Catena Aurea 7218

vv. 18-27

7218 Mc 12,18-27

La Glose. Notre-Seigneur, par sa réponse pleine de sagesse, vient de déjouer la question artificieuse des pharisiens, il va maintenant confondre les sadducéens, qui viennent le tenter: «Après cela les sadducéens», etc. - Théophyl. Les sadducéens formaient une secte parmi les Juifs; ils niaient la résurrection, aussi bien que l'existence des anges et des esprits. Ils viennent donc trouver Jésus, et au moyen d'un récit imaginaire et controuvé, ils cherchent à lui prouver que la résurrection n'a point eu lieu et qu'elle est à jamais impossible: «Et ils lui proposèrent cette question: Maître», etc. Ils donnent sept maris à cette femme, afin de rendre plus impossible toute idée de résurrection. - Bède. C'est là une fable qu'ils ont forgée à plaisir, dans le dessein de convaincre de folie ceux qui croient à la résurrection des corps; cependant il peut se faire qu'un fait semblable se soit passé dans la Judée.

S. Jér. Dans le sens allégorique, cette femme qui ne laisse aucun enfant de ses sept maris et qui meurt la dernière, est la figure de la synagogue juive; elle est abandonnée par l'Esprit aux sept dons qui a rempli les patriarches. Cependant ils ne lui ont point laissé de rejeton de la race d'Abraham, qui est Jésus-Christ. Car bien que cet enfant soit né au milieu d'eux (Is 19), cependant c'est à nous, c'est aux nations qu'il a été donné. Cette femme était morte à Jésus-Christ, et ne pourra être unie dans la résurrection à aucun des patriarches; car le nombre sept exprime l'universalité des choses, comme nous le voyons dans le fait contraire prédit par le prophète Isaïe: «En ce jour sept femmes prendront un seul homme» (Is 4), c'est-à-dire, que les sept Eglises que le Seigneur aime, reprend et châtie, s'uniront à lui et l'adoreront dans les sentiments d'une même foi: «Jésus leur répondit: Ne voyez-vous pas que vous êtes dans l'erreur», etc. - Théophyl. C'est-à-dire, vous ne comprenez pas la résurrection telle que l'enseigne l'Ecriture, vous croyez que les corps ressusciteront dans leur état actuel, il n'en sera pas ainsi. Vous ignorez donc complètement le sens des Écritures? Vous ne connaissez pas davantage la puissance divine, vous ne voyez ici que la difficulté et vous dites: Comment les membres disjoints et séparés d'un même corps pourront-ils être réunis et rendus à l'âme qui leur donnaient la vie? Mais cette difficulté n'est rien pour la puissance de Dieu. «Lorsque les morts seront ressuscites, les hommes n'auront point de femmes, ni les femmes de maris», etc. C'est-à-dire, la vie qui nous sera rendue aura un caractère angélique et divin, nous serons affranchis de la corruption, et nous resterons dans le même état, voilà pourquoi les noces n'auront plus de raison d'être. Elles ne sont établies ici-bas que pour combler les vides de la mortalité et perpétuer la succession du genre humain; mais alors nous serons comme les anges qui n'ont pas besoin de cette succession, qui est le fruit des noces, parce que leur vie est immortelle. - Bède. Il faut remarquer que l'usage de la langue latine ne répond pas à celui de la langue grecque, car le mot nubere ne se dit proprement que des femmes, et on emploie pour les hommes l'expression uxores ducere, prendre une épouse; cependant nous appliquons simplement le mot nubere aux hommes qui se marient, et le mot nubi aux femmes qu'ils épousent.

