Catena Aurea 9176

v. 76

9176 Lc 1,76

Et vous, petit enfant, vous serez appelé le prophète du Très-Haut; car vous marcherez devant la face du Seigneur pour lui préparer ses voies.

S. Ambr. Après cette magnifique prophétie qui a le Sauveur pour objet, Zacharie ramène son discours au prophète du Seigneur, et déclare ainsi que sa naissance est un don de Dieu. En énumérant les bienfaits de Dieu envers tous les hommes, il ne veut point paraître envelopper dans un silence d'ingratitude les grâces qui lui sont particulières, aussi écoutez-le: «Et vous, enfant, vous serez appelé le prophète du Très-Haut»,etc. - Orig. (hom. 40). Zacharie, je le suppose, s'est hâté d'adresser la parole à son enfant, parce qu'il savait qu'il devait bientôt se retirer dans le désert, et qu'il ne jouirait pas longtemps de sa présence. - S. Ambr. Il en est peut-être qui regarderont comme un écart d'esprit contraire à toute raison que Zacharie s'adresse à un enfant de huit jours. Mais si nous nous rappelons ce qui précède, nous comprendrons que celui qui a entendu la voie de Marie avant même d'être né, a pu, aussitôt sa naissance entendre la voix de son père. En vertu de son esprit prophétique, il savait que les prophètes ont d'autres oreilles qui s'ouvrent sous l'impression de l'Esprit saint, et non par le progrès de l'âge; comment n'aurait-il pas eu le don d'intelligence, lui dont le coeur avait bien pu tressaillir? - Bède. On peut dire aussi que Zacharie, pour l'instruction de ceux qui étaient présents, aussitôt qu'il put parler publia les fonctions que son fils devait un jour remplir, et que l'ange lui avait révélées. Que les ariens entendent qu'on donne ici le nom de Très-Haut au Christ dont Jean a été le précurseur et le prophète, comme il est écrit dans le livre des Psaumes: «Un homme est né en elle, et le Très-Haut lui-même l'a fondée». - S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr). Ceux qui ont avec les rois des rapports plus étroits deviennent leurs compagnons d'armes, ainsi Jean-Baptiste qui était l'ami de l'époux a précédé de plus près son arrivée, c'est le sens de ces paroles: «Vous marcherez devant la face du Seigneur pour lui préparer les voies».Les autres prophètes, en effet, ont annoncé longtemps auparavant les mystères de la vie du Christ; Jean l'a prédit de plus près, puisqu'il a vu le Christ de ses yeux, et tout à la fois l'a montré aux autres. - S. Grég. (Moral., 19, 2). Tout prédicateur qui purifie des souillures du vice les âmes de ceux qui l'écoutent, prépare les voies à la sagesse qui veut prendre possession du coeur.


v. 77

9177 Lc 1,77

Théophyl. Zacharie explique comment le Précurseur doit préparer la voie du Seigneur, en ajoutant: «Pour donner à son peuple la science du salut». Le salut, c'est le Seigneur Jésus, et la science du salut, c'est-à-dire de Jésus-Christ ont été donnés au peuple par Jean-Baptiste qui rendait témoignage à Jésus-Christ (cf. Jn 1,7 Jn 1,15-16 Jn 1,19 Jn 1,32 Jn 1,34 Jn 3,25 Jn 5,33, etc) ..

Bède. Il désire faire connaître le nom de Jésus, et semble répéter à dessein le mot de salut, mais qu'on ne l'entende point d'un salut purement temporel, les paroles qui suivent s'y opposent: «Pour la rémission de leurs péchés». - Théophyl. Dieu, en effet, n'eût pas été connu, s'il n'eut pardonné les péchés à son peuple, car c'est le propre de Dieu de remettre les péchés. - Bède. Mais les Juifs n'ont pas voulu recevoir le Christ; ils aiment mieux attendre l'Antéchrist, parce qu'ils veulent être affranchis, non de la tyrannie intérieure du péché, mais du joug extérieur de la servitude temporelle.


v. 78

9178 Lc 1,78

Théophyl. Si Dieu nous a remis nos péchés, ce n'est point en considération de nos oeuvres, mais par un effet de sa miséricorde; aussi Zacharie ajoute-t-il: «Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu». - S. Chrys. (hom. 44 sur S. Matth). Et cette miséricorde, ce n'est pas nous qui l'avons trouvée comme fruit de nos propres recherches, mais c'est Dieu lui-même qui a daigné nous apparaître du haut du ciel: «Par lesquelles (c'est-à-dire par ses entrailles), le soleil se levant du haut des cieux (c'est-à-dire Jésus-Christ), nous a visités (en se revêtant de notre chair) ». - Grec. (c'est-à-dire Sévère, Ch. des Pèr. gr). Il habite le plus haut des cieux, et cependant il se rend présent sur la terre, sans être assujetti à aucune division, à aucune limite; mystère que nulle intelligence ne peut comprendre, que nulle parole ne peut exprimer.


v. 79

9179 Lc 1,79

Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, et pour conduire nos pieds dans le chemin de la paix.

