Catena Aurea 11207

vv. 7-13

11207 Lc 22,7-13

Tite de Bost. Notre-Seigneur voulait nous donner la pâque céleste, il se soumet pour cela à manger la pâque figurative, et il supprime le symbole pour lui substituer la vérité: «Vint le jour des azymes», etc. - Bède. L'Évangéliste appelle jour des azymes le quatorzième jour du premier mois, dans lequel on avait coutume de faire disparaître tout pain fermenté, et d'immoler vers le soir la pâque, c'est-à-dire l'agneau pascal. - Eusèbe. (Ch. des Pèr. gr). On me dira peut-être: Puisque les disciples ont préparé, le premier jour des azymes, ce qu'il fallait pour que leur divin Maître pût manger la pâque, nous devons aussi célébrer la pâque le même jour, je réponds que ce n'est pas ici une prescription, mais le simple récit d'un fait qui a eu lieu au temps de la passion du Sauveur, et que le récit d'un fait qui s'est passé est tout différent de l'établissement d'une règle qui oblige pour l'avenir. Je dirai plus, c'est que le Sauveur n'a point mangé la pâque le jour où les Juifs immolaient l'agneau pascal; car cette immolation n'eut lieu que la veille du sabbat, le jour même de la passion du Seigneur: c'est pour cela qu'ils n'entrèrent point dans le prétoire de Pilate, afin de pouvoir manger la pâque (Jn 19). Du moment qu'ils conspirèrent contre la vérité, ils ne craignirent plus de s'écarter des règles tracées par la vérité, et ils ne mangèrent plus la pâque, comme ils avaient coutume de le faire le premier jour des azymes, où la pâque devait être immolée (car ils étaient occupés de bien autre chose), mais ils la célébrèrent le jour suivant, qui était le second jour des azymes. Le Seigneur, au contraire, célébra la pâque avec ses disciples le premier jour des azymes, c'est-à-dire le cinquième jour après le sabbat.

Théophyl. Ce même jour qui était le cinquième, il envoya pour préparer la pâque deux de ses disciples, Pierre, le plus ardent pour son Maître, et Jean, celui qui en était le plus aimé: «Il envoya Pierre et Jean pour préparer ce qu'il fallait», etc. C'est ainsi qu'il se montre en tout fidèle observateur de la loi jusqu'à la fin de sa vie. Il envoie ses disciples dans une maison étrangère; car ni lui ni ses disciples n'avaient de maison en propre, autrement il eût célébré la pâque chez l'un d'eux: «Ils lui dirent donc: Où voulez-vous que nous la préparions ?» - Bède. Comme s'ils disaient: Nous n'avons ni demeure ni habitation. Entendez ces paroles, vous qui mettez tous vos soins à vous construire des maisons sur la terre, et apprenez que le Christ, le Maître de toutes choses, n'avait même pas où reposer sa tête. - S. Chrys (hom. 82 sur S. Matth). Comme ils ne connaissaient point celui à qui Notre-Seigneur les envoyait, il leur donna pour le reconnaître un signe semblable à celui que Samuel avait donné à Saul (1R 10,2): «Il leur répondit: En entrant dans la ville, vous rencontrerez un homme portant une cruche d'eau; suivez-le dans la maison où il entrera».

S. Ambr. Considérez d'abord la puissance de la divinité dans ces paroles du Sauveur, il s'entretient avec ses disciples, et il sait ce qui doit se passer dans un autre endroit. Admirez ensuite sa condescendance; ce n'est ni un riche ni un puissant du siècle, mais un pauvre dont il choisit la maison, et il préfère cette étroite et modeste demeure aux palais des grands. Le Seigneur connaissait le nom de celui dont il prévoyait ainsi la mystérieuse rencontre, mais il le désigne sans le nommer, pour faire ressortir son humble condition. - Théophyl. Ou encore, il les adresse à un homme inconnu, pour leur faire comprendre que c'était volontairement qu'il allait souffrir dans sa passion. En effet, celui qui pouvait inspirer à cet inconnu des dispositions si favorables pour ses disciples, aurait bien pu aussi amener les Juifs à faire tout ce qu'il aurait voulu. Quelques-uns pensent que le Sauveur ne voulut point dire le nom de cet homme, de peur que le traître, venant à savoir ce nom, ne fît connaître la maison aux pharisiens, qui auraient pu venir s'emparer de lui avant qu'il eût célébré la cène et distribué aux disciples les augustes mystères; il se contente de leur donner quelques signes pour trouver cette maison: «Et vous direz au maître de cette maison: Le Maître vous mande: Où est le lieu où je mangerai la pâque avec mes disciples? Et il vous montrera une grande salle meublée», etc. - La Glose. Les disciples ayant reconnu les signes qui leur avaient été donnés, accomplirent exactement ce qui leur avait été prescrit: «S'en allant donc, ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la pâque». -
Bède. L'apôtre saint Paul, parlant de cette pâque, nous dit: «Notre agneau pascal, Jésus-Christ a été immolé», (1Co 5). Il fallait que cette pâque fût alors immolée, pour obéir à un ordre tout divin, et au décret du Père céleste; et bien que le Sauveur n'ait été crucifié que le jour suivant, c'est-à-dire le quinzième jour de la lune; cependant il fut arrêté et chargé de chaînes la nuit même où l'agneau pascal était immolé par les Juifs, et il consacra ainsi les préliminaires de son immolation ou de sa passion.

