mort. D'ailleurs la figure de la résurrection est une preuve de sa réalité, car Jonas ne fut pas seulement en apparence, mais bien réellement dans le ventre de la baleine. Or la vérité n'aurait-elle existé qu'en apparence, tandis que la figure a existé en réalité? Les disciples de Marcion sont donc de véritables en fants du démon, en affirmant avec leur maître que la passion du Christ n'a été qu'imaginaire; ajoutons que le signe du prophète Jonas, qui devait être donné à cette génération est une preuve que le Sauveur devait souffrir la mort pour les Juifs, quoiqu'ils n'en dussent tirer aucun profit (cf. Jon 1,5).


vv. 41-42

4241 Mt 12,41-42

S. Chrys. (hom. 44). On aurait pu croire que les Juifs auraient un jour le même sort que les Ninivites, et qu'ils se convertiraient après la résurrection du Sauveur, comme les Ninivites s'étaient convertis à la voix de Jonas et avaient ainsi sauvé leur ville de la destruction qui la menaçait. Notre-Seigneur déclare ici qu'un sort tout différent leur est réservé; et loin que le bienfait de sa mort leur soit utile, elle ne fera qu'aggraver leur supplice, comme il le prouvera plus bas par l'exemple du démon. Il montre d'abord ici l'équité de leur condamnation: «Les habitants de Ninive se lèveront, dit-il, au jour du jugement contre cette génération». - Remi. Le Seigneur, en s'exprimant de la sorte, établit clairement qu'il n'y aura qu'une seule résurrection pour les bons et pour les méchants, contre quelques hérétiques qui ont prétendu qu'il y aurait une résurrection pour les bons et une pour les méchants. Il détruit en même temps cette opinion fabuleuse des Juifs qui disent que la résurrection aura lieu mille ans avant le jugement, et il déclare ouvertement, au contraire, que le jugement suivra immédiatement la résurrection: «Et ils condamneront cette génération». - S. Jér. Ce ne sera pas en prononçant contre elle le jugement souverain, mais par la simple opposition de leur conduite; c'est pour cela qu'il ajoute: «Parce qu'ils ont fait pénitence à la voix de Jonas, et voilà plus que Jonas ici».Le mot hic doit être pris comme adverbe de lieu, et non pas comme pronom. Jonas (selon la ver sion des Septante) ne prêcha que pendant trois jours; j'ai prêché pendant un temps beaucoup plus long; il s'adressait aux Assyriens, nation infidèle; je m'adresse aux Juifs, peuple de Dieu; il ne fit que prêcher sans opérer de miracles, et moi, après tant et de si grands prodiges, je suis accusé calomnieusement de connivence avec Béelzébub.

S. Chrys. (hom. 44). Le Seigneur, non content de cet exemple, en ajoute un autre: «La reine du Midi», etc. Cet exemple est plus frappant encore que le premier. Jonas alla trouver les Ni nivites; la reine du Midi n'attendit pas que Salomon se rendit près d'elle, mais elle alla le trou ver elle-même, et c'était une femme, une barbare, habitant des contrées éloignées; elle n'était pas dominée par la crainte de la mort, mais par le seul désir d'entendre les paroles de la sagesse. Cette femme s'est donc rendue ici, moi j'y suis venu; elle est arrivée des extrémités de la terre, et moi je parcours les villes et les campagnes; elle discuta sur les arbres et sur les plan tes, et moi j'enseigne d'ineffables mystères. - S. Jér. Cette reine du Midi condamnera le peuple juif, de la même manière que les Ninivites condamneront les Israélites incrédules. Cette reine est la reine de Saba dont il est question au livre 3 des Rois et au 2 des Paralipomènes. Elle abandonna son peuple et son royaume et à travers mille difficultés elle vint dans la Judée pour entendre la sagesse de Salo mon, et lui offrit une multitude de présents (1R 10 et 1R 11 2Ch 9). Les Ninivites et la reine de Saba sont la figure des nations qui ont embrassé la foi et qui ont été préférées au peuple d'Israël. - Rab. Les Ninivites représentent ceux qui renoncent au péché; la reine de Saba, ceux qui ne connaissent pas le péché; car la pénitence efface le péché, mais la sagesse ap prend à l'éviter.

