Catena Aurea 9323

vv. 23-38

9323 Lc 3,23-38

Orig. (hom. 28). Après avoir raconté le baptême du Seigneur, l'Évangéliste donne sa généalogie, non point en descendant des pères aux enfants, mais en remontant de Jésus-Christ jusqu'à Dieu même. Or Jésus avait, quand il commença son ministère, environ trente ans. Saint Luc dit qu'il commença, lorsqu'il eut reçu dans le baptême, comme une seconde et mystérieuse naissance, pour vous enseigner la nécessité de détruire la première naissance, afin de renaître mystérieusement une seconde fois. - S. Grég. (disc. 39). Considérons quel est celui qui est baptisé, de qui il reçoit le baptême et à quel temps. C'est celui qui est la pureté même, qui reçoit le baptême des mains de Jean, après qu'il a déjà commencé à opérer des miracles, apprenons de là l'obligation de purifier d'abord notre âme, de pratiquer l'humilité, et de ne point nous charger du ministère de la prédication avant d'avoir atteint l'âge parfait aussi bien pour l'esprit que pour le corps. La première de ces leçons s'adresse à ceux qui veulent recevoir le baptême sans aucune disposition, sans y être aucunement préparés, sans y apporter cette vertu solide qui garantit les effets de la justification par la grâce, car le baptême remet sans doute et efface les péchés passés, mais on doit toujours craindre de retourner à son vomissement. La seconde leçon est pour ceux qui se montrent dédaigneux et fiers à l'égard des dispensateurs des saints mystères qu'ils voient plus élevés en dignité. La troisième leçon s'adresse à ceux qui, pleins de confiance dans leur jeunesse, s'imaginent qu'on peut à tout âge se charger de l'enseignement ou des fonctions redoutables de l'épiscopat. Eh quoi ! Jésus s'abaisse jusqu'à se purifier, et vous, vous dédaignez fièrement de le faire. Il s'humilie jusqu'à recevoir le baptême des mains de Jean-Baptiste, et vous affectez vis-à-vis de votre Maître un esprit d'indocilité et d'indépendance? Jésus a trente ans lorsqu'il commence à enseigner, et vous à peine sorti de l'adolescence, vous croyez pouvoir enseigner les vieillards, sans avoir ni l'autorité de l'âge ni celle qui vient de la vertu? M'alléguerez-vous l'exemple de Daniel et d'autres semblables, car celui qui fait mal est toujours prêt à justifier sa conduite. Je vous répondrai, moi, que ce qui arrive rarement, ne fait pas loi dans l'Église; une seule hirondelle ne fait pas le printemps (on n'est pas géomètre pour avoir tracé une seule ligne, on n'est pas bon pilote après une seule navigation). S. Chrys. On peut dire encore que Jésus attend pour accomplir toute la loi, l'âge où l'on est capable de tous les péchés, afin qu'on ne pût dire qu'il détruisait la loi parce qu'il ne pouvait l'observer. - Ch. des Per. gr. (Séver. d'Antioch). On peut dire aussi qu'il reçoit le baptême à trente ans, pour montrer que la régénération spirituelle rend les hommes parfaits en proportion de l'âge spirituel. - Bède. Enfin on peut dire que Notre-Seigneur a voulu être baptisé à l'âge de trente ans comme figure du mystère de notre baptême, où nous faisons profession de croire à la sainte Trinité et de pratiquer les préceptes du Décalogue. - S. Grég. de Naz. (Disc. 40). Cependant on doit baptiser les petits enfants s'il y a nécessité, car il vaut mieux recevoir la justification sans en avoir la conscience, que de sortir de cette vie sans être marqué du signe sacré du baptême. Vous me direz peut-être Quoi ! Jésus-Christ qui était Dieu, attend l'âge de trente ans pour se faire baptiser, et vous voulez qu'on se hâte de recevoir le baptême? En reconnaissant que Jésus-Christ était Dieu, vous avez répondu à cette objection. Il n'avait aucun besoin d'être purifié, il ne courait aucun danger en différant de recevoir le baptême; pour vous, au contraire, vous vous exposez au plus grand des malheurs, si vous quittez cette vie avec cette seule naissance qui vous a engendré à une vie de corruption, et sans être revêtu du vêtement incorruptible de la grâce. Sans doute il est bon de conserver l'innocence et la pureté du baptême, mais il vaut mieux s'exposer à quelques légères souillures que d'être entièrement privé de la grâce qui sanctifie.

