Catena Aurea 10129
10129 Lc 11,29-32
Bède. Les ennemis du Sauveur lui avaient fait deux questions insidieuses, les uns l'accusaient de chasser les démons par Béelzébub, et nous l'avons vu confondre cette accusation calomnieuse; les autres, pour le tenter, demandaient un signe du ciel, et c'est à eux qu'il va répondre: «Et comme le peuple s'assemblait en foule, Jésus commença à dire: «Cette génération est une génération méchante»,etc. - S. Ambr. Paroles qui indiquent que la synagogue perd toute sa beauté au moment où l'Église doit briller de tout son éclat. Or, le Fils de l'homme sera un signe pour les Juifs, comme Jonas l'a été pour les Ninivites: «Elle demande un signe, et il ne lui en sera pas donné d'autre que le signe du prophète Jonas». - S. Bas. (Ch. des Pèr. gr). Un signe est une chose sensible, placée sous les yeux de tous, et qui a pour objet de faire connaître une chose cachée, et c'est ainsi que les faits miraculeux de la vie de Jonas représentent la descente de Jésus aux enfers, sa sortie et sa résurrection d'entre les morts: «Car, comme Jonas fut un signe pour les Ninivites, le Fils de l'homme le sera pour cette génération». - Bède. Il ne leur donne pas un signe du ciel, parce qu'ils étaient indignes de le voir, mais des profondeurs de la terre, c'est-à-dire le signe de son incarnation, non de sa divinité; le signe de sa passion, et non celui de sa gloire.
S. Ambr. Le signe de Jonas n'est pas seulement la figure de la passion du Sauveur, mais encore un témoignage des crimes énormes commis par les Juifs, et nous y voyons une prophétie qui porte tout à la fois le caractère de la justice divine et celui de la miséricorde. En effet, l'exemple des Ninivites nous présente et la menace du supplice, et l'indication des moyens propres à l'éviter; et ainsi les Juifs eux-mêmes, ne doivent pas désespérer du pardon, s'ils veulent faire pénitence. - Théophyl. Mais les Ninivites se convertirent à la prédication de Jonas, lorsqu'il fut sorti du ventre de la baleine, tandis que les Juifs ont refusé de croire à Jésus-Christ ressuscité des morts, c'est ce qui a été la cause de leur condamnation, et le Sauveur en donne successivement deux preuves pa r comparaison: «La reine du Midi s'élèvera au jour du jugement contre les hommes de cette génération, et les condamnera». - Bède. Elle les condamnera, non par la puissance qui lui sera donnée de juger, mais par la simple opposition de sa conduite sage avec celle des Juifs: «Parce qu'elle est venue des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon», et cependant il y a ici plus que Salomon. Le mot hic (ici), en cet endroit, n'est pas un pronom, mais un adverbe de lieu, qui veut dire: Vous avez ici, et parmi vous, celui qui est incomparablement plus grand que Salomon. - S. Cyr. Il ne dit pas: Je suis plus grand que Salomon, pour nous apprendre à nous humilier, alors même que nous sommes comblés de grâces spirituelles. Voici le sens de ces paroles: Cette femme barbare, sans tenir compté de la longueur du voyage, s'est empressée de venir entendre Salomon pour apprendre de lui la science des êtres visibles, et les propriétés des plantes; et vous qui, sans sortir de votre pays, entendez là sagesse elle-même vous enseigner les choses invisibles et célestes, et la voyez confirmer sa doctrine par des oeuvres et par des prodiges, vous vous révoltez contre sa parole, et ses miracles vous laissent insensibles.
Bède. Or, si la reine du Midi, qui est sans nul doute du nombre des élus, doit s'élever au jour du jugement avec les réprouvés, il est évident qu'il n'y aura pour tous les hommes, bons et mauvais, qu'une seule résurrection, et qu'elle n'aura pas lieu, conformément aux fables des Juifs, mille ans avant le jugement, mais au temps même fixé pour le jugement. - S. Ambr. En même temps que le Sauveur condamne le peuple juif, il nous donne une figure éclatante de l'Église qui, semblable à la reine du Midi, et avide d'apprendre la sagesse, se rassemble des extrémités de la terre, pour entendre les paroles du Salomon pacifique; reine véritable, dont le royaume, un et indivisible, se compose des peuples les plus divers et les plus éloignés, réunis en même corps. - S. Grég. de Nysse. (hom. 7 sur les Cant). A l'exemple de cette reine d'Ethiopie qui venait d'un pays éloigné, l'Église, composée de ces différents peuples, était noire aussi au commencement, et très-éloignée de la connaissance du vrai Dieu; mais aussitôt que le Christ pacifique apparut, tandis que les Juifs restent dans l'aveuglement, les Gentils viennent le trouver, pour lui offrir les parfums de la piété, l'or de la connaissance de Dieu, et les pierres précieuses de l'obéissance aux commandements. - Théophyl. Ou bien encore, de même que le vent du midi, au témoignage de l'Écriture, répand la chaleur et la vie, ainsi l'âme qui règne dans le Midi, c'est-à-dire dans une vie toute spirituelle, vient entendre la sagesse du roi pacifique Salomon, qui est le Seigneur notre Dieu, c'est-à-dire qu'elle s'élève jusqu'à la contemplation, dont on ne peut s'approcher, qu'autant qu'on règne véritablement sur soi-même par une vie vertueuse. Notre-Seigneur apporte ensuite l'exemple des Ninivites: «Les Ninivites s'élèveront an jour du jugement contre ce peuple, et le condamneront».
