Catena Aurea 9816

vv. 16-18

9816 Lc 8,16-18

Bède. Notre-Seigneur venait de dire aux Apôtres: «Pour vous, il vous a été donné de connaître le mystère du royaume de Dieu; mais pour les autres, il leur est proposé en paraboles», il leur apprend maintenant qu'ils doivent un jour révéler ce même mystère aux autres: «Personne, après avoir allumé une lampe, ne la couvre d'un vase ou ne la met sous un lit»,etc.

Eusèbe. C'est-à-dire, de même qu'on n'allume une lampe que pour éclairer, et non pour la mettre sous un boisseau ou sous un lit, ainsi les secrets du royaume des cieux proposés en paraboles, restent cachés pour ceux qui n'ont pas la foi, mais cependant ils ne seront pas toujours incompréhensibles pour tous. Car il n'y a rien de caché qui ne soit découvert, rien de secret qui ne soit connu et ne vienne au grand jour. Comme s'il disait: Bien qu'un grand nombre de vérités leur aient été proposées sous forme de paraboles, de sorte qu'en voyant, ils ne voient point, et qu'en entendant ils ne comprennent point, par suite de leur incrédulité, cependant. toute vérité sera un jour éclaircie. - S. Aug. (Quest. évang). Ou bien autrement, Notre-Seigneur enseigne ici dans un sens figuré, avec quelle sainte confiance on doit prêcher la parole de Dieu, sans que jamais la crainte d'un préjudice ou d'un dommage temporel porte à cacher la lumière de la science. En effet, le vase et le lit signifient la chair, de même que la lampe est le symbole de la parole. Celui qui cache la parole par crainte de quelque dommage temporel, préfère la chair à la manifestation de la vérité, et celui qui tremble d'annoncer cette parole la couvre pour ainsi dire avec la chair. Au contraire, celui qui consacre son corps au ministère de cette divine parole, place la lumière sur le chandelier, de manière que la prédication de la vérité domine tout es les exigences de la servitude du corps.

Orig. Ceux qui, dans cette lampe veulent voir la figure des disciples plus parfaits de Jésus-Christ, rendent leur interprétation plausible, parce que l'Évangile dit de Jean-Baptiste, qu'il était une lumière ardent e et luisante (Jn 5). Que celui donc qui allume dans son âme cette lampe spirituelle, ne la cache ni sous un lit destiné au repos, ni sous un vase quelconque; agir de la sorte, c'est ne prendre aucun soin de ceux qui entrent dans la maison, et pour lesquels cette lampe est préparée; il faut donc placer cette lumière surie chandelier, c'est-à-dire, sur toute l'Église.

S. Chrys. (hom. 45 sur S. Matth). En leur parlant de la sorte, le Sauveur exhorte ses disciples à une sainte exactitude pour tous les devoirs de la vie, il veut qu'ils soient pleins de courage comme des hommes exposés aux regards de tous, et qui combattent au milieu du monde comme sur un théâtre; ne considérez pas, semble-t-il leur dire, que nous n'habitons qu'une faible partie de l'espace, vous serez connus de tous les hommes, parce qu'il est impossible qu'une si grande vertu demeure cachée. - S. Max. Ou bien encore, c'est lui-même que le Seigneur veut désigner par cette lampe qui brille aux yeux des habitants de la maison, c'est-à-dire, du monde, puisqu'il est Dieu par nature, et qu'il s'est fait chair par une économie toute divine, et c'est ainsi que, semblable à la lumière d'une lampe, il est retenu par l'intermédiaire de son âme dans la terre de sa chair, comme la lumière est retenue par la mèche dans le vase de terre d'une lampe. Le chandelier, c'est l'Église, sur laquelle la parole divine brille de tout son éclat, et la remplit comme une maison des rayons de la vérité. Or il compare le culte matériel de la loi à un vase ou à un lit sous lequel il ne veut point rester caché.

Bède. Le Seigneur nous presse avec instance d'écouter la divine parole, afin que nous puissions la ruminer continuellement dans notre coeur, et la donner en nourriture aux autres: «Prenez donc garde comme vous écoutez, car on donnera à celui qui a»,etc. Comme s'il disait: Appliquez-vous à écouter cette divine parole avec toute l'attention possible, car celui qui aime cette parole, recevra l'intelligence pour comprendre ce qu'il aime, mais pour celui qui n'a point l'amour de cette divine parole, eût-il d'ailleurs du génie, et fût-il versé dans la connaissance des lettres, jamais il ne goûtera la douceur et la joie de la sagesse. Souvent, en effet, celui qui est atteint de paresse spirituelle, reçoit le don de l'Esprit, pour rendre ainsi sa négligence plus coupable, parce qu'il dédaigne de savoir ce qu'il aurait pu apprendre sans aucun travail. Quelquefois au contraire, celui qui est zélé pour s'instruire, souffre de la lenteur de son intelligence, afin de recevoir une récompense d'autant plus grande, qu'il a travaillé avec plus d'efforts pour apprendre.


