Catena Aurea 9215

vv. 15-20

9215 Lc 2,15-20

Grec. (Géomét). L'apparition de l'ange, son récit, jetèrent les bergers dans un grand étonnement; ils laissèrent donc leurs troupeaux et partirent cette nuit-là même pour Bethléem, à la recherche de cette lumière du Sauveur: «Et ils se disaient l'un à l'autre»,etc. - Bède. C'est le langage d'hommes qui veillent véritablement; ils ne disent pas: voyons cet enfant, mais voyons le Verbe qui a été fait, c'est-à-dire, voyons comment ce Verbe qui a été de tout temps a été fait chair pour nous, car ce Verbe c'est le Seigneur, comme la suite l'indique: «Que le Seigneur a fait et nous a révélé», c'est-à-dire, voyons comment le Verbe s'est fait lui-même, et nous a manifesté sa chair. - S. Ambr. Voyez avec quel soin la sainte Écriture pèse le sens de chacune des paroles qu'elle emploie; en effet, celui qui voit la chair du Seigneur, voit le Verbe qui est le Fils de Dieu. Gardez-vous de faire peu de cas de cet exemple de foi, parce qu'il vous est donné par de pauvres bergers, Dieu recherche la simplicité et rejette les prétentions orgueilleuses: «Et ils se hâtèrent de venir», etc. Personne ne doit chercher Jésus-Christ avec négligence. - Orig. (hom. 13). Pour récompense de leur pieux empressement, «ils trouvèrent Marie (qui avait enfanté Jésus), Joseph (le protecteur de la naissance du Seigneur), et l'enfant couché dans une crèche»,c'est-à-dire, le Sauveur lui-même. - Bède. Il est dans l'ordre qu'après avoir rendu à l'incarnation du Verbe les honneurs qui lui sont dus, on soit admis à contempler la gloire elle-même du Verbe: «Et l'ayant vu, ils reconnurent la vérité de ce qui leur avait été dit»,etc. - Grec, (c'est-à-dire Photius, Ch. des Pèr. gr). Ils contemplent avec foi dans le secret de leurs coeurs l'accomplissement de l'heureuse nouvelle qui leur a été annoncée, et non contents de ce sentiment d'admiration, ils racontaient tout ce qu'ils avaient vu et entendu, non seulement à Marie et à Joseph, mais à tous c eux qu'ils rencontraient, et (ce qui est mieux encore) ils le gravaient dans les coeurs: «Et tous ceux qui l'entendirent admirèrent», etc. Et quel plus juste sujet d'admiration que de voir celui qui habite dans les cieux, s'unissant à la terre pour la réconcilier avec les cieux, et cet ineffable petit enfant, unissant étroitement ensemble les choses célestes par sa divinité, avec les choses terrestres par son humanité, offrant ainsi une admirable alliance entre ces deux natures intimement unies en lui-même. - La Glose. L'objet de cette admiration n'est pas seulement le mystère de l'Incarnation, mais le témoignage si frappant des bergers, incapables d'imaginer ce qu'ils n'auraient pas entendu, et qui publiaient la vérité avec une éloquence pleine de simplicité.

S. Ambr. Gardez-vous de mépriser comme de peu d'importance les paroles des bergers, car Marie recueille ces paroles pour confirmer sa foi: «Or Marie conservait toutes ces choses en elle-même, les repassant dans son coeur. Apprenons quelle était en toutes choses la chasteté de Marie; non moins pure dans ses paroles que dans son corps, elle repassait dans son coeur les preuves de la foi. - Bède. (hom). Fidèle observatrice des lois de la pureté virginale, elle ne voulait révéler à personne les mystères du Christ qu'elle connaissait, mais elle rapprochait les prédictions qu'elle avait lues, de leur accomplissement qu'elle avait sous les yeux, et sans en rien publier elle gardait tout renfermé dans son coeur.

Grec. (ou Métaphraste, Ch. des Pèr. gr). Tout ce que l'ange avait dit à Marie, tout ce qu'elle avait appris de Zacharie et d'Elisabeth elle le conservait dans son âme, elle en faisait le rapprochement, et cette Mère de la sagesse en admirait la parfaite harmonie, qui lui faisait reconnaître un Dieu dans celui dont elle était la Mère.