Bède. Le nom d'Orient convient parfaitement au Christ, parce qu'il nous a ouvert l'entrée de la vraie lumière: «Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort», etc. - S. Chrys. (hom. 44 sur S. Matth). Les ténèbres dont il parle ici ne sont pas les ténèbres matérielles, mais les erreurs, l'éloignement de la foi (ou l'impiété). - S. Bas. (sur Is 2). Dans quelles ténèbres était plongé le peuple des gentils, appesanti par le culte des idoles, jusqu'à ce que la lumière soit venu dissiper cette profonde obscurité et répandre partout les splendeurs de la vérité ! - S. Grég. (Moral., 4, 47). L'ombre de la mort, c'est l'oubli de l'esprit; la mort fait que ce qu'elle détruit n'est plus dans la vie; ainsi l'oubli fait que ce qu'il atteint n'est plus dans la mémoire; voilà pourquoi il dit du peuple juif qui avait oublié Dieu, qu'il était assis dans l'ombre de la mort. L'ombre de la mort, c'est encore la mort du corps, la mort véritable est celle qui sépare l'âme d'avec Dieu; l'ombre de la mort est celle qui sépare l'âme d'avec le corps; ce qui fait dire aux martyrs (Ps 43): «L'ombre de la mort nous a couverts». L'ombre de la mort peut encore signifier l'imitation du démon qui est appelé mort dans l'Apocalypse (Ap 6). En effet, l'ombre est toujours proportionnée à la forme du corps, ainsi les actions des impies sont une espèce d'imitation du démon. - S. Chrys. L'expression: «ils sont assis», est des plus justes; en effet, nous ne marchions pas dans les ténèbres, mais nous étions assis sans aucun espoir de délivrance. - Théophyl. Le Seigneur, en se levant sur notre terre, n'éclaire pas seulement ceux qui sont assis dans les ténèbres, sa mission est plus étendue: «Pour diriger nos pas dans la voie de la paix».La voix de la paix c'est la voix de la justice, dans laquelle il a dirigé nos pas, c'est-à-dire les affections de nos âmes. - S. Grég. (hom. 32 sur les Evang). Nous dirigeons nos pas dans la voie de la paix, lorsque dans nos actions nous suivons le chemin qui ne s'écarte jamais de la grâce de notre Créateur. - S. Ambr. Remarquez en même temps que la prophétie d'Elisabeth est courte, tandis que celle de Zacharie est beaucoup plus étendue; cependant tout deux parlaient sous l'inspiration de l'Esprit saint dont ils étaient remplis, mais nous voyons ici l'observation de cette règle qui veut que la femme s'applique plus à connaître les choses divines qu'à les enseigner aux autres.


v. 80

9180 Lc 1,80

Bède. Le prédicateur futur de la pénitence pour prêcher un jour avec plus de liberté le détachement des plaisirs séducteurs du monde, passe dans le désert les premières années de sa vie: «L'enfant croissait»,dit le texte sacré. - Théophyl. Il croissait extérieurement en suivant les progrès de l'âge: «Et il se fortifiait». Les dons spirituels se développaient en même temps que le corps, et les opérations de l'esprit se manifestaient avec plus d'éclat de jour en jour. - Orig. (hom. 2). Ou bien il croissait en esprit et ne s'arrêtait pas au premier degré de perfection; l'esprit acquérait toujours en lui une nouvelle force, sa volonté tendant toujours vers un but plus parfait, était dans un progrès continuel, et son âme s'élevait à des contemplations de plus en plus divines. Sa mémoire s'exerçait pour amasser dans ses trésors les plus pures vérités. L'Évangéliste ajoute: «Et il se fortifiait».La nature humaine est faible, comme nous le lisons dans le saint Évangile (Mt 26): «La chair est faible»,il faut donc que l'esprit la fortifie, car l'esprit est prompt. Il en est beaucoup qui ont en partage la force du corps; mais l'athlète de Dieu doit rechercher la force de l'esprit pour détruire la sagesse de la chair. Jean-Baptiste se retira donc dans le désert pour fuir le tumulte des villes et leurs assemblées bruyantes: «Et il était dans les déserts»; là où l'air est plus pur, le ciel plus ouvert, et Dieu plus familier. Jusqu'au temps où devait commencer son baptême et sa prédication, il s'appliquait à la prière, il conversait avec les anges, il invoquait le Seigneur, et l'entendait lui dire: «Me voici». (cf. Is 58, 9) - Théophyl. Ou bien il demeurait dans le désert pour y être élevé loin de la malice du monde, et pour qu'un jour il pût le reprendre de ses crimes sans aucune crainte; car s'il avait vécu au milieu du monde, peut-être l'amitié, la société des hommes l'eussent amolli et dépravé, c'était aussi pour qu'il fût un témoin digne de foi lorsqu'il annoncerait le Christ. Il vivait donc caché dans le désert jusqu'à ce qu'il plût à Dieu de le montrer au peuple d'Israël: «Jusqu'au jour de sa manifestation dans Israël». - S. Ambr. Il est digne de remarque que l'Évangéliste raconte le temps de la vie du prophète dans le sein de sa mère, pour ne point passer sous silence la présence de Marie, tandis qu'au contraire il ne dit rien de son enfance, parce que la force que la présence de Marie lui a communiquée dès le sein de sa mère, l'a délivré de toutes les faiblesses de l'enfance.


