Catena Aurea 9310

vv. 10-14

9310 Lc 3,10-14

S. Grég. (hom. 20). Ces paroles de Jean-Baptiste prouvent qu'il avait fait naître un trouble salutaire dans l'âme de ses auditeurs, puisqu'ils viennent lui demander ce qu'ils doivent faire: «Et la foule l'interrogeait»,etc. - Orig. (hom. 23). Trois sortes d'hommes viennent demander à Jean ce qu'ils doivent faire pour être sauvés; les uns que l'Écriture appelle le peuple ou la foule, les autres qui sont les publicains, et les troisièmes qu'elle comprend sous le nom de soldats. - Théophyl. Or, il recommande aux publicains et aux soldats de s'abstenir de tout mal, mais quant au peuple, qu'il regarde comme moins enclin au mal, il prescrit la pratique des bonnes oeuvres: «Il leur répondit: Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n'en a point», etc. - S. Grég. (hom. 20). La tunique est d'un usage plus nécessaire que le manteau; aussi un des fruits principaux de la pénitence est de nous faire partager avec le prochain non seulement les choses extérieures plus ou moins utiles, mais celles qui nous sont le plus nécessaires, comme la tunique dont nous sommes vêtus, les aliments qui soutiennent notre existence: «Et que celui qui a de quoi manger fasse de même». - S. Bas. (Ch. des Pèr. gr). Nous apprenons de là l'obligation où nous sommes de donner pour Dieu tout notre superflu à ceux qui sont dans l'indigence, parce que c'est Dieu qui nous a donné tout ce que nous possédons.

S. Grég. (hom. 20). Il est écrit dans la loi: «Vous aimerez votre prochain comme vous-même». Donc on n'aime pas son prochain, quand on ne partage pas même son nécessaire avec celui qui se trouve dans l'extrême besoin. Il est commandé de partager avec le prochain une des deux tuniques que l'on possède, car si on n'en avait qu'une à partager, elle ne pourrait servir de vêtement à aucun des deux. Nous pouvons juger par toutes ces recommandations, de quel prix sont les oeuvres de miséricorde, puisqu'elles tiennent le premier rang parmi les dignes fruits de pénitence. - S. Ambr. Chaque condition a ses devoirs particuliers, la pratique de la miséricorde est un devoir commun à tous les hommes, et c'est pour tous les hommes une obligation rigoureuse de donner à celui qui est dans l'indigence. La miséricorde comprend pour ainsi dire toutes les vertus; cependant la pratique de la miséricorde a ses règles, et doit se mesurer sur les moyens et les ressources de chacun, elle n'oblige pas à se dépouiller entièrement de ce qu'on possède, mais à le partager avec celui qui n'a rien.

Orig. (hom. 23). Ce passage renferme un sens plus profond: en effet, de même que nous ne pouvons servir deux maîtres, de même nous ne devons pas avoir deux tuniques, dont l'une serait le vêtement du vieil homme, et l'autre le vêtement de l'homme nouveau. Nous devons au contraire dépouiller le vieil homme et revêtir celui qui est nu, car l'un a Dieu dans son coeur, et l'autre en est privé. Il est écrit que nous devons précipiter nos péchés au fond de la mer; nous devons également repousser loin de nous nos fautes et nos vices, et les rejeter pour ainsi dire sur celui qui en a été pour nous la cause. - Théophyl. Il en est qui voient dans ces deux tuniques l'esprit et la lettre de l'Écriture. Jean recommande à celui qui possède l'un et l'autre, d'instruire les ignorants et de le ur enseigner an moins la lettre de la sainte Écriture.

