Catena Aurea 5751

vv. 51-56

5751 Mt 27,51-56

Orig. De grands événements suivirent ce grand cri jeté par Jésus: «Et voici que le voile du temple se déchira en deux»,etc. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 3, 10). Ces paroles prouvent suffisamment que le voile fut déchiré au moment même où Jésus rendit l'esprit. Si l'Évangéliste n'avait pas dit: «Et voilà», mais simplement: Le voile du temple se déchira, on ne pourrait dire au juste si saint Matthieu et saint Marc ne font que résumer leurs souvenirs, tandis que saint Luc suit dans son récit l'ordre naturel des faits en disant: «Le soleil s'obscurcit», et aussitôt après: «Et le voile du temple se déchira; ou si saint Luc résume ce que les deux premiers rapportent dans l'ordre chronologique». - Orig. Il y avait deux voiles, l'un qui fermait le Saint des Saints (Ex 26,14 Nb 4,4 1R 3,50 1R 8,6), et l'autre, à l'extérieur, devant le temple, ou devant le tabernacle. Au moment où le Sauveur expira, ce voile extérieur fut déchiré de haut en bas, pour signifier que les mystères qui avaient été cachés selon les desseins de la sagesse de Dieu depuis le commencement du monde, jusqu'à l'avènement du Sauveur, allaient être révélés d'une extrémité de la terre à l'autre. Mais lorsque viendra l'état parfait, alors le second voile sera également déchiré, pour que nous puissions voir ce qui est caché à l'intérieur, c'est-à-dire l'arche véritable du Testament, et les chérubins et les autres merveilles du ciel dans leur propre nature. - S. Hil. Ou bien, le voile du temple se déchire, parce que, dès ce moment, le peuple se divise en deux parties, et que la gloire de ce voile disparaît avec l'ange qui le couvrait de sa protection.

S. Léon. (serm. 10 sur la passion). Le bouleversement subit de tous les éléments est un té moignage rendu à cette auguste passion du Fils de Dieu: «Et la terre trembla, et les pierres se fendirent», etc. - S. Jér. Personne lie peut douter de la signification littérale de tous ces prodiges étonnants, où l'on voit le ciel, la terre et tous les éléments proclamer ainsi que c'est leur Dieu qui vient d'être crucifié. - S. Hil. La terre tremble, parce qu'elle était incapable de recevoir ce mort; les pierres se fendent, parce que le Verbe de Dieu avait pénétré et forcé tout ce qui était capable de résistance; les tombeaux furent ouverts; car les portes des cachots de la mort fu rent brisées. «Et plusieurs corps des saints, qui étaient dans le sommeil de la mort, ressuscitè rent». - S. Chrys. (hom. 88). Les ennemis du Sauveur insultaient et se moquaient de lui, parce qu'il ne descendait pas de la croix: «Il a sauvé les autres, disent-ils, et il ne peut se sau ver lui-même».Mais ce qu'il n'a point voulu faire en lui-même, il l'a fait, bien au delà, dans les corps de ses serviteurs; car si ce fut un prodige surprenant de voir Lazare sortir du tom beau quatre jours après sa mort, combien fut-il plus extraordinaire de voir tout d'un coup ap paraître pleins de vie ceux qui s'étaient endormis depuis si longtemps du sommeil de la mort, ce qui était un présage de la résurrection dernière. Et afin qu'on ne vînt à penser que ces apparitions n'étaient qu'imaginaires, l'Évangéliste ajoute: «Et sortant de leurs tombeaux, ils vin rent dans la ville sainte et apparurent à plusieurs. - S. Jér. Ces corps des saints ressuscitèrent de la même manière que Lazare était ressuscité, pour prouver la résurrection du Seigneur. Et quoique leurs tombeaux fussent ouverts, ils ne ressuscitèrent qu'après la résurrection du Sau veur, afin qu'il fût le premier né de la résurrection d'entre les morts (Col 1,18). La sainte cité, où apparurent ceux qui ressuscitèrent, figure ou la Jérusalem céleste, ou la Jérusalem de la terre, qui fut autrefois la cité sainte; car Jérusalem était appelée la ville sainte à cause du tem ple, du Saint des Saints, et de sa séparation d'avec les autres villes livrées au culte des idoles. Ces paroles: «Et ils apparurent à plusieurs», prouvent que cette résurrection n'eut pas un caractère général qui la rendit visible aux yeux de tous, mais qu'elle fut restreinte à un certain nombre pour en rendre témoins ceux qui méritaient cette faveur.

Remi. On demandera peut-être que devinrent ceux qui ressuscitèrent en même temps que le Seigneur; car nous devons croire qu'ils ressuscitèrent pour être témoins de la résurrection du Sauveur. Il en est qui ont avancé qu'ils étaient morts de nouveau, et retournés en poussière comme Lazare et les autres que Jésus a ressuscités. Mais on ne peut ajouter foi en aucune manière à une semblable opinion, car il eût été bien plus triste pour eux de mourir de nouveau, après leur résurrection, que de ne pas ressusciter du tout. Nous devons donc croire à n'en pouvoir douter, qu'ils ressuscitèrent pour prendre part à la résurrection du Sauveur, et qu'ils montèrent avec lui au ciel le jour de son ascension.

Orig. Tous les jours, ces grands prodiges se renouvellent sous nos yeux; car tous les jours le voile du temple se déchire devant les saints pour leur révéler les secrets mystérieux qu'il ren ferme; la terre, c'est-à-dire toute chair est ébranlée en entendant la parole nouvelle et les nou veaux mystères que contient le Nouveau Testament; les rochers se fendent, parce qu'ils sont la figure des prophètes, pour nous laisser voir à découvert les mystères qui s'y trouvent cachés. Les sépulcres des morts sont les corps des âmes pécheresses, et qui sont mortes aux yeux de Dieu, mais lorsque ces âmes sont ressuscitées par la grâce de Dieu, leurs cor ps, qui auparavant étaient des tombeaux de morts, deviennent les corps des saints, et ces âmes paraissent sortir d'elles-mêmes, elles suivent celui qui est ressuscité, et elles marchent avec lui dans une sainte nouveauté de vie, et ceux qui sont dignes de la vie du ciel, entrent dans la cité sainte, chacun en son temps, et ils apparaissent aux yeux d'un grand nombre qui sont témoins de leurs bonnes oeuvres.

