Catena Aurea 11231
11231 Lc 22,31-34
Bède. Dans la crainte que les onze Apôtres ne se laissent aller à un sentiment d'orgueil et n'attribuent à leurs propres forces d'avoir été presque les seuls de tant de milliers de Juifs, pour demeurer avec le Seigneur au milieu des tentations, le Sauveur leur déclare que s'ils n'avaient été protégés et soutenus par l'assistance divine, ils eussent été brisés comme les autres par la même tempête: «Le Seigneur dit encore Simon, Simon, voilà que Satan vous a demandés pour vous cribler comme le froment», etc. C'est-à-dire, qu'il a demandé à vous tenter et à vous secouer, comme on secoue le froment pour le cribler, paroles qui nous apprennent que le démon ne peut tenter la foi de personne sans la permission de Dieu. - Théophyl. Il s'adresse à Pierre, parce qu'il était plus fort que les autres, et qu'il pouvait s'enorgueillir des promesses que Jésus-Christ lui avait faites. Ou encore, il veut nous apprendre que les hommes qui ne sont rien (tant par leur nature que par la faiblesse de leur esprit), doivent fuir tout désir de domination sur leurs frères, c'est pour cela que, laissant tous les autres disciples, il s'adresse à Pierre qui avait été placé à leur tête: «J'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas».
S. Chrys. (hom. 83 sur S. Matth). Il ne dit pas: J'ai voulu, mais: «J'ai prié», langage plein d'humilité qu'il tient aux approches de sa passion, pour prouver la vérité de sa nature humaine. Car comment supposer que celui qui, sans recourir à la prière, avait dit avec le ton du commandement: «Sur cette pierre je bâtirai mon Église, et je te donnerai les clefs du royaume des cieux», ait eu besoin de la prière pour confirmer dans la foi l'âme chancelante d'un homme? Il ne lui dit pas non plus: J'ai prié, afin que tu ne me renies point, mais afin que tu ne perdes point la foi. - Théophyl. Tu seras, il est vrai, ébranlé pour un moment, mais tu conserveras la semence de la foi que j'ai déposée dans ton âme; le vent des tentations fera tomber les feuilles, mais la racine demeurera ferme. Satan, jaloux de l'amour que je te porte, demande et cherche à te nuire, et bien que j'ai prié pour toi, tu ne laisseras pas de succomber à ses attaques: «Et quand tu seras converti, confirme tes frères». C'est-à-dire, après que tu auras expié dans les larmes et dans la pénitence le crime de m'avoir renié, confirme tes frères, toi que j'ai établi le prince des Apôtres; c'est là ton devoir, comme étant avec moi la force et la pierre fondamentale de l'Église. Ce ne sont point seulement les Apôtres qui existaient alors que Pierre devait fortifier, mais tous les fidèles qui se succéderont jusqu'à la fin du monde. Que personne donc, parmi les chrétiens, ne perde confiance en voyant cet Apôtre renier son divin Maître, et recouvrer ensuite par la pénitence la sublime prérogative qui fait de lui le souverain Pontife du monde entier.
S. Cyr. Admirez ici la patience vraiment inépuisable de Dieu, pour empêcher son disciple de tomber dans la défiance et le désespoir, il lui promet le pardon avant même qu'il ait commis son crime, et il le rétablit ensuite dans tous les droits de sa dignité d'Apôtre, en lui disant: «Et toi, quand tu seras converti, confirme tes frères». - Bède. C'est-à-dire, j'ai préservé ta foi par mes prières, afin qu'elle ne vint point à défaillir. Souviens-toi donc aussi de fortifier la faiblesse de tes frères, afin qu'ils ne désespèrent point du pardon. - S. Athan. Gardez-vous donc de tout sentiment d'orgueil, gardez-vous du monde, c'est à celui qui a dit: «Nous avons tout quitté pour vous suivre», (Mt 19) que Notre-Seigneur commande de confirmer ses frères.
Bède. Le Seigneur ayant promis à Pierre qu'il prierait, pour que sa foi ne vînt pas à défaillir, cet Apôtre, plein de confiance dans l'amour qu'il ressent pour le Sauveur, dans la ferveur de sa foi, et ne prévoyant point la chute lamentable qu'il va faire, ne peut croire qu'il puisse jamais être infidèle à son maître: «Pierre lui dit: Seigneur, je suis prêt à aller avec vous en prison et à la mort». - Théophylacte. La grandeur de son amour l'enflamme et lui fait promettre l'impossible, tandis qu'il aurait dû ne point s'obstiner, en entendant la vérité même lui prédire qu'il succomberait à la tentation. Or, le Seigneur voyant ce langage présomptueux, lui précise la tentation à laquelle il doit succomber; et lui prédit qu'il le reniera «Jésus lui répondit: Je te le dis, Pierre, le coq ne chantera point aujourd'hui que tu ne m'aies renié», etc. - S. Athan. Le Sauveur prédit à Pierre, dont l'esprit était prompt mais dont la chair était faible, qu'il le renierait, car il ne pouvait égaler le courage et la force d'âme de son divin Maître. Notre-Seigneur, dans sa passion, peut avoir des imitateurs mais pas d'égaux. - Théophyl. Il nous donne ici une grande leçon, c'est que la volonté de l'homme ne peut rien sans le secours de Dieu. Pierre, en effet, malgré toute sa ferveur, fut abandonné de Dieu, et vaincu par l'ennemi du salut.