Théophyl. Par le jour des azymes, il nous faut entendre cette vie lumineuse et toute spirituelle, qui n'a rien de commun avec la vie ancienne, suite de la faute de notre premier père, et lorsque nous vivons de cette vie, nous devons mettre toute notre joie dans les mystères de Jésus-Christ. C'est Jean et Pierre qui nous préparent ces mystères, c'est-à-dire l'action et la contemplation; la ferveur du zèle et la douceur de la paix. Ces deux disciples rencontrent un homme, parce que ces deux vertus nous font retrouver l'homme qui a été créé à l'image de Dieu. Cet homme porte une cruche d'eau, symbole de la grâce de l'Esprit saint. Ce vase figure l'humilité du coeur, car Dieu ne donne sa grâce qu'aux humbles qui reconnaissent qu'ils ne sont que cendre et poussière. - S. Ambr. Ou encore, ce vase c'est la mesure de la perfection, et cette eau est celle qui a mérité de devenir la matière du sacrement de Jésus-Christ, et de purifier au lieu d'être elle-même purifiée.

Bède. Les disciples préparent la pâque là où ils voient cet homme porter la cruche d'eau, parce que le temps était venu où le sang devait cesser de marquer la porte de ceux qui célèbrent la pâque véritable, pour être remplacé par la source vivifiante du baptême qui efface les péchés. - Orig. (Traité 35 sur S. Matth). Cet homme que les disciples rencontrèrent à leur entrée dans la ville, portant une cruche d'eau, était, à mon avis, un des serviteurs du père de famille, qui portait dans un vase de terre l'eau destinée à la boisson ou aux purifications légales, et je pense qu'il était la figure de Moïse, dont la doctrine spirituelle était contenue dans le récit de faits extérieurs. Ceux qui ne peuvent atteindre à cette doctrine spirituelle, ne célèbrent point la pâque avec Jésus. Montons donc avec le Seigneur lui-même, qui est au milieu de nous, à cet endroit plus élevé où se trouve le lieu du festin, et que l'intelligence (figurée par le père de famille), découvre à chacun des disciples de Jésus-Christ. Que cette salle située dans l'endroit le plus élevé de la maison, soit grande pour recevoir Jésus, le Verbe de Dieu, qui ne peut être reçu que par les âmes vraiment grandes. Que ce soit le père de famille (c'est-à-dire, l'intelligence), qui prépare cette demeure pour le Fils de Dieu, qu'elle soit purifiée et ne conserve plus aucune des souillures de l'iniquité. Que le nom du maître de cette maison ne soit point connu de la foule, comme l'indiquent ces paroles de Jésus dans saint Matthieu: «Allez dans la ville chez un tel». - S. Ambr. Cet homme a une grande salle au haut de sa maison, ce qui vous fait comprendre quel mérite éminent doit avoir celui en qui le Seigneur vient prendre avec ses disciples un doux repos au milieu des plus sublimes vertus. - Orig. N'oublions pas que ceux qui passent leur vie dans les plaisirs de la table et les sollicitudes de ce monde, ne montent point dans cette salle supérieure et ne célèbrent point la pâque avec Jésus. Car ce n'est qu'après que les paroles des disciples ont instruit le père de famille, c'est-à-dire, l'intelligence, que Dieu vient avec ses disciples dans cette maison pour y célébrer le festin sacré.


vv. 14-18

11214 Lc 22,14-18

S. Cyr. Après que les disciples eurent préparé ce qu'il fallait pour célébrer la pâque, l'heure vint de la manger: «Et l'heure étant venue», etc. - Bède. L'heure de manger la pâque, c'est le soir du quatorzième jour du premier mois, au moment où la lune du quinzième jour se lève. - Théophyl. Mais pourquoi l'Évangéliste nous dit-il que le Seigneur se mit à table, puisque les Juifs devaient se tenir debout pour manger l'agneau pascal? Nous répondons qu'après avoir mangé l'agneau pascal, suivant les prescriptions de la loi, ils se mirent à table, suivant l'usage, pour prendre d'autres aliments.