CHAPITRE II


vv. 1-5

9201 Lc 2,1-5

Bède. Le Fils de Dieu ayant résolu de paraître au monde dans une chair mortelle, voulut naître d'une vierge et montrer ainsi combien la gloire de la virginité lui était chère; il voulut aussi naître dans un temps de paix générale, parce qu'il devait enseigner aux hommes à chercher la paix, et qu'il daigne visiter ceux qui aiment la paix. Quelle preuve plus évidente de cette paix universelle que ce dénombrement de tout l'univers sous l'empereur Auguste, qui, vers le temps de la naissance du Sauveur, après avoir terminé les guerres par toute la terre, régna pendant douze ans au milieu d'une paix si profonde, qu'il semble avoir accompli à la lettre la prédiction du prophète Isaïe (Is 2, 4) ? L'Évangéliste commence donc en ces termes: «Or, il arriva en ces jours, qu'il parut un édit», etc. - Grec. (ou Métaphraste et le moine Alexandre, Ch. des Pèr. gr). Remarquez encore que Jésus-Christ vient au monde lorsque le sceptre de la souveraineté n'est plus entre les mains des Juifs, mais entre celles des empereurs romains dont ils sont devenus tributaires. Ainsi se trouve accomplie la prophétie qui annonçait que le sceptre ne sortirait point de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu'à ce que vint celui qui devait être envoyé. (Gn 49). Ce fut la quarante-deuxième année du règne de César-Auguste que parut cet édit qui ordonnait de procéder au recensement de tout l'univers pour établir le paiement des impôts. L'empereur Auguste confia le soin de ce dénombrement à Cyrinus, qu'il avait nommé gouverneur de la Judée et de la Syrie. «Ce premier dénombrement se fit», etc. - Béde. Ces paroles signifient que ce dénombrement fut le premier de ceux qui s'étendirent à tout l'univers, puisque plusieurs parties du monde avaient déjà été soumises à ce dénombrement; ou bien que l'opération du recensement commença lorsque Cyrinus fut envoyé en Syrie. S. Amb. L'Évangéliste fait mention du nom du gouverneur, et avec raison, pour bien préciser l'époque dont il parle; si, en effet, on inscrit en tête des contrats de vente le nom des consuls, n'est-il pas bien plus juste de déterminer d'une manière certaine, par cette inscription, le temps de la rédemption du monde ?

Bède. Ce dénombrement, par une disposition divine, ordonnait à chacun de se rendre dans son pays: «Et tous allaient se faire enregistrer dans sa ville».Dieu le voulut ainsi, afin que la conception et la naissance du Seigneur ayant lieu dans deux endroits différents, il pût échapper plus facilement à la fureur du perfide Hérode: «Alors Joseph partit aussi de Galilée», etc.
- S. Chrys. (pour la nativ. de J.-C). En publiant cet édit, l'empereur Auguste ne fût que l'instrument de la Providence divine, qui voulait qu'il secondât ainsi la présence de son Fils unique à Bethléem; car cet édit amenait nécessairement sa mère dans cette ville prédite par les prophètes, c'est-à-dire à Bethléem de Juda: «Joseph vint en Judée, à la ville de David, appelée Bethléem». - Grec. (ou Irénée, cont. les hér., 3, 2). L'Évangéliste désigne cette ville sous le nom de ville de David, pour nous apprendre que la promesse que Dieu avait faite à David (que le Roi éternel sortirait de sa race) (cf. 2 R 7, 12; Ps 131, 11), se trouvait accomplie; c'est aussi pour cela qu'il ajoute: «Parce qu'il était de la maison et de la famille de David». Par là même que Joseph était de la race de David, l'Évangéliste prouvait que la Vierge en descendait également, puisque la loi divine ordonnait que les mariages fussent contractés dans la même famille, il se contente donc d'ajouter: «Avec Marie son épouse», etc. - Cyril. (Ch. des Pèr. gr. Comme préc). L'auteur sacré dit: sa fiancée, insinuant que Joseph et Marie n'étaient que fiancés au moment de la conception; car cette conception s'est faite toute entière en dehors de l'action de l'homme.

