Catena Aurea 6140


CHAPITRE II


vv. 1-12

6201 Mc 2,1-12

Bède. La miséricorde divine, loin d'abandonner les hommes charnels, daigne leur accorder la faveur de sa visite, afin d'en faire des hommes spirituels. C'est pour cela que Jésus-Christ quitte le désert pour revenir dans la ville: «Et il entra de nouveau à Capharnaüm», etc. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 2, 25) Saint Matthieu rapporte (Mt 9) que le miracle qui suit, fut opéré dans la ville du Sauveur; Saint Marc le place à Capharnaüm. Il serait difficile de résoudre cette difficulté, si saint Matthieu avait dit positivement que cette ville est Nazareth. Mais comme la Galilée a très bien pu être appelée la patrie du Seigneur, parce que Nazareth se trouvait dans la Galilée, on peut dire que le Seigneur a fait ce miracle dans sa ville, puisqu'il l'a opéré dans Capharnaüm, ville de Galilée, surtout si l'on se rappelle que Capharnaüm dominait tellement sur toutes les villes de la Galilée, qu'elle en était regardée comme la métropole. Ou bien saint Matthieu ne parle des miracles opérés par Jésus-Christ à Nazareth, que quand il fût arrivé à Capharnaüm, et ce n'est qu'après avoir dit: «Et il vint dans sa ville», qu'il ajoute, en parlant de la guérison du paralytique: «Et voici qu'ils lui présentaient un paralytique». - S. Chrys. (hom. 30 sur S. Matth). Ou bien saint Matthieu appelle Capharnaüm la ville du Sauveur, parce que Jésus y allait souvent et qu'il y faisait beaucoup de miracles.

«Et lorsqu'on sut qu'il était dans la maison, il s'y assembla un grand nombre de personnes», etc. Le désir de l'entendre triomphait des difficultés qu'on avait de l'approcher. C'est alors qu'on introduisit le paralytique, dont parle saint Matthieu et saint Luc: «Et on lui amena un paralytique qui était porté par quatre hommes», et trouvant la porte obstruée par la foule, ils furent quelque temps sans pouvoir entrer. Toutefois les porteurs, espérant que le paralytique pourrait obtenir la grâce de sa guérison, le soulevèrent avec son lit, et l'introduisirent par une ouverture qu'ils firent au toit, et le déposèrent sous les yeux du Sauveur: «Et comme ils ne pouvaient le lui présenter», etc. Or, Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique: «Mon fils, vos péchés vous sont remis». L'Évangéliste veut parler de la foi non du paralytique, mais de ceux qui le portaient; car il arrive quelquefois qu'on doit sa guérison à la foi d'autrui. - Bède. Quelle n'est pas, près de Dieu, la puissance de la foi personnelle de chaque fidèle, si la puissance de la foi d'autrui et de leurs mérites, a été si grande, qu'elle a obtenu pour cet homme la guérison complète de son corps et de son âme, et la rémission de ses péchés ! - Théophyl. Jésus vit aussi la foi du paralytique; car s'il n'eût pas eu foi en sa guérison, il ne se serait pas laissé porter aux pieds de Jésus-Christ.

Bède. Le Seigneur, avant de guérir cet homme de sa paralysie, commence par briser les liens de ses péchés, afin de montrer que c'étaient ces liens funestes qui l'avaient condamné à cet anéantissement de ses membres, et qu'il n'en pouvait recouvrer l'usage qu'après avoir été délié de ses fautes. O admirable humilité de Jésus ! Cet homme méprisé et faible, dont les membres ont perdu tout ressort et toute force, Jésus l'appelle son fils, lui que les prêtres n'auraient même pas voulu toucher. Ou bien encore, il lui donne le nom de fils, parce que ses péchés lui sont remis.

Or, il y avait là quelques scribes assis, qui pensaient dans leurs coeurs: «Comment cet homme parle-t-il ainsi? il blasphème».