Bède. La puissance de la parole de Jean-Baptiste était si grande, qu'elle forçait les publicains et les soldats eux-mêmes à venir lui demander ce qu'ils devaient faire pour être sauvés: «Des publicains vinrent aussi», etc. - S. Chrys. (hom. 24 ou 25). Qu'elle est grande la puissance de la vertu, puisqu'elle amène les riches du monde à venir demander à celui qui n'a rien le chemin du vrai bonheur? - Bède. Le saint Précurseur leur recommande de n'exiger rien au delà de ce qui leur est prescrit: «Il leur dit: N'exigez rien de plus de ce qui vous aété prescrit». On appelait publicains ceux qui levaient les impôts, qui avaient la charge de collecteurs des contributions ou des revenus publies, et on donnait ce nom par extension à ceux qui cherchaient à augmenter leurs richesses par le négoce et les affaires. Jean-Baptiste leur fait à tous un précepte de s'abstenir de toute fraude, et en réprimant ainsi tout désir de s'emparer du bien d'autrui, il les amène à partager leurs propres biens avec le prochain: «Et des soldats vinrent aussi l'interroger», etc. Il leur donne cette règle de juste et sage modération, de ne dépouiller jamais injustement ceux qu'ils doivent défendre et protéger par état: «Et il leur dit: Abstenez-vous de toute concussion (ou de toute violence), ne commettez aucune injustice (par des voies frauduleuses), et contentez-vous de votre paie. - S. Ambr. Il enseigne par là que la milice reçoit une paie légalement établie, de peur qu'en laissant aux soldats de pourvoir à leur subsistance, on n'ouvre ainsi la porte au pillage. - S. Grég. de Naz. (Disc. 9 contr. Jul). Il donne ici le nom de paie à la solde impériale et au traitement assigné par la loi à ceux qui étaient en place. - S. Aug. (contr. Faust., liv. 22, ch. 7). Jean-Baptiste savait que les soldats, lorsqu'ils font la guerre, ne sont pas des homicides, mais les exécuteurs de la loi, qu'ils ne sont point les vengeurs des injures particulières, mais les défenseurs du salut public. Autrement il leur eût répondu: Dépouillez-vous de vos armes, et quittez le service militaire, ne frappez, ne blessez, ne tuez personne. Qu'y a-t-il en effet de coupable dans la guerre? Est-ce de donner la mort aux uns pour laisser les autres régner en paix après la victoire? Condamner la guerre à ce point de vue n'est point un acte de religion, mais de lâcheté. Ce qui est justement condamné dans les guerres, c'est le désir de nuire, c'est la cruauté dans la vengeance, c'est d'avoir une âme impitoyable, implacable, c'est la férocité dans le combat, c'est la fureur de dominer et autres excès semblables. Or c'est pour punir ces excès ou les violences de ceux qui se révoltent, soit contre Dieu, soit contre le commandement d'une autorité légitime, que les bons eux-mêmes font la guerre, lorsqu'ils se trouvent dans des circonstances telles que l'ordre et la justice leur font un devoir ou de commander de prendre les armes, ou d'obéir à ce commandement.

S. Chrys. (hom. 25 sur S. Matth). En traçant ces règles si simples de conduite aux publicains et aux soldats, Jean-Baptiste voulait les élever à une perfection plus grande, mais comme ils n'en étaient pas encore capables, il leur donne des préceptes plus faciles, car s'il leur avait proposé tout d'abord les obligations d'une vie plus parfaite, ils n'y auraient donné aucune attention, et seraient demeurés privés de la connaissance des devoirs plus ordinaires et plus faciles.


vv. 15-17

9315 Lc 3,15-17

Orig. (hom. 23). Il était juste que Jean fût environné de plus d'honneurs que les autres hommes, lui dont la vie était plus parfaite que celle de tous les autres mortels. Aussi les Juifs avaient-ils pour lui une bien légitime prédilection, mais qui cependant était par trop exagérée: «Or, comme tout le peuple flottait dans ses pensées, et que tous se demandaient dans leurs coeurs s'il ne serait pas le Christ». - S. Ambr. Quoi de plus insensé que de refuser de croire, lorsqu'il vint lui-même en personne, celui qu'ils voulaient reconnaître dans la personne d'un autre? Ils pensaient que le Messie devait naître d'une femme, et ils ne veulent pas croire qu'il ait pu naître d'une Vierge, et cependant le signe que Dieu avait donné de l'avènement du Sauveur, c'était l'enfantement d'une Vierge et non celui d'une femme.

Orig. (hom. 25). L'affection a ses périls, si elle franchit les justes bornes. Quand on aime quelqu'un, on doit considérer attentivement la nature et les motifs de son affection, et la proportionner au mérite de celui qu'on aime, car si l'on dépasse la mesure et les limites de la charité, celui qui aime comme celui qui est aimé se rendent coupables. - Ch. des Pèr. gr. Aussi Jean ne pensa pas à se glorifier de l'opinion que tous avaient de lui, et ne parut jamais désirer d'être le premier; loin de là, il fit toujours profession de l'humilité la plus profonde: «Mais Jean répondit», etc. - Bède Comment put-il répondre à ceux qui pensaient dans leurs coeurs qu'il pouvait être le Christ? C'est que non seulement telle était leur pensée, mais qu'ils lui avaient député des prêtres et des lévites pour lui demander s'il était le Christ, comme le raconte un autre Évangéliste.