Remi. Le nom de reine convient admirablement à l'Église, parce qu'elle sait diriger sa conduite; c'est d'elle que le Psalmiste a dit: «La reine s'est tenue debout à votre droite» (Ps 44). C'est la reine du Midi, parce qu'elle est pleine du feu de l'Esprit saint. Le vent brûlant du Midi est une figure de l'Esprit saint. Salomon, dont le nom signifie le pacifique, représente celui dont il est dit «C'est lui qui est notre paix» (Ep 2).


vv. 43-45

4243 Mt 12,43-45

S. Chrys. (hom. 44). Le Seigneur avait dit aux Juifs: «Les habitants de Ninive s'élèveront au jour du jugement et condam neront cette génération».Mais dans la crainte que le temps si éloi gné de cette condamnation ne la leur fit mépriser et n'encourageât leur négligence, il leur ap prend qu'ils auront à souffrir des châtiments très sévères non-seulement dans l'autre vie, mais dans celle-ci, et il leur fait connaître sous le voile d'une parabole le supplice qui leur est réser vé: «Lorsque l'esprit impur», etc. - S. Jér. Il en est quelques-uns qui prétendent que ce passage s'applique aux hérétiques. L'esprit immonde qui habitait d'abord en eux, lorsqu'ils étaient encore infidèles, disent-ils, a été chassé par la confession de la vraie foi; mais lorsqu'ils ont embrassé le parti de l'hérésie, et qu'ils ont orné de fausses vertus la maison intérieure de leur âme, le diable revient les trouver après avoir pris avec lui sept autres esprits, il fixe en eux son séjour, et rend leur dernier état pire que le premier. Le sort des hérétiques est, en effet, plus déplorable que celui des infidèles; car dans les infidèles vous pouvez rencontrer l'espérance de la vraie foi, mais dans les hérétiques vous ne trouverez que les luttes et les dé chirements de la discorde. Cette explication a pour elle quelque probabilité et quelque appa rence de science, cependant je ne sais si elle est fondée sur la vérité. En effet, la conclusion de cette parabole: «C'est ce qui arrivera à cette génération criminelle»,nous force de l'appliquer, non aux héré tiques, ou à n'importe quels autres hommes, mais au peuple juif, si nous voulons que l'ensemble de ce passage ne reste pas vague, indéterminé, susceptible de sens divers, et ne perde de sa clarté par des interprétations sans fondement, mais qu'il forme un tout parfaitement en rapport avec les antécédents et les conséquences. L'esprit impur est donc sorti des Juifs lorsque la loi leur fût donnée et lorsqu'ils l'eurent chassé, il a erré dans les solitudes des na tions, comme l'indiquent les paroles suivantes: «Il va par des lieux arides». - Remi. Les lieux arides, ce sont les coeurs des Gentils que n'ont jamais arrosés les eaux salutaires, c'est-à-dire les saintes Écritures. - Rab. Ou bien, ces lieux arides, ce sont les coeurs des fidèles qui, après avoir été purifiés de la mollesse des pensées dissolues, sont explorés par l'ennemi perfide de notre salut qui cherche à y fixer son séjour; mais il s'éloigne des âmes chastes, et ne peut trouver que dans le coeur des méchants un repos qui lui soit agréable. C'est pour cela que le Seigneur ajoute: «Et il ne le trouve pas».

Remi. Le démon pensait avoir trouvé dans le coeur des Gentils un repos éternel, mais Notre-Seigneur ajoute: «Et il ne le trouve pas», parce que les Gentils ont embrassé la foi, lorsque le Fils de Dieu se fut rendu visible par le mystère de l'incarnation. - S. Jér. Après la conversion des Gentils, le démon, ne trouvant plus en eux de repos, dit: «Je reviendrai dans la maison d'où j'étais sorti, chez les Juifs que j'avais quittés en premier lieu, et, en y revenant, il trouve cette maison vide, nettoyée et parée».En effet, ce temple des Juifs était vide, et le Christ n'y demeurait plus, lui qui avait dit: «Levez-vous, sortons d'ici» (Jn 14). Les Juifs n'étant plus sous la garde de Dieu et de ses anges, et n'ayant pour ornement que les observances su perflues de la loi, et les traditions des pharisiens, le démon revient dans sa première demeure, il en prend possession avec sept autres esprits, et le dernier état de ce peuple devient pire que le premier. En effet, les Juifs qui blasphèment contre Jésus-Christ dans les synagogues sont les esclaves d'un bien plus grand nombre de démons que ne l'étaient leurs ancêtres dans l'Egypte avant d'avoir reçu la loi; car on n'était pas aussi coupable de ne pas croire en celui qui devait venir, que de ne pas le recevoir lorsqu'il était venu. Ce nombre de sept autres esprits que le démon prend avec lui est mis ici ou à cause des jours de la semaine, ou à cause du nombre des dons de l'Esprit saint. Ainsi de même que dans Isaïe sept esprits de vertus différentes viennent se reposer sur la fleur de la tige de Jessé, de même, à l'opposé, nous voyons un nombre égal de vices consacré dans la personne du démon. C'est donc avec dessein que Jésus dit du démon qu'il prend sept esprits avec lui, ou à cause de la violation du sabbat, ou à cause des péchés mortels qui sont contraires aux sept dons du Saint-Esprit.

