Catena Aurea 5808

vv. 8-10

5808 Mt 28,8-10

S. Hil. (can. 41) L'ange avait à peine cessé de parler aux saintes femmes que Jésus se pré senta devant elles, afin qu'en annonçant aux disciples, qui étaient dans l'attente, la nouvelle de la résurrection, elles pussent leur transmettre ses paroles en même temps que celles de l'ange. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 13, 24). L'Évangéliste dit qu'elles sortirent du tombeau, c'est-à-dire de l'enclos en forme de jardin, qui se trouvait devant le sépulcre creusé dans le roc. - S. Jér. Leur âme était partagée entre deux sentiments, la crainte et la joie, produites, l'une par la grandeur du miracle, l'autre par le désir de voir Jésus ressuscité, et ces deux sentiments réunis leur faisaient presser leur marche «Et elles coururent annoncer cette nouvelle aux disci ples». Elles allaient trouver les Apôtres, afin que la semence de la foi fût répandue par leur ministère. Un zèle aussi ardent, un empressement aussi marqué les rendait dignes que le Seigneur ressuscité vînt à leur rencontre: «En même temps, Jésus se présenta devant elles et leur dit: Je vous salue». - Rab. Il nous apprend ainsi qu'il va, par sa grâce, au-devant de ceux qui commencent à marcher dans la voie des vertus, et leur donne de parvenir au salut éternel. - S. Jér. Les femmes sont les premières qui méritent d'entendre cette parole: «Le salut soit à vous», et nous sommes ainsi affranchis dans la personne des femmes de la malédiction en courue par Eve la première femme.

SÉV. Nous voyons, dans ces femmes, une figure parfaite de l'Église, car, en s'adressant à ses disciples, Jésus-Christ leur reproche leurs doutes et les rassure contre leurs appréhensions, tandis qu'en venant au-devant de ces saintes femmes, il ne les effraye pas par le spectacle de sa puissance, mais les prévient par l'ardeur de sa charité, car c'est à lui-même qu'il souhaite le salut dans la personne de l'Église, avec laquelle il ne fait qu'un seul corps. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 24). Nous concluons de la lecture comparée des Évangélistes que les anges ont adressé deux fois la parole aux saintes femmes dans leur visite au tombeau: la pre mière fois lorsqu'elles virent l'ange dont parle saint Matthieu et saint Marc, et la seconde lors qu'elles virent les deux dont par lent saint Luc et saint Jean. Le Seigneur leur parla également deux fois, d'abord lorsque Marie le prit pour le jardinier, et, une seconde fois, lorsqu'il vint à leur rencontre, dans le chemin, pour affermir leur courage et dissiper toutes leurs craintes par cette seconde manifestation. - Sév. Mais, d'un côté, Jésus ne permet pas à Marie de le toucher, ici, au contraire, il accorde aux saintes femmes, non-seulement de le toucher, mais de tenir embrassés ses pieds: «Elles s'approchèrent, et, embrassant ses pieds, elles l'adorèrent». - Rab. Nous avons dit plus haut qu'il est ressuscité sans ouvrir son tombeau, pour nous ap prendre que ce même corps, qui avait été déposé après sa mort dans un tombeau fermé, était revêtu d'immortalité, Il présente maintenant ses pieds aux pieux embrassements des saintes femmes, pour leur prouver qu'il a une véritable chair, qui peut être touchée par les hommes. - S EV. Ces femmes tiennent embrassés les pieds de Jésus-Christ, parce qu'elles sont, dans l'Église, la figure de la prédication évangélique, et qu'elles ont mérité cet honneur par leur pieux empressement; et elles étreignent ainsi, par la foi, les pieds de leur Sauveur, pour obtenir l'honneur de connaître la divinité toute entière. Celle au contraire qui, sur la terre, pleure le Seigneur, et qui cherche comme mort, dans le sépulcre, celui dont elle ne sait pas qu'il règne dans les cieux avec son Père, entend de sa bouche ces paroles: «Ne me touchez pas». Il n'y a aucune difficulté que ce soit la même Marie, qui, d'un côté, élevée au sommet de la foi, touche les pieds de Jésus-Christ et l'étreint de toute la force d'un saint amour, et qui, de l'autre, abat tue sous le poids de l'infirmité de la chair et de la faiblesse naturelle à son sexe, est agitée par le doute et ne mérite point de toucher son Créateur. D'un côté, sa foi est un symbole; de l'autre, ses doutes viennent de la faiblesse de son sexe. Ici, il faut voir l'action de la grâce divine; là, l'infériorité de la nature humaine, car, lorsque nous parvenons à la co nnaissance des choses divines, nous vivons pour Dieu; mais, lorsque nous avons des goûts terrestres, notre aveugle ment vient de nous-mêmes. Ces saintes femmes embrassèrent les pieds du Seigneur, pour ap prendre ainsi que, dans un sens figuré, la tête de Jésus-Christ était l'homme, que, pour elles, elles étaient à ses pieds, et qu'elles devaient suivre et non précéder en Jésus-Christ l'homme qui leur était donné. Le Sauveur leur répète ce que l'ange leur avait dit, pour augmenter en elles la confiance que le discours de l'ange leur avait inspirée.

