Catena Aurea 5223

vv. 23-33

5223 Mt 22,23-33

S. Chrys. (hom 70). Après que les disciples des pharisiens eurent été ainsi confondus ainsi que les hérodiens, les sadducéens se présentèrent. La confusion dont venaient d'être couverts ceux qui les avaient précédés aurait dû les rendre moins empressés; mais la présomption est un vice qui ne sait plus rougir, qui est opiniâtre, et qui tente l'impossible. Aussi l'Évangéliste s'étonne lui-même de leur démarche insensée et la fait remarquer en ces termes: «Ce jour, les saddu céens vinrent le trouver», etc. - S. Chrys. (sur S. Matth). A peine les pharisiens se sont reti rés que les sadducéens s'approchent, probablement après avoir lutté entre eux à qui le surpren drait le premier, ou bien s'ils ne pouvaient triompher de lui par la force de la raison, dans le dessein au moins de le déconcerter par leurs seules instances. - S. Jér. Il y avait deux grandes sectes parmi les Juifs: celle des pharisiens et celle des sad ducéens. Les pharisiens étaient sectateurs outrés de la justice qui venait des traditions et des observances légales, et le peuple leur donnait le nom de séparée; les sadducéens au contraire, dont le nom signifie juste, s'attribuaient une justice qu'ils n'avaient certainement pas et niaient tous les dogmes crus et professés par les pharisiens comme la résurrection du corps, l'immortalité de l'âme, l'existence des anges et de l'esprit. C'est pour cela que l'Évangéliste ajoute: «qui soutiennent qu'il n'y a point de résurrection». - Orig. (Traité 22 sur S. Matth). Ils niaient, non-seulement la résurrection de la chair, mais encore l'immortalité de l'âme. - S. Chrys. Le démon voyant qu'il ne pouvait entièrement éteindre la connaissance de Dieu parmi les hommes fit naître la secte des sadducéens, qui niaient la résurrection des morts. Or une semblable négation détruit par avance tout dessein de pratiquer la justice, car qui pour rait trouver sa satisfaction dans les combats qu'il soutient chaque jour contre lui-même, s'il n'avait devant les yeux l'espérance de la résurrection ?

S. G RÉG. (Moral., 14, 28). Il en est qui, en considérant que l'âme se sépare du corps, que la chair tombe en pourriture, que la pourriture se réduit en poussière, et que la poussière elle-même se réduit jusqu'aux plus simples éléments que l'oeil de l'homme est incapable de discerner, désespèrent de la possibilité de la résurrection, et, à la vue de ces ossements arides, ils doutent qu'ils puissent un jour se revêtir de chair et reprendre toute la vigueur de la vie. - S. Aug. (Enchir., 38) Mais non elle ne périt pas pour Dieu cette matière terrestre, qui a servi à former la chair des mortels; et quand elle aurait été réduite en cendre et en poussière, quand elle aurait été transportée au loin par le souffle des vents, quand elle aurait servi à form er la substance d'autres corps, ou qu'elle aurait été réduite aux éléments primitifs, quand elle serait devenue la nourriture et comme la chair des animaux ou des hommes, elle sera réunie en un instant à cette âme qui l'a autrefois animée pour former l'homme, lui donner la vie et l'accroissement.

S. Chrys. (sur S. Matth). Or les sadducéens croyaient avoir trouvé une raison très-ingénieuse pour soutenir leur erreur: «Et ils lui proposèrent cette question: Maître, Moïse a ordonné», etc. - S. Chrys. (hom. 71). Comme la mort était pour les Juifs un mal sans adoucissement, parce qu'ils concentraient toutes leurs espérances dans cette vie, Moïse avait établi dans la loi que, si un homme venait fi mourir sans enfants, son frère fût tenu d'épouser sa veuve, pour lui donner des enfants et ne pas laisser périr son nom (Dt 25,5-9), ce qui était comme un adoucissement à l'amertume de la mort. Mais ce n'était qu'au frère ou au plus proche parent qu'il était enjoint d'épouser la veuve du défunt; car, si c'eût été un étranger qui l'épousât, l'enfant qui serait né de cette union n'aurait pu être considéré comme le fils du défunt, et, d'ailleurs l'obligation d'affermir et de perpétuer la maison du défunt ne pouvait être la même pour un étranger que pour le frère à qui la parenté en faisait une espèce de loi,