S. Grég. (hom. 8 sur les Evang). Dans le sens mystique, le dénombrement du monde s'opère lorsque le Seigneur est sur le point de naître, parce qu'on allait voir paraître dans une chair mortelle celui qui inscrivait le nom de ses élus sur les livres de l'éternité. - S. Ambr. Il ne s'agit extérieurement que d'un dénombrement profane; mais nous y voyons s'a ccomplir le recensement spirituel qui se fait, non pour le roi de la terre, mais pour le roi des cieux. La profession de la foi chrétienne, c'est le recensement des âmes; l'antique recensement de la synagogue n'existe plus, le nouveau recensement de l'Église chrétienne lui succède. Enfin ce dénombrement doit s'étendre à tout l'univers, n'est-ce pas vous dire que ce n'est pas le dénombrement d'Auguste, mais celui de Jésus-Christ? car qui pouvait décréter le recensement du monde entier, si ce n'est le Maître souverain de tout l'univers. La terre, en effet, est à Dieu (Ps 23), et non pas à César. - Bède. Il remplit aussi parfaitement la signification du nom d'Auguste, puisqu'il a tout à la fois la volonté et la puissance nécessaires pour augmenter le nombre des siens. - Théophyl. Il convenait que le Christ remplaçât la religion du polythéisme par le culte d'un seul Dieu.
- Orig. (hom. 11). Si nous voulons y faire attention, nous découvrirons la signification mystérieuse de l'inscription du Christ dans le dénombrement de l'univers. Il fut inscrit sur le registre commun à tous, pour les sanctifier tous; il fut compris dans le dénombrement de tout l'univers, pour entrer ainsi en communion avec tous les hommes. - Bède. De même qu'alors sous l'empire d'Auguste et le gouvernement de Cyrinus, chacun allait dans son pays pour s'y faire enregistrer et y déclarer ses biens; de même aussi sous l'empire de Jésus-Christ, qui nous gouverne par les docteurs (chefs de son Église), nous devons nous soumettre au recensement qui a pour objet la pratique de la justice. - S. Ambr. C'est donc ici le premier recensement, mais le recensement des âmes. Tous viennent s'y soumettre, parce que nul n'en est excepté. Ils obéissent, non à la proclamation des officiers publics, mais à la prédiction du prophète qui, bien des siècles à l'avance, avait dit (Ps 46): «Nations, applaudissez toutes des mains, chantez la gloire de Dieu par des cris d'allégresse, parce que le Seigneur est élevé et redoutable, qu'il est le roi suprême sur toute la terre». Et pour qu'on sache bien que c'est ici le recensement spirituel de la justice, Marie et Joseph, c'est-à-dire un juste et une vierge viennent s'y soumettre, l'un qui devait être le gardien du Verbe, l'autre qui allait l'enfanter. - Bède. Notre ville et notre patrie, c'est le repos bienheureux vers lequel nous devons nous avancer chaque jour par un progrès continuel dans les vertus. Chaque jour la sainte Église, à la suite de ses docteurs, se dégage du cercle toujours agité de la vie mondaine (ce que si gnifie le mot Galilée), pour venir dans la ville de Juda (c'est-à-dire de la confession et de la louange), et y payer au roi éternel le tribut de sa piété. A l'exemple de la bienheureuse Vierge Marie, elle nous a conçus par l'opération de l'Esprit saint; épouse d'un autre, elle est fécondée par ce divin Esprit, elle est unie visiblement au souverain pontife, qui est son chef, mais elle est comblée des dons et de la vertu invisible de l'Esprit saint; son nom même nous indique que le zèle du Maître qui enseigne ne peut rien, si l'assistance du secours divin ne vient ouvrir le coeur de ceux qui sont enseignés.