S. Bas. (Régl. abrég., guest. 8). Il est bon de savoir que Dieu permet quelquefois que les justes eux-mêmes fassent des chutes pour les guérir de l'orgueil dont ils se sont précédemment rendus coupables. Bie n que leurs fautes paraissent avoir les mêmes caractères que celles des autres, il y a cependant une grande différence; le juste, en effet, pèche comme par surprise, et presque sans le vouloir, tandis que les autres pèchent sans prendre aucun souci, ni d'eux-mêmes, ni de Dieu, et ne mettent même aucune distinction entre le péché et la vertu. Aussi ne doivent-ils pas être repris de la même manière, l'âme timorée a besoin d'être soutenue, et la réprimande qui lui est faite doit se borner à la faute qu'elle a commise. Quant aux autres, au contraire, qui ont détruit dans leur âme tout ce qu'il y avait de bien, il faut les soumettre aux châtiments, aux avertissements, aux reproches sévères, jusqu'à ce qu'ils comprennent qu'ils ont pour juge un Dieu juste, et qu'ils en conçoivent une crainte salutaire.
S. Amb. (De l'acc. des Evang., 3, 2). Tous les évangélistes racontent cette prédiction que le Sauveur fit à Pierre, qu'il le renierait, mais tous ne la racontent pas dans les mêmes circonstances. Saint Matthieu et saint Marc placent cette prédiction après que Notre-Seigneur fut sorti de la maison où il avait mangé la pâque; saint Luc et saint Jean, avant qu'il en fût sorti. Il nous serait facile de les concilier en disant que les deux derniers racontent cette prédiction, comme par récapitulation, et les deux autres par anticipation, si nous n'étions arrêtés par les paroles si diverses du Sauveur, et par les avertissements si différents, qui donnent lieu à Pierre de faire cette promesse si téméraire de mourir pour son Maître ou avec son Maître; ce qui nous force d'admettre que Pierre fit éclater trois fois sa confiance présomptueuse à l'occasion de trois divers discours du Seigneur, et qu'à trois reprises, le Seigneur lui répondit qu'il le renierait trois fois avant que le coq eût chanté.
11235 Lc 22,35-38
S. Cyr. Notre-Seigneur avait prédit à Pierre qu'il le renierait alors qu'il le verrait au pouvoir de ses ennemis; et comme il avait déjà parlé de la manière dont les Juifs s'empareraient de sa personne, il annonce à ses disciples la lutte qu'ils vont avoir à soutenir contre les Juifs: «Il leur dit ensuite: Quand je vous ai envoyés sans bourse»,etc. En effet, le Sauveur avait envoyé ses saints Apôtres prêcher le royaume des cieux dans les villes et les bourgades, en leur défendant toute préoccupation des besoins du corps, et leur commandant de mettre en lui toute leur confiance pour les choses de la vie,
S. Chrys. (sur ces par. de Rm 16, 3: Saluez Priscille et Aquilée) Celui qui enseigne l'art de la natation, commence par soutenir avec grande attention ses élèves de la main, mais ensuite il retire de temps en temps la main, et leur commande de s'aider eux-mêmes, il les laisse même s'enfoncer quelque peu. Notre-Seigneur tient cette conduite à l'égard de ses disciples. Dans les commencements il était attentif à tous leurs besoins, et leur préparait toutes choses avec une extrême abondance: «Et ils lui dirent: Nous n'avons manqué de rien». Mais lorsque le moment fut venu pour eux de montrer leurs propres forces, il leur retira une partie de son secours et voulut qu'ils agissent un peu par eux-mêmes. Il leur dit donc: «Mais maintenant que celui qui a une bourse (pour mettre son argent), la prenne, qu'il prenne de même son sac qui porte ses vivres». Or, lorsqu'ils n'avaient ni chaussures, ni ceinture, ni bâton, ni argent, ils n'ont manqué absolument de rien; au contraire, dès que le Sauveur leur eut permis d'avoir une bourse et un sac, ils furent exposés à souffrir la faim, la soif, la nudité; comme s'il leur disait: Jusqu'à présent vous avez eu tout en abondance, maintenant je veux que vous éprouviez la pauvreté; aussi je ne vous oblige plus d'observer la loi que je vous ai donnée en premier lieu (Mt 10, 18; Mc 6, 8; Lc 9, 3), et je vous permets de porter une bourse et un sac. Dieu aurait pu sans doute les maintenir dans cette même abondance, il ne le voulut pas pour plusieurs raisons: premièrement, afin que ses disciples, loin de rien s'attribuer, fussent obligés de reconnaître que tout ce qu'ils avaient venait de Dieu; secondement, pour leur apprendre à se conduire eux-mêmes; troisièmement pour prévenir l'idée trop avantageuse qu'ils auraient eue d'eux-mêmes. Ainsi, comme il permet que ses disciples soient exposés à des épreuves imprévues, il adoucit la sévérité de la première loi qu'il leur avait imposée, pour que la vie ne fût pas pour eux trop dure et trop accablante. - Bède. Le Sauveur ne prescrit pas à ses disciples la même règle de vie pour les temps de persécution et pour les temps de paix. Lorsqu'il envoie ses disciples prêcher l'Évangile, il leur défend de rien emporter avec eux, il veut que celui qui annonce l'Évangile, vive de l'Évangile, mais quand l'heure de sa mort approche, et que le peuple juif tout entier est sur le point de persécuter à la fois le pasteur et le troupeau, il leur donne, une règle appropriée aux circonstances, et leur permet d'emporter les choses nécessaires à la vie, jusqu'à ce que la fureur des persécuteurs soit apaisée, et que le temps d'annoncer l'Évangile soit revenu. Il nous donne en même temps l'exemple de nous relâcher un peu pour une cause juste et pressante des règles sévères que nous nous sommes prescrites. - S. Aug. (cont. Faust., 12, 77). Le Sauveur n'agit donc point ici par inconstance, mais par une sage économie, il modifie suivant la diversité de temps, ses préceptes, ses conseils ou ses permissions.