«Or il y avait parmi nous sept frères», etc. - S. Jér. Comme ils n'admettaient pas la résur rection des corps et qu'ils croyaient que l'âme mourait avec le Corps, il ont recours à cette histoire fabuleuse, pour convaincre d'absurdité ceux qui affirment que les morts doivent res susciter. Ils objectent donc l'inconvenance de ce fait imaginaire pour détruire la vérité de la résurrection, et ils concluent par cette question; «Lors donc que la résurrection arrivera, du quel de ces sept sera-t-elle femme ?» Cependant ce fait a pu réellement avoir lieu dans leur pays. - S. Aug. (Quest. Evang., 1, 32). Dans le sens mystique, ces sept frères représentent les impies, qui n'ont produit aucun fruit de justice pendant les sept âges du monde. Ces sept âges forment la durée de la terre, qui passera elle-même après les sept âges de son existence, comme les impies ont passé sur la terre sans rien produire, à l'exemple des sept maris de cette femme.

Jésus leur répondit: Vous êtes dans l'erreur, ne comprenant ni les Écritures ni la puissance de Dieu». - S. Chrys. (sur S. Matth). Il leur reproche d'abord avec raison leur folie, parce qu'ils ne lisaient pas, et en second lieu leur ignorance, parce qu'ils ne connaissaient pas Dieu, car c'est de la lec ture assidue que vient la science de Dieu, et l'ignorance est toujours fille de la négligence et de la paresse. - S. Jér. Il sont donc dans l'erreur, parce qu'ils ne connaissent pas les Écritures, et cette igno rance est cause qu'ils ne comp rennent pas la puissance de Dieu.

Orig. Il leur reproche d'ignorer deux choses: premièrement les Écritures; secondement la puissance de Dieu, qui est le principe de la résurrection et de la vie nouvelle qui doit la suivre. Ou bien le Sauveur, en reprochant aux sadducéens de ne pas connaître la puissance de Dieu, leur reproche de ne pas le connaître lui-même, car il était la puissance de Dieu, et ils ne le connaissaient point, parce qu'ils ignoraient les Écritures qui lui rendent témoignage. Ils ne pouvaient, par conséquent, croire la résurrection dont il devait être l'auteur. On peut demander si le Sau veur, en adressant ces reproches aux sadducéens: «Vous êtes dans l'erreur en ne comprenant point les Écritures», veut dire qu'on lit dans l'Écriture les paroles suivantes: «Après la résurrection les hommes n'auront point de femmes», etc. On ne trouve point ces paroles dans l'Ancien Testament; mais nous répondons qu'elles s'y trouvent, sinon en termes exprès, du moins au sens moral, en termes figuratifs, car la loi étant l'ombre des biens à venir (He 10,1), on doit entendre surtout des noces spirituelles ce qu'elle dit des maris et de leurs femmes. Je ne trouve nulle part non plus dans l'Écriture ces autres paroles: «Après leur mort, les saints seront comme les anges de Dieu», à moins toutefois qu'on ne les prenne dans un sens figuré, d'après ces autres passages: «Vous irez vers vos pères», (Gn 15,15) et encore «Il fut réuni à son peuple». (Gn 25,8 Gn 25,17 Gn 35,29 Gn 49,32). D'autres disent que Jésus leur reprochait de ne pas lire les Écritures différentes de la loi, et d'être pour cela dans l'erreur; d'autres enfin prétendent qu'ils ne connaissaient pas les Écritu res que contienne la loi de Moïse, parce qu'ils n'en cherchaient pas le sens divin. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien ces paroles: «Au jour de la résurrection, les hommes n'auront point de femmes, ni les femmes de maris», etc., se rapportent à celles-ci «Vous ne connaissez pas la puissance de Dieu», et celles qui suivent: «Je suis le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob», à celles-là: «Vous ne savez pas les Écritures». Or, Si nous avons à discuter avec des hommes qui calomnient, la vérité, opposons-leur d'abord l'autorité de l'Écriture avant de leur donner les preuves de raison; si, au contraire, ils nous interrogent parce qu'ils ignorent, commen çons par donner les preuves de raison et appuyons-les ensuite de l'autorité des Écritures, car il faut convaincre les calomniateurs et instruire les ignorants. C'est pour cela que le Sauveur ré pond à cette question qui lui est faite par ignorance «Au jour de la résurrection, a etc. - S. Jér. Les mots grecs que nous avons rendus par les mots latins neque nubent, neque nu bentur, c'est-à-dire ni les hommes n'épouseront de femmes, ni les femmes de maris, ne sont pas conformes à l'usage de la langue latine, car le mot nubere, en latin, ne se dit proprement que des femmes; mais nous appliquerons ici le mot nubere aux hommes qui se marient et le mot nubi aux femmes qu'ils épousent. - S. Chrys. (sur S. Matth). Dans la vie présente, les hommes ne cessent de naître et de prendre des épouses, parce qu'ils ne cessent de mourir, afin que ces naissances successives viennent combler les vides faits par la mort; dans la vie future, au. contraire, il n'y a plus de raison de naître, parce que la nécessité de mourir n'existe plus.

