Catena Aurea 9134
9134 Lc 1,34-35
S. Ambr. Marie ne devait point refuser de croire aux paroles de l'ange, elle ne devait point non plus accepter témérairement les prérogatives divines qu'il lui annonçait. Que fait-elle? «Or, Marie dit à l'ange: Comment cela se fera-t-il ?» question bien plus mesurée que celle du prêtre Zacharie. «Comment cela se fera-t-il»; demande Marie; à quoi connaîtrai-je la vérité de ce que vous m'annoncez», dit Zacharie. il refuse donc de croire ce qu'il déclare ne pas comprendre, et il demande pour appuyer sa foi d'autres motifs de crédibilité. Marie, au contraire, se rend aux paroles de l'ange, elle ne doute nullement de leur accomplissement, elle n'est inquiète que de la manière dont elles s'accompliront. Elle avait lu dans les prophètes: «Voici qu'une vierge concevra et enfantera un fils», elle croit donc à l'accomplissement de cette prophétie; mais elle n'avait pas lu comment elle s'accomplirait, car Dieu ne l'avait pas révélé même au premier des prophètes; ce n'était pas à un homme, mais à un ange, qu'il était réservé de faire connaître un si grand mystère.
S. Grég. de Nysse. (disc. sur la Nativ. du Seig). Considérez encore les paroles de cette Vierge si pure. L'ange lui prédit qu'elle enfantera, elle s'attache à sa virginité, la conservation de sa chasteté est à ses yeux d'un plus grand prix que l'apparition miraculeuse de l'ange. Aussi entendez-la dire: «Je ne connais point d'homme». - S. Bas. (Chaîne des Pères grecs). Le mot connaître est susceptible de plusieurs sens. On appelle connaissance, la science de Dieu notre créateur, la notion que nous avons de ses perfections et des voies qui mènent à lui, l'observation de ses commandements, et aussi les rapports des époux entre eux, et c'est dans ce dernier sens qu'il faut l'entendre ici. - S. Grég. de Nysse. (comme précéd). Ces paroles de Marie nous dévoilent les pensées les plus intimes de son âme; car si elle eût épousé Joseph pour la fin qu'on se propose dans tout mariage, pourquoi cet étonnement, lorsqu'on lui parle de conception? puisqu'elle pouvait s'attendre à devenir mère un jour selon les lois de la nature. Mais il fallait conserver dans toute sa pureté ce chaste corps qui avait été offert à Dieu comme une chose sacrée, aussi dit-elle à l'ange: «Je ne connais point d'homme». Comme si elle lui disait: Vous êtes un ange, cependant c'est pour vous chose naturellement impossible à savoir que je ne connais point d'homme; comment donc deviendrai-je mère sans avoir d'époux, puisque je reconnais Joseph pour mon époux ?
Grec. (ou Géom., Ch. des Pèr. gr). Considérez comment l'ange lève le doute de la Vierge, et lui explique la chaste union et l'enfantement ineffable qui doit la suivre: «Et l'ange lui répondit: L'Esprit saint surviendra en vous», etc. - S. Chrys. (hom. 49 sur la Genèse). Ne semble-t-il pas lui dire: Ne cherchez pas les lois de la nature, là où la nature est dépassée par la sublimité des choses que je vous annonce? Vous dites: «Comment cela se fera-t-il, parce que je ne connais point d'homme ?» Et c'est justement parce que vous êtes demeurée vierge vis-à-vis de votre époux, que ce mystère doit s'accomplir en vous; car si vous étiez une épouse ordinaire, Vous n'en auriez pas été jugée digne; non pas, sans doute, que le mariage soit une chose profane aux yeux de Dieu, mais parce que la virginité lui est supérieure. Il convenait, en effet, que le Seigneur de tous les hommes eût avec nous, dans sa naissance, des rapports de conformité, comme aussi des traits de dissemblance. Il naît du sein d'une femme, et en cela il nous est semblable; mais il naît en dehors des lois des conceptions ordinaires, et par là il nous est supérieur. - S. Grég. de Nysse. (comme précéd). Bienheureux ce corps qui, par suite de l'incomparable pureté de Marie, a mérité d'être intimement uni à l'Esprit saint; dans les autres, à peine si une âme pure mérite la présence de ce divin esprit; ici c'est la chair elle-même qui devient son tabernacle. (Et dans le liv. de la vie de Moïse ou de la vie