S. Cyr. Ils l'accusent de blasphème, et dans leur précipitation homicide, ils portent contre lui une sentence de mort. Car la loi ordonnait que quiconque blasphémerait contre Dieu, serait puni de mort. Or, ils l'accusaient de ce crime, parce qu'il s'attribuait la puissance de remettre les péchés. Qui peut, en effet, ajoutent-ils remettre les péchés, sinon Dieu seul? Celui-là seul qui est le juge de tous les hommes a le pouvoir de remettre les péchés. - Bède. Dieu remet encore les péchés, par ceux qui ont reçu de lui le pouvoir de les remettre; et une preuve évidente de la divinité de Jésus-Christ, c'est qu'il peut remettre les péchés comme Dieu. Les Juifs sont donc dans l'erreur, lorsque tout en reconnaissant que le Christ est Dieu, et qu'il peut remettre les péchés, ils refusent de croire que Jésus est le Christ promis à leurs pères. Mais, l'erreur des ariens est encore plus absurde, eux qui, convaincus par les paroles de l'Évangile, n'osent nier que Jésus soit le Christ, qu'il puisse remettre les péchés, et ont néanmoins l'audace d'affirmer qu'il n'est pas Dieu. Toutefois, Jésus, qui désire sauver ces âmes perfides, fait éclater sa divinité, et par la manifestation des pensées secrètes du coeur et par la puissance de ses oeuvres. «Aussitôt, Jésus, connaissant dans son esprit ce qu'ils pensaient en eux-mêmes, il leur dit: Pourquoi pensez-vous ces choses dans vos coeurs ?» Il leur prouve ainsi qu'il est Dieu, puisqu'il peut connaître les secrets des coeurs; et son silence semble leur dire en quelque sorte: Cette vertu divine; cette majesté souveraine qui pénètre vos pensées les plus cachées, peut pareillement remettre aux hommes leurs péchés.

Théophyl. Mais quoique leurs pensées fussent ainsi révélées, ils n'en restent pas moins insensibles, et ne veulent pas reconnaître que celui qui pénètre le fond de leurs coeurs, puisse remettre les péchés. Aussi, le Seigneur prouve la guérison de l'âme par la guérison du corps, il démontre l'invisible par ce qui est visible, ce qui est plus difficile par ce qui est facile, bien que telle ne fût pas leur manière de juger. Car ils regardaient la guérison du corps comme plus difficile, parce qu'elle est extérieure, et celle de l'âme comme plus facile, parce qu'elle est invisible, tel était donc à peu près leur raisonnement: Il renonce à guérir les corps, et il prétend guérir l'âme qui est invisible. Mais s'il en avait le pouvoir, il aurait déjà guéri le corps de cet homme, et ne se serait pas retranché dans la guérison invisible de l'âme. Le Sauveur donc, pour leur démontrer qu'il peut l'un et l'autre, leur dit: «Qui est le plus facile ?» c'est-à-dire, en opérant la guérison du corps qui, en réalité, est plus facile, mais qui vous paraît à vous plus difficile, je vous forcerai de reconnaître la guérison de l'âme qui est plus difficile. - S. Chrys. Mais comme il est plus aisé de dire que de faire, ils persévéraient ouvertement dans leur incrédulité, parce qu'il n'avait pas encore opéré le fait extérieur qu'ils désiraient. Aussi, ajoute-t-il: «Or, afin que vous sachiez», etc. Comme s'il disait: Puisque vous doutez de ma parole, j'y joindrai les oeuvres, pour confirmer la vérité de ce qui ne paraît pas à vos yeux, il dit donc clairement: «Le Fils de l'homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés», pour montrer qu'il a uni par un lien indissoluble la puissance divine avec la nature humaine. Il s'est fait homme, il est vrai, mais il n'en demeure pas moins le Verbe de Dieu; il a daigné, par son incarnation, converser avec les hommes, mais il n'en avait pas moins la puissance de faire des miracles, et d'accorder la rémission des péchés; car son humanité n'a diminué en rien les attributs de sa divinité; et la divinité n'a point empêché que le Verbe de Dieu se fit sur la terre Fils de l'homme, en réalité et d'une manière permanente. - Théophyl. Il dit donc au paralytique: «Prenez votre lit», pour établir plus clairement la vérité du miracle, et pour montrer qu'il n'est pas seulement apparent, mais bien réel, et qu'avec la guérison, il rend à cet homme la force. C'est ainsi qu'il ne se contente pas de retirer les âmes du péché, mais qu'il leur donne encore la force pour accomplir les commandements.