S. Hil (can. 23). Il suffisait, pour imposer silence aux sadducéens, d'avoir détruit la fausse idée qu'ils avaient des plaisirs des sens après la résurrection, et de leur avoir démontré l'inutilité de ces joies matérielles, alors que les devoirs qu'elles supposaient n'existaient plus. Cependant Notre-Seigneur ajoute: «Ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel». - S. Chrys. (hom. 70). Il répond ainsi directement à la question qui lui était faite, car la raison pour laquelle les sadducéens n'admettaient pas la résurrection, c'est qu'ils croyaient que l'état des corps ressuscités serait le même que pendant cette vie; or, Notre-Seigneur détruit cette suppo sition en montrant que cet état sera tout différent. - S. Chrys. (sur S. Matth,) Il est à remarquer que, lorsque le Sauveur a parlé du jeûne, de l'aumône et des autres vertus morales, il ne s'est point servi de cette comparaison des anges, et il ne l'emploie que lorsqu'il s'agit de l'affranchissement des devoirs des époux. C'est qu'en effet, de même que toutes les actions qui ont la chair pour principe nous sont communes avec les animaux, mais surtout les oeuvres de la volupté; ainsi toutes les vertus nous font entrer en société avec les anges, mais principalement la chasteté, qui est le triomphe de la vertu sur la nature. - S. Jér. Ces paroles: «Ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel», sont une promesse de la vie toute spirituelle qui doit suivre la résurrection. - S. Denys. (Des noms divins, chap. 1). Alors, en effet, devenus in corruptibles et immortels, nous serons remplis de la vue de Dieu, qui nous apparaîtra dans de chastes contemplations, et nous jouirons de la lumière spirituelle qu'il répandra sur nous dans une âme impassible et immatérielle, à l'exemple des intelligences qui habitent au-delà des cieux, et c'est pour cela que le Sauveur ajoute que nous serons égaux aux anges (cf. Lc 20,36).