S. Jér. Voilà donc l'erreur où les fait tomber leur ignorance des Écritures, car après la résurrection, les hommes seront comme les anges de Dieu, c'est-à-dire, il n'y aura plus ni mort, ni naissance, ni enfant, ni vieillard. - Théophyl. Dette même ignorance leur fait commettre une autre erreur, car s'ils comprenaient bien les Écritures, ils y trouveraient des preuves évidentes de la résurrection des morts: «Quant à la résurrection des morts, continue Notre-Seigneur, n'avez-vous point lu dans le livre de Moïse ce que Dieu lui dit dans le buisson», etc. - S. Jér. Je dis «dans le buisson», emblème de ce que vous êtes, car le feu le brûlait, sans consumer ses épines, ainsi vous êtes comme entourés des flammes de ma parole, et elles ne peuvent consumer les épines qui sont le fruit de la malédiction. - Théophyl. «Or, je vous le déclare, je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob, comme s'il disait: «Je suis le Dieu de ceux qui vivent»; et il ajoute, en effet; «mais des vivants»; et remarquez qu'il ne dit pas: J'ai été, mais, «je suis» le Dieu d'hommes qui existent encore. Dira-t-on que Dieu ne parle ici que de l'âme d'Abraham et non de son corps. Je réponds que la personne d'Abraham comprend ces deux choses, le corps et l'âme; Dieu est donc aussi le Dieu du corps qui vit en Dieu, c'est-à-dire, en vertu de l'ordre établi de Dieu. - Bède. On peut dire encore que Notre-Seigneur, en prouvant que les âmes survivent à la mort du corps (car Dieu ne pourrait point être le Dieu de ceux qui n'auraient jamais existé), en vient par une liaison nécessaire à la résurrection des corps qui ont participé aux bonnes et aux mauvaises actions des âmes. - S. Jér. Ces paroles: «Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob», sont une déclaration de la sainte Trinité. En ajoutant: «Dieu n'est pas le Dieu des morts», Notre-Seigneur nous enseigne l'unité de la nature divine. Or, ceux-là vivent qui se sont rendus maîtres de la part qu'ils avaient choisie; et ceux-là sont morts qui ont perdu ce qui était en leur possession; vous êtes donc dans une grossière erreur. - La Glose. En effet, ils se mettaient en contradiction avec les Écritures, et soutenaient des opinions injurieuses à la puissance de Dieu.


vv. 28-34

7228 Mc 12,28-34

La Glose. Notre-Seigneur a réduit au silence et les pharisiens et les sadducéens qui étaient venus le tenter, voyons maintenant comment il répond à la question d'un docteur de la loi: «Alors l'un des docteurs de la loi s'approcha de lui et lui demanda: Quel est le premier de tous les commandements ?» etc. - S. Jér. Ce doute, commun à tous ceux qui étaient versés dans la connaissance de la loi, venait de ce qu'elle paraissait imposer des commandements différents dans l'Exode (20), le Lévitique (26) et le Deutéronome (4). Notre-Seigneur déclare donc qu'il y a non pas un seul commandement, mais deux commandements distincts qui sont comme les deux mamelles placées sur le sein de l'épouse pour nourrir notre enfance (Ct 4, 5; 7, 7): «Le premier commandement est celui-ci: Ecoutez, Israël, le Seigneur votre Dieu est le seul Dieu». Il appelle le plus grand des commandements le premier de tous, c'est-à-dire celui que nous devons tous placer dans notre coeur comme le fondement unique de la piété, et qui consiste dans la connaissance, dans la confession de l'unité divine jointe à la pratique des bonnes oeuvres, qui sont le fruit de l'amour de Dieu et du prochain: «Et vous aimerez le Seigneur votre Dieu», etc. - Théophyl. Voyez comme Notre-Seigneur énumère ici toutes les forces de l'âme. La première est la force vitale qu'il exprime, lorsqu'il dit: «De toute votre âme», et à laquelle se rattachent la colère et le désir, passions que nous devons consacrer toutes à l'amour de Dieu. Il y a une autre force qu'on appelle naturelle, à laquelle est jointe la faculté de se nourrir et de se développer, et il faut également la donner toute entière à Dieu, elle est caractérisée par ces paroles «De tout votre coeur». Il y a enfin la force raisonnable, qu'il désigne sous le nom d'esprit, et il faut encore l'offrir à Dieu dans toute son étendue. - La Glose. Il ajoute: «De toutes vos forces», ce qui peut se rapporter aux forces corporelles.