«Alors Jésus leur dit: Ne craignez point». - S. Jér. Nous pouvons remarquer, dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, que toutes les fois que Dieu favorise les hommes d'une vision plus auguste, il commence par bannir la crainte, pour que les hommes puissent entendre dans le calme de leur âme les paroles qu'il veut leur adresser. - S. Hil. Nous voyons reproduit ici, mais dans un sens contraire, la marche suivie dans le grand événement qui a été la cause de notre perte; c'est par une femme que la mort est entrée dans le monde, ce sont des femmes aussi qui, les premières, méritent de voir et d'annoncer la gloire de la résurrection, et c'est pour cela que le Seigneur ajoute: «Allez, et dites à mes frères qu'ils se rendent en Gali lée; c'est là qu'ils me verront». - Sév. Il appelle ses frères ceux qu'il s'est unis par les liens du corps qu'il a pris; il appelle ses frères ceux que, dans sa bonté, il a fait ses cohéritiers, lui l'héritier de Dieu; il appelle ses frères ceux qu'il a adoptés pour les enfants de son Père. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 24). Chaque fidèle doit être attentif à rechercher dans quel dessein mystérieux le Seigneur commande, et par l'ange et par lui-même à ses disciples, d'aller pour le voir, non pas dans l'endroit où il devait d'abord se manifester, mais dans la Ga lilée, où il a été vu plus tard. Le mot Galilée signifie à la fois transmigration et révélation; or, que nous donne à comprendre la première signification, si ce n'est que la grâce de Jésus-Christ devait passer du peuple d'Israël aux Gentils, auxquels les Apôtres n'auraient jamais confié le dépôt de la prédication évangélique, si le Seigneur lui-même ne leur avait préparé la voie dans le coeur des hommes? C'est ce que veulent dire ces paroles: «Il vous précédera en Galilée». Celles qui suivent: «C'est là que vous le verrez», signifient: C'est là que vous trouverez ses membres; c'est là que vous reconnaîtrez son corps vivant dans la personne de ceux qui vous recevront. Si l'on donne au mot Galilée le sens de révélation, ce mot signifiera qu'il faut com prendre Jésus-Christ, non plus dans la forme de serviteur, mais dans cette nature qui le rend l'égal de son Père. Cette révélation, comme une véritable Galilée, aura lieu «lorsque nous lui serons semblables, et que nous le verrons tel qu'il est». Ce sera là aussi la plus heureuse transmigration, celle de cette vie à l'éternité.