S. Athan. (Ch. des Pèr. gr). La naissance de Jésus-Christ était le sujet d'une joie universelle, non pas d'une joie toute humaine comme celle qu'inspire la naissance d'un enfant ordinaire, mais d'une joie céleste produite par la présence du Christ et par l'éclat de la lumière divine: «Et les bergers s'en retournèrent glorifiant et louant Dieu de tout ce qu'ils avaient entendu». - Bède. De ce qu'ils avaient entendu des anges, et de ce qu'ils avaient vu à Bethléem, selon ce qui leur avait été dit. Ainsi ils glorifient Dieu de ce qu'ils ont trouvé celui qu'on leur avait annoncé; ou bien encore ils glorifient, ils louent Dieu, selon ce qui leur avait été dit par les anges qui ne leur en avaient point fait une loi, mais leur offraient un modèle parfait de religion dans l'hymne de gloire qu'ils avaient chanté à Dieu au plus haut des cieux.

Bède.(Hom). Dans le sens mystique, les pasteurs du troupeau des âmes, disons mieux, tous les fidèles, à l'exemple de ces bergers doivent aller par la pensée jusqu'à Bethléem, et célébrer par de dignes hommages l'incarnation du Christ. Mais commençons par rejeter bien loin toutes les basses concupiscences de la chair avant de nous élever sur l'aile des plus ardents désirs de notre coeur jusqu'à la Bethléem céleste (c'est-à-dire la maison du pain vivant), où nous serons rendus dignes de voir régner sur le trône de Dieu le Père, celui que les bergers ont mérité de voir pleurant et gémissant dans la crèche. Point de négligence, point de langueur dans la recherche d'un si grand bonheur, c'est avec ardeur qu'il faut suivre les pas de Jésus-Christ. Après qu'ils eurent vu, ils connurent, et nous aussi, hâtons-nous de recevoir avec un coeur plein d'amour tout ce qui nous est dit sur le Sauveur du monde, afin que nous puissions arriver à le connaître parfaitement dans les splendeurs de la vision des cieux. - Bède. (sur S. Luc). Les pasteurs du troupeau du Seigneur vont aussi contempler la vie des Pères qui les ont précédés, et où se conserve le pain de vie, comme s'ils entraient dans la ville de Bethléem; et ils y trouvent la beauté virginale de l'Église, c'est-à-dire Marie; la noble cohorte des docteurs spirituels, c'est-à-dire Joseph, et l'humble avènement du Christ inscrit dans les pages de la sainte Écriture, c'est-à-dire, Jésus-Christ enfant couché dans la crèche. - Orig. (hom. 43). Ou bien cette crèche est celle qu'Israël n'a point connu, d'après ces paroles d'Isaïe: «Le boeuf a connu celui à qui il appartient, et l'âne l'étable de son maître; - Bède. (in hom). Les bergers n'ont point enseveli dans le silence les mystères qui leur avaient été manifestés, parce que les pasteurs de l'Église sont établis pour enseigner aux fidèles les vérités qu'ils ont puisées dans les saintes Écritures. - Bède. (sur S. Luc). Ajoutons encore que les pasteurs du troupeau des âmes, tandis que tous les autres se livrent au sommeil, tantôt s'adonnent à la contemplation des choses célestes, tantôt parcourent la vie des saints pour recueillir leurs exemples, et reprennent ensuite par l'enseignement l'exercice du ministère pastoral. - Bède. (hom). Chaque fidèle, même celui qui semble renfermé dans la vie privée, remplit l'office de pasteur, s'il prend soin de recueillir une multitude de bonnes oeuvres et de chastes pensées, de la gouverner dans une sage mesure, de la nourrir des pâturages de la sainte Écriture, et de la préserver des embûches du démon.


