Catena Aurea 7542


CHAPITRE XVI


vv. 1-8

7601 Mc 16,1-8

S. Jér. À la tristesse du jour du sabbat succède un jour brillant et fortuné, jour qui tient le premier rang parmi les jours, parce qu'il est éclairé des rayons de la lumière par excellence, et qu'il est témoin du triomphe de la résurrection du Seigneur: «Et lorsque le jour du sabbat fut passé, Marie-Madeleine», etc. - La Glose. Tant qu'il leur fut permis de travailler, c'est-à-dire, jusqu'au coucher du soleil, les saintes femmes préparèrent pieusement les parfums nécessaires à la sépulture du Sauveur, comme le rapporte saint Luc. Mais le peu de temps qui leur restait ne leur permit point de terminer ces préparatifs; aussitôt donc que le jour du sabbat fut passé, et que le coucher du soleil leur eut rendu la liberté de reprendre leur travail, elles se hâtèrent d'aller acheter des parfums, comme le dit saint Marc, afin de pouvoir, le matin, embaumer le corps de Jésus, car elles ne purent se rendre au tombeau le soir du jour du sabbat, la nuit commençant à répandre son obscurité. - séver. Ces saintes femmes obéissent à un sentiment de piété propre à leur sexe, ce n'est pas un témoignage de foi qu'elles viennent offrir à Jésus-Christ vivant, ce sont des parfums qu'elles apportent pour embaumer un mort, c'est un hommage de leur tristesse qu'elles offrent à celui qui est enseveli, ce ne sont pas les joies d'un triomphe tout divin qu'elles préparent à celui qui doit bientôt ressusciter. - Théophyl. Elles ne comprenaient pas encore la grandeur et la dignité de la Divinité de Jésus-Christ. Elles vinrent, selon la coutume des Juifs, embaumer le corps de Jésus, pour lui conserver une odeur agréable, et le préserver de la corruption qu'engendrent les humeurs. Les parfums ont, en effet, une vertu dessicative, qui absorbe toutes les parties humides du corps et le préserve de la corruption. - S. grêg. (hom. 21 sur les Evang). Pour nous qui croyons en celui qui est mort, nous venons à son tombeau avec des parfums, si nous le cherchons tout parfumés de la bonne odeur des vertus et avec la conscience de nos bonnes oeuvres.

«Et le premier jour de la semaine, étant parties de grand matin», etc. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 24). «De grand matin», dit saint Luc; «le matin, quand les ténèbres régnaient encore», dit saint Jean. Saint Marc exprime la même pensée, en disant: «De grand matin, le soleil étant déjà levé», c'est-à-dire, lorsque le soleil commençait à blanchir du côte de l'Orient, c'est ce qui a lieu à l'approche du lever du soleil, on donne à ces premières lueurs le nom d'aurore. Saint Jean a donc pu dire sans contradiction: «Quand les ténèbres régnaient encore, car lorsque le jour paraît, les ténèbres se dissipent insensiblement et disparaissent à mesure que le soleil se lève sur l'horizon». Ces paroles: «Le soleil étant déjà levé», ne veulent pas dire qu'il dardait pleinement ses rayons sur la terre, mais qu'à mesure qu'il approchait, il commençait à blanchir et à éclairer le ciel de ses rayons naissants. - S. Jér. Saint Marc appelle donc ici: «De grand matin», ce qu'un autre Évangéliste appelle: «Le point du jour», c'est-à-dire, le point intermédiaire entre les ténèbres de la nuit et les clartés du jour où devait paraître le salut du genre humain annoncé dans l'Eglise par cette heureuse coïncidence de l'aurore; semblable au soleil qui, avant son lever, se fait précéder par l'aurore empourprée, il prépare les yeux à contempler la splendeur éclatante de sa résurrection. Alors, à l'exemple des saintes femmes, l'Eglise tout entière chante les louanges de Jésus-Christ qui, par le fait de sa résurrection, rend au genre humain le mouvement et la vie en l'inondant de la lumière de la foi. - Bède. En se rendant de grand matin au tombeau, ces pieuses femmes nous donnent une preuve de leur ardent amour; elles nous apprennent ainsi dans le sens spirituel, à offrir à Dieu le parfum de nos bonnes oeuvres et la suave odeur de nos prières, la face éclairée de sa lumière et après avoir chassé les ténèbres des vices. - Théophyl. «Le premier jour du sabbat», c'est-à-dire, le premier jour de la semaine, car tous les jours de la semaine portent le nom de sabbat, et le premier jour est appelé una sabbatorum. - Bède. Ou bien, le premier jour du sabbat est le premier jour à partir du jour du sabbat ou du repos que l'on observait le jour du sabbat.