S. Ambr. Mais pourquoi Notre-Seigneur, qui défend de frapper, commande-t-il d'acheter un glaive? C'est pour les préparer à une légitime défense, et non pour autoriser un acte de vengeance, et pour qu'il soit bien constant qu'on a renoncé à se venger, alors qu'on aurait pu le faire. Il ajoute: «Et que celui qui n'en a point, vende sa tunique et achète une épée». - S. Chrys. Que signifient ces paroles? Jésus a dit à ses disciples: «Si l'on vous frappe sur la joue droite, présentez l'autre», (Mt 6) et voilà qu'il les arme pour se défendre, et seulement d'une épée. S'il jugeait nécessaire de les armer, il fallait joindre à l'épée le bouclier et le casque. Mais encore quand ils auraient eu ces armes par milliers, comment les Apôtres auraient-ils pu lutter contre tant de violences et d'embûches venant à la fois des peuples, des tyrans, des villes et des nations. Le seul aspect des armées ennemies eût jeté la terreur dans l'âme de ces hommes, qui avaient passé leur vie sur le bord des lacs et des fleuves. Ne croyons donc pas que Notre-Seigneur commande ici à ses disciples de se munir de glaives, il se sert ici de cette expression pour figurer les embûches que les Juifs lui tendaient pour le perdre. C'est pour cela qu'il ajoute: «Car je vous le dis, il faut encore que cette parole de l'Écriture s'accomplisse en moi». «Il a été mis au rang des malfaiteurs». (Is 52). - Théophyl. Le Sauveur, qui venait d'entendre ses disciples se disputer entre eux la préséance, leur dit: Ce n'est point ici le moment de vous occuper des premières places, c'est le temps des dangers et des blessures, moi-même qui suis votre maître, je vais être conduit à une mort ignominieuse et mis au rang des malfaiteurs, car toutes les prédictions qui me regardent touchent à leur fin, c'est-à-dire, à leur accomplissement. Sous cette image du glaive, Notre-Seigneur leur fait pressentir l'agression violente dont il va être l'objet, il ne la leur révèle pas tout entière pour ne point les frapper de terreur et d'abattement, il ne veut pas non plus la leur laisser entièrement ignorer, de peur que cette attaque subite et imprévue ne vînt les ébranler. Les disciples ainsi avertis, rappelleraient plus tard leurs souvenirs, et admireraient comment leur divin Maître s'était offert lui-même dans sa passion pour être la rançon du genre humain. - S. Bas. (Règl. abrég., quest. 31). Ou encore, le Seigneur ne fait pas ici un commandement de porter une bourse et un sac et d'acheter un glaive, mais il prédit ce qui doit arriver à ses Apôtres, qui, oubliant les circonstances de la passion, les grâces qu'ils avaient reçues, et la loi de Dieu, oseront se servir de l'épée; souvent, en effet, l'Écriture emploie l'impératif pour l e futur dans les prophéties, quoique cependant, dans plusieurs manuscrits, on ne lise point: Qu'il prenne, qu'il porte et qu'il achète, mais: «Il prendra, il portera, il achètera». - Théophyl. Ou bien, il leur annonce qu'ils auront à souffrir la faim et la soif (sous l'expression figurée du sac), et de nombreuses tribulations (figurées par le glaive).
S. Cyr. Ou bien encore, ces paroles du Sauveur: «Que celui qui a une bourse la prenne, et qu'il prenne aussi un sac», ne s'adressent pas à ses disciples, mais à tous les Juifs en général, et il semble leur dire: Si quelqu'un, parmi vous, a de grandes richesses, qu'il les réunisse et qu'il prenne la fuite; et si quelque habitant de ce pays se trouve réduit à la dernière indigence, qu'il vende sa tunique pour acheter une épée; car le choc de l'attaque qui viendra fondre sur eux sera si terrible, que rien ne pourra lui résister. Il leur fait connaître ensuite la cause de ces calamités, c'est-à-dire parce qu'il a été condamné au supplice destiné aux criminels, et qu'il a été crucifié avec des voleurs. Or, lorsque ce crime aura été consommé, les prophéties qui avaient pour objet la rédemption seront accomplies, et les persécuteurs subiront les châtiments prédits par les prophètes. Notre-Seigneur a donc prédit ici le sort réservé à la nation juive; mais les disciples ne comprenaient pas la portée de ses paroles et pensaient que c'était pour résister à l'attaque du perfide disciple qu'il était besoin d'épées: «Ils lui dirent donc: Seigneur, voici deux épées». - S. Chrys. Si son intention était qu'ils eussent recours pour le défendre à des moyens humains, cent épées n'auraient pas suffi, et s'il ne voulait qu'ils se servissent de ces moyens naturels, ces deux épées étaient même de trop.
