1981 Familiaris consortio 16
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16. La virginité et le célibat pour le Royaume de Dieu ne diminuent en rien la dignité du mariage, au contraire ils la présupposent et la confirment. Le mariage et la virginité sont les deux manières d'exprimer et de vivre l'unique mystère de l'Alliance de Dieu avec son peuple. Là où il n'y a pas d'estime pour le mariage, il ne peut pas y avoir non plus de virginité consacrée; là où l'on ne considère pas la sexualité humaine comme un grand don du Créateur, le fait d'y renoncer pour le Royaume des cieux perd son sens.
Saint Jean Chrysostome dit en effet très justement: "Dénigrer le mariage, c'est amoindrir du même coup la gloire de la virginité ; en faire l'éloge, c'est rehausser l'admiration qui est due à la virginité et en accroître l'éclat. Car enfin, ce qui ne paraît un bien que par comparaison avec un mal ne peut être vraiment un bien, mais ce qui est mieux encore que des biens incontestés est le bien par excellence ".(La virginité X,1)
Dans la virginité, l'homme est en attente, même dans son corps, des noces eschatologiques du Christ avec l'Eglise, et il se donne entièrement à l'Eglise dans l'espérance que le Christ se donnera à elle dans la pleine vérité de la vie éternelle. Il anticipe ainsi dans sa chair le monde nouveau de la résurrection à venir. Mt 22,30
Grâce à ce témoignage, la virginité garde vivante dans l'Eglise la conscience du mystère du mariage et elle le défend contre toute atteinte à son intégrité et tout appauvrissement.
En rendant le coeur de l'homme particulièrement libre 1Co 7,32-35 "pour qu'il brûle davantage de l'amour de Dieu et de tous les hommes", PC 12 la virginité atteste que le Royaume de Dieu et sa justice sont cette perle précieuse que l'on doit préférer à toute autre valeur, si grande qu'elle soit, et qu'il faut même rechercher comme l'unique valeur définitive. C'est pour cela, en raison du lien tout à fait singulier de ce charisme avec le Royaume de Dieu, que l'Eglise, tout au long de son histoire, a toujours défendu sa supériorité par rapport à celui du mariage. (Pie XII, Sacra virginitas II)
Tout en ayant renoncé à la fécondité physique, la personne vierge devient féconde spirituellement, père et mère d'un grand nombre, coopérant à la réalisation de la famille suivant le dessein de Dieu.
Les époux chrétiens ont donc le droit d'attendre des personnes vierges le bon exemple et le témoignage d'une fidélité à leur vocation jusqu'à la mort. De même que pour les époux la fidélité peut devenir parfois difficile et exiger sacrifice, mortification et oubli de soi, ainsi peut-il en être également pour les personnes vierges. Leur fidélité, même dans l'épreuve, doit édifier celle des époux. (JP II Novo incipiente 8/4/1979)
Enfin, ces réflexions sur la virginité peuvent éclairer et aider ceux qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, n'ont pas pu se marier et ont accepté leur situation en esprit de service.
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17. Dans le dessein du Dieu Créateur et Rédempteur, la famille découvre non seulement son "identité", ce qu'elle "est", mais aussi sa "mission", ce qu'elle peut et doit "faire". Les devoirs que la famille est appelée par Dieu à remplir dans l'histoire ont leur source dans son être propre et sont l'expression de son développement dynamique et existentiel. Chaque famille découvre et trouve en elle-même cet appel pressant, qui en même temps la définit dans sa dignité et sa responsabilité : famille, "deviens" ce que tu "es" !
