Catena Aurea 9946
9946 Lc 9,46-48
S. Cyr. Le démon tend des piéges de toute sorte à ceux qui s'attachent à vivre saintement; lorsqu'il peut séduire une âme par l'attrait des plaisirs charnels, il excite en elle l'amour des voluptés; si elle échappe à cette tentation, il cherche à la rendre esclave d'une autre passion, de l'amour de la gloire, et c'est ce désir de la vaine gloire qui s'empare de quelques-uns des Apôtres: «Il leur vint en pensée lequel d'entre eux était le plus grand». Or, avoir cette pensée, c'est désirer être plus grand que les autres. Il n'est pas vraisemblable que tous les disciples aient succombé à ce sentiment de vaine gloire, et c'est pour ne point faire tomber sur quelqu'un d'entre eux cette accusation, que l'Évangéliste s'exprime d'une manière générale: «Il leur vint en pensée». - Théophyl. Il paraît que cette pensée leur vint de ce qu'ils n'avaient pu guérir cet homme qui était possédé; dans la discussion qu'ils eurent à ce sujet, l'un disait: Ce n'est point par suite de mon impuissance que je n'ai pu le guérir, c'est le fait d'un autre, et telle fut la cause de cette dispute sur celui d'entre eux qui étaient le plus grand. -
Bède. On peut dire encore que les Apôtres ayant vu le Sauveur faire choix de Pierre, Jacques et Jean, pour les conduire séparément sur la montagne, et promettre à Pierre les clefs du royaume des cieux, se persuadèrent que ces trois disciples avaient le pas sur eux, ou que Pierre était mis à la tête de tous les Apôtres. Ou bien enfin, ils crurent que Pierre était placé au-dessus d'eux, parce que le Sauveur l'avait comme égalé à lui-même dans le paiement du tribut. Cependant le lecteur attentif trouvera qu'ils avaient agité entre eux cette question avant qu'il fût question de ce tribut. D'ailleurs saint Matthieu rapporte cette discussion comme ayant eu lieu à Capharnaüm (Mt 18); saint Marc fait de même: «Et ils vinrent à Capharnaüm, et lorsqu'ils furent dans la maison, il leur demanda: Que discutiez-vous en chemin? Et ils se taisaient, parce que dans le chemin, ils avaient disputé ensemble qui d'entre eux était le plus grand». - S. Cyr. Le Seigneur, qui sait prendre les moyens les plus convenables pour nous sauver, voit naître dans l'esprit des disciples cette pensée d'orgueil comme une racine d'amertume (cf. He 12,5), il l'extirpe donc entièrement avant qu'elle se soit développée; car rien de plus facile que de triompher de nos passions lorsqu'elles ne font que de naître, mais lorsqu'elles ont pris de l'accroissement, il est on ne peut plus difficile de les détruire: «Mais Jésus, voyant les pensées de leur coeur», etc. - Que celui qui ne veut voir en Jésus-Christ qu'un homme, reconnaisse ici son erreur: le Verbe s'est fait chair, il est vrai, mais il n'a pas cessé d'être Dieu; car à Dieu seul, il appartient de sonder les coeurs et les reins. Il prend un enfant et le place près de lui, pour l'instruction des Apôtres et pour la nôtre; car la maladie de la vaine gloire s'attaque principalement à ceux qui ont quelque supériorité sur les autres hommes. Un enfant, au contraire, a l'âme candide, le coeur pur, une grande simplicité dans ses pensées; il n'ambitionne pas les honneurs, il ne recherche aucune distinction, il ne craint point de paraître inférieur aux autres, son esprit, comme son coeur sont exempts de toute rigoureuse exigence. Tels sont ceux que le Seigneur affectionne et chérit tendrement, qu'il daigne placer près de lui, parce qu'ils ont les inclinations et les goûts de son propre coeur. C'est lui qui nous dit en effet: «Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur». Et ici: «Quiconque recevra cet enfant en mon nom, me reçoit». Voici le sens de ces paroles: Puisqu'il n'y a qu'une seule et même récompense pour ceux qui honorent les saints, qu'ils soient petits aux yeux des hommes, ou qu'ils soient environnés d'honneur et de gloire, parce que c'est Jésus-Christ qu'on reçoit dans leur personne, quelle vanité de se disputer la prééminence ! - Bède. Le Sauveur veut ici apprendre à ceux qui veulent être les premiers à recevoir en son nom et par honneur pour lui les pauvres de Jésus-Christ, ou à imiter l'innocence des petits enfants (cf. 1 Co 14, 20). Aussi, après avoir dit: «Quiconque recevra cet enfant», il ajoute: «En mon nom», pour engager ses disciples à suivre, par raison et au nom de Jésus-Christ, ces exemples de vertu qu'un enfant pratique et donne naturellement. Mais comme c'est lui qu'on doit recevoir en recevant un enfant, et que lui-même a daigné se faire enfant pour nous, on aurait pu croire qu'il n'était que ce qu'il paraissait extérieurement, aussi ajoute-t-il: «Et quiconque me recevra, reçoit celui qui m'a envoyé». Ainsi il veut qu'on le croie tout à fait semblable et aussi grand qu'est son Père. - S. Ambr. En effet, celui qui reçoit un imitateur du Christ, reçoit le Christ lui-même; et celui qui reçoit l'image de la substance de Dieu, reçoit aussi Dieu lui-même. Mais comme nous ne pouvions voir l'image de Dieu, Dieu nous l'a rendue sensible et présente par l'incarnation du Verbe, pour nous réconcilier avec la divinité qui est au-dessus de nous.
