Catena Aurea 5630

vv. 30-35

5630 Mt 26,30-35

Orig. (Traité 33 sur S. Matth). Notre-Seigneur voulait enseigner à ses disciples, qui venaient de recevoir le pain de bénédiction, de manger le corps du Verbe et de boire le calice d'actions de grâces, à dire à Dieu le Père un hymne de reconnaissance: «Et après avoir chanté l'hymne (Ps 116 Ps 119), ils allèrent à la montagne des Oliviers»; c'est-à-dire que d'une hau teur, il les élève à une autre hauteur, car le vrai fidèle ne peut rien opérer de grand tant qu'il reste dans la vallée. C'est par une disposition admirable qu'il condui t sur le mont des Oliviers ses disciples, tout pénétrés encore des mystères de son corps et de sOn sang, et qu'il a recom mandés à son Père par un hymne de pieuse intercession, car il voulait nous apprendre que l'action de ses sacrements, jointe au secours de sa médiation, devait nous faire parvenir aux dons des plus sublimes vertus et à ces grâces de l'Esprit saint qui répandent l'onction dans nos coeurs. - Rab. On peut admettre que cet hymne fut celui que, d'après saint Jean, le Seigneur adresse à son Père pour lui rendre grâces, et dans lequel il priait, les yeux élevés vers le ciel, pour lui-même, pour ses disciples et pour tous ceux qui devaient croire en lui. - La Glose. C'est que le Roi-prophète avait prédit: «Les pauvres mangeront et ils seront rassasiés, et ils loueront le Seigneur», etc. - S. Chrys. (hom. 82). Qu'ils entendent ces paroles, ceux qui, ne songeant qu'à manger comme des pourceaux, se lèvent ivres de table, tandis qu'ils devraient rendre grâces et terminer leur repas par l'hymne de la reconnaissance. Qu'ils les entendent aus si, ceux qui, dans la célébration des saints mystères, n'attendent pas la dernière oraison de la Messe, qui est un souvenir de cet hymne. Jésus rendit grâces avant de distribuer les saints mystères à ses disciples, pour nous apprendre à rendre grâces nous-mêmes, et il récite l'hymne après avoir mangé, afin que nous imitions son exemple. - S. Jér. D'après cet exemple du Sauveur, celui qui a été rassasié du pain de Jésus-Christ et comme enivré de son sang, peut louer Dieu et gravir le mont des Oliviers, où il trouvera le repos de ses fatigues, la consolation de ses douleurs et la connaissance de la vraie lumière. - S. Hil. (can. 30). Nous voyons en core par là que les hommes, après avoir pratiqué toutes les vertus dont les divins mystères sont la source, sont élevés dans la gloire céleste pour y participer à la joie et à l'allégresse com mune à tous les saints.

Orig. C'est par une raison pleine de sagesse que Jésus choisit le mont de la miséricorde pour y faire connaître le scandale de la faiblesse des apôtres, déjà prêt à ne pas repousser ceux de ses disciples qui se sont séparés de lui, et à les accueillir lorsqu'ils reviendront à lui. «Alors Jésus leur dit: Je vous serai à tous cette nuit une occasion de scandale». Il leur prédit la faiblesse à laquelle ils doivent succomber, afin qu'après avoir fait cette triste expérience, ils ne désespèrent pas de leur salut, mais qu'ils cherchent leur délivrance dans un sincère repentir. - S. Chrys. (hom. 82). Il nous apprend encore par là ce que furent les disciples avant sa passion, et ce qu'ils devinrent après sa mort. En effet, ces mêmes disciples qui n'avaient pu rester près de Jésus-Christ pendant qu'on le crucifiait, devinrent plus forts que le diamant après sa mort. Or, la fuite des disciples, leur épouvante, sont une démonstration évidente de la mort de Jésus-Christ, et une réponse qui doit couvrir de confusion ceux qui sont malades de l'hérésie de Mar cion; car si Jésus-Christ n'a été ni chargé de chaînes, ni crucifié, quelle a été la cause de cette crainte excessive de Pierre et des autres disciples? - S. Jér. Et c'est avec dessein qu'il ajoute: «Pendant cette nuit»,car de même que ceux qui s'enivrent, s'enivrent pendant la nuit (1Th 5,7), ainsi ceux qui sont scandalisés le sont dans la nuit et au sein des ténèbres. - S. Hil. Cette prédiction était confirmée par une ancienne prophétie, car il est écrit: «Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées». - S. Jér. Cette prophétie se trouve dans le prophète Zacharie en d'autres termes; le prophète s'adresse lui-même à Dieu et lui dit: «Frappez le pasteur, et les brebis seront dispersées» (Za 13,7). Le bon pasteur est frap pé, afin qu'il puisse donner sa vie pour ses brebis, et pour ne faire qu'un seul pasteur. et un seul troupeau de cette multitude de troupeaux que l'erreur avait dispersés. - S. Chrys. (hom. 82). Le Sauveur cite cette prophétie pour engager ses disciples à avoir toujours les yeux fixés sur les saintes Écritures, pour leur prouver que c'était par un dessein bien arrêté de Dieu qu'il était crucifié, et leur montrer en même temps qu'il n'était pas étranger à l'Ancien Testament et au Dieu qu'il proclame. Toutefois, il ne veut pas les laisser dans la tristesse, et il se hâte de leur faire des prédictions plus agréables: «Mais lorsque je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée».Ce n'est point du haut du ciel qu'il leur apparaît aussitôt sa résurrection; il ne va pas non plus dans une région lointaine pour se manifester à eux, mais c'est dans la même nation et presque dans le même pays, afin qu'ils ne pussent douter que c'était bien lui, le même qui avait été crucifié, qui était ressuscité. Il leur annonce encore qu'il ira en Galilée, afin que n'étant plus sous l'impression de la crainte des Juifs, ils fussent plus disposés à croire ce qu'il leur disait. - Orig. Il leur fait encore cette prédiction, afin qu'ils sachent qu'après avoir été dispersés pour un moment à la suite du scandale qu'ils avaient souffert, il les réunirait aussitôt sa résurrection, et les précéderait dans la Galilée des nations. - Ou bien encore, si l'on demande com ment les disciples, après avoir vu tant de miracles et de prodiges, ont pu être scandalisés par une seule parole, nous répondrons que Notre-Seigneur veut nous apprendre par là que de même que personne ne peut dire: «Jésus est le Seigneur, Sinon par l'Esprit saint», ainsi personne ne peut être sans scandale, c'est-à-dire inaccessible au scandale, sans le secours de l'Esprit saint. Mais lorsque ces paroles du Sauveur: «Je vous serai à tous cette nuit un sujet de scandale», reçurent leur accomplissement, l'Esprit saint n'était pas encore donné, parce que Jésus n'était pas encore glorifié. Pour nous, au contraire, si après avoir confessé le Seigneur Jésus par l'Esprit saint, il nous devient un sujet de scandale ou que nous venions à le renoncer, nous sommes tout à fait inexcusables. Ajoutons que les disciples ont été scandalisés, comme des hommes qui étaient encore au milieu de la nuit, tandis que pour nous, la nuit a disparu pour faire place au jour qui s'est approché. Enfin, les disciples ont été scandalisés pendant la nuit, parce que le Père n'a pas épargné son Fils unique, mais l'a livré pour nous à la mort, de ma nière que les brebis du troupeau ont été dispersées pour un peu de temps, après avoir été scan dalisées, mais pour être ensuite réunies par Jésus-Christ dans la Galilée, où il précédera ceux qui voudront le suivre, afin que le peuple des Gentils qui, auparavant, «était assis dans les té nèbres, voie briller une grande lumière», etc.