«Et il leur dit: J'ai désiré d'un grand désir de manger cette pâque avec vous», etc. - S. Cyr. Notre-Seigneur s'exprime de la sorte, parce que l'avare disciple épiait le moment où il pourrait livrer son divin Maître, mais le Sauveur n'avait fait connaître ni la maison ni le nom de celui chez qui il devait célébrer la pâque, pour qu'on ne pût se saisir de sa personne avant qu'il l'eût célébrée, et il donne ici la raison de cette conduite. - Théophyl. Ou encore: «J'ai désiré d'un grand désir», c'est-à-dire, c'est la dernière cène que je fais avec vous, aussi m'est-elle précieuse et chère. Ainsi ceux qui partent pour un long voyage, adressent à leurs amis leurs plus tendres adieux. -
S. Chrys. Ou encore, il s'exprime ainsi, parce que cette pâque devait être suivie de sa mort sur la croix; or, nous voyons que plusieurs fois, pendant sa vie, il prédisait sa passion et manifestait le désir ardent de la voir arriver. - Bède. Il désire manger d'abord avec ses disciples la pâque figurative et révéler ainsi au monde les mystères de sa passion. - Eusèbe. Ou bien encore, le Seigneur étant sur le point d'instituer une pâque nouvelle, il dit avec raison: «J'ai désiré ardemment cette pâque», c'est-à-dire, le mystère nouveau du Nouveau Testament qu'il donnait à ses disciples, et que tant de prophètes et de justes avaient désiré voir. Or, comme il avait soif du salut de tous les hommes, il instituait un mystère qui devait être célébré dans le monde entier, tandis que la pâque établie par Moïse ne pouvait être célébrée que dans un seul endroit, c'est-à-dire, à Jérusalem; elle n'était donc point destinée à toutes les nations et ne pouvait être l'objet d'un désir si ardent. - S. Epiph. (Liv. 1 cont. les hérés., 30, 22). Ce fait seul peut servir à confondre l'erreur insensée des ébionites sur l'usage de la chair, puisque le Sauveur a mangé l'agneau pascal des Juifs, et il dit expressément: «J'ai désiré manger cette pâque», afin qu'on ne puisse l'entendre autrement.

Bède. Notre-Seigneur donne ainsi par son exemple son approbation à la pâque légale, et en même temps il en interdit désormais la célébration, en enseignant qu'elle n'était que la figure des mystères qu'il venait révéler: «Car je vous le dis, je ne la mangerai plus jusqu'à ce qu'elle soit accomplie dans le royaume de Dieu», c'est-à-dire, je ne célébrerai plus la pâque mosaïque, jusqu'à ce que Je mystère dont elle est la figure, soit accompli dans l'Eglise, car elle est vraiment le royaume de Dieu, selon cette parole: «Le royaume de Dieu est au milieu de vous» (Lc 17). C'est encore à cette pâque ancienne à laquelle le Sauveur voulait mettre fin que se rapportent les paroles qui suivent: «Et prenant le calice, il rendit grâces et dit: Prenez et partagez entre vous», etc. Il rend grâces, parce que toutes les cérémonies de l'ancienne loi allaient finir et céder la place à des rites tout nouveaux. - S. Chrys. (Disc. 1 sur Lazare). Lorsque vous prenez place à table, souvenez-vous que la prière doit succéder au repas; mangez donc avec modération et sobriété, de peur qu'appesantis par les excès de la table, vous ne puissiez ni fléchir les genoux, ni prier Dieu. Après nos repas, ne nous dirigeons donc pas aussitôt vers notre lit, mais livrons-nous à la prière, car évidemment le Sauveur a voulu nous enseigner ici qu'au repas doivent succéder, non le sommeil et le repos, mais la prière et l a lecture des saintes Écritures: «Car je vous le dis; je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu'à ce que vienne le royaume de Dieu». - Bède. Ces paroles peuvent être entendues simplement en ce sens, que le Sauveur ne devait plus boire de vin depuis cette heure de la cène jusqu'au temps de sa résurrection où il devait venir établir le royaume de Dieu. En effet, saint Pierre atteste qu'ils le virent alors manger et boire avec eux: «Il s'est manifesté à nous qui avons mangé et bu avec lui depuis sa résurrection». (Ac 10, 41). - Théophyl. La résurrection de Jésus-Christ est appelée le royaume de Dieu, parce qu'elle a détruit l'empire de la mort, ce qui a fait dire à David: «Le Seigneur a régné, il s'est revêtu de gloire», c'est-à-dire que, selon la prophétie d'Isaïe, il s'est dépouillé de la corruption du corps pour se revêtir d'un vêtement de magnificence et d'honneur. Or, après sa résurrection, il a voulu boire en présence de ses disciples, pour leur prouver que sa résurrection était réelle. - Bède. Cependant, il est plus logique de dire que Notre-Seigneur déclare qu'il ne boira plus le vin de in pâque comme il a déclaré précédemment qu'il ne mangerait plus l'agneau figuratif, jusqu'à ce que la manifestation de la gloire de son royaume fît embrasser la foi chrétienne à tout l'univers, et que le changement spirituel des deux grandes prescriptions de la loi (la nourriture et le breuvage de la pâque), vous fît comprendre que toutes les observances figuratives de la loi ne seraient plus désormais accomplies que d'une manière spirituelle.