parf). Ces tables de notre nature que le péché avait brisées, le vrai législateur les taille et les façonne de nouveau avec notre terre; il prend, sans union charnelle, un corps capable d'être uni à sa divinité, et que le doigt de Dieu lui-même a sculpté, c'est-à-dire l'Esprit saint qui est survenu dans la Vierge. (Dans le disc. sur la nativ. du Christ). «Et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre». La vertu du Très-Haut c'est le Christ lui-même qui est formé dans le sein de Marie par la venue de l'Esprit saint. - S. Grég. (Moral., 18, 12). Ces paroles: «Vous couvrira de son ombre», signifient les deux natures du Dieu incarné; car l'ombre est le résultat de la lumière et de l'interposition d'un corps. Or, le Seigneur est lumière par sa divinité, et comme cette lumière incorporelle devait se revêtir d'un corps dans le sein de Marie, l'ange lui dit avec raison: «La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre», c'est-à-dire le corps de l'humanité qui est en vous, recevra la lumière incorporelle de la divinité. Ces paroles peuvent aussi s'entendre des consolations célestes que Dieu devait répandre dans son âme. - Bède. Ce n'est donc point par le concours de l'homme que vous n'avez jamais connu, que vous concevrez, mais par l'opération de l'Esprit saint dont vous serez toute remplie, et vous demeurerez inaccessible aux ardeurs de la concupiscence, parce que le Saint-Esprit vous couvrira de son ombre. - S. Grég. de Nysse. (comme précéd). «La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre». L'ombre d'un corps est produite par un objet préexistant, et reçoit de lui sa forme, ainsi les preuves de la divinité de son Fils éclateront dans la vertu miraculeuse de sa génération. Car de même que la matière corporelle qui est en nous, possède une vertu vivifiante qui sert à former l'homme; ainsi la vertu du Très-Haut, par l'opération de l'Esprit vivificateur, a pris dans le corps virginal de Marie la partie de matière qui devait servir à former l'homme nouveau. C'est ce qu'indi quent les paroles suivantes: «C'est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous, sera appelé le Fils de Dieu». - S. Athan. (lettre contre les hérétiq. à Epict). Nous faisons profession de croire que le corps du Sauveur, formé des éléments matériels de la nature humaine, a été un véritable corps, de même nature que le nôtre; car Marie est notre soeur, puisque tous, comme elle, nous sommes descendus d'Adam. - S. Bas. (de l'Esprit saint, chap. 5). Voilà pourquoi saint Paul dit: Dieu a envoyé son Fils né d'une femme, il ne dit point par le moyen d'une femme, mais d'une femme; car cette expression: par une femme aurait pu donner l'idée d'une génération qui ne serait qu'un passage, tandis que ces paroles: né d'une femme établissent clairement l'identité de nature entre le fils et la mère.
S. Grég. (Mor., 18, 27). L'ange déclare que Jésus sera saint dès sa naissance, mais d'une sainteté toute différente de la nôtre. En effet, nous pouvons acquérir la sainteté; mais nous ne la possédons pas dès notre naissance, enchaînés que nous sommes dans les liens d'une nature sujette à la corruption, ce qui nous fait dire avec le prophète (Ps 50): «Voilà que j'ai été conçu dans l'iniquité», etc. Celui-là seul est véritablement saint, dont la conception n'est pas la suite d'une union charnelle; qui n'est point autre dans son humanité, autre dans sa divinité, comme le rêvent les hérétiques, qui n'a point commencé par être simplement un homme dans sa conception, dans sa naissance, et mérité ensuite de devenir Dieu; mais qui, aussitôt que l'ange eut parlé, et que l'Esprit saint fut survenu, fut le Verbe descendu dans le sein de Marie, et immédiatement le Verbe fait chair dans ses chastes entrailles. C'est ce que prouvent les paroles suivantes: «Il sera appelé le Fils de Dieu».
Grec. (Ch. des Pèr. gr). Considérez comment l'ange, parlant à Marie, fait intervenir toute la Trinité, en mentionnant distinctement l'Esprit saint, le Verbe et le Très-Haut; car la Trinité est indivisible.
