Catena Aurea 13141
13141 Jn 11,41-46
Alcuin. En tant qu'homme, Notre-Seigneur Jésus-Christ était inférieur à son Père, et c'est sous ce rapport qu'il lui demande la résurrection de Lazare, et qu'il dit eu avoir été exaucé: «Jésus, levant les yeux en haut, dit: Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m'avez exaucé». - Orig. (Traité 28 sur S. Jean). Il élève les yeux en haut, c'est-à-dire qu'il élève son âme humaine, et qu'il la conduit par la prière jusqu'au Très-Haut. Celui donc qui veut imiter la prière de Jésus-Christ doit aussi élever jusqu'au ciel les yeux de son coeur, et les détacher de toutes les choses présentes, de tout ce qui remplit mémoire, ses pensées, ses intentions. Mais si Dieu promet d'exaucer la prière de ceux qui remplissent ces conditions, comme il le déclare par la bouche d'Isaïe: «Pendant que vous parlerez encore, je dirai: Me voici», (Is 58, 9) que devons-nous penser de Notre-Seigneur Jésus-Christ notre Sauveur? Il allait prier Dieu pour obtenir la résurrection de Lazare, mais celui qui seul est un Père plein de bonté exauce sa prière avant même qu'il l'ait faite. Et c'est pour remercier son Père qu'il lui rend grâces en ces termes: «Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m'avez exaucé..., afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé». - S. Chrys. (hom. 64). C'est-à-dire qu'il n'y a aucune contradiction entre vous et moi. Ce langage du Sauveur n'est point une preuve de son impuissance, ou de son infériorité vis-à-vis de son Père, car on peut ainsi parler à ses amis et à ses égaux. Pour montrer du reste qu'il n'avait pas besoin de recourir à la prière, il ajoute: «Pour moi, je savais que vous m'exaucez toujours», c'est-à-dire, je n'ai pas besoin de vous prier pour vous persuader de faire ma volonté; car nous n'avons tous deux qu'une même volonté; vérité qu'il n'exprime qu'en termes couverts à cause de la faiblesse de ceux qui l'entendaient; car le Dieu Sauveur a moins égard à sa dignité qu'à notre salut, aussi nous parle-t-il très-peu de ses grandeurs, et toujours d'une manière voilée, tandis qu'il s'étend comme avec complaisance sur ses humiliations.
S. Hil. (de la Trin). Il n'avait donc aucun besoin de prier, et s'il a prié, c'est pour nous faire connaître sa filiation divine: «Mais je dis ceci à cause de ce peuple qui m'entoure, afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé». La prière lui était inutile, il prie cependant dans l'intérêt de notre foi. Il n'a pas besoin de secours, mais nous avons besoin d'être instruits. - S. Chrys. Il ne dit pas toutefois: Afin qu'ils croient que je vous suis inférieur (parce que je ne puis rien faire sans vous prier), mais: «Afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé». Il ne dit pas non plus: Que vous m'avez envoyé, dénué de tout pouvoir, avec la connaissance de ma dépendance absolue, ne pouvant rien faire de moi-même, mais: «Que vous m'avez envoyé», afin qu'ils ne pensent pas que je suis en opposition avec Dieu, et ne disent point: Il ne vient pas de Dieu, et pour leur montrer que c'est d'après sa volonté que je vais faire ce miracle.
S. Aug. (serm. 52 sur les par. du Seig). Jésus s'approche donc du tombeau où était enseveli Lazare, et il l'appelle à en sortir, non pas comme s'il était vivant, et prêt à entendre sa voix: «Ayant ainsi parlé, il cria d'une voix forte: Lazare, sortez dehors». Il l'appelle par son nom, pour faire voir que ce ne sont pas les autres morts qu'il appelle à sortir du tombeau. - S. Chrys. Il ne lui dit pas: Ressuscitez, mais: «Venez dehors», il parle à celui qui était mort, comme s'il était vivant, il ne lui dit pas non plus: Au nom de mon Père, sortez dehors, ou bien encore: Mon Père, ressuscitez-le, il laisse de côté ces formules qui convenaient à un suppliant, et prouve sa puissance par les faits. Il entrait, en effet, da ns les desseins de la sagesse de faire preuve d'humilité dans ses discours, et de puissance dans ses oeuvres.