S. Ambr. Ou bien, c'est que Jean lisait dans le secret des coeurs, mais considérez de qui lui venait cette prérogative, car la grâce de Dieu seule peut révéler ce qu'il y a de plus caché dans le fond des coeurs, et non la puissance de l'homme qui reçoit bien plus de lumières du secours d'en haut, que de ses facultés naturelles. Or, il répondit aussitôt et sans hésiter qu'il n'était pas le Christ, lui qui n'exerçait qu'un ministère extérieur et visible. L'homme, en effet, est un composé de deux natures, c'est-à-dire, de l'âme et du corps; la partie visible est consacrée par une action visible, la partie invisible reçoit une consécration intérieure et invisible. Ainsi l'eau lave le corps et le purifie, mais l'Esprit purifie l'âme de ses fautes, quoique l'eau elle-même soit comme pénétrée du souffle de la grâce divine. Le baptême de la pénitence est donc différent du baptême de la grâce, celui-ci opère par ces deux choses réunies, l'eau et l'Esprit; celui-là par l'eau seulement: l'oeuvre de l'homme c'est de faire pénitence de ses fautes, c'est la part exclusive de Dieu de réaliser la grâce du mystère. Aussi Jean-Baptiste repoussant tout désir ambitieux de grandeur, déclare, non par ses paroles, mais par ses oeuvres, qu'il n'est pas le Christ, c'est pour cela qu'il ajoute: «Un autre va venir plus puissant que moi», etc. En disant: «Plus puissant que moi», il n'établit point une comparaison, car aucune comparaison n'est possible entre le Fils de Dieu et un homme, mais il veut simplement dire que s'il y en a beaucoup parmi les anges et les hommes qui aient de la puissance, le Christ seul est plus puissant qu'eux tous. Enfin, il est si loin de vouloir faire une comparaison, qu'il ajoute: «Dont je ne suis pas digne de dénouer la courroie de la chaussure». - S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 12). Saint Matthieu dit au contraire: «Dont je ne suis pas digne de porter la chaussure». S'il y a quelque intérêt à donner un sens différent à ces deux locutions: «Porter la chaussure»,ou: «Dénouer les cordons de la chaussure»,de manière qu'un Évangéliste ait rapporté la première de ces deux locutions, et l'autre la seconde, il faut admettre que tous deux ont dit la vérité. Si au contraire, en parlant de la chaussure du Seigneur, Jean-Baptiste ne s'est proposé que de faire ressortir la supériorité du Christ et son humble dépendance, ces deux locutions figurées, rapportées l'une par saint Matthieu et l'autre par saint Luc, expriment la même vérité, et ont pour but de faire ressortir la profonde humilité du saint Précurseur.

S. Ambr. Ces paroles: «Je ne suis pas digne de porter sa chaussure», signifient encore que le ministère et la grâce de la prédication ont été confiés aux Apôtres qui ont aux pieds la chaussure de l'Évangile (Ep 6, 15). Cependant on peut dire que Jean-Baptiste s'exprime de la sorte, parce qu'il représente la personne du peuple juif.

S. Grég. (hom. 7). Jean-Baptiste se déclare indigne de dénouer la courroie de sa chaussure, comme s'il disait: Je ne puis découvrir les pieds du Rédempteur puisque je ne puis prendre le nom d'époux qui ne m'appartient pas. C'était la coutume, en effet, chez les anciens, que lorsqu'un homme ne voulait point prendre la femme qu'il devait épouser, celui qui devenait alors son époux ôtait la chaussure du premier qui l'avait refusée (cf. Dt 25); ou bien encore, comme les chaussures sont faites avec la peau des animaux qui sont morts, Notre-Seigneur, par son incarnation, est venu dans le monde portant aux pieds les dépouilles mortelles de notre nature corruptible. La courroie de la chaussure est comme le noeud du mystère. Jean-Baptiste ne peut donc dénouer la courroie de la chaussure du Sauveur, parce qu'il est incapable de pénétrer le mystère de l'incarnation que l'esprit prophétique seul lui a fait connaître.