«Le centurion et ceux qui avec lui guidaient Jésus, voyant le tremblement de terre, et tout ce qui se passait, furent épouvantés, et ils dirent: «Cet homme était vraiment le Fils de Dieu». - S. Aug. (de l'accord des Evang., 3, 20). Il n'y a point de contradiction entre saint Matthieu qui rapporte qu'en voyant ce tremblement de terre, le centurion et tous ceux qui étaient avec lui furent saisis de frayeur, et saint Luc qui attribue cette frayeur au grand cri que Jésus jeta en mourant; car saint Matthieu n'ayant pas dit simplement: «A la vue de ce tremblement de terre», mais ayant ajouté: «Et de tout ce qui se passait», prouve l'intégrité du récit de saint Luc, où nous lisons, qu'en voyant la mort du Sauveur, le centurion fut saisi de crainte, puisque ce prodige se trouve compris dans les phénomènes extraordinaires qui arrivèrent alors.

S. Jér. Remarquons ici qu'au milieu de ce scandale de la passion, le centurion confesse que Jésus est Fils de Dieu, tandis qu'au sein de l'Église, Arius le proclame une simple créature. -
Rab. C'est donc avec raison que le centurion est la figure de la foi de l'Église, lui qui, aussitôt que le voile qui couvrait les mystères célestes est déchiré par la mort du Seigneur, le proclame un homme vraiment juste et le vrai Fils de Dieu, alors que la synagogue garde un lâche et hon teux silence. - S. Léon. (serm. 13 sur la passion). Que toute créature terrestre tremble d'effroi à l'exemple du centurion devant le supplice de son Rédempteur, que les rochers des âmes infidèles se brisent, et que ceux qui étaient comme accablés sous le poids des tombeaux de la mortalité, se hâtent d'en sortir en renversant tous les obstacles qui les arrêtent; qu'ils se montrent aussi dans la cité sainte, c'est-à-dire dans l'Église de Dieu comme preuve de la résur rection future, et qu'on voie dès maintenant s'accomplir dans les coeurs, ce qui, d'après la foi chrétienne, doit un jour s'accomplir dans les corps.

«Il y avait là aussi, à quelque distance de la croix, plusieurs femmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée, pour le servir.
- S. Jér. C'était, chez les Juifs, une coutume consacrée par les moeurs antiques, et que personne ne songeait à blâmer que les femmes prissent soin de fournir à ceux qui les instruisaient le vêtement et la nourriture. Saint Paul nous rapporte qu'il crut devoir renoncer à cet usage, parce qu'il pouvait être un sujet de scandale pour les Gentils. Or, elles assistaient le Seigneur de leur avoir, et lui permettaient ainsi de moissonner leurs biens matériels, alors qu'elles moissonnaient elles-mêmes ses grâces spirituelles. Ce n'est pas que le Seigneur eût besoin d'être nourri par ses créatures; mais il voulait ainsi donner l'exemple à ceux qui devaient enseigner l'Évangile, et leur apprendre à se contenter de la nourriture et du vêtement qu'ils recevraient de leurs disciples. Mais voyons quelles étaient ces pieuses femmes: «Parmi elles, étaient Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée». - Orig. Dans saint Marc, la troisième est appelée Salomé. - S. Chrys. (hom. 88). Ces femmes considéraient ce qui se passait, conduites par un profond sentiment de compassion. Elles le suivaient pour le servir, pendant son ministère public, lorsqu'il parcourait la Judée et la Galilée pour les évangéliser, car, à cette heure, elles ne pouvaient que compatir à ses souffrances. Et voyez jusqu'où va leur constance; elles suivaient Jésus, pour avoir soin de son entretien; elles l'accompagnèrent jusqu'au milieu des dangers, et firent ainsi preuve du plus grand courage, en restant avec lui alors que tous les disciples avaient pris la fuite.