«Voici le second qui est semblable au premier: Vous aimerez votre prochain comme vous-même». Le second commandement est semblable au premier, dans ce sens que ces deux commandements ont entre eux une parfaite corrélation et une liaison des plus étroites. En effet, celui qui aime Dieu étend nécessairement cet amour à ses oeuvres. Or, une des oeuvres de Dieu les plus importantes, c'est l'homme. Donc celui qui aime Dieu, doit aimer tous les hommes; et celui qui aime son prochain, cause si fréquente pour lui de scandales, doit aimer à bien plus forte raison celui de qui il ne reçoit que des bienfaits; ci c'est à cause du lien étroit qui unit ces deux commandements, que le Sauveur ajoute: «Aucun autre commandement n'est plus grand que celui-ci».

«Le docteur lui répondit: Maître, ce que vous avez dit est très véritable», etc. - Bède. Ce qu'il dit, que l'amour de Dieu vaut mieux que tous les holocaustes et t ous les sacrifices, est une preuve qu'entre les scribes et les pharisiens s'agitait cette grave question: Quel était le premier et le plus grand commandement de la loi divine. Les uns mettaient au premier rang les victimes et les sacrifices; les autres donnaient la préférence aux oeuvres de la foi et de la charité, parce qu'avant la loi, la foi, qui opère par la charité (Ga 5,6), avait suffi par rendre les patriarches agréables àDieu, n'était, on le voit, le sentiment de ce docteur de la loi.

«Jésus, voyant qu'il avait répondu avec, sagesse, lui dit: Vous n'êtes pas loin du royaume de Dieu». - Théophyl. Il atteste par là même qu'il n'est pas encore arrivé à la perfection; car il ne lui dit pas: Vous êtes dans le royaume du Dieu, mais: «Vous n'êtes pas loin du royaume de Dieu». - Bède. Or, il mérita cet éloge de n'être pas loin du royaume de Dieu, parce qu'il se déclare le partisan d'une vérité qui est propre au Nouveau Testament et à la perfection de l'Évangile. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 75). Peu importe que saint Matthieu dise qu'il est venu avec l'intention de tenter Jésus. Ne peut-on pas supposer qu'il est venu avec cette intention, il est vrai, mais que la réponse du Sauveur l'a fait changer de dessein? Ou bien il est venu pour le tenter, non point dans la mauvaise acception du mot, comme un ennemi qui veut absolument tromper, mais avec la circonspection d'un esprit qui veut éprouver un homme qu'il ne connaît pas entièrement. - S. Jér. Ou bien il n'était pas loin, parce qu'il venait avec une espèce de calcul; car l'ignorance est plus éloignée du royaume de Dieu que la science. Aussi Notre-Seigneur fait-il plus haut ce reproche aux sadducéens: «Vous êtes dans l'erreur, parce que vous ne comprenez ni les Écritures, ni la puissance de Dieu». «Et depuis ce temps-là personne n'osait plus lui faire de questions. - Bède. Après avoir été ainsi déjoués et confondus dans leurs questions, ils n'osent plus l'interroger, mais ils cherchent à s'emparer de lui pour le livrer ouvertement à la puissance romaine, preuve que l'envie peut être vaincue, mais qu'elle ne peut que difficilement rester en repos.


vv. 35-37

7235 Mc 12,35-37

Théophyl .. Comme le temps de la passion du Sauveur approchait, il croit devoir redresser la fausse opinion des Juifs qui prétendaient que le Christ était le Fils de David, mais non son Seigneur: «Et Jésus, enseignant dans le temple, leur dit». - S. Jér. C'est-à-dire qu'il leur parle ouvertement de lui-même, pour leur ôter toute excuse. «Comment les scribes (Mt 12, 35) disent-ils que le Christ est le Fils de David ?» - Théophyl. Or, Jésus-Christ prouve ici qu'il est le Seigneur par les paroles même de David: «Car David parle ainsi par l'Esprit saint: Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Asseyez-vous à ma droite». C'est-à-dire vous ne pouvez objecter que David, en parlant de la sorte, n'était point inspiré, car c'est vraiment dans l'Esprit saint qu'il l'a appelé son Seigneur. Il prouve ensuite qu'il l'est véritablement par ces paroles: «Jusqu'à ce que je réduise vos ennemis à vous servir de marchepied», car les Juifs étaient eux-mêmes les ennemis dont Dieu le Père faisait le marchepied de son Fils. Que ce soit Dieu le Père qui assujettisse au Fils ses ennemis, c'est une preuve non point de l'impuissance du Fils, mais de l'unité de nature qui les fait agir conjointement l'un dans l'autre. En effet, le Fils assujettit aussi au Père ses ennemis, parce qu'il le glorifie sur la terre (Jn 17, 4)