vv. 11-15

5811 Mt 28,11-15

S. Chrys. (hom. 90). Parmi les prodiges qui entourèrent la mort et la résurrection de Jésus-Christ, les uns, comme les ténèbres furent communs à tout l'univers, les autres furent particu liers aux soldats qui gardaient le tombeau, comme l'apparition miraculeuse de l'ange et le trem blement de terre que Dieu permit pour 1es remplir d'effroi et les forcer de rendre témoignage à la vérité. Car la vérité brille d'un plus vif éclat lorsqu'elle est répandue par ses propres adver saires, et c'est ce qui est arrivé ici: «Quand elles furent parties, quelques-uns des gardes vin rent dans la ville, et annoncèrent aux princes des prêtres tout ce qui s'était passé». - Rab. Souvent la simplicité d'une âme sans instruction, et même une ignorance grossière, révèle la vérité sans artifice et telle qu'elle est, tandis que l'astucieuse malignité s'efforce de faire passer le mensonge pour la vérité, en lui donnant les dehors de la vraisemblance. - S. Jér. Ainsi, les princes des prêtres qui auraient dû se convertir, et chercher eux aussi Jésus ressuscité, persévèrent dans leur malice et se servent de l'argent qui devait être consacré à l'usage du temple pour acheter un mensonge, de même qu'ils ont donné précédemment trente pièces d'argent au traî tre Judas: «Ceux-ci rassemblèrent les anciens, et, ayant tenu conseil, ils donnèrent une grosse somme d'argent aux soldats». - Sév. Ce n'est pas assez pour eux d'avoir mis le Maître à mort, ils cherchent encore les moyens de perdre les disciples, et veulent leur faire un crime de la puissance de leur maître. Oui les soldats ont laissé échapper, et les Juifs ont perdu le corps de Jésus; mais, si les disciples l'ont enlevé, ce n'est point furtivement, mais par la foi; ce n'est point par fraude, mais par leur vertu; ce n'est point par un crime, mais par leur sainteté, et ils l'ont enlevé plein de vie, et non comme une victime de la mort. - S. Chrys. (hom. 90). Car comment des hommes pauvres, sans esprit, et qui n'osaient se montrer, auraient-ils osé enlever le corps de leur maître? Si, lorsqu'ils vivaient encore, ils se sont tous enfui, comment, après sa mort, n'auraient-ils pas craint cette multitude de gens armés? Et encore, est-ce qu'ils pou vaient renverser la pierre du sépulcre qui ne pouvait être soulevée que par plusieurs bras? Est-ce que le sceau public n'y avait pas été apposé? Pourquoi d'ailleurs ne l'ont-ils pas dérobé la première nuit, lorsqu'il n'y avait aucune garde au tombeau? car ce n'est que le jour du sabbat qu'ils demandèrent une garde à Pilate. Que signifient encore ces suaires que Pierre vit placés dans le sépulcre? Si les disciples avaient voulu dérober le corps, ils ne l'eussent pas enlevé dépouillé de son linceul, non-seulement par respect, mais encore pour ne pas être retardés par cette opération et donner aux soldats les moyens de s'emparer d'eux, d'autant plus que la myrrhe était tellem ent gluante et collée au corps et au linceul qu'il était fort difficile de le déta cher du corps. Tout ce qu'on a dit sur ce vol prétendu n'a donc aucune vraisemblance, et tout ce que les Juifs ont amassé pour obscurcir le fait de la résurrection n'a servi qu'à le rendre plus éclatant, car, en publiant que les disciples ont enlevé le corps de Jésus, ils avouent que le corps n'était plus dans le sépulcre. Or, la crainte dont les Apôtres étaient remplis, et le soin avec le quel les soldats gardaient le tombeau démontrent l'impossibilité de cet enlèvement. - Remi. Mais si d'ailleurs les gardes dormaient, comment purent-ils voir qu'on avait enlevé le corps? et, s'ils n'ont pu le voir, comment ont-ils pu servir de témoins? Ils n'ont donc pu atteindre le but qu'ils se proposaient. - La Glose. Ils vont même au-devant de la crainte que les soldats auraient pu avoir que le gouverneur punit leur négligence, s'ils répandaient ce mensonge: «Et si cela vient à la connaissance du gouverneur, nous l'apaiserons et nous vous mettrons à cou vert». - S. Chrys. (hom. 90). Voyez comme la corruption est générale: Pilate s'est laissé gagner, le peuple juif soulever et les soldats corrompre. «Et les soldats ayant reçu l'argent firent ce qu'on leur avait dit». Puisque l'argent n, une telle force sur l'esprit d'un disciple que de lui faire trahir son divin Maître, ne soyez pas surpris de voir des soldats gagnés eux-mêmes à prix d'argent. - S. Hil. C'est à ce prix qu'on achète le silence sur la résurrection et le men songe de l'enlèvement du corps, parce qu'en effet la gloire du monde, qui consiste dans l'estime et le désir de l'argent, est une négation de la gloire de Jésus-Christ.