S. Hil. Mais Pierre était tellement transporté par son affection, par son amour pour Jésus-Christ, qu'il oublia la faiblesse de sa chair et la croyance que méritent les paroles du Seigneur; comme si ces paroles ne devaient pas avoir leur effet: «Pierre, prenant la parole, lui dit: Quand tous les autres», etc.
- S. Chrys. (hom. 82). Que dites-vous, ô Pierre? Le prophète a dit: «Les brebis seront dispersées», et Jésus-Christ a confirmé ce témoignage, et vous osez dire: Non, il n'en sera pas ainsi? Lorsque Jésus a dit: «Un de vous me trahira», vous trembliez d'être vous-même ce traître, quoique votre conscience ne vous reprochât rien de semblable; et maintenant qu'il déclare ouvertement qu'il sera pour vous tous un sujet de scandale, vous osez le contredire? Pierre était délivré de l'anxiété que lui avait causé l'idée qu'il pourrait trahir son Maître, et plein désormais d'une confiance exagérée, il s'écrie: «Pour moi, je ne me scandaliserai jamais». - S. Jér. Ce n'est point cependant témérité ni mensonge de la part de cet Apôtre, mais l'effet de son ardent amour pour le Sauveur son maître. - Remi. Il nie donc, par un effet de son amour, ce que le Seigneur avait prédit par un effet de sa prescience, et nous devons apprendre de là que la fragilité de notre chair doit nous donner autant de crainte que la vivacité de notre foi peut nous inspirer de confiance. Cependant Pierre est inexcusable et pour avoir contredit le Seigneur, et pour s'être préféré aux autres, et en troisième lieu pour avoir cru qu'il trouverait en lui seul la force nécessaire pour persévérer. Afin de guérir cette présomption et cet orgueil, le Seigneur permit la chute de son disciple, non pas qu'il l'ait poussé à ce hon teux renoncement, mais il l'abandonna à lui-même et convainquit ainsi la nature humaine de fragilité. - Orig. Aussi les autres disciples sont scandalisés au sujet de la personne de Jésus, tandis que Pierre est non-seulement scandalisé, mais abandonné plus complètement par la grâce, de manière à renier trois fois son Maître: «Et Jésus lui repartit: Je vous dis en vérité que cette nuit, avant que le coq ait chanté, vous me renierez trois fois».

