Catena Aurea 11041
11041 Lc 20,41-44
Théophyl. Le Seigneur était près de sa passion, il n'en proclame pas moins sa divinité, non pas sans précaution et avec fierté, mais avec la plus grande modération. En effet, il se contente de leur adresser une question qui jette le doute dans leur esprit, et leur permet de tirer eux-mêmes la conséquence de ses paroles: «Alors Jésus leur demanda: Comment dit-on que le Christ est Fils ne David», etc. - S. Ambr. Le Sauveur ne leur reproche point de l'appeler Fils de David, puisque c'est en lui donnant ce nom, que l'aveugle avait mérité sa guérison (Lc 13); et que les enfants avaient offert à Dieu le plus beau tribut de louanges et de gloire par cette acclamation: «Hosanna au Fils de David». Mais il leur fait un reproche de ne pas le reconnaître pour le Fils de Dieu; voilà pourquoi il ajoute: «David lui-même dit dans le livre des Psaumes (Ps 109): Le Seigneur a dit à mon Seigneur». Ce n'est pas qu'il y ait deux Seigneurs; il n'y en a qu'un seul, parce que le Père est dans le Fils, et le Fils est dans le Père, fi est assis à la droite du Père, parce qu'étant égal et consubstantiel au Père, il n'a personne au-dessus de lui: «Asseyez-vous à ma droite». Il n'est pas supérieur au Père, parce qu'il est assis à sa droite; il ne lui est pas inférieur, parce qu'il est envoyé, la dignité ne peut être plus ou moins grande, là où se trouve la plénitude de la divinité.
S. Aug. (du Symb., 2, 7). Il ne faut pas entendre ces paroles «Asseyez-vous à ma droite», dans un sens matériel, comme si le Père était réellement assis à la gauche, et le Fils à la droite; mais la droite ici signifie la puissance de l'humanité unie à la divinité, puissance en vertu de laquelle le Sauveur viendra juger les hommes, lui qui, dans son premier avènement, était venu pour être jugé. - S. Cyr. Ou bien encore: Il est assis à la droite du Père, parce que sa gloire est la gloire souveraine de Dieu; ceux, en effet, qui ont un même trône, ont une même majesté. Or, cette expression figurée: être assis exprime la souveraineté et la puissance de Dieu sur toutes choses. Il est donc assis à la droite du Père, parce que le Verbe consubstantiel au Père n'a pas cessé d'être Dieu en se faisant homme. - Théophyl. Il leur fait voir ensuite que loin d'être opposé à Dieu le Père, il est avec lui dans la plus parfaite union, puisque le Père se déclare contre ses ennemis: «Asseyez-vous à ma droite, jusqu'à ce que je fasse de vos ennemis l'escabeau de vos pieds». - S. Ambr. Croyons donc que Jésus-Christ est à la fois Dieu et homme, et que Dieu le Père lui a soumis tous ses ennemis; non qu e le Fils lui soit inférieur en puissance, mais parce qu'ils ont une seule et même nature, et que l'un opère nécessairement avec l'autre; car le Fils lui-même assujettit aussi ses ennemis à son Père, par la gloire qu'il lui procure sur la terre (Jn 17). - Théophyl. Notre-Seigneur les interroge donc lui-même, et après avoir fait naître le doute dans leur esprit, il leur laisse tirer la conséquence de ce qu'il vient de dire: «David l'appelle son Seigneur, comment peut-il être son fils». - S. Chrys. David est à la fois père et serviteur du Christ, père selon la chair, et serviteur selon l'esprit. - S. Cyr. Et nous aussi nous adressons la même question à ces nouveaux pharisiens qui refusent d'admettre que celui qui est né de la très-sainte Vierge soit le vra i Fils de Dieu et Dieu lui-même, et qui le divisent en deux personnes, et nous leur demandons: Comment le Fils de David est-il son Seigneur, en vertu d'une puissance qui n'est pas une puissance humaine, mais une souveraineté toute divine ?
11045 Lc 20,45-47
S. Chrys. Rien n'est plus fort que les preuves tirées des prophètes, elles sont bien supérieures aux faits eux-mêmes. Voyez en effet, malgré les miracles que Jésus opérait, ses ennemis ne laissaient pas de le contredire, mais lorsqu'il eut cité les témoignages des prophètes, ils se turent, parce qu'ils n'avaient rien à répliquer. Or, comme ils gardaient le silence, Notre-Seigneur leur adresse les reproches qu'ils méritaient: «Il dit ensuite à ses disciples, devant tout le peuple qui l'écoutait». - Théophyl. Il les envoyait pour être les docteurs de l'univers, il leur recommande donc avec raison de ne point imiter les prétentions ambitieuses des pharisiens: «Gardez-vous des scribes qui affectent de se promener vêtus de longues robes. - Bède. C'est-à-dire qui aiment à paraître en public vêtus d'habits magnifiques et somptueux; ce qui est relevé comme une des fautes dont le mauvais riche s'est rendu coupable.
