Catena Aurea 7028
7028 Mc 10,28-31
La Glose. Comme ce jeune homme était parti tout triste du conseil que le Sauveur lui avait donné d'abandonner tous ses biens, les disciples de Jésus, qui avaient déjà mis ce conseil en pratique, s'empressent de l'interroger sur la récompense réservée à un sacrifice qu'ils regardent comme héroïque, puisque ce jeune homme qui avait accompli tous les préceptes de la loi, n'avait pu sans une grande tristesse entendre une doctrine aussi parfaite. Pierre interroge donc le Seigneur pour lui et au nom des autres disciples: «Alors Pierre, prenant la parole, lui dit: Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre». - Théophyl. Pierre a quitté bien peu de chose, et cependant il dit: «Nous avons tout quitté», car il faut peu de chose pour nous rendre esclaves de la cupidité; aussi on est heureux quand on a su le sacrifier.
Bède. Mais il ne suffit pas de tout abandonner; aussi Pierre ajoute, ce qui est le caractère de la perfection: «Et nous vous avons suivi», c'est-à-dire: No us avons fait ce que vous nous avez commandé, quelle sera notre récompense? La question de Pierre n'avait pour objet que les disciples, la réponse du Sauveur est générale: «Jésus lui répondit: En vérité, en vérité, je vous le dis, nul», etc. Il ne veut pas ici nous engager à abandonner nos parents, sans les assister; ni à nous séparer de nos épouses; il nous apprend simplement à préférer l'honneur de Dieu à tous les intérêts du siècle. - S. Chrys. (hom. 64 sur S. Matth). Notre-Seigneur me paraît avoir voulu prédire indirectement les persécutions futures où l'on devait voir un grand nombre de parents entraîner leurs enfants dans l'impiété, et beaucoup de femmes leurs maris. Ces expressions: «Pour mon nom» ou «pour l'Évangile», comme nous lisons dans saint Marc, ou «pour le royaume de Dieu», suivant la variante de saint Luc, sont synonymes, car le nom de Jésus-Christ est la vertu de l'Évangile et du royaume de Dieu. L'Évangile est reçu au nom de Jésus-Christ, et c'est par son nom qu'on arrive à la connaissance et à la possession du royaume de Dieu.
Bède. Quelques-uns, à l'occasion de cette promesse: «Il recevra le centuple dès cette vie», ont imaginé par une interprétation judaïque cette fable de mille ans accordée aux justes après la résurrection, où Dieu devait leur rendre le centuple de ce qu'ils avaient quitté pour Dieu, et leur donner ensuite la vie éternelle. Ils ne voient pas que si cette promesse peut s'accomplir sans inconvenance pour tous les autres objets, elle a quelque chose de honteux en ce qui concerne les femmes qui seraient rendues au centuple, d'après les autres Évangélistes, d'autant plus que le Seigneur nous déclare expressément qu'après la résurrection il n'y aura plus de mariage, et qu'il nous assure que les récompenses des sacrifices accomplis pour lui plaire, seront ici-bas mêlées de persécutions. Or, ils ont soin de bannir toute persécution des mille ans qu'il ont imaginés. - S. Chrys. Cette récompense au centuple doit donc s'entendre de la communication et non de la poss ession, et le Seigneur a accompli cette promesse d'une manière bien supérieure au sens matériel. -
Théophyl. Dans une maison, une seule épouse s'occupe de la nourriture et du vêtement de son mari. Mais voyez les Apôtres, un certain nombre de femmes pourvoyaient à leur nourriture et à leurs vêtements, et les servaient (1 Co 9). Ils eurent aussi autant de pères, autant de mères qu'il y avait de fidèles qui les aimaient. Pierre lui-même n'avait quitté qu'une seule maison, et les maisons de tous les fidèles étaient à sa disposition. Et ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que les saints jouiront de ce centuple jusqu'au milieu des persécutions qu'ils auront à souffrir. Aussi le Sauveur ajoute: «Les premiers seront les derniers, et les derniers les premiers». Les pharisiens, qui étaient les premiers, sont devenus les derniers. Ceux, au contraire, qui ont tout abandonné pour suivre Jésus-Christ, ont été il est vrai les derniers en ce monde, si l'on considère leurs épreuves et leurs afflictions; mais ils seront les premiers par leur espérance en Dieu.
Bède. On peut entendre dans un sens plus élevé ces paroles: «Il recevra au centuple». Le nombre cent qui s'exprime en passant de la droite à la gauche, a pour signe caractéristique la même inflexion de doigts qui dans la main gauche désigne le nombre dix; cependant il lui est de beaucoup supérieur en quantité. C'est ainsi que tous ceux qui ont méprisé les biens de ce monde pour le royaume de Dieu goûtent avec une foi ferme (cf. He 11) les joies de ce royaume jusque dans cette vie pleine de persécutions, et dans l'attente de la céleste patrie, figurée par la droite, ils jouissent par avance de la félicité des élus. Le Sauveur ajoute: «Et plusieurs qui étaient les premiers seront les derniers, et plusieurs qui étaient les derniers seront les premiers». Tous les jours, en effet, nous voyons de simples fidèles donner l'exemple des plus éminentes vertus; et d'autres, pleins de ferveur au début de leur conversion, tomber dans la tiédeur, et, cédant à une paresse insensée, finir par la chair après avoir commencé par l'esprit.