Théophyl. La voix forte du Sauveur qui ressuscita Lazare est le symbole de cette trompette éclatante qui doit se faire entendre à la résurrection générale. (1Co 15,52). Le Sauveur élève la voix pour fermer la bouche aux Gentils qui prétendent sans aucun fondement que les âmes des morts sont dans les tombeaux, et il appelle à haute et forte voix l'âme de Lazare comme étant absente très au loin. Cette résurrection individuelle de Lazare eut lieu en un clin d'oeil, comme se fera un jour la résurrection générale: «Et aussitôt celui qui avait été mort, sortit», etc. Nous voyons dès lors s'accomplir ce que disait le Sauveur: «L'heure est venue où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l'entendront vivront» (Jn 5) - Orig. (Traité 28 sur S. Jean). On peut dire avec raison que c'est cette voix forte qui a ressuscité Lazare, et ainsi se trouve accomplie cette parole du Sauveur: «Notre ami Lazare dort, je vais le réveiller». Le Père qui a exaucé la prière du Fils a aussi ressuscité Lazare, et cette résurrection est l'oeuvre commune du Fils et du Père qui l'a exaucé, car de même que le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, le F ils donne aussi la vie à qui il veut» (Jn 5, 21).
S. Chrys. Lazare sortit les pieds et les mains liés de bandelettes, pour qu'on ne crût pas qu'il n'était qu'un fantôme, et ce ne fut pas une chose moins admirable de le voir sortir avec ces bandelettes et entouré d'un suaire, que de le voir ressusciter: «Jésus leur dit: Déliez-le», afin que ceux qui le toucheraient de leurs mains fussent bien convaincus que c'était vraiment lui. «Et laissez-le aller». Le Sauveur agit ainsi par humilité, et c'est pour cela qu'il ne prend pas Lazare avec lui, et ne lui commande pas de marcher à sa suite comme preuve du miracle qu'il vient d'opérer.
Orig. Notre-Seigneur avait dit précédemment: «Je dis ceci à cause de ce peuple qui m'entoure, afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé». Si aucun de ceux qui étaient présents n'avaient cru en lui, il eût parlé comme un homme qui n'a aucune connaissance de l'avenir; aussi est-ce pour éloigner ce soupçon que l'Évangéliste ajoute: «Plusieurs d'entre les Juifs crurent en lui, mais quelques-uns d'entre eux allèrent trouver les pharisiens et leur racontèrent ce que Jésus avait fait». Cette proposition paraît offrir un sens équivoque, ceux qui allèrent trouver les pharisiens étaient-ils du grand nombre de ceux qui crurent en Jésus-Christ, et se proposèrent-ils de concilier à Jésus-Christ les pharisiens animés de dispositions hostiles à son égard? ou bien étaient-ils différents de ceux qui crurent en lui, et ne cherchèrent-ils qu'à exciter contre le Sauveur le zèle plein de jalousie des pharisiens? C'est cette dernière supposition qui paraît ressortir du récit de l'Évangéliste. D'après son récit, en effet, c'est le grand nombre de ceux qui étaient présents qui crurent en Jésus-Christ, et un petit nombre d'entre eux dont il ajoute: «Quelques-uns allèrent trouver les pharisiens», etc.