v. 21

9221 Lc 2,21

Bède. (hom. sur la circoncis). Après le récit de la naissance du Sauveur, vient celui de la circoncision: «Lorsqu e les huit jours furent accomplis pour circoncire l'enfant». - S. Amb. Quel est cet enfant? celui dont il a été dit (Is 9): «Un enfant nous est né; un fils nous a été donné»; car il s'est assujetti à la loi pour racheter ceux qui étaient sous la loi. -
S. Epiph. (Ch. des Pèr. gr).. Les sectateurs d'Ebion et de Cérinthe nous disent: Il suffit au disciple d'être comme Son maître; le Christ a été circoncis, vous devez donc, vous aussi, vous soumettre à la circoncision. Ces hérétiques sont dans l'erreur et détruisent leurs propres principes. En effet, si Ebion admettait que c'est le Christ Dieu descendu des cieux qui a été circoncis le huitième jour, il fournirait une preuve en faveur de la circoncision; mais il affirme que le Christ n'est qu'un homme. Or, cet enfant ne peut être la cause déterminante de sa circoncision, pas plus que les enfants ne sont les auteurs de leur propre circoncision. Pour nous, nous professons que le Christ est le Dieu descendu du ciel, qu'il a séjourné dans le sein d'une vierge le temps voulu par les lois de la nature, jusqu'au moment où la chair de son humanité a été entièrement formée de ce sein virginal; c'est dans cette chair qu'il a été circoncis le huitième jour en réalité, et non en apparence. Or, puisque les figures sont parvenues à leur accomplissement spirituel, ni lui, ni ses disciples ne doivent chercher à propager ces figures, mais la vérité seule. - Orig. (hom. 14). Car de même que nous sommes morts avec Jésus-Christ dans sa mort, et que nous sommes ressuscités dans sa résurrection; nous avons été circoncis avec lui, et nous n'avons plus besoin de la circoncision charnelle.

S. Epiph. Le Christ s'est soumis à la circoncision pour plusieurs raisons; premièrement, il a voulu prouver ainsi la vérité de sa chair contre les Manichéens et ceux qui prétendent qu'il n'est venu sur la terre qu'en apparence; secondement, il a fait voir par là que son corps n'était pas consubstantiel à la divinité, comme le soutient Apollinaire, et qu'il ne l'avait point apporté du ciel comme l'affirme Valentin; troisièmement, il a voulu confirmer, par son exemple, la loi de la circoncision qu'il avait autrefois instituée comme préparation à sa venue; quatrièmement enfin, il a voulu ôter ainsi aux Juifs toute excuse, car s'il n'avait pas reçu la circoncision, ils auraient pu objecter qu'ils ne pouvaient recevoir un Christ incirconcis. - Bède. (hom. comme précéd). Il voulait encore nous recommander fortement, par son exemple, la vertu d'obéissance, et aussi aider, en compatissant à leurs maux, ceux qui succombaient sous le joug pesant de la loi. Il fallait que celui qui venait, revêtu de la chair du péché, se soumit au remède institué pour purifier la chair; car sous la loi, la circoncision avait comme remède salutaire contre la plaie du péché originel la même efficacité que le baptême sous le régime de la grâce. Disons cependant qu'on ne pouvait encore entrer dans le royaume céleste, on était admis après la mort dans le sein d'Abraham, pour y jouir d'un doux repos, et y attendre, dans une bienheureuse espérance, l'entrée du séjour de la paix éternelle. - S. Athan. La circoncision qui avait lieu sur cette partie du corps, qui est la cause de la naissance corporelle, ne signifiait autre chose que le dépouillement de la génération charnelle. On la pratiquait alors comme signe du baptême que le Christ devait instituer. Aujourd'hui donc que nous possédons l'objet figuré, la figure a cessé d'exister; puisque la chair du vieil homme se trouve détruite tout entière par le baptême, l'incision figurative d'une partie de la chair est maintenant superflue.