S. Cyr. Quoique Jésus-Christ n'eût pas de père selon la chair, on croyait assez généralement qu'il en avait un, c'est cette opinion que l'Évangéliste exprime en disant: «Etant, comme l'on croyait, fils de Joseph». - S. Ambr. Cette expression, «comme l'on croyait», est très juste, car il ne l'était pas en effet, mais il passait pour l'être, parce que Marie sa mère était l'épouse de Joseph. Mais pourquoi donner la généalogie de Joseph plutôt que celle de Marie, alors que Marie a enfanté Jésus-Christ par l'opération de l'Esprit saint, et que Joseph est tout à fait étranger à cette divine naissance? Nous aurions lieu d'en être surpris, si nous ne savions que c'est la coutume de l'Écriture, de remonter toujours à l'origine du mari plutôt que de la femme, ce qui est ici d'autant plus naturel, que Marie et Joseph avaient une même origine. En effet, comme Joseph était un homme juste, il dut choisir une épouse de sa tribu et de sa famille. Aussi à l'époque du dénombrement, nous voyons Joseph, qui était de la maison et de la famille de David, se rendre à Bethléem pour s'y faire inscrire avec Marie son épouse, qui était enceinte. Puisqu'elle se fait inscrire comme étant de la même tribu et de la même famille, c'est qu'elle en était en effet; voilà donc pourquoi l'Évangéliste nous donne la génération de Joseph et la commence ainsi: «Qui fut fils d'Héli». Mais remarquons que d'après saint Matthieu, Jacob, qui fut père de Joseph, est fils de Nathan, tandis que d'après saint Luc, Joseph, époux de Marie, est fils d'Héli. Or, comment un seul et même homme peut-il avoir deux pères, Héli et Jacob? - S. Grég. de Naz. Quelques-uns prétendent qu'il n'y a qu'une seule généalogie de David à Joseph, mais reproduite sous des noms différents par les deux Évangélistes. Mais cette opinion est tout simplement absurde, puisque en tête de cette généalogie, nous voyons deux frères, Nathan et Salomon, tous deux souches de deux générations tout à fait distinctes.

Eusèbe. (Hist. eccl., 1, 6). Entrons plus avant dans l'intelligence de ces paroles si tandis que saint Matthieu affirme que Joseph est fils de Jacob, saint Luc, de son côté, affirmait également que Joseph est fils d'Héli, il y aurait quelque difficulté. Mais comme en face de l'affirmation de saint Matthieu, saint Luc ne fait qu'exprimer l'opinion d'un certain nombre de personnes, et non pas la sienne, en disant «Comme l'on croyait», il ne peut y avoir de place pour le doute. En effet, il y avait parmi les Juifs partage d'opinions sur la personne du Christ; tous le faisaient descendre de David par suite des promesses que Dieu lui avait faites; mais la plupart croyaient qu'il devait descendre de David par Salomon et par les autres rois ses successeurs, tandis que d'autres rejetaient cette opinion à cause des crimes énormes dont plusieurs de ces rois s'étaient rendus coupables, et aussi parce que Jérémie avait prédit de Jéchonias, qu'aucun rejeton de sa race ne s'assoierait sur le trône de David (Jr 21). Or, c'est cette dernière opinion que rapporte saint Luc, bien qu'il sût que la généalogie rapportée par saint Matthieu, fût seule la vraie. A cette première raison nous pouvons en ajouter une plus profonde; saint Matthieu commence son Évangile avant le récit de la conception et de la naissance temporelle de Jésus-Christ; il était donc naturel qu'il fit précéder ce récit, comme dans toute histoire, de la généalogie de ses ancêtres selon la chair. Voilà pourquoi il donne cette généalogie en descendant des ancêtres aux enfants, parce qu'en effet, le Verbe divin est descendu en se revêtant de notre chair. Saint Luc, au contraire, saute comme d'un bond jusqu'à la nouvelle naissance que Jésus semble prendre dans les eaux du baptême, et il dresse une autre généalogie en remontant des derniers aux premiers, des enfants à leurs pères. De plus, il passe sous silence le nom des rois coupables que saint Matthieu avait inséré dans sa généalogie, parce que tout homme qui reçoit de Dieu une nouvelle naissance, devient étranger à ses parents coupables, en qualité d'enfant de Dieu, et il ne fait mention que de ceux qui ont mené une vie vertueuse aux yeux de Dieu. Car ainsi qu'il fut dit à Abraham: «Vous irez rejoindre vos pères», (Gn 15), non pas vos pères selon la chair, mais vos pères selon Dieu, à cause de la conformité de votre vie avec leurs vertus. Ainsi saint Luc donne à celui qui a reçu de Dieu une nouvelle naissance des ancêtres selon Dieu, à cause de la ressemblance de moeurs qui existe entre les pères et les enfants.
- S. Aug. (quest. sur l'Anc. et le Nouv. Test., quest. 65). Oui bien encore, saint Matthieu descend de David par Salomon jusqu'à Joseph; saint Luc au contraire remonte d'Héli contemporain du Sauveur par la ligne de Nathan fils de David, et il réunit les tribus d'Héli et de Joseph; montrant ainsi qu'ils sont de la même famille, et qu'ainsi le Sauveur n'est pas seulement fils de Joseph, mais d'Héli. Par la même raison, en effet, que le Sauveur est appelé fils de Joseph, il est aussi le fils d'Héli et de tous les ancêtres de la même tribu; vérité que l'Apôtre exprime en ces termes: «Qui ont pour pères les patriarches, et de qui est sorti selon la chair Jésus-Christ». -
S. Aug. (quest. év., 2, 5). On peut donner trois différentes explications de cette divergence entre les deux généalogies de saint Matthieu et de saint Luc, ou bien, l'un donne le nom du père de Joseph, l'autre celui de son aïeul maternel ou d'un de ses ancêtres; ou bien d'un côté nous avons le père naturel de Joseph, de l'autre son père adoptif; ou bien encore l'un des deux qui nous sont donnés comme pères de Joseph, étant mort sans enfants, son plus proche parent aura épousé sa femme, selon la coutume des Juifs, et donné ainsi un enfant à celui qui était mort. - S. Ambr. La tradition nous apprend en effet, que Nathan qui descend de Salomon, eut un fils nommé Jacob, et mourut avant sa femme que Melchi épousa, et dont il eut un fils appelé Héli. Jacob à son tour étant mort sans enfants, Héli épousa sa femme et en eut pour fils Joseph, qui, d'après la loi, est appelé fils de Jacob, parce qu'Héli, conformément aux dispositions de la loi (Dt 25), donnait des enfants à son frère mort. - Bède. Ou bien encore, on peut dire que Jacob, pour obéir à la loi, a épousé la femme de son frère Héli, mort sans enfants, et qu'il en eut Joseph, qui était son fils dans l'ordre naturel, mais qui d'après les prescriptions de la loi, était le fils d'Héli. - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 1, 3). Il est plus probable que saint Luc nous a donné la généalogie des ancêtres adoptifs de Joseph, puisqu'il ne dit pas que Joseph ait été engendré par celui dont il l'appelle le fils. On conçoit mieux, en effet, qu'on puisse appeler un homme le fils de celui qui l'a adopté, que de dire qu'il a été engendré par celui qui n'est pas son père naturel. Saint Matthieu, au contraire, en s'exprimant de la sorte: «Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob», et en continuant ainsi jusqu'à la fin de la généalogie, qu'il termine en disant: «Jacob engendra Joseph», nous indique assez clairement qu'il a voulu donner la généalogie des ancêtres naturels de Joseph, plutôt que la généalogie de ses ancêtres adoptifs. Mais supposons même que saint Luc ait dit que Joseph ait été engendré par Héli, il n'y aurait pas de quoi nous troubler; ne peut-on pas dire en effet, sans absurdité, que celui qui adopte un fils l'engendre, non selon la chair, mais par l'affection qu'il lui porte? Or saint Luc nous donne la généalogie des ancêtres adoptifs de saint Joseph, parce que c'est la foi au Fils de Dieu qui nous fait enfants adoptifs de Dieu, tandis que la généalogie naturelle nous apprend plutôt que c'est pour nous que le Fils de Dieu est devenu Fils de l'homme.

