1981 Familiaris consortio 55
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55. L'annonce de l'Evangile et son accueil dans la foi atteignent leur plénitude dans la célébration sacramentelle. L'Eglise, communauté qui croit et qui évangélise, est aussi un peuple sacerdotal, c'est-à-dire revêtu de la dignité du Christ Souverain Prêtre de l'Alliance nouvelle et éternelle et participant à son pouvoir. LG 10
La famille chrétienne est, elle aussi, insérée dans l'Eglise, peuple sacerdotal. Par le sacrement de mariage, dans lequel elle est enracinée et d'où elle tire sa subsistance, elle est continuellement vivifiée par le Seigneur Jésus, appelée et engagée par Lui à dialoguer avec Dieu par les moyens de la vie sacramentelle, de l'offrande de son existence et de la prière.
Tel est le rôle sacerdotal que la famille chrétienne peut et doit accomplir en union étroite avec toute l'Eglise, à travers les réalités quotidiennes de la vie conjugale et familiale ; de cette manière la famille chrétienne est appelée à se sanctifier et à sanctifier la communauté ecclésiale et le monde.
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56. Le sacrement de mariage, qui reprend et spécifie la grâce sanctificatrice du baptême, est bien une source spéciale et un moyen original de sanctification pour les époux et pour la famille chrétienne. En vertu du mystère de la mort et de la résurrection du Christ, à l'intérieur duquel le mariage chrétien fait entrer à nouveau, l'amour conjugal est purifié et sanctifié: Cet amour, par un don spécial de sa grâce et de sa charité, le Seigneur a daigné le guérir, le parfaire et l'élever". GS 49
Le don de Jésus-Christ n'est pas épuisé dans la célébration du sacrement de mariage, mais il accompagne les époux tout au long de leur existence. Le Concile Vatican II le rappelle explicitement lorsqu'il dit que Jésus-Christ "continue de demeurer (avec les époux), afin que, par leur don mutuel, (ils) puissent s'aimer dans une fidélité perpétuelle, comme lui-même a aimé l'Eglise et s'est livré pour elle.... C'est pourquoi les époux chrétiens, pour accomplir dignement les devoirs de leur état, sont fortifiés et comme consacrés par un sacrement spécial ; en accomplissant leur mission conjugale et familiale avec la force de ce sacrement, pénétrés de l'Esprit du Christ qui imprègne toute leur vie de foi, d'espérance et de charité, ils parviennent de plus en plus à leur perfection personnelle et à leur sanctification mutuelle ; c'est ainsi qu'ensemble ils contribuent à la glorification de Dieu " GS 48
La vocation universelle à la sainteté s'adresse aussi aux époux et aux parents chrétiens : pour eux, elle est spécifiée par la célébration du sacrement et traduite concrètement dans la réalité propre de l'existence conjugale et familiale. LG 41 C'est là que prennent naissance la grâce et l'exigence d'une authentique et profonde spiritualité conjugale et familiale qui s'inspire des thèmes de la création, de l'alliance, de la croix, de la résurrection et du signe sacramentel, thèmes sur lesquels le Synode est revenu à maintes reprises.
Le mariage chrétien, comme tous les sacrements "qui ont pour fin de sanctifier les hommes d'édifier le Corps du Christ, enfin de rendre le culte à Dieu ", SC 59 est en lui-même un acte liturgique de glorification de Dieu dans le Christ Jésus et dans l'Eglise. En le célébrant, les époux chrétiens proclament leur reconnaissance envers Dieu pour le don sublime qui leur a été accordé de pouvoir revivre dans leur existence conjugale et familiale l'amour même de Dieu pour les hommes et du Seigneur Jésus pour l'Eglise, son Epouse.
Et de même que le don et l'obligation de vivre chaque jour la sainteté reçue découlent pour les époux du sacrement de mariage, de même la grâce et l'obligation morale de transformer toute leur vie en un continuel sacrifice spirituel 1P 2,5 LG 34 découlent de ce même sacrement. C'est également aux époux et aux parents chrétiens, en particulier dans le domaine des réalités terrestres et temporelles qui caractérisent leur existence, que s'appliquent les paroles du Concile : "C'est ainsi que les laïcs consacrent à Dieu le monde lui-même, rendant partout à Dieu dans la sainteté de leur vie un culte d'adoration" LG 34
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57. Le devoir de sanctification qui incombe à la famille chrétienne a sa racine première dans le baptême et sa plus grande expression dans l'Eucharistie à laquelle le mariage chrétien est intimement lié. Le Concile Vatican I a voulu rappeler la relation spéciale qui existe entre l'Eucharistie et le mariage en demandant que "le mariage soit célébré ordinairement au cours de la messe" : SC 78 il est absolument nécessaire de découvrir et d'approfondir cette relation, si on veut comprendre et vivre intensément les grâces et les responsabilités du mariage et de la famille chrétienne.