S. Jér. (contre Helvid). Il est donc évident, dit Helvidius, que Jacques et Joseph, que les Juifs appellent les frères de Jésus-Christ, sont les enfants de Marie. L'Évangéliste dit: «de Jacques le mineur», pour le distinguer de Jacques le Majeur, fils de Zébédée; et ce serait, ajoute Helvi dius, se rendre coupable d'impiété à l'égard de Marie, que de penser qu'elle pût être absente dans cette circonstance où les autres femmes étaient près de Jésus, ou qu'il y eut là on ne sait quelle autre Marie de notre inventio n, alors surtout que saint Jean atteste qu'elle était présente au pied de la croix. O fureur aveugle, ô âme dont la folie tourne à sa propre ruine, entends ce que dit saint Jean l'Évangéliste: «Or, la mère de Jésus, et la soeur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie-Madeleine étaient debout près de la croix». Personne ne doute qu'il y ait eu deux apôtres du nom de Jacques: «Jacques, fils de Zébédée, et Jacques, «fils d'Alphée». Ce je ne sais quel Jacques le Mineur, que l'Écriture appelle fils de Marie, ne peut être que le fils d'Alphée, s'il est apôtre; et s'il ne l'est pas, mais qu'il soit je ne sais quel troi sième disciple du nom de Jacques, comment peut-on le regarder comme le frère du Seigneur? Et comment, s'il est le troisième du nom de Jacques, peut-il être appelé Jacques le Mineur, par opposition à Jacques le Majeur? car la distinction de Majeur et de Mineur ne peut exister entre trois, mais entre deux personnes seulement. Et, d'ailleurs, saint Paul l'appelle frère du Seigneur, dans son épître aux Galates: «Je n'ai vu aucun autre apôtre, si ce n'est Jacques, frère du Seigneur». Et pour vous bien convaincre que saint Paul ne veut point parler de Jacques, fils de Zébédée, lisez les Actes des Apôtres, et vous y verrez qu'à cette époque Hérode l'avait déjà fait mettre à mort, Concluons donc que cette Marie, qui est appelée mère de Jacques le Mi neur, était l'épouse d'Alphée et la soeur de Marie, mère du Seigneur, et celle que saint Jean appelle Marie, femme de Cléophas. Si vous croyez qu'il y ait ici deux personnes différentes, parce qu'elle est d'un côté Marie, mère de Jacques le Mineur, et, de l'autre, Marie, femme de Cléophas, rappelez-vous que c'est la coutume des Écritures de donner deux noms différents à la même personne, comme, par ex emple, Raguel, qui est aussi appelée Jéthro (Ex 2, 3). C'est ainsi que la même femme est appelée à la fois Marie de Cléophas, femme d'Alphée, et Marie, mère de Jacques le Mineur; et si elle était la mère du Seigneur, il lui aurait donné ce nom comme dans tous les autres passages. Mais, quand même Marie de Cléophas serait diffé rente de Marie, mère de Jacques et de Joseph, il n'en serait pas moins vrai que Marie, mère de Jacques et de Joseph, n'est point Marie, mère du Seigneur.

S. Aug, (De l'accord des Evang., 13, 21). Nous pourrions encore dire que les femmes qui se tenaient à distance de la croix; au rapport des trois Évangélistes, sont différentes de celles qui se tenaient près de la croix, d'après le récit de saint Jean, si saint Luc et saint Matthieu n'avaient placé Marie-Madeleine parmi celles qui se tenaient au loin, et saint Jean parmi celles qui étaient debout près de la croix. Comment donc expliquer cette difficulté? C'est en disant qu'elles étaient tout à la fois près de la croix, parce qu'elles étaient en présence et comme en face, et loin de la croix en comparaison de la foule, qui se tenait plus près, avec le centurion et sa cohorte. Nous pouvons encore admettre que les femmes, qui étaient avec la mère du Sau veur, commencèrent à s'éloigner, lorsque Jésus l'eut confiée à saint Jean, pour se tirer de la foule et considérer de loin ce qui se passait, ce qui explique comment les Évangélistes, qui n'en parlent qu'après la mort du Seigneur, aient pu dire qu'elles se tenaient au loin.


vv. 57-61

5757 Mt 27,57-61

La Glose. L'Évangéliste, ayant rapporté toute la suite de la passion et de la mort du Seigneur, raconte maintenant ce qui concerne sa sépulture: «Le soir étant venu», etc. - Remi. Arimathie est la même ville que Ramatha, patrie de Samuel et d'Helcana (1R 1), et elle est située dans le pays de Chanaan, près de Diospolis. Ce Joseph avait dans le monde une haute position; mais l'Évangéliste le loue de ce qu'il jouissait, aux yeux de Dieu, d'une considération plus grande encore, car, nous dit-il, il était juste (Lc 23, 50). Il était convenable que ce fût un homme de ce mérite qui ensevelit le corps de Jésus, et qui, par la grandeur de ses vertus, fût digne de lui rendre ce devoir. - S. Jér. L'auteur sacré nous dit qu'il était riche, non point par vanité, et p our nous apprendre qu'un homme aussi distingué par sa noblesse que par son opu lence était disciple de Jésus, mais pour expliquer comment il put obtenir de Pilate le corps du Sauveur: «Il vint trouver Pilate et lui demanda le corps de Jésus». Des pauvres, des gens du peuple, n'auraient osé venir trouver Pilate, gouverneur, qui représentait la puissance romaine, et lui demander le corps d'un crucifié. Ce Joseph est appelé, par un autre Évangéliste, buleutes, c'est-à-dire conseiller (Mc 15,42), et plusieurs pensent que c'est à lui que s'applique ce pre mier psaume: «Heureux l'homme qui n'a pas été dans le conseil des impies», etc.

S. Chrys. (hom. 88). Considérez le courage de cet homme: il s'expose à perdre la vie, en atti rant sur lui la haine de tous les ennemis de Jésus, par l'affection qu'il ne craint pas de lui té moigner, et non-seulement il ose demander le corps de Jésus, mais encore l'ensevelir: «Et Joseph, ayant reçu le corps, l'enveloppa dans un linceul blanc». - S. Jér. La sépulture si simple du Sauveur condamne les prétentions ambitieuses des riches qui veulent que leurs ri chesses les suivent jusque dans leurs tombeaux. Nous pouvons aussi entendre, dans un sens spirituel, la sépulture du corps du Seigneur, qui est enseveli, non dans l'or, ni dans les pierres précieuses, ni dans la soie, mais dans un linge blanc, figure de celui qui reçoit Jésus dans un coeur pur et qui l'enveloppe ainsi dans un linceul blanc. - Remi. Ou bien, dans un autre sens, comme le mot sindon, que nous traduisons par linceul, est un tissu de lin, que le lin vient de la terre, et qu'on ne peut lui donner une blancheur éclatante que par beaucoup d'opérations successives, c'est une figure mystérieuse de ce corps qui vient de la terre, c'est-à-dire du sein d'une Vierge, et qui n'est parvenu que par les travaux de sa passion à la gloire éclatante de l'immortalité. - Rab. C'est de là qu'est venu l'usage, dans l'Église, d'offrir le sacrifice de l'autel, non sur la soie, ni sur une étoffe de couleur, mais sur un tissu de lin qui vient de la terre, comme l'a ordonné le bienheureux pape Sylvestre.