S. Chrys. (hom. 31 sur l'Ep. aux Rom). Comme cette partie de l'Évangile ne se compose que d'une suite de noms, elle ne paraît offrir à quelques-uns rien de bien important. Pour ne pas tomber dans cette erreur, approfondissons cette partie de l'Évangile, car on peut trouver un riche trésor dans ces noms qui, pour la plupart, renferment de précieuses significations, puisqu'ils nous rappellent la bonté divine et la pieuse reconnaissance des saintes femmes qui donnaient aux enfants qu'ils avaient obtenus un nom commémoratif de la grâce qu'ils avaient reçue.

La Glose. (interlin). Héli signifie mon Dieu, ou celui qui monte, il fut fils de Mathat, c'est-à-dire qui pardonne les péchés, qui fût fils de Lévi, c'est-à-dire qui est ajouté. Saint Luc ne pouvait faire entrer dans sa généalogie un plus grand nombre des enfants de Jacob, sous peine de s'étendre inutilement dans une série de noms étrangers au but qu'il se proposait; cependant il n'a point voulu passer entièrement sous silence les noms antiques et vénérables des patriarches, et il choisit entre tous les autres, Joseph, Juda, Siméon et Lévi, en qui semblent se personnifier quatre espèces de vertus. Juda, en effet, est la figure prophétique du mystère de la passion du Seigneur; Joseph est le parfait modèle de la chasteté; Siméon, le vengeur de la pudeur outragée, et Lévi, le représentant du ministère sacerdotal. - Suite. Il fut fils de Melchi, c'est-à-dire mon roi; qui le fut de Janné, c'est-à-dire main droite; qui le fut de Joseph, c'est-à-dire accroissement (ce Joseph est différent du premier); qui le fut de Mathathias, c'est-à-dire don de Dieu ou quelquefois; qui le fut d'Amos, c'est-à-dire qui charge ou qui a chargé; qui le fut de Nahum, c'est-à-dire secourez-moi; qui le fut de Mathat, c'est-à-dire désir; qui le fut de Mathathias, même signification que ci-dessus; qui le fut de Séméi, c'est-à-dire obéissant; qui le fut de Joseph, c'est-à-dire accroissement; qui le fut de Juda, c'est-à-dire qui loue; qui le fut de Joanna, c'est-à-dire grâce du Seigneur ou miséricorde du Seigneur; qui le fut de Résa, c'est-à-dire miséricordieux; qui le fut de Zorobabel, c'est-à-dire prince ou maître de Babylone; qui le fut de Salathiel, c'est-à-dire Dieu est l'objet de ma demande; qui le fut de Néri, c'est-à-dire mon flambeau; qui le fut de Melchi, c'est-à-dire mon royaume; qui le fût d'Addi, c'est-à-dire robuste ou violent; qui le fut de Cosan, c'est-à-dire prévoyant; qui le fut d'Her, c'est-à-dire qui est vigilant, ou veille ou séduisant; qui le fut de Jésus, c'est-à-dire Sauveur; qui le fut d'Eliézer, c'est-à-dire mon Dieu est mon secours; qui le fut de Jorim, c'est-à-dire secours de Dieu; qui le fut de Mathath, même signification que ci-dessus; qui le fut de Lévi, comme ci-dessus; qui le fut de Siméon, c'est-à-dire qui a entendu la tristesse ou le signe; qui le fut de Juda, c'est-à-dire qui loue; qui le fut de Jona, c'est-à-dire colombe ou plaintif; qui le fut d'Eliachim, c'est-à-dire résurrection de Dieu; qui le fut de Melcha, c'est-à-dire son roi; qui le fut de Menna, c'est-à-dire mes entrailles; qui le fut de Matha thias, c'est-à-dire don de Dieu; qui le fut de Nathan, c'est-à-dire qui a donné ou qui donne.