S. Chrys. (hom. 44). Ou bien le Sauveur veut faire comprendre aux Juifs la grandeur du châ timent qui les attend. Voyez, leur dit-il, ceux qui, étant possédés du démon, sont délivrés de cette tyrannie; s'ils tombent ensuite dans le relâchement, ils s'attirent de plus terribles épreu ves; ainsi en sera-t-il de vous-mêmes. Vous étiez autrefois les esclaves du démon, lorsque vous adoriez les idoles, et que vous immoliez vos enfants aux démons; cependant je ne vous ai pas abandonnés, j'ai chassé le démon par les prophètes, et je suis venu moi-même en personne pour vous délivrer d'une manière plus complète. Mais loin de répondre à de si grands bienfaits, vous n'en êtes devenus que plus mauvais (car c'est un plus grand crime de mettre à mort le Christ qu'un prophète), c'est pourquoi de plus terribles châtiments vous sont réservés. Et en effet, ce qu'ils eurent à souffrir sous Vespasien et Titus fut mille fois plus affreux que ce qu'ils avaient enduré en Égypte, à Babylone, et sous Antiochus (1M 1 et 1M 2,5-7). Il va plus loin encore, et leur fait voir le triste état de leur âme dépouillée de toutes vertus, et devenue pour le démon une proie bien plus facile qu'auparavant. Or, ce n'est pas seulement dans les Juifs, mais dans nous-mêmes que cette parabole trouve son application. Si après avoir reçu la lumière de la foi et la rémission de nos premières fautes, nous y retombons de nouveau, la peine des fautes suivantes sera beaucoup plus sévère; c'est pour cela que Notre-Seigneur dit au paralytique: «Vous voilà guéri, ne péchez plus, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pis». - Rab. Lorsqu'un homme se convertit à la foi, le démon, chassé de son âme par le baptême, parcourt les lieux arides, c'est-à-dire les coeurs des fidèles. - S. Grég. (Moral. 33, 3). Les lieux arides et sans eau sont les coeurs des justes; la règle forte et sévère qu'ils s'imposent dessèche dans leur âme les eaux des concupiscences charnelles. Les lieux humides, au contraire, sont les âmes des hommes attachés à la terre; la concupiscence de la chair, en les pénétrant de ses eaux corrompues, les rend molles et sans cohésion, et le démon y imprime d'autant plus profondément les traces de son iniquité, qu'il marche dans ces âmes comme sur une terre détrempée et sans consistance.

Rab. Or, en rentrant dans sa maison d'où il était sorti, il la trouve vide de bonnes actions par suite de sa négligence, purifiée de toutes souillures, c'est-à-dire de ses anciens vices, par le baptême; ornée de fausses vertus par l'hypocrisie. - S. Aug. (Quest. évang., 1, 8). Le Seigneur nous apprend encore par ces paroles qu'il en est dont la foi sera si faible, qu'ils retourne ront au monde, incapables qu'ils seront des travaux de la mortification. En nous faisant remar quer que le démon prend avec lui sept autres esprits, il veut nous faire comprendre que celui qui tombe des hauteurs de la justice devient en même temps hypocrite. En effet, lorsque la concupiscence de la chair, chassée par les oeuvres ordinaires de la pénitence, ne trouve pas un lieu d'agréable repos, elle revient avec plus d'empressement, et s'empare de nouveau du coeur de l'homme, pour peu qu'il se soit laissé aller à la négligence. Alors la parole de Dieu ne peut plus avoir d'accès par la saine doctrine pour habiter cette maison une fois nettoyée de ses souillures; et comme cette concupiscence de la chair ne prend pas seulement avec elle les sept vices qui sont opposés aux sept dons de l'Esprit saint, mais qu'elle affectera par hypocrisie d'avoir ces mêmes v ertus, on peut dire qu'elle revient avec sept démons plus méchants, c'est-à-dire avec les sept démons de l'hypocrisie, de manière que l'état de cet homme devienne pire que le premier. - S. Grég. (Moral. 7, 7). Il arrive souvent aussi que, lorsque l'âme vient à s'enorgueillir de ses premiers pas dans la perfection, et veut en être louée comme de véritables vertus, elle donne entrée à son ennemi furieux contre elle, et qui s'acharne avec d'autant plus de violence à sa ruine, qu'il a éprouvé de douleur d'en avoir été chassé, ne fût-ce que pour quelque temps.