L'Eucharistie est la source même du mariage chrétien. Le sacrifice eucharistique, en effet, représente l'alliance d'amour entre le Christ et l'Eglise, en tant qu'elle a été scellée par le sang de sa croix. C'est dans ce sacrifice de la nouvelle et éternelle Alliance que les époux chrétiens trouvent la source jaillissante qui modèle intérieurement et vivifie constamment leur alliance conjugale. En tant que représentation du sacrifice d'amour du Christ pour l'Eglise, l'Eucharistie est source de charité. Et dans le don eucharistique de la charité, la famille chrétienne trouve le fondement et l'âme de sa "communion" et de sa "mission" : le Pain eucharistique fait des différents membres de la communauté familiale un seul corps, une manifestation et une participation à la vaste unité de l'Eglise; d'autre part, la participation au Corps "livré" et au Sang "versé" du Christ devient pour la famille chrétienne une source inépuisable de dynamisme missionnaire et apostolique.
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58. L'accueil de l'appel évangélique à la conversion adressé à tous les chrétiens, parfois infidèles à la "nouveauté" du baptême qui les a constitués "saints", est un élément essentiel et permanent du devoir de sanctification incombant à la famille chrétienne. La famille chrétienne elle-même n'est pas toujours cohérente avec la loi de la grâce et de la sainteté baptismale, proclamée de nouveau par le sacrement de mariage.
Le repentir et le pardon mutuel au sein de la famille chrétienne, si importants dans la vie quotidienne, trouvent leur moment sacramentel spécifique dans la pénitence chrétienne. Au sujet des époux, Paul VI écrivait dans l'encyclique Humanae vitae découragent pas, mais qu'ils recourent avec une humble persévérance à la miséricorde de Dieu, qui est accordée en abondance dans le sacrement de pénitence". HV 25
La célébration de ce sacrement acquiert une signification particulière au plan de la vie familiale : déjà, dans la foi, les époux et tous les membres de la famille découvrent que le péché contredit l'alliance avec Dieu et aussi l'alliance entre époux et la communion de la famille ; ils sont conduits maintenant à la rencontre de Dieu "riche en miséricorde" Ep 2,4 lequel, en accordant son amour plus puissant que le péché, DM 13 reconstruit et perfectionne l'alliance conjugale et la communion familiale.
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59. L'Eglise prie pour la famille chrétienne et l'éduque à vivre en généreuse cohérence avec le don et le rôle sacerdotaux, reçus du Christ, Souverain Prêtre. En réalité, le sacerdoce baptismal des fidèles, vécu dans le mariage-sacrement, constitue pour les époux et pour la famille le fondement d'une vocation et d'une mission sacerdotales par lesquelles leur existence quotidienne se transforme en un "sacrifice spirituel agréable à Dieu par l'intermédiaire de Jésus-Christ" : 1P 2,5 c'est ce qui se produit, non seulement par la célébration de l'Eucharistie et des autres sacrements et par l'offrande d'eux-mêmes à la gloire de Dieu, mais aussi par la vie de prière, qui est dialogue priant avec le Père par Jésus-Christ dans l'Esprit Saint.
La prière familiale a ses caractéristiques. Elle est une prière faite en commun : mari et femme ensemble, parents et enfants ensemble. La communion dans la prière est à la fois un fruit et une exigence de cette communion qui est donnée par les sacrements de baptême et de mariage. Aux membres de la famille chrétienne peuvent s'appliquer de manière spéciale les paroles par lesquelles Jésus promet sa présence : "Je vous le dis en vérité, si deux d'entre vous, sur la terre, unissent leurs voix pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux. Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux ". Mt 18,19-20
La prière familiale a comme contenu original la vie même de la famille qui, à travers ses divers épisodes, est interprétée comme une vocation venant de Dieu et réalisée comme une réponse filiale à son appel : joies et peines, espoirs et tristesses, naissances et anniversaires, commémoration du mariage des parents, départs, absences et retours, choix importants et décisifs, la mort des êtres chers, etc., sont des signes de la présence aimante de Dieu dans l'histoire de la famille, et ces événements doivent aussi devenir un moment favorable d'action de grâces, de supplication et d'abandon confiant de la famille entre les mains du Père commun qui est aux cieux. D'autre part, la dignité et la responsabilité de la famille chrétienne comme Eglise domestique ne peuvent être vécues qu'avec l'aide continuelle de Dieu, qui lui sera immanquablement accordée si elle est implorée dans la prière avec confiance et humilité.