S. Ambr. Nathan personnifie le symbole de la dignité prophétique; ainsi comme le seul Jésus-Christ réunit toutes les vertus, ces différents genres de vertus ont commencé par briller dans chacun de ses ancêtres.

«Qui fut fils de David». - Orig. (hom. 28). Le Seigneur, en descendant du ciel sur la terre, s'est soumis en tout à la condition des pécheurs, et a voulu, comme le rapporte saint Matthieu, descendre de Salomon, dont les crimes sont inscrits dans les livres saints, et d'autres rois qui ont fait le mal devant Dieu. Mais quand il monte des eaux du baptême, où il vient de prendre comme une nouvelle naissance, ce n'est point de Salomon que saint Luc le fait descendre, mais de Nathan, qui vint reprocher à son père, David, la mort d'Urie et la naissance de Salomon.

S. Grég. de Nazianze. A partir de David, la succession de la généalogie est la même dans les deux Évangélistes. - Suite. «Qui fut fils de Jessé». - Glose. (interl). David veut dire qui est puissant, et Jessé signifie encens. - Suite. Qui fut fils d'Obed, qui veut dire servitude; qui le fut de Booz, c'est-à-dire fort; qui le fût de Salomon, c'est-à-dire sensible ou pacifique; qui le fut de Naasson, c'est-à-dire augure ou qui tient du serpent; qui le fut d'Aminadab, c'est-à-dire le peuple volontaire; qui le fut d'Aram, c'est-à-dire dressé ou élevé; qui le fut d'Esrom, c'est-à-dire flèche; qui le fut de Pharès, c'est-à-dire division; qui le fut de Juda, c'est-à-dire qui loue; qui le fut de Jacob, c'est-à-dire qui supplante; qui le fut d'Isaac, c'est-à-dire rire ou joie; qui le fut d'Abraham, qui veut dire père de beaucoup de nations ou qui voit le peuple.