Théophyl. Le Seigneur ne voulut point les reprendre de leur peu d'intelligence, il se contenta de leur dire: «C'est assez», c'est ce que nous disons nous-mêmes lorsqu'une personne à qui nous adressons la parole, ne nous comprend pas: C'est bien, cela suffit, pour ne pas la fatiguer davantage. Quelques-uns prétendent que c'est par ironie que le Sauveur dit: «C'est assez», comme pour dire: Puisqu'il y a deux épées, elles suffiront pour nous défendre contre la multitude qui doit nous assaillir. - Bède. Ou bien encore, ces deux épées suffisent pour attester que le Sauveur a souffert volontairement sa passion, l'une témoigne du courage des Apôtres pour défendre leur divin Maître, et de la puissance qu'il a de guérir les blessures; l'autre, qui n'est point tirée du fourreau, prouve qu'il ne leur a pas permis de faire tout ce qu'ils auraient pu pour le défendre. - S. Ambr. Ou bien encore, comme la loi ne défendait pas de frapper celui qui avait frappé, peut-être le Seigneur dit-il a Pierre: «C'est assez», pour faire entendre que cette juste vengeance n'était permise que jusqu'au règne de l'Évangile, parce que la loi ne commandait que la stricte justice, tandis que l'Évangile enseigne la charité parfaite. Il y a aussi un glaive spirituel qui porte le chrétien à vendre son patrimoine pour acheter la parole qui est comme le vêtement intérieur de l'âme. Il y a encore le glaive de la souffrance qui nous fait sacrifier notre corps, et acheter la couronne sacrée du martyre avec les dépouilles de notre chair immolée. Dans ces deux g laives que les disciples avaient avec eux, je ne puis m'empêcher de voir encore la figure de l'Ancien et du Nouveau Testament, qui sont les armes mises en nos mains contre les attaques insidieuses du démon (Ep 6, 13.17). Enfin Notre-Seigneur dit: «C'est assez», comme pour dire que rien ne manque à celui qui a pour armes la doctrine de l'Ancien et du Nouveau Testament.
11239 Lc 22,39-42
Bède. Le Sauveur voyant arriver l'heure où son disciple devait le trahir, se dirige vers l'endroit où il avait coutume de se retirer, pour que ses ennemis le trouvent plus facilement: ce Et étant sorti, il s'en alla, suivant sa coutume, à la montagne des Oliviers». - S. Cyr, Il passait toute la journée dans la ville de Jérusalem, et le soir venu, il se retirait avec ses disciples sur la montagne des Oliviers: «Et ses disciples le suivirent». -
Bède. C'est avec dessein qu'après les avoir nourris des mystères de son corps et de son sang, il les conduit sur la montagne des Oliviers, pour nous apprendre que tous ceux qui ont été baptisés en sa mort, doivent être confirmés par l'onction du Saint-Esprit.
Théophyl. Après le repas, le Seigneur ne se laisse aller ni à l'oisiveté, ni aux douceurs du repos, ni au sommeil, mais il s'applique à la prière et à l'enseignement: ce Lorsqu'il fut arrivé en ce lieu, il leur dit: Priez», etc. - Bède. Il est impossible que l'âme de l'homme soit exempte de tentations. Aussi ne leur dit-il pas: Priez afin de n'être point tentés, mais: «Priez, afin de ne point entrer en tentation»; c'est-à-dire afin de n'être pas vaincus dans cette dernière tentation.
S. Cyr. Mais ce n'est pas seulement par ses paroles qu'il veut leur être utile; il s'avance donc un peu plus loin, et se met en prière: «Et il s'éloigna d'eux à la distance d'un jet de pierre», etc. Partout vous voyez le Sauveur se retirer à l'écart pour prier, il vous apprend ainsi la nécessité du recueillement de l'esprit et de la paix du coeur pour vous entretenir avec le Dieu très-haut, Or, s'il s'applique ainsi à la prière, ce n'est point qu'il ait besoin d'un secours étranger, lui qui est la vertu toute puissante du Père, mais il veut nous apprendre qu'il ne faut pas s'endormir dans les tentations, mais prier avec plus d'instance. - Bède. Le Sauveur prie seul pour tous les hommes, lui qui devait seul souffrir pour tous, et il nous enseigne par là que sa prière est aussi élevée au-dessus de la nôtre, que sa passion l'est au-dessus de nos souffrances. - S. Aug. (Quest. évang., 2, 50). Il s'éloigne de ses disciples àla distance d'un jet de pierre, comme pour les avertir par cette figure qu'ils devaient diriger vers lui la pierre, c'est-à-dire conduire jusqu'à lui le sens de la loi qui fut écrite sur la pierre.
S. Grég. de Nysse. (ou Isid., Ch. des Pèr. gr). Mais pourquoi fléchit-il les genoux, selon le récit de l'Évangéliste: «Et s'étant mis à genoux, il priait ?» Les hommes ont coutume de se prosterner ainsi devant les grands pour les supplier, témoignant ainsi par leur attitude, que ceux qu'ils prient leur sont supérieurs. Or, il est évident que la nature humaine n'est rien en comparaison de celle de Dieu, c'est pourquoi dans les devoirs que nous rendons à cette nature incomparable, nous employons les marques d'honneur en usage parmi nous, pour témoigner notre respect à l'égard de ceux qui sont élevés au-dessus de nous. C'est ainsi que celui qui a pris sur lui nos misères, et s'est rendu notre médiateur, fléchit pour prier les genoux de l'humanité dont il s'est revêtu, pour nous apprendre à fuir l'orgueil pendant que nous prions, et à suivre en tout les inspirations de l'humilité; car Dieu résiste aux superbes, et il accorde sa grâce aux humbles. (Jc 4; 1 P 5).