S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr). Le jugement de condamnation est prononcé par des personnes de même condition ou de condition différente; de même condition, comme dans la parabole des dix vierges; de condition différente, lorsque les ministres condamnèrent ceux qui vivaient au temps de Jésus-Christ. En effet, les uns étaient des barbares, et les autres des Juifs; ceux-ci étaient nourris des enseignements prophétiques, ceux-là n'avaient jamais entendu la parole divine; Dieu n'envoya qu'un de ses serviteurs aux Ninivites, et lui-même vint trouver les Juifs; Jonas annonçait la destruction de Ninive, Jésus annonçait le royaume des cieux. Il est donc évident que les Juifs avaient beaucoup plus de motifs pour croire, mais c'est le contraire qui arriva: «Ils ont fait pénitence à la voix de Jonas, et il y a ici plus que Jonas».
S. Ambr. Dans le sens allégorique, l'Église se trouve dans deux états ou elle est exempte de fautes, ce que figure la reine du Midi, ou elle cesse d'en commettre, ce que représente la pénitence des Ninivites, car la pénitence efface le péché, et la sagesse l'évite.
S. Amb. (de l'acc. des Evang., 2, 39). Saint Luc place ces paroles du Sauveur au même endroit que saint Matthieu, tout en suivant un ordre tant soit peu différent. Mais qui ne voit qu'il est superflu de chercher dans quel ordre précis Notre-Seigneur les a dites, puisque l'autorité si imposante des Évangélistes nous apprend que l'inversion dans le récit des actions ou des paroles ne détruit pas la vérité du fait qui reste toujours le même, quel que soit l'ordre dans lequel il est présenté ?
10133 Lc 11,33-36
S. Cyr. (Ch. des Pèr. gr). Les Juifs accusaient le Seigneur de faire ses miracles, non pour établir la foi, et afin que l'on crût en lui, mais pour obtenir l es applaudissements de la foule et pour se faire des sectateurs. Il repousse cette calomnie par la comparaison de la lampe: «Il n'y a personne qui, ayant allumé une lampe, la mette en un lieu caché ou sous un boisseau, mais on la met sur un chandelier», etc. - Bède. Le Sauveur veut parler ici de lui-même, et comme il avait dit précédemment qu'il ne serait donné à cette génération que le signe de Jonas, il montre cependant que l'éclat de la lumière ne devait pas rester caché pour les fidèles. En effet, il a lui-même allumé cette lampe, lorsqu'il a rempli le vase de la nature humaine de la flamme de la divinité; or, il n'a voulu ni dérober aux fidèles la lumière de cette lampe, ni la mettre sous le boisseau, c'est-à-dire, la renfermer sous la mesure de la loi, ni la restreindre dans les limites étroites du peuple juif, mais il. l'a placée sur le chandelier, c'est-à-dire, sur l'Église, parce qu'il a gravé sur nos fronts la foi à son incarnation, afin que ceux qui veulent entrer dans l'Église conduits par la foi, puissent voir clairement la lumière de la vérité. Enfin, il nous prescrit aussi de purifier avec un soin tout particulier, non seulement nos actions, mais nos pensées et les plus secrètes intentions de notre coeur: «La lampe de votre corps, c'est votre oeil». - S. Ambr. Ou bien encore, cette lampe c'est la foi, selon ces paroles du Psalmiste: «Votre parole, Seigneur, est comme une lampe devant mes pas». En effet, la parole de Dieu est notre foi, mais une lampe ne peut donner de lumière qu'autant qu'elle la reçoit d'ailleurs; c'est ainsi que les facultés de notre esprit et de notre intelligence sont éclairées pour nous aider à retrouver la drachme perdue (Lc 15, 8). Que personne donc ne place la foi sous la loi, car la loi est contenue dans une certaine mesure, mais la grâce ne connaît pas de mesure; la loi répand des ombres, tandis que la grâce projette de vives clartés. - Théophyl. Ou bien, dans un autre sens, comme les Juifs, témoins des miracles de Jésus, en faisaient un sujet d'accusation contre lui, à cause de la malice de leur esprit, Notre-Seigneur leur reproche, que tout en ayant reçu de Dieu une lampe allumée, c'es,t-à-dire l'intelligence, l'envie les aveuglait, au point de méconnaître ses miracles et ses bienfaits. Nous avons donc reçu de Dieu l'intelligence pour la placer sur le chandelier, afin que tous ceux qui entrent voient la lumière. Celui qui est sage est déjà entré, mais celui qui est à l'école de la sagesse, est encore en chemin. Le Sauveur semble donc dire aux pharisiens: Votre intelligence doit vous servir à reconnaître la véritable cause de mes miracles, et à apprendre aux autres que les oeuvres dont vous êtes témoins, ne sont point les oeuvres de Béelzébub, mais les oeuvres du Fils de Dieu. C'est en suivant cette même pensée qu'il ajoute: «Votre oeil est la lumière de votre corps». - Orig. Il appelle oeil notre intelligence, et dans un sens métaphorique, il donne le nom de corps à toute notre âme, bien qu'elle soit immatérielle, car c'est par l'intelligence que l'âme tout entière est éclairée.