S. Chrys. (hom. 1). Saint Matthieu, qui écrivait pour les Juifs, s'est proposé seulement d'établir dans son récit que Jésus-Christ descendait d'Abraham et de David, ce qui devait surtout satisfaire les Juifs. Saint Luc, au contraire, dont l'Évangile s'adressait à tous, poursuit la généalogie jusqu'à Adam. - Suite. «Qui fût fils de Tharé». - La Glose. (interlin). Tharé veut dire épreuve ou injustice; qui fut fils de Nachor, c'est-à-dire repos de la lumière; qui le fut de Sarug, c'est-à-dire courroie, ou qui tient les rênes ou perfection; qui le fut de Ragaü, c'est-à-dire malade ou paissant; qui le fut de Pharès, c'est-à-dire qui divise ou qui est divisé; qui le fut d'Héber, c'est-à-dire passage; qui le fut de Salé, c'est-à-dire qui enlève; qui le fut de Cainan, qui veut dire lamentation ou leur possession. - Bède. Ni le nom ni la génération de Cainan ne se trouvent dans le texte hébreu de la Genèse ou du livre des jours, où il est dit qu'Arphaxad fut le père immédiat de Sélaa ou Salé. Saint Luc a pris cette génération intermédiaire dans la version des Septante, où il est écrit qu'Arphaxad, âgé de cent trente-cinq ans, engendra Sélaa. - Suite. «Qui fut fils d'Arphaxad». - La Glose. (interl). Arphaxad veut dire qui répare la désolation; qui fut fils de Sem, c'est-à-dire nom ou nommé; qui le fut de Noé, c'est-à-dire repos. - S. Ambr. Le nom du juste Noé ne devait pas être omis dans la généalogie du Seigneur; car puisqu'il venait au monde pour fonder son Église, il était juste qu'il comptât parmi ses ancêtres celui qui avait figuré l'établissement de l'Église dans la construction de l'arche. - Suite. «Qui fut fils de Lamech». - La Glose. (interl). Lamech veut dire humilié ou qui frappe, ou qui est frappé ou qui est humble; qui le fut de Mathusalem, c'est-à-dire envoi de la mort ou qui est mort, ou qui interrogea. Les années de Mathusalem sont comptées avant le déluge; car Jésus-Christ n'ayant été soumis dans sa vie à aucunes vicissitudes de l'âge, ne devait point non plus ressentir les effets du déluge dans ses ancêtres. «Qui fut fils d'Enoch». Enoch est un signe éclatant de la sainteté du Seigneur et de sa divinité, en ce que le Seigneur n'a pas été soumis à la mort, et qu'il est remonté au ciel, de même qu'Enoch, un de ses ancêtres avait été enlevé dans le ciel. Nous voyons par là que Jésus-Christ aurait pu ne pas mourir, mais qu'il a voulu mourir à cause des grands avantages que devait nous procurer sa mort. Enoch fut enlevé dans le ciel de peur que le mal ne vînt à changer les dispositions de son coeur (Sg 4, 11 ; He 11, 5). Mais quant au Seigneur, qui était inaccessible à la méchanceté du siècle, il est remonté par un effet de sa puissance divine dans le lieu d'où il était descendu. - Bède. En remontant du Fils de Dieu baptisé jusqu'à Dieu le Père, saint Luc place comme à dessein le soixante-dixième. Enoch qui fut transporté dans le paradis sans passer par la mort, pour signifier que ceux qui ont été régénérés dans l'eau et l'Esprit saint, par la grâce de l'adoption des enfants, seront reçus dans le repos éternel; car le nombre soixante-dix, à cause du jour du sabbat qui est le septième, figure le repos de ceux qui ont accompli le décalogue de la loi par le secours de la grâce de Dieu. - La Glose. (interl). Enoch veut dire dédicace; qui fut fils de Jared, c'est-à-dire qui descend ou qui contient; qui le fut de Malalehel, c'est-à-dire loué de Dieu ou louant Dieu; qui le fut de Caïnan, dont la signification est la même que précédemment; qui le fut d'Enos, c'est-à-dire homme, ou désespérant ou violent; qui le fut de Seth, c'est-à-dire position ou qui posa. - S. Ambr. Le nom de Seth, le dernier fils d'Adam, n'est pas omis dans cette généalogie; car comme il y a deux générations de peuples différents, le nom de Seth signifie que le Christ doit faire partie de la seconde génération plutôt que de la première.

«Qui fut fils d'Adam». - La Glose. (interlin). Adam veut dire homme ou terrestre, ou qui a besoin. - S. Ambr. Quoi de plus beau et de plus convenable que de commencer cette sainte généalogie par le Fils de Dieu, et de la conduire jusqu'au Fils de Dieu. Ainsi celui qui est créé, précède comme figure celui qui naît ensuite Fils de Dieu en vérité. Nous voyons paraître d'abord celui qui a été fait à l'image de Dieu et pour le salut duquel l'image substantielle de Dieu est descendue s ur la terre. Saint Luc a cru encore devoir faire remonter jusqu'à Dieu l'origine de Jésus-Christ, parce que Dieu a véritablement engendré le Christ, soit dans l'éternelle et véritable génération, soit dans le baptême, où il lui communique comme une nouvelle et mystérieuse naissance. Aussi n'a-t-il point commencé son Évangile par la généalogie du Sauveur, mais il ne la place qu'après le récit de son baptême, pour montrer ainsi qu'il était le Fils de Dieu et par nature, et par la grâce. Et encore, quelle preuve plus évidente de la divine génération de Jésus-Christ que de faire précéder l'exposé de sa généalogie de ces paroles solennelles du Père: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé». - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 2, 3). Saint Luc, en donnant Joseph comme fils d'Héli, n'a point voulu nous faire entendre qu'il était son fils naturel et véritable, mais son fils adoptif, et une preuve évidente, c'est qu'il dit dans le même sens qu'Adam est fils de Dieu, lorsque chacun sait qu'après avoir été créé de Dieu, Adam fut placé dans le paradis, et qu'il devint comme le Fils de Dieu par un effet de cette grâce, qu'il perdit bientôt par son péché. - Théophyl. L'Évangéliste poursuit la généalogie jusqu'à Dieu, qui la termine, et il nous apprend ainsi, d'abord que Jésus-Christ élèvera jusqu'à Dieu les personnages qui en forment la succession intermédiaire, et qui deviendront ainsi fils de Dieu; secondement, il veut nous convaincre que la génération du Christ était toute en dehors des voies naturelles, comme s'il disait: Si vous ne pouvez croire que la génération du second Adam n'est point due aux causes naturelles, remontez jusqu'au premier Adam, et vous trouverez que Dieu lui a donné l'existence sans avoir besoin de ces causes naturelles.