S. Cyr. Les principaux vices des scribes étaient l'amour de la gloire et de l'argent. C'est contre ces vices les pires de tous que Notre-Seigneur prémunit ses disciples en leur disant: «Ils aiment à être salués dans les places publiques». - Théophyl. C'est le propre de ceux qui recherchent et poursuivent l'éclat de la renommée, Ou encore, ils agissaient ainsi par un motif d'intérêt pécuniaire.
«Ils aiment à occuper les premiers siéges dans les synagogues».
- Bède. Il ne défend point de s'asseoir les premiers dans les synagogues ou dans les festins, à ceux que leur position appelle à occuper ces premières places, mais il recommande à ses disciples de se garder de ceux qui les recherchent sans y avoir droit. C'est l'intention qu'il condamne ici et non le rang qu'on occupe, bien qu'on ne puisse entièrement excuser ceux qui veulent à la fois se mêler aux discussions, aux litiges de la place publique, et en même temps être appelés maîtres dans les synagogues. Or, le Sauveur nous donne deux raisons pour nous engager à nous prémunir contre les sectateurs de la vaine gloire: la première, afin que nous ne soyons pas dupes de leur hypocrisie, en regardant leur conduite comme irrépréhensible; la seconde, afin que nous ne soyons pas tentés de les imiter, en mettant follement notre joie dans les louanges que l'on donne à leurs vertus apparentes. Et ce ne sont pas seulement les louanges qu'ils recherchent, mais encore les richesses: «Et qui sous prétexte de longues prières dévorent les maisons des veuves». Ils affectent en effet d'être justes et de jouir d'un grand crédit auprès de Dieu, et ils n'hésitent pas à recevoir de l'argent des personnes faibles et troublées par la conscience de leurs péchés, pour se constituer leurs défenseurs au jugement de Dieu. - S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr). Ils absorbent les biens des veuves, et foulent aux pieds la pauvreté, car ils n'épuisent pas ces biens d'une manière quelconque, mais ils les dévorent, et font servir la prière d'instrument à leurs iniquités, ce qui les rend dignes d'un plus terrible châtiment: «Ils subiront une condamnation plus rigoureuse». Théophyl. Car non seulement ils font le mal, mais ils se servent de leurs prières pour le commettre, et veulent faire de la vertu l'excuse du crime. Ils dépouillent d'ailleurs les veuves dont ils devraient avoir pitié, en exigeant d'elles des rétributions pour la protection qu'ils leur accordent. - Bède. Ou encore: «Ils subiront une condamnation plus rigoureuse parce qu'ils cherchent à obtenir à la fois des louanges et de l'argent».
11101 Lc 21,1-4
La Glose. Après avoir condamné l'avarice des scribes qui dévoraient les maisons des veuves, Notre-Seigneur fait l'éloge de l'offrande d'une pauvre veuve: «Jésus regardait un jour les riches qui mettaient leurs offrandes dans le tronc», etc.
Bède. Le mot grec öõëáaeáé, veut dire conserver, et le mot persan gaza, signifie richesse, de là vient le nom de gazophylacium, donné à l'endroit où on déposait l'argent. C'était un coffre percé d'un trou à la partie supérieure et placé près de l'autel, à la droite de ceux qui entraient dans le temple, et dans lequel les prêtres qui gardaient les offrandes mettaient toutes les sommes d'argent que le peuple apportait au temple du Seigneur (Mc 12, 41). Or, de même que le Seigneur discerne le mérite de ceux qui travaillent dans sa maison, il regarde aussi attentivement ceux qui viennent lui présenter leurs offrandes, et il donne des éloges à celui qu'il en juge digne, comme il condamne celui dont les intentions sont mauvaises: «Et il vit aussi une pauvre veuve qui mit deux petites pièces de monnaie». - S. Cyr. (Ch. des Pèr. gr). Elle offrait deux petites pièces de monnaie qu'elle gagnait à la sueur de son front pour sa subsistance de chaque jour. Ou encore: elle donnait à Dieu ce qu'elle demandait chaque jour à la charité publique, elle montrait ainsi la richesse et la fécondité de son indigence qui l'emportait sur tous les autres et recevait de Dieu les justes éloges qu'elle méritait: «Et il dit: En vérité je vous le dis, cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres». - Bède. Dieu a pour agréable tout ce que nous lui offrons d'un coeur généreux; il pèse les intentions bien plus que l'objet même de notre offrande, et il considère moins la matière de notre sacrifice que la disposition généreuse de celui qui l'offre: «Car tous ceux-là ont fait des offrandes à Dieu de leur superflu, mais cette femme a mis de son indigence même tout ce qu'elle avait pour vivre». - S. Chrys. (hom 1, sur l'Epit. aux Hebr). Ce n'est pas la modicité de l'offrande, mais la richesse du coeur que Dieu considère ici. (hom. 28). L'aumône en effet ne consiste pas à donner une petite partie des grandes richesses qu'on possède, mais à imiter cette veuve qui s'est dépouillée de tout ce qu'elle possédait. Si vous ne pouvez donner autant qu'elle, donnez au moins tout votre superflu.