Bède. Jésus opère donc un prodige extérieur, pour rendre témoignage au miracle intérieur, bien qu'à vrai dire, il appartînt à la même puissance de guérir les maladies du corps et celles de l'âme: «Et aussitôt, il se leva, et ayant pris son lit, il s'en alla en présence de tous». - S. Chrys. Il commença par guérir ce qu'il était venu chercher, c'est-à-dire les âmes en remettant leurs péchés, pour opposer ensuite au doute des pharisiens un miracle sensible, confirmer sa parole par ses oeuvres, et prouver par l'évidence du prodige extérieur la vérité du prodige intérieur, c'est-à-dire la guérison de l'âme rendue manifeste par la guérison du corps. - Bède. Nous devons aussi comprendre par là, que les péchés sont la source de la plupart des infirmités corporelles; et c'est probablement pour cela, que les péchés sont remis tout d'abord, afin que la santé ne soit rendue que lorsque les causes de l'infirmité ont disparu. En effet, les hommes sont soumis aux infirmités de la chair, pour cinq causes: c'est pour augmenter leurs mérites, comme nous le voyons dans Job et dans les martyrs; ou pour conserver l'humilité, comme il advint à saint Paul, tourmenté par l'ange de Satan; ou pour nous faire comprendre la malice de nos péchés et la nécessité de nous en corriger, comme Dieu le permit pour Marie, soeur de Moïse, et pour le paralytique; ou pour la gloire de Dieu, comme l'aveugle-né et Lazare en sont une preuve; ou comme un commencement de damnation, comme il arriva pour Hérode et Antiochus. Or, nous devons admirer la vertu de la puissance divine, qui, sur-le-champ, et d'une seule parole, opère le salut de cet homme. Aussi, lisons-nous: «Et ils étaient dans l'admiration», etc. - victor d'antioche. Ils négligent le plus important, c'est-à-dire la rémission des péchés, pour admirer ce qui frappe les yeux, la guérison du corps. - Théophyl. Ce paralytique n'est point celui dont saint Jean raconte la guérison. Ce dernier n'avait point d'homme pour le porter. Celui dont il est ici question, en a quatre. L'un est guéri dans la piscine, l'autre dans une maison particulière. Mais c'est le même dont saint Marc et saint Matthieu rapportent la guérison. Il y a aussi une signification mystérieuse dans le lieu choisi par Jésus-Christ pour opérer ce miracle, c'est Capharnaüm, le lieu de la consolation. - Bède. Jésus, prêchant dans cette maison, ne peut être entendu de ceux qui étaient à la porte, c'est-à-dire que lorsque Jésus prêchait dans la Judée, les Gentils ne purent entrer pour l'entendre, mais cependant il envoya des prédicateurs à ceux qui étaient dehors pour leur enseigner sa doctrine.

S. Jér. La paralysie est l'image de la torpeur spirituelle, dans laquelle languit le paresseux, engourdi par une honteuse mollesse, tout en conservant le désir du salut de son âme. - Théophyl. Si donc dans le funeste relâchement des puissances de mon âme, semblable à un paralytique, je tends mollement vers le bien; et que porté par les quatre Évangélistes, je sois présenté à Jésus-Christ, j'entendrai cette parole: «Mon fils, vos péchés vous sont remis»; car on devient fils de Dieu par l'accomplissement de ses préceptes. - Bède. Ou bien ces quatre hommes représentent les quatre vertus que l'on nomme la prudence, la force, la tempérance, la justice, et sur lesquelles l'homme s'appuie, pour parvenir à la guérison. Ces vertus désirent présenter le paralytique au Sauveur, mais elles ne peuvent arriver jusqu a Jésus, a cause de la foule qui empêche tout accès près de lui. Souvent, en effet, l'âme, qui après les langueurs des infirmités du corps, désire se renouveler à l'aide de la grâce divine, se sent retardée par l'obstacle de ses habitudes anciennes. Souvent aussi, au milieu des douceurs de l'oraison mentale et du colloque délicieux de l'âme avec son Dieu, la foule des pensées étrangères vient à la traverse, obscurcit l'oeil intérieur, et l'empêche de jouir de la vue de Jésus-Christ. Il ne faut donc pas demeurer dans les basses régions, ou s'agite la foule, mais il faut monter dans la partie supérieure de la maison, c'est-à-dire qu'il faut entrer avec empressement dans les sublimités de la sainte Ecriture, en méditant la loi divine.

Théophyl. Mais comment serai-je porté aux pieds de Jésus-Christ, à moins que le toit ne soit entr'ouvert? Car ce toit figure l'intelligence qui domine toutes les puissances de notre être. Cette intelligence tient beaucoup à la terre, si l'on considère les tuiles faites d'argile, c'est-à-dire les choses terrestres qui l'enveloppent. Mais si on les soulève, la vertu de notre intelligence, comme allégée, retrouve toute sa force. Il faut ensuite nous faire entrer par cette ouverture, c'est-à-dire il faut que l'âme s'humilie; car elle doit, non s'enfler de ce que l'intelligence est délivrée d'un accablant fardeau, mais s'humilier davantage. - Bède. Ou bien encore, le malade est introduit par le toit entr'ouvert, pour signifier qu'on parvient à la connaissance du Christ, par les mystères des Écritures qui nous sont découverts, c'est-à-dire qu'on descend jusqu'à ce Dieu humilié, par une foi pleine de piété. Ce malade, couché sur son grabat, signifie que Jésus-Christ doit être connu par l'homme, encore enveloppé de sa chair mortelle; se lever de son grabat, c'est soustraire son âme aux désirs charnels, qui la tenaient assujettie; emporter son lit, c'est soumettre sa chair au frein salutaire de la continence, et la séparer des jouissances terrestres, dans l'espérance des récompenses du ciel; retourner dans sa maison en emportant son lit, c'est retourner vers le paradis. Ou bien encore, celui qui était malade revient guéri, et emporte son lit dans sa maison, c'est-à-dire que l'âme, après avoir reçu la rémission de ses péchés, s'astreint à la garde intérieure d'elle-même et des sens. - Théophyl. Disons encore qu'il faut emporter son lit, c'est-à-dire soulever son corps, pour opérer le bien; car ce n'est qu'alors que nous pourrons parvenir aux sublimes hauteurs de la contemplation, et dire au fond de notre coeur: Jamais nous n'avons vu avec tant de clarté, c'est-à-dire jamais nous n'avons si bien compris les célestes vérités, que depuis la guérison de notre paralysie; car celui qui est purifié du péché, a l'oeil de l'âme plus limpide et plus pur.