vv. 6-7

9206 Lc 2,6-7

S. Ambr. Saint Luc rapporte en très peu de mots la manière dont le Christ est né, le temps et le lieu de sa naissance selon la chair: «Pendant qu'ils étaient là, il arriva que le temps où elle devait enfanter s'accomplit», etc. Le mode de sa naissance, c'est qu'une femme qui était mariée l'a conçu, et qu'elle l'a engendré en demeurant vierge. - S. Grég. de Nysse. (Ch. des Pèr. gr). En effet, en se revêtant de notre humanité, il n'est point soumis en tout aux lois de la nature humaine. Il naît d'une femme, il est vrai, et c'est la part de l'humanité; mais la virginité qui lui a donné naissance, montre qu'il est supérieur à l'homme. Cette divine Vierge l'a porté sans souffrance, sa conception est sans tache, son enfantement sans difficulté, sa naissance sans souillure, sans déchirement et sans douleurs. Celle qui a déposé dans notre nature le germe de la mort par sa désobéissance, a été condamnée à enfanter dans la douleur; la mère de celui qui est la vie devait enfanter dans la joie. Il entre dans cette vie mortelle par la pureté incorruptible d'une vierge, à l'époque de l'année où les ténèbres commencent à diminuer, et où la longueur des nuits cède nécessairement devant les flots de lumière que répand l'astre du jour. En effet, la mort du péché avait atteint le terme de sa gravité, dès lors elle allait disparaître devant la clarté de la vraie lumière qui allait répandre sur tout l'univers les rayons éclatants de la prédication évangélique.

Bède. Le Christ a daigné s'incarner encore à cette époque, afin qu'aussitôt sa naissance, il fût compris dans le dénombrement commandé par César Auguste, et soumis lui-même à la servitude pour nous délivrer. Il naît à Bethléem, non seulement pour prouver sa descendance royale, mais à cause de la signification mystérieuse de ce nom. - S. Grég. (hom. 8 sur les Evang). Car Bethléem veut dire maison du pain; c'est lui, en effet, qui a dit: «Je suis le pain vivant descendu du ciel». Le lieu donc où naquit le Sauveur était appelé maison du pain, parce qu'on devait y voir apparaître dans une chair mortelle, celui qui rassasie intérieurement les âmes des élus. - Bède. Jusqu'à la consommation des siècles, le Seigneur ne cesse point d'être conçu à Nazareth, de naître à Bethléem; en effet, chacun de ses disciples qui reçoit en lui la fleur du Verbe, devient la maison du pain éternel; chaque jour encore, il est conçu par la foi dans un sein virginal, (c'est-à-dire dans l'âme des croyants), et il est engendré par le baptême.

«Et elle enfanta son premier né». - S. Jér. (cont. Helv). Helvidius s'efforce de prouver par ce passage qu'on ne peut donner le nom de premier né qu'à celui qui a des frères; de même qu'on appelle fils unique celui qui est le seul enfant de ses parents. Pour nous, voici notre explication: Tout fils unique est premier né, mais tout premier né n'est pas fils unique. Nous appelons premier né, non pas celui après lequel naissent d'autres enfants, mais celui qui est né le premier de tous (cf. Nb 18,15). En effet, si on n'est le premier né qu'autant qu'on aura des frères après soi, les prêtres n'auront aucun droit sur les premiers nés, avant la naissance d'autres enfants; car alors au défaut de ces autres enfants, il y aurait un fils unique, il n'y aurait point de premier né. - Bède. Jésus est aussi fils unique dans sa nature divine, premier né dans son union avec l'humanité; premier né dans la grâce, unique dans sa nature. -
S. Jér. (cont. Helv). Personne ne reçut l'enfant à sa naissance, aucune femme ne donna à Marie les soins ordinaires, elle seule enveloppa son enfant de langes, elle fut à la fois la mère et celle qui reçut l'enfant: «Et elle l'enveloppa de langes». - Bède. Celui qui revêt la nature de sa parure si variée, est enveloppé dans de pauvres langes, afin que nous puissions recouvrir la robe première de notre innocence; celui par qui tout a été fait, voit ses mains et ses pieds comme enchaînés, afin que nos mains soient libres pour toute sorte de bonnes oeuvres, et que nos pieds soient dirigés dans la voie de la paix.