vv. 19-20

11219 Lc 22,19-20

Bède. Après avoir accompli les cérémonies solennelles de la pâque ancienne, le Sauveur institue la nouvelle pâque, et commande à son Église de la célébrer en mémoire du mystère de la rédemption. Établi prêtre selon l'ordre de Melchisédech (Ps 109, et He 7), il remplace la chair et le sang de l'agneau par le sacrement de son corps et de son sang sous les espèces du pain et du vin: «Et ayant pris du pain il rendit grâces». Il avait déjà rendu grâces en mettant fin à la pâque ancienne, et il nous enseigne ainsi par son exemple à louer, à glorifier Dieu au commencement comme à la fin de chacune de nos bonnes oeuvres. «Il le rompit». Il rompt lui-même le pain qu'il donne à ses disciples, pour montrer que son corps ne sera brisé dans sa passion que par sa volonté: «Et il le leur donne en disant: Ceci est mon corps qui est donné pour vous». - S. Grég. de Nysse. (sur le bapt. de Jésus-Christ). Avant la consécration, le pain est un pain ordinaire, mais aussitôt le mystère de la consécration, il devient et il est appelé le corps de Jésus-Christ.

S. Cyr. Ne doutez point de cette vérité, puisque le Fils de Dieu vous dit clairement: «Ceci est mon corps». Mais plutôt recevez avec foi les paroles du Sauveur, car il est la vérité et ne peut mentir. C'est donc une erreur autant qu'une folie, de dire que l'effet de la consécration mystérieuse cesse, lorsqu'on réserve pour le jour suivant quelques fragments du pain consacré, car aucun changement ne se fait dans le corps sacré de Jésus-Christ, et il conserve toujours la vertu de la consécration aussi bien que la grâce qui donne la vie (Liv. 4 sur Jn 14). Car la vertu vivifiante de Dieu le Père, c'est le Verbe, son Fils unique, qui s'est fait chair sans cesser d'être le Verbe, et qui a communiqué à sa chair une vertu vivifiante (chap. 23). Si vous trempez un peu de pain dans une liqueur quelconque, il s'imprègne aussitôt du goût de cette liqueur. C'est ainsi que le Verbe de Dieu, source de vie, communique cette vertu vivifiante à sa chair par l'union étroite qu'il a contractée avec elle. Pouvons-nous en conclure que notre corps a part aussi à cette vertu vivifiante, parce que la vie de Dieu est en nous, et que le Verbe de Dieu demeure dans notre âme? Non, car il y a une différence entre la participation que le Fils de Dieu nous donne à sa vertu lorsqu'il demeure en nous, et l'union étroite par laquelle il s'est incarné dans le corps qu'il a pris dans le sein de la vierge Marie, et dont il a fait son propre corps. Il était convenable, en effet, que le Fils de Dieu s'unit à nos corps par sa chair sacrée et son sang précieux que nous recevons sous les espèces du pain et du vin, pour nous communiquer une bénédiction vivifiante. Nous aurions eu horreur de la chair et du sang placés sur les saints autels, Dieu, plein de condescendance pour notre faiblesse, a donc communiqué aux dons offerts une vertu vivifiante en les changeant véritablement en sa propre chair, afin que ce corps vivifiant soit en nous comme une semence de vie, il ajoute: «Faites ceci en mémoire de moi». - S. Chrys. (hom. 46 sur S. Jean). Jésus-Christ a institué ce mystère pour nous faire contracter avec lui une alliance plus étroite, et nous manifester toute l'étendue de son amour; c'est pour cela que, non seule ment il se rend visible à ceux qui désirent le voir, mais encore qu'ils les laissent le toucher, le manger, l'embrasser et rassasier leurs saints désirs. Nous sortons donc de cette table, semblables à des lions qui respirent la flamme, et devenus terribles au démon. - S. Bas. (Moral., règl. 21, chap. 3, et régl. abrég., quest. 172). Apprenez à quelles conditions il nous est permis de manger le corps de Jésus-Christ, c'est-à-dire, en mémoire de l'obéissance qu'il a portée jusqu'à la mort, de sorte que ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux. (2Co 5,45). - Théophyl. Il est question dans saint Luc de deux coupes, l'une dont Jésus dit plus haut: «Prenez-la et distribuez-la entre vous»; la seconde qu'il distribue lui-même à ses disciples après la fraction et la distribution du pain, et dont il est dit: «De même le calice après le souper». - Bède. Il faut sous-entendre: Il leur donna, afin que la phrase soit complète. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 3, 1). Ou encore, saint Luc parle deux fois de la coupe, d'abord avant que Jésus distribuât le pain, et une seconde fois lorsqu'il l'eût distribué; ce qu'il en dit en premier lieu, il le fait par anticipation, selon sa coutume, et il raconte ensuite en son temps ce dont il n'avait point parlé précédemment; or, en réunissant ces deux parties, nous avons le même récit que nous donne saint Matthieu et saint Marc. - Théophyl. Le Sauveur appelle ce calice le calice du Nouveau Testament: «Ce calice est le Nouveau Testament en mon sang qui sera répandu pour vous». Il nous apprend ainsi que le Nouveau Testament commence dans son sang. En effet, dans l'Ancien Testament, le sang des animaux vint consacrer la promulgation de la loi, et maintenant le sang du Verbe de Dieu est pour nous le signe sacré de la nouvelle alliance. Ces paroles: «Qui sera répandu pour vous», ne signifient pas que Jésus-Christ n'ait donné son corps et répandu son sang que pour les Apôtres seuls, car il a donné l'un et l'autre pour le salut du genre humain tout entier. La pâque ancienne avait pour objet la délivrance de la servitude d'Égypte, le sang de l'agneau avait été versé pour sauver de la mort les premiers nés des Hébreux; la pâque nouvelle a pour fin la rémission des péchés, et le sang de Jésus-Christ est versé pour le salut éternel de ceux qui sont consacrés au service de Dieu. - S. Chrys. (hom. 46 sur S. Jean). Ce sang imprime en nous l'image auguste de notre roi, il préserve de toute flétrissure la noblesse de notre âme, il pénètre notre coeur de sa divine rosée, et lui inspire une force surhumaine. Ce sang met en fuite les démons et fait descendre en nous les anges et le Seigneur des anges; ce sang répandu sur la terre l'a purifiée et lui a ouvert les portes des cieux. Ceux qui participent à ce sang divin sont associés aux vertus des cieux, revêtus du manteau royal de Jésus-Christ, ou plutôt revêtus de ce divin roi lui-même. Or, si vous approchez de lui avec un coeur pur, il sera pour vous un principe de grâce et de salut; mais si vous osez vous présenter devant lui avec une conscience coupable, vous commettez un sacrilège et vous le recevez pour votre condamnation et votre supplice. En effet, si ceux qui profanent la pourpre royale sont punis du même châtiment que ceux qui la mettent en pièces, est-il contraire à la raison de dire que ceux qui reçoivent le corps de Jésus-Christ dans une conscience souillée, méritent le même supplice que ceux qui l'ont percé de clous? - Bède. Comme le pain a pour but de fortifier notre corps, et le vin de produire le sang dans nos membres, l'un, le pain, se rapporte au corps de Jésus-Christ, et le vin à son sang. Mais aussi comme nous devons demeurer en Jésus-Christ, et que Jésus-Christ doit demeurer en nous, on mêle au vin de l'eau dans le calice du Seigneur, car au témoignage de l'apôtre saint Jean, les eaux sont la figure des peuples (Ap 17). Le Sauveur distribue d'abord le pain, et puis ensuite le calice; en effet, dans la vie spirituelle, il faut commencer par les actions laborieuses et pénibles qui sont comme le pain, non seulement parce que nous ne devons manger notre pain qu'à la sueur de notre front (Gn 3), mais parce que le pain quand on le mange est d'une déglutition tant soit peu difficile. Ensuite aux fatigues de cette vie laborieuse, succède la joie produite par la grâce divine dont le calice est la figure. - Bède. Les Apôtres communièrent au corps de Jésus-Christ après la cène, parce qu'il fallait d'abord accomplir et terminer la pâque figurative avant de célébrer les mystères de la véritable pâque. Mais depuis, pour l'honneur d'un si grand sacrement, l'autorité de l'Église nous a ordonné de prendre tout d'abord cette nourriture spirituelle avant tout aliment terrestre. - Eutych. Patriar. Or, celui qui communie reçoit tout le corps et tout le sang du Seigneur, alors même qu'il ne reçoit qu'une partie des espèces consacrées; car de même qu'un sceau imprime son empreinte tout entière sur plusieurs choses à la fois, et demeure intégralement le même après l'avoir communiquée; de même encore qu'une seule et même parole se fait entendre à un grand nombre, nous devons croire aussi sans hésiter que le corps et le sang du Seigneur sont tout entiers dans tous ceux qui communient. Quant à la fraction du pain consacré, elle est une figure de la passion.