Rab. De même que le crime du sang répandu, qu'ils ont appelé sur eux et sur leurs enfants, les accable du poids énorme de leurs péchés, ainsi ce mensonge qu'ils achètent, et qui a pour but de nier la vérité de la résurrection, les tient enchaînés dans les liens d'un crime qui dure à ja mais: «Et ce bruit qu'ils répandirent se répète encore aujourd'hui parmi les Juifs». - Sév. (comme précéd). Ce bruit s'est répandu parmi les Juifs, mais non parmi les chrétiens, car ce que les Juifs ont voulu obscurcir dans la Judée, à prix d'argent, la foi l'a fait briller du plus vif éclat dans tout l'univers. - S.Hil. Tous ceux qui font abus de l'argent du temple, ou de tout ce qui doit servir à l'usage de l'Église, pour satisfaire leurs désirs ou leurs passions, sont sem blables aux scribes et aux prêtres qui achètent à prix d'argent le mensonge et le sang de Jésus-Christ.


vv. 16-20

5816 Mt 28,16-20

Bède. (hom. 1). Après nous avoir rapporté comment l'ange vint annoncer la résurrection du Sauveur, saint Mathieu raconte comment le Seigneur se manifesta à ses disciples: «Or, les onze disciples s'en allèrent en Galilée, sur la montagne où Jésus leur avait ordonné de se ren dre», car, lorsqu'il se dirigeait vers le lieu de sa mort, il avait dit à ses disciples «Après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée» (Mt 26, Mc 14). L'ange avait dit aussi aux femmes: «Annoncez à ses disciples qu'il vous précédera en Galilée». C'est donc à un ordre de leur divin Maître que les disciples obéissent. L'Évangéliste ne compte avec raison que onze disciples qui vont pour adorer Jésus, car un d'eux avait péri, celui qui avait trahi son Seigneur et son Maître.

S. Jér. Après sa résurrection, Jésus se manifeste donc sur une montagne de Galilée, et il y est adoré malgré le doute de quelques-uns, doute qui sert à augmenter notre foi. «Et, le voyant, ils l'adorèrent, et quelques-uns néanmoins doutèrent». -
Remi. C'est ce que saint Luc explique plus clairement, car il rapporte que lorsque le Seigneur, après sa résurrection, apparut à ses disciples, ceux-ci, troublés et saisis de frayeur, s'imaginaient voir un esprit. - Rab. Le Sau veur apparaît à ses disciples sur une montagne, pour signifier que ce corps, qu'il avait pris en naissant, de la terre, origine commune de tous les hommes, avait été, par sa résurrection, élevé au-dessus de toutes les choses terrestres, et aussi pour apprendre aux fidèles que, pour contempler les sublimes mystères de sa résurrection, il faut s'efforcer de quitter les voluptés basses et charnelles et s'élever jusqu'aux désirs des choses du ciel. Or, Jésus précède ses disci ples en Galilée, parce qu'il est ressuscité comme les premiers de ceux qui dorment (1Co 16). Ceux qui appartiennent à Jésus-Christ viennent après lui, et passeront, chacun à son rang, de la mort à la vie, pour contempler la divinité dans sa propre nature; et le mot Galilée, qui signifie révélation, confirme cette interprétation. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 24). Mais comment le Seigneur a-t-il pu se manifester corporellement dans la Galilée, car il est certain que ce ne fut pas le jour même de sa résurrection, puisque ce jour-là, vers le commenc ement de la nuit, il se manifesta dans la ville de Jérusalem, comme saint Luc et saint Jean s'accordent à le dire. Ce ne fut pas non plus les huit jours suivants, puisque saint Jean rapporte qu'après ces huit jours, il apparut à Thomas, qui ne l'avait pas vu le jour de sa résurrection, à moins toutefois que l'on ne prétende que les onze dont il parle n'étaient point les onze qui portaient dès lors le nom d'Apôtres, mais que c'étaient onze disciples choisis dans le grand nombre de ceux qui avaient embrassé la doctrine de Jésus-Christ. Mais voici à cela une autre difficulté, lorsque saint Jean raconte que le Seigneur fut vu, non pas sur la montagne par les onze, mais sur les bords de la mer de Tibériade, par sept d'entre eux occupés à la pèche, il s'exprime ainsi: «Ce fut pour la troisième fois que Jésus se manifesta à ses disciples», ce qu'il faut entendre du nombre, non des jours, mais des manifestations. Or si nous admettons que cette apparition aux onze disciples, quels qu'ils soient, eut lieu dans l'intervalle de ces huit jours, avant qu'il apparut à Thomas, l'apparition sur les bords du lac de Tibériade ne sera plus la troisième, mais la quatrième, et nous serons ainsi forcés d'admettre que ce fut tout à fait en dernier lieu que Jésus apparut aux onze sur la montagne de Galilée. Nous trouvons donc, dans les quatre Évangélistes, que le Seigneur s'est manifesté par dix fois différentes après sa résur rection: une première fois, aux femmes qui visitaient son tombeau; une seconde fois, à ces mêmes femmes, lorsqu'elles revenaient de visiter le sépulcre; la troisième fois, à Pierre; la quatrième, à deux disciples qui allaient au bourg d'Emmaüs; la cinquième, à plusieurs autres disciples, parmi lesquels ne se trouvait pas Thomas, dans la ville de Jérusalem, la sixième, à Thomas lui-même, au milieu des autres disciples; la septième, près du lac de Tibériade; la huitième, sur la montagne de Galilée, d'après saint Matthieu, la neuvième, au rapport de saint Marc, dans le dernier repas qu'il fit avec ses disciples, et après lequel il ne devait plus manger avec eux sur la terre, la dixième fois, non plus sur la terre, mais lorsqu'il s'élevait sur une nuée et montait ainsi au ciel, dernière manifestation que rapportent saint Marc et saint Luc. Mais tout ce qu'a fait Jésus n'a pas été écrit, comme le déclare saint Jean, car Jésus eut de fréquentes relations avec ses disciples, pendant les quarante jours qui précédè rent son ascension.