S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 4). Saint Matthieu a voulu surtout nous représenter le Seigneur descendant jusqu'à notre nature faible et mortelle; dans ce dessein, il commence son Évangile par la généalogie de Jésus-Christ en descendant d'Abraham jusqu'à Jésus-Christ. Saint Luc, au contraire, ne donne cette généalogie qu'après le récit du baptême de Jésus-Christ, et il suit un ordre tout différent, c'est-à-dire qu'il remonte des enfants à leurs pères; son but est surtout de faire ressortir dans la personne du Sauveur le caractère du. pontife qui doit effacer les péchés, c'est pourquoi il donne sa généalogie après qu'une voix du ciel a fait connaître ce qu'il était, après que Jean-Baptiste lui a rendu ce témoignage: «Voilà celui qui efface les péchés du monde», et en remontant ainsi des enfants à leurs pères, il arrive jusqu'à Dieu avec lequel nous sommes réconciliés par la grâce qui expie nos crimes et nous en purifie. - S. Ambr. Ceux qui ont suivi l'ordre ancien ne sont pas pour cela en contradiction avec notre Évangéliste. Ne soyez pas non plus surpris si d'Abraham à Jésus-Christ vous trouvez dans saint Luc un plus grand nombre de générations que dans saint Matthieu, puisque vous reconnaissez que ces deux Évangélistes donnent la généalogie du Sauveur par des personnages tout différents. Il a pu très bien arriver, en effet, que les personnages d'une généalogie aient vécu plus longtemps, tandis que les personnages de l'autre sont morts dans un âge peu avancé; puisque nous voyons des vieillards vivre assez longtemps pour voir leurs petits enfants, tandis que nous en voyons d'autres mourir presque aussitôt la naissance de leurs propres enfants. - S. Aug. (Quest. évang., 2, 6). C'est par une raison pleine de convenance que saint Luc compte soixante-dix-sept personnes dans sa généalogie, et qu'il suit l'ordre ascendant; il figure ainsi notre élévation vers Dieu, avec lequel nous sommes réconciliés par la rémission de nos péchés; car le baptême remet tous les péchés figurés par ce nombre. En effet, onze fois sept font soixante-dix-sept. Or, le nombre dix exprime le bonheur parfait, donc le nombre supérieur au nombre dix représente le péché qui, par orgueil, veut avoir plus. Ce nombre se trouve multiplié sept fois pour indiquer que cette transgression vient de l'action volontaire de l'homme. En effet, le nombre trois représente dans l'homme la partie immatérielle (cf. Lc 10,27); et le nombre quatre, la partie corporelle. Or, le mouvement et l'action ne sont point représentés par les nombres, lorsque nous disons: un, deux, trois; mais bien lorsque nous comptons une fois, deux fois, trois fois; donc la multiplication du nombre sept par onze, signifie que la transgression est le résultat de la volonté de l'homme.


CHAPITRE IV


vv. 1-4

9401 Lc 4,1-4

Théophyl. Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu être tenté après son baptême, pour nous apprendre qu'après notre baptême nous devons nous attendre à la tentation: «Jésus, plein de l'Esprit saint, revint des bords du Jourdain», etc. - S. Cyr. Bien longtemps auparavant Dieu avait dit: «Mon Esprit ne demeurera pas dans ces hommes, parce qu'ils ne sont que chair; mais aussitôt que nous sommes enrichis de la régénération par l'eau et par l'Esprit, nous sommes devenus par l'infusion de l'Esprit saint, participants de la nature divine. Or celui qui est le premier né d'un grand nombre de frères, a reçu le premier l'Esprit saint qu'il communique lui-même aux autres, afin que la grâce de l'Esprit saint pût arriver par lui jusqu'à nous. - Orig. (hom. 29). Lorsque vous voyez que Jésus est plein de l'Esprit saint, et que vous lisez dans les Actes, que les Apôtres furent remplis de l'Esprit saint, gardez-vous de penser que les Apôtres ont reçu l'Esprit saint dans la même mesure que le Sauveur. En effet, lorsque vous dites: Ces vases sont pleins de vin ou d'huile, vous ne voulez pas toujours dire qu'ils en contiennent la même quantité; de même aussi Jésus et Paul étaient pleins de l'Esprit saint, mais le vase de Paul était beaucoup plus petit que celui de Jésus, et cependant chacun de ces vases était rempli suivant sa capacité. Or, le Sauveur, après avoir été baptisé et rempli de l'Esprit saint, qui était descendu des cieux sur sa tête sous la forme d'une colombe, était conduit par l'Esprit, car tous ceux qui sont poussés par l'Esprit de Dieu, sont enfants de Dieu (Rm 8), mais Jésus était le Fils propre de Dieu, d'une manière bien plus excellente que tous les autres. - Bède. Afin que personne ne pût douter quel était cet Esprit qui, au récit des Évangélistes, avait conduit Jésus dans le désert; saint Luc dit en termes exprès: «Il était poussé par l'Esprit dans le désert pendant quarante jours». Il n'est donc pas possible de supposer que l'esprit immonde ait pu avoir quelque autorité sur celui qui, rempli de l'Esprit saint, agissait en tout d'après sa propre volonté. - Ch. des Pèr. Gr. (Sev. d'Ant). Mais comment le Sauveur a-t-il été comme entraîné malgré lui, alors que nous-mêmes agissons en tout dans la plénitude de notre libre arbitre? Il faut donc entendre ces paroles: «Il était poussé par l'Esprit» dans ce sens, que c'est volontairement qu'il a embrassé cette vie de solitude spirituelle pour donner lieu au démon de le tenter. - S. Bas. (Ch. des Pèr. gr). Il ne provoque point l'ennemi en le défiant par ses paroles, mais en l'excitant par cette démarche, car le démon se plaît dans le désert et ne peut supporter les villes, où l'union des habitants est pour lui un sujet de tristesse.