S. Chrys. (hom. 11). Il venait de déclarer que son baptême n'était qu'un baptême d'eau, il montre maintenant l'excellence du baptême institué par le Christ: «Pour lui, il vous baptisera dans l'Esprit saint et le feu, exprimant ainsi par cette métaphore l'abondance de la grâce, car il ne dit pas: Il vous donnera l'Esprit saint, mais: «Il vous baptisera dans l'Esprit saint». Il ajoute: «Et dans le feu», pour montrer toute la puissance de la grâce. Et de même que Jésus-Christ exprime sous la figure de l'eau (cf. Jn 4,14) la grâce de l'Esprit saint, c'est-à-dire, la pureté qu'elle produit et l'ineffable consolation dont elle inonde les âmes qui en sont dignes; ainsi Jean-Baptiste, sous l'image du feu, veut exprimer la ferveur et la pureté que la grâce produit dans l'âme avec la destruction complète du péché. - Bède. Sous la figure du feu, on peut encore entendre l'Esprit saint qui embrase par l'amour et tout à la fois éclaire par la sagesse les coeurs qu'il remplit de sa présence, et c'est pour exprimer cette vérité que les Apôtres ont reçu le baptême de l'Esprit sous l'image d'un feu visible. Il en est qui expliquent ce passage en disant que le baptême de l'Esprit est pour le temps présent, et le baptême du feu pour la vie à venir; en ce sens que de même que nous puisons une nouvelle naissance dans l'eau et l'Esprit saint pour la rémission de tous nos péchés, de même nous serons purifiés de nos fautes plus légères par le baptême de feu du purgatoire. - Orig. (hom. 24). De même encore que Jean-Baptiste attendait sur les bords du fleuve du Jourdain ceux qui venaient demander son baptême, qu'il repoussait les uns, en les appelant: «Race de vipères», et recevait les autres qui faisaient l'aveu sincère de leurs péchés, ainsi le Seigneur Jésus se tiendra sur les bords du fleuve de feu près du glaive flamboyant. Tout homme qui, au sortir de cette vie voudra entrer dans le paradis et aura besoin d'être purifié, sera baptisé dans ce bain de feu avant d'être introduit dans le paradis. Quant à celui qui ne portera point le signe des premiers baptêmes, il ne pourra être baptisé dans ce baptême de feu.

S. Bas. (traité de l'Esprit saint, ch. 2). De ces paroles de Jean-Baptiste: «Il vous baptisera dans l'Esprit saint». N'allez pas conclure que la seule invocation de l'Esprit saint rend le baptême parfait, car pour les signes sacrés qui nous confèrent la grâce, nous devons suivre dans toute leur intégrité les règles de la tradition. Vouloir y ajouter ou en retrancher quelque chose, c'est se retrancher de la vie éternelle, car nous baptisons au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, pour conformer notre baptême à notre croyance. - Ch. des Pèr. gr. Ces paroles: «Il vous bapti sera dans l'Esprit saint», signifient donc l'abondance de la grâce et la richesse du bienfait. Mais parce qu'on pourrait croire que c'est le propre de la puissance et de la volonté du Créateur de répandre ses bienfaits, tandis qu'il n'entre nullement dans ses attributs de punir les rebelles; Jean-Baptiste ajoute: «Il tient le van en sa main», nous enseignant ainsi qu'il est aussi sévère pour venger les prévaricateurs qu'il est magnifique pour récompenser la vertu. Le van signifie la promptitude dans l'exécution du jugement, car en un instant, sans aucun débat, sans acun délai, il séparera les damnés de la société des élus.

S. Cyr. (Trés., 2, 4) En ajoutant: «Et il nettoiera son aire», Jean-Baptiste nous apprend que Jésus-Christ est le souverain Maître de l'Église. - Bède. L'aire est en effet la figure de l'Église de la terre, où il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus. Cette aire se nettoie en partie dans la vie présente, lorsqu'un mauvais chrétien est retranché de l'Église par le jugement sacerdotal, en punition de ses fautes publiques et scandaleuses; ou bien lorsque après sa mort il est condamné au tribunal de Dieu pour des crimes secrets; et elle sera nettoyée entièrement à la fin du monde, quand le Fils de l'homme enverra ses anges pour faire disparaître de son royaume tous les scandales. - S. Aug. Le van, que le Seigneur tient en sa main, signifie qu'à lui seul appartient le droit de discerner les mérites des hommes, parce qu'en effet, lorsqu'on vanne le blé dans l'aire, le souffle de l'air fait comme une espèce de discernement du bon grain d'avec le mauvais: «Et il amassera le froment dans son grenier», etc. Par cette comparaison, le Seigneur nous enseigne qu'au jour du jugement, il fera le discernement des mérites solides et des véritables fruits de vertu d'avec la légèreté stérile de toutes ces actions vaines, aussi chétives que présomptueuses, et placera dans la demeure des cieux les hommes d'une vertu parfaite. Or, les hommes qui sont des fruits parfaits sont ceux qui ont été jugés dignes de ressembler à celui qui a été semé comme un grain de blé pour produire ensuite des fruits plus abondants (Jn 12). - S. Cyr. La paille, au contraire, est l'emblème des âmes indolentes et vaines, et dont la mobilité flotte à tout vent de péché. - S. Bas. Les chrétiens de cette espèce ne laissent pas d'être utiles à ceux qui sont jugés dignes du royaume des cieux, soit en leur communiquant les dons spirituels, soit en leur donnant des secours extérieurs, bien qu'ils ne le fassent point par un motif d'amour de Dieu ou de charité du prochain.