Remi. Les disciples, en voyant le Seigneur, le reconnurent aussitôt, et ils l'adoraient les yeux baissés vers la terre. C'est pourquoi ce bon et tendre Maître, pour faire disparaître toute incer titude de leurs coeurs, s'approcha d'eux et les fortifia dans la foi: «Et Jésus s'approchant, leur parla ainsi: Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre». - S. Jér. Cette puis sance a été donnée à celui qui venait d'être crucifié, enseveli dans le tombeau, et qui était en suite ressuscité. - Rab. Il ne parle pas ici de sa divinité coéternelle au Père, mais de l'humanité qu'il avait prise, et selon laquelle il avait été mis un peu au-dessous des anges. - S EV. (ou S. Chrysolog., serm. 80). Car le Fils de Dieu a communiqué au fils de la Vierge, Dieu à l'homme, la Divinité à la chair, ce qu'il possédait de toute éternité avec son Père. - S. Jér. Toute puissance lui est donnée dans le ciel et sur la terre, afin qu'il pût régner sur la terre, par la foi que les chrétiens auraient en lui, comme il règne dans le ciel. - Remi. Ce que le Psalmiste a prédit du Seigneur ressuscité: «Vous l'avez établi sur l'oeuvre de vos mains», le Sauveur se l'applique à lui-même dans ces paroles: «Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre». Et il faut se rappeler ici qu'avant que le Seigneur fût ressuscité d'entre les morts, les anges savaient qu'ils étaient soumis au Christ fait homme. Or, Jésus-Christ voulant aussi faire connaître aux hommes que toute puissance lui avait été donnée dans le ciel et sur la terre, il envoya des prédicateurs pour annoncer la parole de vie à tous les peuples: «Allez donc, enseignez toutes les nations». - Bède. Lui qui, avant sa passion, leur avait dit: «Vous n'irez point dans la voie des nations», (Mt 10) leur dit lorsqu'il est ressuscité des morts: «Allez, instruisez tous les peuples». Que les Juifs soient donc confondus, eux qui prétendent que le Christ ne viendra seulement que pour le salut de leur nation. Que les donatistes rougis sent, eux qui voulant renfermer Jésus-Christ dans un espace déterminé, ont osé dire qu'il n'était que dans l'Afrique, à l'exclusion des autres contrées de la terre.

S. Jér. Ils commencent par enseigner les nations, et c'est après les avoir enseignées qu'ils les baptisent dans l'eau; car il est impossible que le corps reçoive le sacrement de baptême avant que l'âme ait reçu la vérité de la foi. «En les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit», afin qu'il n'y ait qu'une seule et même grâce, comme il n'y a entre eux qu'une seule et même divinité, puisque le nom de Trinité ne signifie qu'un seul Dieu. S EV. (ou S. Chrysolog., serm. 80). C'est donc la même puissance qui répare et sanctifie toutes les nations qu'elle a créées et appelées à la vie.