Théophyl. Si l'oeil du corps est lumineux, le corps sera aussi dans la lumière, mais s'il est ténébreux, le corps également sera dans les ténèbres. Ainsi en est-il de l'intelligence par rapport à l'âme, et c'est pour quoi Notre-Seigneur ajoute: «Si votre oeil est simple et pur, tout votre corps sera lumineux, si au contraire votre oeil est mauvais, tout votre corps sera dans les ténèbres». - Orig. Car l'intelligence, tant qu'elle l'este fidèle à son principe, ne recherche que la simplicité et ne contient en elle-même ni duplicité, ni ruse, ni division. - S. Chrys. (hom. 21 sur S. Matth). Si donc nous laissons corrompre en nous l'intelligence qui devait nous affranchir de nos passions, nous avons fait à toute notre âme une profonde blessure, et l'aveugle perversité de notre intelligence nous plonge dans d'épaisses ténèbres: «Prenez donc garde, ajoute Notre-Seigneur, que la lumière qui est en vous ne soit elle-même de vraies ténèbres».Il semble parler de ténèbres sensibles, mais ces ténèbres ont une origine extérieure, et nous les portons partout avec nous, dès que l'oeil de notre âme vient à s'éteindre. C'est de la puissance de cet oeil, lorsqu'il est simple et lumineux que Notre-Seigneur veut parler, quand il ajoute: «Si donc votre corps est tout éclairé, n'ayant aucune partie ténébreuse», etc. - Orig. C'est-à-dire, si votre corps matériel, lorsqu'il est éclairé par la lumière, devient tout lumineux, de telle sorte qu'il n'y ait plus en vous aucun membre dans les ténèbres, à plus forte raison si vous fuyez le péché, tout votre corps spirituel deviendra si lumineux, que son éclat sera semblable à une lampe qui répand partout sa lumière, alors que la lumière du corps qui, auparavant, était ténébreuse, se trouve dirigée au gré de l'intelligence.
S. Grég. de Naz. (Lettre 22). Ou bien encore, la lumière et l'oeil de l'Église, c'est le Pontife; de même donc qu'un oeil pur et lumineux dirige sûrement tous les pas du corps, tandis qu'un oeil ténébreux l'égare infailliblement; ainsi le salut ou la ruine de l'Église sont attachés à la conduite bonne ou mauvaise de l'Église.
S. Grég. (Mor., 28, 6). Ou bien enfin, dans un autre sens, le corps figure ici chacune de nos actions qui suit l'intention, comme un oeil qui l'éclaire. Dans ce sens, l'oeil est la lumière de notre corps, parce que la bonne intention rayonnant sur notre action, lui donne tout son éclat. Si donc votre oeil est simple, tout votre corps sera lumineux, parce que si une pensée simple rend votre intention droite, votre action deviendra bonne, quand même l'apparence extérieure serait défavorable. Mais si au contraire votre oeil est mauvais, tout votre corps sera dans les ténèbres, parce qu'une action, même bonne, faite avec une intention mauvaise, est toujours une oeuvre ténébreuse pour celui qui voit et juge l'intérieur, quand même cette action aurait un certain éclat aux yeux des hommes. C'est donc avec raison que Notre-Seigneur ajoute: «Prenez donc garde que la lumière qui est en vous, ne se change en ténèbres, car si même les oeuvres que nous croyons bonnes, se trouvent obscurcies par une intention mauvaise, dans quelles ténèbres seront plongées les oeuvres que nous savons être mauvaises, quand nous les faisons. - Bède. Lorsque Notre-Seigneur ajoute: «Si donc votre corps est tout éclairé», etc., par le corps il entend toutes nos oeuvres. Si donc vous faites le bien avec une bonne intention, sans avoir dans votre conscience aucune pensée ténébreuse, alors même que votre bonne action pourrait nuire au prochain; cependant la droiture de votre coeur vous obtiendra la grâce de Dieu ici-bas, et dans la vie future les splendeurs de la gloire, auxquelles le Sauveur fait allusion dans les paroles suivantes: «Et il vous éclairera comme une lampe éclatante».C'est surtout contre l'hypocrisie des pharisiens qui venaient astucieusement demander des signes, que ces paroles sont dirigées.
10137 Lc 11,37-44
S. Cyr. Un pharisien, malgré son opiniâtreté, invite cependant le Sauveur à venir dans sa maison: «Pendant qu'il parlait, un pharisien le pria de venir manger chez lui». C'est à dessein que saint Luc ne dit pas: Pendant qu'il disait ces choses, pour montrer que ce ne fut pas immédiatement après les enseignements qui précèdent, mais quelque temps après qu'il fut invité à dîner par le pharisien. - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 2, 26). En effet, pour en venir à ce récit, saint Luc s'est sépara de saint Matthieu à cet endroit, où tous deux racontent les enseignements du Seigneur sur le signe de Jonas, la reine du Midi et l'esprit immonde, car saint Matthieu ajoute immédiatement: «Comme il parlait encore à la foule, sa mère et ses frères étaient dehors, cherchant à lui parler». Saint Luc, au contraire, après avoir rapporté quelques autres paroles du Sauveur, omises par saint Matthieu, s'écarte de l'ordre suivi par cet Évangéliste. - Bède. Ainsi nous pouvons supposer que lorsque Jésus répond à ceux qui viennent lui annoncer que sa mère et ses frères sont dehors: «Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, et ma soeur, et ma mère», il était déjà entré sur l'invitation du pharisien dans la salie du festin.