S. Grec. (ou Métaphraste, Ch. des Pèr. gr). A quels admirables abaissements se réduit, à quels voyages lointains s'assujettit celui qui contient le monde entier dans son immensité ! Dès son entrée dans le monde, il recherche la pauvreté et la rend honorable dans sa personne. - S. Chrys. (hom. pour la nativ. de J.-C). Sans doute, s'il eût voulu, il pouvait venir en ébranlant les cieux, en faisant trembler la terre, en lançant la foudre; il a rejeté tout cet appareil, car il venait, non pour perdre, mais pour sauver l'homme, et, dès sa naissance, fouler aux pieds son orgueil. Il ne lui suffit donc pas de se faire homme, il se fait homme pauvre, et il choisit une mère pauvre, qui n'a point même de berceau pour y déposer son enfant nouveau né: «Et elle le coucha dans une crèche. - Bède. Celui qui a le ciel pour trône, se renferme dans une crèche étroite et dure pour dilater nos coeurs par les joies du royaume des cieux; celui qui est le pain des anges est déposé dans une crèche, pour nous nourrir comme un troupeau sanctifié du pur froment de sa chair divine. - Cyril. (Ch. des Pèr. gr). Il a trouvé l'homme devenu charnel et animal jusque dans son âme, et il se place dans la crèche comme nourriture, afin que nous changions cette vie tout animale pour arriver au discernement et à l'intelligence dignes de l'homme, nourris que nous sommes, non de l'herbe des champs, mais du pain céleste, du corps de vie. - Bède. Celui qui est assis à la droite de Dieu le Père, manque de tout dans une pauvre retraite, pour nous préparer plusieurs demeures dans la maison de son Père (Jn 14, 2): «Car il n'y avait point de place pour eux dans les hôtelleries». Il naît, non dans la maison de ses parents, mais dans un lieu étranger, et en voyage, parce que dans le mystère de son incarnation, il est devenu la voie qui nous conduit à la patrie (où nous jouirons pleinement de la vérité et de la vie) (Jn 14). - S. Grég. (hom. 8 sur les Evang). C'est auss i pour nous enseigner qu'en prenant notre humanité, il naissait comme dans un lieu étranger, non à sa puissance, mais à la nature dont il se revêtait.

S. Ambr. C'est pour vous qu'il s'abaisse à cet état d'infirmité, lui qui est en lui-même toute puissance; pour vous, qu'il se réduit à cette pauvreté, lui qui possède toute richesse. Ne vous arrêtez point à ce que vous voyez, mais considérez que c'est par là que vous êtes racheté. Seigneur Jésus, je dois plus à vos humiliations qui m'ont racheté, qu'aux oeuv res de votre puissance qui m'ont créé. Que m'eût-il servi de naître sans le bienfait inestimable de la rédemption ?


vv. 8-12

9208 Lc 2,8-12

S. Ambr. Voyez comme Dieu prend soin d'établir et de confirmer la foi, c'est un ange qui instruit Marie, un ange qui instruit Joseph, un ange encore qui instruit les bergers dont il est dit: «Il y avait aux environs des bergers qui passaient la nuit», etc. - S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr). L'ange apparut à Joseph pendant son sommeil, comme à un homme qu'il était facile d'amener à la foi, il apparaît visiblement aux bergers, et plus ignorants, et plus grossiers. Cet ange ne se rend point à Jérusalem, il ne s'adresse pas aux scribes et aux pharisiens, ils étaient trop corrompus et victimes de leur noire envie. Mais ces bergers étaient simples et conservaient les habitudes patriarchales et les traditions de Moise. Or l'innocence est une voie sûre qui conduit à la sagesse. - Bède. (hom). Dans toute l'histoire de l'Ancien Testament, où les apparitions des anges aux patriarches avaient des caractères si particuliers, nous ne voyons nulle part qu'ils aient apparu environnés de lumière, c'était un privilège réservé au temps où au milieu des ténèbres, la lumière s'est levée pour les coeurs droits: «Et une clarté divine les environna». - S. Ambr. Jésus sort du sein d'une mère mortelle, mais il brille du plus haut des cieux, il est couché dans un asile terrestre, mais il resplendit d'une lumière céleste.