vv. 21-23

11221 Lc 22,21-23

S. Aug. (de l'acc. des Evang., 3, 1) Après avoir distribué le calice è ses disciples, Notre-Seigneur parle de nouveau de celui qui devait le trahir: «Cependant voici que la main de celui qui me trahit est avec moi à cette table». - Théophyl. Il tient ce langage, non seulement pour montrer qu'il connaît l'avenir, mais pour faire ressortir sa grande bonté, qui épuisa tous les moyens propres à détourner Judas de son perfide dessein. C'est ainsi qu'il nous donne l'exemple du zèle avec lequel nous devons poursuivre jusqu'à la fin la conversion des pécheurs. Il veut aussi nous montrer la noire méchanceté de ce traître disciple qui ne rougit point de s'asseoir à la table de son Maître. - S. Chrys. (hom. 83 sur S. Matth). La participation aux divins mystères ne le fait pas renoncer à son dessein; son crime n'en devient donc que plus monstrueux, et parce qu'il a osé s'approcher des saints mystères avec cette intention criminelle, et parce qu'il les reçoit sans en devenir meilleur, et en restant insensible à la crainte, aussi bien qu'à la reconnaissance et à l'honneur incomparable que le Sauveur lui témoigne. - Bède. Et cependant Jésus ne le désigne pas spécialement, de peur que ce reproche public ne le rende plus audacieux, et il parle en général de celui qui doit le trahir, pour toucher de repentir celui qui se sentira coupable. Il prédit en même temps le châtiment dont le traître sera puni, pour ramener par la perspective du supplice celui que la honte n'a pu fléchir: «Pour ce qui est du Fils de l'homme, il s'en va», etc. - Théophyl. Ce n'est pas qu'il n'eût pu se défendre lui-même, mais parce qu'il avait résolu de souffrir la mort pour le salut des hommes.

S. Chrys. Quant à Judas, il accomplissait les Écritures avec une pensée criminelle; gardons-nous de le justifier comme ayant été l'instrument de la Providence; écoutons plutôt le Sauveur: «Cependant malheur à l'homme par lequel il sera trahi !» - Bède. Malheur aussi à l'homme qui s'approche indignement de la table du Seigneur, et qui, à l'exemple de Judas, trahit le Fils de l'homme, en le livrant non pas aux Juifs, mais à des membres souillés par le péché ! Les onze Apôtres savaient bien qu'ils ne méditaient rien contre leur divin Maître; néanmoins ils s'en rapportent plus volontiers à son témoignage, qu'à celui de leur conscience, et la crainte de leur faiblesse leur fait se demander s'ils ne sont pas coupables d'une faute qu'ils ne découvrent point en eux-mêmes: «Et ils commencèrent à se demander les uns aux autres», etc. - S. Bas. (règ. aarég. quest. 301). Parmi les maladies du corps, il en est qui ne sont point senties par ceux mêmes qui en sont atteints, et ils ont plus de foi aux conjectures des médecins qu'à leur propre insensibilité. Il en est de même pour les maladies de l'âme, celui qui ne se sent point coupable, doit s'en rapporter plus volontiers au témoignage de ceux qui peuvent mieux connaître l'état de son âme.