S. Cyr. Mais Jésus, qui connaissait la malice des pharisiens, s'applique à les ramener avec une miséricordieuse condescendance, à l'exemple des bons médecins, qui déploient toutes les ressources de leur art pour ceux de leurs malades, dont l'état est plus grave: «Or, Jésus étant entré, se mit à table». Ce qui donna lieu aux sévères leçons qui suivent sur l'étrange disposition d'esprit de ce pharisien, qui se scandalisait de ce que Jésus, qu'il regardait comme un juste et un prophète, ne se conformait point à leurs coutumes déraisonnables: «Le pharisien commença à dire en lui-même: Pourquoi ne s'est-il pas purifié avant le repas ?»
S. Aug. (serm. 30 sur les par. du Seign). En effet, les pharisiens se purifiaient chaque jour avant leurs repas par des, ablutions, comme si ces ablutions répétées pouvaient purifier leur coeur. Ce pharisien avait eu cette pensée en lui-même, sans la manifester extérieurement; mais il ne laissa pas d'être entendu par celui qui pénétrait le fond de son coeur; «Et le Seigneur lui dit: Vous autres pharisiens, vous purifiez le dehors de la coupe et du plat, mais votre intérieur est plein de rapines et d'iniquité».
S. Cyr. Le Seigneur aurait pu sans doute prendre une autre forme pour instruire ce pharisien insensé; cependant il saisit l'occasion favorable, et tire ses enseignements de ce qu'il avait sous les yeux. Il était à table à l'heure du repas, et il prend pour objet de comparaison les coupes et les plats, afin de nous apprendre que ceux qui veulent servir Dieu en toute sincérité, doivent être purs, non seulement de toute souillure extérieure, mais de celles qui se cachent dans l'intérieur de l'âme; de même qu'on doit tenir nets de toute souillure les vases qui servent à l'usage de la table.
S. Ambr. Considérons l'image fidèle de nos corps dans ces objets de terre si fragiles, qu'il suffit de les laisser tomber pour qu'ils se brisent. De même encore que ce qui est dans une coupe paraît au dehors, ainsi toutes les pensées qui s'agitent dans l'intérieur de notre âme se révèlent facilement par les sens et par les actes de notre corps. Aussi n'est-il pas douteux que dans ces paroles qu'il adresse à Pierre dans le jardin des Olives, la coupe ne soit l'emblème de sa passion. Vous voyez donc que ce n'est pas l'extérieur de cette coupe ou de ce plat qui nous souille, mais l'intérieur, suivant ces paroles du Sauveur: «Votre intérieur est plein de rapine et d'iniquité».
S. Aug. (serm. 30 sur les par. du Seig). Mais pourquoi Jésus traite-t-il avec si peu d'indulgence un homme qui l'avait invité? Il se montre bien plus indulgent en lui faisant ce reproche, parce que cette indulgence est appliquée avec prudence et discernement. Il nous enseigne ensuite que le baptême, qu'on ne donne qu'une seule fois, purifie l'âme par la foi; or, la foi est à l'intérieur et non au dehors, et c'est cette foi que méprisaient les pharisiens, en se purifiant des taches extérieures, tandis que leur intérieur restait plein de souillures; contradiction que le Sauveur leur reproche par ces paroles: «Insensés, est-ce que celui qui a fait le dehors, n'a pas fait aussi le dedans ?» - Bède. C'est-à-dire: Celui qui est l'auteur des deux natures de l'homme, veut qu'elles soient toutes deux également pures, paroles qui condamnent les manichéens, qui prétendent que l'âme seule a Dieu pour auteur, et que le corps a été créé par le démon. Elles sont aussi la condamnation de ceux qui détestent comme les plus grands crimes les péchés extérieurs (la fornication, le vol et d'autres péchés semblables), et qui ne tiennent nul cas des péchés spirituels qu'ils regardent comme légers, et que saint Paul n'a pas moins condamnés. (Ga 5).