Bède. Dans le sens allégorique, les riches qui déposaient leurs offrandes dans le tronc du temple, sont la figure des Juifs fiers de la justice de la loi; cette pauvre veuve représente la simplicité de l'Église; elle est pauvre parce qu'elle s'est dépouillée de l'esprit d'orgueil et des péchés qui sont comme les richesses du monde; elle est veuve, parce que son époux a souffert la mort pour elle; elle met deux petites. pièces de monnaie dans le tronc, parce que c'est en présence de Dieu (qui conserve les offrandes que nous lui faisons de nos oeuvres), qu'elle vient apporter l'offrande soit de l'amour de Dieu et du prochain, soit de la foi et de la prière qui l'emportent de beaucoup sur toutes les oeuvres des Juifs orgueilleux. En effet, les Juifs qui présument de leur justice, donnent à Dieu de leur abondance; l'Église au contraire offre tout ce qui sert à sa subsistance, parce qu'elle reconnaît que tout ce qui contribue à entretenir sa vie, est un don de Dieu. - Théophyl. Ou encore, cette veuve est l'image de toute âme qui, veuve de la loi ancienne, comme de son premier mari, n'est pas encore digne de s'unir au Verbe de Dieu; elle donne à Dieu pour gage sa foi et sa bonne conscience, et c'est ainsi qu'elle paraît offrir beaucoup plus que ceux qui sont riches en paroles, beaucoup plus que toutes les vertus morales qui forment les richesses des Gentils.
11105 Lc 21,5-9
Eusèbe ou Théophane. (Ch. des Pèr. gr). L'histoire nous atteste quelle était la magnificence des constructions du temple, et ce qui en reste encore aujourd'hui nous fait comprendre quelle devaient être la grandeur et la richesse de cet édifice. Or, comme ses disciples admiraient les constructions du temple, Notre-Seigneur leur déclare qu'il n'en restera pas pierre sur pierre: «Quelques-uns lui faisant remarquer la beauté des pierres du temple, et les riches offrandes dont il était orné, il dit: Il ne restera pas pierre suit pierre». Il était juste, en effet, que ce lieu fût entièrement détruit, pour punir l'insolence audacieuse de ceux qui venaient y accomplir les cérémonies de leur culte. - Bède. Ce fut encore par un dessein particulier de la Providence divine que la ville et le temple furent voués à une entière destruction, car il était à craindre que des chrétiens, faibles encore dans la foi, voyant la ville et le temple debout, et considérant avec étonnement les sacrifices qu'on y offrait, ne fussent comme ébranlés par le spectacle de ces rites si différents. - S. Ambr. Ce que le Sauveur prédisait de la destruction future de ce temple bâti par les hommes, était vrai, car tout ce qui est construit de main d'homme, ou périt nécessairement de vétusté, ou est renversé par la force, ou est consumé par le feu. Il y a cependant un autre temple (la synagogue), dont l'antique édifice devait s'écrouler à la naissance de l'Église. Nous avons tous aussi un temple au-dedans de nous, qui s'écroule lorsque la foi s'affaiblit, et surtout lorsqu'on affecte par hypocrisie de paraître extérieurement chrétien pour se déclarer plus facilement contre Jésus-Christ dans l'intérieur de son âme.