La Glose. C'est ainsi que de tout ce qui précède Notre-Seigneur donne une conclusion claire à une question qui d'abord pouvait sembler douteuse. Les paroles de David établissent que le Christ est le Seigneur de David; la réponse des scribes prouve qu'il est son Fils, ce qui amène naturellement le Sauveur à leur demander: «David l'appelle son Seigneur, comment donc est-il son Fils ?» - Bède. Cette question que leur fait Jésus est pour nous jusqu'à ce jour un puissant argument contre les Juifs. Ils confessent que le Christ doit venir, mais ils ne veulent voir en lui qu'un homme et qu'un saint personnage de la race de David. Or, instruits que nous sommes par le Seigneur, demandons-leur comment s'il n'est qu'un homme et le Fils de David, David dans son langage inspiré, l'appelle son Seigneur. Nous ne leur reprochons point de dire qu'il est le Fils de David, mais de refuser de croire qu'il est le Fils de Dieu.

«Et une foule nombreuse prenait plaisir à l'écouter». - La Glose. Parce qu'ils admiraient la sagesse de ses questions et de ses réponses.


vv. 38-40

7238 Mc 12,38-40

S. Jér. Après avoir ainsi confondu les scribes et les pharisiens, sa parole, nomme un feu ardent, consume les actions stériles de leur vie: «Et il leur disait en enseignant: Gardez-vous des docteurs de la loi qui aiment à se promener avec de longues robes». - Bède. «Ils aimaient à se promener avec de longues robes», c'est-à-dire qu'ils aimaient à paraître en public avec des vêtements recherches, et c'est là une des fautes dont s'est rendu coupable ce riche, qui faisait tous les jours de magnifiques repas (Lc 16). - Théophyl. Ils marchai ent revêtus de ces vêtements solennels, pour s'attirer de la considération et de l'honneur, et ils recherchaient ainsi tout ce qui pouvait tourner à leur gloire: «Ils aiment aussi à être salués dans les places publiques, à être assis sur les premiers siéges dans les synagogues, et à avoir les premières places dans les festins». - bède. Remarquez que Notre-Seigneur ne défend point de recevoir le salut sur les places publiques ou d'occuper les premières places dans les assemblées ou dans les festins à ceux qui ont droit à ces honneurs en raison de leur dignité ou de leur position; mais qu'il blâme seulement ici ceux qui exigent outre mesure des fidèles ces marques d'honneur, qu'ils y aient droit ou non, et leur reproche de donner en cela un mauvais exemple qu'il faut éviter. C'est donc la disposition du coeur, et non la place elle-même que le Seigneur condamne ici; cependant il est difficile d'excuser ceux qui, assis sur la chaire de Moïse, ambitionnent le titre de maîtres de la synagogue, de se mêler aux débats de la place publique. Le Sauveur nous met en garde contre ces hommes avides de vaine gloire, pour deux raisons, pour nous prémunir contre la séduction de leur conduite, que nous serions tentés de regarder comme irréprochable, ou contre une vaine émulation, qui nous porterait à les imiter, en nous réjouissant des louanges données à des actions qui n'ont que les dehors de la vertu. - Théophyl. Le Sauveur recommande ici particulièrement aux Apôtres de n'avoir aucun rapport avec les scribes, mais de s'appliquer à imiter le Christ, et en les établissant ainsi les maîtres de tout ce qui tend à rendre la vie vertueuse et sainte, il leur soumet tous les autres hommes.