«Et il le déposa dans le sépulcre neuf qu'il avait fait creuser dans le roc». - S. Aug. (serm. 2 pour le Samedi saint). Le Sauveur est déposé dans un sépulcre étranger, parce qu'il mourait pour le salut des autres. Pourquoi aurait-il eu une sépulture en propre, puisque, par lui-même, il n'était pas sujet à la mort? Qu'avait-il besoin d'un tombeau, lui qui n'avait cessé d'avoir son trône dans le ciel? A quoi pouvait lui servir un sépulcre qui lui appartint, lui qui n'y resta que trois jours, plutôt comme un homme qui se repose dans un lit que comme un mort étendu dans un tombeau. Le sépulcre, c'est la demeure de la mort, et la demeure de la mort ne pouvait être celle de Jésus-Christ, qui est la vie, et Celui qui vit éternellement n'avait nul besoin du séjour des morts. - S. Jér. il est déposé dans un sépulcre neuf, car les autres corps restant dans le tombeau après sa résurrection, on aurait pu supposer que c'était un autre qui était ressuscité. Ce sépulcre neuf peut aussi figurer le sein virginal de Marie. Le corps du Sauveur a été ense veli dans un tombeau creusé dans le roc, car si ce tombeau avait été composé de plusieurs pier res, on n'eût pas manqué d'objecter qu'on en avait creusé les fondations, pour dérober secrè tement le corps. - S. Aug. Et encore, si ce tombeau avait été préparé dans la terre, ils au raient pu dire: Ils ont creusé sous terre, et ils l'ont enlevé. S'il n'eût été fermé que par une petite pierre, ils n'auraient pas manqué de dire: Ils sont venus le dérober pendant que nous dormions. «Et ayant roulé une grande pierre à l'entrée du tombeau, il s'en alla». - S. Jér. Cette grande pierre, qui couvre le sépulcre, prouve suffisamment qu'on n'aurait pu l'ouvrir sans le concours d'un grand nombre de personnes.

S. Hil. (can. 33). Dans le sens mystique, Joseph est une figure des Apôtres; il ensevelit le corps dans un linceul blanc. C'est dans un linge semblable que saint Pierre vit descendre du ciel vers lui toutes sortes d'animaux, ce qui signifie que l'Église a été ensevelie avec Jésus-Christ. Le corps du Seigneur est donc placé dans ce lieu de repos, creusé tout nouvellement dans la pierre, parce que Jésus-Christ est déposé, par la prédication des Apôtres, dans le coeur si dur des infidèles, que le travail de la doctrine a creusé, mais qui était jusque-là inaccessible à tout sentiment de crainte de Dieu. Une pierre ferme l'entrée de ce tombeau, pour nous apprendre que nul que le Seigneur ne doit entrer dans nos coeurs, et que, puisqu'avant lui personne n'avait fait pénétrer en nous la connaissance de Dieu, personne ne puisse y être ensuite intro duit que par lui. - Orig. Ce n'est point par hasard qu'il est écrit que Joseph enveloppe le corps dans un linceul blanc, qu'il le dépose dans un sépulcre neuf, et qu'il roule une grande pierre à l'entrée, car tout ce qui approche le corps de Jésus doit avoir pour caractère la pureté, la nouveauté, la grandeur.

Remi. Après que le corps fut enseveli, tandis que tous les autres retournaient chez eux, les femmes seules qui l'avaient aimé plus tendrement restèrent près de son corps et remarquèrent avec grand soin l'endroit où on venait de l'ensevelir, afin de pouvoir, en temps convenable, lui offrir l'hommage de leur piété: «Or, Marie-Madeleine et l'autre Marie étaient là, se tenant près du tombeau». - Orig. Nous ne lisons pas dans l'Évangile que la mère des enfants de Zébédée fut elle-même assise près du sépulcre, peut-être n'avait-elle été que jusqu'au pied de la croix; mais les autres femmes, animées d'une charité plus grande, voulurent être témoins de tout ce qui devait suivre. - S. Hil. Ou bien, alors que tous les autres abandonnent le Seigneur, celles-ci persévèrent dans leur dévouement à Jésus, et attendent l'effet de ses promesses. Aussi elles méritèrent de voir les premières le Sauveur ressuscité, «car celui-là seul qui persévère jusqu'à la fin sera sauvé» (Mt 10, 22; 24, 13). C'est ce que continuent de faire, jusqu'à ce jour, les saintes femmes, c'est-à-dire les âmes qui considèrent, avec une pieuse curiosité, comment s'accomplit et se termine la passion du Christ.


vv. 62-65

5762 Mt 27,62-65

S. Jér. Il ne suffisait pas aux princes des prêtres d'avoir crucifié le Dieu Sauveur; il fallait encore qu'ils gardassent son tombeau, et qu'autant qu'il était en eux ils lui fissent violence pour l'empêcher de ressusciter. «Or, le lendemain, c'est-à-dire le jour d'après la préparation du sabbat», etc. - Rab. Le mot parasceve veut dire préparation, et ce nom était donné au sixième jour pendant lequel on préparait tout ce qui était nécessaire pour le sabbat, comme il était recommandé pour la manne: «Le sixième jour, vous en recueillerez le double». C'est le sixième jour que l'homme a été créé, et c'est le septième que Dieu s'est reposé. Ainsi, Jésus est mort le sixième jour, et il s'est reposé le septième dans le tombeau.

S.J ER. Ce n'est pas assez pour les princes des prêtres d'avoir commis un immense forfait en mettant le Seigneur à mort, il faut encore que leur malice empoisonnée se répande sur lui après sa mort, qu'ils déchirent sa réputation, et qu'ils traitent de séducteurs celui dont ils connaissent l'innocence: Ils disent donc à Pilate: «Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet impos teur, lorsqu'il vivait encore, a dit», etc. Ils agissent ici comme Caïphe, qui avait prophétisé précédemment, sans savoir ce qu'il disait: «Il est avantageux qu'un seul homme périsse pour tout le peuple» (Jn 11). En effet, Jésus-Christ était un séducteur, qui ne faisait point passer de la vérité à l'erreur, mais du mensonge à la vérité, du vice à la vertu, de la mort à la vie.