S. Ambr. Cependant, Notre-Seigneur, comme un bon maître, nous enseigne comment nous devons nous purifier de ce qui peut souiller notre corps; «Néanmoins, faites l'aumône de votre superflu, et toutes choses seront pures pour vous».Vous voyez quels remèdes puissants il met à votre disposition. Il nous donne pour nous purifier la miséricorde, il nous donne la parole de Dieu, comme il le dit lui-même dans saint Jean: «Vous êtes déjà purs à cause de la parole que je vous ai dite». - S. Aug. (de l'aumône). Il est miséricordieux lui-même, et c'est pour cela qu'il nous commande de pratiquer la miséricorde; et comme il veut conserver à jamais ceux qu'il a rachetés à un si grand prix., il enseigne à ceux qui ont perdu la grâce du baptême, comment ils pourront se purifier de leurs souillures. - S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr). «Donnez l'aumône», dit-il, et non pas: Donnez le fruit de l'injustice, parce qu'en effet, il y a une aumône qui est pure de toute injustice. Cette aumône purifie toutes choses, et l'emporte sur le jeûne; car bien que le jeûne soit plus pénible, l'aumône est plus riche en avantages. Elle donne à l'âme de la lumière, de la force, de la bonté, de l'éclat. Celui qui pense à secourir l'indigent, s'éloignera promptement du péché; car de même qu'un médecin qui prodigue ses soins à un grand nombre de blessés, compatit plus facilement aux souffrances des autres, de même aussi si nous faisons notre occupation de secourir les pauvres, nous mépriserons plus facilement les choses présentes, et nos pensées s'élèveront vers le ciel. L'aumône est donc un remède bien efficace, puisqu'elle peut s'appliquer à toutes les blessures.
Bède. Notre-Seigneur dit: «Donnez ce qui vous reste», c'est-à-dire ce qui vous reste de votre nourriture et de votre vêtement; carie précepte de l'aumône vous impose, non pas l'obligation de vous réduire à la mendicité, mais d'assister le pauvre dans la mesure du possible, après avoir donné à votre corps ce qu'il réclame. Ou bien, il faut entendre ces paroles: «Ce qui reste»,dans ce sens: Le seul remède qui reste à ceux qui sont coupables de tant de crimes, c'est de donner l'aumône. Or, ce précepte embrasse toutes les oeuvres de miséricorde; car donner l'aumône, ce n'est pas seulement donner du pain à celui qui a faim, ou d'autres secours de ce genre, mais pardonner à celui qui vous offense, prier pour lui, remplir le devoir de la correction, et infliger au besoin une punition salutaire. - Théophyl. On peut encore traduire cette parole : Quod superest, par ce qui domine, parce qu'en effet, les richesses dominent les coeurs avides.
S. Ambr. Tout ce magnifique passage a donc pour but de nous inspirer l'amour de la simplicité, et tout ensemble de condamner les jouissances terrestres et les superfluités des Juifs. Et cependant il leur promet aussi la rémission de leurs péchés, s'ils veulent être miséricordieux.
S. Aug. (serm. 30 sur les par. du Seig). Mais si l'on ne peut être purifié de ses péchés, qu'en croyant en celui qui purifie le coeur par la foi, pourquoi nous dit-il: «Faites l'aumône, et tout sera pur pour vous ?» Examinons attentivement l'explication qu'il nous donne lui-même de cette difficulté. Les pharisiens prélevaient la dixième partie de tous leurs fruits, pour en faire l'aumône, ce que ne font pas ordinairement les chrétiens; et ils se riaient des reproches q ue leur adressait le Sauveur, comme s'ils négligeaient le devoir de l'aumône. Jésus, connaissant leurs dispositions, ajoute: «Malheur à vous, pharisiens, qui payez la dîme de la menthe, de la rue, et de toutes les herbes, et qui négligez la justice et l'amour de Dieu ! Il fallait faire ces choses, et ne pas omettre les autres». En agissant de la sorte, vous ne faites pas l'aumône; car faire l'aumône, c'est pratiquer la miséricorde, si donc vous comprenez bien cette vérité, commencez par vous-même; car comment serez-vous miséricordieux pour les autres, si vous êtes cruel pour vous-même? Écoutez la sainte Écriture qui vous dit: «Ayez pitié de votre âme, en cherchant à plaire à Dieu». (Si 30, 24). Rentrez dans votre conscience, vous qui vivez dans le vice ou dans l'infidélité, et vous y trouverez votre âme réduite à la mendicité, ou peut-être réduite au silence par son indigence même. Donnez donc l'aumône à votre âme en toute justice et en toute charité. Qu'est-ce que vous commande la justice? De vous déplaire à vous-même. Comment remplir le devoir de la charité? Aimez Dieu, aimez le prochain. Si vous négligez de faire cette aumône, quel que soit d'ailleurs votre amour, vous ne faites rien, puisque vous ne faites rien pour vous-même.
S. Cyr. Ou bien encore, ces paroles sont une censure de la conduite des pharisiens, qui ne recommandaient à ceux qu'ils dirigeaient que l'observation stricte des préceptes qui étaient pour eux une source de revenus abondants, c'est ainsi qu'ils n'oubliaient aucune des plus petites herbes, tandis qu'ils négligeaient d'exciter au devoir de la charité envers Dieu, et de la justice exacte à l'égard des autres. - Théophyl. Par là même qu'ils méprisaient Dieu, ils traitaient avec négligence les choses sacrées; il leur recommande donc l'amour de Dieu, en y ajoutant le devoir de la justice, il leur enseigne indirectement l'amour du prochain; car le juste jugement que l'on porte du prochain, ne peut venir que d'un véritable amour pour lui. - S. Ambr. Ou bien encore, il leur recommande le jugement, parce que toutes leurs actions n'étaient pas conformes aux règles de la justice; et la charité, parce qu'ils n'aimaient pas Dieu d'un véritable amour. Cependant comme il ne veut pas que nous n'ayions de zèle que pour la foi, sans nous occuper des oeuvres, il résume en une courte maxime la perfection de l'homme fidèle, perfection qui exige le concours de la foi et des oeuvres: «Il fallait, dit-il, faire ces choses, et ne pas omettre les autres». - S. Chrys. (Hom. 74 sur S. Matth). Lorsqu'il a parlé des purifications en usage chez les Juifs, il s'est bien gardé de dire rien de semblable; mais comme la dîme était une espèce d'aumône, et que le temps de l'abolition définitive des pratiques légales n'était pas encore venu, il leur dit: «Il fallait faire ces choses».