9136 Lc 1,36-38
S. Chrys. (Hom. 49 sur la Genèse). Le langage que l'ange avait tenu jusqu'alors à Marie était au-dessus de son intelligence; il descend donc à des choses plus accessibles, et cherche à la persuader par des faits extérieurs et sensibles: «Et voici qu'Elisabeth, votre cousine». Remarquez l'à propos et la convenance de ces paroles. Gabriel ne rappelle pas à Marie les exemples de Sara, ou de Rébecca, ou de Rachel, ils étaient trop anciens; il lui cite un fait tout récent, pour produire en elle une conviction assurée, Dans ce même dessein il fait ressortir et l'âge et l'impuissance de la nature: «Elle a conçu aussi elle-même un fils dans sa vieillesse». Il ajoute: «Et c'est ici le sixième mois», etc. Il ne lui a point appris dès le commencement la conception d'Elisabeth, mais après six mois écoulés, afin que les signes visibles de sa grossesse fussent une preuve de la vérité de ses paroles. - S. Grég. de Naz. (Ch. des Pèr. gr., de ses poésies). Vous me demanderez peut-être: Comment le Christ descend-il de David? Marie est évidemment de la famille d'Aaron, puisqu'au dire de l'ange, elle est la cousine d'Elisabeth il faut voir ici l'effet d'un dessein providentiel de Dieu, qui voulait unir le sang royal à la race sacerdotale, afin que Jésus-Christ, qui est à la fois prêtre et roi, eût aussi pour ancêtres, selon la chair, les prêtres et les rois. Nous lisons aussi dans l'Ex qu'Aaron a pris, dans la tribu de Juda, une épouse du nom d'Elisabeth, fille d'Aminadab. Et voyez combien est admirable la conduite providentielle de l'Esprit de Dieu, en permettant que l'épouse de Zacharie s'appelât aussi Elizabeth, pour nous rappeler ainsi l'épouse d'Aaron qui portait également ce nom d'Elisabeth.
Bède. Pour faire disparaître toute défiance dans l'esprit de la Vierge sur la vérité de son enfantement, l'ange lui cite l'exemple d'une femme stérile qui enfantera dans sa vieillesse, elle apprendra ainsi que tout est possible à Dieu, même ce qui paraît le plus contraire aux lois de la nature; car, ajoute-t-il: «Rien n'est impossible à Dieu». - S. Chrys. (Chaîne des Pèr. gr). Il est le souverain Maître de la nature, il peut donc tout ce qu'il veut, lui qui fait et dispose toutes choses, et qui tient dans ses mains les rênes de la vie et de la mort. - S. Aug. (contr. Faust., 26, 5). Il en est qui tiennent ce langage: Si Dieu est tout-puissant, qu'il fasse que les choses qui ont existé n'aient pas existé. Ils ne voient pas que ce langage revient à dire Qu'il fasse que les choses qui sont vraies, par là même qu'elles sont vraies soient fausses. Dieu sans doute peut faire que ce qui existait n'existe plus, c'est ainsi que par un acte de sa puissance, celui qui a reçu l'existence en naissant, la perd en mourant. Mais qui pourra dire que Dieu ôte l'existence à ce qui ne l'a déjà plus? Car tout ce qui est passé a cessé d'exister; si dans ce qui est passé il y a encore quelques éléments d'existence, ces éléments existent réellement, et s'ils existent, comment sont-ils passés? Quand nous affirmons en vérité qu'une chose a existé, elle n'existe donc plus, elle existe dans notre pensée et non dans la chose elle-même qui a cessé d'être; or Dieu ne peut faire que cette affirmation soit fausse. Nous disons que Dieu est tout-puissant, mais non pas dans ce sens que nous pensions qu'il puisse mourir. Celui-là seul peut être appelé sans restriction tout-puissant, qui existe véritablement et de qui seul tout ce qui existe reçoit l'être et la vie.