«Or, elles se disaient l'une à l'autre: Qui nous ôtera la pierre», etc. - séver. Votre coeur est fermé, vos yeux sont appesantis, et vous ne pouvez voir la gloire qui environne ce tombeau ouvert. - bebe. «Mais en regardant elles virent que cette pierre était ôtée». - Bède. Saint Matthieu nous a suffisamment expliqué comment la pierre avait été renversée par l'ange. Cette pierre enlevée figurait au sens allégorique, que les mystères du Christ couverts comme d'un voile par la lettre de la loi écrite sur la pierre étaient maintenant pleinement dévoilés, a Cette pierre était fort grande». - séver. Elle était plus grande par sa destination que par sa forme, puisqu'elle suffit à couvrir et à enfermer le corps du Créateurs de l'univers.

S. Grég. (hom. 21). Les saintes femmes qui sont venues avec des parfums voient les anges; ainsi les âmes qui méritent de voir les habitants des cieux sont celles qui, chargées de vertus, s'avancent vers le Seigneur par de saints désirs: «Et entrant dans le sépulcre, elles virent un jeune homme assis», etc. - Théophyl. Ne soyez point surpris que saint Matth ieu rapporte que l'ange était assis sur la pierre, tandis que d'après saint Marc, c'est en entrant dans le tombeau qu'elles virent un jeune homme assis; elles purent très-bien voir, un instant après dans l'intérieur du tombeau, celui qu'elles avaient vu d'abord assis sur la pierre. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 3, 24). Nous pouvons aussi admettre que saint Matthieu a gardé le silence sur l'ange que les femmes virent en entrant dans le tombeau, et saint Marc, sur celui qu'elles ont vu assis sur la pierre. Dans cette hypothèse, elles en ont vu deux, et ont entendu de chacun d'eux séparément les paroles que rapportent les Évangélistes. Ou bien encore, le tombeau dans lequel elles entrèrent, doit s'entendre d'une place libre entourée de murs qui formaient comme une enceinte destinée à défendre à une certaine distance le roc dans lequel le sépulcre était creusé. On comprend parfaitement alors qu'elles aient vu dans le même lieu, assis du côté droit, celui qui, d'après saint Matthieu, était assis sur la pierre. - Théophyl. Quelques auteurs prétendent que les femmes dont parle saint Matthieu sont différentes de celles dont il est question dans saint Marc, mais Marie-Madeleine les accompagnait toutes dans l'impatience de sa ferveur et l'ardeur de son amour.

sévère. Les saintes femmes entrent dans le tombeau pour s'ensevelir avec Jésus-Christ et ressusciter avec lui. Elles aperçoivent un jeune homme, figure de l'âge de l'homme ressuscité, qui ne connaît point la vieillesse; car là où l'homme ne doit plus ni naître ni mourir, l'âge de l'homme n'est plus soumis ni à la croissance, ni à la décroissance. Voilà pourquoi ce n'est ni un vieillard, ni un enfant, mais un jeune homme dans la fleur de l'âge qui se présente aux regards des saintes femmes.
- bédé. Elles virent un jeune homme assis à la droite, à la partie méridionale de l'endroit où le corps avait été déposé. En effet, ce corps étendu sur le dos dans le sépulcre, ayant la tête à l'Occident, devait avoir nécessairement la droite au Midi. - S. Grég. (hom. 20). La gauche est ici l'emblème de la vie présente; et la droite le symbole de la vie éternelle. Or, comme notre Rédempteur avait traversé cette vie corruptible, c'est avec raison que l'ange qui venait annoncer son entrée dans la vie éternelle, se tenait à droite. - sévère. Une autre raison pour laquelle ils aperçoivent ce jeune homme assis à la droite, c'est que dans la résurrection glorieuse il n'y a point de gauche. Elles le virent revêtu d'une robe blanche; cette robe blanche n'est point un tissu fait avec la laine d'une toison, c'est l'oeuvre d'une puissance pleine de vie, sa couleur n'a rien de la terre, et emprunte tout son éclat aux cieux, selon ces paroles du prophète: «Il est revêtu de la lumière comme d'un manteau» (Ps 103), et ces autres du Sauveur en parlant des justes: «Alors les justes brilleront comme le soleil (Mt 13). - S. Grég. (hom. 21). Ou bien encore, il apparut revêtu d'une robe blanche, parce qu'il nous annonce les joies de cette grande fête, car la blancheur des vêtements est le symbole de cette grande et éclatante solennité. - S. Jér. La robe blanche figure encore la joie véritable que répand dans les âmes la défaite de notre ennemi, la conquête du royaume, la jouissance du roi pacifique que nous avons trouvé après tant de recherches, et que nous possédons sans crainte de le perdre. Ce jeune homme donne donc à ceux qui craignent la mort, un symbole de la forme que nous réserve la résurrection. Les femmes sont saisies de frayeur, parce que l'oeil n'a point vu, l'oreille n'a point entendu, le coeur de l'homme n'a point compris ce que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment (2Co 2,9).