S. Ambr. Jésus était donc poussé dans le désert tout à la fois, par un conseil divin pour provoquer le démon au combat, car si le démon ne l'eût point attaqué, le Sauveur n'en eût point triomphé dans notre intérêt; pour accomplir un mystère, c'est-à-dire, pour délivrer de l'exil cet Adam qui avait été chassé du paradis dans le désert; enfin pour nous apprendre par son exemple que le démon v oit avec un oeil d'envie ceux qui tendent à une vie plus parfaite, et que nous devons alors nous tenir sur nos gardes, pour ne pas nous exposer à perdre par la faiblesse de notre âme la grâce du sacrement que nous avons reçu: «Et il fut tenté par le démon». - S. Cyr. Le voilà descendu au rang des combattants, celui qui comme Dieu ordonne et règle les combats; le voilà parmi ceux qui sont couronnés, celui qui place la couronne sur le front des saints. - S. Grég. (Moral., 3, 11) Cependant l'ennemi de notre salut ne put ébranler par la tentation l'âme du médiateur de Dieu et des hommes; il a daigné se soumettre extérieurement à la tentation, mais en même temps son âme demeurait intérieurement unie à la divinité sans que rien pût l'en séparer. - Orig. (hom. 29). Jésus fut tenté pendant quarante jours, et nous ne savons quelles furent ces tentations, car peut-être les Évangélistes n'en disent rien, parce qu'elles étaient trop fortes pour être décrites. - S. Bas. Ou bien encore, on peut dire que le Seigneur fut quarante jours sans être tenté, car le démon voyant qu'il jeûnait sans éprouver le besoin de la faim, n'osait s'approcher de lui: «Et il ne mangea rien pendant ces Jours», etc. Notre-Seigneur a voulu jeûner pour nous apprendre que la tempérance est nécessaire à celui qui veut se préparer aux combats des tentations. - S. Ambr. Trois choses donc concourent puissamment au salut de l'homme, la grâce du sacrement, la solitude, le jeûne. Nul n'est couronné s'il n'a combattu en se conformant aux lois du combat (2Tm 1,5), et personne n'est admis aux combats de la vertu avant d'être purifié des souillures de ses fautes et consacré par l'effusion de la grâce céleste. - S. Grég. de Naz. (Disc. 40). Le Sauveur a jeûné quarante jours sans prendre aucune nourriture, car il était Dieu; mais pour nous, nous devons proportionner la pratique du jeûne à nos forces, bien que le zèle persuade à quelques-uns qu'ils peuvent aller bien au delà. - S. Bas. Cependant il ne faut point macérer sa chair en la privant de nourriture, jusqu'à lui faire perdre toute son énergie naturelle, oui jusqu'à réduire l'esprit à une extrême langueur par suite de l'épuisement complet du corps. Aussi Notre-Seigneur ne prolongea son jeûne de la sorte qu'une seule fois, et dans tout le reste de sa v ie il se conforma pour la direction de son corps aux lois ordinaires de la nature, comme Moïse et Elie avaient fait eux-mêmes. - S. Chrys. (hom. 13). Par un dessein plein de sagesse, le Sauveur ne voulut point jeûner plus longtemps que n'avait fait Moïse et Elie, pour ne point donner lieu de croire qu'il n'avait qu'un corps imaginaire et fantastique, ou qu'il avait pris une nature supérieure à la nôtre.

S. Ambr. (cf. Gn 7,4 Gn 7,12 Dt 9,9 Dt 10,10 Ex 16,35 Nb 14,33 Dt 8,2 Jos 5,6 Ac 7,36) Vous reconnaissez ce nombre mystérieux de quarante jours, vous vous rappelez que les eaux du déluge tombèrent sur la terre pendant le même nombre de jours; qu'après quarante jours sanctifiés par le jeûne, Dieu ramena la douceur d'un ciel plus serein; que c'est après quarante jours de jeûne que Moïse fut jugé digne de recevoir la loi de la bouche de Dieu, et que pendant quarante années les patriarches furent nourris dans le désert du pain des anges. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 4). Ce nombre quarante est le symbole de cette vie laborieuse, pendant laquelle, sous la conduite et le commandement de Jésus-Christ notre roi; nous combattons contre le démon. Ce nombre, en effet, signifie la durée de la vie présente; ainsi chaque année se divise en quatre parties égales; de plus le nombre quarante contient quatre fois dix, et ces quatre dizaines forment quarante, multipliées par le chiffre qui part de l'unité pour aller jusqu'au nombre quatre. Nous voyons donc ici que le jeûne de quarante jours (où l'humiliation de l'âme) fut consacré sous la loi et les prophètes par Moïse et par Elie, et sous la loi de l'Évangile par le jeûne du Seigneur lui-même.