Remi. Ils prétendent qu'il a dit: «Je ressusciterai après trois jours», parce qu'il avait fait au trefois cette prédiction: «De même que Jonas resta trois jours et trois nuits dans le s ein de la baleine», etc. (Mt 12). Mais il nous faut examiner comment il a ressuscité trois jours après sa mort. Il en est quelques-uns qui ont voulu compter trois heures de nuit pour une nuit, et pour un jour l'aurore qui suivit les ténèbres; mais ils n'ont point compris la portée du langage figuré. Dans ce langage, le sixième jour où Jésus-Christ a souffert comprend la nuit précédente, vient ensuite la nuit du samedi avec le jour qui la suit, et la nuit du dimanche comprend le jour qui vient après. C'est ainsi qu'il est vrai de dire que le Sauveur est ressuscité trois jours après sa mort. - S. Aug. (Serm. sur la Pass). Il est ressuscité trois jours après sa mort, pour mon trer le consentement que toute la Trinité avait donné à la passion du Fils de Dieu, et ces trois jours sont une figure de la Trinité qui avait créé l'homme au commencement, et qui la répare à la fin par la passion de Jésus-Christ.

«Commandez donc que le sépulcre soit gardé jusqu'au troisième jour». - Rab. Les disciples de Jésus-Christ étaient des voleurs dans un sens spirituel, parce qu'ils faisaient servir à l'usage de l'Église les écrits de l'Ancien et du Nouveau Testament, qu'ils avaient enlevés aux Juifs coupables d'ingratitude, et qu'ils leur ont enlevé le Sauveur, pendant qu'ils do rmaient du som meil de l'infidélité, pour le transmettre aux Gentils qui devaient croire en lui. - S. Hil. Cette crainte qu'on enlève le corps, cette garde du sépulcre, ce sceau qu'ils y apposent sont un té moignage de leur folie et de leur incrédulité qui les portent à sceller le sépulcre de celui à la voix duquel ils avaient un vu mort sortir plein de vie du tombeau. - Rab. En ajoutant: «Et cette dernière erreur serait pire que la première», ils disent vrai à leur insu, car le mépris de la grâce de la pénitence fut pour les Juifs pire que l'erreur causée par leur ignorance. - S. Chrys. (hom. 88). Voyez encore comment, sans le vouloir, ils concourent à la démonstration de la vérité, car cette mesure qu'ils firent prendre devint une preuve péremptoire de la résur rection: car, puisque le tombeau fut gardé, aucune fraude n'a été possible, et s'il n'y a pas eu de fraude, il est donc certain et incontestable que le Seigneur est ressuscité. Or, voici ce que leur répond Pilate: «Pilate leur dit: Vous avez des gardes, allez, gardez-le comme vous l'entendrez». - Rab. Il semble leur dire: Qu'il vous suffise de m'avoir fait consentir à la mort de l'innocent; pour le reste, soyez seuls responsables de votre coupable erreur. «Ils s'en allè rent donc, et, pour s'assurer du sépulcre, ils eu scellèrent la pierre et y mirent des gardes». - S. Chrys. (hom. 89). Pilate ne voulut pas que le sceau fût mis sur le sépulcre par les soldats seulement, car les Juifs auraient pu dire alors que les soldats avaient laissé les disciples enlever le corps du Seigneur, et détruire ainsi la foi en sa résurrection; mais ils n'oseraient maintenant l'avancer, puisqu'ils ont eux-mêmes scellé le sépulcre.


CHAPITRE XXVIII


vv. 1-7

5801 Mt 28,1-7

S. Aug. (serm. sur la résurrect).. Après les insultes et les coups, après le fiel mêlé de vinaigre, après les douleurs et le supplice de la croix, le corps renouvelé du Sauveur renaît du sein même du trépas, la vie sort du tombeau où elle était cachée, le salut ressuscite au milieu de la mort où il a puisé une splendeur plus éclatante. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 24). Une question qui n'est pas sans importance est de savoir l'heure précise à laquelle les femmes vinrent au sépulcre; car comment concilier ce que dit saint Matthieu: «Le soir du sabbat», etc., avec le récit de saint Marc: «Et le premier jour de la semaine, de grand matin, Marie Magdeleine et une autre Marie vinrent voir le sépulcre». Nous répondons que saint Matthieu, par le soir, qui est la première partie de la nuit, a voulu exprimer toute la nuit vers la fin de laquelle les femmes vinrent au sépulcre. Comme elles ne pouvaient exécuter auparavant leurs pieux desseins à cause du jour de sabbat, saint Matthieu désigne par le mot nuit, la partie de cette nuit où il leur fut permis de les accomplir. Cette expression «Le soir du sabbat», revient donc à celle-ci: «La nuit du sabbat», c'est-à-dire la nuit qui suit le jour du sabbat, et ce qui suit le prouve assez: «Lorsque le premier jour de la semaine commençait à luire». Ce qui ne serait point vrai, si nous ne comprenions parle mot soir, que la première partie, que le com mencement de la nuit; car ce n'est pas au commencement de la nuit qu'on voit luire l'aurore du premier jour de la semaine, c'est dans le cours de la nuit elle-même, alors qu'elle se dispose à faire place à la lumière, et on sait que l'usage de l'Écriture est d'exprimer le tout par la par tie. Le mot soir signifie donc ici la nuit, à l'extrémité de laquelle on voit poindre l'aurore, et c'est à l'aurore naissante que les saintes femmes vinrent au sépulcre. - B ÈDE. Ou bien dans un autre sens, ce que dit S. Matthieu, que les femmes vinrent au tombeau le soir du sabbat, lorsque le premier jour de la semaine commençait à peine à luire, doit s'entendre en ce sens qu'elles se disposèrent à partir le soir, mais qu'elles n'arrivèrent au tombeau qu'à l'aurore du premier jour de la semaine; c'est-à-dire qu'elles préparèrent, le soir, les parfums dont elles voulaient embaumer le corps du Seigneur, mais elles ne portèrent au tombeau, que le matin, ces parfums préparés de la veille. S. Matthieu, voulant abréger, s'est exprimé ici d'une manière plus obscure, mais les autres Évangélistes ont rapporté plus clairement les faits dans l'ordre où ils se sont passés. Lorsque le Seigneur fut enseveli le sixième jour, les saintes femmes quittè rent le tombeau et préparèrent les parfums et les aromates, alors qu'il leur était permis de le faire, elles suspendirent leur travail le jour du sabbat pour obéir aux prescriptions de la loi, comme sai nt Luc le dit en propres termes. Mais lorsque le jour du sabbat fut passé, et que le retour de la nuit leur permit de reprendre leur travail, pleines d'une tendre charité, elles se hâtè rent d'acheter les parfums qu'elles n'avaient pas eu le temps de préparer entièrement, comme le rapporte saint Marc, pour venir embaumer Jésus, et c'est de grand matin qu'elles arrivent au tombeau. - S. Jér. Ou bien encore, que les Évangélistes racontent que les femmes sont ve nues à des heures différentes, ce n'est pas un signe qu'ils se contredisent, comme l'objectent les impies, mais une preuve du pieux empressement de ces saintes femmes, qui les porte à visi ter souvent le sépulcre, et ne leur permet pas d'être longtemps éloignées du tombeau du Seigneur.