S. Ambr. Voyez l'humilité de la Vierge, voyez sa religion: «Alors Marie lui dit: Voici la servante du Seigneur». Elle se proclame la servante du Seigneur, elle qui est choisie pour être sa mère; elle ne conçoit aucun orgueil d'une promesse aussi inespérée; elle devait enfanter celui qui est doux, humble par excellence, elle devait elle-même donner l'exemple de l'humilité. En se proclamant d'ailleurs la servante du Seigneur, elle ne s'attribue d'autre part dans cette grâce si extraordinaire, que de faire ce qui lui était ordonné; c'est pour cela qu'elle ajoute: «Qu'il me soit fait selon votre parole»; vous avez vu son obéissance, vous voyez la disposition de son coeur: «Voici la servante du Seigneur»; c'est la préparation à remplir son devoir: «Qu'il me soit fait selon votre parole», c'est l'expression de son désir. - Eusèbe. (ou Géom., Ch. des Pèr. gr). Chacun célébrera à sa manière les vertus qui éclatent dans ces paroles de la Vierge; l'un admirera son assurance et sa fermeté, l'autre la promptitude avec laquelle elle obéit, un autre qu'elle n'ait point été éblouie par les promesses magnifiques et sublimes du premier des archanges, un autre enfin qu'elle n'ait point porté trop loin la résistance; elle s'est tenue également en garde et contre la légèreté d'Eve et contre la désobéissance de Zacharie. Pour moi, sa profonde humilité ne me paraît pas moins digne d'admiration. - S. Grég. Par un mystère vraiment ineffable, la même Vierge dut à une conception sainte et à un enfantement virginal d'être la servante du Seigneur, et sa mère selon la vérité, des deux natures.
9139 Lc 1,39-46
Bède. Aussitôt que l'ange a obtenu le consentement de la Vierge, il remonte vers les cieux: «Et l'ange s'éloigna d'elle». - Eusèbe. (vel Geometer, ubi sup). Il la quitte non seulement satisfait d'avoir obtenu ce qu'il désirait, mais plein d'admiration pour la perfection de cette divine Vierge et pour la sublimité de sa vertu.
S. Ambr. L'ange qui annonçait à Marie des choses aussi mystérieuses, lui donne pour affermir sa foi, l'exemple d'une femme stérile qui était devenue mère. A cette nouvelle, Marie s'en va vers les montagnes de Judée. Quoi donc? Est-ce qu'elle ne croit point aux paroles de l'ange? est-ce qu'elle n'est point certaine de la divinité de son message? Est-ce qu'elle doute de l'exemple qu'il lui donne? non, c'est un saint désir qui la transporte, c'est un sentiment religieux du devoir qui la pousse, c'est une joie divine qui lui inspire cet empressement «Marie partit et s'en alla dans les montagnes», etc. Toute remplie de Dieu qu'elle est, où pourrait-elle diriger ses pas, si ce n'est vers les hauteurs. - Orig. (hom. 7). Jésus qu'elle portait dans son sein, avait hâte lui-même d'aller sanctifier Jean-Baptiste, qui était encore dans le sein de sa mère: «Elle s'en alla en toute hâte», etc. - S. Ambr. La grâce de l'Esprit saint ne connaît ni lenteurs ni délais. Apprenez de la Vierge chrétienne à ne point vous arrêter sur les places publiques et à ne prendre aucune part aux conversations qui s'y tiennent. - Théophyl. Elle va vers les montagnes, parce que c'est là qu'habitait Zacharie: «En une ville de Juda, et elle entra dans la maison de Zacharie». - S. Ambr. Apprenez aussi, femmes chrétiennes, les soins empressés que vous devez à vos parentes, lorsqu'elles sont sur le point d'être mères. Voyez Marie, elle vivait seule auparavant dans une profonde retraite, aujourd'hu i ni la pudeur naturelle aux vierges ne l'empêche de paraître en public, ni les montagnes escarpées n'arrêtent son zèle, ni la longueur du chemin ne lui fait retarder le bon office qu'elle va rendre à sa cousine. Vierges de Jésus-Christ, apprenez encore quelle fut l'humilité de Marie. Elle vient vers sa parente, elle vient, elle la plus jeune, visiter celle qui est plus âgée, et non seulement elle la prévient, mais elle la salue aussi la première: «Et elle salue Elisabeth». En effet, plus une vierge est chaste, plus aussi son humilité doit être grande, plus elle doit avoir de déférence pour les personnes plus âgées; celle qui fait profession de chasteté, doit aussi être maîtresse en humilité. Il y a encore ici un motif de charité, le supérieur vient trouver son inférieur pour lui venir en aide, Marie vient visiter Elisabeth, Jésus-Christ, Jean-Baptiste. - S. Chrys. (sur. Matth., hom. 4). Disons encore que Marie cachait avec soin ce que l'ange lui avait dit, et ne le découvrait à personne; elle savait qu'on n'ajouterait point foi à un récit aussi merveilleux, et elle craignait qu'il ne lui attirât des outrages, et qu'on ne l'accusât de vouloir ainsi pallier son crime et son déshonneur. - Grec. (Géom., comme précéd). C'est près d'Elisabeth seule qu'elle va se réfugier; elle avait coutume d'en agir ainsi à cause de sa parenté qui les unissait, et plus encore à cause de la conformité de leurs sentiments et de leurs moeurs.