Dydime. (Du Saint-Esprit, liv. 2). Il peut exister des hommes assez insensés, pour essayer de baptiser en omettant un de ces trois noms, contrairement à la loi portée par Jésus-Christ; mais leur baptême sera sans effet, et ils ne pourront délivrer de leurs péchés ceux qu'ils auront cru baptiser de la sorte. Concluons de là combien la substance de la Trinité est indivisible, et que le Père est vraiment le Père du Fils, le Fils vraiment le Fils du Père, et l'Esprit saint réellement l'Esprit du Père et du Fils-Dieu, et aussi de la sagesse et de la vérité, c'est-à-dire du même Fils de Dieu. Voilà la foi qui sauve les fidèles, et l'économie de la discipline ecclésiastique trouve sa perfection dans cette auguste Trinité.

S. Hil. Que ne contient pas en effet ce sacrement de notre salut. Tout y est plein, tout y est parfait, comme venant de celui qui possède toute plénitude et toute perfection. Le nom de Père exprime la nature de la première personne; mais elle est Père seulement, et ne doit pas à un autre, comme les hommes, d'être Père. Le Père n'a pas été engendré, il est éternel; il a tou jours en lui le principe qui le fait exister; il n'est connu que du Fils, etc. Le Fils est engendré de celui qui ne l'a pas été, un de celui qui est un, vrai de celui qui est vrai, vivant de celui qui est vivant, parfait de celui qui est parfait, vertu de la vertu, sagesse de la sagesse, gloire de la gloire, image du Dieu invisible, figure du Père qui n'a pas été engendré. L'Esprit saint ne peut pas être séparé de la confession que nous faisons du Père et du Fils, et cette consolation de notre espérance ne nous fait défaut en aucune circonstance. C'est lui qui est le gage des pro messes futures, par les opérations de ses dons, lui qui est la lumière de l'intelligence, lui qui est la splendeur des esprits. Les hérétiques, qui ne peuvent pas changer ces vérités, essaient de les expliquer d'une manière toute humaine. C'est ainsi que Sabellius étend la paternité jusqu'au Fils, et admet une distinction plutôt dans leurs noms divers que dans leurs personnalités différentes, reconnaissant lui-même à sa manière, un Père et un Fils, puisque, suivant lui, le Fils n'est autre que le Père. C'est ainsi qu'Ebion n'attribue d'autre origine à Jésus-Christ que celle qu'il tire de la Vierge Marie, et qu'il prétend que ce n'est pas l'homme qui vient de Dieu, mais Dieu qui vient de l'homme. C'est ainsi que les Ar iens font sortir du néant et du temps l'image substantielle, la sagesse et la vertu de Dieu. Qu'y a-t-il d'étonnant qu'ils enseignent des erreurs multipliées sur l'Esprit saint, eux qui sont assez téméraires pour affirmer que le Fils, de qui il pro cède, a été soumis à la création et au changement,

S. Jér. Considérons ici l'ordre essentiel établi par Jésus-Christ; il ordonne à ses disciples: premièrement, d'enseigner toutes les nations; puis de les purifier dans le sacrement de la foi, et ensuite de leur apprendre ce qu'il faut observer après avoir embrassé la foi et reçu le baptême «Et leur apprenant à observer toutes les choses que je vous ai commandées». - Rab. Car, de même qu'un corps sans âme est mort, ainsi la foi sans les oeuvres est morte - S. Chrys Comme il vient de leur faire des commandements d'une haute importance, il relève leur cou rage en ajoutant: «Et voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles», paroles dont voici la signification: Ne dites pas que les commandement s que je vous fais sont difficiles, car je suis avec vous, moi qui rend toutes choses légères. Et il leur promet d'être, non seulement avec eux, mais encore avec tous ceux qui croiront après eux, car les Apôtres ne devaient pas vivre jusqu'à la fin des siècles, et le Sauveur s'adresse à tous les fidèles comme à un seul corps. - Rab. Nous devons conclure de ces paroles, que, jusqu'à la fin du monde, il y aura toujours des hommes dignes d'être choisis de Dieu pour lui servir de demeure. - S. Chrys. (hom. 90). Il leur rappelle la fin de toutes choses, pour les attirer plus fortement à lui, et leur faire jeter les yeux, non pas seulement sur les biens du temps, mais sur les biens futurs, qui doivent durer éternellement, et il semble leur dire: Les épreuves que vous aurez à suppor ter passeront avec cette vie, et le monde tout entier passera lui-même et sera détruit, tandis que les biens dont vous serez comblés dureront éternellement. - Bède. Mais comment le Sauveur a-t-il pu dire: «Voici que je suis avec vous», alors qu'il dit dans un autre endroit: «Je m'en vais vers celui qui m'a envoyé ?» C'est que les attributs de la nature divine sont différents des propriétés de la nature humaine. Le Sauveur ira vers son Père par son humanité, et il restera avec ses disciples dans cette nature divine qui le rend l'égal de son Père. Dans ces paroles: «Jusqu'à la consommation des siècles», il emploie le fini pour signifier l'infini, car il est évi dent que celui qui reste dans le siècle présent avec les élus, pour les protéger, demeurera éter nellement avec eux après la fin du monde, pour les récompenser. - S. Jér. En promettant donc d'être avec ses disciples jusqu'à la consommation des siècles, il leur déclare qu'ils vivront toujours, et qu'il n'abandonnera jamais ceux qui croiront en lui.