Grec. (ou Géom., Ch. des Pèr. gr). Ce miracle les remplit de frayeur: «Et ils furent saisis de crainte»,etc. Mais l'ange dissipe bientôt cette frayeur qui les trouble: «Et il leur dit», etc. Non content d'apaiser leur crainte, il leur inspire un vif sentiment de joie. Entendez en effet la suite: «Voici que je vous annonce le sujet d'une grande joie, etc., non seulement pour le peuple juif, mais pour tous les hommes. Quelle est la cause de cette joie, c'est cet enfantement nouveau et vraiment admirable d'après les noms que l'ange donne à cet enfant. Il ajoute: «Parce qu'il vous est né aujourd'hui un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. Le premier de ces noms (celui de Sauveur), exprime l'action; le troisième (celui de Seigneur), la majesté. - Cyril. ( Chaîne des Pères grecs). Le nom qui est au milieu (celui de Christ), désigne l'onction, il n'exprime pas la nature, mais l'union hypostatique des deux natures. Nous croyons que Jésus-Christ notre Sauveur, a reçu une onction solennelle, ce n'est pas cette onction figurative (telle que les rois la recevaient autrefois avec l'huile sainte), et qui était conférée par une grâce prophétique. Ce n'est point non plus cette onction conférée pour l'accomplissement d'un grand dessein, comme nous le voyons dans ce passage d'Isaïe (Is 45) «Voici ce que dit le Seigneur à Cyrus qui est son Christ». Il l'appelle son Christ, quoiqu'il fût idolâtre, parce qu'il devait exécuter le décret de Dieu en s'emparant de toute la province de Babylone. Mais pour le Sauveur, il a reçu l'onction comme homme et dans la forme de l'esclave qu'il avait prise, et il donne, en tant que Dieu, l'onction de l'Esprit saint à tous ceux qui croient en lui.

Grég. (ou Géom). L'ange leur fait connaître ensuite le moment de cette naissance: «Aujourd'hui»; le lieu: «Dans la ville de David»; et les signes pour le reconnaître: «Et voici le signe que je vous donne»,etc. C'est ainsi que les anges annoncent à des pasteurs le prince des pasteurs qui naît et se manifeste comme un agneau dans une étable. - Bède. Tout ce qui a rapport à l'enfance du Sauveur nous est clairement enseigné, et par les déclarations fréquentes des anges, et par les nombreux témoignages des Évangélistes, pour graver plus profondément dans nos coeurs les mystères opérés pour notre salut. Et remarquez le signe auquel ils reconnaîtront le Sauveur qui vient de naître. Ce n'est pas un enfant enveloppé dans une pourpre éclatante, mais dans de misérables langes, il n'est point couché sur des tapis brochés d'or, ils le trouveront dans une crèche. - S. Maxime. (serm. sur la Nativ). Si ces langes vous semblent misérables, admirez le concert de louanges des esprits célestes. Si la crèche vous inspire du mépris, élevez un peu les yeux, et contemplez cette nouvelle étoile qui annonce au monde la naissance du Seigneur. Vous croyez à ce qui est abaissement dans ce mystère, croyez aussi à tout ce qu'il a de merveilleux; et si les humiliations qu'il renferme sont pour vous matière à discussion, que le caractère de grandeur et de divinité dont il est empreint, soit l'objet de votre vénération.

S. Grég. (hom. 8 sur les Ev). Dans le sens mystique, l'apparition de l'ange aux bergers qui veillaient sur leurs troupeaux, et la clarté divine qui les environna nous apprennent que ceux qui gouvernent avec sollicitude les brebis fidèles qui leur sont confiées, sont admis de préférence à tous les autres, à contempler les mystères les plus sublimes; et tandis qu'ils veillent religieusement sur leur troupeau, la grâce divine répand sur eux des flots de lumière. - Bède. (hom). Ces pasteurs de troupeaux représentent en effet les docteurs et les directeurs des âmes fidèles; la nuit pendant laquelle ils veillaient tour à tour sur leur troupeau, figure les dangers des tentations dont ils ne cessent de défendre, s'en préservant eux-mêmes et les âmes qui leur sont soumises. Ce n'est pas d'ailleurs sans dessein que les bergers veillent sur leur troupeau à la naissance du Seigneur qui dit de lui-même (Jn 10) :«Je suis le bon pasteur»,car aussi bien le temps approche où ce même pasteur doit ramener les brebis dispersées dans les pâturages à la vie (cf. Jn 10, 16; 11, 52). - Orig. (hom. 12). S'il faut nous élever à un sens plus mystérieux, je dirai que les anges étaient comme des pasteurs chargés de diriger les choses humaines. Alors que chacun d'eux remplissait cette mission de vigilance, un ange vint annoncer aux pasteurs la naissance du véritable pasteur; car les anges avant la venue du Sauveur, ne pouvaient être que faiblement utiles à ceux qui étaient commis à leur garde, à peine, en effet, trouvait-on dans chaque nation un homme qui crut en Dieu, tandis qu'aujourd'hui tous les peuples à l'envi embrassent la foi de Jésus.