S. Aug. (liv. des 83 quest., quest. 65). Quoique nous admettions avec une foi entière la résurrection de Lazare dans le sens historique, je regarde cependant comme certain qu'elle contient aussi une vérité allégorique; car le sens allégorique d'un événement ne lui fait perdre en aucune façon son caractère de réalité historique. - S. Aug. (Traité 49). Tout homme qui pèche, est tombé victime de la mort, mais Dieu, par sa grande miséricorde, ressuscite les âmes et les sauve ainsi de la mort éternelle. Les trois morts dont Notre-Seigneur a ressuscité les corps sont donc la figure de la résurrection des âmes. - S. Grég. (Moral., 4, 25 ou 29). Il a ressuscité une jeune fille dans sa maison, un jeune homme hors des portes de la ville, et Lazare déjà enseveli dans le tombeau. Celui qui est mort dans son péché est comme étendu sans vie dans sa maison; le pécheur est conduit hors des portes, lorsque son péché affiche le caractère scandaleux d'un péché public. - S. Aug. (Traité 49). Ou bien, la mort est encore à l'intérieur lorsque la pensée du mal ne s'est pas encore produite par un acte extérieur; mais si vous commettez le mal, vous portez pour ainsi dire le mort hors des portes de la ville. - S. Grég. (Moral., 4) Le pécheur est comme oppressé sous la pierre du tombeau, lorsqu'il est écrasé par l'horrible pierre des mauvaises habitudes qu'il a contractées, mais souvent la grâce divine éclaire ces pauvres pécheurs d'un rayon de sa lumière. - S. Aug. (liv. des 83 quest., quest. 68). Ou bien Lazare, dans le tombeau, figure encore l'âme qui est comme accablée sous le poids des péchés de la terre». - S. Aug. (Traité 49) Et cependant le Seigneur aimait Lazare, car s'il n'avait pas aimé les pécheurs, il ne serait pas descendu du ciel sur la terre. C'est à juste titre que l'on dit du pécheur d'habitude: «Il sent mauvais», car sa mauvaise réputation se répand partout comme une odeur infecte et nauséabonde. - S. Aug. (liv. des 83 quest). C'est encore avec raison qu'il est dit: «Il y a quatre jours qu'il est dans le tombeau»; car le dernier des éléments c'est la terre, qui figure l'abîme des péchés de la terre, c'est-à-dire des convoitises charnelles.
S. Aug. (Traité 49). Jésus frémit, il verse des larmes, il crie à haute voix, parce qu'il est bien difficile de se relever pour celui qui est accablé sous le poids de ses habitudes vicieuses. Jésus se trouble lui-même pour vous apprendre le trouble dont vous devez être saisi lorsque vous êtes comme écrasé sous le poids énorme de vos péchés. La foi de l'homme qui devient pour lui-même un objet d'horreur, doit frémir en accusant ses actions coupables, afin de faire céder l'habitude du péché à la violence du repentir. Lorsque vous dites: J'ai commis ce crime, et Dieu m'a épargné; j'ai entendu la doctrine évangélique, et je l'ai méprisée, qu'ai-je fait? Jésus-Christ frémit en vous, parce que la foi frémit, ce frémissement contient déjà l'espérance de la ré-surrection. - S. Grég. (Moral., 22, 9 ou 13). Le Sauveur dit à Lazare: «Sortez dehors, afin que le pécheur qui cherche à dissimuler et à cacher son péché, soit comme forcé par cette voix de se faire son propre accusateur, et que celui qui est enseveli dans le tombeau de sa conscience, en sorte de lui-même par la confession de ses fautes».
S. Aug. (liv. des 83 quest). Lazare, sortant de son tombeau, est le symbole de l'âme qui se retire des vices de la chair; les bandelettes dont il reste encore enveloppé nous apprennent que ceux-là mêmes qui ont renoncé aux plaisirs charnels, et veulent obéir de coeur à la loi de Dieu, ne peuvent tant qu'ils sont dans ce corps mortel être entièrement à l'abri des atteintes de la chair. Le suaire dont sa figure est couverte signifie que nous ne pouvons avoir dans cette vie la pleine intelligence de la vérité. Notre-Seigneur ajoute: «Déliez-le, et laissez-le aller», pour nous apprendre qu'après cette vie tous les voiles seront enlevés, afin que nous puissions voir Dieu face à face.
S. Aug. (Traité 49). Ou bien encore, lorsque vous faites mépris de la loi de Dieu, vous êtes comme mort et enseveli dans le tombeau; si vous faites l'aveu de vos fautes, vous sortez de ce tombeau; car sortir du tombeau, c'est sortir de la retraite cachée de son coeur pour se produire au grand jour. Mais c'est Dieu qui vous amène à faire cet aveu en vous appelant à haute voix, c'est-à-dire par une grâce extraordinaire. Le mort qui sort du tombeau est encore lié, de même que celui qui confesse ses péchés est encore coupable, et c'est pour le délier de ses péchés que Jésus dit aux serviteurs: «Déliez-le, et laissez-le aller», c'est-à-dire, tout ce que vous aurez délié sur la terre, le sera le ciel.