S. Aug. (De race. des Evang., 3, 2). On peut s'étonner de ce que les Évangélistes ont rapporté si diversement non seulement quant aux expressions, mais quant au fond même des choses, cette présomption de Pierre, qui, malgré les avertissements qui lui sont donnés, affirme qu'il est prêt à mourir avec le Seigneur ou pour défendre sa cause. Aussi est-on forcé d'admettre que cet Apôtre a renouvelé sa promesse présomptueuse en réponse à différentes parties du (rentes) de Jésus-Christ, et que le Sauveur lui a déclaré par trois fois qu'avant le chant du coq, il le renierait trois fois. C'est ainsi qu'après sa résurrection il lui demande par trois fois s'il l'aimait, lui donne par trois fois le précepte de paître ses brebis. Qu'ont en effet de semblable les paroles ou les pensées rapportées par saint Matthieu avec celles dont saint Jean (Jn 13,37) et saint Luc (Lc 22,33) se servent pour exprimer la réponse présomptueuse de Pierre? Saint Marc, au contraire (Mc 14,29-31), rapporte ce fait à peu près dans les mêmes termes que saint Matthieu, avec cette différence que dans saint Marc, le Seigneur prédit d'une manière plus explicite ce qui devait arriver: «Je vous dis en vérité qu'aujourd'hui, dès cette nuit, avant que le coq ait chanté deux fois, vous me renoncerez trois fois». Aussi en est-il quelques-uns qui, n'y regardant pas de bien près, prétendent que saint Marc ne peut se concilier ici avec les autres Évangélistes. Car, disent-ils, Pierre a renié trois fois son Maître, et s'il a commencé après le premier chant du coq, le récit des trois Évangélistes n'est pas conforme à la vérité, puisqu'ils rapportent que le Seigneur a déclaré qu'avant que le coq chantât, Pierre le renierait trois fois. D'ailleurs, si les trois renon cements de saint Pierre ont eu lieu avant que le coq ait commencé à chanter, pourquoi Notre-Seigneur aurait-il dit d'après saint Marc: «Avant que le coq ait chanté deux fois, vous me renoncerez trois fois? ta Nous répondons que le triple renoncement de saint pierre ayant commencé avant le premier chant du coq, les évangélistes ont considéré non pas le moment où il devait être consommé, mais celui où il devait se produire et commencer, c'est-à-dire avant le chant du coq. On peut même dire, en considérant les dispositions intérieures de saint Pierre, que ce triple renoncement eut lieu avant le chant du coq, car avant cette heure, son âme était en proie à une crainte si grande qu'elle pouvait le conduire jusqu'à renoncer trois fois son maî tre. A plus forte raison, on ne doit pas s'étonner que ces trois renoncements successifs et dis tincts aient commencé avant le chant du coq, bien qu'ils n'aient pas été consommés avant le premier chant du coq. Car si l'on disait à quelqu'un: «Avant que le coq ait chanté, vous m'écrirez une lettre dans laquelle vous m'outragerez trois fois», cette prédiction ne se trouve rait pas fausse, si la lettre, commencée avant le premier chant du coq, était achevée après que le coq aurait chanté pour la première fois.

Orig. Vous demanderez peut-être s'il était possible que Pierre ne fût pas scandalisé après cette déclaration du Sauveur: «Je vous serai à tous une occasion de scandale». Les uns répondent que ce que Jésus avait prédit devait nécessairement arriver; les autres, que celui qui, à la prière de Jonas, consentit à ne pas accomplir la prédiction qu'il avait faite par ce prophète, aurait pu aussi, si Pierre l'en eût prié, éloigner de lui ce scandale; tandis que cette promesse téméraire, faite sous l'impression d'un amour généreux, mais irréfléchi, fut cause qu'à la honte du scan dale il joignit le crime d'un triple renoncement. Mais, dira-t-on, puisque Jésus, lui avait affirmé avec serment qu'il le renoncerait, il fallait nécessairement que ce renoncement eût lieu. Car si ces paroles du Sauveur: «Je vous le dis en vérité», renfermaient un serment, ce serment eût confirmé un mensonge si Pierre avait pu dire vrai en affirmant: «Pour moi, je ne vous renon cerai pas». Or, à mon avis, les autres disciples me paraissent. préoccupés de ces premières paroles: «Je vous serai à tous une occasion de scandale». Il s'adresse ensuite à Pierre en par ticulier et lui fait cette prédiction qui ne comprenait pas les autres disciples: «Je te le dis en vérité», etc. Et Pierre lui répond: «Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renierai point. Et tous les autres disciples dirent la même chose». Ici encore, Pierre ne sait pas ce qu'il dit (Lc 9,33), car il n'appartenait pas aux hommes de mourir avec Jésus, qui donnait sa vie pour tous les hommes. En effet, tous les hommes étaient ensevelis dans leurs péchés; tous avaient donc besoin qu'un autre mourût pour eux, et eux-mêmes ne pouvaient mourir pour leurs semblables.

Rab. Pierre avait compris que le Seigneur lui avait prédit qu'il le renoncerait par la crainte qu'il aurait de la mort, il lui affirme donc que le danger d'une mort certaine ne pourrait le sépa rer de la foi qu'il avait en lui. Les autres Apôtres, emportés également par l'ardeur de leur af fection, promettent tous d'affronter la mort sans crainte; mais cette présomption toute hu maine, abandonnée de la protection divine, fut sans effet. - S. Chrys. (hom. 82). Je pense que ce fut quelque mouvement d'ambition et de vanité qui inspira ces paroles présomptueuses à l'apôtre saint Pierre; car, pendant la Cène, il s'était élevé parmi eux une contestation, lequel d'entre eux était le plus grand, tant l'amour de la vaine gloire troublait et agitait violemment leur âme; et c'est parce qu'il voulait les délivrer de ces malheureuses passions que Jésus-Christ leur retira le secours de sa grâce. Or, voyez comment, après la résurrection du Sauveur, instruit par cette leçon, Pierre. répond à Jésus avec beaucoup plus d'humilité, et n'ose plus contredire les assertions de son Maître. Cette chute a produit en tout les plus heureux effets. Auparavant, il s'attribuait tout à lui-même, lorsqu'il, aurait dû s'exprimer de la sorte: «Je ne vous renonce rai pas, si votre grâce vient à mon secours»; dans la suite, au contraire, il proclame qu'il faut tout renvoyer à Dieu: «Pourquoi nous regardez-vous comme si c'était par notre puissance que nous ayons fait marcher cet homme ?»Nous apprenons donc de là cette grande vérité que le désir de l'homme ne suffit pas, s'il n'est d'ailleurs aidé par un secours divin.