7032 Mc 10,32-34
Bède. Les disciples n'avaient pas oublié la prédiction que le Seigneur leur avait faite, de ce qu'il devait souffrir de la part des princes, des prêtres et des scribes; aussi n'était-ce qu'avec un sentiment de crainte qu'ils prenaient le chemin de Jérusalem: «Or, ils étaient en chemin pour aller à Jérusalem et Jésus marchait devant eux». - Théophyl. Il veut nous montrer qu'il court au-devant de sa passion et qu'il ne refuse pas de souffrir la mort pour notre salut. «Et ils le suivaient, remplis d'étonnement et de crainte». - Bède. Ils craignaient de partager la mort qui l'attendait, ou du moins ils redoutaient de voir succomber sous les efforts de ses ennemis celui dont la présence et les divines leçons faisaient toute leur joie. Or, le Seigneur, prévoyant le trouble que le spectacle de sa passion devait jeter dans l'âme de ses disciples, leur prédit à la fois les tourments de sa passion et la gloire de sa résurrection. «Et Jésus, de nouveau, prenant à part les douze, commença à leur dire», etc. - Théophyl. Il veut affermir le coeur de ses disciples qui, ainsi prévenus, devaient supporter plus facilement cette épreuve et ne pas s'en effrayer outre mesure, comme d'un malheur inattendu. Il veut encore les convaincre que sa mort est volontaire; car celui qui prévoit sa mort, qui peut la fuir et ne la fuit pas, montre avec évidence que c'est volontairement qu'il se livre à la mort. Il prend à part ses disciples, car il était juste que ce fût à ses amis les plus intimes qu'il révélât le mystère de sa Passion.
S. Chrys. (hom. 63). Il leur prédit en détail toutes les circonstances de sa passion pour prévenir le trouble soudain qui se serait emparé d'eux à la vue d'une épreuve nouvelle qu'il ne leur aurait point fait connaître. «Voici que nous allons à Jérusalem et le Fils de l'homme», etc. - La Glose. «Le Fils de l'homme», car c'est lui seul qui doit souffrir, la divinité est inaccessible aux souffrances. «Il sera livré (par Judas) aux princes des prêtres, aux scribes et aux anciens, et ils le condamneront à mort (le déclarant juridiquement digne de mort), et ils le livreront aux Gentils» (à Pilate, idolâtre). «Et ils l'insulteront» (les soldats de Pilate); «ils le couvriront de crachats, ils le flagelleront, et ils le mettront à mort». - S. Chrys. (comme précéd). Pour adoucir la douleur qu'ils éprouveront de sa passion et de sa mort par l'espérance de sa résurrection, il ajoute: «Et il ressuscitera le troisième jour». Il ne leur avait pas caché le mystère de ses douleurs et de ses opprobres; c'était pour eux un motif d'ajouter foi aux autres prédictions qu'il leur faisait.
7035 Mc 10,35-40
S. Chrys. Les disciples, qui avaient souvent entendu Jésus leur parler de son royaume, pensaient que l'établissement de ce royaume aurait lieu avant sa mort. Or, comme il vient de leur annoncer cette mort comme prochaine, il s'empressent de solliciter de lui les honneurs de son royaume. «Alors Jacques et Jean s'approchèrent de lui»,etc. Ils rougissent, ce semble, de céder à une inspiration toute humaine, et ils s'approchent de Jésus-Christ pour le tirer à l'écart, loin des autres disciples. Le Sauveur, connaissait bien leurs intentions, mais voulant les amener à formuler leur demande, leur fait cette question: «Que voulez-vous que je fasse pour vous ?» - Théophyl. Ces deux disciples s'imaginaient qu'il allait à Jérusalem pour y établir son royaume, avant de souffrir la mort qu'il venait de prédire, et dans cette pensée ils désiraient d'être assis l'un à droite, l'autre à gauche de son trône: «Et ils lui dirent: Accordez-nous que nous soyons assis dans votre gloire, l'un à votre droite, l'autre à votre gauche». - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 2, 64). D'après saint Matthieu, ce ne sont point les deux disciples eux-mêmes qui formulent cette demande, mais leur mère qui exprime au Sauveur le désir de ses enfants; voilà pourquoi saint Marc, dans son récit abrégé, leur attribue plutôt cette démarche. - S. Chrys. (hom. 65). On peut dire avec autant de vraisemblance que ce désir fut exprimé à la fois par la mère et les enfants; ces deux disciples se voyant honorés plus particulièrement par Jésus, espéraient obtenir l'effet de leur demande, et pour en assurer le succès, ils se font accompagner de leur mère.