«Il leur dit», etc. - S. Grég. (hom. 21). C'est-à-dire: Laissez la crainte à ceux qui n'aiment point la visite des habitants des cieux, laissez la frayeur à ceux qui, accablés sous le poids des désirs de la chair, désespèrent de pouvoir jamais arriver dans leur société; mais pour vous, pourquoi craignez-vous la vue de vos concitoyens? - S. Jeu. Car la crainte n'est point dans la charité. (1Jn 4,18) Pourquoi craindraient-elles, après avoir trouvé celui qu'elles cherchaient.

S. Grég. (hom. 21). Mais écoutons ce que l'ange ajoute: «Vous cherchez Jésus de Nazareth». Jésus en latin veut dire salutaire ou Sauveur. Or, plusieurs ont pu être appelés Jésus de nom seulement, et sans qu'ils le fussent en réalité. L'ange ajoute: «De Nazareth», pour préciser de quel Jésus il voulait parler, et il indique le motif pour lequel les saintes femmes le cherchaient, par ce mot: «Qui a été crucifié». - Théophyl. Il ne roug it point de la croix, car la croix est la cause du salut des hommes, et le principe de la béatitude des cieux.

S. Jér. La racine de la croix a cessé de faire sentir son amertume, la fleur de vie est sortie de sa tige, accompagnée de ses fruits, c'est-à-dire que celui qui gisait dans le tombeau victime de la mort, en est sorti glorieux et triomphant. «Il est ressuscité, il n'est plus ici». Il n'y est plus présent corporellement, lui qui cependant remplit tout de la présence de sa majesté. - Théophyl. Il semble leur dire: Voulez-vous une preuve certaine de sa résurrection? Voici l'endroit où on l'avait mis, et il avait renversé la pierre, afin, qu'elles pussent constater elle-même le lieu où on l'avait déposé. - S. Jér. L'ange dévoile les mystères de l'immortalité à de simples mortels, pour nous inspirer de justes sentiments d'actions de grâces, et nous faire comprendre ce que nous avons été et ce que nous serons un jour.

«Allez, et dites à ses disciples», etc. Il charge les saintes femmes d'apprendre cette nouvelle aux Apôtres; la mort a été annoncée par la femme, c'est par la femme que doit être annoncée la vie qui ressuscita d'entre les bras de la mort. L'ange désigne spécialement Pierre, parce qu'il s'est jugé indigne de l'apostolat, lorsqu'il a renié par trois fois son Maître; mais les péchés passés ne sont point pour nous un obstacle, lorsqu'ils cessent de nous être agréables. - S. Grég. (hom. 21). Si l'ange n'avait pas désigné nommément celui qui avait renié son divin Maître, il n'aurait pas osé reprendre sa place parmi ses disciples, il l'appelle donc par son nom pour l'arracher au désespoir où aurait pu jeter son renoncement.