vv. 13-17

6213 Mc 2,13-17

Bède. Après que le Seigneur eut enseigné dans Capharnaüm, il sortit du côté de la mer, afin d'instruire, non-seulement les habitants des villes, mais aussi, afin de prêcher l'Évangile du royaume des cieux à ceux qui habitaient sur les bords de la mer, et de leur apprendre à mépriser et à vaincre, par la fermeté de leur foi, les mouvements désordonnés de choses périssables. Aussi lisons-nous: «Et il sortit du côté du la mer, et tout le peuple venait à lui». - Théophyl. Ou bien encore, il se dirige du côté de la mer après le miracle qu'il vient d'opérer, pour s'enfoncer dans la solitude; mais la foule se précipite vers lui de nouveau, afin de nous apprendre que plus on fuit la gloire et plus elle nous fuit; tandis qu'au contraire, si vous la cherchez, elle vous poursuit. Or, c'est en sortant de la ville que le Seigneur appela Matthieu: «Et comme il passait, il vit Lévi, fils d'Alphée, à son bureau», etc.

S. Chrys. Cet apôtre a reçu trois noms différents des Évangélistes; il est appelé Matthieu par lui-même (Mt 9); simplement Lévi par saint Luc, et par saint Marc Lévi, fils d'Alphée; car il était fils d'Alphée. Nous voyons dans l'Ecriture d'autres personnes qui portent deux noms. Ainsi le beau-père de Moïse porte tantôt le nom de Jéthro (Ex 3), tantôt celui de Raguel (Ex 2). - Bède. Lévi désigne la même personne que Matthieu; mais saint Luc et saint Marc, par respect et par égard pour l'Évangéliste, n'ont pas voulu le désigner par le nom qu'il portait habituellement. Saint Matthieu, fidèle à cette maxime (Pr 13): «Le juste est son propre accusateur», se désigne sous le nom de Matthieu et déclare qu'il est publicain, afin d'apprendre à ceux qui liront son Évangile qu'aucun pécheur converti ne doit désespérer de son salut, puisque de publicain il a été tout à coup changé en Apôtre. Il dit qu'il était assis au bureau des impôts, c'est-à-dire qu'il s'occupait du recouvrement des deniers publics, car t Ýëïò en grec, et vectigal en latin veulent dire impôts. - Théophyl. Il était assis selon l'usage au bureau des impôts, pressant les uns, vendant ses paroles aux autres, ou se livrant à quelque occupation semblable, comme font les receveurs des impôts dans leurs bureaux. C'est de cet état qu'il s'éleva jusqu'à tout abandonner pour suivre Jésus-Christ, lorsqu'il eut entendu cette parole: «Suivez-moi», etc. - Bède. Or, suivre Jésus-Christ, c'est l'imiter. C'est pour cela qu'afin de pouvoir suivre Jésus-Christ pauvre, non-seulement extérieurement, mais encore par l'affection du coeur il abandonne son propre bien, lui qui volait celui des autres. Non-seulement il renonce au bénéfice de sa charge, mais il méprise le danger auquel il s'exposait de la part du prince, en laissant des comptes irréguliers et en désordre. Car le Seigneur, qui par sa parole l'avait invité à le suivre, l'avait embrasé intérieurement du désir de répondre sans tarder à son appel.