S. Aug. (De l'accord des Evang., 2, 64). Aussi, dans le récit de saint Matthieu comme dans celui de saint Marc, c'est à eux plutôt qu'à leur mère que s'adresse la réponse du Sauveur: «Jésus leur répondit: Vous ne savez ce que vous demandez». - Théophyl. C'est-à-dire: Il n'en est pas comme vous le pensez; ce n'est point un royaume temporel que je dois établir à Jérusalem; tout ce qui a rapport à ce royaume surpasse toute intelligence, et l'honneur d'être assis à ma droite est si élevé, qu'il est au-dessus même des prérogatives des anges. - Bède. Ou bien ils ne savent ce qu'ils demandent, en sollicitant du Sauveur un honneur qu'ils n'ont pas encore mérité. - S. Chrys. (hom. 65). Ou bien encore: «Vous ne savez ce que vous demandez», c'est-à-dire: Vous parlez d'honneurs et de dignités, lorsque je ne vous entretiens que de combats et de fatigues. Ce n'est point ici le temps des récompenses, mais celui du sacrifice, des combats et des dangers; c'est pour cela qu'il ajoute: «Pouvez-vous boire le calice ?» etc. Il emploie cette forme interrogative pour exciter dans leurs coeurs un plus vif désir de participer à ses souffrances.
Théophyl. C'est sa croix qu'il appelle un calice et un baptême; un calice, parce qu'elle est pour lui un breuvage qu'il accepte avec joie; un baptême, car c'est par elle que nous sommes purifiés de nos fautes. Les disciples lui répondirent sans comprendre le sens de ses paroles: «Ils lui répondirent: Nous le pouvons». Ils s'imaginaient qu'il n'était question que d'une coupe ordinaire et de purifications en usage chez les Juifs, et qui précédaient les repas. - S. Chrys. (hom. 65). Ils se hâtent de répondre, persuadés que leur demande va être exaucée. «Mais Jésus leur dit: Vous boirez en effet le calice que je boirai», etc., c'est-à-dire vous serez jugés dignes de la gloire du martyre, et d'être associés à mes souffrances.
Bède. Comment Jacques et Jean ont-ils bu la coupe du martyre, comment ont-ils été baptisés du baptême du Seigneur, puisque d'après le livre des Actes, l'apôtre saint Jacques fut seul décapité par Hérode, tandis que saint Jean mourut de sa mort naturelle? Si nous lisons l'histoire ecclésiastique, nous y verrons que Jean souffrit le martyre lorsqu'il fut plongé dans une chaudière d'huile bouillante et puis exilé ensuite dans l'île de Pathmos. Jean a donc eu l'esprit du martyre, et il en a bu la coupe (comme les trois enfants dans la fournaise), bien que son sang n'ait pas été répandu par les bourreaux.
«Mais d'être assis à ma droite», etc. - S. Chrys. (hom. 65). On peut faire ici deux questions: premièrement, est-il dans le ciel une place préparée pour quelqu'un à la droite du Sauveur? secondement, le souverain Seigneur de toutes choses a-t-il le pouvoir d'accorder cette place à ceux à qui elle a été préparée? Je réponds à la première question, que personne dans le ciel n'est assis, soit à la droite, soit à la gauche de Jésus-Christ, son trône est inaccessible à toute créature; comment donc expliquer ces paroles: «D'être assis à ma droite ou à ma gauche, ce n'est pas à moi de vous l'accorder», comme si quelques-uns devaient occuper ces places? Notre-Seigneur répond ici à la pensée de ceux qui lui font cette question, et condescend au sentiment qui l'a dictée. Les disciples ne connaissaient pas ce trône élevé, ce siège à la droite du Père; ils ne demandaient qu'une chose: c'était l'autorité même et la prééminence sur les autres Apôtres. Ils avaient entendu de la bouche même du Sauveur que les Apôtres seraient assis sur douze sièges; ils ne savent ce que signifie cette promesse, ce qu'ils demandent, c'est d'être élevés au-dessus des autres. Quant à la seconde question, je réponds qu'une si grande faveur ne dépasse point le pouvoir du Fils de Dieu. Ces paroles de saint Matthieu: «Ceux à qui mon Père l'a préparé», ont le même sens que ces autres: «A qui je l'ai préparé». Aussi saint Marc s'est contenté de dire ici: «ceux à qui ces places ont été préparées». Voici donc le sens des paroles du Sauveur: Vous donnerez votre vie pour moi, mais ce n'est pas assez pour obtenir les premières places. Si un autre, martyr comme vous se présente avec une moisson de vertus supérieure à la vôtre; il obtiendra des récompenses beaucoup plus grandes. Les premières places sont réservées à ceux que leurs oeuvres placent au premier rang. Par cette réponse, le Seigneur ne veut pas les contrister, mais il leur apprend à cesser toutes ces vaines et inutiles questionssur la préséance. - Bède. Ou bien encore, il ne m'appartient point de vous accorder cette première place, c'est-à-dire de l'accorder aux superbes, car ils l'étaient encore. C'est pour d'autres qu'elle a été préparée, soyez tout autres que vous n'êtes, c'est-à-dire soyez humbles et cet honneur vous est assuré.