Remi. Il faut aussi se rappeler que dans le sens mystique, S. Matthieu a voulu nous apprendre quel honneur le triomphe de Jésus-Christ sur la mort, et sa glorieuse résurrection avaient fait rejaillir sur cette nuit sacrée, et c'est pour cela qu'il dit: «Le soir du sabbat», etc. Car d'après la marche naturelle du temps, le soir n'aboutit pas immédiatement au jour, mais s'obscurcit, au contraire, jusqu'à la nuit complète; l'Évangéliste veut donc nous montrer par ces paroles que le Seigneur a fait de toute de cette nuit, parla splendeur de sa résurrection, une nuit de clarté et d'allégresse. - B ÈDE. Depuis le commencement du monde jusque là, la marche naturelle du temps était que le jour précédât la nuit, parce que l'homme, ayant perdu par son péché la lumière du paradis, était tombé dans les ténèbres et dans les douleurs de ce monde. Mais mainte nant par une raison pleine de sagesse, le jour vient après la nuit; car, par la foi en la résurrection, nous passons des ténèbres du péché et de l'ombre de la mort à la lumière de la vie par l'effet de la grâce de Jésus-Christ. - S EV. (serm. sur la passion). Jésus-Christ ne vient pas détruire, mais éclairer le jour du sabbat: «Je ne suis pas venu détruire la loi, a-t-il dit, mais l'accomplir». Dieu éclaire ce jour pour lui donner la splendeur qui convient au jour du Seigneur, et le faire briller dans toute l'Eglise, alors que dans la synagogue il était couvert des ténèbres que les Juifs répandaient autour de lui. - Suite. «Marie Magdeleine vint», etc. La femme accourt le soir pour obtenir son pardon, elle qui avait couru le matin vers le crime; elle avait puisé dans le paradis l'esprit d'incrédulité, elle se hâte de venir puiser la foi au sépulcre du Sauveur, elle s'efforce d'arracher la vie du sein même de la mort, après qu'elle a vait trouvé la mort au sein même de la vie. Or, l'Évangéliste ne dit point: Elles vinrent, mais: «Elle vint». Sous le même nom, elles viennent deux, non par hasard, mais par une raison mysté rieuse. Marie Magdeleine vient elle-même, mais elle vient toute autre, un bienheureux change ment s'est opéré en elle, non pas dans son nom, mais dans sa vie, non pas dans son sexe, mais dans les dispositions de son âme. Ces femmes, appelées toutes deux Marie, précèdent les Apô tres, et portent pour ainsi dire le symbole des Églises au tombeau du Seigneur. Marie est le nom de la mère de Jésus-Christ, ce même nom est porté simultanément par deux femmes comme figure de l'unité de l'Église qui est composée de deux peuples, c'est-à-dire des Gentils et des Juifs. Or, Marie vint au sépulcre comme au sein qui devait enfanter la résurrection, d'où Jésus-Christ devait naître de nouveau à la foi, comme il était né du sein de sa mère à cette vie mortelle; de manière que le sépulcre fermé rendit à la vie éternelle celui que le chaste sein d'une vierge avait enfanté à la vie présente. C'est une preuve éclatante de sa divinité d'avoir laissé intacte et ferme le sein de la Vierge qui lui avait donné le jour, comme aussi d'être sorti avec son corps de ce tombeau qu'il laisse également fermé.