S. Léon. (serm. sur la Paque). Celui qui monte dans les cieux n'abandonne pas ceux qu'il a adoptés, et il les fortifie en leur inspirant la patience sur la terre, en même temps qu'il les ap pelle à la gloire. Que Jésus-Christ lui-même nous rende participants de cette gloire, lui qui est le Dieu béni dans tous les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.


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PRÉFACE PAR SAINT THOMAS

Le prophète Isaïe prédit clairement la vocation des Gentils et ce qui devait être la cause de leur salut, lorsqu'il dit: «Mon Dieu est devenu ma force et il a dit: C'est peu que tu sois, mon serviteur pour réveiller de leur assoupissement les tribus de Jacob, et pour convertir les restes d'Israël. Je t'ai établi la lumière des nations, et le salut que j'envoie jusqu'aux extrémités de la terre». - S. Jér. (Ps 21) Nous voyons dans ces paroles que Jésus-Christ est appelé le serviteur de Dieu en tant qu'il a été formé dans le sein d'une femme, car nous lisons un peu auparavant: «Voilà ce que dit le Seigneur, lui qui m'a formé dès le sein de ma mère pour être son serviteur». La volonté du Père était que ces vignerons pervers fissent bon accueil à son Fils qu'il leur envoyait, et c'est d'eux que Jésus-Christ parlait lorsqu'il disait à ses disciples: «N'allez pas dans le chemin des Gentils, mais allez plutôt aux brebis perdues de la maison d'Israël». Mais comme le peuple d'Israël n'a pas voulu revenir à Dieu, le Fils de Dieu s'adresse en ces termes aux Juifs incrédules: «Mon Dieu est devenu ma force, et il m'a consolé de la tristesse que m'a causée l'abandon de mon peuple. Et il m'a dit: Ce n'est point assez que vous me serviez pour relever les tribus de Jacob (qui sont tombées par leur faute) et pour convertir la lie, c'est-à-dire, les tristes restes d'Israël. Je vous ai établi en échange pour être la lumière de toutes les nations pour éclairer le monde entier, et faire parvenir jusqu'aux extrémités de la terre le salut que j'envoie aux hommes». - La Glosé. Des paroles qui précèdent, nous pouvons conclure deux choses: la première, c'est la puissance divine qui était en Jésus-Christ et qui lui donna la force d'éclairer toutes les nations: «Mon Dieu est devenu ma force». Dieu était donc dans Jésus-Christ pour se réconcilier le monde, comme l'Apôtre le dit aux Corinthiens: «L'Évangile qui sauve ceux qui croient, est donc la force de Dieu pour tout croyant», comme le même Apôtre l'écrit aux Romains. La seconde chose à conclure, c'est que toutes les nations ont été éclairées, et le monde sauvé par Jésus-Christ d'après une disposition particulière de Dieu le Père, et qui se trouve exprimée dans ces paroles: «Je t'ai établi pour être la lumière des nations». Aussi est-ce pour accomplir cette volonté de son Père, que le Seigneur, après sa résurrection, envoie les uns prêcher l'Évangile aux Juifs, et les autres aux Gentils. Mais comme l'Évangile ne devait pas être seulement prêché pour ceux qui vivaient alors, mais qu'il devait être écrit pour les générations à venir, la même différence s'observe à l'égard des Évangélistes, car saint Matthieu écrivit son Évangile en hébreu pour les Juifs, et saint Marc l'écrivit le premier pour les Gentils.