S. Cyr. Le Sauveur explique encore plus à fond le sens des paroles qui précèdent: «Car celui qui est le plus petit parmi vous tous, est le plus grand», paroles qui conviennent à l'âme qui est humble, qui, par un profond sentiment de modestie, n'ose avoir aucune grande pensée d'elle-même. - Théophil. Notre-Seigneur venait de dire: «Celui qui est le plus petit parmi vous, est le plus grand», Jean craignit donc qu'ils ne se fussent rendus coupables en faisant en leur nom une défense formelle à un homme qui chassait les démons; car faire défense n'est pas un acte d'infériorité, mais le signe d'une autorité supérieure: «Jean, prenant la parole, lui dit: Maître, nous avons vu un homme qui chasse les démons en notre nom, et nous l'en avons empêché». Ce n'était point par un sentiment d'envie, mais parce qu'ils voulaient s'assurer de la nature et de l'authenticité de ces miracles. En effet, cet homme n'avait pas été revêtu, comme eux, du pouvoir d'opérer des prodiges; il n'avait pas reçu, comme eux, la mission divine, il ne marchait pas continuellement à la suite de Jésus-Christ, comme Jean l'affirme: «Il ne vous suit pas avec nous». - S. Ambr. Jean, le plus aimant des disciples, et pour cela le plus aimé, croit qu'on doit refuser ce pouvoir tout divin à celui qui n'est point le disciple fidèle de Jésus. - S. Cyr. Il eût été plus raisonnable de penser que cet homme n'était pas l'auteur des miracles qu'on lui voyait opérer, mais la grâce divine qui agit dans celui qui fait des miracles au nom et par la puissance du Christ. Qu'importe que ceux qui ont reçu cette grâce de Jésus-Christ, ne sont point comptés parmi les Apôtres? Les dons du Christ sont très différents, mais comme le Sauveur avait spécialement donné aux Apôtres le pouvoir de chasser les esprits immondes (Mt 10), ils s'imaginèrent que c'était un privilège qui leur était exclusivement personnel, et c'est pour cela qu'ils s'approchent de Notre-Seigneur pour lui demander si d'autres partageaient ce pouvoir avec eux.
9949 Lc 9,49-50
S. Ambr. Le Sauveur ne fait aucun reproche à Jean, parce qu'il agissait sous l'inspiration de son amour, mais il lui apprend à connaître la différence qui sépare les chrétiens faibles de ceux qui sont forts. Le Seigneur récompense ceux qui sont forts, mais il n'exclut pas pour cela ceux qui sont plus faibles: «Et Jésus lui dit: Ne l'en empêchez point, car celui qui n'est point contre vous, est pour vous». Oui, Seigneur, vous dites vrai, car Joseph et Nicodème étaient vos disciples cachés par crainte, et cependant ils ne vous refusèrent pas en son temps le témoignage de leur fidélité et de leur amour. Et toutefois, comme vous avez dit vous-même ailleurs: «Celui qui n'est pas avec moi, est contre moi; et celui qui ne recueille pas avec moi, dissipe» (Lc 11, 23); daignez faire disparaître cette apparente contradiction. Quant à moi, je pense que celui qui considérera attentivement le divin scrutateur des coeurs, sera convaincu qu'il discerne les actions des hommes par l'intention qui les produit. - S. Chrys. (hom. 42 sur S. Matth). En effet, lorsqu'il dit: «Celui qui n'est pas avec moi est contre moi», il veut faire connaître à ses disciples que le démon et les Juifs sont contre lui; mais ici, il veut leur apprendre que cet homme, qui chassait les démons au nom de Jésus-Christ, était en partie de leur côté. - S. Cyr. Comme s'il disait: A cause de vous qui aimez le Christ, il en est qui cherchent tout ce qui a rapport à sa gloire, et qui ont reçu la même grâce.
Théophyl. Qu'elle est admirable la puissance de Jésus-Christ, et comme sa grâce opère par des hommes indignes qui ne sont pas ses disciples ! C'est ainsi que les prêtres produisent la sanctification dans les âmes, bien qu'ils n'aient pas eux-mêmes la grâce de la sainteté.