S. Hil. (can. 23). Il en est beaucoup qui renouvellent la difficulté que soulevaient à tort les sadducéens à propos du mariage, et qui demandent quelle forme la femme doit avoir à sa résur rection; or, tout ce que les Écritures nous autorisent à penser des anges, nous pouvons l'appliquer à la résurrection de la na ture humaine en ce qui concerne les femmes. - S. Aug. (Cité de Dieu, 22, 17). Mais je préfère, comme plus fondé en raison, le sentiment de ceux qui ne doutent nullement que les deux sexes ne ressuscitent parfaitement distincts, car la concupis cence, qui produit la honte, n'existera plus alors, et c'est ainsi que le premier homme et la pre mière femme étaient nus avant leur péché et n'en rougissaient pas. Mais la nature particulière des deux sexes sera conservée, affranchie toutefois de l'union conjugale et de l'enfantement. Les membres de la femme recevront une destination différente de celle qu'ils avaient en cette vie et seront revêtus d'une beauté toute nouvelle, dont la vue n'excitera point la concupis cence, puisqu'elle n'existera plus, mais, au contraire, portera les hommes à louer la sagesse et la bonté de Dieu qui a donné la vie à ce qui n'existait plus, et a délivré de la corruption ce qu'il a créé. - S. Jér. Personne ne dit ni d'un arbre, ni d'une pierre, ni des choses qui n'ont pas les membres distinctifs des sexes, qu'ils ne se marient ni ne sont mariés; mais on ne parle ainsi que de ceux qui pourraient se marier et qui ne se marient point pour une raison quelconque. Ce que le Sauveur vient de dire des conditions de la résurrection répond directement à la question qui lui a été adressée, il aborde maintenant le dogme lui-même de la résurrection, et l'établit soli dement contre l'incrédulité des sadducéens. - S. Chrys. (hom. 70). Ils s'étaient appuyés dans la question qu'ils firent à Jésus du nom de Moïse. C'est donc par l'autorité de Moïse qu'il va les confondre: «Et, pour ce qui est de la. résurrection des morts, vous n'avez donc pas lu ces paroles que Dieu vous a dites: Je suis le Dieu d'Abraham», etc. - S. Jér. Notre-Seigneur aurait pu sans doute, pour établir la vérité de la résurrection, apporter beaucoup d'autres témoignages plus décisifs, tels que ce passage d'Isaïe: «Les morts ressusciteront, et ceux qui sont dans le tombeau revivront (Is 26,19) », et cet autre de Daniel (Da 12,2) : «Plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière ressusciteront», etc. On se demande donc pourquoi il cite de préférence ce passage qui paraît assez peu décisif, ou qui, du moins, ne se rapporte pas directement au fait même de la résurrection, et pourquoi il conclut aussitôt comme si cette preuve était péremptoire: «Or Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants». Nous avons dit plus haut que les sadducéens n'admettaient ni l'existence des anges, ni celle des esprits, ni la résurrection des morts, et qu'ils soutenaient que les âmes elles-mêmes étaient sujettes à la mort. Ils ne reconnaissaient d'ailleurs que les cinq livres de Moïse, et rejetaient les oracles des prophètes. Il eût donc été absurde de leur citer des témoignages puisés dans des livres dont ils ne reconnaissaient point l'autorité. C'est donc à Moïse (Ex 3,6) qu'il emprunte cette citation pour prouver l'immortalité de l'âme, et il conclut aussitôt «Or Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants». C'est ainsi qu'ayant prouvé que les âmes survivent à la mort du corps (car Dieu ne pourrait pas être le Dieu de ceux qui n'existeraient en aucune façon), il conclut de là par une conséquence naturelle à la résurrection des corps, qui ont été associés au bien comme au mal que les âmes ont pu faire sur la terre. - S. Chrys. (hom. 70). Mais comment est-il écrit ailleurs: «Afin qu'il règne sur les vivants et les morts ?» (Rm 14,9) Ce passage n'est nullement en opposition avec les paro les de Notre-Seigneur, car nous y voyons que le Seigneur régnera sur les morts, c'est-à-dire sur ceux qui doivent revivre, et non pas sur ceux qui ont disparu à jamais pour ne plus ressus citer.