S. Ambr. Les bienfaits de l'arrivée de Marie et de la présence du Seigneur se font immédiatement sentir: «Aussitôt qu'Elisabeth eut entendu la voix de Marie qui la saluait, son enfant tressaillit», etc. Remarquez ici la différence et la propriété de chacune des paroles de l'auteur sacré. Elisabeth entendit la voix la première, mais Jean ressentit le premier l'effet de la grâce; elle entendit d'après l'ordre naturel, mais Jean tressaillit par suite d'une action toute mystérieuse; l'arrivée de Marie se fait sentir à Elisabeth, la venue du Seigneur à Jean-Baptiste. - Grec. (ou Géom., comme précéd). Le prophète voit et entend plus clairement que sa mère, il salue le prince des prophètes, et au défaut de la parole qui lui manque, il tressaille dans le sein de sa mère (ce qui est le signe le plus expressif de la joie); mais qui jamais a ressenti ces tressaillements de la joie avant sa naissance? La grâce produit, des effets inconnus à la nature: le soldat renfermé dans les entrailles de sa mère reconnaît son Seigneur et son roi dont la naissance approche, l'enveloppe du sein maternel n'est point un obstacle à cette vision mystérieuse; car il le voit non des yeux ou du corps, mais des yeux de l'âme. - Orig. (Ch. des Pèr. gr). Il ne fut pas rempli de l'Esprit saint avant l'arrivée de celle qui portait Jésus-Christ dans son sein, et c'est au même instant qu'il en fut rempli et qu'il tressaillit dans les entrailles de sa mère: «Et Elisabeth fut remplie de l'Esprit saint». Nul doute qu'Elizabeth n'ait dû à son fils d'avoir été elle-même remplie de l'Esprit saint.
S. Ambr. Elisabeth s'était dérobée aux regards du monde du moment qu'elle avait conçu un fils, elle commence à se produire, glorieuse qu'elle est de porter dans son sein un prophète; elle éprouvait alors une espèce de honte, maintenant elle bénit Dieu: «Et s'écriant à haute voix, elle dit: Vous êtes bénie entre toutes les femmes», elle s'écrie à haute voix, aussitôt qu'elle ressent l'arrivée du Seigneur, parce qu'elle crut à la divinité de l'enfantement de Marie. - Orig. (Ch. des Pèr. gr). Elle lui dit «Vous êtes bénie entre toute s les femmes; elle est la seule qui ait reçu et qui ait pu recevoir une si grande abondance de grâce, car elle seule est la mère d'un enfant divin. - Bède. Elisabeth la bénit dans les mêmes termes que l'ange Gabriel, pour montrer qu'elle est digne de la vénération des anges et des hommes. - Théophyl. Mais les siècles précédents avaient vu d'autres saintes femmes qui ont donné le jour à des enfants souillés par le péché; elle ajoute donc: «Et le fruit de vos entrailles est béni». Ou dans un autre sens elle venait de dire: «Vous êtes bénie entre toutes les femmes»; elle en donne maintenant la raison comme si quelqu'un la lui demandait: «Et le fruit de vos entrailles est béni», etc., c'est ainsi que nous lisons dans le psaume 117: «Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Le Seigneur est le vrai Dieu, et il a fait paraître sa lumière sur nous», car suivant l'usage de l'Écriture, et a le même sens que parce que. - Orig. Elle appelle le seigneur le fruit des entrailles de la mère de Dieu, parce qu'il n'a point un homme pour père, et qu'il est né de Marie seule, car ceux qui sont nés d'un père mortel, sont considérés comme ses fruits. - Grec. (ou Géom). C'est donc ici le seul fruit vraiment béni, parce qu'il a été produit sans le concours de l'homme et l'influence du péché. - Bède. C'est ce fruit que Dieu promettait à David en ces termes: «J'établirai sur votre trône le fruit de vos entrailles». - Eusèbe. Le Christ est le fruit des entrailles de Marie, cette vérité suffit pour détruire l'hérésie d'Eutychès: car tout fruit est de même nature que la plante; par une conséquence nécessaire, la Vierge est donc de même nature que le nouvel Adam qui vient effacer les péchés du monde. Que ceux qui se forment l'idée d'une chair fantastique en Jésus-Christ, rougissent de leur opinion en considérant l'enfantement véritable de la mère de Dieu, car le fruit provient de la substance même de l'arbre. Où sont encore ceux qui osent dire que le Christ n'a fait que passer dans la Vierge comme par un canal. Qu'ils apprennent de ces paroles d'Elisabeth remplie de l'Esprit saint, que le Sauveur est le fruit des entrailles de Marie.