Remonter à l'"origine" du geste créateur de Dieu devient alors une nécessité pour la famille si elle veut se connaître et se réaliser selon la vérité profonde non seulement de son être mais aussi au niveau de son action dans l'histoire. Et comme, selon le dessein de Dieu, elle est constituée en tant que "communauté profonde de vie et d'amour", GS 44 la famille a la mission de devenir toujours davantage ce qu'elle est, c'est-à-dire communauté de vie et d'amour dans une tension qui trouvera son achèvement - comme toute réalité créée et sauvée - dans le Royaume de Dieu. Dans une perspective qui rejoint les racines mêmes de la réalité, il faut dire que, en définitive, l'essence de la famille et ses devoirs sont définis par l'amour. C'est pourquoi la famille reçoit la mission de garder, de révéler et de communiquer l'amour, reflet vivant et participation réelle de l'amour de Dieu pour l'humanité et de l'amour du Christ Seigneur pour l'Eglise son Epouse.
Tout devoir particulier de la famille est expression de la réalisation concrète de cette mission fondamentale. Il est donc nécessaire de pénétrer plus profondément la singulière richesse de la mission de la famille et d'en faire ressortir les éléments à la fois multiples et un.
Dans cette optique, en partant de l'amour et en s'y référant sans cesse, le récent Synode a mis en lumière quatre devoirs principaux de la famille :
1) la formation d'une communauté de personnes ;
2) le service de la vie ;
3) la participation au développement de la société ;
4) la participation à la vie et à la mission de l'Eglise.
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18. La famille, fondée par amour et vivifiée par lui, est une communauté de personnes : les époux, homme et femme, les parents et les enfants, la parenté. Son premier devoir est de vivre fidèlement la réalité de la communion dans un effort constant pour promouvoir une authentique communauté de personnes.
Le principe interne, la force permanente et le but ultime d'un tel devoir, c'est l'amour: de même que sans amour la famille n'est pas une communauté de personnes, ainsi, sans amour, la famille ne peut vivre, grandir et se perfectionner en tant que communauté de personnes. Ce que j'ai écrit dans l'encyclique Redemptor hominis trouve son application originale et privilégiée d'abord dans la famille comme telle : " L'homme ne peut vivre sans amour. Il demeure pour lui-même un être incompréhensible, sa vie est privée de sens s'il ne reçoit pas la révélation de l'amour, s'il ne rencontre pas l'amour, s'il n'en fait pas l'expérience et s'il ne le fait pas sien, s'il n'y participe pas fortement ". RH 10
L'amour entre l'homme et la femme dans le mariage et en conséquence, de façon plus large, l'amour entre les membres de la même famille - entre parents et enfants, entre frères et soeurs, entre les proches et toute la parenté - sont animés et soutenus par un dynamisme intérieur incessant, qui entraîne la famille vers une communion toujours plus profonde et plus intense, fondement et principe de la communauté conjugale et familiale.
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19. La première communion est celle qui s'établit et se développe entre les époux : en raison du pacte d'amour conjugal, l'homme et la femme "ne sont plus deux mais une seule chair" Mt 19,6 Gn 2,24 et sont appelés à grandir sans cesse dans leur communion à travers la fidélité quotidienne à la promesse du don mutuel total que comporte le mariage.
Cette communion conjugale plonge ses racines dans la complémentarité naturelle qui existe entre l'homme et la femme, et se nourrit grâce à la volonté personnelle des époux de partager la totalité de leur projet de vie, ce qu'ils ont et ce qu'ils sont : en cela, une telle communion est le fruit et le signe d'une exigence profondément humaine. Mais dans le Christ Seigneur, Dieu prend cette exigence, il la confirme, la purifie et l'élève, la menant à sa perfection par le sacrement de mariage: l'Esprit Saint répandu au cours de la célébration sacramentelle remet aux époux chrétiens le don d'une communion nouvelle, communion d'amour, image vivante et réelle de l'unité tout à fait singulière qui fait de l'Eglise l'indivisible Corps mystique du Christ.