Bède. Ce ne sont pas seulement les louanges des hommes, mais l'argent et les richesses qu'ils désirent: «Ils dévorent les maisons des veuves sous le semblant de longues prières». Il en est, en effet, qui, se couvrant des dehors de la justice, viennent s'offrir aux consciences troublées par le souvenir de leurs péchés, pour être leur avocat, leur protecteur au jour du jugement, et qui n'hésitent pas à se faire payer cette prétendue protection; or comme c'est surtout en priant, que le pauvre qui tend les mains, obtient l'aumône; ces hommes passent les nuits en prières pour recevoir la pièce de monnaie destinée au pauvre. - Théophyl. C'était aux femmes privées de l'appui de leurs maris que les scribes venaient offrir leur protection, et sous le faux semblant de la prière, sous l'attitude du respect et les dehors de l'hypocrisie, ils trompaient les veuves et dévoraient les maisons des riches. «Ils recevront un jugement plus rigoureux» que les autres Juifs coupables.


vv. 41-44

7241 Mc 12,41-44

Bède. Notre-Seigneur, qui venait de prémunir ses disciples contre les désirs ambitieux des premières places et de la vaine gloire, fait de même un discernement aussi juste que certain de ceux qui apportent leurs offrandes dans la maison du Seigneur. «Jésus-Christ étant assis vis-à-vis du tronc, il regardait de quelle manière le peuple y jetait de l'argent». Le mot grec öõëÜîáé veut dire conserver, et le mot persan gaza signifie richesse; de là le nom de gazophylacium donné à l'endroit où l'on conserve l'argent. Ce nom était également donné au tronc où l'on déposait les dons faits par le peuple pour les usages du temple, et aux portiques où ces troncs étaient placés. Vous avez un exemple de ces portiques dans l'Évangile: «Jésus parla de la sorte dans le parvis du trésor, lorsqu'il enseignait dans le temple» (Jn 8, 20). Il est aussi question du tronc des offrandes dans le livre des Rois. «Et le grand-prêtre Joïada prit un coffre et y fit une ouverture par dessus», etc. ().
- Théophyl. C'était une coutume louable chez les Juifs que ceux à qui leur fortune le permettaient, déposaient volontairement leur offrande dans le trésor du temple destiné à nourrir les prêtres, les pauvres et les veuves, «Et plusieurs gens riches en mettaient beaucoup». Or, pendant qu'un grand nombre déposaient ainsi leurs offrandes, vint une pauvre veuve qui fit éclater sa piété par une offrande proportionnée à ses facultés. «Il vint aussi une pauvre veuve qui mit seulement deux petites pièces, valant ensemble le quart d'un as». - Bède. Dans le calcul ordinaire on donne le nom de quadrans à la quatrième partie d'une chose, d'un espace quelconque, du temps, de l'argent. Peut-être ce mot exprime ici la quatrième partie du sicle, c'est-à-dire environ cinq oboles. «Alors Jésus, ayant appelé ses disciples, leur dit: Je vous le dis en vérité, cette pauvre veuve a plus donné que tous ceux qui ont mis dans le tronc». Car Dieu pèse les intentions bien plus que l'objet même de nos offrandes, il considère moins la matière de notre sacrifice que la disposition généreuse de celui qui l'offre: «Car tous les autres ont donné de leur abondance, mais celle-ci a donné de son indigence même tout ce qu'elle avait», etc.

S. Jér. Dans le sens figuré, les riches sont ceux qui tirent du trésor de leurs coeurs des choses anciennes et nouvelles (Mt 13, 52), les secrets mystérieux et cachés de la sagesse divine (Ps 50, 7) dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament. Que figure cette pauvre femme? moi et tous ceux qui me ressemblent, qui mettons ce que nous pouvons, et qui sommes obligés de nous arrêter aux désirs pour ce qui échappe à nos explications. Dieu ne considère pas le nombre de vérités que vous avez entendues, mais vos dispositions en les écoutant. Or, chacun de vous peut offrir le quadrant qui est une volonté active et prompte, et qui est ainsi appelée, parce qu'elle est composée de trois choses: la pensée, la parole et l'action. Notre-Seigneur dit que cette pauvre veuve a donné tout ce qui lui restait pour vivre parce que tous les plaisirs du corps consistent dans la nourriture suivant ces paroles de l'Ecclésiaste: «Tout le travail de l'homme est pour sa nourriture». - Théophyl. Ou bien dans un autre sens cette veuve, c'est l'âme de l'homme qui laisse Satan, à qui elle s'était attachée; elle jette deux pièces de monnaie dans le trésor du temple, c'est-à-dire le corps et l'esprit, le corps par l'abstinence, l'esprit par l'humilité. Ainsi mérite-t-elle d'entendre qu'elle a donné tout ce qui lui restait pour vivre, et qu'elle en a fait un sacrifice, en ne réservant rien de ce qu'elle possédait.