S. Aug. (de l'accord des Evang., 3, 25). Ces paroles: «Il vous précédera en Galilée», semblent indiquer que Jésus ne devait apparaître à ses disciples, après sa résurrection, qu'en Galilée; apparition que saint Marc lui-même n'a point rapportée; car les apparitions qu'il raconte en ces termes: «Le premier jour de la semaine, au matin, il apparut à Marie-Madeleine, et puis ensuite à deux d'entre eux qui s'en allaient à la campagne», ont eu lieu à Jérusalem le jour même de la résurrection, et il arrive aussitôt à la dernière manifestation du Sauveur ressuscité sur le mont des Oliviers, non loin de Jérusalem; saint Marc ne nous montre donc nulle part l'accomplissement de la prédiction de l'ange qu'il nous fait connaître. Quant à saint Matthieu, il ne mentionne d'autre apparition du Sauveur à ses disciples, après sa résurrection, que celle qui eut lieu en Galilée, selon la prédiction de l'ange. Mais comme cet Évangéliste n'indique point le temps précis de cette apparition, et qu'il ne précise point davantage ni le jour où les disciples se sont rendus sur une montagne dans la Galilée, ni l'ordre des faits, sa narration n'est point en contradiction réelle avec celle des autres Évangélistes, et donne toute facilité pour les interpréter et les expliquer. Mais pourquoi le Seigneur fait-il annoncer qu'il ne leur apparaîtra pour la première fois que dans la Galilée, où il ne se manifesta que plus tard. C'est un secret qui excite l'attention de tout fidèle, et le porte à demander quel mystère est renfermé dans ces paroles. - S. Grég. (hom. 21). Le mot Galilée signifie transmigration ; déjà notre Rédempteur était passé des souffrances de sa passion à la gloire de là résurrection, de la mort à la vie; et nous aussi nous jouirons un jour du spectacle de sa résurrection, si nous sortons ici de la fange des vices pour nous élever aux sommets de la vertu. Celui qu'on disait être dans le sépulcre, nous apparaît passant de la mort à la vie. Ainsi celui qui se fait remarquer par la mortification de la chair donne aux autres le spectacle de l'heureuse transmigration de son âme. - S. Jér. Ces paroles sont courtes à ne compter que les syllab es qui les composent, mais elles sont immenses par l'étendue des promesses qu'elles contiennent. Là est la source de notre joie et le principe de notre salut éternel; c'est là que se réuniront tous ceux qui sont dispersés, et que tous les coeurs brisés seront pas tel que vous l'avez vu». - S. Aug. (de l'accord des Evang., 3, 25). Ces paroles signifient que la grâce de Jésus-Christ devait quitter le peuple d'Israël pour passer ou pour émigrer chez les Gentils, qui n'eussent jamais reçu la prédication des Apôtres, si Dieu lui-même ne leur avait préparé la voie dans les coeurs des hommes. Et c'est là le sens de ces paroles: «Je vous précéderai en Galilée, c'est là que vous le verrez», c'est-à-dire là vous trouverez ses membres.

«Elles sortirent aussitôt du sépulcre et s'enfuirent, saisies de crainte et de tremblement». - Théophyl. Cette frayeur était produite à la fois par la vue de l'ange, et par l'étonnement où les jetait la résurrection du Sauveur. - sévère. L'ange est assis sur le sépulcre, tandis que les femmes s'enfuient loin du sépulcre; nous voyons d'un côté la confiance que donne une nature céleste, de l'autre, le trouble inhérent à la condition d'une nature terrestre. L'ange qui n'est point sujet à la mort, ne craint point le tombeau; les femmes, au contraire, tremblent à la vue du fait dont elles sont témoins, et la présence du tombeau réveille dans leur âme la frayeur de la mort naturelle aux mortels. - S. Jér. On peut dire encore que c'est ici une figure de la vie future, d'où fuiront à jamais la douleur et les gémissements; car les femmes imitent avant la résurrection générale ce que feront tous les hommes après la résurrection; elles fuient la mort, et tout ce qui leur inspire de l'effroi.