Le don de l'Esprit est règle de vie pour les époux chrétiens et il est en même temps souffle entraînant afin que croisse chaque jour en eux une union sans cesse plus riche à tous les niveaux - des corps, des caractères, des coeurs, des intelligences et des volontés, des âmes (JP II discours aux époux, Kinshasa 3/5/1980 n.4) -, révélant ainsi à l'Eglise et au monde la nouvelle communion d'amour donnée par la grâce du Christ.
La polygamie s'oppose radicalement à une telle communion : elle nie en effet de façon directe le dessein de Dieu tel qu'il nous a été révélé au commencement, elle est contraire à l'égale dignité personnelle de la femme et de l'homme, lesquels dans le mariage se donnent dans un amour total qui, de ce fait même, est unique et exclusif. Comme l'écrit le Concile Vatican II, "l'égale dignité personnelle qu'il faut reconnaître à la femme et à l'homme dans l'amour plénier qu'ils se portent l'un à l'autre fait clairement apparaître 1'unité du mariage, confirmée par le Seigneur". GS 49 (JP II discours aux époux, Kinshasa 3/5/1980 n.4)
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20. La communion conjugale se caractérise non seulement par son unité, mais encore par son indissolubilité: "Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l'entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité" GS 48
C'est un devoir fondamental pour l'Eglise d'affirmer encore et avec force - comme l'ont fait les Pères du Synode - la doctrine de l'indissolubilité du mariage : à ceux qui, de nos jours, pensent qu'il est difficile, voire impossible, de se lier à quelqu'un pour la vie, à ceux encore qui sont entraînés par une culture qui refuse l'indissolubilité du mariage et qui méprise même ouvertement l'engagement des époux à la fidélité, il faut redire l'annonce joyeuse du caractère définitif de cet amour conjugal, qui trouve en Jésus-Christ son fondement et sa force. Ep 5,25
Enracinée dans le don plénier et personnel des époux et requise pour le bien des enfants, l'indissolubilité du mariage trouve sa vérité définitive dans le dessein que Dieu a manifesté dans sa Révélation : c'est Lui qui veut et qui donne l'indissolubilité du mariage comme fruit, signe et exigence de l'amour absolument fidèle que Dieu a pour l'homme et que le Seigneur Jésus manifeste à l'égard de son Eglise.
Le Christ renouvelle le dessein primitif que le Créateur a inscrit dans le coeur de l'homme et de la femme, et dans la célébration du sacrement du mariage il offre "un coeur nouveau" : ainsi, non seulement les époux peuvent surmonter la "dureté du coeur" Mt 19,8 mais aussi et surtout ils peuvent partager l'amour plénier et définitif du Christ, nouvelle et éternelle Alliance faite chair. De même que le Seigneur Jésus est le "témoin fidèle", Ap 3,14 le "oui" des promesses de Dieu 2Co 1,20 et donc la réalisation suprême de la fidélité inconditionnelle avec laquelle Dieu aime son peuple, ainsi les époux chrétiens sont appelés à participer réellement à l'indissolubilité irrévocable qui lie le Christ à l'Eglise, son Epouse, qu'il aime jusqu'à la fin des temps. Jn 13,1
Le don du sacrement est pour les époux chrétiens une vocation - en même temps qu'un commandement - à rester fidèles pour toujours, par delà les épreuves et les difficultés, dans une généreuse obéissance à la volonté du Seigneur: " Ce que Dieu a uni, l'homme ne doit point le séparer" Mt 19,6
De nos jours, témoigner de la valeur inestimable de l'indissolubilité du mariage et de la fidélité conjugale est, pour les époux chrétiens, un des devoirs les plus importants et les plus pressants. C'est pourquoi, en union avec tous mes Frères qui ont participé au Synode des Evêques, je loue et j'encourage tous les couples, et ils sont nombreux, qui au milieu de grandes difficultés gardent et font grandir ce bien qu'est l'indissolubilité : ils assument ainsi, d'une manière humble et courageuse, la tâche qui leur a été donnée, d'être dans le monde un " signe " - signe discret et précieux, parfois soumis à la tentation, mais toujours renouvelé - de la fidélité inlassable de l'amour de Dieu et de Jésus-Christ pour tous les hommes, pour tout homme. Et il faut aussi reconnaître le prix du témoignage des époux abandonnés par leur conjoint qui, grâce à leur foi et à leur espérance chrétiennes, n'ont pas contracté une nouvelle union: ils rendent ainsi un authentique témoignage de fidélité dont le monde d'aujourd'hui a tant besoin. C'est pourquoi les pasteurs et les fidèles de l'Eglise doivent les encourager et les aider à persévérer dans ce sens.