S. Cyr. Les disciples ne comprenaient point le sens de ces paroles, ils s'imaginaient que le Sauveur voulait parler de la fin du monde, c'est pourquoi ils lui demandent quand cette destruction devait avoir lieu: «Alors ils lui demandèrent: Maître, quand cela arrivera-t-il? et à quel signe connaîtra-t-on que ces choses sont, prêtes à s'accomplir ?» - S. Ambr. Saint Matthieu ajoute une troisième question, c'est-à-dire, que les disciples demandent à la fois le temps de la destruction du temple, les signes de l'avènement du Sauveur, et ceux qui doivent précéder la fin du monde. Or, Notre-Seigneur, interrogé sur le temps de la destruction du temple et sur les signes de son avènement, s'explique sur cette dernière question, mais ne répond pas à la première: «Il leur dit: Prenez garde d'être séduits». -
S. Athan. (Disc. 4 contr. les Ar). Dieu nous a donné des grâces et fait connaître des vérités qui appartiennent à l'ordre surnaturel (par exemple les règles de la vie céleste, la puissance contre les démons, l'adoption, la connaissance du Père et du Fils, et le don de l'Esprit saint); aussi le démon, notre ennemi, rôde sans cesse autour de nous pour nous ravir la semence de la parole divine. Dieu donc, pour conserver en nous les dons précieux qu'il nous a faits et les enseignements qu'il nous a donnés, nous prémunit contre la séduction. Le Verbe de Dieu nous a fait une grâce extraordinaire, c'est non seulement de ne pas nous laisser tromper par les choses apparentes, mais encore de discerner, à l'aide de la grâce de l'Esprit saint celles qui sont cachées. Le démon, auteur de tout mal, sait l'horreur qu'il inspire, il cache donc avec soin ce qu'il est, et se couvre astucieusement d'un nom qu'il sait être cher à tous. Il fait comme celui qui veut gagner des enfants en l'absence de leurs parents, il prend leur extérieur et simule leur Voix pour tromper l'amour de ces enfants. Ainsi donc, dans toutes les hérésies, le démon se déguise et dit: Je suis le Christ, la vérité est avec moi: «Plusieurs viendront en mon nom et diront: C'est moi, et le temps approche». - S. Cyr. Avant que Jésus-Christ descende du ciel, il en viendra plusieurs qu'il faudra se garder de suivre, ce qui sera facile, car si le premier avènement du Verbe, Fils unique de Dieu, venant pour sauver le monde, a été obscur et caché, parce qu'il voulait souffrir pour nous la mort de la croix; son second avènement, au contraire, sera éclatant et terrible, car il descendra environné de la gloire de Dieu le Père, au milieu des anges, qui seront ses ministres, pour juger le monde dans la justice; ne les suivez donc point, nous dit-il. - Tite de Bostr. Peut-être ne veut-il point parler ici de des faux christs qui viendront avant la fin du monde, mais de ceux qui parurent au temps des Apôtres. - Bède. En effet, peu de temps avant la ruine de Jérusalem, on vit paraître plusieurs chefs de sédition, qui affirmaient qu'ils étaient le Christ, et annonçaient l'approche de l'ère de l'affranchissement et de la liberté. On vit aussi dans l'Église, des hérésiarques, que l'Apôtre a condamnés (2Th 2,2), et qui annonçaient que le jour du Seigneur approchait. Il parut aussi plusieurs antéchrists, qui déclaraient venir au nom du Christ; le premier d'entre eux fut Simon le magicien, qui disait de lui-même: «Celui-ci est la grande vertu de Dieu (Ac 8, 10) ».
11109 Lc 21,9-11
S. Grég. (hom. 35 sur les Evang). Notre-Seigneur prédit les calamités qui doivent précéder la fin du monde, pour diminuer par cette prédiction le trouble qu'elles produiront quand elles seront arrivées, car les coups qui sont prévus se font moins sentir. Il commence donc ainsi: «Et lorsque vous entendrez parler de guerres et de séditions», etc. Les guerres viendront des ennemis, les séditions des concitoyens entre eux, et le Sauveur prend soin de distinguer ce que nous aurons à souffrir des ennemis extérieurs et de nos propres frères, pour nous faire comprendre que nous serons en proie au trouble et à l'affliction tout à la fois au dedans et au dehors. - S. Ambr. Qui peut mieux attester la vérité de ces paroles divines que nous-mêmes, qui devons être les témoins de la fin du monde? Quelles guerres avons-nous apprises, et quels bruits de combats avons-nous entendus !