vv. 36-38

5636 Mt 26,36-38

Remi. L'Évangéliste nous a raconté un peu plus haut qu'après avoir dit avec ses disciples l'hymne d'action de grâces, Jésus était allé avec eux vers le mont des Oliviers, et c'est pour désigner l'endroit de cette montagne où il se retira, qu'il ajouté: «Alors Jésus vint avec eux un lieu appelé», etc. - Rab. Saint Luc dit: «Sur le mont des Oliviers»; saint Jean: «Au delà du torrent de Cédron», ce qui est la même chose que Gethsémani, lieu situé au pied du mont des Oliviers, où se trouve un jardin et où fut bâtie depuis une église. - S. Jér. Le nom de Gethsémani veut dire vallée très fertile, et c'est là que Jésus ordonne à ses disciples de se reposer un instant, et d'y attendre qu'il revienne les trouver lorsqu'il aurait prié seul pour tous les hommes. - Orig. Il ne convenait pas que le Sauveur fut pris dans le lieu même où il avait mangé la pâques avec ses disciples. Il fallait aussi qu'il priât avant d'être trahi, et qu'il choisît un lieu convenable et propre à la prière: «Et il dit à ses disciples: Asseyez-vous ici pendant que j'irai là, et que je prierai». - S. Chrys. (hom. 83). Jésus leur fait cette recommandation, parce qu'ils le suivaient sans jamais se séparer de lui; il avait aussi l'habitude de prier sans ses disciples, ce qu'il faisait pour nous apprendre à rechercher le repos et la solitude dans nos priè res. - D AM. (liv. 3). Mais puisque la prière est l'élévation de notre âme vers Dieu et la de mande faite à Dieu de choses justes et légitimes, comment le Sauveur pouvait-il prier? Son âme n'avait pas besoin de s'élever à Dieu, unie qu'elle était au Verbe de Dieu en unité de per sonne; il n'avait non plus besoin de rien demander à Dieu, car Jésus-Christ est tout à la fois Dieu et homme. Mais le Sauveur voulut en cela nous donner dans sa personne l'exemple de la conduite que nous devons suivre, nous enseigner à prier Dieu son Père, et à nous élever jus qu'à lui. Lorsqu'il s'est soumis aux souffrances, c'était pour en triompher et nous obtenir d'en triompher nous-mêmes ainsi, lorsqu'il prie, c'est pour nous ouvrir la voie par laquelle nous pouvons nous élever jusqu'à Dieu; c'est encore afin d'accomplir pour nous toute justice, de nous réconcilier avec son Père, de l'honorer comme le principe de toutes choses et de nous montrer qu'il n'est point lui-même contraire à Dieu. - Remi, En priant sur la montagne, Notre-Seigneur nous enseigne à demander à Dieu dans la prière les choses du ciel, et en priant dans cet endroit appelé Gethsémani, il nous apprend à pratiquer toujours avec soin l'humilité dans la prière. - Rab. C'est par un dessein admirable qu'à la veille de sa passion le Sauveur prie dans la vallée de l'abondance, pour nous montrer que c'était par la vallée de l'humilité et par l'abondance de sa charité qu'il a souffert la mort pour nous. Il nous avertit en même temps de ne point porter en nous un coeur stérile et privé de la fécondité que donne la charité.

Remi. C'est parce qu'il avait été témoin de l'expression de la foi de ses disciples et de leur dévouement à toute épreuve, et qu'il prévoyait leur effroi et leur dispersion qu'il leur ordonne de s'asseoir en ce lieu, car on s'assoie pour se reposer, et il devait leur en coûter bien de la peine pour le renoncer. L'Évangéliste nous apprend comment il s'éloigna d'eux, en ajoutant: «Et ayant pris avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à être triste et dans l'affliction».Il prend avec lui ceux qu'il avait rendus témoins, sur la montagne, de la splendeur de sa majesté. - S. Hil. (can. 31). Mais les hérétiques ne veulent entendre ces paroles: «Il commença à s'attrister et à s'affliger» que dans le sens qui assujettit le Fils de Dieu à la crainte de la mort, parce qu'ils affirment, d'ailleurs, qu'il n'est point né de toute éternité, et qu'il n'est point sorti de la substance infinie de son. Père, mais qu'il a été tiré du néant par le Créateur de toutes choses. Donc, ajoutent-ils, il a été accessible aux angoisses de la douleur, à la crainte de la mort, et, puisqu'il a pu craindre la mort, il a pu mourir; or, s'il a pu mourir, bien qu'il doive maintenant vivre éternellement, il n'est cependant point éternel par sa nais sance dans le passé. Nous leur répondrons que, si la foi leur avait donné l'intelligence des Évangiles, ils auraient appris que le Verbe était Dieu dès le commencement, qu'il était en Dieu dès le commencement, et que celui qui engendre, comme celui qui a été engendré, ont la même éternité. Mais si la chair qu'il a prise a pu vicier, par suite de l'infirmité qui lui est inhérente, la vertu de cette substance incorruptible, jusqu'à la soumettre aux atteintes de la douleur, aux agitations de la crainte, elle devra aussi être soumise à la corruption, et si cette substance éter nelle peut subir un changement qui l'assujettisse à la crainte, elle pourra perdre, dans un mo ment donné, les propriétés qu'elle possède aujourd'hui. Mais Dieu est toujours le même, sans qu'on puisse mesurer son existence, et il est de toute éternité tout ce qu'il est; rien donc en Dieu n'a pu être sujet à la mort, rien en lui n'a pu être accessible à la crainte. - S. Jér. Pour nous, nous disons que le Fils de Dieu s'est revêtu de notre humanité sujette aux souffrances, mais sans que la divinité ait cessé d'être impassible, car le Fils de Dieu a souffert, non pas d'une manière imaginaire, mais en réalité, tout ce que l'Écriture atteste qu'il a souffert dans la nature qui pouvait souffrir en lui, c'est-à-dire dans la nature humaine dont il s'était revêtu.