7041 Mc 10,41-45
Théophyl. Cette prétention des fils de Zébédée à des honneurs privilégiés, irrite les autres Apôtres. «Et les dix autres, entendant cela, s'indignèrent contre Jacques et Jean». Ils étaient encore assujettis aux faiblesses de l'humanité, et cédaient aux inspirations de l'envie; mais ils ne manifestent leur indignation que lorsqu'ils virent la demande des deux disciples rejetée par le Seigneur. Jusque là ils avaient comprimé ces sentiments, parce qu'ils voyaient que Jacques et Jean étaient de la part du Sauveur l'objet d'une distinction spéciale. Telles étaient alors les dispositions imparfaites des Apôtres; plus tard nous les verrons se céder mutuellement les premières places. Or, le Seigneur applique un double remède à la plaie de leur âme: premièrement, il les appelle près de lui pour les consoler: «Jésus les appela», dit l'Évangéliste; secondement, il leur enseigne que cette convoitise d'honneurs, ce désir des premières places est le propre des païens: «Vous savez que ceux qui paraissent les chefs des nations leur commandent en maîtres, et que les grands exercent sur elles l'empire». En effet, chez les païens, les rois exercent l'autorité d'une manière absolue et tyrannique: «Il n'en sera pas ainsi parmi vous». - Bède. Il leur apprend que pour devenir le plus grand, il faut commencer par être le plus petit, et qu'on ne devient le maître de tous qu'en se rendant leur serviteur. C'est donc inutilement que les uns ont manifesté des prétentions exagérées, et que les autres se sont indignés contre ces désirs ambitieux, puisque c'est l'humilité et non les honneurs et la puissance qui conduit à la perfection des vertus. Puis il leur propose un exemple capable de les faire rougir, si ses paroles ont fait peu d'impression sur eux: «Car le Fils de l'homme même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la rédemption d'un grand nombre». - Théophyl. Ce qui est beaucoup plus que de servir. En effet, que peut-on concevoir de plus grand, de plus admirable, que de donner sa vie pour celui dont on s'est fait le serviteur? Et cependant cette servitude volontaire, cet excès d'humiliation est devenu le principe de la gloire, non seulement du Sauveur, mais de tous les hommes. Avant qu'il se fit homme, il n'était connu que des anges; après son incarnation, après sa mort sur la croix, non-seulement il a été couvert lui-même de gloire, mais il nous a rendu participants de cette gloire, et a régné en maître par la foi sur tout l'univers. - Bède. Il ne dit pas: «Il a donné sa vie pour la rédemption de tous, mais pour la rédemption d'un grand nombre; c'est-à-dire de ceux qui consentiront à croire en lui.
7046 Mc 10,46-52
S. Jér. «Et ils vinrent ensuite à Jéricho». Le nom de Jéricho a un rapport remarquable avec la passion qui approche; il signifie lune ou anathème. En effet, la défaillance de la chair de Jésus-Christ est la préparation pour entrer dans la Jérusalem céleste.
«Et lorsqu'il sortait de Jéricho, un aveugle», etc. - Bède. Saint Matthieu nous parle de deux aveugles assis sur le bord du chemin, et qui obtinrent du Seigneur la guérison qu'ils demandaient à grands cris. Saint Luc, au contraire, ne parle que d'un seul aveugle qui recouvra la vue dans les mêmes circonstances, à la porte de Jéricho. Personne, pour peu qu'on réfléchisse, n'en conclura qu'il y a contradiction entre les Évangélistes, mais tout simplement que le récit de l'un est plus développé que la narration de l'autre. Ce qui paraît ici certain, c'est que l'un de ces deux aveugles avait plus de notoriété que l'autre, comme nous le fait supposer saint Marc en nous faisant connaître son nom et celui de son père. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 2, 65). La raison pour laquelle saint Marc ne parle que de cet aveugle, c'est que sa guérison a donné au miracle autant d'éclat et de renommée qu'en avait son infirmité. Quant à la guérison rapportée par saint Luc, elle a eu lieu dans des circonstances semblables; cependant c'est un autre aveugle qui fut l'objet de ce miracle.
«Ayant appris que c'était Jésus de Nazareth», etc. - S. Chrys. Cet aveugle appelle le Seigneur «Fils de David», parce qu'il entend les louanges de la foule qui passe, et qu'il acquiert ainsi la certitude que le Sauveur vient accomplir les oracles et l'attente des prophètes.
«Et plusieurs le reprenaient rudement pour le faire taire». - Orig. (Traité 13 sur S. Matth). Tel est le sens de ces paroles: Les premiers qui avaient cru en Jésus-Christ le reprenaient de ce qu'il appelait Jésus «Fils de David»; ils voulaient qu'il se tût, ou qu'au lieu de donner au Sauveur un nom peu digne de lui, il lui criât: «Fils de Dieu, ayez pitié de moi». Mais cet aveugle n'obéit point à leurs reproches: «Il criait encore plus haut», etc. Le Seigneur entendit ses cris. Alors Jésus s'arrêtant, ordonna qu'on le fît venir». Remarquez combien l'aveugle dont parle saint Luc est inférieur à celui-ci: Jésus ne l'appelle pas lui-même, comme saint Matthieu le rapporte; il n'ordonne pas qu'on le fasse venir, comme nous le voyons ici; mais il ordonne qu'on le lui amène comme étant incapable de venir à lui-même. L'aveugle, au contraire, dont il est ici question, est appelé par l'ordre du Sauveur: «Et ils l'appelèrent en lui disant: Ayez confiance, levez-vous, il vous appelle. Celui-ci, rejetant son manteau, s'élança et vint à Jésus». Le vêtement de cet aveugle, de ce mendiant signifie peut-être la pauvreté et l'indigence dont il était comme enveloppé; il s'en débarrasse pour venir à Jésus, et lorsqu'il est près de lui, le Sauveur l'interroge et lui dit: «Que voulez-vous que je vous fasse ?» - Bède. Celui qui avait la puissance de lui rendre la vue pouvait-il ignorer le désir de cet aveugle? S'il l'interroge, c'est donc pour que cet aveugle demande sa guérison; c'est pour faire naître dans son coeur une prière fervente. - S. Chrys. (hom. 66) Ou bien il lui fait cette question pour ne point lui donner lieu de penser qu'il lui accorderait autre chose que ce qu'il désirait recevoir. En effet, le Sauveur avait coutume de faire exprimer devant tous ceux qui étaient présents le désir de ceux qui sollicitaient leur guérison, avant de la leur accorder. Il voulait tout à la fois exciter la foi de ceux qui en étaient les témoins, et montrer qu'il n'accordait cette grâce qu'à ceux qui en étaient dignes.