vv. 24-27

11224 Lc 22,24-27

Théophyl. Ils venaient de rechercher entre eux quel était celui qui trahirait le Seigneur, il était donc naturel de les entendre se dire l'un à l'autre: «C'est vous qui le trahirez», et de tirer cette conclusion: «Je suis le premier, c'est moi qui suis le plus grand», et autres choses semblables. C'est ce que raconte l'Évangéliste: «Il s'éleva aussi parmi eux une contestation, lequel d'entre eux devait être estimé le plus grand». - Apollin. (Ch. des Pèr. gr). Ou encore, la cause de cette contestation put venir de ce que le Seigneur devant bientôt quitter la terre, il fallait que l'un d'eux fût mis à la tête des autres, et tînt la place du Sauveur. Or, de même que les bons cherchent dans les Écritures les exemples de nos pères dans la foi qui peuvent augmenter en eux le zèle pour la perfection et l'humilité, de même aussi les méchants saisissent avec joie ce qu'il peut y avoir de répréhensible dans la conduite des élus, pour autoriser et couvrir leurs propres fautes. Aussi sont-ils enchantés de lire qu'une contestation s'éleva entre les disciples de Jésus-Christ. - S. Ambr. La conduite des Apôtres dans cette circonstance, n'est point pour nous une excuse, mais un avertissement. Veillons donc à ce qu'aucune contestation sur la préséance ne s'élève entre nous pour notre perte. - Bède. Considérons plutôt, non ce que les Apôtres ont fait sous l'impression d'un sentiment tout humain, mais la recommandation que leur a faite leur divin Maître: «Il leur dit: Les rois des nations», etc. - S. Chrys. (hom. 66 sur S. Matth). Il dit: «Les rois des nations», ce qui déjà est un préjugé défavorable contre l'action dont il s'agit; car c'était le défaut dominant des païens d'ambitionner la primauté. - S. Cyr. Ajoutons que leurs sujets leur adressent des paroles de flatterie: «Et ceux qui exercent sur elles l'autorité, sont appelés bienfaiteurs». Comme ils sont étrangers à toutes les lois divines, ils sont en proie à toutes ces passions funestes; mais pour vous, votre grandeur sera dans la pratique de l'humilité: «Mais pour vous, il n'en sera pas ainsi», etc. - S. Bas. (rég. dévelop., quest. 30 et 3 1). Que personne donc ne s'enorgueillisse de la préséance, s'il ne veut perdre le mérite et la récompense de la béatitude promise à l'humilité (Mt 5), et qu'il sache que la véritable humilité nous porte à être le serviteur de tous nos frères. Or, de même que celui qui est chargé du soin d'un grand nombre de blessés, et qui étanche le sang de leurs plaies, ne s'enorgueillit point des services qu'il leur rend, à plus forte raison celui à qui Dieu a confié le soin de guérir les langueurs spirituelles de ses frères, et qui doit, comme serviteur de tous, rendre compte de tout au tribunal de Dieu, doit veiller avec le plus grand soin sur lui-même, et ainsi: «Celui qui est le plus grand, doit être comme le moindre». Il est juste encore que ceux qui sont à la tête des autres, leur rendent des services même corporels, à l'exemple de Notre-Seigneur qui a lavé les pieds de ses disciples: «Et celui qui a la préséance, doit être comme celui qui sert». Il n'est pas à craindre que cette condescendance du supérieur ne détruise l'humilité dans, l'inférieur, c'est au contraire pour lui une éclatante leçon d'humilité.

S. Ambr. Remarquez que l'humilité ne consiste pas seulement dans les marques d'honneur que vous témoignez aux autres; car vous pouvez agir en cela pour obte nir la faveur du monde, par crainte de ceux qui ont la puissance, ou par un motif d'intérêt personnel; vous cherchez alors votre avantage, plutôt que l'honneur des autres; aussi Notre-Seigneur formule-t-il pour tous la même règle qui défend toute recherche de la préséance, et ne permet que les saintes luttes de l'humilité. - Bède. Pour suivre cette règle que prescrit le Seigneur, les supérieurs ont besoin d'un grand discernement, ils doivent éviter l'esprit de domination sur leurs inférieurs, ce qui est le propre des rois des nations, et la vaine complaisance dans les louanges qui leur sont données, sans cesser néanmoins d'être animés du zèle de la justice contre les vices des coupables. Le Sauveur confirme ensuite cette leçon par son exemple: «Car quel est le plus grand, celui qui est à table, ou celui qui sert? Et moi cependant je suis au milieu de vous comme celui qui sert». - S. Chrys. Paroles qui reviennent à celles-ci: Ne croyez pas que vos inférieurs aient besoin de vous, tandis que pour vous, vous en êtes complètement indépendants; car moi-même, qui n'ai besoin de personne, de qui, au contraire, toutes les créatures du ciel et de la terre ont besoin, je suis descendu au rang de serviteur.
- Théophyl. Il a exercé à leur égard les fonctions de serviteur, lorsqu'il leur a distribué le pain sacré et le calice, et il fait mention de ce fait pour leur rappeler que puisqu'ils ont mangé du même pain et bu du même calice, ils doivent tous faire profession des mêmes sentiments que Jésus-Christ, qui n'a point dédaigné de se rendre leur serviteur. - Bède. Ou encore, il veut parler de l'humble office qu'il a rempli en leur lavant les pieds, lui leur Maître et Seigneur (Jn 13, 34). On pourrait encore appliquer cet office de serviteur à toutes les actions de sa vie mortelle. Enfin, on peut aussi l'entendre du sang qu'il a répandu sur la croix pour notre salut.


vv. 28-30

11228 Lc 22,28-30

Théophyl. De même que Notre-Seigneur avait dit malheur au traître, il promet des récompenses aux disciples qui lui resteront fidèles: «Pour vous, vous êtes demeurés avec moi dans mes tentations», etc. - Bède. Ce n'est point aux premiers essais de la vertu de patience, mais à la persévérance qu'est donnée la gloire du royaume des cieux; parce qu'en effet, la persévérance (qui est aussi appelée constance ou force d'âme), est comme la base et la colonne de toutes les vertus, Ce sont donc ceux qui ont persévéré avec lui dans les tentations, que le Fils de Dieu fait entrer dans son royaume éternel; car si nous sommes implantés en lui pour la ressemblance de sa mort, nous y serons aussi entés pour sa résurrection (Rm 6, 8), comme l'ajoute le Sauveur: «Et moi, je vous prépare un royaume», etc.