vv. 46-50

4246 Mt 12,46-50

S. Hil. (can. 12 sur S. Matth). Comme il avait dit tout ce qui précède au nom de la puissance et de la majesté de son Père, l'Évangéliste nous apprend ce qu'il répondit lorsqu'on vint lui annoncer que ses frères et sa mère l'attendaient au dehors. «Pendant qu'il parlait encore au peuple», etc. - S. Aug. (de l'accord des évang., 2, 40). Nous devons penser que Notre-Seigneur fit cette réponse dans des circonstances qui la motivaient; car avant de la rapporter l'Évangéliste fait cette remarque «: Lorsqu'il parlait encore au peuple». Que veut dire ce mot «encore» si ce n'est au moment même où il tenait ce discours? Saint Marc (Mc 3) place également ce fait après avoir rapporté ce qui concerne le blasphème sur le Saint-Esprit, et il ajoute: «Et ses frères et sa mère étant venus». Saint Luc n'a pas gardé ici l'ordre historique; mais il a raconté ce fait par anticipation, d'après l'ordre de ses souvenirs. - S. Jér. (contre Helvid). Helvidius veut appuyer une de ses erreurs sur ce que nous voyons dans l'Évangile des frères de Notre-Seigneur. Pourquoi, demande-t-il, les aurait-on appelés les frères du Seigneur s'ils n'avaient pas été réellement ses frères? Or, il faut savoir que dans l'Écriture le nom de frères est entendu de quatre manières différentes. Il y a les frères de nature, les frères de nation, les frères de parenté, et les frères d'affection: les frères de nature, comme Esaü et Jacob, les frères de nation, tous les Juifs, par exemple, qui se donnent entre eux le nom de frères, comme nous le voyons dans le Deutéronome: «Vous ne pourrez placer à votre tête un étranger qui ne soit point votre frère (Dt 17); les frères de parenté, c'est-à-dire ceux qui sont d'une même famille; c'est dans ce sens qu'Abraham dit à Loth dans la Genèse (Gn 13): «Qu'il n'y ait point de débat entre vous et moi, car nous sommes frères». Enfin il y a les frères d'affection, qui le sont d'une manière ou particulière, ou générale: particulière, comme le sont tous les chrétiens d'après ces paroles du Sauveur: «Allez, dites à mes frères» (Jn 20); générale, comme tous les hommes nés d'un même père sont unis entre eux par les liens d'une même fraternité, et c'est dans ce sens qu'il est dit dans Isaïe: «Dites à ceux qui vous haïssent: Vous êtes nos frères (Is 66,5) ». Or, je vous le demande, dans quel sens l'Évangile prend-il les frères du Seigneur? Est-ce selon la nature? Mais l'Écriture ne les appelle ni les enfants de Marie ni ceux de Joseph. Est-ce comme ayant une même nationalité? Mais il serait absurde de donner ce nom à un petit nom bre de Juifs, alors que tous les Juifs qui étaient présents y avaient droit. Est-ce d'après l'affection qu'inspire la nature ou la grâce? Mais à ce titre, qui méritait mieux ce nom de frères que les Apôtres, qui recevaient les instructions les plus secrètes du Seigneur? Ou bien si tous les hommes sont ses frères par cela qu'ils sont hommes, c'était une absurdité de donner ici ce nom comme propre et personnel en disant: «Voici que vos frères vous cherchent». Il ne reste donc plus de possible que la dernière interprétation, qui explique ce nom de frères dans le sens de la parenté et non point dans le sens de l'affection, de la nationalité ou de la nature. - S. Jér. (sur S. Matth). Il en est qui ont supposé que ces frères du Seigneur étaient des enfants que Joseph avait eus d'une première épouse; ils suivent en cela les extravagances des Évangi les apocryphes et imaginent l'existence de je ne sais quelle femme qu'ils appe llent Escha. Pour nous, nous voyons dans ces frères du Seigneur, non pas les enfants de Joseph, mais les cousins du Seigneur, enfants de la soeur de Marie, tante du Seigneur, qui est appelée mère de Jacques le Mineur, de Joseph et de Jude, auxquels l'Évangile, dans un autre endroit, donne le nom de frères du Seigneur. Or, toute l'Écriture atteste qu'on étend ce nom de frères jusqu'aux cousins.