S. Jér. C'est donc ainsi que Lévi, dont le nom signifie ajouté, ayant abandonné le bureau des affaires séculières, suit le Verbe seul qui a dit (Lc 14): «Celui qui ne renonce pas à tout ce qu'il possède ne peut être mon disciple». - Théophyl. Celui qui auparavant était impitoyable pour les autres, devient tout à coup si bienveillant, qu'il en invite un grand nombre à s'asseoir à sa table. «Et il arriva, dit l'Évangéliste, que Jésus étant à table, beaucoup de publicains», etc. - B ÈDE. On donnait le nom de publicains à ceux qui percevaient les deniers publics, ou à ceux qui administraient les ressources du fisc et des affaires publiques. On désignait encore sous ce nom ceux qui recherchent dans le négoce les richesses de la terre. Ainsi donc tous ces publicains qui voyaient un des leurs obtenir le pardon de ses péchés et se convertir à une vie meilleure, ne désespèrent pas de leur salut. Ils viennent à Jésus, non pas en demeurant attachés à leurs vices, comme les scribes et les pharisiens le reprochent à Jésus par leurs murmures, mais en faisant pénitence de leur vie passée; c'est ce que prouve clairement les paroles suivantes: «Car il y en avait beaucoup qui marchaient à la suite de Jésus». Notre-Seigneur prenait part aux festins des pécheurs pour avoir occasion de les instruire et pour distribuer à ceux qui l'invitaient la nourriture spirituelle. - rab. (Mt 9) Tous ces faits sont des figures parfaites des mystères qu'ils renferment. En effet, celui qui reçoit Jésus-Christ dans la maison intérieure de son âme est nourri et comme enivré d'ineffables délices. Aussi le Seigneur y fait-il volontiers son entrée, et repose-t-il avec amour dans l'âme du vrai croyant, et c'est là ce festin spirituel des bonnes oeuvres, d'où est exclu le riche orgueilleux et auquel le pauvre est admis.

Théophyl. Les pharisiens blâment cette conduite du divin Maître, et voudraient par là se faire passer pour des hommes purs de tout péché. «Et les scribes et les pharisiens, voyant qu'il mangeait avec des publicains, murmuraient», etc. - Bède. Si l'élection de saint Matthieu et la vocation des publicains figurent la foi des nations qui d'abord n'aspiraient qu'aux richesses du monde, .il semble que l'orgueil des scribes et des pharisiens représente l'envie de ceux qui s'attristent du salut des nations.

«Jésus, entendant ces paroles, leur dit: Ceux qui se portent bien n'ont pas besoin de médecin», etc. Il reprend par là les scribes et les pharisiens qui, prétendant être justes, évitaient la compagnie des pécheurs. Il se donne le nom de médecin, lui qui par une manière de guérir vraiment merveilleuse, a été blessé lui-même à cause de nos iniquités; lui, dont les blessures ont été notre guérison (Is 53). Les saints et les justes dont il parle sont ceux qui voulant établir leur propre justice, ne sont pas soumis à la justice de Dieu (Rm 10). Au contraire, il appelle malades et pécheurs ceux qui, reconnaissant leur fragilité au fond de leur coeur, et voyant qu'ils ne peuvent être justifies par la loi, se soumettent par la pénitence au joug de la grâce de Jésus-Christ. Car, comme il le dit: «Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs», etc. - Théophyl. Non pas, sans doute, pour qu'ils restent pécheurs, mais afin qu'ils se convertissent et fassent pénitence.


vv. 18-22

6218 Mc 2,18-22

La Glose. Après avoir incriminé le Maître près de ses disciples en l'accusant de fréquenter les pécheurs et de manger avec eux, voilà maintenant qu'ils accusent les disciples près du Maître et leur font un crime de ne pas jeûner, pour semer ainsi entre eux des germes de division. «Les disciples de Jean et ceux des pharisiens jeûnaient», etc. - Théophyl. Les disciples de Jean, qui n'étaient pas encore dans la voie de la perfection, suivaient les coutumes judaïques. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 2, 27) On peut admettre que saint Marc a joint les pharisiens aux disciples de saint Jean, parce qu'ils auraient fait avec eux l'observation qui suit: «Et ils dirent au Seigneur», etc. Saint Matthieu n'attribue cependant ces paroles qu'aux disciples de Jean. Mais la suite indique plutôt que ce ne sont ni les uns ni les autres qui l'ont faite. En effet, nous lisons: «Et ils vinrent et dirent à Jésus: Pourquoi les disciples de Jean», etc. Ces paroles prouvent assez que les convives présents vinrent à Jésus, et qu'ils adressèrent à ses disciples l'observation ci-dessus. Ainsi, quand saint Marc dit: «Et ils vinrent à Jésus», il n'entend point parler de ceux dont il vient de dire: «Et les disciples de Jean et ceux des pharisiens jeûnaient»; mais à l'occasion de ce jeune, d'autres qui s'en préoccupent viennent trouver Jésus. D'où vient donc que saint Matthieu dit formellement: «Et les disciples de Jean s'approchèrent de lui, et lui dirent», etc.? Gela prouve uniquement qu'eux aussi étaient là présents, et que tous en cette circonstance s'empressent de faire cette question. - S. Chrys. Les disciples de Jean et ceux des pharisiens dévorés d'envie contre Jésus-Christ, lui demandent s'il sera le seul avec ses disciples pour prétendre, sans abstinence et sans efforts, triompher des passions. - Bède. Jean-Baptiste ne but ni vin ni aucune boisson fermentée, et cette abstinence augmentait son mérite, lui qui ne possédait de sa nature aucune puissance particulière. Mais pourquoi le Seigneur, qui avait naturellement le pouvoir de pardonner les péchés, se serait-il séparé de ses disciples qu'il pouvait rendre plus purs que ceux qui observaient ces pratiques d'abstinence? Si donc Jésus-Christ jeûne, c'est afin de ne pas éluder le précepte, et s'il mange avec les pécheurs, c'est pour faire éclater à la fois sa miséricorde et sa puissance.