S. Ambr. Mais pourquoi ne veut-il pas qu'on empêche ceux qui, par l'imposition des mains, ont le pouvoir de commander aux esprits immondes au nom de Jésus, tandis que dans l'Évangile de saint Matthieu, il leur dit: «Je ne vous connais point ?» Il n'y a ici aucune contradiction, nous devons seulement conclure de ces dernières paroles, que le Sauveur ne demande pas seulement aux clercs les oeuvres de leur ministère, mais des oeuvres de vertu; et que le nom de Jésus-Christ renferme une si grande puissance, qu'il la communique à ceux mêmes qui sont loin d'être saints, pour le bien de leurs frères, mais non pour l eur propre sanctification. Que personne donc ne s'attribue le mérite de la guérison spirituelle d'un homme, que la puissance du nom éternel de Dieu a délivré de ses crimes; ce n'est point votre mérite, mais la haine que Dieu porte au démon, qui est la cause de sa défaite. - Bède. Lorsque donc nous rencontrons des hérétiques et des mauvais catholiques, ce que nous devons détester et combattre en eux, ce ne sont pas les pratiques qui nous sont communes avec eux, et qui sont comme un lien d'unité qui les rattache encore à nous, mais la division contraire à la paix et à la vérité, qui les rend nos ennemis.
9951 Lc 9,51-56
S. Cyr. Comme le temps approchait où le Seigneur devait, après les souffrances de sa passion, remonter au ciel, il résolut de se rendre à Jérusalem: «Les jours où il devait être enlevé de ce monde étant près de s'accomplir», etc. - Tite de Bostr. Il fallait, en effet, que le véritable agneau fût offert là où l'agneau figuratif était immolé. L'Évangéliste dit qu'il «affermit son visage», c'est-à-dire qu'il n'allait point de côté et d'autre, qu'il ne parcourait point les bourgs et les villages, mais qu'il se rendait directement à Jérusalem. - Bède. Que les païens cessent donc d'insulter, comme un homme, ce crucifié qui a prévu, certainement comm e Dieu, le temps de son crucifiement, et qui, consentant à cette mort ignominieuse, a marché avec une contenance ferme, c'est-à-dire avec une âme résolue et intrépide.
S. Cyr. Il envoie devant lui des messagers, pour lui préparer un logement et à ceux de sa suite, mais, lorsqu'ils arrivèrent dans le pays de Samarie, ils ne furent point reçus: «Et il envoya devant lui quelques-uns de ses disciples, et ils partirent et entrèrent dans un bourg de Samarie pour lui préparer un logement; mais les habitants refusèrent de le recevoir». - S. Ambr. Remarquez que le Sauveur ne voulut point être reçu par ceux qu'il savait n'être point sincèrement convertis; s'il l'eût voulu, il eût changé leurs mauvaises dispositions, et leur eût inspiré un véritable dévouement pour sa personne; mais Dieu appelle qui il veut, et donne aussi suivant sa volonté la grâce de la foi et de la piété. Or, l'Évangéliste nous fait connaître la raison pour laquelle ils refusèrent de le recevoir: «Parce qu'il se dirigeait vers Jérusalem». - Théophyl. Mais s'ils refusèrent de le recevoir, parce que son intention était de se rendre à Jérusalem, ne sont-ils pas excusables? Nous répondons qu'il faut entendre ces paroles de l'Évangéliste: «Et ils ne le reçurent pas», dans ce sens qu'il ne vint même pas dans le pays de Samarie», et qu'à cette question: Pourquoi ne l'ont-ils pas reçu? l'auteur sacré répond, que ce n'est point par impuissance de sa part, mais parce qu'au lieu de se rendre dans le pays de Samarie, il aima mieux aller à Jérusalem. - Bède. On peut dire aussi que les Samaritains ne voulurent point le recevoir, par ce qu'ils le voyaient se diriger vers Jérusalem, car selon la remarque de saint Jean, les Juifs ne communiquent pas avec les Samaritains (Jn 4).
S. Cyr. Le Sauveur, qui connaissait toutes choses avant leur accomplissement, savait bien que ceux qu'il envoyait, ne seraient pas reçus par les Samaritains; il leur commande cependant d'aller annoncer sa venue, parce qu'il agissait toujours dans l'intérêt de ses disciples. Il se rendait à Jérusalem aux approches de sa passion, c'est donc pour leur épargner le scandale de ses souffrances, et leur apprendre à supporter patiemment les outrages, qu'il permit ce refus des Samaritains, comme une espèce de prélude de ce qu'il devait souffrir. Il leur donnait encore une autre leçon, ils étaient destinés à être un jour les docteurs de tout l'univers, et devaient parcourir les villes et les bourgades pour y prêcher l'Évangile, et ils devaient nécessairement rencontrer des hommes qui refuser aient de recevoir cette sainte doctrine, et ne permettraient pas à Jésus de demeurer au milieu d'eux. Il leur apprend donc, qu'en annonçant cette divine doctrine, ils doivent se montrer pleins de patience et de douceur, fuir tout sentiment de haine et de colère, et ne jamais chercher à sévir contre ceux qui les outrageraient. Mais telles n'étaient point leurs dispositions; cédant aux mouvements d'un zèle trop ardent, ils voulaient faire tomber sur les Samaritains le feu du ciel: «Ce qu'ayant vu ses disciples, ils lui dirent: Seigneur, voulez-vous que nous commandions que le feu du ciel descende», etc. - S. Ambr. Ils se rappelaient que le zèle de Phinées, qui avait mis à mort des sacrilèges (Nb 25), lui avait été imputé à justice; et encore, qu'à la prière d'Elie, le feu était descendu du ciel pour venger les outrages faits à ce prophète (). - Bède. Ces saints personnages, en sachant parfaitement que la mort qui sépare l'âme du corps, n'est pas à redouter, ont semblé partager les idées de ceux qui l a craignaient, et ont puni quelquefois de mort certains crimes. Ils inspiraient ainsi à ceux qui en étaient témoins une salutaire frayeur, et pour ceux qui étaient punis de mort, ce n'est pas la mort qui leur était funeste, c'eût été bien plutôt le péché qui n'aurait fait que s'accroître, s'ils eussent vécu plus longtemps.