«D'où me vient que la mère de mon Seigneur vienne à moi ?» - S. Ambr. Ce n'est point par ignorance qu'elle parle ainsi, elle sait que c'est la grâce et l'action de l'Esprit saint qui ont porté la mère du Seigneur à venir saluer la mère du prophète pour la sanctification de son enfant, mais elle reconnaît hautement qu'elle n'a pu mériter cette grâce, et que c'est un don purement gratuit de la miséricorde divine: «D'où me vient cet honneur ?» c'est-à-dire, à quelles oeuvres de justice, à quelles actions, à quelles vertus en suis-je redevable? - Orig. (Ch. des Pèr. gr). Elisabeth partage ici les sentiments de son fils, car Jean lui-même se sentait indigne que Jésus-Christ descendît jusqu'à lui. En proclamant mère du Seigneur Marie, qui était vierge, elle anticipe sur l'événement par une inspiration prophétique. Reconnaissons ici une disposition toute providentielle qui conduit Marie chez Elisabeth, pour que Jean-Baptiste, encore dans le sein de sa mère, rende témoignage au Seigneur, car dès lors le Sauveur investit Jean-Baptiste du titre et des fonctions de prophète, comme l'expliquent les paroles suivantes: «Aussitôt que la voix de votre salutation», etc. - S. Aug. (à Dardanus, lett. 57). Pour parler ainsi, comme l'Évangéliste le déclare, Elisabeth a été remplie de l'Esprit saint, et c'est lui, sans aucun doute, qui lui a révélé la signification de ce tressaillement mystérieux de son enfant, tressaillement qui lui annonçait la venue de la mère du Sauveur, dont son fils devait être le Précurseur et le héraut. L'explication d'un si grand mystère a pu être connue des personnes plus âgées, comme Marie et Elisabeth, sans l'être de l'enfant lui-même; car Elisabeth ne dit point: L'enfant a tressailli dans mon sein par un mouvement de foi, mais «a tressailli de joie». Nous voyons tous les jours tressaillir, non seulement des enfants, mais même des animaux, sans que ni la foi, ni la religion, ni aucune cause intelligente y aient la moindre part; mais ici le tressaillement est extraordinaire et d'un genre tout nouveau, parce qu'il se produit dans le sein d'Elisabeth, et à l'arrivée de celle qui devait enfanter le Sauveur de tous les hommes. Ce t ressaillement donc, qui fut comme le salut rendu à la mère du Seigneur, a eu pour cause, comme tous les miracles, un acte de la puissance divine dans cet enfant, et non un mouvement naturel de l'enfant lui-même. Et alors même qu'on admettrait dans cet enfant un usage prématuré de la raison et de la volonté, qui aurait pu lui permettre, dès le sein de sa mère, un sentiment de connaissance, de foi, de sympathie, on devrait l'attribuer à un miracle de la puissance divine, et non à une simple action des lois naturelles.