Alcuin. C'est donc Jésus-Christ qui ressuscite, parce que c'est lui qui donne par lui-même la vie à l'intérieur, ce sont ses disciples qui délient, parce que c'est par le ministère des prêtres que ceux .qu'il vivifie sont absous. - Bède. Ceux qui vont apprendre aux pharisiens ce que Jésus a fait, figurent ceux qui, à la vue des bonnes oeuvres des serviteurs de Dieu, les poursuivent de leur haine, et s'efforcent de noircir leur réputation.
13147 Jn 11,47-53
Théophyl. Les pharisiens auraient dû admirer et exalter l'auteur d'aussi grands miracles, et au contraire, ils forment le dessein de le mettre à mort: «Les pontifes et les pharisiens assemblèrent donc le conseil», etc. - S. Aug. (Traité 49). Ils ne disent point: Croyons en lui, ces hommes pervers sont bien plus préoccupés de la pensée de faire le mal et de mettre à mort un innocent, que des moyens d'assurer leur propre salut. Et cependant la crainte les agite, et ils se consultent: «Et ils disaient: Que ferons-nous? car cet homme opère beaucoup de miracles ?» - S. Chrys. Ils ne le regardent encore que comme un homme, après qu'il leur a donné une si grande preuve de sa divinité.
Orig. (Traité 28 sur S. Jean). Le langage que tiennent les pontifes et les pharisiens nous donne une idée de l'étendue de leur folie et de leur aveuglement. Quelle folie, en effet, de reconnaître et d'attester que Jésus a opéré un grand nombre de miracles, et de penser qu'ils pouvaient néanmoins lui dresser des embûches, comme s'il n'était point capable de déjouer toutes leurs machinations ! Leur aveuglement n'est pas moins surprenant, de ne pas voir que celui qui pouvait opérer de si grands prodiges, pouvait également échapper à leurs embûches, à moins que dans leur pensée ses miracles ne fussent pas l'oeuvre d'une puissance divine. Ils forment donc le dessein de ne point le laisser aller, ils s'imaginent par là empêcher ses disciples de croire en lui, et s'opposer à ce que les Romains ne détruisent leur pays et leur nation: «Si nous le laissons faire, disent-ils, tous croiront en lui, et les Romains viendront», etc. - S. Chrys. (hom. 64). En parlant de la sorte, ils veulent soulever le peuple, comme s'il courait le danger d'être soupçonné par les Romains de vouloir s'affranchir de leur domination, et leurs paroles peuvent ainsi se traduire: Si les Romains le voient entraîner la multitude après lui, ils en prendront ombrage, croiront qu e nous voulons nous ériger en pouvoir indépendant, et ils détruiront notre cité. Mais cette supposition était purement imaginaire; car sur quoi reposait-elle? Voyait-on Jésus entouré d'hommes en armes? traînait-il après lui des escadrons de gardes? Au contraire, ne cherchait-il pas la solitude? Ils ne veulent pas qu'on les soupçonne de vouloir la mort du Sauveur, et ils mettent en avant le danger que courent leur cité et leur nation. - S. Aug. Ou bien encore, ils craignirent que si tous venaient à croire en Jésus-Christ, il ne restât plus personne pour prendre contre les Romains la défense de leur ville et de leur temple; car ils comprenaient que la doctrine de Jésus-Christ était contraire à leur temple et aux institutions données à leurs ancêtres. La crainte donc qu'ils avaient de perdre les choses du temps, les empêcha de penser à celles de l'éternité, et ils perdirent les unes et les autres; car après la passion et la résurrection glorieuse du Sauveur, les Romains ruinèrent le pays et la nation des Juifs en les détruisant on en les emmenant en captivité.