S. Bas. Mais comme il est au-dessus de la nature de l'homme d'éprouver le besoin de la faim, Notre-Seigneur se soumet à ce besoin qu'il sait n'être point un péché; et il laisse, lorsque telle est sa volonté la nature humaine soumise aux lois de sa condition: «Et quand ces jours furent passés, il eut faim». Cette faim n'est point chez lui l'effet d'une nécessité naturelle, mais il veut par là provoquer le démon au combat. En effet, le démon croyant que cette faim est l'indice nécessaire de sa faiblesse, entreprend de le tenter, et cherchant pour ainsi dire à inventer de nouveaux moyens de tentation, il conseille au Sauveur, qu'il voit souffrant de la faim, d'apaiser sa faim avec des pierres changées en pain: «Si vous êtes le Fils de Dieu, dites à cette pierre qu'elle devienne du pain». - S. Ambr. Les trois tentations du Sauveur nous enseignent que le démon cherche surtout à blesser notre âme par les trois traits de la sensualité, de la vaine gloire et de l'ambition. Il commence par la tentation qui avait autrefois triomphé d'Adam. Apprenons donc à éviter la sensualité, à fuir l'impureté, car ce sont les traits dont le démon veut nous percer. Mais que veulent dire ces paroles: «Si vous êtes le Fils de Dieu ?» C'est que le démon savait bien que le Fils de Dieu devait venir sur la terre, mais qu'il ne croyait pas qu'il dût venir revêtu d'une chair passible et mortelle. Le démon cherche tout à la fois à savoir ce qu'est le Sauveur et à le tenter, il fait profession de croire à sa puissance comme Dieu, et en même temps il se joue de lui comme homme. - Orig. (hom. 29). Le père à qui son fils demande du pain ne lui donne pas une pierre, mais le démon qui est un ennemi artificieux et trompeur, donne une pierre pour du pain. - S. Bas. Il conseillait au Sauveur d'apaiser sa faim avec, des pierres, c'est-à-dire, de détourner le désir des aliments naturels sur des choses qui sont en dehors de toute condition alimentaire. - Orig. Nous pouvons dire que jusqu'à ce jour le démon, en leur montrant une pierre, excite tous les hommes à dire: «Commandez à cette pierre qu'elle devienne du pain». Quand vous voyez, en effet, les hérétiques manger au lieu de pain, le mensonge de leurs fausses doctrines, soyez certain que leurs discours sont cette pierre qui leur est montrée par le démon.

S. Bas. Notre-Seigneur Jésus-Christ, en repoussant les tentations, ne délivre pas la nature de la faim, comme si elle était une cause de mal, puisqu'elle a pour but, au contraire, la conservation de notre vie; mais en maintenant la nature dans ses propres limites, il nous apprend quelle est sa nourriture: «Jésus lui répondit: L'homme ne vit pas seulement de pain», etc. - Théophyl. C'est-à-dire, le pain n'est pas le seul aliment qui entretienne l'existence de l'homme, le Verbe de Dieu peut lui seul alimenter et nourrir tout le genre humain. C'est ainsi que le peuple d'Israël fut nourri pendant qua rante ans de la manne qu'il recueillait (Ex 16, 15), et des oiseaux qui lui furent envoyés (Nb 11, 32); ainsi par l'ordre de Dieu, des corbeaux pourvurent miraculeusement à la nourriture d'Elie (4R 4, 7). - S. Cyr. Ou bien dans un autre sens, notre corps qui est d'origine terrestre, se nourrit d'aliments terrestres, mais l'âme raisonnable puise dans le Verbe divin la force nécessaire à la santé spirituelle. - S. Grég. de Naz. En effet, un aliment matériel ne peut devenir la nourriture d'une nature incorporelle. - S. Grég. de Nysse. (hom. 5 sur l'Ecclés). La vertu ne se nourrit donc point de pain, et ce n'est pas la chair des animaux qui donne à l'âme la santé et l'embonpoint spirituel; la vie surnaturelle se développe et s'accroît par d'autres aliments, sa nourriture c'est la tempérance, son pain c'est la sagesse, la justice est son mets le plus exquis, la fermeté sa boisson, son plaisir le goût de la vertu. - S. Ambr. Vous voyez de quelles armes se sert le Sauveur pour défendre l'homme contre les insinuations de l'esprit du mal qui lui suggère la tentation de la sensualité. Il n'use pas ici de sa puissance comme Dieu (quel avantage m'en reviendrait-il ?) mais il recherche comme homme le secours qui est à la portée de tous les hommes, et tout occupé de la nourriture des divins enseignements, il oublie la faim du corps, pour obtenir plus sûrement la nourriture de la parole divine. En effet, celui qui fait profession de suivre le Verbe ou la parole de Dieu, ne peut plus faire d'un pain matériel l'objet de ses désirs, car les choses divines sont infiniment au-dessus des choses de la terre. Ajoutons que par ces paroles: «L'homme ne vit pas seulement de pain». Notre-Seigneur fait voir que son humanité seule a été soumise à la tentation, c'est-à-dire, ce qu'il avait pris de notre nature et non pas sa divinité.



Catena Aurea 9323