S. Ambr. Le Sauveur combat ensuite les orgueilleuses prétentions des Juifs qui recherchaient les premières places: «Malheur à vous, pharisiens, qui aimez les premières places», etc. - S. Cyr. En leur adressant ce reproche, Notre-Seigneur veut nous rendre meilleurs. Il veut détruire en nous tout germe d'ambition, et nous apprendre à ne pas poursuivre l'apparence au lieu de la réalité, ce que faisaient alors les pharisiens. En effet, que nous soyons salués par les hommes, que nous soyions même à leur tête, ce n'est pas une preuve que nous en soyons dignes; car combien en est-il qui obtiennent ces avantages, tout mauvais qu'ils sont? Aussi, Notre-Seigneur s'empresse-t-il d'ajouter: «Malheur à vous qui êtes comme des sépulcres qui ne paraissent pas».Car en désirant être salués par les hommes, et être mis à leur tête pour obtenir une vaine réputation de grandeur, ils ressemblent à des sépulcres, au dehors, ils brillent par les ornements, dont ils sont couverts; au dedans, ils sont pleins de corruption. - S. Ambr. Semblables encore à des sépulcres qui ne paraissent pas ce qu'ils sont en réalité, ils séduisent par leurs apparences, et trompent les regards des passants: «Et les hommes marchent dessus sans le savoir», c'est-à-dire qu'au dehors ils ne font paraître que magnificence, tandis qu'au dedans, ils sont pleins de pourriture. - S. Chrys. (hom. 74). Que les pharisiens fussent semblables à des sépulcres, rien de surprenant; mais que nous-mêmes, qui avons été jugés dignes de devenir les temples de Dieu, nous devenions tout d'un coup des sépulcres remplis de corruption, c'est le comble de la misère.
S. Cyr. (Ch. des Pèr. gr., et contre Jul). Julien l'Apostat conclut de ces paroles, que nous devons fuir les sépulcres que Jésus-Christ lui-même a déclarés immondes, mais il n'a point compris le sens et la portée des paroles du Sauveur, qui n'a point commandé de fuir toute communication avec les sépulcres, mais qui a comparé à des sépulcres le peuple hypocrite des pharisiens.
10145 Lc 11,45-54
S. Cyr. Les reproches qui rendent meilleurs les esprits humbles et doux, sont ordinairement insupportables aux hommes superbes, c'est ainsi que pour avoir repris les pharisiens de s'écarter du droit chemin, le Sauveur indispose contre lui tout le corps des docteurs de la loi: «Alors un des docteurs de la loi, prenant la parole, lui dit: Maître, en parlant de la sorte, vous nous outragez aussi». - Bède. Qu'elle est misérable la conscience qui se croit offensée de la parole de Dieu qu'elle entend, et qui voit toujours sa condamnation dans les châtiments dont les méchants sont menacés !
Théophyl. Les docteurs de la loi étaient différents des pharisiens, car les pharisiens étaient des hommes qui se séparaient des autres pour affecter une apparence de religion plus sévère; les docteurs de la loi étaient chargés d'en expliquer les difficultés. - S. Cyr. Or, c'est contre les docteurs de la loi que Jésus dirige ces sévères reproches, pour abaisser leurs vaines et orgueilleuses prétentions: «Et il leur dit: Malheur à vous aussi, docteurs de la loi, qui chargez les hommes», etc. Il se sert pour les accuser d'une comparaison frappante. La loi était très-onéreuse pour les Juifs, comme l'avouent les disciples de Jésus-Christ. Or, ces docteurs de la loi, réunissant comme en un faisceau tous les préceptes de la loi, en chargeaient ceux qui leur étaient soumis, tandis qu'ils n'en tenaient eux-mêmes aucun compte. - Théophyl. Or, chaque fois qu'un docteur pratique ce qu'il enseigne, il allége le fardeau pour ses disciples, en se donnant lui-même pour exemple, mais quand il ne fait rien de ce qu'il enseigne, le fardeau leur paraît lourd et insupportable, puisque le docteur lui-même refuse de le porter.
Bède. Ils méritaient bien de s'entendre reprocher qu'ils ne voulaient pas même toucher du bout du doigt le fardeau de la loi, c'est-à-dire qu'ils n'en observaient pas même les moindres prescriptions, puisque contrairement aux exemples de leurs pères, ils prétendaient observer et faire observer la loi sans la foi et la grâce de Jésus-Christ.
S. Grég. de Nysse. Nous en voyons ainsi beaucoup qui, juges sévères pour les pécheurs, et faibles athlètes pour les combats de la vertu; tout à la fois législateurs impitoyables, et observateurs négligents, ils refusent même de s'approcher de la vertu pour essayer de la pratiquer, tandis qu'ils l'exigent sans pitié de ceux qui leur sont soumis.