«Et Jésus leur répondit: Est-ce que ceux qui sont conviés aux noces», etc.? - S. Aug. (comme plus haut). Saint Marc appelle ici conviés aux noces (ou fils des noces) ceux que saint Matthieu appelle les fils ou les amis de l'Epoux, et il faut entendre par ces invités aux noces les amis, non-seulement de l'Epoux, mais de l'Epouse. - S. Chrys. Il s'appelle l'Epoux, parce qu'il doit prendre l'Eglise pour Epouse. Or, ses épousailles, ce sont les arrhes qu'il a données, c'est-à-dire la grâce de l'Esprit saint qui a conquis à la foi l'univers entier. - Théophyl. Il s'appelle encore l'Epoux, non-seulement parce qu'il s'unit les âmes virginales, mais encore parce que le temps de son premier avènement n'est point pour ceux qui croient en lui un temps de douleur, de tristesse et de travail pénible, mais un temps de repos. Ça effet, il nous affranchit des oeuvres légales, et nous donne le repos par le baptême, qui nous sauve sans aucun travail de notre part. Or, les conviés aux noces ou les amis de l'Epoux, ce sont les Apôtres qui, par la grâce de Dieu, sont devenus dignes de tous les biens célestes et rendus participants d'un bonheur sans mesure. - S. Chrys. Il déclare que son commerce est exempt de toute amertume, lorsqu'il ajoute: «Tant qu'ils ont avec eux l'Epoux», etc. Celui-là s'attriste qui ne possède pas actuellement le bonheur; mais celui qui en jouit est dans la joie et ne connaît point la tristesse. Or afin de détruire dans leur coeur tout sentiment d'orgueil et de montrer qu'il ne gardait pas ses disciples pour les vaines joies de la terre, il ajoute: «Viendront les jours où l'Epoux leur sera enlevé», etc. Comme s'il disait: viendra le temps où ils pourront manifester leur force et leur vigueur. Car, quand l'Epoux leur sera enlevé, ils jeûneront alors; ils aspireront ardemment après sa venue, afin d'unir à ce divin Epoux leurs coeurs purifiés par les épreuves de la terre. Il montre aussi par là qu'il n'y a nulle nécessité pour ses disciples de jeûner, puisqu'ils ont au milieu d'eux l'Epoux de la nature humaine, qui partout préside aux oeuvres d e la Providence divine et répand le germe de la vie dans les urnes. - Il les appelle fils de l'Epoux, parce qu'en effet ils sont encore enfants et qu'ils ne peuvent en cette qualité se conformer pleinement à leur Epoux et à leur Père qui, eu égard à la fragilité de leur âge, les dispense de l'obligation du jeûne. Mais après le départ de l'Epoux, ils regretteront de l'avoir perdu et ils jeûneront alors. Toutefois, lorsqu'ils auront atteint la perfection et qu'ils seront unis à l'Epoux dans des noces toute célestes, oh ! alors, ils savoureront éternellement les mets du royal festin. Théophyl. On peut aussi entendre ces paroles dans un autre sous: Tout homme qui fait le bien est ami de l'Epoux., possède avec lui l'Epoux qui est Jésus-Christ, et il ne jeûne pas, c'est-à-dire il ne se livre pas aux oeuvres de pénitence parce qu'il ne pèche pas. Mais quand l'Epoux est enlevé à celui qui tombe dans le péché, cet homme jeûne alors et fait pénitence pour la guérison de, sa faute.