S. Ambr. Laissons la vengeance à celui qui est dominé par la crainte; celui qui est sans crainte, ne cherche pas à se venger. Nous voyons encore ici que les Apôtres étaient égaux en mérites aux prophètes, puisqu'ils espèrent obtenir le même pouvoir que le prophète; et l'espérance qu'ils ont de faire descendre le feu du ciel est fondée, puisqu'ils sont les fils du tonnerre (Mc 3, 17).
Tite de Bostr. Les disciples estiment que la punition des Samaritains, frappés de mort pour avoir refusé de recevoir le Sauveur, serait beaucoup plus juste que celle des cinquante soldats envoyés pour se saisir d'Élie, son serviteur. - S. Ambr. Le Sauveur, au contraire, ne s'irrite point contre eux, il veut nous apprendre que le désir de la vengeance est incompatible avec la perfection de la vertu, que la plénitude de la charité exclut toute colère, qu'il ne faut point repousser la faiblesse, mais bien plutôt l'aider, et que les âmes vraiment pieuses doivent rejeter bien loin tout mouvement d'indignation, et les âmes magnanimes tout désir de vengeance: «Jésus, se tournant vers eux, les reprit, en disant: Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes». - Bède. Le Seigneur ne leur reproche point de vouloir suivre l'exemple du saint prophète, mais l'erreur grossière où ils étaient par rapport à la vengeance, et il les reprend de ce qu'ils désiraient se venger de leurs ennemis, par sentiment de haine plutôt que de les ramener au bien par un sentiment d'affection. Aussi, après qu'il leur eut enseigné comment ils devaient aimer leur prochain comme eux-mêmes, et lors même qu'ils eurent reçu le Saint-Esprit, on vit encore de ces vengeances, quoique plus rarement que dans l'Ancien Testament; car comme Notre-Seigneur ajoute: «Le Fils de l'homme n'est pas venu pour perdre les âmes, mais pour les sauver». Vous donc qui êtes marqués de son esprit, soyez les imitateurs de ses oeuvres, exercez ici bas la miséricorde, vous jugerez avec justice dans le siècle futur. - S. Ambr. En effet, il ne faut pas toujours punir ceux qui sont coupables; souvent la clémence est bien plus utile; elle vous fait pratiquer la patience, et elle inspire au pécheur le désir de devenir meilleur. C'est ainsi que les Samaritains, sur lesquels le Sauveur refusa de faire tomber le feu du ciel, embrassèrent la foi avec plus d'empressement.
9957 Lc 9,57-62
S. Cyr. Le Seigneur est plein de libéralité pour tous les hommes, cependant il ne donne point indistinctement, et au hasard, les choses célestes et divines; il les réserve pour ceux qui en sont dignes, c'est-à-dire pour ceux qui savent préserver leur âme des souillures du péché, c'est ce que nous enseigne la parole puissante du saint Évangile: «Pendant qu'ils étaient en chemin, un homme lui dit: Je vous suivrai partout où vous irez». - Remarquons d'abord que cet homme s'approche de Jésus avec beaucoup de tiédeur, et que, par conséquent, ses prétentions sont excessives; en effet, il ne demande pas à marcher simplement à la suite de Jésus-Christ, à l'exemple d'un grand nombre, mais il aspire ouvertement à la dignité d'apôtre, contrairement à cette parole de saint Paul: «Personne ne peut s'attribuer cet honneur, mais il faut y être appelé de Dieu». (He 5). - S. Athan. Il ose encore s'égaler à la puissance incompréhensible du Sauveur en lui disant: «Je vous suivrai, partout où vous irez». Car si la nature humaine, dans la condition que Dieu lui a faite, peut suivre le Sauveur pour entendre sa doctrine, il lui est impossible de le suivre partout où il est; car il est incompréhensible, et n'est circonscrit par aucun lieu. - S. Cyr. Le Sauveur avait encore un autre motif légitime pour ne point accepter l'offre que lui faisait cet homme; il enseignait qu'il devait auparavant porter sa croix et renoncer aux affections de la vie présente; et son intention, en lui donnant cette leçon, n'était pas de lui faire un reproche, mais de lui inspirer des dispositions plus parfaites.