S. Grég. (hom. 35). Mais la fin du monde ne doit pas suivre immédiatement ces calamités, qui en seront comme les signes précurseurs. Aussi Notre-Seigneur ajoute: «Il faut d'abord que ces choses arrivent, mais la fin ne viendra pas immédiatement après». La dernière tribulation sera précédée par beaucoup d'autres tribulations, car Dieu veut que le malheur qui n'aura point de fin soit précédé et annoncé par des calamités sans nombre: «Alors, ajouta-t-il, on verra se soulever peuple contre peuple et royaume contre royaume». Les maux que nous aurons à souffrir nous viendront, les uns du ciel, les autres de la terre, ceux-ci des éléments, ceux-là des hommes, et Notre-Seigneur commence par ces derniers. Il ajoute: «Il y aura en divers lieux de grands tremblements de terre». Voilà les effets de la colère céleste. - S. Chrys. (hom 2 sur les Actes). Les tremblements de terre sont quelquefois les effets de la colère de Dieu, comme lorsque le Sauveur fut crucifié; quelquefois, ils sont un signe de la grâce et des faveurs divines, c'est ainsi que le lieu où les Apôtres étaient réunis pour prier, trembla lorsque l'Esprit saint descendit sur eux: «Et des pestes». - S. Grég. (hom. 35). Voilà la perturbation des corps: «Et les famines»; c'est la stérilité de la terre: «Il paraîtra des signes épouvantables et des signes extraordinaires dans le ciel», c'est la perturbation dans les airs. Il faut entendre ces paroles des tempêtes qui viennent en dehors des lois ordinaires de la nature, car pour celles qui suivent ses lois, elles ne sont point des signes. Nous avons détourné à des usages coupables, ce que nous avions reçu pour les besoins de notre vie; Dieu, à son tour, fera servir à notre châtiment toutes les créatures dont nous aurons fait des instruments d'iniquité.
S. Ambr. La fin du monde sera donc précédée de divers fléaux qui en seront comme les maladies, c'est-à-dire, la famine, la peste et la persécution. - Théophyl. Suivant quelques interprètes, ces prédictions n'ont pas seulement pour objet les événements qui doivent précéder la fin du monde, mais elles ont reçu leur accomplissement au temps du siège et de la ruine de Jérusalem. C'est à juste titre, en effet, que les Juifs qui avaient mis à mort l'auteur de la paix, virent éclater parmi eux les guerres et les séditions. La guerre à son tour fut suivie de la peste et de la famine, comme conséquence, la première, de l'air infecté par les cadavres; la seconde, des champs restés sans culture. L'historien Josèphe, rapporte les effroyables extrémités dont cette famine fut la cause, nous voyons dans les Actes, que sous le règne de l'empereur Claude, la Judée fut en proie à une grande famine (Ac 11), et le même Josèphe raconte beaucoup d'autres terribles fléaux, qui annonçaient la prise de Jérusalem.
S. Chrys. Notre-Seigneur prédit que la prise et la ruine de la ville ne suivront pas immédiatement ces signes précurseurs, mais qu'elles n'auront lieu qu'après de longs et nombreux combats. - Bède. Notre-Seigneur veut aussi avertir les Apôtres, de ne pas s'effrayer de ces signes précurseurs, et de ne quitter ni Jérusalem ni la Judée. On peut voir encore dans ces royaumes soulevés les uns contre les autres, dans ces pestes, les doctrines pestilentielles qui s'étendent et rongent comme un cancer (2Tm 2,16); dans ces famines, la faim d'entendre la parole de Dieu; dans ce tremblement de toute la te rre, la séparation de la vraie foi même dans les hérétiques qui, en luttant les uns contre les autres, contribuent ainsi au triomphe de l'Église. - S. Ambr. Il y a encore d'autres guerres que doit soutenir un chrétien, ce sont les combats contre les passions multipliées et contre les désirs coupables qui naissent en nous, et ces ennemis domestiques sont mille fois plus redoutables que ceux du dehors.
11112 Lc 21,12-19
S. Grég. (hom. 35 sur les Evang). Comme les calamités que le Sauveur vient de prédire, ne viennent pas de l'injustice de Dieu qui les envoie, mais sont un juste châtiment des crimes du monde, Notre-Seigneur fait connaître ces attentats des hommes pervers: «Avant que toutes ces choses arrivent, ils se saisiront de vous», etc., c'est-à-dire, le trouble s'emparera des coeurs des hommes avant qu'il s'étende aux éléments; on saura ainsi, lorsque l'ordre de la nature sera bouleversé, quelle tribulation en est la cause? car bien que la fin du monde soit une conséquence des éléments qui le composent, le Sauveur nous fait connaître que les hommes qui vivront alors seront justement écrasés sous ses ruines en punition de leurs crimes énormes. - S. Cyr. Ou encore, Notre-Seigneur veut parler ici des persécutions que ses disciples eurent à souffrir des Juifs, qui les jetèrent en prison et les traînèrent devant les tribunaux avant la prise de Jérusalem par les Romains. C'est ainsi que saint Paul fut envoyé à Rome pour être jugé par César, et qu'il comparut devant Festus et Agrippa.