vv. 19-21

9819 Lc 8,19-21

Tite de Bostr. Notre-Seigneur avait quitté ses parents selon la chair pour se livrer à la prédication de la doctrine de son père; et comme ils désiraient le voir, ils vinrent le trouver: «Cependant, sa mère et ses frères vinrent vers lui»,etc. Lorsque vous entendez parler des frères du Seigneur, que ce nom vous rappelle sa miséricorde et vous fasse comprendre l'étendue de sa grâce. En effet, personne ne peut être frère du Sauveur en tant qu'il est Dieu, puisqu'il est le Fils unique du Père, mais par un effet de son amour, il a daigné s'unir notre chair, notre sang, et il est devenu notre frère, lui qui était Dieu par nature (cf. He 2,11 He 2,13). - Bède. Ces frères du Seigneur, selon la chair, ne sont ni les fils de la bienheureuse Marie, mère de Dieu, comme le veut Helvidius, ni les fils de Joseph et d'une autre épouse, comme d'autres le prétendent, mais tout simplement ses cousins.

Tite de Bostr. Les frères de Jésus espéraient qu'en apprenant leur arrivée, par respect pour le nom de sa mère et pour l'amour qu'elle lui témoignait, il s'empresserait de laisser la multitude qui l'écoutait: «On vint donc lui dire: Votre mère et vos frères sont là dehors», etc. - S. Chrys. (hom. 45 sur S. Matth). Considérez quelle indiscrétion c'était que d'enlever le Sauveur à tout ce peuple qui l'entourait et qui, suspendu à ses lèvres, écoutait ses divins enseignements. Aussi, Notre-Seigneur leur en fait-il un reproche: «Il leur répondit: Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu», etc. - S. Ambr. Comme un sage maître, Jésus commence par donner l'exemple à ses disciples avant de leur enseigner, que celui qui ne quitte point son père où sa mère n'est pas digne du Fils de Dieu. Il veut donc pratiquer le premier ce commandement, non qu'il refuse d'accomplir à l'égard de sa mère les devoirs de la piété filiale (puisqu'il est l'auteur de ce commandement: «Quiconque n'honorera point son père ou sa mère sera puni de mort»), mais parce qu'il sait qu'il doit plus à la mission divine qu'il a reçue de son Père, qu'à l'affection filiale qu'il a pour sa mère (cf. Ga 4, 19). Toutefois, sa réponse ne contient rien de blessant pour ses parents, mais elle nous apprend que l'union des âmes est plus auguste que les liens de la chair et du sang. Le Sauveur ne renie donc point sa mère (comme l'affirment certains hérétiques qui tendent des pièges à la simplicité), puisqu'il l'a reconnue du haut même de la croix, mais il nous enseigne à sacrifier les exigences du sang à l'accomplissement des devoirs célestes. - Bède. Ceux donc qui écoutent et qui pratiquent la parole de Dieu, méritent le nom glorieux de mère de Dieu, parce que chaque jour, par leurs exemples ou par leurs paroles, ils l'engendrent dans le coeur du prochain, et ils méritent également d'être appelés ses frères, puisqu'ils font aussi la volonté de son Père qui est dans les cieux.

S. Chrys. (hom. 43 sur S. Matth). Notre-Seigneur ne veut pas non plus faire ici un reproche à sa mère, mais lui accorder une grâce signalée. En effet, s'il avait tant à coeur de donner une juste idée de sa personne au reste des hommes, combien plus devait-il le désirer pour sa mère, car jamais il ne l'eût élevé à un si haut degré de grandeur, si elle eût pu croire qu'il lui obéirait toujours comme un fils, et si au contraire elle ne l'eût reconnu comme son Dieu. - Théophyl. Quelques-uns entendent ce passage dans un autre sens: Pendant que Jésus enseignait, disent-ils, des envieux qui voulaient jeter du discrédit sur sa doctrine, vinrent lui dire: «Votre mère et vos frères veulent vous voir», comme pour rappeler l'obscurité de sa naissance. Or Jésus, qui connaît leurs pensées, leur déclare qu'on n'est nullement rabaissé par une humble et pauvre famille, mais que si un homme d'une constitution obscure, écoute la parole de Dieu, il le regarde comme son frère. Cependant, comme il ne suffit pas d'écouter pour être sauvé, et que la parole de Dieu serait plutôt alors une cause de condamnation, il ajoute: «Et qui la pratiquent», car il faut tout à la fois écouter et mettre en pratique. La parole de Dieu, c'est sa doctrine, puisque tout ce qu'il enseignait venait de son Père.