«L'aveugle lui répondit: Seigneur, faites que je voie». Cet aveugle n'a qu'un désir, celui de voir la lumière, car quels que soient les autres biens qu'il puisse posséder, sans la lumière, il lui est impossible de les voir. - S. Jér. Jésus voyant la ferveur de sa demande, s'empresse de la récompenser en l'exauçant pleinement. - Orig. (Traité 13 sur S. Matth). Le titre de Maître ou de Seigneur qu'on lit dans les autres Évangélistes, est plus digne que celui de Fils de David. Aussi le Sauveur, qui ne l'a point exaucé, tant qu'il a dit: «Fils de David», le guérit aussitôt qu'il l'appelle: «Maître». «Et Jésus lui dit: Allez, votre foi vous a sauvé. Et il vit au même instant, et il suivait Jésus dans le chemin». - Théophyl. Cet aveugle témoigne sa reconnaissance à Jésus qui vient de le guérir, en suivant son bienfaiteur et en s'attachant à ses pas.
Bède. Dans le sens mystique, Jéricho, dont le nom veut dire lune, représente les défaillances de notre mutabilité naturelle. C'est en approchant de Jéricho, que Notre-Seigneur rend la vue à cet aveugle, parce que c'est en paraissant revêtu d'une chair mortelle et aux approches de sa passion, qu'il amène un grand nombre d'âmes à la lumière de la foi. En effet, ce n'est pas dans les premières années de son incarnation, mais dans les années qui ont précédé immédiatement sa mort, qu'il a révélé au monde le mystère du Verbe incarné. - S. Jér. L'aveuglement où est tombé une partie du peuple juif, fera place à la lumière, lorsqu'à la fin du monde, Notre-Seigneur leur enverra le prophète Elie (Ml 4, 5). - Bède. Avant d'entrer dans Jéricho, Jésus rend la vue à un seul aveugle, et en sortant de cette ville il en guérit deux, c'est-à-dire, qu'avant sa passion il n'a prêché son Évangile qu'au seul peuple juif, tandis qu'après sa résurrection et son ascension, il a révélé par ses Apôtres aux Juifs et aux gentils, les secrets de sa divinité et de son humanité. Saint Marc, qui ne rapporte la guérison que d'un seul aveugle, a en vue le salut des gentils, et présente à ceux qu'il instruisait des mystères de la foi, une figure spéciale de leur conversion. Saint Matthieu, au contraire, dont l'Évangile écrit pour les Hébreux convertis à la foi, devait cependant parvenir ensuite aux gentils, rapporte la guérison de deux aveugles, pour nous apprendre que les deux peuples participeraient un jour à la même grâce de la foi. Au moment où Notre-Seigneur sort de Jéricho, accompagné de ses disciples et d'une grande multitude, un aveugle se trouve assis sur le bord du chemin pour demander l'aumône; cet aveugle est la figure du peuple des gentils qui commence à concevoir l'espérance de recouvrer la lumière, lorsque le Sauveur monte aux cieux, suivi d'une foule innombrable de fidèles, et de tous les élus, depuis le commencement du monde, qui entrèrent avec lui dans le royaume des c ieux. Cet aveugle mendie sur le bord de la route, parce que le peuple des gentils n'était pas encore entré dans la vérité, et faisait simplement des efforts pour y parvenir. - S. Jér. Le peuple juif, qui conserve les Écritures sans les accomplir, est aussi figuré par ce mendiant du chemin, qui souffre de la faim. Il crie: «Fils de David, ayez pitié de moi», parce que c'est par les mérites des patriarches, que le peuple juif peut obtenir la grâce de la lumière. Des menaces multipliées lui imposent silence; ce sont les péchés et les démons qui étouffent le cri du pauvre; mais cet aveugle redouble ses cris, car plus la lutte devient violente, plus aussi il faut lever les mains avec de grands cris vers la pierre du secours (Ex 17, 11; 1 R 4), c'est-à-dire, vers Jésus de Nazareth.