S. Chrys. (homélie 45). Or, voyez quel est l'orgueil des frères du Seigneur ! Leur devoir était d'entrer et de se mêler à la foule pour écouter ses enseignements, ou, si telle n'était pas leur intention, d'attendre qu'il eût terminé son instruction pour venir le trouver. Mais non, ils l'appellent au dehors, et ils l'appellent en présence de tous, faisant ainsi preuve d'une excessive vanité, et voulant montrer qu'ils commandaient au Christ avec autorité. C'est ce que l'Évangéliste semble vouloir nous indiquer indirectement par ces mots: «Lorsqu'il parlait en core»,comme s'il voulait dire: Est-ce qu'ils n'auraient pu choisir un autre moment? Mais que voulaient-ils lui dire? Si c'était une question de doctrine qu'ils voulaient lui proposer, ils devaient le faire devant le peuple pour que tous pussent en profiter; et s'ils n'avaient à l'entretenir que de leurs affaires particulières, ils devaient attendre: il est donc évident qu'ils agissaient ainsi par un motif de vaine gloire.

S. Aug. (De la nat. et de la grâce, 36). Mais quoi que l'on puisse dire des frères du Seigneur, lorsqu'on parle de péché, pour l'honneur du Christ, je ne veux pas qu'il soit question en aucune manière de la Vierge Marie, car nous savons qu'elle a reçu une grâce plus abondante pour triompher en tout du péché, parce qu'elle devait concevoir et enfanter celui qui, bien certainement, ne fut jamais souillé d'aucun péché.

«Et quelqu'un lui dit: Voici que votre mère et vos frères sont dehors et veulent vous parler». - S. Jér. Celui qui vient lui annoncer cette nouvelle ne me paraît pas l'avoir fait avec simplicité et naturellement, mais pour lui tendre un piége et voir s'il sacrifierait aux affections de la nature une oeuvre toute spirituelle. Le Sauveur refuse donc de sortir, non qu'il méconnaisse sa mère et ses frères, mais parce qu'il veut répondre à ceux qui cherchent à le prendre en défaut. - S. Chrys. (hom. 45). Il ne dit pas: Allez, et dites-lui qu'elle n'est pas ma mère, il adresse la parole à celui qui vient de lui porter cette nouvelle: «Mais s'adressant à celui qui lui parlait, il lui dit: Quelle est ma mère, quels sont mes frères ?» - S. Hil. (can. 12). N'allons pas croire qu'il ait éprouvé un sentiment de dédain pour sa mère, lui qui du haut de la croix lui témoigna tant d'affection et une si tendre sollicitude (Jn 19). - S. Chrys. (hom. 45). S'il avait voulu renier sa mère, il l'aurait fait lorsque les Juifs lui faisaient un reproche de la condition de sa mère. - S. Jér. Il n'a donc pas renié sa mère, comme le prétendent Marcion et les Mani chéens, pour nous faire croire que sa naissance n'était qu'imaginaire, mais il a voulu montrer qu'il préférait les Apôtres à ses parents, pour nous apprendre à préférer nous-mêmes les affec tions de l'esprit aux affections de la chair. - S. Amb. (sur S. Luc., liv. 6). Il ne condamne pas les devoirs de piété filiale qu'un fils doit à sa mère, mais il veut nous apprendre qu'il se doit bien plus aux devoirs mystérieux qui l'attachent à son père, et à l'amour qu'il a pour lui, qu'à son affection pour sa mère; aussi l'Évangéliste ajoute: «Et, étendant la main vers ses disci ples, il dit: Voici ma mère, et voici mes frères». - S. Grég. (homélie 31 sur les Evang). Notre-Seigneur a daigné appeler les fidèles ses frères lorsqu'il a dit: «Allez, annoncez à mes frères» (Mt 28). On peut donc se demander comment celui qui est devenu le frère du Seigneur en embrassant la foi, peut devenir aussi sa mère. C'est que celui qui est devenu le frère et la soeur de Jésus-Christ par la foi, mérite de devenir sa mère par la prédication, car il enfante le Seigneur en le produisant dans le coeur de ses auditeurs, et il devient sa mère s'il fait naître par ses paroles l'amour du Sauveur dans l'âme du prochain.