S. Hil. (De la Trinité, 10). Il en est, ce me semble, qui ne donnent d'autre cause à cette crainte du Sauveur que les approches de sa passion et de sa mort. Mais je demanderai à ceux qui sont dans cette opinion si l'on peut raisonnablement admettre que la crainte de la mort ait pu trou ver place chez celui qui bannissait toute crainte de la mort de l'esprit de ses Apôtres, et les exhortait à conquérir la gloire du martyre? Peut-on d'ailleurs supposer qu'il ait pu envisager la mort avec effroi, lui qui donne la vie pour récompense à ceux qui meurent pour lui. Quelle est encore la douleur qu'il pourrait craindre dans la mort, lui qui ne devait mourir que par un acte librement consenti de sa toute-puissance? Et si enfin ses souffrances devaient être pour lui une source de gloire, comment la crainte de sa passion pouvait-elle l'attrister. - S. Hil. (can. 31). Mais, puisque nous lisons que Notre-Seigneur a été accablé par la tristesse, recherchons-en les causes. Il avait prévenu plus haut ses disciples que tous seraient scandalisés, et il avait déclaré à Pierre qu'il renierait trois fois son maître. Or, c'est après avoir pris avec lui cet Apôtre, ainsi que Jacques et Jean, qu'il commence à s'attrister. Ce n'est donc point avant de les avoir pris avec lui qu'il est triste; mais toute cette crainte ne paraît en lui qu'après qu'il s'est fait suivre de ses disciples. Cette tristesse ne prend donc point naissance à son sujet, mais à l'occasion de ceux qu'il avait pris avec lui. - S. Jér. Le Seigneur s'attristait donc, non dans la crainte de souffrir, puisque sa passion était l'objet de sa venue sur la terre, et qu'il avait reproché à Pierre son appréhension (Mt 14,3), mais en pensant à l'infortuné Judas, au scandale dont sa mort allait être l'occasion pour tous ses Apôtres, à l'abandon et à la réprobation de tout le peuple juif, et à la ruine de la malheureuse Jérusalem. - Dam. (De la foi orth., 23). Ou bien, dans un autre sens, toutes les créatures qui n'existaient pas, et à qui Dieu a donné l'être, ont le désir naturel de l'existence, et fuient natu rellement ce qui pourrait la leur ravir. Donc, Dieu le Verbe, s'étant fait homme, eut aussi ce désir qu'il fit paraître, en recherchant la nourriture, la boisson, le sommeil nécessaires à la conservation de la vie, parce qu'il était soumis, par sa nature humaine, à ces différentes néces sités, et en fuyant, au contraire, tout ce qui pouvait être, pour cette nature, un principe de dis solution. Ainsi, au temps de sa passion qu'il a soufferte par un effet de sa volonté, il fut soumis à une crainte de la mort et à une tristesse qui étaient naturelles, car il est naturel à l'âme de craindre d'être séparée du corps, à cause de l'union intime que le Créateur a établie dès le commencement entre ces deux substances.

S. Jér. Notre-Seigneur, pour prouver la vérité de la nature qu'il avait prise, éprouve une tris tesse réelle; mais pour ne point laisser cette passion dominer dans son âme: «Il commence, dit l'Évangéliste, à s'attrister». Ce n'est pas en effet la même chose d'être triste, ou de com mencer à s'attrister. - Remi. Ce passage condamne l'erreur, et des Manichéens, qui ont pré tendu qu'il n'avait pris qu'un corps fantastique, et de ceux qui ont soutenu qu'il n'avait pas eu d'âme véritable, mais que la divinité lui en avait tenu lieu. - S. Aug. (Livre des 83 Quest., quest. 80). Nous avons, en effet, les récits des évangélistes, qui nous rapportent que Jésus-Christ est né de la bienheureuse Vierge Marie, qu'il a été pris parles Juifs, flagellé, crucifié, mis à mort et enseveli dans un tombeau, toutes choses qu'on ne peut comprendre dans leur réalité sans qu'il ait eu un corps véritable. Quel est l'homme, si insensé qu'il fût d'ailleurs, qui oserait dire qu'il faut prendre toutes ces choses dans un sens figuré, alors que les évangélistes ont ra conté ces faits d'après leurs propres souvenirs? Si donc ces faits incontestables prouvent jus qu'à l'évidence que Jésus a eu un corps, ces passions, qui ne peuvent exister que dans l'âme, prouvent également qu'il avait une âme véritable, et nous trouvons cette preuve dans le même récit des évangélistes, qui nous disent: «Et Jésus fut dans l'admiration, et il fut irrité, et il s'attrista». - S. Aug. (Cité de Dieu, 14, 9). Puisque tous ces faits nous sont racontés dans l'Évangile, ce ne sont point des récits controuvés, et Notre-Seigneur, par l'effet d'une écono mie toute divine, a réellement éprouvé ces sentiments lorsqu'il l'a voulu, de même qu'il s'est fait homme par un acte également libre de sa volonté. Nous éprouvons aussi ces sentiments comme une des infirmités de notre condition humaine; mais il n'en a pas été ainsi du Seigneur Jésus, dont l'infirmité même a été un effet de sa nouvelle puissance.