Orig. (hom. 26) Comme le blé ne peut être séparé de la paille que par le mouvement de l'air, le juste juge est représenté tenant à la main un van, qui fait connaître que les uns sont de la paille et les autres du froment. En effet, lorsque vous n'étiez qu'une paille légère (c'est-à-dire incrédule), la tentation vous a fait voir ce que vous étiez sans le savoir, mais lorsque vous avez supporté courageusement les épreuves, la tentation ne vous rend pas fidèle et patient, mais elle fait éclater la vertu qui était au dedans de votre âme.

S. Grég. de Nysse. Il est utile de se rappeler que les biens qui nous sont promis et que Dieu tient en réserve pour ceux qui vivent saintement, dépassent de beaucoup toutes les explications que nous pouvons en donner; car ni l'oeil de l'homme n'a vu, ni son oreille n'a entendu, ni son coeur n'a compris l'excellence de ces biens. Il en est de même des châtiments réservés aux pécheurs, ils n'ont aucune proportion avec les peines sensibles de cette vie. Nous les exprimons sans doute par les noms dont nous faisons usage dans notre langue, mais quelle distance les sépare de nos peines ordinaires ! car lorsque vous entendez parler de feu, et que l'Évangéliste ajoute: «inextinguible», aussitôt votre attention se porte sur un feu tout différent du nôtre, auquel ne convient point cette expression. - S. Grég. (Moral., 15, 17). Expression merveilleuse et étonnante pour désigner le feu de l'enfer. En effet, notre feu matériel ne peut être entretenu que par la quantité de bois qu'on y jette, et il ne dure qu'à la condition d'être toujours alimenté; au contraire, le feu de l'enfer, quoiqu'il soit matériel et qu'il brûle corporellement les réprouvés qui y sont précipités, n'est point alimenté par le bois, mais une fois créé, il dure toujours et ne s'éteint jamais.


vv. 18 - 20

9318 Lc 3,18-20

Orig. Jean-Baptiste avait annoncé Jésus-Christ, il avait prêché le baptême de l'Esprit saint et les autres vérités que nous rapporte le récit évangélique. Mais il en prêchait d'autres encore, comme nous le voyons par ces paroles: «Il disait beaucoup d'autres choses au peuple dans les discours qui lui faisait. - Théophyl. Ses exhortations contenaient la bonne doctrine, et l'auteur sacré les appelle avec raison l'Évangile. - Orig. De même que nous lisons dans l'Évangile selon saint Jean, qu'il fit encore beaucoup d'autres discours, et beaucoup d'autres miracles; ainsi ces paroles de saint Luc doivent nous faire comprendre que Jean-Baptiste enseignait encore des vérités d'une trop haute portée pour pouvoir être rapportées par écrit. Nous sommes remplis d'admiration pour Jean-Baptiste, parce qu'il est le plus grand de tous ceux qui sont nés de la femme, parce que son éminente vertu l'a élevé à une si haute renommée, que plusieurs ont pensé qu'il était le Christ, mais qu'il parut bien plus admirable encore de n'avoir ni craint Hérode ni redouté la mort: «Mais Hérode le Tétrarque ayant été repris», etc.