S. Chrys. Tout homme qui enseigne un art quelconque, doit joindre l'exemple aux paroles; c'est pourquoi Notre-Seigneur qui est venu nous enseigner toutes les vertus, conforme sa conduite à ses enseignements. Il nous fait un devoir de prier pour ne point entrer en tentation, il appuie ce précepte de son exemple: «Il priait, disant: Mon Père, si vous le voulez, éloignez de moi ce calice». Ces paroles: «Si vous le voulez»,ne supposent pas que le Sauveur ignorât que sa prière était agréable à son Père; car cette connaissance n'était pas plus difficile pour lui que la science de la nature du Père, que lui seul connaît dans toute son étendue, ainsi qu'il le déclare lui-même: «Comme mon Père me connaît, ainsi je connais mon Père» (Jn 10). S'il parle de la sorte, ce n'est pas non plus pour éloigner sa passion, car comment admettre qu'il refusât d'être crucifié, lui qui, voyant un de ses Apôtres s'opposer à ses souffrances, l'avait repris sévèrement jusqu'à l'appeler Satan, après qu'il avait fait un si magnifique éloge de sa foi? (Mt 16). Pour comprendre la raison de cette prière, considérez combien il était difficile de croire qu'un Dieu ineffable et incompréhensible, ait voulu se renfermer dans le sein d'une vierge, être nourri de son lait, et souffrir toutes les infirmités humaines. Or, comme tous les mystères de sa vie mortelle étaient presque incroyables, il envoya d'abord l es prophètes pour les prédire à l'avance; puis il vint lui-même revêtu d'une chair véritable (pour bien convaincre qu'il n'était pas un fantôme), et il permit que cette chair fût soumise à toutes les infirmités de la nature humaine; à la faim, à la soif, au sommeil, au travail, à la douleur, à l'angoisse, et c'est par suite du même dessein, et pour prouver la vérité de son humanité, qu'il demande à son Père d'éloigner de lui la mort.
S. Ambr. Il dit donc à Dieu: «Si vous le voulez, éloignez de moi ce calice»; comme homme, il repousse la pensée de la mort; comme Dieu, il maintient la loi qu'il a portée. - Bède. Ou encore, il demande à Dieu d'éloigner de lui ce calice, non par crainte des souffrances, mais par un sentiment de miséricorde pour son ancie n peuple, des mains duquel il ne voudrait pas recevoir ce calice. Aussi ne dit-il pas: Éloignez de moi le calice, mais: «Éloignez de moi ce calice», c'est-à-dire le calice que me prépare le peuple juif, qui ne peut alléguer son ignorance pour excuser son crime, s'il me met à mort, puisqu'il a entre les mains la loi et les prophètes qui lui parlent tous les jours de moi. - S. Denys d'Alex. (Ch. des Pèr. gr). Ou bien encore, ces paroles: «Éloignez de moi ce calice», ne veulent pas dire: Faites qu'il ne m'arrive pas; car on ne peut l'éloigner que parce qu'il est déjà arrivé. C'est donc lorsque le Sauveur sentit que ce calice était présent, qu'il commença à être affligé et attristé; et c'est lorsqu'il le vit sous ses yeux, qu'il dit à son Père: «Éloignez de moi ce calice», car ce qui passe, ne demeure pas dans le même état, Jésus donc demande à Dieu d'éloigner de lui la tentation qui commence à l'assaillir; et c'est dans ce sens qu'il nous conseille de prier pour ne point entrer en tentation. Or, il nous indique la voie la plus parfaite et la plus sûre pour échapper aux tentations: «Cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la vôtre».En effet, Dieu est essentiellement étranger au mal, et il veut sincèrement nous combler de biens, au delà même de ce que nous pouvons demander et comprendre. Le Sauveur demande donc que la volonté parfaite du Père qui lui est connue, ait son plein effet, parce que cette volonté est la même que la sienne en tant qu'il est Dieu, et il renonce à l'accomplissement de la volonté humaine, qu'il appelle la sienne, et qui est inférieure à celle de son Père. - S. Athan. (de l'incarn. contre les Ariens). Notre-Seigneur nous fait donc voir en lui deux volontés, la volonté humaine et la volonté divine; la volonté humaine, qui ne voit que la faiblesse de la chair, refuse de souffrir, mais la volonté divine se soumet à la passion avec amour, parce qu'elle sait que le Fils de Dieu ne peut rester enchaîné dans les liens de la mort.
S. Grég. de Nysse. Apollinaire prétend que la nature humaine en Jésus-Christ n'avait pas de volonté propre, et qu'il n'y a en lui qu'une seule volonté, celle du Dieu qui est descendu du ciel. Qu'il nous dise donc quelle est cette volonté dont le Sauveur ne veut point l'accomplissement, car la divinité ne peut renoncer à sa propre volonté. - Bède. Le Sauveur, aux approches de sa passion, a pris la voix de nos infirmités, pour nous apprendre à demander dans notre faiblesse l'éloignement des maux dont nous sommes menacés, tout en ayant la force d'être prêts à dire: Que la volonté de notre Créateur s'accomplisse, fût-elle opposée à la nôtre.
11243 Lc 22,43-46
Théophyl. Le Seigneur veut être fortifié par un ange alors qu'il priait, pour nous faire comprendre la puissance de la prière et nous apprendre à y recourir avant tout dans nos adversités. - Bède. Nous lisons dans un autre endroit, que les anges s'approchèrent de lui et le servaient (Mt 4). Nous avons donc une preuve de sa double nature dans ces anges qui tour à tour le servent et le fortifient, car le Créateur n'a pas besoin du secours de ses créatures, mais s'étant fait homme, il a voulu être fortifié pour notre instruction, de même qu'il s'est soumis à nos tristesses par amour pour nous. - Théophyl. Selon quelques-uns, cet ange apparut au Sauveur pour le glorifier et lui dire: Seigneur, c'est à vous qu'appartient la puissance, car vous pouvez délivrer le genre humain de la mort et de l'enfer.