«Et elles ne dirent rien à personne, tant leur frayeur était grande». - Théophyl. Ce fut ou par crainte des Juifs, ou sous l'impression de la frayeur de ce qu'elles avaient vu, qu'elles gardèrent le silence sur ce qui leur avait été dit. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 3, 24). Mais comment concilier ce que dit ici saint Marc avec le récit de saint Matthieu: «Ces femmes sortirent aussitôt du sépulcre avec crainte et grande joie, et elles coururent porter cette nouvelle aux disciples ?» On peut dire qu'elles n'osèrent adresser la parole soit à aucun des anges (c'est-à-dire rien répondre à ce qu'elles avaient entendu), soit aux gardes qu'elles virent étendus à terre; car la joie dont elles étaient pénétrées, selon saint Matthieu, ne contredit pas le sentiment de crainte dont parle saint Marc. Nous devrions même admettre que leur âme fut livrée à ces deux émotions si différentes, lors même que saint Matthieu ne les représenterait point sous l'impression de la crainte. Mais comme il dit expressément qu'elles sortirent du sépulcre avec crainte et grande joie, il ne peut plus y avoir de difficulté. - sévère. C'est peut-être à dessein que l'Évangéliste remarque que les femmes ne dirent rien à personne, parce que le devoir des femmes est d'écouter et non de parler, d'apprendre et non pas d'enseigner.


vv. 9-13

7609 Mc 16,9-13

S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 24). Considérons maintenant les diverses apparitions de Notre-Seigneur après sa résurrection: «Jésus étant ressuscité, dit saint Marc, apparut premièrement à Marie-Madeleine». - Bède. Saint Jean raconte très en détail comment et dans quel endroit cette apparition eut lieu. Notre-Seigneur sortit le matin du tombeau dans lequel on l'avait déposé le soir pour accomplir cet oracle du Roi-prophète: «Les gémissements se font entendre le soir, au matin retentit l'allégresse» (Ps 29, 6). - Théophyl. On peut aussi ponctuer différemment cette phrase: «Jésus étant ressuscité», et puis: «Le premier jour de la semaine, il apparut d'abord à Marie-Madeleine». - S. Grég. (hom. 21). Comme Samson qui, au milieu de la nuit, non-seulement sortit de la ville de Gaza, mais en emporta les portes, notre Rédempteur ressuscite avant le jour, et non-seulement il sort libre du sein de la terre, mais il brise et renverse les portes des enfers. Saint Marc rappelle que Jésus avait chassé sept démons de Marie-Madeleine; que signifient ces sept démons, si ce n'est l'universalité des vices? De même que toute l'étendue du temps semble être comprise dans un espace de sept jours, le nombre sept est pris pour symbole de l'universalité des choses. Marie-Madeleine avait donc sept démons, parce que son âme était pleine de tous les vices. - Théophyl. Ou bien ces sept démons sont les esprits opposés aux sept vertus, c'est-à-dire aux sept dons du Saint-Esprit, c'est-à-dire les esprits privés de la crainte de Dieu, de la sagesse, de l'intelligence», etc. - S. Jér. Le Sauveur apparaît tout d'abord à celle dont il avait chassé sept démons, confirmant ainsi cette vérité que les femmes de mauvaise vie et les publicains précéderont la synagogue dans le royaume des cieux, comme le larron a précédé les Apôtres.

Bède. Dès l'origine, ce fut la femme qui entraîna son mari dans le mal. Aujourd'hui celle qui la première a goûté la mort, est aussi le premier témoin de la résurrection, pour ne point rester couverte aux yeux des hommes d'un opprobre éternel; et après avoir été le canal par lequel le péché est arrivé jusqu'à l'homme, c'est par elle aussi que la grâce lui est transmise, «Etelle s'en alla le dire à ceux qui étaient avec lui, et qui étaient dans l'affliction», etc. - S. Jér. Ils pleurent et s'attristent, parce qu'ils n'ont pas encore vu, mais la consolation ne tardera point. Car, dit le Sauveur, bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés» (Mt 5). - Bède. Ce n'est pas sans dessein que l'Évangéliste nous rappelle que cette femme qui annonce la première la joie de la résurrection du Seigneur, avait été délivrée de sept démons, il veut apprendre à toute âme vraiment pénitente à ne point désespérer du pardon de ses fautes, et que la grâce a été surabondante là où le péché avait abondé. - sévère. Marie qui annonce cette nouvelle, ne représente plus simplement la femme, mais l'Eglise; comme femme, elle a gardé le silence, mais maintenant qu'elle représente l'Eglise, elle parle hautement et publie le miracle de la résurrection.