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21. La communion conjugale constitue le fondement sur lequel s'édifie la communion plus large de la famille, des parents et des enfants, des frères et des soeurs entre eux, des parents proches et autres membres de la famille.
Une telle communion s'enracine dans les liens naturels de la chair et du sang et se développe en trouvant sa perfection proprement humaine par la mise en place et la maturation des liens encore plus profonds et plus riches de l'esprit : l'amour qui anime les rapports interpersonnels entre les différents membres de la famille est la force intérieure qui donne forme et vie à la communion et à la communauté familiales.
La famille chrétienne est en outre appelée à faire l'expérience d'une communion nouvelle et originale qui confirme l'expérience naturelle et humaine. En réalité la grâce de Jésus-Christ, "l'aîné d'une multitude de frères", Rm 8,29, est par sa nature et son dynamisme interne une "grâce de fraternité", comme l'appelle saint Thomas d'Aquin. II-II 14,2 L'Esprit Saint répandu dans la célébration des sacrements est la source vivante et l'aliment inépuisable de la communion surnaturelle qui relie les croyants au Christ et les rassemble entre eux dans l'unité de l'Eglise de Dieu. La famille chrétienne est une révélation et une réalisation spécifique de la communion ecclésiale, c'est pourquoi elle peut et elle doit se dire "Eglise domestique". LG 11 AA 11
Tous les membres de la famille, chacun selon ses propres dons, ont la grâce et la responsabilité de construire, jour après jour, la communion des personnes, en faisant de la famille une "école d'humanité plus complète et plus riche" GS 52 Cela s'accomplit à travers les soins et l'amour donnés aux jeunes enfants, aux malades, aux personnes âgées ; à travers les services réciproques de tous les jours ; dans le partage des biens, des joies et des souffrances.
Pour construire une telle communion, un élément est fondamental, celui de l'échange éducatif entre parents et enfants, Ep 6,1-4 Col 3,20-21 qui permet à chacun de donner et de recevoir. A travers l'amour, le respect, l'obéissance à l'égard des parents, les enfants apportent leur part spécifique et irremplaçable à l'édification d'une famille authentiquement humaine et chrétienne. GS 48 Cela leur sera plus facile si les parents exercent sans faiblesse leur autorité comme un véritable "ministère", ou plutôt comme un service ordonné au bien humain et chrétien des enfants et plus particulièrement destiné à leur faire acquérir une liberté vraiment responsable, et si ces mêmes parents gardent une conscience aiguë du "don" qu'ils reçoivent sans cesse de leurs enfants.