S. Chrys. (hom. 45). Aux leçons qui précèdent, il en ajoute encore une autre, c'est que la confiance que peut nous inspirer notre parenté ne doit pas nous faire négliger la pratique de la vertu, car s'il ne servait de rien à la mère de Jésus d'être sa mère, sans l'éminente vertu qui la distinguait, qui peut se flatter d'être sauvé grâce à sa parenté? Il n'y a qu'une seule noblesse, c'est de faire la volonté de Dieu, comme il nous l'apprend dans les paroles suivantes: «Quiconque fera la volonté de mon Père qui est au ciel, celui-là est mon frère, ma mère et ma soeur».Bien des mères ont proclamé le bonheur de la sainte Vierge et de son chaste sein; elles ont désiré pour elles une maternité semblable. Qui les empêche d'obtenir ce bonheur? Le Sauveur vous a ouvert une large voie, et il est permis non-seulement aux femmes, mais encore aux hommes de devenir mère de Dieu (cf. Ga 4,19).

S. Jér. Nous pouvons encore donner une autre explication. Le seigneur parle à la foule et enseigne les nations dans l'intérieur de la maison; sa mère et ses frères, c'est-à-dire la synagogue et le peuple juif, se tiennent dehors. - S. Hil. (can. 12). Ils avaient cependant comme les autres la faculté d'arriver jusqu'à lui; mais comme il est venu parmi les siens, et que les siens ne l'ont pas reçu (Jn 12), ils refusent d'entrer et d'approcher de lui.

S. Grég. (hom. 31). Pourquoi la mère du Sauveur reste-t-elle dehors, comme s'il ne la connais sait pas? Parce que la synagogue n'est plus reconnue par celui qui l'a établie, car en s'attachant exclusivement à l'observation de la loi, elle a perdu l'intelligence spirituelle et s'est condamnée elle-même à être au dehors la gardienne de la lettre. - S. Jér. Après qu'ils auront demandé, prié et envoyé un messager, il leur sera répondu qu'ils sont libres d'entrer et de croire eux-mêmes, s'ils le veulent.


CHAPITRE XIII


vv. 1-9

4301 Mt 13,1-9

S. Chrys. (hom. 45). Après avoir donné cette leçon à celui qui lui avait annoncé la présence de sa mère et de ses frères, Jésus se rend cependant à leurs désirs et il sort de la maison. C'est ainsi qu'après avoir guéri d'abord dans ses frères le mal de la vaine gloire, il rend ensuite à sa mère l'honneur qui lui était dû. «Ce jour-là même, Jésus étant sorti»,etc. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 11, 41). Cette expression: «Ce jour-là» indique suffisamment que ce fait eut lieu immédiatement après ce qui précède ou peu de temps après, à moins que l'on ne donne ici au mot jour le sens qu'il a quelquefois dans l'Écriture, c'est-à-dire qu'on le prenne pour un temps indéfini (Jn 14 Jn 16,23 Jn 16,25).

Rab. Non-seulement les paroles et les actions du Seigneur, mais encore ses courses et les lieux témoins de ses prédications et de ses miracles sont pleins d'enseignements mystérieux. Après le discours qu'il avait prononcé dans cette maison où d'horribles blasphémateurs l'avaient appelé possédé du démon, il sort pour enseigner sur le bord de la mer; il montre ainsi qu'il abandonne la Judée pour la punir de sa perfidie et qu'il va porter le salut aux nations. En effet, les coeurs des infidèles, longtemps dominés par l'orgueil et l'incrédulité, sont comparés aux flots amers et soulevés de l'Océan. Quant à la maison du Seigneur, qui ne sait que c'était la Judée qui l'était devenue pour la foi ?