Eusèbe. Lorsque la lumière éclatante du Verbe de Dieu se fut levée sur la ville de Rome, la parole de vérité et de lumière que prêchait saint Pierre, remplissait les âmes de tous les fidèles d'une clarté paisible, et quoiqu'ils l'entendissent tous les jours, ils n'en étaient jamais rassasiés. Aussi ne leur suffisait-il pas de l'entendre, ils conjurèrent donc Marc, son disciple, d'écrire les prédications de son maître pour qu'ils pussent en conserver le souvenir et les méditer en toute circonstance, et ils ne cessèrent leurs prières qu'après avoir obtenu ce qu'ils demandaient. Tel fut le motif qui porta saint Marc à écrire l'Évangile qui porte son nom. Lorsque saint Pierre vit que l'Esprit saint l'avait ainsi dépouillé par un pieux larcin, il fut dans la joie, et voyant dans ce fait une preuve de la foi et de la piété des fidèles, il approuva cet Évangile écrit et le donna aux Eglises pour y être lu à jamais.

S. Jér. Saint Marc commence par la prédication de Jésus-Christ, lorsqu'il fut arrivé à l'âge parfait, et comme il traite de la perfection du Fils de Dieu, il ne s'arrête pas à décrire sa naissance comme petit enfant.

S. Chrys. Le récit de saint Marc est court et abrégé, et en cela il imite son maître saint Pierre, dont le style est toujours concis. - S. Aug. Saint Matthieu, qui avait pour but de montrer surtout le caractère royal de la personne de Jésus-Christ, s'est adjoint comme suivant, et comme abréviateur, saint Marc, pour marcher en quelque sorte sur ses traces, car les rois ne vont jamais sans avoir des personnes à leur suite. Au contraire, comme le grand-prêtre entrait seul dans le saint des saints, l'Évangéliste saint Luc, qui s'est appliqué à faire ressortir le caractère sacerdotal de Jésus-Christ, n'a pas eu de compagnon à son service pour abréger son récit.

Bède. Il faut remarquer également que les saints Évangélistes ont terminé chacun leur récit comme ils l'avaient commencé d'une manière différente. Saint Matthieu commence par la naissance du Seigneur, et conduit son récit jusqu'à sa résurrection. Saint Marc débute par le commencement de la prédication du Sauveur, et va jusqu'à son ascension, et jusqu'à la prédication de ses disciples par tout l'univers. Saint Luc commence son récit par la naissance du Précurseur, et le termine par l'ascension du Seigneur. Saint Jean ouvre son Évangile, en remontant jusqu'à l'éternité du Verbe de Dieu, et continue son récit jusqu'à la résurrection du Sauveur. - S. Ambr. C'est avec raison que saint Marc, qui commence son Évangile par la description de la puissance divine, nous est représenté sous la figure d'un lion. - RemI. Il nous est peint encore sous cette figure, parce que semblable au lion qui fait retentir le désert de ses terribles rugissements, saint Marc commence par ces paroles: «Voix de celui qui crie dans le désert». - S. Aug. Cependant on peut expliquer différemment ces symboles; saint Marc, qui ne s'est proposé, ni de raconter l'origine royale de Jésus-Christ, comme saint Matthieu (qui pour cela est figuré par le lion), ni sa descendance sacerdotale comme saint Luc (qui nous est figuré par le boeuf), ni sa parenté ou sa consécration, mais qui paraît avoir voulu raconter ce que Jésus-Christ a fait comme homme, nous est représenté sous la figure d'un homme dans le tableau symbolique des quatre animaux. - Théophyl. Ou bien l'Évangile de saint Marc est figuré par l'aigle, car il le commence par la prophétie, qui a pour objet Jean-Baptiste, et la prophétie, comme l'aigle, embrasse dans son regard perçant les choses les plus éloignées.


LE SAINT ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST

SELON SAINT MARC


CHAPITRE PREMIER



v. 1


Catena Aurea 5808