«Jésus lui dit: Les renards ont des tanières», etc. - Théophyl. Cet homme avait vu le Sauveur entraîner une grande multitude à sa suite; il s'imagina qu'elle lui payait un tribut, et qu'en s'attachant lui-même au Seigneur, il trouverait le moyen de s'enrichir. - Bède. Aussi Jésus lui répond: «Pourquoi n'avez-vous d'autre motif, en désirant me suivre, que d'obtenir les richesses et les avantages de ce monde, lorsque je suis si pauvre, que je ne possède pas même la plus petite demeure, et que le toit qui m'abrite, ne m'appartient pas ?» - S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr). Voyez avec quelle sévérité le Sauveur pratique la pauvreté qu'il avait enseignée; il n'avait à lui ni table, ni chandelier, ni maison, ni aucune des choses nécessaires à la vie.
S. Cyr. Dans le sens figuré, les renards et les oiseaux du ciel sont le symbole des puissances malignes et astucieuses des démons, et Jésus semble dire à cet homme: Les renards et les oiseaux du ciel trouvent en vous leur demeure, comment le Christ pourrait-il s'y reposer? Qu'y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres? (2Co 6,14).
S. Athan. Ou bien encore, le Seigneur veut montrer ici la grandeur de sa nature, comme s'il disait: Toutes les créatures peuvent être circonscrites par un espace, mais la puissance du Verbe de Dieu ne peut être ni comprise ni limitée par un lieu quelconque. Ne dites donc point: «Je vous suivrai partout où vous irez». Si cependant vous désirez devenir son disciple, renoncez à tout ce qui est contraire à la raison; car il est impossible que celui qui se plaît au milieu des choses déraisonnables, devienne le disciple du Verbe. - S. Ambr. Ou bien encore, dans la pensée du Sauveur, les renards sont la figure des hérétiques; le renard, en effet, est un animal trompeur, toujours occupé à tendre des piéges, et qui ne vit que de fraudes et de rapines, il ne laisse rien en repos, rien en paix, rien en sûreté, et cherche sa proie jusque dans la demeure des hommes. De plus, le renard, animal astucieux, se creuse une tanière, et aime à s'y tenir caché; tels sont aussi les hérétiques qui ne savent se construire une demeure, mais qui s'efforcent d'enlacer et de resserrer les âmes dans leurs sophismes trompeurs. Enfin, cet animal ni ne s'apprivoise, ni ne peut servir aux usages domestiques. Aussi l'Apôtre fait-il cette recommandation: «Fuyez celui qui est hérétique, après le premier ou le second avertissements» (Tt 3). Les oiseaux du ciel, qui sont souvent dans les Écritures la figure de la malice spirituelle, construisent leurs nids dans le coeur des méchants; et tant que la malice et la perfidie dominent leurs affections, Dieu ne peut prendre possession de leur âme; mais dès qu'il rencontre une âme innocente, il abaisse sur elle, pour ainsi dire, la plénitude de sa majesté, car il entre dans le coeur des bons, en y versant sa grâce avec profusion. Nous ne pouvons donc raisonnablement regarder comme simple et fidèle cet homme que le Sauveur ne juge pas digne de marcher à sa suite, bien qu'il promît de le servir avec un dévouement que rien ne pourrait affaiblir. C'est que le Seigneur ne se contente pas de l'apparence du dévouement, il exige la pureté d'intention, et il ne peut agréer l'obéissance de celui dont il n'approuve point les services. Nous ne devons exercer qu'avec réserve et prudence les devoirs de l'hospitalité spirituelle; car en ouvrant sans précaution, aux infidèles, la demeure intérieure de notre âme, nous nous exposons à tomber dans leur infidélité par une confiance imprévoyante, Cependant, Dieu, après avoir éloigné cet hypocrite, admet à sa suite un homme sincère, pour nous apprendre qu'il ne rejette point la piété véritable, mais la fidélité mensongère.
«Il dit à un autre: Suivez-moi». Il savait que cet homme, auquel il s'adressait, avait perdu son père: «Celui-ci lui répondit: Maître, permettez-moi d'aller auparavant ensevelir mon père». - Bède. Il ne refuse point de devenir le disciple de Jésus-Christ, mais il veut remplir auparavant les devoirs de la piété filiale, pour le suivre ensuite plus librement.