Dam. (De la foi orthod., 20). Toutes nos passions naturelles ont donc existé en Jésus-Christ, naturellement, et d'une manière supérieure à la nature; naturellement, parce qu'il laissait la chair souffrir ce qui était inhérent à sa condition; d'une manière supérieure à la nature, parce que les mouvements de la nature ne précédaient pas en lui la volonté. En effet, rien en Jésus-Christ n'était soumis à la coaction; mais tout était volontaire; ainsi, c'est par un effet de sa volonté qu'il éprouva le besoin de la faim, les sentiments de crainte et de tristesse, sentiments qu'il exprime par ces paroles: «Mon âme est triste jusqu'à la mort». - S. Ambr. (Liv. 1 sur S. Luc, chap. 22) Ce n'est pas lui qui est triste, mais son âme, car la tristesse ne peut atteindre la sagesse, la nature divine, mais son âme seulement, car il s'est uni mon âme, il s'est uni mon corps. - S. Jér. Il dit que son âme est triste, non à cause de la mort, mais jusqu'à la mort, jusqu'à ce qu'il ait délivré ses Apôtres par sa passion. Que ceux-là donc qui prétendent que Jésus a pris une âme sans intelligence nous disent comment cette âme a pu s'attrister, et comment elle a pu connaître les heures de la tristesse, car si les animaux sans raison peuvent éprouver de la tristesse, ils ne peuvent cependant en connaître ni les causes, ni le temps, ni le terme. - Orig. Ou bien, dans un autre sens, ces paroles: «Mon âme est triste jusqu'à la mort», signifient: La tristesse a commencé en moi, non pour toujours, mais jusqu'à l'heure de ma mort, et, lorsque je serai mort au péché, je mourrai à toute espèce de tristesse, dont le com mencement seul a trouvé, place en moi. «Demeurez ici», etc. C'est-à-dire, j'ai commandé aux autres de rester plus loin comme, étant plus faibles, et pour leur épargner la vue de ce triste combat; pour vous, je vous ai pris avec moi, comme étant plus forts, et pour prendre part avec moi aux fatigues de la veille et de la prière. Cependant, demeurez aussi en cet endroit, car il faut que chacun s'arrête au degré de sa vocation, et toute grâce, quelque grande qu'elle soit, en a toujours une qui lui est supérieure. - S. Jér. Ou bien, on peut dire qu'il ne leur défend pas de se livrer au sommeil, car ce n'en était guère le temps à l'approche de ce moment décisif, mais qu'il veut les prémunir contre l'assoupissement de l'âme et le sommeil de l'infidélité.


vv. 39-44

5639 Mt 26,39-44

Orig. Notre-Seigneur emmène avec lui Pierre, celui de tous qui avait le plus de confiance en lui-même, ainsi que les deux autres Apôtres, qui paraissaient comme lui plus fidèles et plus courageux, afin qu'ils v issent de leurs yeux leur divin Maître prosterné le visage contre terre, et qu'ils apprissent à n'avoir jamais d'eux-mêmes une opinion avantageuse, mais des sentiments pleins d'humilité, et à être moins prompts à promettre et plus empressés de recourir à la prière. C'est pour cela qu'il est dit: «Et s'en allant un peu plus loin». Il ne voulait pas s'éloigner d'eux, mais, au contraire, en être rapproché pour prier, et après leur avoir dit autrefois: «Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur» (Mt 11,29), il confirme cette doctrine par son exemple, en s'humiliant honorablement le premier, et en se prosternant le visage contre terre: «Et il tomba la face contre terre en priant et en disant: Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi».Il fait éclater dans cette prière toute sa piété, et comme le Fils bien-aimé, et qui met toute son affection à obéir aux dispositions de son Père, il ajoute: «Néanmoins, non comme je veux, mais comme vous voulez»,nous enseignant ainsi à deman der que la volonté de Dieu s'accomplisse et non pas la nôtre, il demande que le calice de sa passion s'éloigne, non pas selon sa volonté, mais comme le veut son Père, de la même manière qu'il a commencé à craindre et à s'attrister, c'est-à-dire non pas dans sa nature divine et impas sible, mais dans sa nature humaine et sujette à l'infirmité, car, en se revêtant de cette nature, il en a subi toutes les conditions, pour ne point laisser croire qu'il n'avait que l'apparence et non la réalité d'une chair mortelle. Or, le premier sentiment qu'éprouve l'homme fidèle, c'est d'abord de ne pas vouloir de la douleur, surtout de celle qui peut le conduire à la mort, parce qu'il est revêtu d'une chair mortelle; mais si telle est la volonté de Dieu, il ne demande qu'à s'y conformer, parce qu'il est avant tout plein de foi. Car de même que nous devons nous gar der d'une confiance excessive, pour ne point paraître faire montre de notre force, nous devons également ne pas nous laisser aller à une défiance qui semblerait accuser d'impuissance le Dieu qui est notre soutien. Remarquons que cette circonstance nous est rapportée par saint Marc et par saint Luc; mais saint Jean ne nous dit point que Jésus ait prié son Père que ce calice s'éloignât de lui; ces premiers, en effet, ont insisté davantage, dans leur récit, sur ce qui concernait la nature humaine, et saint Jean sur ce qui faisait ressortir sa nature divine. Dans un autre sens, on peut dire que Jésus, voyant toutes les calamités qui devaient fondre sur les Juifs pour avoir demandé sa mort, s'écrie: «Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi». - S. Jér. C'est d'une manière significative qu'il dit: «Ce calice», c'est-à-dire le ca lice du peuple Juif, qui ne peut s'excuser sur son ignorance en me mettant à mort, puisqu'il a entre les mains la loi et les prophètes qui m'ont annoncé. - Orig. Mais il considère de nou veau les immenses avantages que le monde entier devait retirer de sa passion, et il ajoute: «Toutefois, non ma volonté, mais la vôtre», c'est-à-dire si tous ces biens dont ma passion doit être la source peuvent se réaliser sans qu'elle ait lieu, qu'elle s'éloigne de moi, afin que le monde soit sauvé sans que les Juifs expient par leur ruine le crime de m'avoir mis à. mort; mais si le salut d'un grand nombre ne peut avoir lieu sans la perte de quelques-uns, que ce calice ne s'éloigne pas. Or ce calice, qu'il faut boire, est l'expression dont se sert l'Écriture en plusieurs endroits, pour désigner les souffrances, et, en particulier, les souffrances des martyrs, comme dans ce passage du psaume 15: «Je prendrai le calice du salut» (Ps 16,4). Celui qui, pour rendre témoignage à la foi (He 11,39), souffre tous les mauvais traitements qu'on peut lui faire, boit ce calice tout entier; mais celui qui se dérobe à toute souffrance le renverse en le prenant. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 4). Et pour ne point paraître diminuer la puissance de son Père, il ne dit point: Si vous le pouvez, mais «Si cela se peut faire», ou «Si cela est possi ble», c'est-à-dire, Si vous le voulez. En effet, tout ce qu'il veut est possible, et c'est ce que saint Luc exprime d'une manière plus claire, car il ne dit pas: Si cela est possible, mais «Si vous voulez». - S. Hil. Ou bien encore, dans un autre sens, il ne dit pas: Que ce calice s'éloigne, car ce serait la prière d'un homme qui craint pour lui-même; mais il demande que ce calice passe au delà de lui. Il demande donc, non d'être exempté de le boire, mais de le voir passer à d'autres après qu'il se sera éloigné de lui. Toute la crainte qu'il éprouve se concentre donc sur ceux qui doivent souffrir après lui, et c'est pour eux qu'il adresse à Dieu cette prière: «Que ce calice s'éloigne de moi», c'est-à-dire qu'ils le boivent comme je le bois moi-même, sans aucune défiance, sans aucun sentiment de douleur, sans aucune crainte de la mort, Il dit: «Si cela est possible», parce que la chair et le sang redoutent les souffrances, et qu'il est diffi cile que des corps mortels soient à l'épreuve de leurs cruelles atteintes. Il ajoute: Non comme je veux, mais «comme vous voulez». Il voudrait en effet les affranchir de la nécessité de souffrir, dans la crainte de les voir succomber à la souffrance, si toutefois ils peuvent devenir les cohéritiers de sa gloire, sans passer par la rude épreuve de sa passion. «Non pas comme je le veux, mais comme vous le voulez», parce que la volonté du Père est que la force nécessaire pour boire ce calice passe de Jésus-Christ dans ses Apôtres, car, d'après l'ordre des conseils divins, le démon devait être vaincu directement, plus par les disciples de Jésus-Christ que par Jésus-Christ lui-même.