S. Chrys. Notre-Seigneur s'est revêtu véritablement de notre chair, et c'est pour établir la vérité de son incarnation et fermer la bouche aux hérétiques, qu'il se soumet à toutes les faiblesses de notre nature: «Et étant tombé en agonie, il priait encore plus». - S. Ambr. Cette tristesse, cette agonie, sont un sujet de difficultés pour un grand nombre de ceux qui inclinent à voir dans la tristesse du Sauveur une preuve de l'infirmité essentielle à sa nature plutôt que la suite d'une faiblesse qu'il n'avait acceptée que pour un temps. Quant à moi, non seulement je ne crois pas devoir excuser ce sentiment, mais nulle part je ne trouve plus à admirer sa miséricorde et sa puissance. En effet, la rédemption de Notre-Seigneur m'eût été beaucoup moins avantageuse, s'il n'avait pris sur lui toutes nos passions, toutes nos faiblesses, car il a pris ma tristesse pour me communiquer sa joie. C'est avec confiance que je parle de la tristesse, parce que je suis prédicateur de la croix. Le Sauveur a dû prendre sur lui nos douleurs pour en triompher, car ceux en qui les souffrances produisent la stupeur et l'insensibilité plutôt que la douleur, n'ont point le mérite du véritable courage. Jésus a donc voulu nous apprendre à triompher de la mort, et surtout des tristesses de la mort. Vous êtes affligé, Seigneur, mais ce n'est pas de vos blessures, c'est des miennes, car c'est à cause de nos péchés qu'il a été blessé. Peut-être aussi est-il triste de ce que depuis la chute d'Adam, la mort est la seule voie par laquelle nous puissions sortir de ce monde. Ajoutons qu'il n'est pas moins vraisemblable que sa tristesse eût pour cause les châtiments que le crime sacrilège de ses persécuteurs devait attirer sur eux.
S. Grég. (Moral., 7, 24). Aux approches de sa mort, le Sauveur a voulu reproduire en lui les combats de notre âme qui est aussi en proie à la terreur et à l'effroi, lo rsque la dissolution prochaine de notre corps nous annonce l'heure du jugement éternel, et ce n'est pas sans raison, puisqu'elle est sur le point d'entendre la sentence qui doit fixer immuablement son sort pour l'éternité.
Théophyl. Une nouvelle preuve que la prière du Sauveur était un acte de la nature humaine et non de la divinité, c'est la sueur dont il est inondé: «Et il eut une sueur comme des gouttes de sang découlant jusqu'à terre». - Bède. Il ne faut point attribuer cette sueur à la faiblesse, une sueur de sang est contre nature, mais reconnaître plutôt l'enseignement que Notre-Seigneur a voulu nous y donner, c'est qu'il avait obtenu l'effet de sa prière, qui était d'épurer par son sang la foi de ses disciples encore entachée des imperfections de la fragilité humaine. - S. Aug. (sur les max. de Prosp). Cette sueur sanglante, qui accompagne la prière du Sauveur, figurait encore, que tous les martyres découleraient de son corps sacré qui est l'Église. - Théophyl. Ou encore, c'est ici une manière de parler au figuré, et cette sueur de sang signifie une sueur très-abondante. L'Évangéliste voulant nous représenter Notre-Seigneur inondé de sueur, nous dit qu'il eut une sueur de sang. Cependant il trouve ses disciples endormis sous le poids de la tristesse, et il leur en fait un reproche en même temps qu'il leur recommande de prier: «S'étant levé après sa prière, il vint à ses disciples, et les trouva endormis à cause de la tristesse».
- S. Chrys. On était au milieu de la nuit, les yeux des disciples étaient appesantis par le chagrin, et ils succombaient au sommeil plutôt par tristesse que par épuisement. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 3, 4). Saint Luc ne dit pas combien de fois le Seigneur avait adressé à Dieu sa prière avant de venir trouver ses disciples, mais il n'y a ici aucune contradiction entre son récit et celui de saint Marc.
Bède. Notre-Seigneur apprend à ses disciples que c'est pour eux qu'il a prié, et il les engage à entrer en participation de ses prières, en veillant et en priant eux-mêmes. «Et il leur dit: Pourquoi dormez-vous? levez-vous et priez, afin de ne point entrer en tentation». - Théophyl. C'est-à-dire, pour n'être point vaincu par la tentation; car ne pas entrer en tentation, signifie n'en être pas victime. Ou encore, il nous recommande de prier pour obtenir une vie calme et tranquille, exempte de tout mal, car c'est en suivant les inspirations du démon et de l'orgueil qu'os se jette dans la tentation. Aussi l'apôtre saint Jacques ne dit pas: Jetez-vous dans la tentation, mais: «Considérez comme le sujet d'une grande joie lorsque vous tomberez dans les tentations, en acceptant volontiers et avec joie ce qui vous arrive malgré vous». (Jc 2).