S. Hil. Il faut encore observer que ces paroles avaient été adressées à Moïse, alors que les pa triarches étaient morts depuis longtemps; ils existaient donc cependant, puisque Dieu était leur Dieu, car ils ne pouvaient rien avoir s'ils n'existaient pas. Il est, en effet, dans la nature d'une chose qu'elle existe pour qu'une autre chose lui appartienne. Donc il n'y a que ceux qui sont vivants qui puissent posséder Dieu, puisque Dieu est l'éternité même, et qu'il n'est pas possible aux morts de posséder ce qui est éternel. Et comment donc pourrait-on nier qu'ils existent et qu'ils existeront éternellement alors que celui qui est l'éternité déclare leur appartenir? - Orig. C'est Dieu encore qui dit: «Je suis celui qui suis». Il est donc impossible que Dieu se dise le Dieu de ceux qui n'existent pas. Et remarquez qu'il ne dit pas Je suis le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, mais «le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Ja cob». Dans un autre endroit, il est écrit: «Le Dieu des Hébreux m'a envoyé vers vous» (Ex 7,16). Ceux qui sont d'une perfection accomplie aux yeux de Dieu, possèdent Dieu tout entier en eux-mêmes, par comparaison avec les. autres hommes, et c'est pourquoi Dieu se déclare leur Dieu, non d'une manière collective, mais individuelle. Ainsi lorsque nous disons: Ce champ leur appartient, nous voulons dire qu'aucun d'eux ne le possède en entier; si nous disons, au contraire: ce champ appartient à cet homme, nous exprimons qu'il en est seul possesseur. Cette expression: «Le Dieu des Hébreux», prouve donc que les Hébreux étaient encore imparfaits, et que chacun d'eux aussi ne possédait Dieu que d'une manière im parfaite. Dieu, au contraire, se déclare le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob, parce que chacun d'eux possédait Dieu tout entier. Or, c'est un des plus beaux titres de gloire des saints patriarches que de vivre ainsi aux yeux de Dieu. - S. Aug. (contre Faust, 16, 24). Le même témoignage qui servit à confondre les sadducéens, peut servir également à confondre les manichéens, car ils nient aussi la résurrection, quoique d'une manière différente. - S. Aug. (traité 11 sur S. Jean). Dieu est appelé spécialement le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, parce que chacun d'eux représente les différentes manières dont sont engendrés les enfants de Dieu. Le plus ordinairement, Dieu se sert d'un saint prédicateur pour engendrer un fils ver tueux, et c'est par les mauvais que sont engendrés les enfants vicieux; c'est ce que figure Abraham qui, de Sara, son épouse libre, eut un enfant qui fut fidèle, et un enfant infidèle d'Agar, sa servante. Quelquefois un saint prédicateur engendre un bon et un mauvais fils, comme Isaac qui, de Rebecca, son épouse légitime, eut deux enfants, l'un bon, l'autre mauvais, Jacob et Esaü. Quelquefois, enfin, Dieu se sert des prédicateurs bons et mauvais pour engendrer des enfants vertueux, ce qui est figuré par Jacob qui eut des enfants vertueux (Gn 29,30 Gn 29,35) de ses deux épouses légitimes Lia et Rachel, et de ses servantes Zeipha et Bala. - S. Chrys. (sur S. Matth). Or, remarquez combien sont faibles les attaques que les Juifs dirigent contre Jésus-Christ, dans la première, ils cherchent à l'effrayer: «Par quelle autorité faites-vous ces choses ?» Le Sauveur leur oppose une grande fermeté. Dans la seconde, ils ont re cours à la ruse, et il fallut pour la déjouer une sagesse pleine d'habileté; mais cette dernière attaque fut plus facile à repousser, car elle était accompagnée de présomption et d'ignorance. Or, il est facile à un homme qui est fort de ce qu'il sait, de confondre celui qui s'imagine savoir lorsqu'il ne sait rien; ainsi le premier choc de l'ennemi peut être redoutable, mais si on le sou tient avec courage, on lui sera bientôt supérieur.

«Et le peuple, entendant ceci, admirait sa doctrine». - Remi. Ce ne sont point les saddu céens, mais la foule qui est dans l'admiration, c'est ce qui arrive encore tous les jours dans l'Église, lorsque les ennemis de l'Église sont vaincus par l'inspiration divine, la multitude des fidèles se livre aux transports de la joie.


vv. 34-40

5234 Mt 22,34-40

S. Jér. Les pharisiens ayant été confondus dans la question du tribut, et voyant que la tenta tive coupable de leurs adversaires avait également échoué, auraient dû renoncer à tendre au Sauveur de nouvelles embûches; mais la malveillance et l'envie nourrissent et développent l'impudence, comme l'Évangéliste nous l'apprend: «Mais les pharisiens, ayant appris qu'il avait imposé silence», etc. - Orig. (traité 22 sur S. Matth). Notre-Seigneur impose silence aux sadducéens pour montrer que l'éclat de la vérité réduit au silence la parole de mensonge. Car de même que c'est un des caractères du juste de se taire lorsque c'est le moment de se taire, et de parler lorsqu'il faut parler, mais de ne point garder un silence absolu, ainsi c'est le propre de tous les docteurs de mensonge de taire la vertu, sans pour cela garder le silence.