S. Ambr. Dans le sens mystique, celui qui cherche Jésus-Christ, ne doit pas se tenir dehors, c'est pour cela que le Roi-prophète a dit: «Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés» (Ps 33). Ceux qui restent dehors, ne sont pas reconnus de Jésus, fussent-ils ses parents; peut-être est-ce pour notre instruction qu'il ne veut pas les reconnaître, or comment espérer qu'il nous reconnaîtra, si nous persistons à rester dehors? On peut encore dire que les parents de Jésus sont la figure des Juifs, dont le Sauveur était issu par sa naissance temporelle, et qu'il veut nous apprendre ici la préférence donnée à l'Église sur la synagogue. - Bède. Tandis que Jésus enseigne dans l'intérieur de la maison, ceux qui négligent de s'appliquer au sens spirituel de ses paroles, ne peuvent entrer. Cependant la foule se presse pour entrer dans la maison, parce qu'en effet, tandis que les Juifs usaient de lenteurs et de retards, les Gentils accoururent en foule à Jésus-Christ, Ceux qui se tiennent au dehors, veulent voir Jésus-Christ, parce que sans s'occuper du sens spirituel de la loi, ils s'attachent au dehors à l'observation de la lettre, et ils veulent pour ainsi dire contraindre Jésus-Christ à sortir pour leur enseigner une doctrine tout humaine, plutôt que de consentir à entrer eux-mêmes pour recevoir des enseignements tout spirituels.


vv. 22-25

9822 Lc 8,22-25

S. Cyr. Les disciples étaient tous les jours témoins des bienfaits que Jésus-Christ répandait à profusion, il était juste qu'il en fît découler sur eux une partie; nous ne voyons pas en effet du même oeil le bien que l'on fait aux autres, et celui qui nous est fait à nous-mêmes; le Sauveur permet donc qu'ils soient exposés à une tempête sur la mer: «Un jour, étant monté sur une barque avec ses disciples, il leur dit: Passons à l'autre bord du lac, et ils partirent». - S. Chrys. (hom. 29 sur S. Matth). Saint Luc évite la question que pourrait soulever le temps précis où eut lieu ce miracle, en disant simplement que Jésus monta un jour sur une barque. Si cette tempête fût arrivée pendant que le Sauveur veillait, les disciples n'auraien t eu aucune crainte, ou bien ils n'auraient pas cru que leur divin Maître pût opérer un si grand prodige; il se laisse donc aller au sommeil pour donner à la crainte tout le temps de se développer: «Comme ils naviguaient, il s'endormit, et un vent impétueux s'éleva sur le lac». - S. Ambr. L'Évangéliste nous a rapporté plus haut, qu'il passait les nuits en prière; pourquoi donc le voyons-nous dormir ici pendant la tempête? C'est pour exprimer la sécurité de la toute-puissance, qu'il repose seul sans crainte, alors que tous sont saisis d'effroi, mais ce sommeil n'atteignait que le corps; et, comme Dieu, il avait l'oeil ouvert sur ses disciples pour les protéger; car rien absolument ne se fait sans le Verbe (Jn 1).

S. Cyr. C'est par un dessein particulier de la providence divine que les disciples ne crièrent pas au secours au premier moment que la barque fut assaillie par la tempête, mais lorsque le danger devint imminent, pour faire éclater davantage la toute-puissance du Sauveur: «Et ils étaient en péril», dit l'Évangéliste. Le Sauveur le permit pour exercer leur vertu; car en confessant la grandeur du danger, ils étaient forcés de reconnaître la grandeur du miracle qui les en délivrait. Lors donc que l'imminence du péril les eut jetés dans une crainte inexprimable, ils reconnaissent qu'ils n'ont plus d'autre espoir de salut que dans le Seigneur des vertus, et ils se déterminent à l'éveiller.

«S'approchant donc, ils le réveillèrent en disant: Maître, nous périssons». - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 2, 24). D'après saint Matthieu, ils lui auraient dit: «Seigneur, sauvez-nous, nous périssons»; d'après saint Marc: «Maître, n'avez-vous pas de souci que nous périssions ?» De part et d'autre, ils expriment le même désir, de réveiller le Sauveur et d'être sauvés du danger. Il est tout à fait inutile de chercher quelle formule précise de prière les Apôtres ont employée? Se sont-ils servi d'une de celles qui sont rapportées par ces trois Évangélistes, ou d'une autre dont aucun n'aurait parlé, mais dont les termes seraient équivalents? peu importe. D'ailleurs, on peut fort bien admettre que tous les disciples s'empressèrent d'éveiller leur divin Maître, mais que chacun lui parla d'une de ces trois différentes manières.

S. Cyr. Il était du reste impossible que les Apôtres, ayant avec eux le Tout-Puissant, pussent jamais périr. Aussi Jésus-Christ, qui exerce une puissance souveraine sur tout ce qui existe, apaise subitement la tempête et la fureur des vents: «Et la tempête cessa, et il se fit un grand calme». Il prouve ainsi qu'il est le Dieu dont le Psalmiste a chanté: «Vous dominez la puissance de la mer, vous apaisez ses flots soulevés» (Ps 88). - Bède. Dans cet événement de sa vie, le Seigneur fait voir clairement en lui deux natures dans une seule et même personne, puisque nous le voyons livré au sommeil, comme homme, et apaisant d'un seul mot, comme Dieu, la fureur de la mer.