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60. Sur la base de leur dignité et de leur mission, les parents chrétiens ont le devoir spécifique d'éduquer leurs enfants à la prière, de les introduire à la découverte progressive du mystère de Dieu et à l'entretien personnel avec lui: "C'est surtout dans la famille chrétienne, riche des grâces et des exigences du sacrement de mariage, que dès leur plus jeune âge les enfants doivent, conformément à la foi reçue au baptême, apprendre à découvrir Dieu et à l'honorer ainsi qu'à aimer le prochain". GE 3 CTR 36
L'exemple concret, autrement dit le témoignage vivant des parents, est un élément fondamental et irremplaçable de l'éducation à la prière : c'est seulement en priant avec leurs enfants que le père et la mère, tandis qu'ils accomplissent leur sacerdoce royal, pénètrent profondément le coeur de leurs enfants, en y laissant des traces que les événements de la vie ne réussiront pas à effacer. Ecoutons de nouveau l'appel que le Pape Paul VI a adressé aux parents : "Mamans, apprenez-vous à vos petits les prières du chrétien ? Les préparez-vous, en collaboration avec les prêtres, aux sacrements du premier âge : la confession, la communion, la confirmation ? Les habituez-vous, s'ils sont malades, à penser aux souffrances du Christ, à invoquer l'aide de la Sainte Vierge et des saints ? Récitez-vous avec eux le Rosaire en famille ? Et vous, les pères, savez-vous prier avec vos enfants, avec toute la communauté familiale, au moins quelquefois ? Votre exemple, accompagné de la droiture de votre pensée et de vos actes, appuyé par quelques prières communes, vaut bien une leçon de vie. C'est un acte de culte particulièrement méritoire. Vous apportez ainsi la paix entre les murs de votre foyer: "Pax huic domui". Ne l'oubliez pas, c'est ainsi que vous construisez l'Eglise". (Audience générale du 11/8/1976)
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61. Entre la prière de l'Eglise et celle de chacun des fidèles, il y a un rapport profond et vital, comme l'a clairement réaffirmé le Concile Vatican II. SC 12 Or, un but important de la prière de l'Eglise domestique est de constituer, pour les enfants, une introduction naturelle à la prière liturgique de l'Eglise entière, aussi bien dans le sens d'une préparation à la prière liturgique que dans le sens d'une extension de celle-ci au domaine de la vie personnelle, familiale et sociale. D'où la nécessité d'une participation progressive de tous les membres de la famille chrétienne à l'Eucharistie, surtout le dimanche et les jours de fête, et aux autres sacrements, en particulier ceux de l'initiation chrétienne des enfants. Les directives conciliaires ont ouvert une nouvelle possibilité à la famille chrétienne, qui a été comptée parmi les groupes auxquels la récitation en commun de l'Office divin a été recommandée. (Institutio Generalis de liturgia Horarum, 27) La famille chrétienne aura également soin de célébrer, même à la maison et de manière adaptée aux membres présents, les périodes et les fêtes liturgiques.
Pour préparer et prolonger à la maison le culte célébré à l'église, la famille chrétienne recourt à la prière privée, qui présente une grande variété de formes : cette variété, tout en témoignant de l'extraordinaire richesse de la prière chrétienne animée par l'Esprit Saint, répond aux diverses exigences et situations concrètes de celui qui se tourne vers le Seigneur. Outre les prières du matin et du soir, sont à conseiller expressément, conformément d'ailleurs aux indications des Pères du Synode, la lecture et la méditation de la Parole de Dieu, la préparation aux sacrements, la dévotion et la consécration au Coeur de Jésus, les différentes formes de piété envers la Vierge Marie, la bénédiction de la table, les pratiques de dévotion populaire.