S. Cyril. (Ch. des Pèr. gr). C'était la coutume chez les Juifs de célébrer la circoncision de la chair le huitième jour, car c'est le huitième jour que le Christ est ressuscité, et qu'il nous a donné l'idée de la circoncision spirituelle par ces paroles «Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant», etc. - Bède. La résurrection de Jésus-Christ est la figure de notre double résurrection, de celle du corps et de celle de l'âme. En effet, par sa circoncision, il nous enseigne que c'est par lui que notre nature peut dans cette vie être purifiée de la souillure des vices, et qu'au dernier jour elle doit être délivrée de la corruption du tombeau. De même que le Seigneur est ressuscité le huitième jour, c'est-à-dire après le septième jour du sabbat, nous aussi, après les six âges du monde, après le septième âge du repos des âmes qui, en attendant, s'écoule dans l'autre vie, nous ressusciterons comme au huitième âge. - S. Cyril. Pour obéir encore aux prescriptions de la loi, le Seigneur reçut le même jour le nom qui lui était destiné: «On lui donna le nom de Jésus». Ce nom signifie Sauveur, car il est né pour le salut du monde entier, salut dont sa circoncision était la figure selon ce que l'Apôtre dit aux Colossiens (Col 2): «Vous avez été circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite de main d'homme, mais qui consiste dans le dépouillement du corps charnel. - Bède. C'est le jour même de sa circoncision que son nom lui a été donné, conformément à la coutume ancienne. En effet, Abraham, qui reçut le sacrement figuratif de la circoncision, mérita ce jour-là même de voir son nom augmenté par une bénédiction spéciale. - Orig. (hom. 44). Le nom glorieux de Jésus, digne de tous les honneurs, ce nom qui est au-dessus de tous les noms, ne devait être ni donné ni choisi par les hommes, aussi l'Évangéliste ajoute-t-il d'une manière significative: «Nom que l'ange lui avait donné», etc. - Bède. Les élus eux-mêmes se réjouissent d'être rendus participant de la gloire de ce nom dans leur circoncision; car de même que les chrétiens tirent leur nom du nom de Christ, ainsi ils sont appelés sauvés du nom de Sauveur, et ce nom, Dieu leur a donné non seulement avant qu'ils fussent conçus par la foi dans le sein de l'Église, mais avant tous les siècles.


vv. 22 - 24

9222 Lc 2,22-24

S. Cyr. (comme précéd). Après la cérémonie de la circoncision venait celle de la purification dont l'Évangéliste dit: «Lorsque le temps de la purification de Marie fut accompli, selon la loi», etc. - Bède. Si vous examinez avec attention le texte de cette loi, vous conclurez certainement que la Mère de Dieu était affranchie de cette prescription légale, comme elle l'avait été de toute union charnelle. Car ce n'est point toute femme qui enfante qui est déclarée immonde, mais celle qui enfante par les voies ordinaires, pour distinguer de toutes les autres femmes celle qui conçut et enfanta sans cesser d'être vierge. Cependant Marie, à l'exemple de Jésus-Christ son fils, se soumet d'elle-même à cette loi, pour nous délivrer du joug de la loi. -
Tite. Aussi l'Évangéliste se sert-il de cette expression pleine de justesse «Lorsque les jours de sa purification furent accomplis selon la loi». Et en réalité la Vierge sainte n'avait nul besoin d'attendre le jour de sa purification, elle qui, ayant conçu de l'Esprit saint, n'avait contracté aucune souillure.

«Ils le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur». - S. Athan. (Ch. Des Pèr. gr). Mais quand donc le Seigneur cessa-t-il un seul instant d'être en la présence de son Père, de manière à échapper à ses regards? et quel est l'endroit de la terre qui ne soit pas soumis à son empire, et où le Fils soit séparé de son Père, à moins qu'on ne l'apporte à Jérusalem et qu'on le présente au temple? N'oublions pas que toutes ces circonstances sont écrites à cause de nous; car de même que ce n'est point pour lui que le Sauveur s'est fait homme, et qu'il a été circoncis, mais pour faire de nous comme autant de dieux par sa grâce, et nous donner l'exemple de la circoncision spirituelle; de même, il se présente à son Père, pour nous apprendre à nous offrir tout entiers au Seigneur. - Bède. C'est le trente-troisième jour après la circoncision qu'il est présenté au temple, pour nous apprendre dans un sens mystique, que pour être digne des regards du Seigneur, il faut avoir retranché tous les vices par la circoncision spirituelle, et qu'à moins d'être affranchi de tous les biens de la mortalité, on ne peut entrer pleinement dans les joies de la cité céleste.