vv. 13, 14

9213 Lc 2,13-14

Bède. Le témoignage d'un seul ange pouvait paraître insuffisant; aussitôt donc que cet ange est venu annoncer le mystère de la nouvelle naissance, on voit paraître la multitude des légions célestes: «Au même instant se joignit à l'ange une grande troupe de l'armée céleste». Le nom de milice céleste que donne l'Évangéliste au choeur des anges est parfaitement choisi, car elle exécute humblement les ordres et seconde dans les combats les efforts du chef puissant qui est venu triompher des puissances de l'air, jeter le trouble et l'épouvante parmi les légions ennemies, et rendre ainsi inutiles leurs pernicieux desseins contre les hommes. Celui qui vient de naître est tout à la fois Dieu et homme, c'est donc à juste titre que les anges annoncent la paix aux hommes, et chantent gloire à Dieu: «Ils louaient Dieu et disaient: Gloire à Dieu au plus haut des cieux». Un seul ange, un seul envoyé du ciel, vient d'ann oncer qu'un Dieu vient de naître dans une chair mortelle, et aussitôt la multitude des légions célestes proclame la gloire du Créateur. Elle témoigne ainsi de son amour pour Jésus-Christ, et nous instruit par son exemple. Toutes les fois, en effet, que l'un de nos frères nous fait entendre la parole de la science sacrée, ou lorsque nous-mêmes nous repassons dans notre âme une pensée pieuse, notre coeur, notre bouche, nos oeuvres doivent aussitôt rendre gloire à Dieu.

S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr). Autrefois les anges étaient envoyés comme exécuteurs de la justice de Dieu, aux Israélites, à David, aux habitants de Sodome, à la vallée des gémissements; maintenant au contraire, ils chantent à Dieu un cantique d'actions de grâces, parce qu'il leur a fait connaître sa venue parmi les hommes. - S. Grég. (Moral., 28, 7). Ils chantent les louanges de Dieu, pour mettre leurs concerts en harmonie avec le bienfait de la rédemption; heureux ainsi de voir les hommes réconciliés appelés à compléter leur nombre dans les cieux. - Béde. Ils souhaitent la paix aux hommes, en ajoutant: «Et sur la terre paix aux hommes»,etc., parce qu'ils vénèrent des compagnons et des frères dans ceux qu'ils avaient vus en proie à toute sorte d'infirmités et d'humiliations. - Cyril. (Ch. des Pèr. gr). Cette paix est l'oeuvre de Jésus-Christ, il nous a réconciliés par lui-même à Dieu son Père (2Co 5,18-19 Ep 2,16 Col 1,20-22), en effaçant les fautes qui nous rendaient ses ennemis. Il a pacifié les deux peuples pour n'en faire qu'un seul homme, et a formé un seul troupeau des habitants du ciel et de ceux qui sont sur la terre.

Bède. Mais à quels hommes les anges souhaitent-ils la paix? Ils l'expliquent eux-mêmes en ajoutant: «De bonne volonté»,c'est-à-dire, à ceux qui recevron t le Christ qui vient de naître, car il n'y a point de paix pour les impies (Is 57), elle est le partage de ceux qui aiment le nom de Dieu (Ps 118).
- Orig. Le lecteur attentif demandera comment le Sauveur a pu dire (Lc 12): «Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre», tandis que les anges chantent à sa naissance: «Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté»; mais la question se trouve résolue par ces paroles mêmes: «Paix aux hommes de bonne volonté»,car la paix dont Dieu n'est pas l'auteur, n'est pas la paix de bonne volonté. - S. Aug. (de la Trin., 13, 1-3). La justice fait partie de la bonne volonté. - S. Chrys. (Ch. des Pèr. 9r). Voyez la marche admirable que Dieu a suivie, il a fait descendre les anges jusqu'à nous, pour faire remonter ensuite l'homme jusqu'au ciel; le ciel s'est fait terre pour relever les choses de la terre.

Orig. (comme précéd). Dans le sens mystique, les anges reconnaissaient qu'ils ne pouvaient accomplir la mission qui leur avait été confiée sans le secours d e celui qui seul avait la puissance de sauver, et que tous leurs remèdes étaient inefficaces pour guérir les hommes. Ainsi, lorsqu'un médecin d'une science supérieure arrive près d'un malade que d'autres n'ont pu guérir, dès que ceux-ci voient la gangrène des plaies les plus profondes disparaître au simple toucher du savant docteur; loin de lui porter envie, ils célèbrent les louanges du médecin et de Dieu, qui leur a envoyé ainsi qu'aux malades, un homme d'une science si éminente; c'est ainsi que la multitude des anges loue et remercie Dieu d'avoir envoyé Jésus-Christ sur la terre.



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