«Mais eux, lui ayant oui-dire», etc. - S. Grég. (hom. 16 sur les Evang). La difficulté des disciples à croire la résurrection, a eu moins pour cause, j'ose le dire, leur propre faiblesse, que le dessein de nous affermir un jour dans la foi, car ces preuves incontestables de la résurrection que Notre-Seigneur oppose à leurs incertitudes, que sont-elles pour nous qui les lisons, qu'un fondement solide que notre foi puise jusque dans leurs doutes ?

«Après cela, il apparut sous une autre forme à deux d'entre eux», etc. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 2, 25). Saint Luc donne tout en entier le récit de l'apparition de Jésus à ces deux disciples, dont l'un s'appelait Cléophas, taudis que saint Marc ne fait que l'indiquer en peu de mots. En effet, ce que saint Luc appelle un bourg, nous pouvons admettre, sans invraisemblance, que saint Marc a pu le désigner sous le nom de maison de campagne. Les exemplaires grecs désignent plutôt ce lieu par le nom de champ que par celui de maison de campagne. Or, sous le nom de champ, on désigne ordinairement, non-seulement les châteaux, mais aussi les municipes et les colonies situées en dehors de la ville qui en est comme le chef et la mère. Saint Marc dit que Jésus apparut sous une autre forme; saint Luc exprime la même pensée en disant que leurs yeux étaient retenus et ne pouvaient le reconnaître. En effet, quelque phénomène affectait leurs yeux, et les empêcha de voir jusqu'à la fraction du pain. - séver. Gardons-nous de croire que la résurrection ait changé les traits de la figure de Jésus-Christ; l'apparence et la forme seules ont changé, lorsque de mortel il est devenu immortel, et sa figure brilla d'un nouvel éclat sans perdre sa nature et son identité. Or, il apparut à deux disciples qui représentaient les deux peuples (les Gentils et les Juifs) à qui la foi devait être annoncée.

«Ceux-ci vinrent l'annoncer aux autres disciples, mais ils ne les crurent pas non plus». - Bède. Saint Marc dit: «Ils vinrent l'annoncer aux autres disciples qui ne les crurent pas non plus». Saint Luc rapporte au contraire que, dès ce moment les disciples affirmaient que le Seigneur était vraiment ressuscité et qu'il avait apparu à Simon; il faut donc supposer qu'il s'en trouva parmi eux quelques-uns qui refusèrent de croire. - Théophyl. En effet, ce n'est pas des onze que saint Marc veut ici parler, mais de certains disciples qu'il appelle «les autres».

S. Jér. Au sens mystique, cette apparition aux deux disciples d'Emmaûs, nous apprend qu'ici-bas la foi travaille pendant la durée de la vie active, tandis que la vie contemplative règne dans la jouissance calme et assurée de la claire vision. Sur la terre, nous ne voyons que l'image des choses comme dans un miroir; dans l'autre vie nous verrons la vérité face à face. Voilà pourquoi le Sauveur apparaît sous une autre figure aux disciples qui sont en marche et dans les travaux de la vie présente. Les autres disciples ne croient point à leur témoignage, parce qu'ainsi que Moïse, ils ont vu ce qui n'était pas capable de les satisfaire. Aussi Moïse fait-il cette demande à Dieu: «Montrez-vous vous-même à moi» (Ex 33). Il oubliait ce corps mortel dont il était revêtu, et il demandait à jouir dans cette vie de ce que nous espérons pour la vie future.


vv. 14-18

7614 Mc 16,14-18

La Glose. Saint Marc, sur le point de clore sa narration évangélique, rapporte la dernière apparition de Jésus-Christ à ses disciples après sa résurrection: «Enfin il apparut aux onze», etc. - S. Grég. (hom. 29 sur les Evang). Comparons ici le récit de saint Luc dans les Actes (Ac 1). «Et mangeant avec eux, il leur commanda de ne point s'éloigner de Jérusalem;» et un peu plus loin: «Il s'éleva en leur présence». Il mange avec eux, pour établir clairement par cette action la vérité de sa chair, et monte ensuite au ciel. C'est ce même fait que saint Marc raconte ici: «Il apparut aux onze lorsqu'ils étaient à table». - S. Jér. Il apparut aux onze qui étaient réunis, afin qu'ils soient tous témoins de sa résurrection, et qu'ils puissent annoncer à tous les hommes, ce qu'ils ont vu et ce qu'ils ont entendu lorsqu'ils étaient réunis tous ensemble.