«Comme il est écrit dans la loi du Seigneur». - Orig. (hom. 14). Où sont ceux qui nient que Jésus-Christ ait prêché dans l'Évangile le Dieu de la loi? Admettra-t-on que le Dieu bon ait assujetti son Fils à la loi de son ennemi, que lui-même n'avait point donnée? En effet, il est écrit dans la loi de Moïse: «Tout mâle ouvrant le sein de sa mère sera appelé la chose sainte du Seigneur». - Ces paroles: «Ouvrant le sein de sa mère», s'appliquent également au premier né de l'homme et des animaux, l'un et l'autre, selon la loi, devaient être offerts au Seigneur, et appartenir au prêtre, avec cette différence que pour le premier né de l'homme, il devait en recevoir le prix, et qu'il faisait racheter le premier né de tout animal immonde. - S. Grég. de Nysse. Cette prescription de la loi paraît s'accomplir dans le Dieu incarné d'une manière toute particulière et toute exceptionnelle. Il est le seul, en effet, dont la conception ineffable et la naissance incompréhensible n'ait point ouvert le sein virginal que le mariage avait respecté, et qui a conservé miraculeusement après ce divin enfantement le sceau de la chasteté. - S. Amb. Car ce n'est point l'union conjugale qui a ouvert le chaste sein de la Vierge, mais l'Esprit saint qui a déposé dans ce sanctuaire inviolab le le principe d'une naissance immaculée. Celui qui avait sanctifié le sein d'une autre femme pour la rendre mère d'un prophète, ouvrit lui-même le sein de sa mère pour en sortir sain et sans aucune souillure. - Bède. L'Évangéliste, en disant: «Tout mâle qui ouvre le sein de sa mère», ne fait que s'accommoder au langage en usage pour les naissances ordinaires; car loin de nous la pensée que le Seigneur ait fait perdre par sa naissance la virginité au chaste sein qu'il avait sanctifié en y venant faire sa demeure. - S. Grég. de Nysse. (comme précéd). C'est ici le seul enfant mâle qui, dans sa naissance, n'a rien contracté de la faute de la première femme. Aussi est-il appelé saint dans la force du terme, et l'ange Gabriel déclare pour ainsi dire que cette dénomination consacrée par la loi n'appartient qu'à lui seul, lorsqu'il dit: «Le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu». Pour les autres premiers nés, ils sont appelés saints, dans le style des Écritures, parce qu'ils tiennent ce nom de leur consécration à Dieu; mais quant au premier né de toute créature, l'ange proclame qu'il naît saint d'une sainteté qui lui appartient en propre. - S. Amb. Mais entre tous les enfants nés de la femme, Notre-Seigneur Jésus-Christ est le seul que le miracle inouï jusqu'alors de sa naissance immaculée ait préservé de la contagion de la corruption terrestre, qu'il a écarté par sa puissance toute divine. Si nous prenions les choses au pied de la lettre, comment pourrait-on dire que tout enfant mâle est saint, alors que nous savons qu'un grand nombre d'entre eux ont été les plus scélérats des hommes? Mais celui-là seul est véritablement saint, que les préceptes de la loi divine annonçaient d'avance en figure du mystère qui devait s'accomplir, parce que seul il devait ouvrir le sein mystérieux de la sainte Église vierge, pour engendrer tous les peuples à Dieu.

S. Cyr. (Ch. des Pèr. gr., hom. 17). O profondeur des conseils de la sagesse et de la science de Dieu ! celui qui est honoré avec son Père dans tous les sacrifices, lui offre lui-même des victimes; la vérité observe les cérémonies figuratives de la loi, celui qui comme Dieu est l'auteur de la loi, se soumet comme homme aux prescriptions de la loi: «Et pour offrir en sacrifice, ainsi que le prescrit la loi du Seigneur, deux tourterelles ou deux petits de colombes» (Lv 16). - Bède. (hom. sur la Purific). C'était l'offrande des pauvres; en effet, d'après la loi, ceux qui en avaient le moyen devaient offrir pour un enfant mâle ou pour une fille, un agneau, et en même temps une tourterelle ou une colombe: s'ils étaient pauvres et n'avaient pas le moyen d'offrir un agneau, ils offraient à la place deux tourterelles ou deux petits de colombe. Ainsi le Seigneur, de riche qu'il était, a daigné se faire pauvre, afin de nous faire entrer par sa pauvreté en participation de ses richesses.