Eusèbe. (hist. ecclés., 1, 43). Cet Hérode est appelé Tétrarque pour le distinguer de l'autre Hérode qui régnait sur la Judée lors de la naissance du Christ: ce dernier était roi, l'autre n'était que tétrarque. Or, il avait pour femme la fille d'Arétas, roi d'Arabie, avec laquelle il avait contracté une union sacrilège, puisqu'elle était la femme de son frère Philippe, et qu'elle en avait eu des enfants; car ces sortes d'unions n'étaient permises qu'à ceux dont les frères étaient morts sans poStérité. C'est de ce crime que Jean-Baptiste avait repris Hérode. D'abord ce prince se rendit attentif aux paroles du saint Précurseur, pleines à la fois de sévérité et de douceur, mais la passion qu'il avait pour Hérodiade le portait à mépriser les reproches de Jean-Baptiste, c'est pourquoi il le fit mettre en prison: «Il ajouta ce crime à tous les autres, dit l'Évangéliste, et fit mettre Jean en prison».

Bède. Ce ne fut point à l'époque dont il est ici question que Jean-Baptiste fut fait captif, mais d'après l'Évangile selon saint Jean ce fut après que le Sauveur eut opéré quelques miracles, et après que la renommée de son baptême se fut répandue au loin. Cependant, saint Luc place ici la captivité du saint Précurseur, pour faire ressortir toute la méchanceté d'Hérode, qui, voyant la foule accourir à la prédication de Jean, les soldats croire à sa parole, les publicains se convertir, tout le peuple recevoir le baptême, à l'encontre de tous les autres, non seulement ne fait aucun cas des paroles de Jean-Baptiste, mais le charge de chaînes et le jette en prison. - La Glose. C'est avant que saint Luc ait commencé le récit des actions de Jésus, qu'il raconte la captivité de Jean, pour nous montrer qu'il va s'appliquer uniquement à raconter les événements qui se sont passés depuis l'année où Jean-Baptiste fut jeté dans les fers ou mis à mort.


vv. 21-22

9321 Lc 3,21-22

S. Ambr. Saint Luc abrège à dessein ce qui a été raconté par les autres Évangélistes, et il laisse à entendre plutôt qu'il ne raconte lui-même, le baptême du Sauveur par Jean-Baptiste «Or, il arriva que comme tout le peuple recevait le baptême, Jésus ayant été aussi baptisé», etc. Notre-Seigneur voulut être baptisé, non pour se purifier, lui qui n'a pas connu le péché, mais pour communiquer aux eaux, par le contact de sa chair immaculée, la vertu de purifier les hommes dans le baptême. - S. Grég. de Nazianze. Jésus-Christ voulut encore être baptisé, peut-être pour sanctifier Jean-Baptiste lui-même, mais sans aucun doute pour submerger et détruire dans l'eau le vieil Adam tout entier. - S. Ambr. Notre-Seigneur nous apprend d'ailleurs lui-même pourquoi il voulut recevoir le baptême, quand il dit: «C'est ainsi qu'il nous faut accomplir toute justice». Or, en quoi consiste la justice? à commencer par faire ce que vous voulez qu'on vous fasse à vous-mêmes et à donner le premier l'exemple. Que personne donc ne se refuse à recevoir le baptême de la grâce, quand Jésus-Christ n'a pas dédaigné de recevoir le baptême de la pénitence.

S. Chrys. Il y avait un baptême chez les Juifs qui purifiait le corps de ses souillures, mais sans purifier la conscience de ses crimes; notre baptême, au contraire, efface les péchés, purifie l'âme et communique l'abondance de l'Esprit saint. Le baptême de Jean était supérieur au baptême des Juifs; car il ne demandait pas comme disposition nécessaire l'observance des purifications extérieures et légales, mais la conversion sincère du vice à la vertu. Cependant il était beaucoup moins efficace que le nôtre, parce qu'il ne conférait pas l'Esprit saint et ne donnait pas la rémission des péchés par la grâce sanctifiante; c'était comme un milieu entre ces deux baptêmes. Or, Notre-Seigneur Jésus-Christ ne voulut recevoir ni le baptême des Juifs, ni le nôtre, parce qu'il n'avait aucun besoin de la rémission des péchés, et que sa chair, conçue dès le commencement par l'opération de l'Esprit saint, n'en avait jamais été séparée. Mais il voulut recevoir le baptême de Jean, pour que la nature même de ce baptême vous fit comprendre qu'il n'était baptisé ni pour obtenir la rémission des péchés, ni pour recevoir les dons de l'Esprit saint. L'Évangéliste nous dit que Jésus ayant été baptisé, priait, pour vous apprendre qu'après avoir reçu le baptême, la prière continuelle est un devoir pour tout chrétien. - Bède. Tous les péchés, sans doute, sont effacés dans le baptême, mais la fragilité de cette chair périssable et mortelle est loin d'être affermie; nous nous félicitons d'avoir traversé la mer Rouge où les Égyptiens ont été engloutis (Ex 14, 17), mais nous rencontrons dans le désert de la vie du monde d'autres ennemis dont il nous faut triompher par de grands efforts, sous la conduite de la grâce de Jésus-Christ, jusqu'à ce que nous parvenions à notre patrie. - S. Chrys. L'Évangéliste ajoute: «Le ciel s'ouvrit, comme s'il était demeuré fermé jusque-là»; mais désormais le bercail du ciel et celui de la terre n'en font plus qu'un, il n'y a plus qu'un seul pasteur des brebis, le ciel est ouvert, et l'homme, habitant de la terre, est associé aux anges qui habitent les cieux. - Bède. Le ciel ne s'ouvrit pas pour Jésus, dont les yeux pénétraient jusque dans les profondeurs des cieux, mais ce miracle eut lieu pour nous montrer la vertu du baptême; la porte du ciel est immédiatement ouverte à celui qui vient de le recevoir, et en même temps que sa chair innocente est plongée dans les eaux, le glaive de feu qui menaçait autrefois les, coupables se trouve éteint.