Bède. Dans le sens allégorique, les riches qui déposaient leurs offrandes dans le trésor du temple sont la figure des Juifs fiers de la justice de la loi. Cette pauvre veuve représente la simplicité de l'Eglise; elle est pauvre, parce qu'elle s'est dépouillée de l'esprit d'orgueil et des concupiscences de la terre; elle est veuve, parce que son époux a souffert la mort pour elle. Elle met deux petites pièces de monnaie dans le tronc, parce qu'elle vient apporter l'offrande soit de l'amour de Dieu et du prochain, soit de la foi et de la prière. C'est une bien petite offrande, eu égard à notre misère personnelle, mais les pieuses dispositions de notre âme la rendent agréable à Dieu, et elle l'emporte de beaucoup sur toutes les oeuvres des Juifs orgueilleux. En effet, ces Juifs, qui présument de leur justice, donnent à Dieu de leur abondance; l'Eglise, au contraire, offre tout ce qui sert à sa subsistance, parce qu'elle reconnaît que tout ce qui contribue à entretenir sa vie est dû non pas à ses mérites, mais à la libéralité toute gratuite de Dieu.


CHAPITRE XIII


vv. 1-3

7301 Mc 13,1-3

Bède. L'Eglise de Jésus-Christ une fois fondée, la Judée devait recevoir le digne châtiment de sa perfidie; aussi est-ce avec dessein que Notre-Seigneur après avoir loué dans cette femme la dévotion de l'Eglise, sort du temple, prédit sa ruine prochaine, et le mépris réservé à ces constructions, objet de l'admiration générale. «Et comme il sortait du temple, un de ses disciples lui dit», etc. - Théophyl. Comme le Seigneur leur avait parlé à diverses reprises de la destruction de Jérusalem, ses disciples s'étonnaient du triste sort réservé à des édifices dont la magnificence égalait la grandeur; ils lui montrent donc la riche structure du temple; et Notre-Seigneur prédit que non-seulement il sera détruit, mais qu'il n'en restera point pierre sur pierre. «Jésus leur répondit: Voyez-vous ces grandes constructions, tout sera détruit, et il n'en restera point pierre sur pierre». On objectera peut-être pour accuser la véracité du Sauveur, que les ruines du temple sont restées en grand nombre; cette objection n'est pas fondée, car en supposant qu'il soit resté quelques ruines de cet édifice, cependant jusqu'à la consommation des siècles, il n'en restera point pierre sur pierre. D'ailleurs l'histoire rapporte qu'lius Adrien renversa de fond en comble la cité et le temple, et accomplit ainsi littéralement la prédiction du Sauveur.

Bède. C'est par un dessein particulier de Dieu, qu'au temps où la grâce de la foi évangélique se fut répandue dans tout l'univers, le temple disparut avec toutes les cérémonies du culte judaïque. Autrement ceux qui étaient encore faibles dans la foi, en voyant subsister ce qui était d'institution divine, auraient pu se détacher insensiblement de la foi en Jésus-Christ, et tomber dans un judaïsme grossier. - S. Jér. On peut dire encore que le Seigneur prédit à ses disciples la catastrophe des derniers temps de la Judée, c'est-à-dire la destruction du temple et du peuple juif avec son attachement à la lettre dont il ne restera point pierre sur pierre, des témoignages des prophètes, sur ceux contre lesquels les Juifs les faisaient retomber, comme sur Esdras, Zorobabel et les Macchabées. - Bède. Dès que le Seigneur s'éloigne du temple, tous les édifices de la loi et l'ensemble des commandements se trouvent tellement détruits, que l'accomplissement en devient impossible aux Juifs, et que les membres ayant perdu leur chef, en sont réduits à se combattre entre eux.