«Et ce sera pour vous une occasion de rendre témoignage». Le grec porte: «Pour le martyre (åéò ìáñôõñéïí), c'est-à-dire, d'obtenir la gloire du martyre. - S. Grég. (hom. 35). Ou bien encore, pour être en témoignage contre eux, parce qu'ils vous ont persécutés et mis à mort, ou parce qu'ils n'ont pas imité dans leur vie les exemples que vous leur avez donnés, ou parce que ces exemples qui ont été pour les élus un principe de vie, sont devenus pour les méchants une cause de mort sans excuse. Mais ces terribles prédictions pouvaient j eter le trouble dans le coeur de ceux qui les entendaient, le Sauveur ajoute donc pour les consoler: «Gravez cette pensée dans vos coeurs, de ne point préméditer ce que vous devrez répondre». - Théophyl. Comme les Apôtres étaient sans instruction et sans lettres, Notre-Seigneur leur recommande de ne point se troubler lorsqu'ils sont appelés à rendre compte de leur conduite devant les sages du monde, et il en donne la raison: «Car je mettrai moi-même sur vos lèvres des paroles et une sagesse à laquelle tous vos ennemis ne pourront résister et qu'ils ne pourront contredire», c'est-à-dire, vous recevrez à l'instant de moi l'éloquence et la sagesse, de sorte que tous vos ennemis, quand ils réuniraient tous leurs efforts, ne pourront vous résister, ni par leur sagesse (c'est-à-dire, par la force des raisonnements), ni par l'éloquence et par l'élégance du langage. Il en est beaucoup, en effet, qui ont un grand fond de sagesse, mais qui, faciles à troubler, voient se confondre toutes leurs idées lorsque le mom ent est venu de les exposer. Tels ne furent point les Apôtres, qui reçurent le double don de la sagesse et de la parole. - S. Grég. Le Sauveur semble leur dire: Ne vous effrayez pas, vous marchez au combat, mais c'est moi qui combats pour vous; vous prononcez les paroles, mais c'est moi qui les forme sur vos lèvres. - S. Ambr. Tantôt c'est Jésus-Christ qui parle par la bouche de ses disciples, tantôt c'est le Père (Mt 16), tantôt enfin l'Esprit saint (Mt 10) Ces divers passages, loin de se contredire, s'accordent parfaitement, car ce que l'un dit, les trois le disent également, parce que la Trinité n'a qu'une seule et même voix.
Théophyl. Après leur avoir ainsi parlé, pour dissiper la crainte que pouvait leur inspirer leur ignorance, il les prémunit contre un autre danger non moins important, qui aurait pu aussi jeter le trouble dans leurs coeurs, s'il les avait surpris à l'improviste: «Vous serez même trahis et livrés par vos pères, par vos frères, par vos amis, et on en fera mourir plusieurs d'entre vous». - S. Grég. (hom. 35). Les épreuves les plus cruelles nous viennent de ceux sur l'affection desquels nous croyions pouvoir compter, parce qu'aux souffrances extérieures viennent se joindre alors la douleur de l'affection que nous avons perdue. - S. Grég. de Nysse. Considérons quelle était alors la situation de la société. Dans toutes les familles divisées par la différence de religion, on était suspect les uns aux autres. Le fils encore idolâtre trahissait ses parents devenus chrétiens; le père, obstiné dans son infidélité, devenait l'accusateur de son fils qui avait embrassé la foi. Tous les âges étaient exposés à la persécution, et les femmes elles-mêmes, n'en étaient pas à l'abri par la faiblesse naturelle de leur sexe.
Théophyl. Notre-Seigneur leur prédit ensuite la haine universelle dont ils seront l'objet: «Et vous serez haïs de tout le monde à cause de mon nom». - S. Grég. (Hom. 35). Mais comme ces prédictions qui leur montrent une mort cruelle en perspective ont quelque chose d'effrayant et de redoutable, il les console aussitôt par l'espérance des joies de la résurrection: «Cependant il ne se perdra pas un seul cheveu de votre tête», c'est-à-dire: Pourquoi craindriez-vous de voir périr ce que vous ne pouvez perdre sans douleur, puisque même ce qui peut vous être retranché sans vous causer aucune souffrance, ne peut périr? - Bède. Ou bien encore: Il ne périra pas un seul cheveu de la tête des disciples, parce que non seulement les grandes actions et les paroles des saints, mais encore leu rs moindres pensées recevront de Dieu leur juste récompense.
S. Grég. (Moral., 5, 13). Celui qui pratique la patience dans l'adversité, puise sa force contre toutes les tribulations, par le même principe qui lui fait remporter la victoire sur lui-même: «Vous posséderez vos âmes dans la patience». Qu'est-ce que posséder son âme, c'est mener une vie entièrement irréprochable, et comme du haut d'une forteresse, dominer par la vertu tous les mouvements de son coeur. - S. Grég. (hom. 35). Ainsi nous possédons nos âmes par la patience, parce qu'en nous dominant nous-mêmes, nous commençons à être les maîtres de ce que nous sommes. La possession de l'âme dépend de la vertu de patience, parce que la patience est la racine et la gardienne de toutes les vertus. Or, la patience consiste à supporter avec calme les épreuves qui nous viennent d'autrui, et à ne nourrir aucun ressentiment contre ceux qui en sont la cause.