S. Chrys. L'Esprit saint descendit aussi sur le Sauveur comme sur le principe et l'auteur de notre race, pour être premièrement en Jésus-Christ qui le reçut, non pas pour lui, mais bien plutôt pour nous-même: «Et l'Esprit saint descendit sur lui», etc. Que personne donc ne pense qu'il reçut l'Esprit saint, comme s'il ne l'avait pas eu jusqu'alors; car c'est lui-même qui, comme Dieu, l'envoyait du haut du ciel, et lui-même qui le recevait comme homme sur la terre. L'Esprit saint descendait de lui, c'est-à-dire de sa divinité, pour venir se reposer sur lui, c'est-à-dire sur son humanité. - S. Aug. (de la Trin., 15, 26). Ce serait une énorme absurdité de penser que Jésus reçut l'Esprit saint à l'âge de trente ans; il vint alors pour recevoir le baptême sans avoir de péché, mais non sans avoir l'Esprit saint; car s'il est dit de Jean-Baptiste: «Il sera rempli de l'Esprit saint dès le sein de sa mère» (Lc 1), que doit-on penser de Jésus-Christ l'Homme-Dieu, dont la conception ne fut pas l'oeuvre de la chair, mais l'opération du Saint-Esprit? Aujourd'hui donc il daigne porter la figure de son corps, c'est-à-dire de son Église, dans laquelle tous ceux qui sont baptisés reçoivent l'Esprit saint - S. Chrys. Ce baptême présentait un mélange tout à la fois d'ancienneté et de nouveauté; d'ancienneté, parce que Jésus recevait le baptême des mains d'un prophète; de nouveauté, parce que l'Esprit saint descendit sur lui.

S. Ambr. Or, le Saint-Esprit apparut sous la forme d'une colombe, parce qu'il ne peut être vu dans la substance de sa divinité. Considérons encore les autres raisons mystérieuses pour lesquelles il apparut sous la forme d'une colombe. La grâce du baptême exige la simplicité, et veut que nous soyons simples comme des colombes; la grâce du baptême exige aussi la paix du coeur, figurée par cette branche d'olivier qu'une colombe rapporta autrefois dans l'arche, qui fut seule préservée des eaux du déluge. - S. Chrys. Ou bien encore, l'Esprit saint apparaît sous la forme d'une colombe, comme signe de la douceur du divin Maître, tandis que le jour de la Pentecôte, il descend sous l'image du feu, pour figurer les châtiments réservés aux coupables. En effet, lorsqu'il fallait pardonner les péchés, la douceur était nécessaire, mais maintenant que nous avons reçu la grâce, nous n'avons plus à attendre, si nous sommes infidèles, que le jugement et la condamnation. - S. Cypr. (de l'unité de l'Église). La colombe est un animal aimable et simple, qui n'a ni fiel ni morsures cruelles, ni griffes déchirantes; elle aime l'habitation de l'homme, elle s'attache à une seule maison. Lorsque les colombes ont des petits, ni le père ni la mère ne les quittent; lorsqu'elles prennent leur essor, c'est toujours ensemble et de concert; leurs baisers réciproques sont le signe et l'expression de l'affection qui les unit et de la parfaite concorde qui ne cesse de régner entre elles.