S. Jér. Les sadducéens et les pharisiens, qui sont divisés entre eux, se réunissent pour mettre Jésus à l'épreuve. - S. Chrys. Ou bien, les pharisiens s'assemblent pour triompher par le nombre de celui qu'ils ne pouvaient vaincre par leurs raisons; en cherchant ainsi à se faire une arme de la multitude, ils avouèrent qu'ils étaient entièrement dépouillés de la vérité, car ils se disaient entre eux: «Qu'un seul parle pour nous tous, et nous le regarderons tous comme parlant en notre nom. S'il triomphe, nous paraîtrons tous triompher avec lui; s'il est confondu, lui seul en portera extérieurement la honte; c'est ce que l'Évangéliste exprime en ces termes: «Et l'un d'eux, qui était docteur de la loi, lui fit cette question», etc. - Orig. Tout homme qui vient interroger un docteur, non dans le but de s'instruire, mais pour le tenter, est frère de ce pharisien, selon cette parole du Sauveur: «Ce que vous avez fait au moindre de ceux-ci qui sont à moi, c'est à moi que vous l'avez fait» (Mt 25,40).

S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 73). Il ne faut pas s'étonner de ce que saint Matthieu nous dit que ce docteur fit à Jésus cette question pour le tenter, tandis que saint Marc ne parle point de cette circonstance, et conclut son récit en ces termes: «Jésus, voyant qu'il avait répondu sagement, lui dit: Vous n'êtes pas loin du royaume de Dieu». Car il est possible que ce doc teur soit venu avec l'intention de tenter Jésus, et que la réponse du Sauveur l'ait ramené à de meilleurs sentiments; ou, du moins, nous ne devons pas prendre ici le mot tenter dans cette mauvaise acception, que ce docteur était venu comme pour tromper un ennemi, mais plutôt pour éprouver un homme qu'il ne connaissait pas encore; car ce n'est pas sans raison qu'il est écrit: «Celui qui croit trop promptement est léger de coeur».(Qo 14) Or, voici la question qu'il lui fait: «Maître, quel est le grand commandement de la loi ?» - Orig. C'est pour le tenter qu'il l'appelait Maître, car ce n'était pas comme disciple de Jésus-Christ qu'il lui donnait ce nom. Celui donc qui ne veut pas s'instruire à l'école du Verbe, qui ne se donne pas à lui de tout son coeur? et qui, cependant, l'appelle Maître, est frère du pharisien qui vint tenter Jésus. Il est vraisemblable qu'avant l'avènement du Sauveur, lorsqu'on lisait la loi, on demandait: Quel est le grand commandement de la loi? Car le pharisien n'aurait pas fait cette question si elle n'eût été parmi eux l'objet de longues discussions avant que Jésus-Christ ne l'eût résolue. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ce docteur demandait quel était le grand commandement, lui qui n'observait même pas le plus petit. Or, on ne doit chercher à connaître les voies supérieures de la justice chrétienne que lorsqu'on en a franchi les premiers degrés. - S. Jér. Ou bien, on peut dire que la question qu'il fait ne s'étend pas à tous les commandements, mais n'a pour objet que ce seul point: Quel est le premier et le grand commandement? Car, tous les commande ments de Dieu étant également grands, quelle que soit la réponse du Sauveur, ce docteur trou vera occasion de le calomnier.