11120 Lc 21,20-24
Bède. Jusqu'ici Notre-Seigneur a prédit les événements qui arriveraient pendant les quarante années qui devaient suivre, mais sans qu'il fût question de la ruine définitive des Juifs, il en vient maintenant à la destruction de cette malheureuse nation, et aux ruines qu'amoncellera l'armée romaine: «Lorsque vous verrez une armée environner Jérusalem, sachez que la désolation est proche». - Eusèbe. (Ch. des pèr. gr). Il appelle cette ruine la désolation de Jérusalem, parce qu'elle ne sera plus rebâtie par ses habitants, ni reconstituée selon les prescriptions de la loi, et que personne, après le siège et la désolation qui doivent avoir lieu, ne doit espérer ion rétablissement, comme au temps du roi des Perses, d'Antiochus le Grand, et aussi comme au temps de Pompée.
S. Aug. (Lettre 80 à Hésych). Saint Luc rapporte ici ces paroles du Seigneur, pour nous faire comprendre que ce fut lors du siége de Jérusalem qu'eut lieu l'abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel, et dont saint Matthieu (Mt 24) et saint Marc (Mc 13) ont parlé. - S. Ambr. Les Juifs crurent que cette abomination de la désolation s'était alors vérifiée, parce que les Romains avaient jeté une tête de porc dans le temple, pour insulter aux observances judaïques. - Eusèbe. Or, le Seigneur, prévoyant que la ville devait être désolée par la famine, avertissait ses disciples de ne point s'y réfugier lors du siége, comme dans un lieu sûr et protégé de Dieu, mais de s'en éloigner bien plutôt, et de s'enfuir vers les montagnes: «Alors que ceux qui sont dans la Judée, s'enfuient vers les montagnes». - Bède. L'histoire ecclésiastique (Eusèbe, 3, 5) rapporte qu'aux approches de la ruine de Jérusalem, tous les chrétiens qui étaient dans la Judée en sortirent, sur l'avis qu'ils avaient reçu du Seigneur, et allèrent habiter au delà du Jourdain, la ville de Pella, jusqu'à ce que la désolation. de la Judée fût consommée. - S. Aug. (Lettre 80 à Hésych). Au lieu de ces paroles, nous lisons dans saint Matthieu et dans saint Marc: «Que celui qui sera sur le toit, ne descende pas dans sa maison»; salut Marc ajoute: «Et n'y entre point pour en emporter quelque chose». Saint Luc, au contraire: «Et que ceux qui sont au milieu d'elle s'en retirent».
Bède. Mais comment ceux qui sont au milieu de Jérusalem pourront-ils en sortir lorsqu'elle sera investie par une armée? Pour résoudre ces difficultés, il faut rapporter ces paroles, non pas au temps même du siége, mais à celui qui le précéda immédiatement, lorsque les soldats romains commencèrent à se répandre sur les frontières de la Galilée ou de la Samarie. - S. Aug. (comme précéd). Saint Matthieu et saint Marc disent: «Et que celui qui sera dans les champs, n'en revienne pas pour prendre son vêtement». Saint Luc est plus explicite: «Et que ceux qui sont dans les régions voisines n'y entrent point; car ce sont les jours de la vengeance dans lesquels doivent s'accomplir toutes les prédictions qui ont été faites». - Bède. Ces jours de la vengeance sont les jours où Dieu vengera le sang du Seigneur que les Juifs ont répandu.
S. Aug. (comme précéd). Saint Luc continue ensuite comme les deux autres Évangélistes: «Malheur aux femmes qui seront grosses ou nourrices en ces jours-là». C'est ainsi que cet Évangéliste fait disparaître toute ambiguïté, et nous rend certains que ce que le Sauveur a dit de l'abomination de la désolation, doit se rapporter non pas à la fin du monde, mais au temps du siége de Jérusalem. - Bède. Notre-Seigneur dit: «Malheur aux femmes qui seront grosses (aux, approches de la captivité), ou à celles qui nourriront ou qui allaiteront, parce qu'il leur sera bien difficile de fuir avec ce précieux, mais lourd fardeau, qu'elles porteront dans leur sein ou dans leurs bras». - Théophyl. Quelques-uns pensent que Notre-Seigneur fait ici allusion aux mères qui allèrent jusqu'à manger leurs enfants, selon le récit de l'historien Josèphe.