S. Cyr. Après avoir condamné les dures pratiques imposées par les docteurs de la loi, le Sauveur étend ses reproches à tous les principaux d'entre les Juifs: «Malheur à vous, qui bâtissez des tombeaux aux prophètes, et vos pères les ont tués !» - S. Ambr. Rien de plus fort que ce passage contre la vaine superstition des Juifs qui, en élevant des tombeaux aux prophètes, condamnaient la conduite de leurs pères, tandis qu'ils se rendaient dignes des mêmes châtiments en imitant leurs crimes, car ce qu'il leur reproche, ce n'est pas d'élever des tombeaux, mais d'imiter les crimes de leurs pères. C'est pour cela qu'il ajoute: «Vous témoignez bien que vous consentez aux oeuvres de vos pères». - Bède. En effet, pour capter la faveur du peuple, ils feignaient d'avoir en horreur l'impiété de leurs pères, en décorant avec magnificence les tombeaux des prophètes qu'ils avaient mis à mort; mais ils pr ouvaient assez par leurs oeuvres qu'ils étaient complices de l'iniquité de leurs pères, en poursuivant de leurs outrages le Seigneur prédit par les prophètes: «C'est pourquoi, ajoute-t-il, la sagesse de Dieu a dit: Je leur enverrai des prophètes et des apôtres, et ils tueront les uns et poursuivront les autres». - S. Ambr. La sagesse de Dieu, c'est Jésus-Christ. Nous lisons d'ailleurs dans saint Matthieu: «Voici que je vous envoie des prophètes et des sages». - Bède. Si donc c'est la sagesse de Dieu qui a envoyé les prophètes et les Apôtres, que les hérétiques cessent donc de prétendre que le Christ ne tire son origine et son existence que de la Vierge; qu'ils ne disent plus que le Dieu de la loi et des prophètes est différent du Dieu du Nouveau Testament. Les Apôtres, dans leurs écrits, donnent, il est vrai, le nom de prophètes, non seulement à ceux qui ont prédit longtemps d'avance l'incarnation de Jésus-Christ, mais à ceux qui annoncent les joies futures du royaume des cieux. Cependant je ne pense pas que ces prophètes doivent être placés à un rang supérieur à celui des Apôtres.
S. Athan. (Apolog. 1, sur sa fuite). S'ils font mourir ceux qui leur sont envoyés, la mort des victimes criera plus haut contre eux; s'ils les persécutent, ils donneront plus d'éclat et d'étendue aux témoignages de leur iniquité. En effet, la fuite de ceux qui souffrent persécution, augmente et atteste le crime de leurs persécuteurs; car on ne fuit pas celui qui est ami de la piété et de la douceur, mais bien plutôt celui dont l'âme est cruelle et les instincts mauvais. Notre-Seigneur ajoute: «Afin qu'on redemande à cette génération le sang de tous les prophètes qui a été répandu depuis la création du monde». - Bède. Mais comment le sang de tous les prophètes et de tous les justes est-il redemandé à une seule génération des Juifs, alors qu'un grand nombre de saints, soit avant soit après l'incarnation, ont été mis à mort par d'autres peuples? Nous répondons que l'Écriture a coutume de diviser les hommes en deux générations, la génération des bons, et la génération des méchants. - S. Cyr. Ainsi, bien que le Sauveur dise d'une manière indicative: «On redemandera à cette génération», il embrasse dans sa pensée, non seulement ceux qui étaient présents et qui l'entendaient, mais tous les homicides, car ceux qui se ressemblent méritent d'être tous confondus. - S. Chrys. (hom. 75, sur S. Matth). D'ailleurs s'il prédit aux Juifs des châtiments plus sévères, c'est en toute justice, car ils ont surpassé les crimes des autres peuples, et n'ont été convertis par aucun des exemples des siècles passés; mais la vue des crimes et des châtiments de leurs pères, loin de les rendre meilleurs, ne les a pas empêchés de se livrer aux mêmes crimes. Le Sauveur ne veut donc pas dire ici qu'ils seront châtiés pour les crimes des autres.
Théophyl. Le Seigneur montre ensuite que les Juifs étaient héritiers de la malice de Caïn, en ajoutant: «Depuis le sang d'Abel jusqu'au sang de Zacharie», etc. Abel, en effet, fut tué par Caïn, «et Zacharie que les Juifs firent périr entre l'autel et le temple», est, suivant quelques-uns, le patriarche Zacharie fils du grand prêtre Joïadas (2 Par 24). - Bède. Il n'y a rien d'étonnant que le Sauveur dise: «Depuis le sang d'Abel», qui a été le premier martyr, mais pourquoi: «Jusqu'au sang de Zacharie»,bien qu'un grand nombre après lui aient été mis à mort, avant la naissance de Jésus-Christ, et que peu de temps après ait eu lieu le massacre des Innocents. N'est-ce point peut-être parce qu'Abel était paste ur de brebis, et Zacharie grand prêtre, et que l'un fut mis à mort au milieu des champs, et l'autre dans le temple, et que les deux classes de martyrs, les laïques et les prêtres voués au service des autels nous sont représentés par ces deux noms ?