S. Jér. Remarquons encore que le peuple ne pouvait entrer dans la maison de Jésus, ni s'y joindre aux Apôtres pour y entendre ses mystérieuses leçons. C'est pour cela que le Seigneur, plein de miséricorde, sort de la maison et s'assied sur le rivage de la mer de ce siècle pour ré unir autour de lui la foule, pour lui adresser sur le rivage les enseignements qu'elle n'était pas digne d'entendre dans l'intérieur de la maison. «Et il s'assembla autour de lui une grande foule de peuple». - S. Chrys. (hom. 45). Ce n'est pas sans raison que l'Évangéliste rapporte cette circons tance; il veut nous faire remarquer l'intention expresse du Sauveur, qui voulait réunir une grande multitude et l'avoir tout entière devant les yeux, sans laisser une seule personne derrière lui. - S. Hil. (can. 13). La suite du récit nous explique pourquoi Notre-Seigneur s'assied dans la barque, tandis que le peuple reste sur le rivage. Il allait parler en paraboles, et, en agis sant de la sorte, il nous apprend d'une manière figurée que ceux qui sont hors de l'Église ne peuvent avoir aucune intelligence de la parole divine. Cette barque représente l'Église, la pa role de la vie qu'elle renferme dans son sein est prêchée à ceux qui sont au d ehors; mais, semblables au sable stérile, ils ne peuvent la comprendre. - S. Jér. Jésus est au milieu des flots, la mer vient battre tout autour de lui; tranquille dans sa majesté, il fait approcher la bar que du rivage, afin que le peuple, libre de toute crainte et affranchi des épreuves qui eussent été au-dessus de ses forces, se tienne ferme sur le rivage pour entendre de là ses paroles. - Rab. Ou bien il monte dans cette barque et s'y assied au milieu de la mer pour figurer que le Christ devait monter par la foi dans les âmes des Gentils et rassembler son Église au milieu de la mer, c'est-à-dire au milieu des peuples qui devaient le contredire. Cette foule qui se tient sur le rivage et qui n'est ni sur la mer ni dans la barque, nous représente ceux qui reçoivent la pa role de Dieu et qui sont séparés par la foi des flots de la mer, c'est-à-dire des réprouvés, sans être encore pénétrés des mystères du royaume des cieux.

«Et il leur dit beaucoup de choses en paraboles». - S. Chrys. (hom. 45). Il n'avait pas suivi cette méthode dans son discours sur la montagne, qui n'était point ainsi composé de paraboles, car il ne s'adressait alors qu'à la multitude seule et à des esprits simples et sans déguisement, tandis qu'il comptait ici parmi ses auditeurs des scribes et des pharisiens. Mais ce n'est pas le seul motif pour lequel il parle en paraboles, il veut encore donner plus de clarté à ses enseignements, les graver plus profondément dans la mémoire en les plaçant pour ainsi dire sous les regards. - S. Jér. Remarquez que tous ses enseignements ne sont pas en paraboles, mais une grande partie seulement, car s'il n'avait parlé qu'en paraboles, le peuple n'en eût retiré aucun fruit; mais en mêlant des choses claires à des choses moins évidentes, l'intelligence des unes excite à pénétrer l'obscurité des autres. La foule, d'ailleurs, n'est pas animée des mêmes senti ments, mais elle est composée de volonté diverses: il lui adresse donc un grand nombre de paraboles pour satisfaire par la diversité de l'enseignement à la diversité des désirs et des be soins.