S. Aug. (Explic. Du Ps. 32). Jésus-Christ, revêtu de notre humanité, fit donc paraître en lui une volonté particulière à l'homme, et qui figurait à la fois sa volonté et la nôtre, puisqu'il était notre chef en disant: «Que ce calice s'éloigne de moi»,car c'était là. l'expression de la vo lonté humaine, qui a des désirs qui lui sont propres; mais comme elle veut en même temps que la justice règne dans l'homme, et qu'il ait toujours Dieu en vue, elle ajoute: «Cependant, non pas comme je veux, mais comme vous le voulez», c'est-à-dire: Ne considérez que vous en moi, car la volonté humaine peut avoir des désirs personnels qui soient contraires à la volonté de Dieu, et que Dieu pardonne à la fragilité humaine. - S. Léon. (Serm. 7 sur la Pass). Cette parole de notre chef est le salut de tout le corps; cette voix a instruit tous les fidèles, enflammé tous les confesseurs, et a couronné tous les martyr s, car qui pourrait braver les haines, de ce monde, les orages des tentations, les terreurs des persécutions, si Jésus-Christ ne disait en tous et pour tous à son Père: «Que votre volonté soit faite». Que tous les enfants de l'Église ap prennent donc à répéter cette parole, afin que, lorsque l'adversité vient fondre sur eux comme une violente tempête, ils puissent triompher de la crainte qu'elle inspire et se montrer animés du courage nécessaire pour la supporter.

Orig. Jésus s'étant éloigné tant soit peu de ses disciple, ils ne purent veiller même une heure en son absence; prions donc que Jésus ne nous quitte pas, ne fût-ce que pour un instant. «Il vient ensuite vers ses disciples, et il les trouva endormis». - S. Chrys. (hom. 83). Car la nuit était profonde, et d'ailleurs leurs yeux étaient appesantis par la tristesse. - S. Hil. Lorsqu'il revient trouver ses disciples et qu'il les trouve endormis, c'est à Pierre qu'il adresse particuliè rement ses reproches: «Et il dit à Pierre: Quoi, vous n'avez pu veiller une heure avec moi ?» il fait ce reproche à Pierre plutôt qu'aux deux autres, parce que c'était celui de tous ses Apô tres qui s'était le plus vanté de ne point se laisser scandaliser. - S. Chrys. (hom. 83). Mais comme ils avaient fait tous la même promesse, il leur reproche justement à tous leur faiblesse; car après avoir pris la résolution de mourir tous ensemble avec Jésus-Christ, ils n'eurent même pas la force de veiller avec lui. - Orig. Les ayant trouvés endormis, il les réveille pour les rendre attentifs à sa parole, et il leur recommande la vigilance: «Veillez et priez, afin de ne point tomber dans la tentation», ainsi nous devons d'abord veiller, et ensuite prier. On pratique la vigilance en faisant de bonnes oeuvres, et en se tenant so igneusement en garde contre toute doctrine de ténèbres, c'est par là que celui qui veille assure le succès de sa prière. - S. Jér. Il est impossible que l'âme humaine soit exempte de tentation; aussi le Sauveur ne dit pas: Veillez et priez pour ne pas être tentés, mais: «Pour ne pas tomber dans la tentation», c'est-à-dire pour n'en être pas victime.