S. Cyr. Or, Jésus apaise eu même temps la tempête extérieure de la mer, et la tempête intérieure des âmes: «Alors il leur dit: Où est donc votre foi ?» En leur parlant de la sorte, il nous apprend que ce n'est point la tentation, mais la faiblesse de l'âme qui produit la crainte; car les tentations éprouvent la foi, comme le feu éprouve l'or. - S. Aug. (de l'acc. des Evang). Les autres Évangélistes rapportent diversement les paroles du Sauveur. D'après saint Matthieu, il aurait dit à ses disciples: «Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi ?» suivant le récit de saint Marc: «Pourquoi craignez-vous? est-ce que vous n'avez pas encore la foi? c'est-à-dire la foi parfaite, comme le grain de sénevé». D'après saint Marc, il leur reproche donc aussi leur peu de foi, tandis que d'après saint Luc, il leur demande: «Ou est votre foi ?» Or, Notre-Seigneur a pu fort bien employer toutes ces locutions diverses: «Pourquoi craignez-vous? où est votre foi? hommes de peu de foi», et les Évangélistes nous rapportent chacun une d'entre elles.

S. Cyr. A la vue de la tempête subitement apaisée à la parole de Jésus-Christ, les disciples, comme stupéfaits d'un tel miracle, s'interrogeaient les uns les autres: «Remplis de crainte et d'admiration, ils se disaient les uns aux autres», etc. Ce n'est point par ignorance de ce qu'était Jésus, que les disciples parlent ainsi entre eux, car ils savaient très-bien qu'il était Dieu et Fils de Dieu; mais ils sont remplis d'admiration à la vue de l'étendue de cette puissance qu'il possède de toute éternité, et de la gloire de sa divinité qu'il fait éclater dans ce corps visible et semblable au nôtre dont il s'est revêtu. «Et ils s'écrient: Quel est celui-ci ?» c'est-à-dire quelle grandeur, quelle puissance, quelle majesté ! car c'est une action faite avec empire, c'est le commandement d'un maître, ce n'est point l'humble demande d'un serviteur. - Bède. On peut dire aussi que ce ne sont pas les disciples, mais les matelots et ceux qui étaient avec eux dans la barque, qui sont remplis de crainte et d'admiration.

Dans le sens allégorique, cette mer, ce lac agités représentent l'agitation de la mer ténébreuse du monde. La barque est le symbole de l'arbre de la croix, à l'aide duquel les fidèles traversent les flots de cette mer du monde, et parviennent an rivage de la céleste patrie. - S. Ambr. Notre-Seigneur quitte ses parents pour monter dans cette barque, parce qu'il sait qu'il est venu dans le monde pour l'accomplissement de mystères tout divins. - Bède. Les disciples, sur l'invitation du Sauveur, montent avec lui dans la barque. Il leur dit en effet: «Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui-même, qu'il porte sa croix et qu'il me suive». Pendant que les disciples font cette traversée, c'est-à-dire pendant que les fidèles foulent aux pieds le monde et méditent dans leur coeur les douceurs du repos éternel; pendant que, poussés par le souffle de l'Esprit saint, et aussi parleurs propres efforts, ils rejettent à l'envi derrière eux les vanités inconstantes et perfides du monde, le Seigneur s'endort tout à coup, c'est-à-dire que le temps de la passion du Seigneur est arrivé, et que la tempête vient fondre sur la terre, parce que pendant le sommeil de la mort, qu'il consent à subir sur la croix, les flots de la persécution se soulèvent sous l'impulsion du souffle des démons (cf. Ps 3,5). La patience du Seigneur n'en est point troublée, mais la faiblesse des disciples en est ébranlée et saisie d'effroi. Ils s'empressent donc de réveiller le Seigneur dans la crainte de périr pendant son sommeil, parce qu'en effet, après avoir été témoins de sa mort, ils désirent vivement sa résurrection, dont le retard prolongé les exposerait à une perte certaine. Le Sauveur se lève et commande avec menace à la tempête, c'est-à-dire, que par sa prompte résurrection d'entre les morts, il a détruit l'orgueil du démon qui avait l'empire de la mort. (He 2). Il calme l'agitation des flots, c'est-à-dire qu'en ressuscitant, il fait tomber la rage des Juifs qui insultaient à sa mort. - S. Ambr. Il veut nous apprendre qu'il est impossible de traverser sans tentations le cours de cette vie, parce que la tentation est l'épreuve naturelle de la foi. Nous sommes donc exposés aux tempêtes soulevées par les esprits mauvais; mais ayons soin, comme de vigilants matelots, d'éveiller le pilote de la barque qui ne cède pas aux vents, mais qui leur commande; et lors même qu'il est éveillé, prenons garde qu'il ne dorme encore pour nous, en punition du sommeil de notre corps. Ceux qui se laissent aller à la crainte dans la compagnie de Jésus-Christ, méritent le juste reproche qu'il leur fait, car celui qui s'attache à lui ne peut périr. - Bède. Nous voyons quelque chose de semblable à ce qui se passe ici, lorsque Jésus apparut après sa mort à ses disciples, et leur reprocha leur incrédulité (Mc 16), et qu'ayant apaisé la mer agitée jusque dans ses profondeurs, il fit éclater aux yeux de tous la puissance de sa divinité.