S. Chrys. (hom. 45). Il commence par la parabole qui devait rendre ses auditeurs plus atten tifs; car, comme il devait leur parler en figures, il éveille tout d'abord leur attention par ces paroles: «Celui qui sème sortit pour semer». - S. Jér. Or, ce semeur qui répand sa se mence, c'est le Fils de Dieu qui est venu semer parmi les peuples la parole de son Père. - S. Chrys. (hom. 45). Mais d'où a pu sortir celui qui est présent en tous lieux, et comment est-il sorti? Il n'est pas sorti comme on sort d'un endroit que l'on quitte, mais il s'est rapproché de nous par son incarnation et par la nature humaine dont il s'était revêtu. Nous ne pouvions arri ver jusqu'à lui, nos péchés étaient pour nous un obstacle insurmontable; il est venu jusqu'à nous. - Rab. Ou bien il est sorti lorsque dans la personne de ses Apôtres, il a abandonné la Judée pour aller évangéliser les Gentils. - S. Jér. Ou bien encore il était au dedans, lorsque, dans l'intérieur de la maison il dévoilait à ses disciples les mystères du royaume des cieux. Il sort donc de cette maison pour répandre la semence au milieu de la foule. - S. Chrys. (hom. 45). Lorsque vous entendez Notre-Seigneur vous dire: «Celui qui sème sortit pour semer», ne regardez pas ces deux expres sions comme identiques. Le semeur sort bien souvent, et pour d'autres motifs; par exemple, pour labourer la terre, pour couper les mauvaises herbes, pour arracher les épines ou pour d'autres travaux semblables. Mais ici il sort pour semer. Et que deviendra cette semence? Trois parties sont perdues, une seule est conservée, non pas d'une manière égale, mais avec quelque diffé rence: «Et pendant qu'il sème, une partie de la semence tomba sur le chemin». - S. Jér. Valentin se sert de cette parabole pour établir son hérésie et appuyer son système des trois natures: la nature spirituelle, la nature naturelle ou animale, et la nature terrestre. Or nous voyons ici quatre espèces différentes de terre: l'une qui est le long du chemin, l'autre qui est un terrain pierreux, la troisième couverte d'épines, et la quatrième qui est une bonne terre. - S. Chrys. (hom. 45). Mais quelle apparence de raison dans la conduite de celui qui sèmerait au milieu des épines, sur les pierres ou le long du chemin? Si l'on prend la semence et la terre dans leur sens matériel et ordinaire, ce serait folie d'agir de la sorte, car il n'est au pouvoir ni de la pierre de devenir terre, ni du chemin de ne pas être un chemin, ni des épines de ne pas être des épines. Mais lorsqu'on entend la terre et la semence de la terre des âmes et de la se mence de la parole de Dieu, cette conduite est on ne peut plus louable, car dans ce sens il est possible à la pierre de devenir une terre fertile, au chemin de ne plus être foulé aux pieds, et aux épines d'être arrachées. Quant au surplus de la semence qui est perdu, la faute n'en est pas à celui qui sème, mais à la terre qui reçoit la semence, c'est-à-dire à l'âme, car le semeur ne fait aucune distinction entre le pauvre et le riche, entre le sage et l'ignorant; il s'adresse à tous, faisant de son côté tout ce qui dépend de lui, tout en prévoyant ce qui doit arriver et motiver ce reproche: «Qu'ai-je dû faire que je n'aie pas fait ?» Or, s'il ne dit pas clairement qu'une par tie de la semence est tombée sur les âmes négligentes qui l'ont laissé enlever, une autre sur les riches qui l'ont étouffée, une autre sur les âmes molles qui l'ont perdue, c'est qu'il ne veut pas blesser trop vivement les Juifs et les jeter dans le découragement. Cette parabole apprend en core à ses disciples à ne point négliger le ministère de la prédication, bien qu'un grand nombre de leurs auditeurs ne laissent pas de se perdre, puisque ce triste résultat n'a pas empêché le Seigneur qui prévoyait toutes choses, de répandre la semence de sa parole dans les coeurs.

S. Jér. Remarquez encore que c'est ici la première parabole que Notre-Seigneur fait suivre de son explication, et toutes les fois qu'il explique lui-même ses paroles, gardez-vous de les en tendre autrement ou de leur donner un sens plus ou moins étendu que l'explication donnée par le Seigneur lui-même. - Rab. Disons quelques mots de ce que le Sauveur nous laisse libres d'interpréter. Le chemin c'est l'âme pleine de zèle foulée et desséchée sous les pas des mauvai ses pensées; la pierre, c'est la dureté d'une âme audacieuse; la terre, c'est la douceur d'une âme obéissante; le soleil, c'est l'ardeur de la persécution qui sévit. La profondeur de la terre, c'est la droiture de l'âme formée par les célestes enseignements. Nous avons déjà fait observer que les choses n'ont pas toujours un seul et même sens dans l'interprétation allégorique. - S. Jér. Toutes les fois que Notre-Seigneur nous donne cet avertissement: «Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende», nous sommes prévenus de donner toute notre attention pour comprendre ses divines paroles. - Remi. Les oreilles pour entendre, ce sont les oreilles de l'âme qui doivent servir à l'intelligence et à l'accomplissement des commandements de Dieu.



Catena Aurea 4238