Orig. (Traité 28) Dans le sens anagogique, les Gentils prirent la place du peuple de la circoncision, parce que leur chute est devenue le salut des Gentils. (Rm 11, 11). Les Romains sont mis ici à la place des Gentils, c'est-à-dire ceux qui avaient l'empire à la place de ceux qui leur étaient soumis. Leur nationalité fut aussi détruite, car le peuple qui avait été le peuple de Dieu, cessa de l'être. - S. Chrys. (hom. 65). Pendant qu'ils hésitaient et qu'ils soumettaient de nouveau cette question à la délibération du conseil, en disant: «Que faisons-nous», un d'entre eux prend la parole et ouvre cet avis plein d'impudence et de cruauté: «Mais l'un deux, nommé Caïphe, qui était le pontife de cette année-là, leur dit», etc.
S. Aug. On peut être surpris que Caïphe soit appelé le pontife de cette année, alors que Dieu n'avait établi qu'un seul grand-prêtre, qui n'avait de successeur qu'après sa mort. Il faut donc se rappeler que ta prétentions ambitieuses et les rivalités qui régnaient parmi les Juifs, les avaient amenés à instituer plusieurs grands-prêtres, qui exerçaient leur ministère tour à tour pendant un an. Peut-être même il y en avait plusieurs pour une même année, et d'autres leur succédaient l'année suivante.
Alcuin. Ainsi, l'historien Josèphe rapporte que c'est à prix d'argent que Caïphe avait acheté le souverain pontificat pour cette année-là.
Orig. (Traité 28). La méchanceté de Caïphe ressort de cette circonstance qu'il était grand-prêtre pour cette année-là, dans laquelle notre Sauveur accomplit le ministère douloureux de sa passion: «Or, comme il était pontife de cette année-là, il leur dit: «Vous n'y entendez rien, et vous ne songez pas qu'il vous est avantageux qu'un seul homme meure pour le peuple». - S. Chrys. (hom. 65). Il semble leur dire: Vous êtes assis tranquillement et vous délibérez négligemment sur cette affaire, mais veuillez donc réfléchir que la vie d'un homme doit être comptée pour rien quand il s'agit de l'intérêt public. - THEOPYHL. Il parle de la sorte dans une intention coupable, et cependant l'Esprit saint se sert de sa bouche pour prophétiser l'avenir: «Or, il ne dit pas cela de lui-même, mais étant le grand-prêtre de cette année, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation».
Orig. Tout homme qui prophétise n'est point par-là même prophète, de même qu'on n'est pas juste pour avoir fait une action juste, si par exemple on l'a faite par un motif de vaine gloire, Caïphe prophétise donc, mais sans être prophète, pas plus que Balaam. (Nb 23) Osera-t-on dire que ce n'est point par l'inspiration de l'Esprit saint que Caïphe a prophétisé, parce que l'esprit mauvais peut également rendre témoignage à Jésus, et prophétiser dans son intérêt, comme nous voyons les démons dire à Jésus: «Nous savons qui vous êtes, le saint de Dieu». Mais son intention n'est pas de gagner des disciples à Jésus, c'est, au contraire, d'exciter contre lui ceux qui, dans le conseil avait mis en lui leur confiance, et de leur arracher une sentence de mort. D'ailleurs ces paroles: «Il vous est avantageux», etc. qui sont une partie de la prophétie, sont-elles vraies ou fausses? Si elles sont vraies, il s'ensuit que tous ceux qui, dans le conseil, se déclarent contre Jésus, seront sauvés, puisque Jésus meurt pour le salut du peuple; et tous obtiendront cet avantage; mais s'il est absurde de dire que Caïphe, et les autres membres du conseil qui délibéraient contre Jésus, soient sauvés, il est évident que ce n'est pas l'Esprit saint qui lui a dicté ces paroles, parce que l'Esprit saint ne ment jamais. Si l'on veut cependant que Caïphe ait dit ici la vérité, on comprendra ce que dit saint Paul: a Que la bonté de Dieu a voulu qu'il mourût pour tous», (He 2, 