S. Ambr. Le royaume de Dieu n'est pas de ce monde. Remarquons ici que l'homme ne doit pas ambitionner la parfaite égalité avec Dieu, mais seulement la ressemblance avec lui; car Jésus-Christ seul est la parfaite image de Dieu, parce qu'il reproduit en lui l'unité de la gloire du Père. L'homme juste porte en lui l'image de Dieu, lorsque la connaissance de Dieu le porte à mépriser le monde pour reproduire en lui la ressemblance de la vie divine. Or, nous mangeons le corps de Jésus-Christ afin de pouvoir participer à la vie éternelle, suivant la promesse du Sauveur: «Afin que vous mangiez et que vous buviez à ma table dans mon royaume». Ce que Jésus-Christ nous promet ici pour récompense, n'est ni le manger, ni le boire, mais la communication de la grâce et de la vie des cieux. - Bède. Ou encore, cette table qui est préparée pour le bonheur de tous les saints, c'est la gloire elle-même de la vie des cieux, dont ceux qui ont eu faim et soif de la justice seront rassasiés, par la pleine jouissance du vrai bien, objet de tous leurs désirs. - Théophyl. Ces paroles du Sauveur ne signifient donc point qu'il y aura dans les cieux des aliments matériels, ni que son royaume doit être extérieur et sensible; car la vie des élus sera semblable à celle des anges, comme il l'a prédit lui-même aux sadducéens (Mt 22; Lc 20); et saint Paul, d'ailleurs, nous déclare que le royaume de Dieu n'est ni dans le manger ni dans le boire (Rm 14, 17).

S. Cyr. Notre-Seigneur explique les vérités spirituelles par des comparaisons prises dans ce qui se passe au milieu de nous. En effet, ceux qui s'asseoient à la table des rois de la terre, jouissent auprès d'eux de certaines prérogatives, et c'est par cet usage qu'il veut nous faire comprendre ceux qui auront part aux premiers honneurs dans son royaume. - Bède. C'est la droite du Très-Haut qui opère cette transformation (Ps 117); elle fait asseoir à la table des cieux pour les nourrir des mets de la vie éternelle ceux qui sur la terre se sont fait gloire d'être les humbles serviteurs de leurs frères; et elle établit les justes juges de leurs persécuteurs, ceux qui sont restés fidèles avec le Seigneur au milieu des tentations et des injustes jugements des hommes: «Et que vous siégiez sur douze trônes, pour juger les douze tribus d'Israël». - Théophyl. C'est-à-dire pour condamner dans les douze tribus ceux qui auront persévéré dans l'infidélité. - S. Ambr. Ces douze trônes ne sont point des siéges matériels et sensibles comme ceux dont se servent les hommes pour s'asseoir; mais il faut les entendre dans ce sens, que de même que Jésus-Christ juge comme Dieu, récompense la vertu et punit l'impiété par la seule connaissance qu'il a des coeurs, et sans avoir besoin de discuter les actions; ainsi les Apôtres entreront en participation de ce jugement tout spirituel, par les louanges qu'ils donneront à la foi et l'horreur qu'ils témoigneront pour l'infidélité, en condamnant l'erreur par l'exemple de leur vertu, et en poursuivant de leur haine le crime des sacrilèges.

S. Chrys. (hom. 65 sur S. Matth). Mais est-ce que Judas prendra place aussi avec les autres Apôtres? Non, sans doute, écoutez la loi que Dieu proclame par la bouche du prophète Jérémie: «Lorsque j'aurai promis quelque bien ou quelque faveur, si vous vous en rendez indigne, je vous châtierai (Jr 18,9-10) ». Aussi la promesse du Sauveur n'est pas absolue, mais conditionnelle: «Vous qui avez persévéré avec moi dans les tentations». - Bède. Judas est donc exclus de ces magnifiques promesses; il faut d'ailleurs admettre qu'il était sorti avant ces paroles de Notre-Seigneur. Nous devons aussi excepter de ces promesses ceux qui se retirèrent de Jésus et ne marchèrent plus avec lui après qu'ils l'eurent entendu parler de l'incompréhensible sacrement de son corps et de son sang (Jn 6,67).



Catena Aurea 11207