Bède. Dès que le peuple des gentils eut appris la célébrité du nom de Jésus-Christ, il cherche à participer à ses grâces, malgré les oppositions nombreuses d'abord des Juifs, puis des gentils eux-mêmes, qui ne voulaient pas que le monde rendu à la lumière invoquât le nom de Jésus Christ; cependant leurs violentes attaques ne purent priver de la grâce du salut ceux qui étaient prédestinés à la vie. C'est en passant que Jésus entend les cris de cet aveugle; car si c'est par la puissance de sa divinité qu'il chasse les ténèbres de notre âme, c'est par son humanité qu'il a compassion de nous. La naissance, la mort de Jésus sont comme un passage, ce sont des actions accomplies dans le temps, mais se tenir debout signifie pour Dieu, ordonner d'une manière immuable. Le Seigneur appelle à lui cet aveugle qui crie, lorsqu'il charge les prédicateurs de porter aux gentils la parole de la foi. Ceux-ci appellent l'aveugle, l'excitent à la confiance, lui commandent de se lever et de venir trouver le Seigneur, lorsqu'en instruisant les ignorants, ils font naître dans leur âme l'espérance du salut, les font sortir de la fange des vices, et leur commandent de se préparer aux combats de la vertu. L'aveugle jette son manteau et s'élance vers Jésus, figure de celui qui se débarrasse de tous les liens du monde, et qui s'empresse de marcher d'un pas libre vers la source de la lumière éternelle.
S. Jér. Le peuple juif, après s'être dépouillé du vieil homme, accourt aussi comme un faon qui bondit sur les montagnes. Il secoue sa négligence, jette les regards sur les hauteurs où se trouvent les patriarches, les prophètes, les Apôtres, et s'élance à leur suite vers les choses du ciel. Tel est l'ordre habituel du salut: nous écoutons d'abord la parole des prophètes, nous faisons entendre le cri de la foi, nous sommes appelés par les Apôtres, nous nous levons par la pénitence, nous nous dépouillons par le baptême, nous sommes interrogés pour faire connaître notre volonté. L'aveugle à qui Jésus demande ce qu'il désire, répond qu'il veut voir la volonté du Seigneur.
Bède. Imitons cet aveugle, ne demandons à Dieu ni les richesses, ni les biens de la terre, ni les honneurs, mais demandons à voir cette lumière que nous avons le privilège de ne contempler qu'avec les anges. C'est la foi qui nous conduit à cette lumière, aussi le Sauveur répond à cet aveugle: «Votre foi vous a sauvé». Il voit et se met à la suite de Jésus, c'est-à-dire, qu'il fait le bien qu'il lui est donné de comprendre; car suivre Jésus, c'est pratiquer le bien que l'intelligence perçoit, c'est imiter celui qui, aux félicités de ce monde, a préféré les ignominies et les opprobres. Il nous apprend ainsi que ce sont les amertumes qui ramèneront dans notre âme la joie intérieure que la poursuite des biens de la terre nous a fait perdre. - Théophyl. L'Évangéliste nous dit que cet aveugle suivit Jésus dans le chemin, c'est-à-dire, dans cette vie, car une fois la mort venue, Jésus exclut de sa société tous ceux qui ne l'ont pas suivi ici-bas en pratiquant ses commandements. - S. Jér. Ou bien encore, cette voie, c'est celle qui a dit: «Je suis la vérité et la vie», voie étroite qui conduit sur les hauteurs escarpées de Jérusalem et de Béthanie, et sur le mont des Oliviers, qui est la montagne de la lumière et de la consolation.
7101 Mc 11,1-11
S. Chrys. (hom. 66 sur S. Matth). Après avoir donné des preuves suffisantes de sa puissance divine, et alors que sa croix se dressait devant ses yeux, le Sauveur donne à toutes ses actions un caractère de publicité plus grande qui devait redoubler la fureur de ses ennemis. Bien des fois il s'était rendu à Jérusalem, mais jamais avec l'éclat dont il environne aujourd'hui son entrée dans cette ville. - Théophyl. Ses ennemis, s'ils le veulent, pourront reconnaître sa gloire, et par l'accomplissement des prophéties dont il est l'objet, apprendre qu'il est le vrai Dieu; s'ils s'y refusent, leur incrédulité malgré tant de prodiges éclatants, leur attirera un jugement bien plus redoutable. C'est cette entrée triomphale que l'Évangéliste décrit en ces termes: «Lorsqu'ils approchaient de Jérusalem et de Béthanie», etc. - Bède. Béthanie est une bourgade ou une petite ville bâtie sur le flanc de la montagne des Oliviers, et c'est là qu'eut lieu la résurrection de Lazare. L'Évangéliste nous apprend comment et pourquoi le Sauveur envoya ses disciples: «Et il leur dit: Allez à ce village», etc. - Théophyl. Voyez que de circonstances particulières dans cette prédiction: ils trouveront un ânon. «A l'entrée du village, vous trouverez», etc. On voudra leur défendre de le détacher: «Et si quelqu'un vous dit: Que faites-vous? dites-lui», etc., on les laissera libres alors de l'emmener: «Et aussitôt il le laissera»,etc. Et toutes ces choses arrivèrent comme il l'avait prédit: «Et s'en étant allés, ils trouvèrent l'ânon qui était attaché dehors, auprès d'une porte, entre deux chemins, et ils le délièrent». - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 2, 66). Saint Matthieu parle d'une ânesse et de son ânon, les autres Évangélistes ne disent rien de l'ânesse. Il n'y a ici aucune contradiction, dès lors qu'on peut admettre les deux circonstances de ce fait; quand même chacun des Évangélistes n'en rapporterait qu'une des deux. A plus forte raison n'y a-t-il aucune difficulté, lorsqu'un Évangéliste rapporte une circonstance, et que l'autre les raconte toutes deux.