Seul un grand esprit de sacrifice permet de sauvegarder et de perfectionner la communion familiale. Elle exige en effet une ouverture généreuse et prompte de tous et de chacun à la compréhension, à la tolérance, au pardon, à la réconciliation. Aucune famille n'ignore combien l'égoïsme, les dissensions, les tensions, les conflits font violence à la communion familiale et peuvent même parfois l'anéantir: c'est là que trouvent leur origine les multiples et diverses formes de division dans la vie familiale. Mais, en même temps, chaque famille est toujours invitée par le Dieu de paix à faire l'expérience joyeuse et rénovatrice de la "réconciliation", c'est-à-dire de la communion restaurée, de l'unité retrouvée. En particulier la participation au sacrement de la réconciliation et au banquet de l'unique Corps du Christ donne à la famille chrétienne la grâce nécessaire, et la responsabilité correspondante, pour surmonter toutes les divisions et marcher vers la pleine vérité de la communion voulue par Dieu, répondant ainsi au très vif désir du Seigneur: " Que tous soient un ". Jn 17,21
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22. En tant qu'elle est, et qu'elle doit toujours devenir, une communion et une communauté de personnes, la famille trouve dans l'amour le motif et le stimulant permanent qui lui font accueillir, respecter et développer chacun de ses membres dans la très haute dignité de personnes, c'est-à-dire d'images vivantes de Dieu. Comme l'ont affirmé à juste titre les Pères du Synode, le critère moral de l'authenticité des relations conjugales et familiales réside dans la promotion de la dignité et de la vocation de chacune des personnes, qui trouvent leur plénitude dans le don sincère d'elles-mêmes. GS 24
Dans cette perspective, le Synode a voulu accorder une attention privilégiée à la femme, à ses droits et à son rôle dans la famille et dans la société. C'est dans cette même perspective qu'il faut considérer également l'homme en tant qu'époux et père, l'enfant et les personnes âgées.
Au sujet de la femme, il faut noter avant tout sa dignité et sa responsabilité égales à celles de l'homme : cette égalité trouve une forme singulière de réalisation dans le don réciproque de soi entre les époux et dans le don d'eux-mêmes à leurs enfants ; un tel don est propre au mariage et à la famille. Ce dont la raison humaine a l'intuition et ce qu'elle reconnaît est révélé en plénitude par la Parole de Dieu: l'histoire du salut, en effet, est un témoignage continuel et lumineux de la dignité de la femme.
En créant l'être humain "homme et femme", Gn 1,27 Dieu donne la dignité personnelle d'une manière égale à l'homme et à la femme, en les enrichissant des droits inaliénables et des responsabilités propres à la personne humaine. Puis Dieu manifeste la dignité de la femme de la façon la plus élevée possible en assumant Lui-même la chair de la Vierge Marie, que l'Eglise honore comme la Mère de Dieu en l'appelant la nouvelle Eve et en la proposant comme modèle de la femme rachetée. La délicate affection de Jésus envers les femmes qu'il a appelées à le suivre et auxquelles il a offert son amitié, son apparition le matin de Pâques à une femme avant de se montrer aux autres disciples, la mission confiée aux femmes de porter la bonne nouvelle de la Résurrection aux Apôtres, tout cela constitue des signes confirmant l'estime spéciale du Seigneur Jésus envers la femme. L'Apôtre Paul dira: "Vous êtes tous fils de Dieu, par la foi dans le Christ Jésus...; il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ". Ga 3,26 Ga 3,28
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23. Sans traiter ici le thème vaste et complexe des rapports entre la femme et la société sous ses divers aspects, et en se limitant à quelques points essentiels, on ne peut pas ne pas observer que dans le domaine plus spécifiquement familial une tradition sociale et culturelle largement répandue a voulu réserver à la femme le seul rôle d'épouse et de mère, sans lui ouvrir d'une manière adéquate l'accès aux fonctions publiques, considérées généralement comme réservées à l'homme.
Il n'y a pas de doute que l'égalité de dignité et de responsabilité entre l'homme et la femme justifie pleinement l'accession de la femme aux fonctions publiques. Par ailleurs la vraie promotion de la femme exige que soit clairement reconnue la valeur de son rôle maternel et familial face â toutes les autres fonctions publiques et à toutes les autres professions. Il est du reste nécessaire que ces fonctions et ces professions soient étroitement liées entre elles si l'on veut que l'évolution sociale et culturelle soit vraiment et pleinement humaine.