vv. 3-8

7303 Mc 13,3-8

Bède. Alors que quelques-uns de ses disciples étaient dans l'admiration de l'imposante construction du temple, le Seigneur leur avait prédit que tous ces édifiées seraient détruits; ses Apôtres l'interrogent donc en particulier sur le temps et les signes précurseurs de cette grande catastrophe: «Et comme il était assis», etc. Le Seigneur s'assied sur l e mont des Oliviers, en face du temple, pour prédire la ruine et la destruction de cet édifice; cette attitude extérieure est conforme aux oracles qui vont sortir de sa bouche, et il nous enseigne ainsi dans un sens spirituel, que tandis qu'il repose paisible et tranquille dans les saints, il a en horreur la folie des âmes orgueilleuses; car le mont des Oliviers figure les hauteurs fertiles de la sainte Eglise (Ps 51, 8; Jr 11, 6). - S. Aug. (lettre 80 à Hésychius). A cette question que lui font ses disciples, le Seigneur répond en leur prédisant les événements qui devaient s'accomplir plus ou moins prochainement, et qui se rapportaient soit à la ruine de Jérusalem qui avait donné lieu à cette question, soit à son avènement par le moyen de l'Eglise, dans laquelle il ne cesse de venir, car il se produit et se manifeste dans les nouveaux membres qui lui naissent tous les jours; soit à la fin des siècles, où il apparaîtra pour juger les vivants et les morts.

Théophyl. Mais avant de répondre à leurs questions, il veut les affermir contre les séductions, auxquelles ils devaient être exposés: «Et Jésus leur répondit: Prenez garde que personne ne vous séduise», etc. Il leur tient ce langage, parce qu'au temps des dernières épreuves de la Judée, on vit s'élever dans son sein des hommes qui prenaient insolemment le titre de docteurs, c'est ce que prédit le Sauveur: «Plusieurs viendront en mon nom»,etc. - Bède. On en vit beaucoup, en effet, à l'approche de la ruine du Jérusalem, qui se proclamaient christs, et annonçaient l'ère prochaine de la liberté. Du temps des Apôtres, un grand nombre d'hérésiarques devaient aussi sortir du sein de l'Eglise. Plusieurs antéchrists vinrent aussi au nom de Jésus-Christ, le premier fut Simon le Magicien auquel les habitants de Samarie s'attachaient en disant de lui: «C'est là celui que l'on appelle la grande vertu de Dieu». (Ac 8, 10) «Et ils en séduiront plusieurs». Depuis la passion de Notre-Seigneur, le peuple juif qui lui avait préféré un voleur séditieux, et avait rejeté Jésus-Christ son Sauveur, fut continuellement en butte aux attaques de ses ennemis et à des guerres intestines. C'est à ces guerres que le Seigneur fit allusion en ajoutant: «Lorsque vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerre». Mais il rassure en même temps ses disciples contre ses épreuves, et les engage à ne quitter ni Jérusalem ni la Judée; car ce n'est point encore la fin, qui ne devait avoir lieu que quarante ans après. «Il faut que ces choses arrivent, mais ce ne sera pas encore la fin», c'est-à-dire la désolation de la province, et la destruction complète de la ville et du temple.

«On verra se soulever peuple contre peuple». - Théophyl. C'est-à-dire les Romains contre les Juifs, ce qui, au témoignage de l'historien Josèphe, eut lieu avant la destruction de Jérusalem. En effet, les Juifs ayant refusé de payer le tribut, les Romains vinrent furieux pour venger ce refus, mais comme à cette époque ils se montraient cléments à l'égard des nations vaincues, ils se contentèrent des dépouilles qu'ils emportèrent, sans détruire la ville de Jérusalem; mais Dieu ne laissait pas de se déclarer lui-même contre les Juifs, comme on le voit par ce qui suit: «Il y aura des tremblements de terre en divers lieux». - Bède. C'est ce qui s'accomplit à la lettre au temps de la révolte des Juifs contre les Romains. Ce peuple qui se soulève contre un autre peuple, ces doctrines pestilentielles de ceux dont les discours gagnent comme un cancer. (2 Tm 2) Cette faim de la parole de Dieu, ces tremblements de terre qui s'étendent au loin, peuvent aussi s'entendre des hérétiques qui se séparent de la vraie foi, et qui, par leurs luttes intestines, assurent à l'Eglise la victoire.