«Quelques-uns de ceux qui étaient là leur dirent: Que faites vous? pourquoi déliez-vous cet ânon? Ils leur répondirent comme Jésus le leur avait ordonné, et ces gens le leur laissèrent emmener», c'est-à-dire, l'ânon. - Théophyl. Ces hommes, habitants de la campagne et occupés aux travaux des champs, n'auraient certainement pas donné cette permission, si une influence divine ne les eût dirigés, et comme forcés de laisser aller cet ânon.
«Ils amenèrent donc l'ânon à Jésus, ils le couvrirent de leurs vêtements, et il monta dessus». - S. Chrys. (hom. 66). Notre-Seigneur n'avait pas besoin, sans doute, de monter sur cet ânon pour aller du mont des Oliviers à Jérusalem, puisqu'il avait bien parcouru à pied la Judée et toute la Galilée; cette action était donc figurative. «Un grand nombre étendaient leurs vêtements le long de la route». - S. Jér. Sous les pieds de l'ânon; «d'autres coupaient des branches d'arbres et en jonchaient le chemin», beaucoup plus pour la décoration de la route et comme symbole que par nécessité. «Et ceux qui marchaient devant, et ceux qui suivaient, criaient: Hosanna !» etc. Tant que le peuple ne fut point corrompu, il eut le sentiment de ce qu'il devait faire; il honore Jésus suivant la mesure de son pouvoir, et pour le louer, il emprunte l'hymne de David et chante Hosanna! ce qui, selon quelques-uns, signifie: Sauvez-moi; selon d'autres: Hymne. Le premier sens me paraît plus vraisemblable, car on lit dans le psaume 117: «O Seigneur, sauvez-moi !» en hébreu: Hosanna. - Bède. Hosanna est un mot hébreu, composé de deux autres mots, l'un entier, l'autre altéré. Sauvez-moi, se dit en hébreu, hosi le mot anna est comme l'interje ction de la prière; interjection qui répond à l'interjection latine, hélas ! - S. Jér. Ils crient hosanna, c'est-à-dire, sauvez-moi, pour lui demander que les hommes soient sauvés par ce Sauveur béni, par ce vainqueur, qui vient au nom du Seigneur (c'est-à-dire, de son Père), car c'est du Père que le Fils prend son nom, comme c'est du Fils que le Père reçoit le sien.
S. Chrys. Ils rendent donc gloire à Dieu, en s'écriant: «Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !» Ils bénissent aussi le royaume de Jésus-Christ; en ajoutant: Béni soit le règne de notre Père David qui va commencer ! - Théophyl. Le royaume de David, dans leur pensée, était le royaume du Christ, parce que le Christ descendait de la race de David, et aussi parce que David signifie c elui qui est puissant de la main. Qui a mieux mérité cette qualification que le Sauveur, dont la main a opéré tant et de si éclatants prodiges? - S. Chrys. Aussi les prophètes donnent-ils souvent à David le nom de Christ, parce que le Christ devait descendre de David. - Bède. Nous voyons dans l'Évangile de saint Jean, Jésus s'enfuir sur la montagne, lorsque les Juifs voulurent le faire roi. Aujourd'hui qu'il vient à Jérusalem pour y souffrir, il accepte ce titre de roi, sous lequel il est acclamé, pour établir clairement que le royaume qu'il veut fonder n'est point un royaume temporel et terrestre, mais un royaume éternel dans les cieux, et qu'il devait entrer en possession de ce royaume par le mépris de la mort. Il faut remarquer ici la conformité des acclamations de la foule avec ces paroles de Gabriel: «Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père», c'est-à-dire, qu'il devait appeler à ce royaume céleste, par ses paroles et par ses actions, cette nation autrefois soumise à l'autorité tempor elle de David. - S. Chrys. Enfin, la multitude rend gloire à Dieu, en ajoutant: «Hosanna au plus haut des cieux ! c'est-à-dire, hymne et gloire au Dieu de toutes choses qui habite les hauteurs des cieux. - S. Jér. Ou bien, hosanna (c'est-à-dire, sauvez-mo i), dans les hauteurs des cieux comme dans les profondeurs de la terre, que les justes s'élèvent dans les cieux sur les ruines des anges, et que ceux qui habitent la surface ou les profondeurs de la terre soient également sauvés.
Dans le sens mystique, le Seigneur approche de Jérusalem, qui est la vision de la paix, le siège d'une félicité éternelle et immuable, et selon l'Apôtre, la mère de tous les croyants. (Ga 4) - Bède. Béthanie veut dire maison d'obéissance, c'est-à-dire, qu'avant sa passion, il s'était préparé par ses enseignements dans l'âme d'un grand nombre une maison d'obéissance. Béthanie est située sur le versant de la montagne des Oliviers, figure de l'onction des dons spirituels et de là lumière de la science et de la piété, par lesquels le Sauveur anime et réchauffe l'Eglise. Il envoie ses disciples dans le village qui est devant eux, c'est-à-dire, qu'il a chargé les docteurs de pénétrer par la prédication de l'Évangile dans toutes les forteresses où l'ignorance du monde semblait s'être réfugiée.