Orig. (Ch. des Pèr. gr). La mère du Sauveur était venu visiter Elisabeth, pour voir la conception miraculeuse que l'ange lui avait annoncée, et s'affermir ainsi dans la foi au miracle bien plus surprenant dont une vierge devait être l'objet. C'est cette foi qu'Elisabeth célèbre par ces paroles: «Et vous êtes bienheureuse d'avoir cru, parce que les choses qui vous ont été dites de la part du Seigneur s'accompliront en vous». - S. Ambr. Vous le voyez, Marie n'a nullement douté, mais elle a cru, e t a recueilli le fruit de sa foi. - Bède. Rien d'étonnant si le Seigneur, Rédempteur du monde, commence par sa mère l'oeuvre de sa rédemption; c'est par elle que le salut devait être donné àtous les hommes, il était juste qu'elle reçût la première le fruit du salut de l'enfant qu'elle portait dans son sein. - S. Ambr. Bienheureux vous aussi qui avez entendu et qui avez cru; car toute âme qui croit, conçoit et engendre le Fils de Dieu, et mérite de connaître ses oeuvres. - Bède. Toute âme aussi qui a conçu le Verbe de Dieu, monte aussitôt par les pas de l'amour jusqu'aux sommets les plus élevés des vertus, pénètre dans la ville de Juda, c'est-à-dire, dans la citadelle de la louange et de la joie, et y demeure comme pendant trois mois dans la pratique parfaite de la foi, de l'espérance et de la charité. - S. Grég. (sur Ezech., hom. 4). L'inspiration prophétique d'Elisabeth s'étendit à la fois au passé, au présent et à l'avenir. Elle connut que Marie avait ajouté foi aux promesses de l'ange; en la proclamant mère du Seigneur, elle comprit qu'elle portait dans son sein le Rédempteur du genre humain; et en prophétisant tout ce qui devait s'accomplir en elle, elle plongea son regard jusque dans les profondeurs de l'avenir.
9147 Lc 1,47
Alors Marie dit : Mon âme glorifie le Seigneur.
S. Ambr. C'est par les femmes que le péché a commencé, c'est aussi par les femmes que commence la réparation du mal; aussi n'est-ce pas sans dessein qu'Elisabeth prophétise avant Jean-Baptiste, et Marie avant la naissance du Seigneur; mais la prophétie de Marie est d'autant plus parfaite qu'elle est elle-même plus élevée en dignité. - S. Bas. (Ch. des Pèr. gr., explic. du Ps 33). Cette Vierge sainte guidée par une inspiration sublime contemple d'une vue profonde l'immense étendue de ce mystère, et pénétrant plus avant dans ses profondeurs, elle rend gloire à Dieu: «et Marie dit: Mon âme glorifie le Seigneur». - Grec. (Athanas., Ch. des Pèr. gr). - Elle semble dire: Le mystère étonnant que Dieu a prédit, c'est dans mon corps qu'il doit l'opérer, mais mon âme ne peut rester stérile devant lui. Il faut que je lui offre le fruit de ma volonté, car plus est grand le miracle dont je suis l'objet, plus aussi je dois glorifier l'auteur de toutes ces merveilles. - Orig. (hom. 8). - Puisque Dieu ne peut ni recevoir aucun accroissement, ni souffrir aucune diminution, que signifient ces paroles de Marie: «Mon âme exalte le Seigneur ?» Il nous faut considérer que le Dieu Sauveur est l'image du Dieu invisible, que notre âme a été faite à son image, et qu'elle est ainsi l'image de l'image; nous reconnaîtrons alors qu'à l'exemple des peintres qui reproduisent sur la toile les traits d'un visage, lorsque nous élevons notre âme par nos oeuvres, nos paroles, nos pensées, l'image de Dieu s'agrandit en nous, et le Seigneur lui-même, dont nous portons l'image dans notre âme, en reçoit comme une espèce d'agrandissement.
Et mon esprit est ravi de joie en Dieu mon Sauveur.
S. Bas. (Sur le Ps 32). Le premier fruit de l'Esprit c'est la paix et la joie. La Vierge sainte qui avait reçu l'Esprit saint dans toute sa plénitude, ajoute avec raison: «Et mon esprit est ravi». L'âme et l'esprit sont ici une même chose. L'Écriture sainte emploie ordinairement le mot de ravissement, de transport, pour exprimer dans les personnes qui en sont dignes, un état de l'âme remplie de joie et d'allégresse. La Vierge est donc ravie dans le Seigneur par un tressaillement ineffable de son coeur, et par le transport d'une affection pure. «En Dieu mon Sauveur». - Bède. L'esprit de la sainte Vierge se réjouit de l'éternelle divinité de ce même Jésus (c'est-à-dire Sauveur) dont la chair est engendrée par une conception temporelle. - S. Ambr. L'âme de Marie glorifie donc le Seigneur, et son esprit est ravi en Dieu son Sauveur, parce que toute dévouée par son âme et son esprit au Père et au Fils, elle honore d'un culte d'amour le Dieu unique, auteur de tout ce qui existe. Ayez donc tous l'âme de Marie pour glorifier le Seigneur, ayez tous son esprit pour être ravis de joie en Dieu votre Sauveur. Si selon la chair, il n'y a qu'une mère du Christ, selon la foi, Jésus est le fruit de tous les coeurs. Toute âme en effet conçoit le Verbe de Dieu, à la condition qu'elle sera pure, exempte de tout vice et qu'elle conservera sa chasteté sous la garde d'une pudeur inviolable. - Théophyl. Celui-là glorifie Dieu, qui marche dignement à la suite de Jésus-Christ, qui porte le nom de chrétien sans laisser amoindrir en lui la dignité du Christ qu'il relève au contraire par des actions grandes et vraiment célestes; l'esprit, ou ce qui est la même chose, l'onction spirituelle est comme ravie de joie, c'est-à-dire qu'elle s'accroît de jour en jour et n'est point exposée à s'affaiblir ou à s'éteindre. - S. Bas. (comme précéd). Si parfois je ne sais quelle lumière venant à pénétrer votre âme vous donne une connaissance subite de Dieu, et vous éclaire si pleinement qu'elle vous porte à aimer Dieu et à mépriser toutes les choses de la terre; que cette image si obscure encore et cette impression si rapide vous aident à comprendre l'état des justes qui trouvent en Dieu une joie toujours égale, toujours persévérante. - Orig. L'âme doit commencer par glorifier le Seigneur, avant d'être ravie en lui; car la foi en Dieu est une condition nécessaire de ces divins transports.