Bède. Voici comment, dans le sens mystique, ou peut expliquer ces paroles: Les disciples de Jean et les pharisiens jeûnent, parce que l'homme qui, sans la foi, se glorifie dans les oeuvres de la loi, qui suit les traditions humaines, qui ne prête aux oracles du Christ que l'oreille du corps plutôt qu'un coeur animé par la foi, se prive ainsi des biens spirituels, se dessèche et dépérit par suite de ce jeûne intérieur. Celui, au contraire, qui par un amour fidèle s'unit au corps de Jésus-Christ, ne peut jeûner, puisqu'il se nourrit avec délices de sa chair et de son sang.

«Personne ne coud un morceau de drap neuf à un vieux vêtement», etc. - S. Chrys. C'est-à-dire: Ils sont les prédicateurs du Nouveau Testament; il n'est donc pas possible de les assujettir aux lois anciennes. Pour vous, qui suivez les anciennes coutumes, c'est avec raison que vous observez les jeûnes prescrits par la loi de Moïse. Eux, au contraire, qui vont enseigner aux hommes de nouvelles et merveilleuses observances, devront laisser les anciennes et pratiquer les vertus intérieures. Toutefois, viendra le temps où ils seront fidèles à la pratique du jeûne et des autres vertus; mais ce jeûne diffère de celui de la loi: Ce dernier était imposé, celui de mes disciples sera volontaire, et le fruit d'une sainte ferveur dont ils ne sont pas encore capables, ce que veulent dire les paroles suivantes: «Personne ne met de vin nouveau dans des outres vieilles», etc. - Bède. Notre-Seigneur compare ses disciples à de vieilles outres, et il déclare qu'ils sont incapables de contenir le vin nouveau, c'est-à-dire ses préceptes spirituels qui les feraient éclater. Mais ils deviendront des outres nouvelles, lorsque, après l'ascension du Seigneur, ils seront comme renouvelés par le désir de ses divines consolations. C'est alors que le vin nouveau s'épanchera dans des outres neuves, c'est-à-dire que la ferveur de l'Esprit saint remplira les coeurs de ces hommes tout spirituels. Ces paroles du Sauveur signifient encore que celui qui enseigne doit prendre garde de confier à une âme qui reste plongée dans ses anciennes iniquités les secrets des mystères nouveaux. - Théophyl. Ou bien encore, les disciples sont comparés à de vieux vêtements à cause de la faiblesse de leur âme, incapable de supporter le joug rigoureux de la loi du jeune. C'est là u ne petite partie de la doctrine qui trace les règles de la tempérance chrétienne, doctrine qui enseigne à s'abstenir généralement de toutes les joies et plaisirs déréglés d'ici-bas. La fidélité à ces règles ou à cette doctrine nouvelle opère en quelque sorte une scission avec l'ancienne, et il n'y a plus de rapport entre l'une et l'autre. Le vêtement nouveau signifie les bonnes oeuvres extérieures, et le vin nouveau figure la ferveur de la foi, l'espérance et la charité qui réforment notre intérieur.


vv. 23-28

6223 Mc 2,23-28

S. Chrys. Affranchis de la loi figurative, unis à la vérité, les disciples de Jésus-Christ n'observent plus le repos figuratif du septième jour. «Et il arriva encore», etc., dit l'Évangéliste.
- Bède. La suite du récit nous apprend qu'il y eu avait beaucoup qui venaient trouver Jésus-Christ, et un grand nombre qui revenaient vers lui, de sorte que les disciples n'avaient pas même le temps de manger et qu'ils souffraient naturellement de la faim. - S. Chrys. Or, ils apaisaient leur faim par une nourriture simple qui ne flattait point la sensualité, et n'avait pour but que de satisfaire aux nécessités de la nature. Les pharisiens, esclaves des ombres et des figures, accusaient les disciples, comme s'ils eussent été coupables. «Et les pharisiens disaient: Pourquoi vos disciples font-ils?» etc. - S. Aug. (Du travail des moines, 23). La loi prescrivait au peuple d'Israël de n'arrêter personne dans les champs, comme voleur, que celui qui voulait emporter quelque chose. Celui qui n'emportait que ce qu'il v oulait manger pouvait s'en aller libre et impuni (Dt 23, 24-25). Aussi les disciples, en arrachant les épis, sont accusés par les Juifs d'enfreindre le sabbat plutôt que la justice.