vv. 26-39

9826 Lc 8,26-39

S. Cyr. Le Sauveur ayant traversé le lac, parvint au rivage opposé: «Ils abordèrent ensuite au pays des Géraséniens, qui est vis-à-vis de la Galilée». - Tite de Bost. Les manuscrits les plus authentiques ne portent ni Géraséniens, ni Gadariens, mais Gergéséniens. En effet, Gadara est une ville de Judée, près de laquelle on ne trouve ni lac, ni mer; Gérasa est une ville d'Arabie, qui n'est elle-même voisine d'aucun lac, ni d'aucune mer. Mais Gergésa, d'où vient le nom de Gergéséniens, est une ville fort ancienne, située sur les bords du lac de Tibériade, dans les environs de laquelle se trouve un rocher qui domine le lac dans lequel les démons précipitèrent les pourceaux. Cependant comme les villes de Gérasa et de Gadara touchent aux confins du pays des Gergéséniens, il est vraisemblable que c'est de ces deux villes, que les pourceaux avaient été amenés dans le pays des Gergéséniens. - Bède. Gérasa est une ville célèbre d'Arabie, qui échut autrefois à la tribu de Manassé (cf. Nb 34,14 Dt 3,13 Dt 19,8 Jos 12,6 Jos 13,29 Jos 17,6 Jos 17,8 Jos 17,11 Jos 22,9), située au delà du Jourdain, près de la montagne de Galaad, non loin du lac de Tibériade, dans lequel les pourceaux se précipitèrent.

S. Chrys. (hom. 29 sur S. Matth). Lorsque le Sauveur fut descendu à terre, il fut témoin d'un phénomène bien plus surprenant que la tempête; un possédé du démon, comme un esclave en présence de son maître, vient confesser sa dépendance et sa servitude: «Lorsqu'il fut descendu à terre, il vint au devant de lui un homme», etc. - S. Aug. (de l'acc. des Evang). Saint Matthieu rapporte qu'ils étaient deux possédés; saint Marc et saint Luc ne parlent que d'un seul, il faut donc entendre que l'un d'eux était un homme plus considérable et plus connu, dont tout le pays plaignait le triste sort, et désirait vivement la guérison. C'est ce que veulent faire entendre saint Marc et saint Luc en ne parlant que de celui des deux, dont l'état et la guérison avait eu une immense notoriété dans toute la contrée. -
S. Chrys. (hom. 29 sur S. Matth). Ou bien, peut-être saint Luc s'est-il attaché à celui des deux qui était le plus furieux, et dont il fait un si triste tableau: «Il ne portait aucun vêtement, et n'avait d'autre habitation que les sépulcres»,etc. Or, les démons fréquentent les tombeaux des morts pour insinuer plus facilement aux hommes cette pernicieuse doctrine, que les âmes des morts deviennent des démons. - S. Cyr. Il errait sans vêtements dans les sépulcres des morts, preuve de la fureur des démons qui le possédaient. Or, la providence de Dieu permet que quelques-uns soient ainsi soumis au pouvoir des démons, pour nous faire considérer ce qu'ils sont à notre égard, nous faire renoncer à leur empire tyrannique, et par le triste spectacle d'un seul homme, victime de leur méchanceté, donner à tous une leçon salutaire.

S. Chrys. (Hom. 29). Comme la multitude ne voyait dans Jésus qu'un homme, les démons viennent publier hautement sa divinité que la mer elle-même avait proclamée en calmant la fureur de ses flots soulevés: «Aussitôt qu'il vit Jésus, il se prosterna devant lui et il s'écria», etc. - S. Cyr. Considérez quel mélange à la fois de crainte, d'audace et de désespoir extrêmes; c'est le désespoir, en effet, qui lui dicte ces paroles pleines d'audace: «Qu'y a-t-il entre vous et moi, Jésus, Fils du Dieu très-haut? et c'est sous l'impression de la crainte qu'il lui fait cette prière: «Je vous en conjure, ne me tourmentez pas». Mais situ reconnais qu'il est le Fils du Dieu très-haut ! tu avoues donc qu'il est le Dieu du ciel et de la terre, et de tout ce qu'ils renferment. Pourquoi donc oses-tu usurper ce qui n'est pas à toi, mais n'appartient qu'à Dieu seul, en lui tenant ce langage: «Qu'y a-t-il entre vous et moi ?» Quel est le prince de la terre qui laisserait impunément les barbares attaquer les sujets de son empire: «Car Jésus commandait à l'esprit impur de sortir de cet homme», et l'Évangéliste justifie l'urgence de ce commandement, en ajoutant: «Depuis longtemps, en effet, il était sous sa puissance»,etc. - S. Chrys. (hom. 99). Personne n'osait ni s'approcher de ce possédé, ni s'en rendre maître, tandis que Jésus vient lui-même le trouver et lui adresse la parole.