S. Chrys. (cont. les détract. de la vie mon). Le Sauveur donne la raison de ce qu'il vient de dire: «Car la terre sera accablée de maux, et la colère du ciel tombera sur ce peuple». En effet, les Juifs virent fondre sur eux un si grand déluge de maux, qu'aucun désastre ne pourra jamais être comparé aux calamités qu'ils éprouvèrent alors, au témoignage du même historien. - Eusèbe. (Ch. des pèr. gr). Lorsque les Romains arrivèrent et s'emparèrent de Jérusalem, une multitude innombrable de Juifs périrent par le glaive, selon la prédiction du Sauveur: «Ils tomberont sous le tranchant du glaive». Néanmoins, un plus grand nombre furent victimes de la famine. Ces tristes événements arrivèrent d'abord sous Tite et Vespasien, et ensuite sous le règne de l'empereur Adrien, quand il fut interdit aux Juifs de rentrer dans leur patrie: «Ils seront emmenés captifs dans toutes les nations». En effet, les Juifs furent dispersés dans tout l'univers, et se répandirent jusqu'aux extrémités de la terre, et tandis que la Judée est habitée par des étrangers, ils sont les seuls qui ne puissent remettre le pied dans leur patrie: «Et Jérusalem sera foulée aux pieds par les Gentils, jusqu'à ce que le temps des nations soit accompli». - Bède. C'est ce mystère dont veut parler l'Apôtre, lorsqu'il dit: «Une partie d'Israël est tombée dans l'aveuglement, jusqu'à ce que la multitude des nations soit entrée, et que tout le peuple d'Israël fût ainsi sauvé». Lorsqu'il aura enfin obtenu le salut qui lui a été promis, il pourra légitimement espérer de rentrer dans sa patrie.
S. Ambr. Dans le sens figuré, l'abomination de la désolation est l'avènement de l'Antéchrist, parce qu'il doit souiller l'intérieur des âmes par ses abominations sacrilèges, et selon la prédiction littérale de l'Écriture (2 Th 2, 3, 4), s'asseoir dans le temple pour usurper le trône de la divine majesté. Il est aussi l'objet du sens spirituel de ces paroles, parce qu'il voudra imprimer dans les âmes les traces profondes de sa perfidie, en cherchant à prouver par les Écritures qu'il est le Christ. Alors approchera la désolation, parce que la plupart succomberont honteusement, et abandonneront la véritable religion. Alors aussi ce sera le jour du Seigneur; car de même que son premier avènement a eu pour objet de nous racheter de nos iniquités, le second aura pour fin de réprimer les coupables efforts de ceux qui voudraient entraîner les fidèles dans l'erreur et l'infidélité. Il y a encore un autre Antéchrist, c'est le démon qui s'efforce d'assiéger Jérusalem (c'est-à-dire l'âme pacifique), avec l'armée de sa loi tyrannique. Or, quand le démon se trouve au milieu du temple, c'est l'abomination de la désolation. Mais lorsque la présence spirituelle du Christ vient à nous éclairer de sa lumière au milieu de nos tentations, le démon s'éloigne, et la justice commence à régner. Il y a encore un troisième Antéchrist, c'est Arius et Sabellius, et tous ceux qui cherchent à nous séduire pour nous perdre. Les femmes qui sont enceintes, dont le Sauveur déplore le triste sort, sont les chrétiens qui flattent les instincts de la chair, dont la marche est ralentie et entravée par la mollesse, qui sont stériles pour la vertu, et n'ont de fécondité que pour le vice. Ceux mêmes qui sont pour ainsi dire comme en travail de bonnes oeuvres, et qui n'eu ont encore produit aucune, ne sont pas à l'abri de cet anathème. Il en est, en effet, qui conçoivent par un sentiment de crainte de Dieu, mais tous n'enfantent pas; quelques-uns font, pour ainsi parler, comme avorter la parole de Dieu, et la rejettent avant de l'enfanter; d'autres portent le Christ dans leur sein, mais il n'est pas encore formé. Ainsi l'âme qui enfante la justice, enfante le Christ. Hâtons-nous aussi d'allaiter nos enfants, pour n'être pas surpris par l e jour du jugement ou de la mort. Il en sera ainsi, si vous conservez dans votre coeur toutes les paroles de la justice, sans attendre le temps de la vieillesse, et si dès votre premier âge vous vous hâtez de concevoir la sagesse et de la nourrir, en la préservant de la corruption des sens. A la fin du monde, les nations qui auront embrassé la foi, soumettront toute la Judée par le glaive de la parole spirituelle, qui est comme un glaive à deux tranchants. (Ap 1, 16; 19, 15).
Catena Aurea 11041