«Et voici qu'il se fit un grand tremblement de terre», etc. - S. Jér. Notre-Seigneur, tout à la fois Fils de Dieu, et Fils de l'homme, selon sa double nature divine et humaine, donne tour à tour des signes, tantôt de sa grandeur, tantôt de son humilité; ainsi dans cet endroit, quoique celui qui a été crucifié et qui a été enseveli soit homme, cependant tous ces prodiges qui écla tent au dehors, proclament qu'il est en même temps Fils de Dieu. - S. Hil. (can. dern. sur S. Matth). Ce tremblement de terre, c'est la puissance de résurrection que déploie en ressuscitant le Seigneur des vertus célestes, lorsqu'après avoir émoussé l'aiguillon de la mort, et éclairé ses profondes ténèbres, il fait trembler les enfers et les saisit d'épouvante. - S. Chrys. (hom, 89). Ou bien, ce tremblement de terre eut lieu pour tirer les saintes femmes de leur sommeil; car elles étaient venues pour embaumer le corps, et comme il était nuit, il est probable que quel ques-unes d'entre elles s'étaient endormies. - B ÈDE. La terre tremble, lorsque le Seigneur ressuscite du tombeau, comme elle a tremblé lorsqu'il était mort sur la croix, et nous annonce qu'il faut que les coeurs des hommes, pour se convertir, soient pénétrés d'une crainte salutaire par la foi que nous devons avoir d'abord en sa passion, puis en sa résurrection. - S. Jér. Si la terre a ainsi tremblé, alors que le Seigneur ressuscitait pour la justification des saints, combien plus tremblera-t-elle lorsqu'il se lèvera pour punir les pécheurs, selon cette parole du prophète: «La terre a tremblé, lorsque le Seigneur se levait pour le jugement» (Ps 75) Comment pourra-t-elle soutenir la présence de Dieu, elle qui n'a pu soutenir la présence d'un ange? «Et un ange du Seigneur descendit du ciel». Du moment que Jésus-Christ ressuscite, et que la mort est détruite, le commerce se rétablit entre le ciel et la terre, et la femme qui avait reçu autrefois du démon un conseil de mort, entend sortir de la bouche d'un ange des paroles de vie. - S. Hil. C'est un effet insigne de la miséricorde de Dieu, d'employer au moment où son Fils ressuscita des enfers le ministère de ses anges, et il devient ainsi lui-même comme le héraut de la première résurrection en la faisant annoncer par un de ceux qui sont les ministres habituels de la volonté de son Père. - B ÈDE. Jésus-Christ étant tout à la fois Dieu et homme, jamais le ministère et le service des anges, auquel il avait droit comme Dieu, ne lui a fait défaut dans le cours de sa vie mortelle: «Il s'approcha, et renversa la pierre», non pas pour ouvrir un passage par où le Seigneur put sortir du tombeau, mais prouver, au contraire, qu'il en était déjà sorti; car celui qui a pu venir au monde sans ouvrir par sa naissance le sein d'une vierge, a bien pu, en ressuscitant à une vie immort elle, sortir du monde en laissant fermé le tombeau qu'il quittait.

Remi. Cette pierre renversée signifie que les mystères de Jésus-Christ qui étaient couverts par la lettre de la loi, sont maintenant dévoilés; car la loi a été écrite sur la pierre, et cette pierre en est la figure. - S EV. Il ne dit pas: Il roula la pierre, mais: «Il la renversa»; car la pierre, roulée à l'entrée du tombeau, était une preuve de la mort de Jésus-Christ, tandis qu'étant ren versée, elle est une démonstration de sa résurrection. L'ordre naturel des choses est ici renver sé; le tombeau dévore la mort elle-même, et non le cadavre; la demeure de la mort devient un séjour vivifiant; nous voyons ici un sein d'un nouveau genre, il reçoit un mort et rend un vi vant: «Et il était assis sur la pierre». Il était assis sans être sujet à aucune fatigue; mais comme docteur de la foi, pour annoncer la résurrection; et il était assis sur la pierre pour que la solidité de cette chaire put affermir la foi des croyants. L'ange posait les fondements de la foi sur cette pierre sur laquelle Jésus-Christ devait fonder son Église. - Ou bien cette pierre du tombeau peut être considérée comme une figure de la mort qui pesait sur tous les hommes; et l'ange assis sur la pierre nous représente Jésus-Christ qui a triomphé de la mort par sa puis sance. - B ÈDE. (hom. 1). L'ange qui est venu annoncer au monde l'avènement du Seigneur se tint debout avec raison, déclarant par cette attitude que le Seigneur était venu pour combat tre le prince de ce monde, tandis que le héraut de la résurrection nous est représenté assis, pour marquer que le Sauveur était monté sur son trône éternel après avoir triomphé de l'auteur de la mort. Il était assis sur la pierre renversée, qui fermait précédemment l'entrée du sépulcre, pour nous apprendre qu'il avait fait tomber par sa puissance les portes de l'enfer. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 3, 24). On sera peut-être surpris de ce que, d'après le récit de saint Mat thieu, l'ange était assis sur la pierre du sépulcre qu'il avait renversée, tandis que saint Marc nous dit que les femmes étant entrées dans ce sépulcre, virent un jeune homme assis à la droite. Mais on peut répondre que saint Matthieu n'a point parlé de l'ange qu'elles virent en entrant dans le sépulcre, ni saint Marc de celui qui était assis sur la pierre, de manière qu'elles virent deux anges, et entendirent séparément de leur bouche ce qu'ils venaient leur apprendre de Jé sus. Ou bien encore, ces paroles: «Elles entrèrent dans le tombeau», doivent s'expliquer d'un mur de clôture, dont il est probable que le tombeau était entouré, ou d'un endroit particulier qui se trouvait devant la pierre dans laquelle on avait creusé le tombeau, de manière que les saintes femmes aient pu dans ce même endroit, voir assis, à droite, l'ange qui, d'après S. Mat thieu était assis sur la pierre.