Dans le respect de la liberté des fils de Dieu, l'Eglise a proposé et continue de proposer aux fidèles quelques pratiques de piété avec une insistance particulière. Parmi celles-ci, il faut rappeler la récitation du chapelet : "Nous voudrions maintenant, en continuité avec les intentions de nos prédécesseurs, recommander vivement la récitation du Rosaire en famille... Il n'y a pas de doute que le chapelet de la Vierge Marie doit être considéré comme une des plus excellentes et des plus efficaces "prières en commun" que la famille chrétienne est invitée à réciter. Nous aimons penser, en effet, et nous espérons vivement que si la rencontre familiale devient un temps de prière, le Rosaire en est une expression fréquente et appréciée" (Paul VI Exh. Ap. Marialis cultus MCU 52 MCU 54). Ainsi, la vraie dévotion mariale, qui s'exprime dans des relations sincères avec la Vierge et dans l'imitation de ses attitudes spirituelles, constitue un instrument privilégié pour alimenter la communion d'amour de la famille et pour développer la spiritualité conjugale et familiale. La Mère du Christ et de l'Eglise est aussi, et de manière spéciale, la Mère des familles chrétiennes, des Eglises domestiques.
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62. On ne devra jamais oublier que la prière est une partie constitutive essentielle de la vie chrétienne; cultivée dans sa totalité et comme une réalité centrale, elle appartient même à notre "humanité" : elle est "l'expression première de la vérité intérieure de l'homme, la condition première de l'authentique liberté de l'esprit". (JP II Discours au sanctuaire de Mentorella 29/10/1978)
C'est pourquoi la prière ne représente pas du tout une évasion des tâches quotidiennes, mais elle constitue l'impulsion qui porte plus fortement la famille chrétienne à assumer ses responsabilités de cellule première et fondamentale de la société humaine et à s'en acquitter pleinement. En ce sens, la participation effective à la vie et à la mission de l'Eglise dans le monde est proportionnelle à la fidélité et à l'intensité de la prière par laquelle la famille chrétienne s'unit à la Vigne féconde qu'est le Christ Seigneur. AA 4
La fécondité de la famille chrétienne au plan de son service spécifique de promotion humaine, qui de soi ne peut pas ne pas contribuer à la transformation du monde, découle aussi de l'union vitale avec le Christ, alimentée par la liturgie, par l'offrande de soi-même et par la prière. (JP I Discours à des évêques d'Amérique, 21/09/1978)
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63. L'Eglise, peuple prophétique, sacerdotal et royal, a la mission d'orienter tous les hommes vers l'accueil, dans la foi, de la Parole de Dieu, vers la célébration et la proclamation de celle-ci dans les sacrements et dans la prière, et enfin vers sa manifestation à travers les réalités concrètes de la vie conformément au don et au commandement nouveau de l'amour.
La vie chrétienne trouve sa loi, non dans un code écrit, mais dans l'action personnelle du Saint-Esprit qui anime et guide le chrétien, c'est-à-dire dans "la loi de l'Esprit, qui donne la vie dans le Christ Jésus" : Rm 8,2 "L'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné". Rm 5,5
Cela vaut également pour le couple et pour la famille chrétienne : leur guide et leur règle est l'Esprit de Jésus, répandu dans les coeurs par la célébration du sacrement de mariage. En continuité avec le baptême dans l'eau et dans l'Esprit, le mariage propose à nouveau la loi évangélique de l'amour, et par le don de l'Esprit la grave plus profondément dans le coeur des époux chrétiens : leur amour, purifié et sauvé, est un fruit de l'Esprit qui agit dans le coeur des croyants et se manifeste en même temps comme le commandement fondamental de la vie morale qui s'impose à leur liberté responsable.