11247 Lc 22,47-53
La Glose. Après le récit de la prière de Jésus-Christ, l'Évangéliste raconte sa trahison par son perfide disciple: «Il parlait encore, lorsqu'une troupe de gens parut, et à leur tête celui qui s'appelait Judas». - S. Cyr. Il dit: «Celui qui s'appelait Judas», comme si ce nom lui faisait horreur. Il ajoute: «Un des douze», pour faire ressortir davantage la méchanceté de ce traître disciple, qui est devenu la cause de la mort de Jésus-Christ, après avoir été élevé par lui à la sublime dignité de l'apostolat. - S. Chrys. Il est des maladies incurables qui sont rebelles aux remèdes les plus énergiques, comme à ceux qui sont les plus doux; ainsi l'âme une fois captivée et enchaînée volontairement dans les liens du vice, ne se rend à aucun avertissement. C'est ce qui s'est vérifié dans Judas, qui ne renonça pas au dessein de trahir son maître, bien que Jésus ait cherché à l'en détourner par tous les moyens possibles: «Et il s'approcha de Jésus pour le baiser». - S. Cyr. Il avait oublié la gloire qui avait environné la vie du Christ, il crut donc pouvoir consommer son crime en secret, et il osa donner pour signal de cette trahison sacrilège le symbole de l'affection la plus tendre.
S. Chrys. (Disc. 1 sur Laz). Nous ne devons pas cesser d'avertir nos frères, lorsque bien même ils ne profitent pas de nos avertissements, car les ruisseaux ne cessent pas de couler, lors même que personne ne vient y puiser. Vous ne persuadez pas aujourd'hui, peut-être serez-vous plus heureux demain. Le pêcheur traîne ses filets vides pendant toute la journée, et c'est vers le soir qu'il les rem plit de poissons. Aussi bien que le Seigneur sut parfaitement qu'il ne convertirait pas Judas, il ne laissa pas de faire tout ce qui pouvait le détourner de son mauvais dessein: «Jésus lui dit: Judas, vous trahissez le Fils de l'homme par un baiser ?» - S. Ambr. Il faut donner à ces paroles la forme interrogative, comme exprimant mieux le reproche tendre et affectueux que le Sauveur fait à ce traître disciple. - S. Chrys. Il l'appelle par son nom plutôt pour exprimer sa douleur et ramener le traître à de meilleurs sentiments que pour redoubler sa fureur. - S. Ambr, Il lui dit: «Vous trahissez par un baiser», c'est-à-dire, vous choisissez le symbole et le gage de l'amour pour me faire le plus cruel outrage, et c'est avec le plus doux signe de la paix q ue vous me donnez le coup de la mort. Vous, mon serviteur, vous trahissez votre Seigneur, vous, mon disciple, vous trahissez votre maître, vous que j'ai choisi pour apôtre, vous trahissez le Dieu, auteur de votre vocation. -
S. Chrys. Cependant il ne lui dit pas en termes exprès: Vous trahissez votre maître, votre Seigneur, votre bienfaiteur; mais «Vous trahissez le Fils de l'homme», c'est-à-dire, la mansuétude et la douceur même, celui qui vous a témoigné tant de tendresse et de bonté, que vous ne devriez jamais songer à le trahir, quand même il ne serait pas votre Seigneur et votre maître.
S. Ambr. Le Sauveur donne ici à la fois une preuve éclatante de sa puissance divine et une grande leçon de vertu. Il dévoile le crime de son traître disciple, et il le supporte encore avec patience; il lui montre celui qu'il trahit, en dévoilant aux yeux de tous les secrets de ses noirs desseins; il montre celui qu'il va livrer, en disant: «Le Fils de l'homme»; car ce n'est pas la divinité, mais l'humanité dont les ennemis de Jésus vont se saisir. Et cependant ce qui rend plus odieuse l'ingratitude du traître disciple, c'est d'avoir trahi celui qui, étant le Fils de Dieu, a voulu devenir pour nous le Fils de l'homme, et Jésus semble lui dire: Ingrat, c'est pour toi que j'ai pris cette humanité que tu trahis avec tant d'hypocrisie - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 3, 5). Lorsque le Seigneur fut trahi, les premières paroles qu'il prononça furent celles-ci rapportées par saint Luc: «Vous trahissez le Fils de l'homme par un baiser»; puis celle que lui prête saint Matthieu: «Mon ami, dans quel dessein êtes-vous venu ?» Et enfin celles que rapporte saint Jean: «Qui cherchez-vous ?» - S. Ambr. Le Sauveur donne le baiser à Judas, non pour nous enseigner à dissimuler, mais pour nous montrer qu'il ne repousse pas même ce traître, et pour rendre sa trahison plus odieuse.