«Jésus lui demanda: Quel est ton nom ?» - Bède. Si Jésus lui demande son nom, ce n'est pas qu'il l'ignore, mais pour que l'aveu public du mal terrible auquel il est en proie, fasse ressortir avec plus d'éclat la toute-puissance qui doit le guérir. C'est ainsi que les prêtres de notre temps qui chassent les démons par la grâce des exorcismes, nous disent qu'il n'y a pour les possédés d'autre moyen de guérison que l'aveu sincère et public de tout ce que les esprits immondes leur font souffrir durant le jour ou pendant leur sommeil, su rtout lorsqu'ils paraissent désirer ou qu'ils semblent accomplir avec eux l'oeuvre de la chair, c'est pour cela que Jésus exige ici une espèce de confession: «Le démon lui répondit: Je m'appelle Légion», parce qu'en effet, plusieurs démons étaient entrés dans cet homme.

S. Grég. de Nysse. (hom. sur les Cant). C'est à l'exemple des milices célestes et des légions des anges, que les démons s'appellent légion, de même que le premier d'entre eux se vantait d'établir son trône au-dessus des astres, pour devenir semblable au Très-Haut (Is 25).

S. Chrys. (hom. 29 sur S. Matth). Le Seigneur était descendu sur la terre pour détruire l'empire du démon, qui jetait le trouble et le désordre parmi les créatures de Dieu; les démons craignaient donc que le Sauveur n'attendît pas le temps marqué pour punir l'excès de leur malice, et comme ils ne pouvaient dissimuler leurs crimes, ils le supplient de retarder au moins leur châtiment: «Et ils le priaient de ne pas leur commander d'aller dans l'abîme». - Theophyl. Les démons font cette demande, parce qu'ils veulent encore rester parmi les hommes. - S. Cyr. Nous avons ici une preuve évidente, que les phalanges ennemies de la majesté divine étaient précipitées dans les enfers par la puissance ineffable du Sauveur. - S. Max. Or, le Seigneur a établi pour chaque espèce de péché un châtiment correspondant: le feu de l'enfer pour punir les ardeurs coupables de la chair, le grincement de dents pour les rires lascifs, une soif intolérable pour la volupté et l'intempérance, le v er qui ne meurt pas pour le coeur dissimulé et méchant, les ténèbres éternelles pour l'ignorance et la fourberie, les profondeurs de l'abîme pour l'orgueil, et c'est pour cela que l'abîme est destiné aux démons qui sont des esprits d'orgueil.

«Or, il y avait là un nombreux troupeau de porcs»,etc. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 24). Saint Marc dit que ce troupeau était autour de la montagne, et saint Luc, qu'il paissait sur la montagne; il n'y a ici aucune contradiction. Ce troupeau était si nombreux, qu'une partie pouvait être autour de la montagne, et l'autre partie se trouver sur la montagne, puisqu'il y avait jusqu'à deux mille pourceaux, comme saint Marc le raconte (Mc 5). - S. Amb r. Les démons ne peuvent supporter l'éclat de la lumière céleste, de même que ceux qui ont les yeux malades ne peuvent supporter les rayons du soleil. - S. Cyr. C'est pour ce motif que cette légion d'esprits immondes demande à être envoyée dans un troupeau de pourceaux immondes, à cause de la conformité de leurs instincts: «Et ils le prièrent de leur permettre d'y entrer, et il le leur permit». - S. Athan. (Vie de saint Ant). Si les démons n'ont point de pouvoir sur les pourceaux, à plus forte raison n'en ont-ils aucun sur les hommes qui sont faits à l'image de Dieu; c'est donc Dieu seul qu'il faut craindre et n'avoir que du mépris pour eux. - S. Cyr. Notre-Seigneur leur accorda cette permission, afin que cet événement devînt pour nous une cause de salut et un motif d'espérance ou de confiance. - Suite. «Et il le leur permit». Considérez combien la méchanceté des démons est grande, et le mal qu'ils font à ceux qui sont soumis à leur empire en les voyant précipiter et noyer dans la mer ce troupeau de pourceaux: «Sortant donc de cet homme, les démons entrèrent dans les pourceaux; et le troupeau prenant sa course, se précipita dans le lac par un endroit escarpé et s'y noya». Jésus-Christ accéda à leur demande, pour faire ressortir toute leur cruauté. Il fallut aussi montrer que le Fils de Dieu avait le gouvernement de toutes choses, aussi bien que le Père, et qu'il possédait une même gloire et une puissance égale.

Tite de Bostr. Cependant les gardiens prennent la fuite dans la crainte de périr avec leurs pourceaux: «Ce qu'ayant vu, les gardiens s'enfuirent, et en portèrent la nouvelle dans la ville et dans les villages», semant dans l'âme de leurs habitants la crainte et l'effroi, par le récit de cet événement. La perte qu'ils viennent d'essuyer les fait venir trouver le Sauveur: «Plusieurs sortirent pour voir ce qui était arrivé, et ils vinrent à Jésus». Voyez comme en châtiant les hommes dans leurs biens temporels, Dieu se rend le bienfaiteur de leurs âmes. Lorsqu'ils furent arrivés, ils trouvèrent parfaitement guéri celui que le démon ne laissait pas un seul moment en repos: «Et ils trouvèrent assis à ses pieds l'homme de qui les démons étaient sortis, vêtu et sain d'esprit, lui qui, jusque-là, était toujours sans vêtement, car cet homme ne quittait pas les pieds de celui à qui il devait sa guérison. A la vue de cette guérison miraculeuse, ils furent saisis d'admiration et d'étonnement: «Et ils furent remplis de crainte»,ajoute l'Évangéliste, tant parce qu'ils virent de leurs yeux que parce qui leur était raconté: «Et ceux qui avaient vu, leur racontèrent comment il avait été délivré de la légion». Leur premier sentiment devait être de supplier le Seigneur de ne point s'éloigner, mais de garder leur pays contre les nouvelles attaques du démon, mais non, la crainte leur fait sacrifier leur propre salut, et ils prient le Sauveur de s'éloigner d'eux.