- S. Jér. Les disciples de Jésus-Christ sont appelés, ils sont envoyés deux à deux, parce que la charité ne peut s'exercer, si on est seul. «Malheur à celui qui est seul, dit la sainte Ecriture» (Qo 4). Ce sont deux hommes qui dirigent les Hébreux dans leur sortie de l'Egypte; deux hommes qui rapportent de la terre sainte la grappe de raisin, pour enseigner à ceux qui sont placés à la tête des autres, à joindre toujours l'action à la science, à tirer des deux tables les deux commandements (Ex 32, 5; 30, 18; 25; 39; 3 R 8, 7), à se purifier dans les deux fontaines, à porter l'arche du Seigneur sur deux bâtons, et afin qu'ils apprennent à connaître le Dieu assis entre deux chérubins, lui offrant le double hommage de l'esprit et du coeur (1Co 14).
Théophyl. Cet ânon n'était pas nécessaire au Sauveur, il l'envoie chercher pour donner à entendre qu'il devait bientôt appeler à lui les gentils. - Bède. Cet ânon libre et indompté est la figure du peuple des nations; personne ne l'avait encore monté, c'est-à-dire, qu'aucun sage docteur n'avait encore, par des enseignements utiles, imposé à ce peuple le frein de la discipline, pour préserver sa langue des paroles coupables, ou le forcer d'entrer dans l'étroit sentier de la vie. - S. Jér. Ils trouvèrent cet ânon attaché devant la porte en dehors, emblème du peuple des gentils retenu dans les liens du péché devant la porte de la foi, en dehors de l'Eglise. - S. ambr. (sur S. Luc, 9, 19). Ou bien, ils le trouvèrent attaché devant la porte, c'est-à-dire, que tout homme qui n'est pas avec Jésus-Christ et qui demeure dehors, est sur la voie, mais celui qui est en Jésus-Christ ne reste pas dehors. L'Évangéliste ajoute qu'on le trouva entre deux chemins, où tout le monde passe, dans un lieu dont personne ne pouvait revendiquer la propriété; il était là, sans étable, sans nourriture, sans crèche. Quelle misérable servitude que celle qui n'a aucun droit certain ! On est l'esclave de plusieurs maîtres quand ou ne dépend pas d'un seul, les étrangers lient pour assurer leur possession, le maître légitime met en liberté pour conserver, car les bienfaits sont des liens beaucoup plus puissants que les chaînes. - Bède. On peut dire encore qu'il était dans un carrefour, parce qu'il ne se tenait pas dans le chemin certain de la foi et de la vérité, mais qu'il suivait au gré de l'erreur les sentiers innombrables et douteux des sectes diverses. - Bède. Ou bien encore ces deux chemins sont la figure du libre arbitre qui hésite entre la vie et la mort (Si 15, 18). - Théophyl. Ou enfin «dans un carrefour», c'est-à-dire, dans cette vie; or, ce sont les disciples qui le délient par le baptême et par la foi. - S. Jér. «Quelques-uns de ceux qui étaient là leur dirent: Que faites-vous? Comme s'ils disaient: Qui peut remettre les péchés ?» - Théophyl. Ou bien ceux qui veulent s'opposer aux disciples sont les démons dont les Apôtres, plus forts qu'eux, ont triomphé. - Bède. Ou bien ce sont ces maîtres de l'erreur qui s'opposèrent aux docteurs qui venaient apporter le salut aux gentils; mais lorsque le Sauveur eut fait éclater la puissance de la foi en son nom, le peuple des croyants, libre des attaques de ses ennemis, fut amené au Seigneur qu'il portait déjà dans son coeur. Les vêtements dont les Apôtres couvrent cet animal, représentent ou la doctrine des vertus, ou le don d'interpréter les Écritures, ou la variété des dogmes de l'Eglise; les coeurs des hommes autrefois nus et glacés, sont couverts de ces vêtements pour devenir des sièges dignes de Jésus-Christ. - S. Jér. Ou bien encore, ces vêtements dont ils couvrent l'ânon, c'est la robe première d'immortalité (Lc 15, 28) dont se revêtent les gentils par le baptême. Jésus monte sur cet ânon, c'est-à-dire, qu'il commence à régner sur eux pour substituer à l'empire du péché dans une chair voluptueuse, celui de la justice, de la paix et de la joie dans l'Esprit saint (Rm 6, 12; 14, 17). «Un grand nombre étendent leurs vêtements le long du chemin sous les pieds de l'ânon». Que figurent les pieds? les derniers d'entre les fidèles que l'Apôtre établit pour juger leurs frères». (2Co 2), ils étendent sur la voie des commandements de Dieu leur bonne renommée; ceux qui marchaient en avant, sont les prophètes, et ceux qui suivaient, les Apôtres. - Bède. Or, comme tous les élus, ceux qui pouvaient être alors dans la Judée aussi bien que ceux qui sont maintenant dans l'Eglise, ont cru et croient encore au médiateur de Dieu et des hommes, ceux qui précèdent, comme ceux qui suivent, crient tous ensemble: Hosanna ! - Théophyl. Il n'y a que les actes dont la fin répond au commencement qui soient vraiment à la louange de Dieu. Il en est dont la vie passée offre des commencements de bien, mais les années suivantes ont donné un démenti à celles qui précédaient, et n'on t point eu pour fin la gloire de Dieu.
Catena Aurea 7028