«Et il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur coeur de n'avoir point cru ceux qui avaient vu qu'il était ressuscité». - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 2, 25). Comment cette apparition put-elle avoir lieu le dernier jour? La dernière fois que Notre-Seigneur apparut aux Apôtres, ce fut le quarantième jour après sa résurrection. Or, devait-il leur reprocher ce jour-là de n'avoir point cru ceux qui avaient vu qu'il était ressuscité, lorsqu'eux-mêmes l'avaient vu si souvent depuis sa résurrection? Par cette expression: «enfin», saint Marc a voulu abréger son récit, et il veut dire que ce fut le dernier événement de la journée à l'entrée de la nuit, après que les deux disciples furent revenus du bourg d'Emmaüs dans Jérusalem, et qu'ils eurent trouvé, comme le dit saint Luc, les onze réunis, et avec eux d'autres disciples s'entretenant de la résurrection du Sauveur. Mais il s'en trouvait encore parmi eux qui refusaient de croire; or, pendant qu'ils étaient à table (d'après saint Marc) et qu'ils s'entretenaient entre eux (au rapport de saint Luc), Jésus apparut au milieu d'eux et leur dit: «La paix soit avec vous», (comme le disent également saint Luc et saint Jean). Dans les paroles de Notre-Seigneur à ses disciples rapportées à la fois par saint Luc et par saint Jean, il faut donc intercaler le reproche dont parle ici saint Marc. Mais voici une nouvelle difficulté. Comment saint Marc peut-il dire que le Sauveur apparut aux onze Apôtres, si cette apparition eut lieu le même jour du dimanche, vers le soir? En effet, saint Jean dit clairement qu'alors Thomas n'était pas avec les autres, et nous croyons qu'il les quitta avant l'entrée de Jésus-Christ, et après que les deux disciples de retour d'Emmaüs, se furent entretenus avec les onze, comme nous le voyons dans saint Luc. Du reste, saint Luc lui-même, dans son récit, laisse supposer que Thomas était sorti pendant que les deux disciples parlaient et avant, que le Sauveur entrât. Et voici que saint Marc, eu affirmant qu'en dernier lieu, Jésus apparut aux onze pendant qu'ils étaient à table, nous force de conclure que Thomas était avec eux, à moins qu'on admette que malgré l'absence de Thomas, saint Marc a voulu conserver cette dénomination, «les onze», parce que c'était la dénomination reçue pour désigner le collège apostolique ayant l'élection de Matthias en remplacement de Judas. Si cette explication parait forcée, nous pouvons placer cette dernière apparition aux onze, pendant qu'ils étaient à table, après un grand nombre d'autres, c'est-à-dire, le quarantième jour qui suivit sa résurrection. Comme le Sauveur était sur le point de les quitter pour monter au ciel, il profite de cette dernière circonstance pour leur reprocher de n'avoir point cru à ceux qui l'avaient vu ressuscité, avant d'en avoir été eux-mêmes les témoins oculaires; alors surtout qu'après son ascension, les nations auxquelles ils prêcheraient l'Évangile, devaient croire sans avoir vu. Et en effet, le reproche est immédiatement suivi de ces paroles: «Et il leur dit: Allez par tout le monde»; et plus bas: «Celui qui ne croira point sera condamné». Voilà ce qu'ils vont bientôt prêcher, comment donc ne pas leur faire tout d'abord ce reproche à eux-mêmes, qui avant qu'il leur eût apparu, avaient refusé de croire au témoignage de ceux qui l'avaient vu ressuscité? - S. Grég. (hom. 29). Notre-Seigneur fait ce reproche à ses disciples au moment où il va les priver de sa présence corporelle, afin que ces dernières paroles qu'il leur adresse en les quittant, restassent plus profondément gravées dans leur coeur. - S. Jér. Il leur reproche leur incrédulité afin qu'elle fasse place à la foi; il leur reproche la dureté de leur coeur de pierre, afin qu'ils le changent en un coeur de chair rempli de charité.