«Alors tous les habitants du pays de Gérasa le prièrent de s'éloigner d'eux, parce qu'ils étaient saisis d'une grande frayeur». - Théophyl. Ils craignaient d'être encore exposés à de nouveaux dommages, comme celui qu'ils venaient de souffrir par la perte des pourceaux. - S. Chrys. (hom. 29 sur S. Matth). Admirez la mansuétude de Jésus-Christ, après de si grands bienfaits, on le renvoie, il ne résiste point, il se retire et abandonne ceux qui se déclarent ainsi indignes de recevoir sa doctrine.

«Il monta donc dans la barque pour s'en retourner». - Tite de Bostr. (sur S. Matth) Le Sauveur s'éloigne, mais celui qu'il venait de délivrer ne veut pas le quitter: «Et l'homme de qui les démons étaient sortis, le priait de l'admettre à sa suite». - Théophyl. Une triste expérience lui faisait craindre de retomber au pouvoir des démons, s'il s'éloignait de Jésus. Mais Notre-Seigneur lui fait comprendre que, sans demeurer avec lui, il pouvait le protéger par sa puissance: «Jésus le renvoya, en disant: Retournez en votre maison, et racontez les grandes choses que Dieu a faites pour vous». Il ne dit point: Que j'ai faites pour vous, et il nous donne en cela cet exemple d'humilité, de rapporter à Dieu tout le mérite de nos bonnes actions. - Tite de Bostr, (sur S. Matth). Il ne se met pas toutefois en contradiction avec la vérité en parlant de la sorte, car tout ce que fait le Fils, le Père le fait avec lui. Mais pourquoi Jésus qui, toujours défendait à ceux qu'il guérissait de leurs infirmités, d'en parler à personne, dit à cet homme qu'il venait de délivrer d'une légion de démons: «Racontez les grandes choses que Dieu a faites pour vous ?» Parce que ce peuple était plongé dans l'ignorance de Dieu et livré tout entier au culte des démons; ou bien, si l'on veut une explication plus vraie, lorsqu'il rapporte un miracle à son Père, il commande de le publier; lorsqu'il s'agit personnellement de lui-même, il défend d'en parler à qui que ce soit. Mais cet homme qu'il venait d'arracher à la tyrannie des démons, savait que Jésus était Dieu, c'est pourquoi il s'empresse de publier la grâce extraordinaire qui venait de lui être faite: «Et il s'en alla, publiant par toute la ville les grandes choses que Jésus lui avait faites». -
S. Chrys. (hom. 29 sur S. Matth). C'est ainsi que Notre-Seigneur abandonne ceux qui se sont déclarés indignes de ses divins enseignements, en leur laissant pour maître celui qu'il venait de délivrer de la servitude des démons.

Bède. Dans le sens mystique, Gérasa représente les Gentils, que le Seigneur a visités par ses prédicateurs, après sa mort et sa résurrection. En effet, Gérasa, ou Gergésa (comme lisent plusieurs), signifie, qui chasse l'habitant, c'est-à-dire, le démon qui l'habitait auparavant, ou encore, arrivée de l'étranger, qui s'en trouvait éloigné.

S. Ambr. Le nombre de ceux qui furent guéris dans cette circonstance par Jésus-Christ, est différent dans saint Luc et dans saint Matthieu, mais le sens mystérieux de ce miracle est le même, car cet homme qui était possédé est, dans saint Luc, la figure du peuple des Gentils, comme les deux possédés dont parle saint Matthieu, le sont également. En effet, Noé ayant eu trois fils, Sem, Cham et Japhet, la postérité de Sem eut seul le privilège d'être le peuple de Dieu, et les deux autres furent la. souche de tous les autres peuples. Cet homme était depuis longtemps, possédé du démon, parce que depuis le déluge, ces peuples étaient sous la domination de l'esprit mauvais. Il était nu, c'est-à-dire, qu'il avait perdu les vertus qui servaient de vêtement et à la fois d'ornement à sa nature. - S Aug. (Quest. évang., 1, 14). Il n'habitait point de maison, c'est-à-dire, qu'il ne se reposait pas dans sa conscience; il demeurait dans les tombeaux, parce qu'il se plaisait dans les oeuvres mortes, c'est-à-dire, dans les péchés. - S. Ambr. Ou bien encore, que sont les corps des infidèles, sinon des espèces de tombeaux dans lesquels la parole de Dieu ne peut habiter ?