«Son visage brillait comme l'éclair», etc. - S EV. L'éclat du visage est distinct de la blan cheur des vêtements; son visage est comparé à l'éclair, et ses vêtements à la neige, parce que l'éclair vient du ciel, et que la neige vient de la terre, c'est pour cela que le prophète a dit: «Louez le Seigneur du sein de la terre, feu, grêle, neige», etc. (Ps 147) L'ange conserve sur son visage l'éclat de sa nature céleste, et ses vêtements figurent la faveur qu'il nous fait d'entrer en communion avec notre nature. L'aspect de cet ange qui s'adresse aux saintes fem mes est donc tempéré de manière que des yeux mortels puissent supporter la douce clarté de ses vêtements, et que l'éclat de son visage leur fassent craindre et révérer en lui l'envoyé de celui qui les a créées. - I DEM. Mais pourquoi ces vêtements, là où il n'y a aucune nécessité de se couvrir? C'est que l'ange figure ici, par avance, la forme et la figure que nous devons avoir dans la résurrection, alors que l'homme sera revêtu d'un corps éclatant. - S. Jér. Par ce vêtement blanc, l'ange nous représente encore la gloire de Jésus-Christ triomphant. - S. Grég. (hom. sur la Pâq). Ou bien dans un autre sens, la foudre produit le tremblement et la crainte; la neige frappe par sa blancheur. Or, comme le Dieu tout-puissant est à la fois terrible pour les pécheurs, et plein de douceur pour les justes, l'ange, témoin de sa résurrection, doit apparaître avec un visage éclatant et des vêtements blancs comme la neige, afin que son aspect épouvante à la fois les méchants, et calme les craintes des âmes pieuses: «Les gardes en furent tellement saisis de frayeur», etc. La crainte et l'anxiété les glacent d'effroi, parce qu'ils n'avaient pas la confi ance qu'inspire l'amour, et ils devinrent comme morts, parce qu'ils ne voulurent pas croire la vérité de la résurrection. - Sév. Car ils gardaient le tombeau par un instinct de cruauté, et non par un sentiment de piété. Or, celui que sa conscience abandonne et que le remord accable, ne peut rester debout: Voilà pourquoi l'ange renverse les impies, tandis qu'il adresse la parole aux âmes justes pour les consoler.

«Et l'ange s'adressant aux femmes», etc. - S. Jér. Les gardes, glacés d'effroi, sont là éten dus immobiles comme des morts, et cependant ce n'est pas à eux, mais aux saintes femmes, que l'ange adresse des paroles de consolation: «Pour vous, ne craignez pas», comme s'il leur disait Qu'ils craignent ceux qui persévèrent dans leur incrédulité, mai s pour vous qui cher chez Jésus crucifié, apprenez qu'il est ressuscité et qu'il a accompli les prédictions qu'il a fai tes: «Car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié». - S EV. Elles cherchaient en core celui qui avait été crucifié et qui était mort, car la cruelle tempête de la passion avait trou blé leur foi, et le poids de cette épreuve les avait tellement abattues qu'elles cherchaient, dans le tombeau, le Dieu du ciel. «Il n'est point ici». - Rab. Il n'y est point présent corporelle ment, l ui qui se trouve cependant partout par la présence de sa majesté: «Il est ressuscité comme il l'avait dit». - S. Chrys. (hom. 89). L'ange semble leur dire: Si vous ne voulez pas me croire, souvenez-vous de ses paroles. Il leur donne ensuite une autre preuve en ajoutant: «Venez et voyez le lieu où avait été mu le Seigneur». - S. Jér. Si ne croyez pas à mes paro les, vous en croirez du moins au sépulcre qui est vide. - S. Jér. L'ange rappelle donc d'abord le nom de Jésus-Christ, puis sa croix et sa passion; mais il ne tarde pas à parler de sa résurrection, et bientôt il proclame qu'il est le Seigneur. Ainsi, après de si grands supplices, après le tombeau, l'ange n'hésite pas à reconnaître Jésus-Christ pour son Dieu, pourquoi donc l'homme prétend-il ou que Dieu s'est amoindri en se faisant homme, ou que sa puissance lui a fait défaut dans sa passion? L'ange dit: «Qui a été crucifié», et il montre le lieu où on avait mis le corps du Sauveur, afin qu'on ne pût croire que c'était un autre et non pas lui-même qui était ressuscité d'entre les morts. Or, puis que le Seigneur a voulu ressusciter dans la même chair et donner des preuves si évidentes de sa résurrection, pourquoi l'homme croirait-il qu'il doit ressusciter dans une chair différente de la sienne? Est-ce que le serviteur aurait du dédain pour sa chair, alors que le Seigneur n'a pas voulu changer celle qu'il a reçue de nous? - Rab. Mais une aussi grande joie n'est pas desti née à rester cachée dans vos coeurs; vous devez publier cette heureuse nouvelle à ceux qui partagent votre amour pour Jésus-Christ. «Et hâtez-vous d'aller dire à ses disciples qu'il est ressuscité». - S ÉV. Comme s'il disait: Femme qui est maintenant guérie, reviens trouver cet homme, et persuade-lui la foi, toi qui lui a persuadé autrefois l'incrédulité; porte à l'homme la preuve de la résurrection, toi qui lui as donné autrefois le conseil qui l'a perdu. «Voici qu'il sera avant vous en Galilée» - S. Chrys. (hom. 89). L'ange ajoute ces paroles, pour leur ôter toute crainte de danger qui aurait pu être. un obstacle à la foi. - S. Jér. Il vous précédera dans la Galilée, c'est-à-dire au sens mystique, dans le bourbier des nations, là où il n'y avait auparavant qu'erreur ténébreuse et terrain glissant, et où on ne pouvait poser le pied avec sû reté. «C'est là que vous le verrez; je vous en avertis par avance. - Bède. C'est avec raison que le Seigneur apparaît à ses disciples dans la Galilée, lui qui avait déjà passé de la mort à la vie, de la corruption à l'incorruptibilité, car le mot Galilée signifie transmigration. Heureuses femmes, qui méritèrent d'annoncer au monde le triomphe de la résurrection. Plus heureuses encore les âmes qui, au jour du jugement, mériteront d'entrer dans la joie de la bienheureuse résurrection, tandis que les méchants seront saisis d'épouvante.



Catena Aurea 5751