vv. 9-13

7309 Mc 13,9-13

Bède. Notre-Seigneur fait ici connaître la justice des châtiments effroyables qui devaient fondre sur la Judée: «Prenez bien garde à vous, car on vous fera comparaître dans les assemblées des juges, vous serez fouettés de verges dans les synagogues».En effet, la cause principale de la ruine du peuple juif, c'est que non content d'avoir mis à mort le Sauveur, il poursuivit avec une cruauté impie les prédicateurs de son nom et de sa foi. - Théophyl. C'est avec dessein que Notre-Soigneur parle tout d'abord de ce que les Apôtres devaient souffrir, il veut leur faire trouver quelque consolation à leurs épreuves personnelles dans les souffrances et les tribulations qui seront communes à tous les autres. «Et vous serez conduits devant les gouverneurs et devant les rois», etc. Ces rois et ces gouverneurs, c'est Agrippa, Néron, Hérode (Ac 15; 12). Ces paroles: «Vous serez conduits devant les rois et les gouverneurs à cause de moi», étaient d'une grande consolation pour les Apôtres, puisque c'était pour Jésus-Christ lui-même qu'ils devaient souffrir. Il ajoute: «Pour me rendre témoignage devant eux», ou, si l'on veut, en témoignage contre eux, c'est-à-dire, qu'ils seront inexcusables de ne s'être point rendus à la vérité malgré les travaux des Apôtres». Cependant qu'ils se gardent de croire que ces tribulations et ces dangers seront un obstacle à la prédication des Apôtres: «Car, ajoute-t-il, il faut d'abord que l'Évangile soit prêché à toutes les nations», etc. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 2, 7). Saint Matthieu ajoute: «Et alors viendra la consommation»; mais l'expression de saint Marc: «Il faut d'abord», a la même signification.

Bède. Les monuments historiques attestent à l'envi l'accomplissement de cette prédiction. Nous y lisons que tous les Apôtres, peu de temps avant la ruine de la Judée, se répandirent dans tout l'univers pour y prêcher l'Évangile, à l'exception de Jacques, fils de Zébédée, et de Jacques, frère du Seigneur, qui avaient déjà versé leur sang dans la Judée pour la parole du Seigneur. Le Seigneur savait que le coeur de ses disciples serait contristé de la destruction et de la ruine de leur nation, il veut donc leur donner cette consolation, en leur apprenant qu'au défaut des Juifs qu'il rejetait, ils auraient d'autres compagnons de la gloire et du royaume des cieux, et qu'il se choisirait parmi toutes les nations un plus grand nombre d'élus que la ruine de la Judée n'en ferait perdre.

La Glose. Une autre préoccupation pouvait naître dans l'esprit des disciples. Jésus leur avait prédit qu'ils seraient conduits devant les rois et les gouverneurs; ils pouvaient donc se demander, si dépourvus qu'ils étaient de science et d'éloquence, ils ne seraient pas dans l'impossibilité de répondre; le Seigneur les rassure donc en leur disant: «Et lorsque vous serez conduits», etc. - Bède. Lorsque nous sommes traduits devant les juges pour la cause de Jésus-Christ, il nous suffit d'offrir notre volonté pour lui. Jésus-Christ qui habite en nous parlera pour nous, et la grâce du Saint-Esprit nous dictera la réponse que nous devons faire, «car ce n'est pas vous qui parlez, mais l'Esprit saint».

Théophyl. Il leur prédit encore quelque chose de plus cruel, c'est que leurs proches deviendraient leurs propres persécuteurs: «Le frère livrera son frère à la mort, et le père son fils», etc.
- Bède. C'est ce que nous avons vu souvent dans les persécutions, et des coeurs divisés sur le point de la foi ne peuvent être unis par une affection véritable et sûre. - Théophyl. En leur annonçant ce danger, le Sauveur veut les préparer à supporter patiemment ce nouveau genre de persécutions et d'épreuves. Selon sa coutume, il joint à cette prédiction une vérité consolante: «Et vous serez haï de tout le monde à cause de mon nom». Etre un objet de haine à cause de Jésus-Christ, c'est là un motif suffisant pour nous de souffrir patiemment les persécutions (car ce n'est point la souffrance, mais la cause pour laquelle on souffre qui fait le martyr). Enfin, rien de plus consolant au milieu des persécutions que ce que le Sauveur ajouta: «Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin sera sauvé».



Catena Aurea 7218