La famille chrétienne est ainsi animée et guidée par la loi nouvelle de l'Esprit Saint, et elle est appelée à vivre son "service" d'amour de Dieu et du prochain en étroite communion avec l'Eglise, peuple royal. Comme le Christ exerce son pouvoir royal en se mettant au service des hommes, Mc 10,45 de même le chrétien trouve le sens authentique de sa participation à la royauté de son Seigneur en partageant l'esprit et l'attitude de service qui furent les siens envers l'homme : "Ce pouvoir, il (le Christ) l'a communiqué à ses disciples, pour qu'ils soient eux aussi établis dans la liberté royale, et que, par le renoncement à eux-mêmes et par une vie sainte, ils vainquent en eux le règne du péché Rm 6,12, bien plus, pour que, servant le Christ également dans les autres, ils puissent, dans l'humilité et la patience, conduire leurs frères jusqu'au Roi dont il est dit que le servir c'est régner. En effet, le Seigneur désire étendre son règne également par les fidèles laïcs : règne de vérité et de vie, règne de sainteté et de grâce, règne de justice, d'amour et de paix ; dans ce règne, la création elle-même sera délivrée de l'esclavage de la corruption pour connaître la liberté glorieuse des fils de Dieu Rm 8,21)". LG 36
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64. Animée et soutenue par le commandement nouveau de l'amour, la famille chrétienne vit l'accueil, le respect, le service de tout homme, considéré toujours dans sa dignité de personne et de fils de Dieu.
Il doit en être ainsi, tout d'abord à l'intérieur et au bénéfice du couple et de la famille, grâce à l'engagement quotidien dans la promotion d'une authentique communauté de personnes, fondée et alimentée par la communion des coeurs. Ensuite, ce comportement doit se développer dans le cercle plus vaste de la communauté ecclésiale, à l'intérieur de laquelle la famille chrétienne est insérée : grâce à la charité de la famille, l'Eglise peut et doit assumer une dimension plus familiale, en adoptant un style de relations plus humain et plus fraternel.
La charité dépasse l'horizon des frères dans la foi, parce que "tout homme est mon frère" ; en chaque homme, surtout s'il est pauvre, faible, souffrant et injustement traité, la charité sait découvrir le visage du Christ et un frère à aimer et à servir.
Pour que le service de l'homme soit vécu par la famille de manière évangélique, il faudra s'empresser de mettre en oeuvre ce que dit le Concile Vatican II : "Pour que cet exercice de la charité soit toujours au-dessus de toute critique et apparaisse comme tel, il faut voir dans le prochain l'image de Dieu selon laquelle il a été créé et le Christ notre Seigneur à qui est offert en réalité tout ce qui est donné au pauvre " AA 8
La famille chrétienne, tout en construisant l'Eglise dans la charité, se met au service de l'homme et du monde, en réalisant vraiment la "promotion humaine" dont les différents aspects ont été synthétisés dans le message du Synode aux familles : " Une autre tâche de la famille est celle de former des hommes à l'amour et de vivre l'amour dans tous les rapports avec les autres, de manière que la famille ne se ferme pas sur elle-même mais qu'elle demeure ouverte à la communauté, y étant poussée par le sens de la justice et par le souci des autres, comme par le devoir de sa propre responsabilité envers la société tout entière". (Message du 6e Synode des Evêques aux familles chrétiennes 24/10/1980 n.12).
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65. Comme toute réalité vivante, la famille est appelée elle aussi à se développer et à croître. Après la préparation des fiançailles et la célébration sacramentelle du mariage, le couple commence son cheminement quotidien vers la mise en oeuvre progressive des valeurs et des devoirs du mariage même.
A la lumière de la foi et en vertu de l'espérance, la famille chrétienne participe elle aussi, en communion avec l'Eglise, à l'expérience du pèlerinage terrestre vers la pleine révélation et la réalisation du Royaume de Dieu.
Il y a donc lieu de souligner une fois encore l'urgence de l'intervention pastorale de l'Eglise pour soutenir la famille. Il est nécessaire de faire tous les efforts possibles pour que la pastorale de la famille s'affermisse et se développe, en se consacrant à un secteur vraiment prioritaire, avec la certitude que l'évangélisation, à l'avenir, dépend en grande partie de l'Eglise domestique. (JP II, discours à la IIIe assemblée des Evêques d'Amérique latine, 28/1/1979, IV, a)
La sollicitude pastorale de l'Eglise ne se limitera pas seulement aux familles chrétiennes les plus proches mais, en élargissant ses propres horizons à la mesure du Coeur du Christ, elle se montrera encore plus active pour l'ensemble des familles en général et pour celles, en particulier, qui se trouvent dans des situations difficiles ou irrégulières. Pour toutes, l'Eglise aura une parole de vérité, de bonté, de compréhension, d'espérance, de participation profonde à leurs difficultés parfois dramatiques ; à toutes, elle offrira son aide désintéressée afin qu'elles puissent se rapprocher du modèle de famille que le Créateur a voulu dès le " commencement " et que le Christ a rénové par sa grâce rédemptrice.