S. Cyr. (comme précéd). Examinons quelle est la signification mystérieuse de ces offrandes. La tourterelle est de tous les oiseaux celle dont le chant est le plus fréquent et le plus continu; et la colombe est un animal plein de douceur. Or, c'est sous ces deux qualités que notre Sauveur s'est présenté à nous, toute sa vie a été le modèle de la plus parfaite douceur, et comme la tourterelle il a attiré à lui tout l'univers, en remplissant son jardin de ses célestes mélodies (cf. Ct 2, 1). On immolait donc une tourterelle ou une colombe en figure de celui qui devait être immolé pour la vie du monde. - Bède. (comme précéd). Ou bien la colombe est le symbole de la simplicité, et la tourterelle l'emblème de la chasteté, parce que la colombe aime par instinct la simplicité, et la tourterelle la chasteté. En effet, si la tourterelle vient à perdre sa compagne, elle n'en cherche pas une autre. C'est donc pour une raison mystérieuse qu'on offrait à Dieu une tourterelle et une colombe pour être immolés, parce que la vie simple et chaste des fidèles est aux yeux de Dieu un sacrifice agréable de justice. - S. Athan. (ch. des Pèr. gr). La loi ordonnait d'offrir deux de ces oiseaux, parce que l'homme étant composé d'un corps et d'une âme, Dieu demande de nous deux choses, la chasteté et la douceur, non seulement du corps, mais aussi de l'âme; autrement l'homme ne serait à ses yeux qu'un hypocrite cherchant à dissimuler la malice secrète de son coeur, sous les dehors d'une innocente trompeuse. - Bède. (comme précéd). Ces deux oiseaux, par l'habitude qu'ils ont de gémir, sont l'emblème des pieux gémissements des saints pendant la vie présente; ils diffèrent cependant en ce que la tourterelle recherche la solitude, tandis que la colombe aime à voler par compagnies. Aussi l'une représente plus particulièrement les larmes secrètes de l'oraison, et l'autre les assemblées publiques de l'Église. - Bède (sur S. Luc). Ou bien encore la colombe qui aime à voler par troupes, signifie le grand nombre de ceux qui mènent la vie active; la tourterelle qui recherche la solitude représente les âmes qui gravissent les hauteurs de la vie contemplative. Ces deux offrandes sont également agréables à Dieu, aussi est-ce avec dessein que saint Luc ne précise pas si on a offert au Seigneur des tourterelles ou des petits de colombes, pour ne point paraître donner la préférence à l'un de ces deux genres de vie, mais nous enseigner que nous devions suivre l'un et l'autre.


vv. 25-28

9225 Lc 2,25-28

S. Ambr. Ce ne sont pas seulement les anges et les prophètes, les bergers et les parents eux-mêmes de Jésus, mais les vieillards et les justes qui viennent rendre témoignage à sa naissance: «Or il y avait à Jérusalem un homme appelé Siméon, il était juste et craignant Dieu». - Bède. L'Évangéliste nous dit qu'il était juste et craignant Dieu, parce qu'il est difficile de conserver la justice sans la crainte, non pas cette crainte qui redoute de se voir enlever les biens de la terre (et que la charité parfaite chasse dehors), mais cette chaste crainte de Dieu qui demeure éternellement, et qui porte le juste à fuir toute offense de Dieu, d'autant plus soigneusement qu'il a pour lui un amour plus ardent. - S. Ambr. Oui il était véritablement juste, lui qui cherchait, non pas sa consolation, mais celle de son peuple: «Et il attendait la consolation d'Israël». - S. Grég. de Nysse (comme précéd). Ce n'est point la félicité de ce monde que le sage Siméon attendait pour la consolation d'Israël, mais le vrai passage pour son peuple aux splendeurs de la vérité qui devaient l'arracher aux ombres de la loi, car il lui avait été révélé qu'il verrait le Christ du Seigneur avant de quitter la terre: «Et l'Esprit saint était en lui (comme principe de sa justice), et il lui avait été révélé», etc. - S. Ambr. Il désirait sans doute voir se briser les liens qui l'attachaient à ce corps fragile et périssable, mais il attendait de voir celui qui était promis, car il savait qu'heureux seraient les yeux qui mériteraient de le voir. - S. Grég. (Moral., 7, 4). Nous pouvons juger de là combien vifs et ardents étaient les désirs des saints du peuple d'Israël, pour voir le mystère de l'incarnation du Sauveur. - Bède. Voir la mort, c'est en subir les atteintes, mais h eureux mille fois celui qui, avant de voir la dissolution de son corps par la mort, se sera efforcé de voir auparavant des yeux du coeur, le Christ du Seigneur, en transportant par avance sa vie dans la céleste Jérusalem, en fréquentant la maison de Dieu, c'est-à-dire, en suivant les exemples des saints, dans lesquels Dieu a fixé sa demeure. Or, c'est la même grâce de l'Esprit saint, qui lui avait annoncé par avance l'avènement du Sauveur, qui lui fait connaître le moment de sa venue: «Et il vint au temple conduit par l'Esprit».