S. Ambr. Mais le Seigneur appelle sans délai ceux que sa miséricorde a choisis: «Et Jésus lui dit: Laissez les morts ensevelir leurs morts». Puisque la religion elle-même nous commande de rendre à nos semblables les devoirs de la sépulture, pourquoi le Sauveur défend-il à cet homme d'ensevelir son père, si ce n'est pour nous faire comprendre que ce devoir purement humain, doit le céder aux obligations qui ont Dieu pour objet? Le désir de cet homme était bon, mais les difficultés que l'accomplissement de ce désir lui créait, étaient plus à craindre; celui dont le zèle est partagé, partage aussi son amour, et en appliquant ses soins à deux objets différents, il retarde nécessairement les progrès de son âme. Il faut donc remplir d'abord les devoirs les plus importants, à l'exemple des Apôtres qui, pour n'être point absorbés par le soin des pauvres, établirent des ministres pour distribuer les aumônes. - S. Chrys. (hom. 28 sur S. Matth). Quelle obligation plus pressante que de rendre à un père les derniers devoirs? Mais encore, quelle obligation plus facile, puisqu'il suffit de quelques instants pour l'accomplir. Le Sauveur veut donc nous apprendre ici à ne point employer inutilement la plus légère partie du temps, lors même que mille circonstances sembleraient nous forcer, et à toujours placer les intérêts spirituels au-dessus des choses les plus nécessaires; car le démon est sans cesse aux aguets, pour trouver quelque entrée dans notre âme, et s'il surprend la moindre négligence, il nous jette dans un relâchement extrême. - S. Ambr. Le Sauveur ne défend donc pas de rendre à un père les dernier s devoirs, mais il place les devoirs de religion au-dessus des devoirs de la piété filiale. Il veut qu'on laisse à ses parents l'accomplissement des uns, mais il fait à ses élus une obligation d'accomplir les autres. Or comment les morts peuvent-ils ensevelir les morts, à moins que vous ne compreniez qu'il y a deux morts différentes, la mort naturelle, et la mort du péché? Il y a encore une troisième mort, c'est celle qui nous fait mourir au péché, et vivre pour Dieu. (Rm 9).
S. Chrys. (hom. 28, sur S. Matth). Cette expression du Sauveur: «Leurs morts», montrent que ce mort ne lui appartenait pas, sans doute parce qu'il était mort dans l'infidélité. - S. Ambr. Ou bien encore, comme la bouche des impies est un sépulcre ouvert (Ps 5), le Seigneur commande de détruire la mémoire de ceux dont tout le mérite meurt avec le corps; il ne détourne donc pas ce fils des devoirs que lui impose la piété filiale, mais il le sépare de tout commerce avec les infidèles. Ce n'est pas l'accomplissement d'un devoir qu'il interdit, c'est un acte de religion qu'il commande, c'est-à-dire qu'il ne faut avoir aucun rapport avec les nations qui sont dans la mort. - S. Cyr. On peut encore dire que le père de ce jeune homme était accablé de vieillesse, et il croyait faire un acte louable en se proposant de pratiquer à son égard les devoirs de la piété filiale, comme Dieu lui-même le commande: «Honorez votre père et votre mère» (Ex 20). Aussi Notre-Seigneur l'ayant appelé au ministère évangélique en lui disant: «Suivez-moi», il demandait un délai pour subvenir aux besoins de son vieux père: «Permettez-moi d'aller auparavant ensevelir mon père». Il ne demandait pas d'aller rendre à son père les devoirs de la sépulture, car Jésus-Christ ne l'en eût pas empêché, mais cette expression ensevelir signifiait qu'il désirait soutenir sa vieillesse jusqu'à sa mort. Mais le Seigneur lui répondit: «Laissez les morts ensevelir leurs morts»; car son père avait d'autres parents aussi proches qui pouvaient prendre soin de lui, mais qui étaient morts, en ce sens qu'ils n'avaient pas encore embrassé la foi. Apprenez de là que la piété, que nous devons à Dieu, doit l'emporter sur l'amour et le respect que nous devons à nos parents, parce qu'ils nous ont engendrés. En effet, le Dieu de toutes les créatures nous a donné l'être, lorsque nous étions dans le néant, tandis que nos parents n'ont été que les instruments dont il s'est servi pour notre entrée dans la vie.