9148 Lc 1,48
Parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante, et désormais toutes les générations me diront bienheureuse.
Grec. (ou Isid., Ch. des Pèr. gr). Marie fait connaître la cause de la gloire qu'elle rend à Dieu, et de ses divins transports: «Parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante», c'est-à-dire: c'est lui qui le premier a jeté les yeux sur moi contre mon espérance, j'étais contente de mon humble condition, et maintenant Dieu me choisit pour l'accomplissement d'un dessein vraiment ineffable, et m'élève de la terre aux cieux. - S. Aug. (Serm. sur l'Assomp). O véritable humilité qui a mérité d'enfanter un Dieu à la terre, de rendre la vie aux pauvres mortels, de renouveler les cieux, de purifier le monde, d'ouvrir le paradis, et de rendre à la liberté les âmes des hommes ! L'humilité de Marie est devenue comme une échelle céleste dont Dieu s'est servi pour descendre sur la terre. Car que signifient ces paroles: «Il a regardé», c'est-à-dire: «il a approuvé? » Il en est beaucoup qui paraissent humbles aux yeux des hommes, mais Dieu ne daigne pas jeter les regards sur leur humilité; car s'ils étaient sincèrement humbles, leur unique désir serait non pas d'être loués eux-mêmes, mais de voir Dieu loué par tous les hommes, et leur esprit chercherait non dans ce monde, mais en Dieu ses transports et sa joie. - Orig. (hom. 8). Mais qu'y avait-il donc de si humble et de si bas dans celle qui portait le Fils de Dieu dans son sein? Il faut remarquer ici que l'humilité dans la sainte Écriture est la vertu à laquelle les philosophes donnent le nom de modestie. Nous pouvons nous-mêmes la définir par une périphrase en disant qu'on est humble, lorsqu'on n'est pas enflé d'orgueil, et qu'on s'abaisse volontairement. - Bède. C'est parce que Dieu a daigné jeter les yeux sur son humilité, que tous la proclament bienheureuse: «Et désormais toutes les générations me diront bienheureuse». - S. Athan. (Ch. des Pèr. gr). Et en effet, si au dire du prophète (Is 31, selon les 70) ceux-là sont bienheureux qui ont des enfants dans Sion et leur famille dans Jérusalem, que dirons-nous du bonheur de la divine et très-sainte Vierge, qui est devenue la mère du Verbe fait chair? - Grec. (ou Métaphraste, Ch. des Pèr. gr). Si elle se proclame bienheureuse, ce n'est po int par un sentiment de vaine gloire; et comment l'orgueil aurait-il pu trouver accès dans celle qui s'est appelée la servante du Seigneur? C'est donc par une inspiration de l'Esprit saint, qu'elle prédit ses destinées futures. - Bède. C'est par l'orgueil de notre premier père, que la mort était entrée dans le monde; il était juste que les voies qui conduisent à la vie nous fussent ouvertes par l'humilité de Marie. - Théophyl. Elle dit: «Toutes les générations», non seulement Elisabeth, mais toutes les nations qui doivent un jour embrasser la foi.
Catena Aurea 9134