Orig. (hom. 14). Et vous aussi, si vous voulez tenir Jésus et le serrer entre vos bras, faites tous vos efforts pour que l'Esprit saint lui-même vous serve de guide au temple de Dieu: «Et comme la parenté de l'enfant Jésus (Marie sa mère, et Joseph qui passait pour son père), l'y apportaient, afin d'accomplir pour lui ce qu'ordonnait la loi, il le prit dans ses bras». - S. Grég. de Nysse. Quelle est heureuse l'entrée de ce saint vieillard dans le temple, puisqu'elle l'approche du terme désiré de sa vie ! Heureuses ses mains qui ont mérité de toucher le Verbe de vie; heureux ses bras qu'il ouvrit pour recevoir l'enfant divin. - Bède. Cet homme qui était juste selon la loi, prit l'enfant Jésus dans ses bras, pour signifier que la justice des oeuvres légales figurées par les mains et par les bras, devait faire place à la grâce humble mais efficace et salutaire de la foi évangélique. Ce saint vieillard prit dans ses bras Jésus enfant, pour annoncer que ce siècle accablé, décrépit de vieillesse, allait revenir à l'enfance et à l'innocence de la vie chrétienne.


vv. 29-32

9229 Lc 2,29-32

Orig. (hom. 15). S'il suffit à une femme malade de toucher simplement le bord du vêtement de Jésus pour être guérie, que devons-nous penser de Siméon, qui tint ce divin enfant dans ses bras? Quelle dut être sa joie de porter dans ses bras celui qui était venu pour briser les chaînes des captifs, et qui seul, il le savait, pouvait le tirer de la prison de son corps avec l'espérance de la vie future? «Et il bénit Dieu en disant: C'est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller en paix votre serviteur». - Théophyl. En disant: Seigneur, il reconnaît qu'il est le maître de la mort et de la vie, et il proclame la divinité de l'enfant qu'il reçoit dans ses bras. - Orig. Il semble dire: Tant que je ne tenais pas le Christ dans mes bras, j'étais captif et je ne pouvais briser mes liens. - S. Bas. (hom. sur l'act. de gr). Si vous examinez les paroles des justes, vous trouverez que tous gémissent sur les misères de ce monde, et sur la triste prolongation de cette vie: «Malheur à moi, dit David, parce que mon exil s'est prolongé» (Ps 119). - S. Ambr. Considérez ce juste qui désire voir tomber les murs épais de la prison de son corps pour commencer à être avec Jésus-Christ. Mais que celui qui veut sincèrement sa délivrance, vienne dans le temple, qu'il se rende à Jérusalem, qu'il attende la venue du Christ du Seigneur, qu'il reçoive dans ses mains le Verbe de Dieu, et qu'il le tienne embrassé pour ainsi dire dans les bras de sa foi; alors les liens se briseront, et il ne verra point la mort, parce qu'il aura vu de ses yeux celui qui est la vie.