S. Aug. (Quest. évang., 2, 13). Les entraves et les chaînes de fer qui liaient ses membres, représentent les lois sévères et accablantes qui réprimaient les crimes dans les gouvernements des infidèles. Cet homme ayant brisé ses chaînes, était entraîné par le démon dans le désert, c'est-à-dire que, lorsqu'on a transgressé ces lois, la passion conduit à des forfaits qui dépassent la mesure des crimes ordinaires. Il était possédé d'une légion de démons, et figurait les nations esclaves elles-mêmes d'une multitude de démons. Le Sauveur permet à ces esprits mauvais d'entrer dans des pourceaux qui paissaient sur les montagnes, et qui sont la figure de ces hommes à la fois immondes et superbes que le culte impur des idoles place sous la tyrannie des démons. - S. Ambr. Les pourceaux sont ces hommes qui, semblables à ces animaux immondes, et privés de la parole et de la raison, souillent l'éclat et la beauté des vertus naturelles par l'infamie de leurs moeurs. - S. Aug. (Quest. évang). Ils sont précipités dans la mer, c'est-à-dire, que lorsque l'Église est enfin glorifiée et le peuple des Gentils délivré de la domination des démons, ceux qui n'ont pas voulu croire à Jésus-Christ, précipités dans les abîmes par leur curiosité aveugle et démesurée, sont condamnés à célébrer dans des retraites cachées leurs rites sacrilèges.

S. Ambr. Les pourceaux sont précipités avec impétuosité dans la mer, parce que ces hommes ne sont retenus par la considération d'aucune vertu, mais sont entraînés dans la profondeur des abîmes sur le penchant rapide de la corruption, et vont perdre la respiration et la vie au milieu des flots de ce monde. Il est impossible, en effet, à ceux qui sont le jouet des flots agités de la volupté, de pouvoir conserver la respiration et la vie de l'âme. Nous voyons par là que l'homme est lui-même l'auteur de son malheur, car s'il ne vivait pas de la vie des animaux immondes, jamais le démon n'eût reçu de pouvoir sur lui, ou bien ce n'eût été que pour l'éprouver et non pour le perdre. On peut dire aussi que le démon, dans l'impuissance où il est de s'att aquer aux bons depuis la venue du Sauveur, ne cherche plus à perdre tous les hommes, mais seulement les âmes légères et inconstantes, de même qu'un voleur n'attaque pas ceux qui sont armés, mais ceux qu'il voit sans défense. Les gardiens des troupeaux, témoins de cet événement, s'enfuirent. En effet, ce ne sont ni les maîtres de la philosophie, ni les chefs de la synagogue, qui peuvent donner des remèdes efficaces aux peuples atteints de maladies mortelles, Jésus-Christ est le seul qui peut les délivrer de leurs péchés. - S. Aug. (Quest. évang., 2, 14). Ou bien encore, ces gardiens de pourceaux qui s'enfuirent, représentent les chefs des impies qui ne veulent point observer la loi chrétienne, mais qui, néanmoins, sont remplis d'admiration pour elle, et ne peuvent s'empêcher de publier parmi les infidèles son étonnante puissance. Les Géraséniens qui, en apprenant ce qui s'est passé, prient Jésus de s'éloigner, figurent cette multitude d'hommes qui, séduits et retenus par les plaisirs dans lesquels s'est écoulée toute leur vie, honorent la religion chrétienne, mais ne veulent point embrasser ses prescriptions, sous le prétexte qu'ils ne pourraient les accomplir; ils ne laissent pas toutefois d'admirer le peuple fidèle qu'ils voient guéri de l'état désespéré où ses crimes l'avaient réduit. - S. Ambr. Ou bien encore, la ville des Géraséniens est la figure de la synagogue, ses habitants supplient le Seigneur de s'éloigner, parce qu'ils sont saisis d'épouvante, car l'âme qui est encore faible n'est point capable d'e ntendre la parole de Dieu, et ne peut supporter le poids de la sagesse. Aussi le Sauveur ne veut point leur être plus longtemps importun, il quitte ces lieux peu élevés pour gagner les hauteurs, c'est-à-dire, qu'il se rend de la synagogue à l'Église. Il traverse de nouveau le lac, car personne ne peut passer de l'Église à la synagogue, sans danger pour son salut. Pour celui qui veut accomplir ce passage, qu'il porte sa croix s'il veut éviter tout danger. - S. Aug. (Quest. évang). Cet homme que Jésus vient de guérir, veut rester avec lui, et le Sauveur s'y oppose «Retournez en votre maison, lui dit-il, et racontez les grandes choses que Dieu a faites pour vous. Apprenons de là, qu'après avoir obtenu la rémission de nos péchés, nous devons rentrer dans notre bonne conscience comme dans une demeure assurée, et chercher à étendre l'Évangile pour le salut des autres, si nous voulons un jour nous reposer avec Jésus-Christ; car en désirant être réuni à Jésus-Christ avant le temps marqué, on s'expose à négliger le ministère de la prédication, qui a pour objet le salut de nos frères.



Catena Aurea 9816