Théophyl. Cependant les disciples veulent prendre la défense de leur maître, et tirent l'épée: «Ceux qui étaient avec lui, voyant ce qui allait arriver lui dirent: Seigneur, si nous frappions de l'épée ?» Mais comment pouvaient-ils avoir des épées ou des glaives? Parce qu'ils venaient d'immoler l'agneau et sortaient de table. Tandis que les autres disciples demandent s'ils doivent se servir de leur épée, Pierre, toujours plein de zèle pour son divin Maître, n'attend pas sa réponse, et frappe aussitôt le serviteur du grand-prêtre: «Et l'un d'eux frappa l'un des serviteurs du grand-prêtre», etc. - S. Aug. (De l'acc. des Evang). D'après saint Jean, celui qui frappa fut Pierre, et celui qui fut frappé s'appelait Malchus. - S. Ambr. Pierre, dont l'ardeur n'avait pas d'égale et qui était instruit dans la loi, savait que le zèle de Phinées, qui avait mis à mort des sacrilèges, lui avait été imputé à justice (Nb 25 Ps 105,31 Si 45,28), et il frappe sans hésiter le serviteur du grand-prêtre. - S. Amb. (De l'acc. des Evang). Saint Luc ajoute: «Jésus dit: Arrêtez, laissez-les». C'est ce que saint Matthieu rapporte en d'autres termes: «Remettez votre épée dans son fourreau». Il n'y a pas de contradiction entre la réponse du Seigneur, telle que la rapporte saint Luc: «Arrêtez-vous là», et d'après laquelle le Sauveur approuverait ce qui avait été fait, mais sans vouloir rien de plus; et celle que saint Matthieu prête au Sauveur, qui semble désapprouver tout ce que Pierre a fait en se servant de son épée. Il est certain que lorsque les disciples lui firent cette question: «Si nous frappions avec l'épée ?» il leur répondit: «Arrêtez-vous là, laissez-les»; c'est-à-dire, ne vous inquiétez pas de ce qui doit arriver, il faut les laisser s'avancer jusqu'au bout, c'est-à-dire, se saisir de moi pour accomplir ce que les prophètes ont écrit de moi. En effet, l'Évangéliste ne dirait pas: «Jésus répondit», s'il ne répondait par le fait à la question de ses disciples plutôt qu'à l'action de Pierre. Or, dans l'intervalle qui s'écoule entre la question faite au Seigneur et sa réponse, Pierre, emporté par son zèle, frappa le serviteur du grand-prêtre, mais les Évangélistes n'ont pu raconter en même temps ce qui s'était passé simultanément. Alors, selon le récit de saint Luc, Jésus guérit celui qui avait été frappé: «Et ayant touché l'oreille de cet homme il le guérit». -
Bède. Jamais le Seigneur ne cesse d'exercer sa miséricorde, ils vont faire mourir le juste, et à ce moment même il guérit les blessures de ses bourreaux.
S. Ambr. En guérissant la sanglante blessure de cet homme, Notre-Seigneur nous révèle ses divins mystères, et nous montre le serviteur du prince de ce monde réduit en servitude, non par la condition de sa nature, mais par sa fauté, et recevant une blessure à l'oreille, parce qu'il n'a point voulu écouter les enseignements de la sagesse; ou si Pierre lui-même a voulu frapper cet homme à l'oreille, c'est pour nous enseigner que celui qui n'a point l'oreille du coeur ouverte pour les saints mystères, ne mérite point d'avoir l'oreille du corps qui en est la figure, Mais pourquoi est-ce Pierre plutôt qu'un autre disciple? Parce qu'il a reçu le pouvoir de lier et de délier, et c'est pour cela qu'il coupe avec le glaive spirituel l'oreille intérieure de celui dont l'intelligence est rebelle aux divins enseignements. Mais le Seigneur rend aussitôt à cet homme l'usage de l'ouïe, pour nous apprendre que ceux mêmes qui ont été blessés et scandalisés de sa passion, peuvent parvenir au salut, s'ils veulent se convertir, parce qu'il n'y a point de péché qui ne puisse être effacé par la puissance mystérieuse des sacrements de la foi. - Bède. Ou encore, ce serviteur est la figure du peuple juif, réduit injustement en servitude par les princes des prêtres, et qui, dans la passion du Sauveur, perd l'oreille droite, c'est-à-dire, l'intelligence spirituelle de la loi. Cette oreille est coupée par le glaive de Pierre, non que cet Apôtre ôte le sens de l'intelligence à ceux qui en font un bon usage, mais il le retranche aux âmes négligentes qui méritent de le perdre par un juste jugement de Dieu. Cependant la bonté divine rétablit dans son premier état l'oreille droite de ceux qui, parmi le peuple juif, ont embrassé la foi.
«Or, Jésus leur dit: Vous êtes venus comme à un voleur, avec des épées et des bâtons»,etc. - S. Chrys. Ils étaient venus de nuit, parce qu'ils craignaient le soulèvement de la multitude, et Jésus leur dit: «Qu'aviez-vous besoin de ces armes pour prendre celui qui est tous les jours au milieu de vous, puisque j'étais tous les jours avec vous dans le temple ?» - S. Cyr. Notre-Seigneur ne blâme pas les principaux d'entre les Juifs de n'avoir pas cherché plutôt à le mettre à mort, mais il leur reproche de s'imaginer, dans leur aveuglement, qu'ils peuvent se saisir de lui contre sa volonté; et tel est le sens de ses paroles: Vous n'avez pu vous saisir de moi alors, parce que je ne le voulais pas, et aujourd'hui encore vous ne le pourriez pas davantage, si je ne me livrais moi-même entre vos mains: «Mais voici votre heure», c'est-à-dire mon Père qui se rend à mes voeux, vous accorde ce peu de temps pour exercer contre moi votre cruauté. Il ajoute que cette puissance de sévir contre le Christ, a été donnée aux ténèbres (c'est-à-dire au démon et aux Juifs); mais voici votre heure et la puissance des ténèbres. - Bède. C'est-à-dire: Vous vous réunissez contre moi dans les ténèbres, parce que la puissance dont vous vous armez contre la lumière est la puissance des ténèbres. On se demande comment saint Luc a pu dire que Jésus parlait ainsi aux princes des prêtres, aux officiers du temple, et aux anciens qui étaient venus pour le prendre; tandis que d'après les autres Évangélistes, ils ne vinrent pas en personne, mais envoyèrent leurs serviteurs, et attendirent dans la maison de Caïphe. Nous répondons que cette contradiction n'est qu'apparente, et que les princes des prêtres vinrent effectivement, non par eux-mêmes, mais par ceux qu'ils envoyèrent en leur nom, et qui avaient reçu d'eux l'ordre de se saisir de Jésus-Christ.
Catena Aurea 11231