Ch. des Pèr. gr. Siméon bénit Dieu de ce que surtout les promesses qui lui avaient été faites, avaient reçu leur plein accomplissement, car il mérita de voir de ses yeux et de porter dans ses bras celui qui était la consolation d'Israël, c'est pour cela qu'il dit: «Selon votre parole», c'est-à-dire, lorsque j'aurai vu l'accomplissement de ce qui m'a été promis. Mais maintenant que j'ai contemplé la présence visible de celui qui était l'objet de mes désirs, vous pouvez délivrer votre serviteur qui ne sera ni effrayé des approches de la mort, ni troublé par aucune pensée de défiance ou d'incertitude; aussi ajoute-t-il: «En paix». - S. Grég. de Nysse. Dès que Jésus-Christ a détruit le péché qui nous rendait les ennemis de Dieu et qu'il nous a réconciliés avec son Père, les saints quittent cette vie dans une profonde paix. - Orig. Quel est celui, en effet, qui sort de ce monde en paix, si ce n'est celui qui a compris que Dieu était en Jésus-Christ, se réconciliant le monde (2Co 5), qui n'a rien en lui de contraire à Dieu, mais qui, par ses bonnes oeuvres, a établi dans son âme une paix parfaite? - Ch. des Pèr. gr. Il lui avait été promis qu'il ne mourrait point avant d'avoir vu le Christ du Seigneur, et il montre l'accomplissement de cette promesse dans les paroles suivantes: «Parce que mes yeux ont vu le Sauveur que vous nous donnez». - S. Grég. de Nysse. Bienheureux les yeux et de votre âme et de votre corps, ceux-ci, parce qu'ils ont joui de la présence visible de Dieu; ceux-là, parce que sans s'arrêter à ce spectacle visible, ils ont été éclairés des splendeurs de l'Esprit et ont reconnu le Verbe de Dieu dans une chair mortelle, car ce Sauveur que vos yeux ont vu, c'est Jésus lui-même, dont le nom seul annonce le salut à la terre. - S. Cyr. Or l'avènement du Christ était ce mystère qui a été révélé dans les derniers temps, mais qui avait été préparé dès l'origine du monde, c'est pour cela que Siméon ajoute: «Que vous avez préparé devant la face de tous les peuples», etc. - S. Athan. Il veut parler ici du salut que Jésus-Christ est venu apporter à l'univers entier. Comment donc est-il dit plus haut que Siméon attendait l a consolation d'Israël? C'est que l'Esprit saint lui avait fait connaître, que le peuple d'Israël recevrait sa consolation, lorsque le salut serait révélé à tous les peuples de la terre. - Ch. des Pèr. gr. Considérez la pénétration de ce saint et auguste vieillard: avant qu'il fût honoré de cette bienheureuse vision, il attendait la consolation d'Israël, mais aussitôt qu'il a contemplé l'objet de ses espérances, il s'écrie qu'il a vu le salut de tous les peuples, car les splendeurs qui environnent ce divin enfant l'inondent d'une si vive lumière, que les événements qui doivent arriver dans la suite des temps lui sont pleinement révélés. - Théophyl. C'est d'une manière significative que Siméon dit: «Devant la face de tous les peuples», car l'incarnation du Sauveur devait apparaître à tous les hommes. Il ajoute que ce salut sera la lumière des nations et la gloire d'Israël: «Pour être la lumière qui éclairera les nations». - S. Athan. En effet, avant l'avènement de Jésus-Christ, les nations étaient plongées dans les plus profondes ténèbres, privées qu'elles étaient de la connaissance du vrai Dieu. - S. Cyr. Mais Jésus-Christ, par son incarnation, est devenu la lumière de ceux qui étaient ensevelis dans les ténèbres de l'ignorance et de l'erreur, et sur l esquels la main du démon s'était appesantie; et ils ont été appelés par Dieu le Père à la connaissance de son Fils, qui est la vraie lumière. - S. Athan. Le peuple d'Israël était éclairé, quoique faiblement, par la loi, aussi le vieillard Siméon ne dit pas que le Sauveur est venu leur apporter la lumière, mais il ajoute: «Pour être la gloire d'Israël, votre peuple». Il rappelle le souvenir de l'histoire des anciens temps, alors que Moise sortait de ses entretiens avec Dieu, la figure toute rayonnante de gloire; ainsi après avoir eux-mêmes contemplé la divine lumière que répand l'humanité du Verbe, ils devaient rejeter le voile ancien pour être transformés en la même image de clarté en clarté, et de gloire en gloire. - S. Cyr. Car bien qu'un certain nombre d'entre eux se soient montrés rebelles, cependant ceux que Dieu s'est réservés ont été sauvés, et sont parvenus à la gloire par Jésus-Christ notre Seigneur. Les saints Apôtres qui ont éclairé tout l'univers de la lumière de leur céleste doctrine, ont été les prémices de ce peuple. Jésus-Christ lui-même a été personnellement la gloire du peuple d'Israël, parce qu'il a daigné sortir de ce peuple selon la chair, lui qui comme Dieu est le maître de tous les hommes et béni dans tous les siècles. - S. Grég. de Nysse. Siméon dit avec dessein: «De votre peuple», parce que non seulement il en a été adoré, mais il a voulu naître de ce peuple selon la chair. - Béde. Il dit qu'il sera la lumière des nations, avant d'ajouter: «Et la gloire d'Israël», parce que tout Israël ne sera sauvé que lorsque la multitude des nations sera entrée dans l'Église (Rm 11).



Catena Aurea 9215