S. Chrys. (sur S. Matth). Mais le Seigneur lui répondit de manière à confondre, par ses pre mières paroles, l'hypocrisie qui lui avait dicté cette question: «Jésus lui répondit: Vous aime rez le Seigneur votre Dieu», etc. «Vous aimerez», lui dit-il, et non pas vous craindrez, car aimer c'est plus que craindre: aimer est le propre des enfants, craindre est le partage des es claves; la crainte est l'effet de la nécessité; l'amour s'exerce librement; celui qui sert Dieu par la crainte évite la peine, il est vrai, mais ne reçoit pas la récompense promise à la justice; car il fait le bien comme malgré lui, et sous l'impression de la crainte. Dieu ne veut donc pas que les hommes le craignent servilement comme un maître, mais qu'ils l'aiment comme un père qui leur a donné l'esprit d'adoption. Or, aimer Dieu de tout son coeur, c'est n'avoir dans son coeur aucune affection qui l'emporte sur l'amour de Dieu; aimer Dieu de toute son âme, c'est avoir un esprit solidement établi dans la vérité, et ferme dans la foi; car l'amour du coeur est tout différent de l'amour de l'âme; l'amour du coeur est en quelque sorte sensible, et nous fait aimer Dieu sensiblement, ce que nous ne pouvons faire qu'en détachant notre coeur de l'amour des choses de la terre. L'amour du coeur se fait donc sentir dans le coeur, tandis que l'amour de l'âme ne se sent pas, mais se comprend, parce qu'il consiste dans le jugement de l'âme. Car celui qui croit que Dieu renferme tout bien, et qu'en dehors de lui il n'existe aucun bien vérita ble, aime Dieu de toute son âme. Aimer Dieu de tout son esprit, c'est consacrer toutes ses fa cultés au service de Dieu; car celui dont l'intelligence obéit à Dieu, dont la sagesse a Dieu pour objet, dont la aime à s'occuper des choses de Dieu, dont la pensée conserve le souvenir des bienfaits de Dieu, celui-là aime Dieu de tout son esprit. - S. Aug. (de la doct. chrét., 1, 22). Ou bien dans un autre sens, Dieu vous ordonne de l'aimer de tout votre coeur, en lui consacrant toutes vos pensées; de toute votre âme, en lui rapportant toute votre vie; de tout votre esprit, en dirigeant vers lui toutes les forces de votre intelligence, puisque c'est de lui que vous tenez tout ce que vous lui consacrez. Il n'a donc laissé aucune par tie de notre vie libre, et dont nous puissions disposer pour l'appliquer à un autre objet. Mais tout ce qui se présente d'ailleurs à notre affection, doit être emporté par l'élan de notre coeur dans le courant général de l'amour; car l'homme n'atteint vraiment la perfection, que lorsque toute sa vie se dirige vers le bien immuable. - La Glose. Ou bien, vous aimerez Dieu de tout votre coeur, c'est-à-dire de toute votre intelligence; de toute votre âme, c'est-à-dire de toute votre volonté; de tout votre esprit, c'est-à-dire de toute votre mémoire, de manière que vous ne vouliez, que vous ne sentiez, que vous n'ayiez à la mémoire rien qui soit contraire à Dieu. - Orig. Ou bien encore, vous aimerez Dieu de tout votre coeur, c'est-à-dire dans toute l'étendue de votre souvenir, de votre action, de votre pensée; de toute votre âme, c'est-à-dire que vous serez disposé à la sacrifier pour l'amour de Dieu; vous l'aimerez de tout votre esprit, en ne tenant jamais de dis cours qui ne se rapportent à Dieu. Or, voyez si vous ne pourriez entendre par le coeur, l'intelligence qui nous fait comprendre les choses intellectuelles, et par l'esprit, la faculté qui nous sert à les exprimer; car c'est par l'esprit que nous donnons une expression à toutes cho ses, et que nous parcourons chacune de ces choses qui reçoivent de notre esprit l'expression de leur réalité.

Si le Sauveur n'avait pas fait cette réponse au pharisien qui le tentait, nous aurions pu croire que tous les commandements étaient égaux entre eux; mais en répondant nettement: «Tel est le premier et le plus grand commandement», il nous apprend à établir une gradation nécessaire entre les commandements, à commencer par le plus grand jusqu'aux commandements inférieurs, et de là jusqu'aux plus petits (Mt 5,19). Notre-Seigneur déclare non-seulement que c'est là le grand commandement, mais encore que c'est le premier, non par le rang qu'il occupe dans la sainte Écriture, mais par la sublimité de la vertu qu'il a pour objet. Or, on ne peut entrer en participation de la grandeur et de la sublimité de ce commandement, qu'autant qu'on aime le Seigneur son Dieu, et qu'on l'aime de tout son coeur, etc. Le Seigneur ne s'est pas contenté de nous enseigner quel est le premier et le plus grand commandement, mais en core quel était le second, qu'il déclare semblable au premier. Il ajoute donc: «Et voici le se cond qui est semblable à celui-là Vous aimerez le prochain comme vous-même». S'il est vrai que celui qui aime l'injustice hait son âme (Ps 11,5), il est clair qu'il aime le prochain comme soi-même, puisqu'il ne s'aime pas lui-même. - S. Aug. (doct. chrét., 1, 30). Il est évident que par le prochain il faut entendre tout homme quel qu'il soit, puisqu'il nous est défendu de faire mal à qui que ce soit. Or, si tout homme, à qui nous devons rendre ou qui doit nous rendre à nous-mêmes les devoirs de la charité, est appelé avec raison notre prochain, il est certain que ce précepte, qui nous oblige à aimer le prochain, s'étend jusqu'aux anges qui exercent à notre égard, d'une manière si admirable, les devoirs de la miséricorde, comme il est si facile de s'en convaincre dans l'Écriture. C'est en vertu du même principe que Notre-Seigneur lui-même a voulu être appelé notre prochain, car il s'est personnifié lui-même dans le Samaritain qui porte secours à cet homme a rencontré à demi mort dans le chemin. - S. Aug. (de la Trin., 8, 6). Celui qui aime les hommes, doit les aimer ou parce qu'ils sont justes, ou pour les rendre justes; car il doit s'aimer lui-même ou parce qu'il est juste, ou afin de devenir juste. C'est ainsi qu'il pourra aimer le prochain comme lui-même, sans aucun danger. - S. Aug. (doct. chrét., 1, 22). Si vous devez vous aimer vous-même, non pas pour vous, mais pour celui qui doit être la fin directe de votre amour, personne ne doit trouver mauvais que vous l'aimiez pour Dieu. Celui donc qui aime son prochain comme Dieu le commande, doit faire en sorte d'aimer aussi Dieu de tout son coeur. - S. Chrys. (sur S. Matth). Or, celui. qui aime l'homme est semblable à celui qui aime Dieu; car l'homme est l'image de Dieu, et c'est Dieu que nous aimons eu lui, comme nous honorons un roi dans l'image qui le représente, c'est pour cela que le Sauveur ajoute: «Voici le second qui est semblable au premier». - S. Hil. (can. 23). Ou bien encore, ce commandement est semblable au premier, en ce sens qu'il y a dans tous les deux égalité d'obligation et de mérite; car ni l'amour de Dieu sans l'amour de Jésus-Christ, ni l'amour de Jésus. Christ sans l'amour de Dieu, ne peuvent conduire au salut.