S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 23). Telle est la réponse que Jésus fit à celui qu'il avait appelé lui-même à sa suite. Un autre disciple s'approcha encore de lui sans avoir été appelé, et lui dit: «Seigneur, je vous suivrai, mais permettez-moi de disposer auparavant de ce que j'ai dans ma maison». - S. Cyr. La résolution de cet homme est admirable et digne d'éloges; mais en demandant à renoncer aux biens qu'il possède, pour s'affranchir des soins qu'ils réclament, il montre que son coeur est encore partagé, puisque sa résolution n'est pas encore parfaitement arrêtée. Car vouloir consulter des proches, qui ne consentiront point à ce dessein, c'est montrer une résolution tant soit peu chancelante. Aussi Notre-Seigneur n'approuve pas ce dessein; «Jésus lui répondit: Quiconque met la main à la charrue, et regarde en arrière, n'est pas propre au royaume de Dieu», etc. - Mettre la main à la charrue, c'est être disposé à suivre Jésus-Christ par amour; mais c'est regarder en arrière, que de demander un délai pour avoir occasion de revenir dans sa maison, et de s'entendre avec ses proches. - S. Aug. (serm. 7 sur les par. du Seig). Jésus semble lui dire: L'Orient vous appelle, et vous regardez au couchant. - Bède. Mettre la main à la charrue, c'est aussi briser la dureté de son coeur avec le bois et le fer de la passion du Seigneur, comme avec un instrument de pénitence, et ouvrir son âme pour lui faire produire les fruits des bonnes oeuvres. Celui qui se livre à cette culture, et qui, semblable à la femme de Loth (Gn 19, 20), jette un regard de regret et d'affection sur les choses qu'il a laissées, demeure privé de la récompense du royaume éternel. - Chaîne des Pèr. gr. En jetant de fréquents regards sur les choses auxquelles nous avons renoncé, nous sommes entraînés par la force de l'habitude vers les actes de notre vie ancienne. L'usage, en effet, a une force véritable pour nous enchaîner. Est-ce que l'habitude ne naît pas de l'usage? est-ce que l'habitude, à son tour, ne devient pas une seconde nature? Or, il est bien difficile de vaincre ou de changer la nature, et si elle cède tant soit peu quand elle y est forcée, elle reprend bien vite son premier empire. - Bède. Si Notre-Seigneur blâme sévèrement ce disciple qui désirait le suivre, parce qu'il voulait d'abord disposer de ce qu'il avait dans sa maison; que dira-t-il à ceux qui, sans aucun motif d'utilité, visitent fréquemment les maisons de ceux qu'ils ont laissés dans le monde ?
10001 Lc 10,1-2
S. Cyr. Dieu avait annoncé clairement par les prophètes, que la prédication de l'Évangile s'étendrait non seulement au peuple d'Israël, mais à toutes les autres nations; et c'est pourquoi Jésus-Christ, après avoir choisi les douze apôtres, institua soixante-douze disciples: «Après cela, le Seigneur choisit encore soixante-douze autres disciples», etc. - Bède. Ce choix des soixante-douze disciples est providentiel, parce que l'Évangile devait être prêché dans le monde à autant de nations; les douze apôtres avaient été choisis pour les douze tribus d'Israël, et ceux-ci sont destinés à enseigner les nations étrangères. - S. Aug. (Quest. évang., 2, 44). De même que la lumière parcourt et éclaire tout l'univers dans l'espace de vingt-quatre heures, ainsi la fonction mystérieuse d'éclairer tous les hommes par la prédication du mystère de la Trinité, est confiée à soixante-douze disciples; car trois fois vingt-quatre font soixante-douze. - Bède. C'est un fait hors de doute que les douze apôtres représentent l'ordre des évêques, de même que les soixante-douze disciples représentent ceux à qui l'Écriture donne le nom d'anciens (c'est-à-dire les prêtres du second ordre). Cependant, dans les premiers temps de l'Église, on donnait indifféremment aux uns comme aux autres, le nom d'anciens et d'évêques, dont l'un signifie la maturité de la sagesse, et l'autre la sollicitude de la charge pastorale. - S. Cyr. L'élection des soixante-douze disciples avait été figurée par Moïse, qui, par l'ordre de Dieu, avait choisi soixante-dix hommes d'entre le peuple, sur lesquels Dieu répandait son esprit. (Nb 11). Nous lisons dans le même livre des Nombres (Nb 33), que les enfants d'Israël vinrent à Elim (qui signifie action de monter), où ils trouvèrent douze sources d'eau vive, et soixante-dix palmiers. Or, si nous nous élevons jusqu'à l'interprétation spirituelle, nous trouverons aussi les douze fontaines, c'est-à-dire les saints Apôtres, où nous puisons la science du salut comme aux sources du Sauveur (Is 12,5), et les soixante-dix palmiers, c'est-à-dire ceux qui sont ici choisis par Jésus-Christ. En effet, le palmier est un arbre qui a une sève abondante, de profondes racines, une fécondité merveilleuse, qui naît au milieu des eaux, et dont le tronc et le feuillage s'élèvent à une très-grande hauteur.