L'action pastorale de l'Eglise doit être progressive en ce sens, entre autres, qu'elle doit suivre la famille en l'accompagnant pas à pas dans les diverses étapes de sa formation et de son développement.
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66. De nos jours, la préparation des jeunes au mariage et à la vie familiale est plus nécessaire que jamais. Dans certains pays, ce sont encore les familles qui, selon d'antiques usages, se réservent de transmettre aux jeunes les valeurs concernant la vie matrimoniale et familiale, par un système progressif d'éducation ou d'initiation. Mais les changements survenus au sein de presque toutes les sociétés modernes exigent que non seulement la famille, mais aussi la société et l'Eglise, soient engagées dans l'effort de préparation adéquate des jeunes aux responsabilités de leur avenir. Beaucoup de phénomènes négatifs que l'on déplore aujourd'hui dans la vie familiale viennent du fait que, dans les nouvelles situations, les jeunes ont perdu de vue la juste hiérarchie des valeurs et que, ne possédant plus de critères sûrs de comportement, ils ne savent plus comment affronter et résoudre les nouvelles difficultés. L'expérience enseigne pourtant que les jeunes bien préparés à la vie familiale réussissent en général mieux que les autres.
Cela vaut encore plus pour le mariage chrétien, dont l'influence s'étend sur la sainteté de tant d'hommes et de femmes. C'est pourquoi l'Eglise doit promouvoir des programmes meilleurs et plus intensifs de préparation au mariage, pour éliminer le plus possible les difficultés dans lesquelles se débattent tant de couples, et plus encore pour conduire positivement les mariages à la réussite et à la pleine maturité.
La préparation au mariage est à considérer et à réaliser comme un processus graduel et continu. Elle comporte en effet trois principales étapes : préparation éloignée, prochaine et immédiate.
La préparation éloignée commence dès l'enfance, selon la sage pédagogie familiale qui vise à conduire les enfants à se découvrir eux-mêmes comme doués d'une psychologie à la fois riche et complexe, et d'une personnalité particulière, avec ses propres forces et aussi ses faiblesses. C'est la période durant laquelle on inculque peu à peu l'estime pour toute valeur humaine authentique, dans les rapports interpersonnels comme dans les rapports sociaux, avec ce que cela comprend pour la formation du caractère, pour la maîtrise de soi et l'usage correct de ses propres inclinations, pour la manière de considérer et de rencontrer les personnes de l'autre sexe, et ainsi de suite. En outre, spécialement pour les chrétiens, est requise une solide formation spirituelle et catéchétique, qui sache montrer dans le mariage une véritable vocation et mission, sans exclure la possibilité du don total de soi à Dieu dans la vocation sacerdotale ou religieuse.
Sur cette base s'appuiera ensuite - et c'est là une oeuvre de longue haleine - la préparation prochaine: à partir de l'âge opportun et avec une catéchèse adéquate, un peu comme pour le cheminement catéchuménal, elle comporte une préparation plus spécifique aux sacrements, comme si on les redécouvrait. Cette catéchèse rénovée de tous ceux qui se préparent au mariage chrétien est tout à fait nécessaire, afin que le sacrement soit célébré et vécu avec les dispositions morales et spirituelles qui conviennent. La formation religieuse des fiancés devra être complétée, au moment voulu et selon les diverses exigences concrètes, par une préparation à la vie à deux : une telle préparation, en présentant le mariage comme un rapport interpersonnel de l'homme et de la femme à développer de façon continuelle, devra les encourager à approfondir les problèmes de la sexualité conjugale et de la paternité responsable, avec les connaissances essentielles qui leur sont connexes dans l'ordre biologique et médical, et les amener à se familiariser avec de bonnes méthodes d'éducation des enfants, en favorisant l'acquisition des éléments de base pour une conduite ordonnée de la famille (travail stable, disponibilité financière suffisante, sage administration, notion d'économie familiale, etc.).
Enfin, on ne devra pas négliger la préparation à l'apostolat familial, à la fraternité et à la collaboration avec les autres familles, à l'insertion active dans des groupes, associations, mouvements et initiatives ayant pour finalité le bien humain et chrétien de la famille.