Cela s'obtiendra plus facilement si, comme le Synode l'a souhaité, une "théologie du travail" renouvelée arrive à mettre en lumière et à approfondir le sens du travail dans la vie chrétienne, comme aussi à déterminer le lien fondamental qui existe entre le travail et la famille, et donc la signification originale et irremplaçable du travail à la maison et de l'éducation des enfants. LE 19 C'est pourquoi l'Eglise peut et doit aider la société actuelle, en demandant inlassablement que le travail de la femme à la maison soit reconnu et honoré par tous dans sa valeur irremplaçable. Gela revêt une importance particulière en ce qui concerne l'oeuvre d'éducation ; en effet, la racine même d'une discrimination éventuelle entre les divers travaux et les diverses professions est éliminée s'il apparaît clairement que tous, dans tout domaine, s'engagent avec des droits identiques et un sens identique de la responsabilité. Et ainsi l'image de Dieu dans l'homme et dans la femme resplendira davantage.
Si le droit d'accéder aux diverses fonctions publiques doit être reconnu aux femmes comme il l'est aux hommes, la société doit pourtant se structurer d'une manière telle que les épouses et les mères ne soient pas obligées concrètement à travailler hors du foyer et que, même si elles se consacrent totalement à leurs familles, celles-ci puissent vivre et se développer de façon convenable.
Il faut par ailleurs dépasser la mentalité selon laquelle l'honneur de la femme vient davantage du travail à l'extérieur que de l'activité familiale. Mais il faut pour cela que les hommes estiment et aiment vraiment la femme en tout respect de sa dignité personnelle, et que la société crée et développe des conditions adaptées pour le travail à la maison.
L'Eglise, tout en respectant la diversité de vocation entre l'homme et la femme, doit promouvoir dans la mesure du possible leur égalité de droit et de dignité dans la vie ecclésiale, et cela pour le bien de tous : de la famille, de la société et de l'Eglise.
Il est évident toutefois que tout cela signifie pour la femme, non pas le renoncement à sa féminité ni l'imitation du caractère masculin, mais la plénitude de la véritable humanité féminine telle qu'elle doit s'exprimer dans sa manière d'agir, que ce soit en famille ou hors d'elle, sans oublier par ailleurs la variété des coutumes et des cultures dans ce domaine.
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24. Malheureusement, le message chrétien sur la dignité de la femme est contredit par la mentalité persistante qui considère l'être humain non comme une personne mais comme une chose, comme un objet d'achat ou de vente, au service de l'intérêt égoïste et du seul plaisir. La première victime d'une telle mentalité est la femme.
Cette mentalité produit des fruits très amers, comme le mépris de l'homme et de la femme, l'esclavage, l'oppression des faibles, la pornographie, la prostitution - surtout quand elle est organisée - et toutes les formes de discrimination que l'on trouve dans le domaine de l'éducation, de la profession, de la rétribution du travail, etc.
En outre, aujourd'hui encore, dans une grande partie de notre société subsistent de nombreuses formes de discrimination avilissante qui atteignent et offensent gravement certaines catégories particulières de femmes, comme par exemple les épouses sans enfants, les veuves, les femmes séparées, les divorcées, les mères célibataires.
Ces discriminations, et bien d'autres encore, ont été déplorées avec toute la force possible par les Pères du Synode : je demande donc à tous de s'engager dans une action pastorale spécifique plus vigoureuse et plus incisive afin qu'elles soient définitivement éliminées et que l'on en arrive à une pleine estime de l'image de Dieu qui resplendit en tout être humain sans aucune exception.
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25. A l'intérieur de la communion qu'est la communauté conjugale et familiale, l'homme est appelé à vivre son don et son rôle d'époux et de père.