S. Chrys. A la naissance de Jésus-Christ, bien des oracles avaient manifesté sa divinité, mais les hommes n'y prêtèrent aucune attention. Lors donc qu'il eût mené, pour un temps, une vie obscure et cachée, il se manifesta de nouveau par des signes plus éclatants. Une étoile, du haut du ciel, avait révélé sa naissance, mais dans les eaux du Jourdain, c'est l'Esprit saint qui descend sur lui, c'est le Père qui fait entendre sa voix au-dessus de sa tête pendant qu'on le baptise: «Et, du ciel, une voix se fit entendre: vous êtes mon Fils bien-aimé», etc. - S. Ambr. Nous avons vu l'Esprit saint, mais sous une forme visible, écoutons maintenant la voix du Père que nous ne pouvons, voir. En effet, le Père est invisible, le Fils l'est également dans sa divinité, mais il s'est rendu visible dans le corps dont il s'est revêtu; et comme le Père n'avait point ce corps, il a voulu nous prouver qu'il était présent dans le Fils en disant: «Vous êtes mon Fils bien-aimé». - S. Athan. La sainte Écriture donne au nom de Fils deux significations différentes, la première, comme dans ce passage de l'Évangile: «Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu»; la seconde, lorsque par exemple elle dit qu'Isaac est fils d'Abraham. Or, Jésus-Christ est appelé non pas simplement Fils de Dieu, mais avec l'addition de l'article: «Vous êtes mon Fils», pour nous faire comprendre qu'il est le seul qui soit véritablement le Fils de Dieu par nature. Aussi est-il appelé encore: «Fils unique». S'il était Fils de Dieu dans le sens absurde d'Arius, comme ceux qui n'obtiennent ce nom que par un effet de la grâce, il ne différerait en rien de nous autres. Il ne nous reste donc qu'à dire, dans le second sens, que Jésus-Christ est vraiment le Fils de Dieu, comme Isaac est vraiment le fils d'Abraham. En effet, celui qui est engendré naturellement par un autre, et qui ne tire point son origine d'un autre principe extérieur, est regardé comme le Fils par nature. Mais dira-t-on peut-être: Est-ce que la naissance du Fils a été accompagnée de souffrance comme la naissance de l'homme? nullement. Dieu est indivisible, il est donc le Père impassible de son Fils, qui est appelé Verbe du Père, parce que le Verbe de l'homme lui-même est produit sans aucune souffrance. De plus, comme la nature divine est simple, Dieu est Père d'un seul Fils, c'est pourquoi il ajoute: «Bien-aimé». - S. Chrys. Car celui qui n'a qu'un fils concentre dans ce fils toute son affection, si au contraire il est père de plusieurs enfants, son affection s'affaiblit en se répandant sur chacun d'eux.

S. Athan. Le prophète avait été autrefois l'organe des promesses de Dieu, lorsqu'il disait par sa bouche: «J'enverrai le Christ mon Fils». Aujourd'hui que cette promesse reçoit son accomplissement sur les bords du Jourdain, Dieu ajoute: «J'ai mis en vous mes complaisances». - Bède. Comme s'il disait: J'ai mis en vous mon bon plaisir, c'est-à-dire, j'ai résolu d'exécuter par vous toutes mes volontés. - S. Grég. (hom. 8 sur Ezéch). Ou bien dans un autre sens, tout homme qui répare en se repentant, le mal qu'il a commis; par le fait même de son repentir, indique qu'il se déplaît à lui-même, puisqu'il corrige le mal qu'il a fait. Ainsi le Père tout-puissant a parlé des pécheurs à la manière des hommes, quand il a dit: «Je me repens d'avoir fait l'homme», et pour ainsi parler, il s'est déplu dans les pécheurs qu'il a créés. Mais Jésus-Christ est le seul dans lequel il s'est complu, parce qu'il est le seul dans lequel il n'a point trouvé de faute qui pût devenir pour lui l'objet d'un blâme ou d'un repentir.

S. Aug. (de l'acc. des Evang., 2, 14). D'après saint Matthieu, Dieu aurait dit: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé»; d'après saint Luc: «Vous êtes mon Fils bien-aimé»; mais ces deux variantes expriment la même pensée. La voix céleste ne s'est servi que de l'une des deux, mais saint Matthieu a voulu montrer que ces paroles «Celui-ci est mon Fils bien-aimé», avaient surtout pour objet de faire connaître à ceux qui les entendaient, que Jésus était le Fils de Dieu, car elles ne pouvaient apprendre à Jésus-Christ ce qu'il savait, c'est donc pour ceux qui étaient présents que cette voix se fit entendre.



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