«Et il les envoya deux à deux devant lui». - S. Grég. (hom. 17 sur les Evang). Le Sauveur envoie ses disciples prêcher deux à deux, parce qu'il y a deux préceptes de charité, le précepte de l'amour de Dieu, et le précepte de l'amour du prochain, et que d'ailleurs il faut être au moins deux pour exercer la charité. Notre-Seigneur nous fait entendre implicitement par là, que celui qui n'a pas de charité pour son prochain, ne doit nullement se charger du ministère de la prédication. - Orig. Saint Matthieu, dans l'énumération qu'il nous fait des Apôtres, les compte deux par deux, et l'Écriture nous représente comme un usage très ancien cette association de deux personnes pour l'exécution des oeuvres de Dieu. C'est ainsi que Dieu délivra Israël de l'Egypte par les mains de Moïse et d'Aaron (Ex 12); et que Josué et Caleb se réunirent pour apaiser le peuple soulevé par les douze hommes envoyés pour explorer la terre de Chanaan (Nb 13 et 25). Aussi lisons-nous dans le livre des Proverbes (Pr 18,19): «Le frère qui est aidé par son frère, est comme une ville fortifiée». - S. Bas. Notre-Seigneur nous enseigne encore par là, que ceux qui ont reçu les mêmes dons spirituels, ne peuvent point faire prévaloir opiniâtrement leur sentiment personnel. - S. Grég. (hom. 17). Remarquez la mystérieuse signification des paroles qui suivent: «Dans toutes les villes et dans tous les lieux où il devait lui-même arriver». En effet, le Seigneur vient à la suite de ses prédicateurs; la prédication lui ouvre les voies, et c'est alors qu'il fait son entrée dans notre âme; la parole marche devant lui, et introduit ainsi la vérité dans notre coeur, voilà pourquoi le prophète Isaïe dit (Is 40): «Préparez les voies du Seigneur, rendez droits les sentiers de notre Dieu (cf. Mt 3,3 Mc 1,5 Jn 1,23) ».
Théophyl. Le Seigneur avait choisi les soixante-douze disciples pour répondre aux besoins de la multitude qui manquait de prédicateurs; car de même que nos champs, couverts de nombreux épis, semblent appeler la faux des moissonneurs; ainsi la multitude innombrable de ceux qui devaient embrasser la foi, avait besoin de docteurs et de maîtres: «La moisson est grande», disait Jésus à ses disciples. - S. Chrys. Mais comment peut-il appeler moisson, ce qui ne fait encore que commencer? Il n'a pas encore mis la charrue dans les champs, ni tracé de sillons, et il parle de moissons. Cette par ole pouvait jeter ses disciples dans l'incertitude, et les porter à se dire: Comment, si peu nombreux que nous sommes, pourrons-nous convertir tout l'univers? comment, nous, ignorants, nous présenter devant des savants, pauvres devant des riches, sujets devant les puissants du siècle. C'est donc pour leur épargner ce trouble intérieur, que le Sauveur appelle l'Évangile une moisson; comme s'il disait: Tout est prêt, je vous envoie recueillir des fruits parvenus à leur maturité; car le même jour, vous pourrez semer et moissonner. Voyez le laboureur entrer plein de joie dans les champs, couverts d'une abondante moisson. Or, votre joie doit être beaucoup plus grande en entrant dans le monde, car l'oeuvre à laquelle Dieu vous appelle, est une moisson abondante qui vous présente ses champs, n'attendant que la faux du moissonneur.
S. Grég. (hom. 17). Mais nous ne pouvons répéter les paroles qui suivent, sans un profond sentiment de douleur: «Les ouvriers sont en petit nombre». Il en est beaucoup, sans doute, pour écouter les paroles de vie, mais très-peu pour les leur adresser. Voici que le monde est rempli de prêtres, mais qu'il est rare de rencontrer dans la moisson du Seigneur un seul véritable ouvrier. Et la raison, c'est que nous recevons le caractère et la charge du sacerdoce, mais que nous nous mettions peu en peine d'en remplir les devoirs. - Bède. De même que cette moisson abondante représente le grand nombre de ceux qui embrassent la foi, ainsi les ouvriers peu nombreux sont les Apôtres, et ceux qui, à leur exemple, sont envoyés pour recueillir la moisson.
S. Cyr. De vastes champs exigent un grand nombre de moissonneurs, ainsi en est-il de la multitude de ceux qui doivent croire en Jésus-Christ. Le Sauveur ajoute: «Priez donc le maître de la moisson qu'il envoie des ouvriers dans sa moisson». Remarquez qu'après avoir dit ces paroles: «Priez le maître de la moisson», il envoie lui-même les ouvriers dans la moisson. Il est donc le maître de la moisson, et c'est par lui et avec lui que le Père exerce son empire sur tous les hommes. - S. Chrys. (hom. 33 sur S. Matth). Il a multiplié dans la suite les ouvriers, non pas en augmentant leur nombre, mais en leur communiquant une vertu toute céleste. Il nous fait entendre encore l'excellence de la grâce qui appelle les ouvriers à recueillir cette mission divine, en les exhortant à demander cette grâce au maître de la moisson. - S. Grég. (hom. 17). Il faut aussi profiter de ces paroles pour exhorter les fidèles à prier pour leurs pasteurs, à demander à Dieu qu'ils travaillent dignement au salut de leurs âmes, et que leur langue ne cesse jamais de les instruire. Car souvent, ce sont les iniquités des prédicateurs qui retiennent leur langue; mais souvent aussi il arrive que c'est en punition des fautes des simples fidèles, que Dieu retire à ceux qui les dirigent la parole de la prédication.
Catena Aurea 9946