Il voit dans son épouse l'accomplissement du dessein de Dieu : "Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie "; Gn 2,18 et il fait sienne l'exclamation d'Adam, le premier époux: " Cette fois-ci, voilà l'os de mes os et la chair de ma chair! ". Gn 2,23
L'amour conjugal authentique suppose et exige que l'homme ait un profond respect à l'égard de la dignité de sa femme : " Tu n'es pas son maître - écrit saint Ambroise - mais son mari ; elle t'a été donnée pour femme et non pour esclave... Rends-lui les attentions qu'elle a pour toi et sois-lui reconnaissant de son amour". (St Ambroise, Exameron, V, 7, 19) L'homme doit vivre avec son épouse "une forme toute spéciale d'amitié personnelle". HV 9 Quant au chrétien, il est appelé à développer une attitude d'amour nouveau qui manifeste envers sa femme la charité délicate et forte qu'a le Christ pour l'Eglise. Ep 5,25
L'amour envers sa femme devenue mère et l'amour envers ses enfants sont pour l'homme la route naturelle menant à la compréhension et à la réalisation de sa paternité. Là surtout où les conditions sociales et culturelles poussent facilement le père à se désintéresser d'une certaine façon de sa famille, ou du moins à être moins présent au travail d'éducation, il faut faire en sorte que l'on retrouve dans la société la conviction que la place et le rôle du père dans et pour la famille sont d'une importance unique et irremplaçable. (JP II, Homélie aux fidèles de Terni, 19/3/1981). Comme le montre l'expérience, l'absence du père provoque des déséquilibres psychologiques et moraux ainsi que des difficultés notables dans les relations familiales ; il en est de même, en sens inverse, pour la présence oppressive du père, spécialement là où existe encore le phénomène que l'on a appelé le " machisme ", c'est-à-dire la supériorité abusive des prérogatives masculines qui humilient la femme et empêchent le développement de saines relations familiales.
En manifestant et en revivant sur terre la paternité même de Dieu, Ep 3,15 l'homme est appelé à garantir le développement unitaire de tous les membres de la famille. Pour accomplir cette tâche, il lui faudra une généreuse responsabilité à l'égard de la vie conçue sous le coeur de la mère, un effort d'éducation plus appliqué et partagé avec son épouse, GS 52 un travail qui ne désagrège jamais la famille mais la renforce dans son union et sa stabilité, un témoignage de vie chrétienne adulte qui introduise plus efficacement les enfants dans l'expérience vivante du christ et de l'Eglise.
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26. Au sein de la famille, communauté de personnes, une attention très spéciale sera réservée à l'enfant, de façon à développer une profonde estime pour sa dignité personnelle comme aussi un grand respect pour ses droits que l'on doit servir généreusement. Cela vaut pour tous les enfants, mais c'est d'autant plus important que l'enfant est plus jeune, ayant besoin de tout, ou qu'il est malade, souffrant ou handicapé.
En demandant et en portant elle-même une attention à la fois tendre et forte pour tout enfant qui vient au monde, l'Eglise accomplit une de ses missions fondamentales. Elle est appelée, en effet, à faire connaître et à proposer à nouveau dans l'histoire l'exemple et le commandement du Christ Seigneur qui a voulu placer l'enfant au centre du Royaume de Dieu : "Laissez les petits enfants venir à moi, ne les empêchez pas ; car c'est à leurs pareils qu'appartient le Royaume de Dieu". Lc 18,16 Mt 19,14 Mc 10,14
Je reprends ici ce que j 'ai dit à l'Assemblée générale des Nations Unies le 2 octobre 1979 : "Je désire... exprimer la joie que constituent pour chacun d'entre nous les enfants, printemps de la vie, anticipation de l'histoire à venir de chacune des patries terrestres. Aucun pays du monde, aucun système politique ne peut songer à son propre avenir autrement qu'à travers l'image de ces nouvelles générations qui, à la suite de leurs parents1 assumeront le patrimoine multiforme des valeurs, des devoirs, des aspirations de la nation à laquelle elles appartiennent, en même temps que le patrimoine de toute la famille humaine. La sollicitude pour l'enfant, dès avant sa naissance, dès le premier moment de sa conception, et ensuite au cours de son enfance et de son adolescence, est pour l'homme la manière primordiale et fondamentale de vérifier sa relation à l'homme. Aussi, que peut-on souhaiter de plus à chaque peuple et à toute l'humanité, à tous les enfants du monde, sinon cet avenir meilleur où le respect des droits de l'homme devienne une pleine réalité dans le cadre de l'An 2000 qui approche? ". (JP II, discours à l'A.G. de l'O.N.U., 2/10/1979)