S. Hil. Il leur découvre ensuite les raisons du précepte qu'il leur donne de prier pour ne point tomber dans la tentation; «car l'esprit est prompt, et la chair est faible», paroles qui ne s'appliquent point au Sauveur, puisqu'il s'adresse maintenant à ses disciples. - S. Jér. Il condamne ici la conduite de ces esprits téméraires qui pensent pouvoir obtenir tout ce qu'ils croient et ce qu'ils espèrent. Que la fragilité de notre chair nous inspire donc autant de crainte que la ferveur de notre âme nous inspire de confiance. - Orig. Il nous faut examiner ici si dans tous les hommes la chair est faible de même que l'esprit est prompt; ou bien si tous ont une chair faible, sans que tous aient l'esprit prompt, à l'exception des saints; quant aux infidèles, leur esprit est faible en même temps que leur chair est sans force. Dans un autre sens, on peut dire qu'il n'y a que ceux dont l'esprit est prompt qui aient une chair faible; car leur esprit s'empresse de mortifier les oeuvres de la chair. (Rm 8,13). C'est donc à eux que Jésus commande de veiller et de prier pour ne point entrer en tentation; car plus on est avancé dans la vie spirituelle, et plus on doit être attentif à ne point exposer une si haute vertu à une lourde chute. - Remi. Ou bien encore, le Sauveur prouve par ces paroles qu'il a pris une chair véri table dans le sein de la Vierge Marie, et qu'il a eu aussi une âme véritable, et c'est dans ce sens qu'il dit que son esprit est prompt pour souffrir, mais que sa chair faible appréhende les dou leurs de sa passion.

«Il s'en alla une seconde fois, et il pria en disant: Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté se fasse». - Orig. Je pense que ce calice devait passer loin de Jésus-Christ, mais avec cette différence, que s'il le buvait, il passait loin de lui, et ensuite loin de tout le genre humain; au contraire, s'il ne le buvait pas, ce calice passait loin de lui, mais ne passait pas loin des hommes. Or, il voulait que ce calice s'éloignât de lui, et qu'il ne fût point obligé d'en goûter l'amertume, si toutefois la justice de Dieu pouvait y consentir; mais si cela n'était pas possible, il aimait mieux épuiser ce calice, et le voir ainsi passer loin de lui et de tout le genre humain, que d'en détourner les lèvres contrairement à la volonté de son Père. - S. Chrys. (hom. 83). En priant une deuxième et une troisième fois, sous l'impression de l'infirmité humaine qui lui f aisait craindre la mort, il atteste qu'il s'était réellement fait homme. Car lorsqu'un acte se répète une deuxième et une troisième fois, c'est dans le langage des Écritures la plus haute démonstration de la vérité, voilà pourquoi Joseph dit à Pharaon: «Quant au songe que vous avez eu en second lieu, et qui a le même sens, c'est un signe certain qu'il aura son effet». (Gn 41,32) - S. Jér. Ou bien, il prie une seconde fois, pour témoigner à Dieu que si Ninive, c'est-à-dire la Gentilité, ne peut être sauvée, qu'à la condition que l'arbrisseau se dessèche (Jon 4,7), il consent que la volonté de son Père soit faite, volonté qui n'est pas contraire à celle du Fils, selon ces paroles du Roi-prophète; «Je suis venu pour faire votre volonté, c'est aussi, mon Dieu, ce que j'ai voulu» (Ps 40,8-9) - S. Hil. Ou bien encore, en faveur de ses disciples, qui devaient passer par les souffrances, il a pris sur lui toutes les faiblesses de notre corps, il a cloué à la croix toutes nos infirmités; et c'est pourquoi ce calice ne peut s'éloigner de lui sans qu'il le boive, parce que nous ne pouvons souffrir qu'en vertu de sa passion.

S. Jér. Or, Jésus-Christ est le seul qui prie pour tous les hommes, de même qu'il est le seul qui souffre pour tous sans exception. «Et il vint de nouveau, et il les trouva endormis; car leurs yeux étaient appesantis». Les Apôtres étaient comme atteints de langueur, et leurs yeux étaient accablés par les approches de leur renoncement. - Orig. Je pense que c'était moins les yeux de leur corps que ceu x de leur âme qui étaient appesantis; car ils n'avaient pas encore reçu l'Esprit saint, aussi le Sauveur ne leur fait-il point de nouveaux reproches, mais il retourne prier une troisième fois, pour nous enseigner à ne point nous décourager, mais à persévérer dans la prière jusqu'à ce que nous ayons obtenu ce que nous avons commencé à demander. «Et les ayant quittés, il s'en alla de nouveau, et il pria une troisième fois disant les mêmes paroles». - S. Jér. Il pria une troisième fois, comme pour se conformer à ce précepte des livres saints: «Que tout soit assuré par la déposition de deux ou trois témoins (Dt 19,15 Mt 18,16, et 2Co 13,1). - Rab. Ou bien, le Seigneur prie à trois reprises différentes, pour nous apprendre à demander à Dieu le pardon de nos péchés passés, la délivrance de nos maux présents, et la protection divine contre les dangers à venir. Il nous enseigne encore à adresser toutes nos prières au Père, au Fils et au Saint-Esprit, et à leur demander de conserver sans tache notre esprit, notre âme et notre corps. (1Th 5,23) - S. Aug. (Quest évang., 2, 44). On peut encore raisonnablement admettre que le Seigneur a prié par trois fois en vue de la triple tentation de sa passion; car de même qu'il y a trois tentations de la concupiscence, la crainte nous tente ainsi de trois manières différentes. Ainsi à la concu piscence des yeux ou de la curiosité, correspond la crainte de la mort; car de même que la première est un désir ardent de connaître toutes choses, de même la seconde est la crainte de perdre cette connaissance. A la concupiscence ou au désir de l'honneur et de la louange, correspond la crainte de l'ignominie et des outrages, et à la concupiscence du plaisir, la crainte de la douleur. - Remi. Ou bien, il prie par trois fois pour les Apôtres, et surtout pour Pierre qui devait le renier trois fois,



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