S. Grég. (hom. 29) Après qu'il leur a reproché leur dureté, écoutons les instructions qu'il leur donne: «Allez dans le monde entier, prêchez l'Évangile à toute créature». Sous cette dénomination générale de créature, il faut entendre l'homme; l'homme, en effet, a quelque point de contact avec chaque créature, il a de commun l'être avec les pierres, la vie végétative avec les arbres, le sentiment avec les animaux, l'intelligence avec les anges. L'Évangile est donc prêché à toute créature, lorsqu'il est annoncé à l'homme seul, parce qu'il est enseigné à celui pour qui tout a été fait sur la terre et qui a quelque rapport d'analogie avec toutes les créatures. Le Sauveur leur avait dit précédemment: «N'allez point vers les nations» (Mt 10). Il leur commande maintenant de prêcher l'Évangile à toute créature, afin que la prédication des Apôtres repoussée par les Juifs, vint à notre secours, tandis que leur superbe refus tournerait à leur condamnation. - Théophyl. Ou bien encore; «A toute créature», c'est-à-dire aux croyants et aux incrédules: «Celui qui croira et sera baptisé», etc. En effet, la foi ne suffit pas, car celui qui croit sans être baptisé et qui n'est encore que catéchumène, n'est dans la voie du salut que d'une manière incomplète. - S. Grég. (hom. 29). Chacun se dira peut-être en lui-même: J'ai cru, donc je serai sauvé. Il dit vrai, si sa foi se traduit dans ses oeuvres, car la foi véritable est celle où les actions sont en parfaite conformité avec les paroles.

«Celui qui ne croira point sera condamné». - Bède. Que dirons-nous encore ici des enfants à qui leur âge rend l'acte de foi impossible? car pour les adultes, il ne peut y avoir de difficulté. Je réponds que dans l'Eglise du Sauveur, les enfants croient par la foi des autres, de même qu'ils ont contracté par d'autres les péchés qui leur sont remis par le baptême.

«Et voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru: ils chasseront les démons en mon nom», etc. - Théophyl. C'est-à-dire, ils dissiperont les puissances visibles aussi bien que les puissances spirituelles, et on peut entendre dans le même sens cette prédiction: «Vous marcherez sur les serpents et sur les scorpions». On peut aussi l'entendre des serpents matériels, et c'est ainsi que saint Paul, mordu par une vipère, n'en reçut aucun mal: «Et s'ils boivent un breuvage mortel, il ne leur nuira point».Nous voyons dans l'histoire une multitude de faits de ce genre; et un grand nombre de saints qui, par la vertu du signe de la croix, ont échappé à l'influence mortelle de breuvages empoisonnés.

«Ils imposeront les mains sur les malades», etc. - S. Grég. (hom. 29). Notre foi est-elle donc moins vive, parce que nous ne sommes pas témoins de semblables prodiges? Non, mais ils étaient nécessaires à l'Eglise naissante. La foi des chrétiens a du, pour se développer, être nourrie par des miracles. Ainsi, lorsque nous plantons des arbustes, nous les arrosons jusqu'à ce qu'ils se soient incorporés à la terre, et nous cessons de les arroser lorsqu'ils ont pris racine. Mais ces miracles et ces prodiges ont une signification mystérieuse qui ne doit pas nous échapper; car la sainte Eglise accomplit tous les jours dans les âmes ce qu'elle faisait alors par les Apôtres pour les corps. Lorsque les prêtres, en vertu du pouvoir qu'ils ont reçu d'exorciser, imposent les mains sur les chrétiens, et qu'ils défendent aux esprits mauvais d'habiter dans leur âme, que font-ils autre chose que de chasser les démons? Ainsi les fidèles qui renoncent au langage du siècle pour consacrer leur parole à la prédication des saints mystères, parlent de nouvelles langues; et ils prennent les serpents comme avec la main, lorsque par leurs sages exhortations ils arrachent le mal du coeur de leurs frères. Ceux qui résistent aux pernicieux conseils qui voudraient les entraîner dans ses actions criminelles, boivent un breuvage empoisonné sans en recevoir de mal; ceux qui, toutes les fois qu'ils voient leur prochain chanceler dans la voie du bien, le fortifient par l'exemple de leurs vertus, imposent les mains sur les malades et les guérissent. Or, ces miracles sont d'autant plus grands, qu'ils appartiennent au monde spirituel, et qu'ils ont pour objet de rendre la vie non aux corps, mais aux âmes.



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