L'accueil, l'amour, l'estime, le service multiple et unitaire - matériel, affectif, éducatif, spirituel - envers tout enfant qui vient au monde devront toujours constituer une note distinctive et imprescriptible des chrétiens, en particulier des familles chrétiennes. Ainsi, tandis que les enfants pourront croître "en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes", Lc 2,52 ils apporteront leur précieuse contribution à l'édification de la communauté familiale et même à la sanctification des parents. GS 48
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27. Il y a des cultures qui manifestent une vénération singulière et un grand amour pour les personnes âgées : loin d'être bannie de la famille ou supportée comme un poids inutile, la personne âgée reste insérée dans la vie familiale, continue à y prendre une part active et responsable - tout en devant respecter l'autonomie de la nouvelle famille - et surtout elle exerce la précieuse mission d'être témoin du passé et source de sagesse pour les jeunes et pour l'avenir.
D'autres cultures, au contraire, notamment à la suite d'un développement industriel et urbain désordonné, ont conduit et continuent à conduire les personnes âgées à des formes inacceptables de marginalité qui sont la source à la fois de souffrances aiguës pour elles-mêmes et d'appauvrissement spirituel pour tant de familles.
Il est nécessaire que l'action pastorale de l'Eglise stimule chacun à découvrir et à valoriser le rôle des personnes âgées dans la communauté civile et ecclésiale, et en particulier dans la famille. En réalité, "la vie des personnes âgées aide à clarifier l'échelle des valeurs humaines ; elle montre la continuité des générations et elle est une preuve merveilleuse de l'interdépendance du peuple de Dieu. Les personnes âgées possèdent souvent le charisme de combler les fossés entre les générations avant qu'ils ne soient creusés : combien d'enfants ont trouvé compréhension et amour dans les yeux, les paroles et les caresses des personnes âgées ! Et combien parmi celles-ci ont, avec empressement, souscrit à ces paroles divines: "La couronne des grands-parents, c'est leurs petits-enfants" Pr 17,6 !
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28. En créant l'homme et la femme à son image et ressemblance, Dieu couronne et porte à sa perfection l'oeuvre de ses mains : il les appelle à participer spécialement à son amour et aussi à son pouvoir de Créateur et de Père, moyennant leur coopération libre et responsable pour transmettre le don de la vie humaine: "Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la !". Gn 1,28
C'est ainsi que le but fondamental de la famille est le service de la vie, la réalisation, tout au long de l'histoire, de la bénédiction de Dieu à l'origine, en transmettant l'image divine d'homme à homme, dans l'acte de la génération. Gn 5,1-3
La fécondité est le fruit et le signe de l'amour conjugal, le témoignage vivant de la pleine donation réciproque des époux : "Dès lors, un amour conjugal vrai et bien compris, comme toute la structure de la vie familiale qui en découle, tendent, sans sous-estimer pour autant les autres fins du mariage, à rendre les époux disponibles pour coopérer courageusement à l'amour du Créateur et du Sauveur qui, par eux, veut sans cesse agrandir et enrichir sa propre famille " GS 50
La fécondité de l'amour conjugal ne se réduit pas à la seule procréation des enfants, même entendue en son sens spécifiquement humain : elle s'élargit et s'enrichit de tous les fruits de vie morale, spirituelle et surnaturelle que le père et la mère sont appelés à donner à leurs enfants et, à travers eux, à l'Eglise et au monde.
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