«Toute la loi et les prophètes sont renfermés dans ces deux commandements» - S. Aug Notre-Seigneur dit «Sont renfermés», c'est-à-dire s'y rapportent comme à leur fin. - Rab. Tout le Décalogue est compris dans ces deux préceptes, les préceptes de la première table dans le précepte d'aimer Dieu, et dans celui d'aimer le prochain, 1es préceptes de la seconde table (Ex 24,12 Ex 33,18 Ex 33,15 Ex 34,4 Ex 34,28-29 Dt 4,13 Dt 9,9-11 Dt 9,15 Dt 9,17 Dt 10,1-5) .. - Orig. (traité 23 sur S. Matth). Ou bien ces paroles sont vraies, en ce sens que celui qui a fidèlement accompli tout ce qui dans l'Écriture a rapport à l'amour de Dieu et du prochain, mérite d'obtenir de Dieu des grâces privilégiées, pour comprendre que toute la loi et les prophètes dépendent, comme de leur principe, de l'amour de Dieu et de l'amour du pro chain.

S. Aug. (de la Trin., 8, 7). Comme il y a deux préceptes qui renferment la loi et les prophètes, le précepte d'aimer Dieu, et celui d'aimer le prochain, c'est avec raison que souvent l'Écriture sainte emploie indifféremment l'un pour l'autre, soit l'amour de Dieu, comme dans ces paroles «Or, nous savons que tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu» (Rm 8,28); soit l'amour du prochain, comme dans ces autres (Ga 5,14): «Toute la loi est renfermée dans ce seul précepte Vous aimerez le prochain comme vous-même», et cela, parce que celui qui aime le prochain doit, par une conséquence nécessaire, aimer Dieu; car c'est par un seul et même sentiment de charité que nous aimons Dieu et le prochain, avec cette différence que nous aimons Dieu pour lui-même, et que nous nous aimons, ainsi que le prochain, pour l'amour de Dieu. -
S. Aug. (de la doct. chrét., 1, 26). Mais comme la nature divine est de beaucoup supé rieure à notre nature, le précepte qui nous oblige d'aimer Dieu est distinct du précepte de l'amour du prochain. Si vous vous prenez vous-même dans votre être tout entier, c'est-à-dire dans votre âme et dans votre corps, de même que votre prochain, ces deux préceptes renfer ment tout ce qui peut être l'objet de votre amour. Le commandement de l'amour de lieu nous est donné en premier lieu avec la manière de l'accomplir, et il est suivi du précepte de l'amour du prochain que vous devez aimer comme vous-même, et qui renferme, par conséquent, l'amour que vous devez avoir pour vous-même.



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