S. Grég. de Nyss. (Disc. sur la naiss. de J.-C). Suivant quelques auteurs, Zacharie, père de Jean, ayant connu par l'esprit de prophétie le mystère de la virginité inaltérable de la Mère de Dieu, ne l'exclut point de la partie du temple réservée aux vierges, afin de montrer que la puissance du Créateur pouvait manifester une naissance nouvelle, qui ne ferait point perdre à celle qui enfanterait l'éclat de sa virginité. Or, cet endroit se trouvait entre l'autel et la partie du temple où était placé l'autel d'airain, et c'est pour cela qu'il fut mis à mort en cet endroit. On dit encore, que les Juifs ayant appris l'avènement prochain du Roi du monde, et craignant qu'il ne les soumît à son empire, se jetèrent sur celui qui annonçait sa naissance, et massacrèrent le g rand prêtre dans le temple. - S. Grég. ou Géomet. On donne encore une autre cause de la mort de Zacharie, lorsqu'eut lieu le massacre des innocents; Jean-Baptiste devait être mis à mort avec les enfants de son âge, mais Elisabeth s'enfuit dans le désert pour arracher son fils à une mort certaine, et alors les satellites d'Hérode ne trouvant ni Elisabeth ni l'enfant, tournèrent leur rage contre Zacharie, et le massacrèrent pendant qu'il remplissait dans le temple les fonctions de son ministère.
«Malheur à vous, docteurs de la loi, parce que vous avez pris la clef de la science !» - S. Bas. (sur Is dis. 1). Cette parole «Malheur»,qui annonce d'intolérables douleurs, s'applique bien à ceux qui devaient être bientôt livrés mi plus redoutable supplice. - S. Cyr. Or, la clef de la science, c'est la loi elle-même qui était une ombre et une figure de la justice du Christ. C'était donc un devoir pour les docteurs de la loi, de scruter avec soin la loi de Moïse et les oracles des prophètes, et d'ouvrir pour ains i dire, au peuple Juif, les portes de la connaissance du Christ. Mais bien loin de le faire, ils contestaient la divinité de ses miracles, et s'élevaient contre son enseignement en disant au peuple: «Pourquoi l'écoutez-vous ?» C'est ainsi qu'ils ont pris ou enlevé la clef de la science: Notre-Seigneur ajoute: «Vous n'êtes pas entrés vous-mêmes, et ceux qui entraient, vous les en avez empêchés».La foi est aussi la clef de la science, car c'est par la foi qu'on arrive à la connaissance de la vérité, selon ces paroles du prophète Isaïe: «Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez point». Les docteurs de la loi prirent donc la clef de la science, en ne permettant pas aux hommes de croire en Jésus-Christ. - S. August. (quest. évang., 2, 23). La clef de la science est encore l'humilité de Jésus-Christ, que les docteurs de la loi ne voulurent ni comprendre par eux-mêmes, ni laisser comprendre aux autres. - S. Ambr. Sous le nom des Juifs, le Sauveur condamne encore et menace des supplices éternels ceux qui s'arrogeant injustement l'enseignement de la connaissance de Dieu, empêchent les autres d'y parvenir, et ne connaissent point eux-mêmes ce qu'ils enseignent.
S. Aug. (De l'accord. des Evang., 2, 75). Saint Matthieu place ce discours de Notre-Seigneur lorsqu'il fut entré dans la ville de Jérusalem, tandis que d'après saint Luc, Notre-Seigneur se dirigeait alors vers Jérusalem. Je pense donc que Notre-Seigneur fit deux discours semblables, dont l'un a été rapporté par saint Matthieu, et l'autre par saint Luc.
Bède. Les pharisiens et les docteurs de la loi attestent eux-mêmes combien étaient fondés ces reproches d'incrédulité, de dissimulation et d'impiété, puisque loin de revenir à de meilleurs sentiments, ils dressent des embûches au divin Docteur de la vérité: «Comme il leur disait ces choses, les pharisiens et les docteurs de la loi commencèrent à le presser vivement», etc. - S. Cyr. Le mot presser, insister veut dire faire des instances, ou menacer, ou faire violence. Ils se mirent aussi à l'interrompre en lui adressant une multitude de questions: «Et ils commencèrent à l'accabler d'une multitude de questions». - Théophyl. En effet, lorsque plusieurs hommes se réunissent pour accabler un seul homme d'un grand nombre de questions de différente nature, il ne peut répondre à tous à la fois, et les insensés l'accusent d'hésitation ou d'ignorance. Tel était le piége qu'ils lui tendaient dans leur malice, mais ils cherchaient en outre à l'accabler, c'est-à-dire, à l'exciter à dire quelque chose qui leur donnât lieu de le condamner. «Lui tendant des pièges, et cherchant à surprendre quelque parole de sa bouche pour l'accuser». Après avoir dit qu'ils voulaient l'accabler, l'Évangéliste ajoute qu'ils voulaient surprendre ou arracher quelque parole de sa bouche. En effet, ils l'interrogeaient, tantôt sur la loi, pour l'accuser de blasphème contre Moïse; tantôt sur César, pour l'accuser d'être un conspirateur et un ennemi de la majesté de César.
Catena Aurea 10129