S. Chrys. Le Seigneur, pour détruire cette vaine accusation, justifie ses disciples par l'exemple de David qui, lui aussi, mangea, contrairement aux prescriptions de la loi, des pains réservés aux prêtres seuls. «N'avez-vous pas lu, leur dit-il, ce que fit David?» - Théophyl. David, en effet, lorsqu'il fuyait devant Saul vint trouver le grand-prêtre, mangea des pains de proposition et enleva l'épée de Goliath, offrandes consacrées à Dieu (I R 21). Il en est qui demandent comment il se fait que l'Évangéliste donne à ce prince des prêtres le nom d'Abiathar, tandis que le livre des Rois le désigne sous le nom d'Abimélech. - Bède. IL n'y a là aucune contradiction: car, lorsque David survint, qu'il demanda et mangea les pains de proposition, Abimélech, prince des Prêtres, et Abiathar, son fils, étaient présents l'un et l'autre. Or, Abimélech ayant été mis à mort par Saul, Abia-thar se réfugia près de David et devint le compagnon de son exil. Quand David monta ensuite sur le trône, Abiathar obtint la dignité de grand-prêtre qu'il honora plus que n'avait fait son père. Aussi il mérita que le Seigneur conservât son nom à la postérité et qu'il le désignât comme grand-prêtre, même du vivant de son père. «Et il leur dit encore: le sabbat a été établi pour l'homme», etc. Car le soin que l'homme doit prendre de sa santé et de sa vie est de beaucoup préférable à l'observance du sabbat. C'était une loi, sans doute, de garder le sabbat, mais s'il y avait nécessité, on pouvait l'enfreindre sans péché. Aussi il n'était pas défendu de circoncire le jour du sabbat, parce qu'il y avait nécessité. Les Machabées eux-mêmes, obéissant à la nécessité, combattirent le jour du sabbat. De même la nécessité excusa les disciples, pressés par la faim, de faire ce qui leur était interdit par la loi, comme aujourd'hui un malade pourrait enfreindre le jeûne sans se rendre coupable. Il ajoute: «Mais le Fils de l'homme est maître, même du sabbat»; paroles dont voici le sens: Le roi David est excusable d'avoir mangé des aliments réservés aux prêtres: à plus forte raison le Fils de l'homme, le vrai Roi et le vrai Prêtre, le Maître du sabbat est-il sans péché pour avoir permis à ses Apôtres de cueillir quelques épis le jour du sabbat. - S. Chrys. Jésus-Christ s'appelle lui-même le Maître du sabbat et la Fils de l'homme, parce qu'en effet tout Fils de Dieu qu'il était, il a permis qu'on l'appelât Fils de l'homme, par amour pour les hommes. Or, il est évident que la loi n'oblige pas le législateur et le souverain. La puissance d'un roi s'étend bien au delà des lois. C'est pour les faibles que la loi est portée et non pour les parfaits, dont les oeuvres sont supérieures à la loi (1Tm 1,9).

Bède. Dans le sens mystique, les disciples qui traversent ces champs couverts de moissons, ce sont les saints docteurs qui, pieusement affamés du salut des hommes, et remplis d'une sollicitude toute apostolique, passent en revue les âmes qu'ils ont gagnées à la foi. Arracher les épis, c'est arracher les hommes à toutes les intentions terrestres; les froisser entre les mains, c'est dégager par l'exemple des vertus la pureté de l'âme de la concupiscence charnelle, comme d'une sorte de paille légère. Manger le grain c'est, après l'épuration des vices, sous le souffle eu quelque sorte de la prédication évangélique, être incorporé aux membres de l'Eglise. L'Évangéliste remarque fort à propos que les disciples précédaient leur Maître lorsqu'ils agirent de la sorte, parce qu'il faut en effet que la parole du prédicateur précède et que la grâce, venant à la suite, illumine de ses célestes rayons le coeur des auditeurs. C'est le jour du sabbat, parce que les docteurs eux-mêmes ne se livrent au labeur de la prédication qu'avec l'espoir du repos futur, et qu'ils doivent rappeler à leurs auditeurs qu'eux aussi sont obligés de se condamner aux plus rudes travaux, en vue de l'éternel repos. - Théophyl. Ou bien cette action signifie que les prédicateurs qui ont commencé à imposer le calme à leurs passions deviennent pour les autres des maîtres de vertus en détruisant en eux tout ce qui est terrestre. - Bède. Ceux-là parcourent la campagne avec le Seigneur, qui aiment à méditer les saintes Écritures. fis ont faim, lorsqu'ils désirent y trouver le pain de vie. C'est le jour du sabbat, lorsque dans le calme de leur âme ils fuient le tumulte des pensées terrestres. Ils cueillent des épis, ils dégagent le g rain de sa paille légère, pour le rendre propre à devenir leur nourriture, lorsque, s'emparant par la lecture des sentences de l'Ecriture sainte, ils s'en nourrissent par la méditation, et ne cessent de l'approfondir jusqu'à ce qu'ils y aient trouvé la moelle de l'amour divin. Toutefois, cette nourriture des âmes n'est pas du goût des insensés; mais le Seigneur l'approuve.


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