La préparation immédiate à la célébration du sacrement de mariage doit avoir lieu dans les derniers mois et notamment dans les dernières semaines qui précèdent les noces de manière a donner une nouvelle signification, un nouveau contenu et un nouvelle forme à ce qu'on appelle l'enquête pré-matrimoniale requise par le droit canonique. Nécessaire dans tous les cas, une telle préparation s'impose avec plus d'urgence pour les fiancés qui présenteraient encore des déficiences et des difficultés en matière de doctrine et de pratique chrétienne.
Parmi les éléments à communiquer dans ce cheminement de foi, analogue au catéchuménat, il doit y avoir aussi une connaissance approfondie du mystère du Christ et de l'Eglise, de ce que signifient la grâce et la responsabilité inhérentes au mariage chrétien, sans compter la préparation à prendre une part active et consciente aux rites de la liturgie nuptiale.
La famille chrétienne et toute la communauté ecclésiale doivent se sentir engagées dans les diverses phases de la préparation au mariage, dont nous avons tracé seulement les grandes lignes. Il est souhaitable que les Conférences épiscopales, étant intéressées aux initiatives qui conviennent pour aider les futurs époux à être plus conscients du sérieux de leur choix et les pasteurs d'âmes à s assurer qu'ils ont les dispositions voulues, s'emploient à ce que soit promulgué un Directoire pour la pastorale de la famille. Dans celui-ci, ils devront fixer, avant tout, les éléments indispensables du contenu, de la durée et de la méthode des "cours de préparation", en équilibrant entre eux les divers aspects - doctrinaux, pédagogiques, légaux et médicaux - qui concernent le mariage, et en les organisant de manière à permettre à ceux qui se préparent au mariage, non seulement de bénéficier d'un approfondissement intellectuel, mais de se sentir poussés à s'insérer de façon active dans la communauté ecclésiale.
Bien que le caractère nécessaire et obligatoire de la préparation immédiate au mariage ne doive pas être sous-estimé - cela arriverait si l'on en dispensait facilement -, une telle préparation doit toujours être proposée et réalisée de manière que son omission éventuelle ne constitue pas un empêchement a la célébration des noces.
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67. Le mariage chrétien requiert - telle est la norme - une célébration liturgique qui exprime de façon sociale et communautaire la nature essentiellement ecclésiale et sacramentelle du pacte conjugal entre les baptisés.
En tant que geste sacramentel de sanctification, la célébration du mariage, insérée dans la liturgie qui est le sommet de toute l'action de l'Eglise et la source de sa force sanctificatrice, doit être par elle-même valide, digne et fructueuse. La sollicitude pastorale trouve ici un vaste champ d'application si l'on veut répondre pleinement aux exigences découlant de la nature du pacte conjugal élevé au rang de sacrement, et aussi observer fidèlement la discipline de l'Eglise pour tout ce qui regarde le libre consentement, les empêchements, la forme canonique et le rite même de la célébration. Ce rite doit être simple et digne, accompli selon les normes des Autorités compétentes de l'Eglise ; il revient d'ailleurs à celles-ci - selon les circonstances concrètes de temps et de lieu et en conformité avec les normes établies par le Siège Apostolique (Ordo celebrandi matrimonium n.17) - d'assumer éventuellement dans la célébration liturgique les éléments propres à chaque culture susceptibles de mieux exprimer la profonde signification humaine et religieuse du pacte conjugal, pourvu qu'ils ne contiennent rien qui s'écarte de la foi et de la morale chrétiennes.
En tant que signe, la célébration liturgique doit se dérouler de manière a constituer, même dans sa réalité extérieure, une proclamation de la Parole de Dieu et une profession de foi de la communauté des croyants. L'effort pastoral portera ici sur l'utilisation intelligente et diligente de la "Liturgie de la Parole", et sur l'éducation de la foi de ceux qui participent à la célébration et, en premier lieu, des futurs époux.
En tant que geste sacramentel de l'Eglise, la célébration liturgique du mariage doit engager la communauté chrétienne, grâce à une participation pleine, active et responsable de toutes les personnes présentes, chacune selon sa place et son rôle : les époux, le prêtre, les témoins, les parents, les amis, les autres fidèles, bref tous les membres d'une assemblée qui manifeste et vit le mystère du Christ et de son Eglise.
Pour la célébration du mariage chrétien dans le cadre des cultures ou des traditions ancestrales, il faut suivre les principes énoncés ci-dessus.
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