9) et qu'il est le Sauveur de tous les hommes, surtout des fidèles. (1 Tm 4, 10). Il reconnaîtra que toute cette prophétie est vraie dans son ensemble, à partir de ces mots: «Vous n'y entendez rien», car ils ne connaissaient vraiment rien, eux qui ignoraient que Jésus est la vérité, la justice, la sagesse et la paix. Il est vrai encore qu'il était avantageux que ce seul homme (en tant qu'il est homme) mourût pour le peuple, car en tant qu'il est l'image du Dieu invisible, il ne peut être soumis à la mort. Il est mort pour le peuple en vertu de la puissance qu'il avait d'effacer les crimes de tout l'univers en les prenant sur lui. Cette réflexion de l'Évangéliste: «Il ne dit pas cela de lui-même», nous apprend qu'il y a des choses que nous pouvons dire par nous-mêmes, sans avoir besoin pour cela d'aucun secours étranger, mais qu'il en est d'autres qui nous sont inspirées par une vertu secrète, bien que nous ne les comprenions point dans toute leur étendue. Dans ce dernier cas, nous nous attachons au sens que paraissent présenter les choses que nous disons, mais sans comprendre dans quelle intention elles nous ont été dictées. C'est ainsi que Caïphe ne dit rien ici de lui-même, et ne pense point faire une véritable prophétie, parce qu'il ne comprend pas le sens prophétique des paroles qu'il prononce. Tels étaient ces prétendus docteurs de la loi dont parle saint Paul: «Qui n'entendent ni ce qu'ils disent, ni ce qu'ils affirment». (1 Tm 1, 7) - S. Aug. (Traité 49). Nous apprenons par cet exemple que des hommes livrés au mal peuvent recevoir l'esprit de prophétie pour prédire l'avenir, ce que l'Évangéliste attribue à un conseil secret de la divine providence, parce que Caïphe était grand-prêtre cette année. - S. Chrys. (hom. 65). Voyez combien grande est la puissance de l'Esprit saint, qui peut faire sortir d'un esprit corrompu un oracle prophétique ! Voyez aussi la grandeur et la vertu du pouvoir pontifical. Caïphe est grand-prêtre, tout indigne qu'il est de cet honneur, et il prophétise sans savoir ce qu'il dit: La grâce ne s'est servi que de ses lèvres, et n'effleura même pas le coeur de cet homme profondément corrompu. - S. Aug. Caïphe ne prophétisa que de la seule nation des Juifs, dans laquelle se trouvaient les brebis, dont le Seigneur a dit lui-même: «Je ne suis envoyé qu'aux brebis qui ont péri de la maison d'Israël» (Mt 15). Mais l'Évangéliste savait qu'il y avait d'autres brebis qui n'étaient pas de cette bergerie et qu'il fallait amener au bercail (Jn 10); et c'est pour cela qu'il ajoute: «Et non seulement pour la nation, mais afin de rassembler en un seul corps les enfants de Dieu. Il se place ici au point de rue de la prédestination, car les Gentils n'étaient alors ni les brebis, ni les enfants de Dieu.
S. Grég. (Moral., 6, 12 ou 13 dans les anc). Les ennemis de Jésus mirent donc à exécution le dessein criminel qu'ils avaient formé. Ils firent mourir Jésus-Christ, pour empêcher la piété des fidèles de s'attacher à lui; mais la foi grandit et s'accrut par les moyens mêmes que la cruauté des impies avait pris pour l'éteindre, et Jésus fit servir à l'accomplissement de ses desseins miséricordieux ce que la cruauté des hommes avait inventé contre lui. - Orig. (Traité 28). Ces paroles de Caïphe les enflammèrent de colère, et ils résolurent dès lors de mettre à mort le Seigneur: «Depuis ce jour ils pensèrent à le faire mourir». Si ce n'est point par l'inspiration de l'Esprit saint que Caïphe a prophétisé; il y eut un autre esprit qui parla par la bouche de cet impie et qui excita ses semblables contre Jésus-Christ. Si cependant on veut absolument que l'Esprit saint ne soit pas étranger aux paroles de Caïphe et à la délibération qui suivit, on peut dire que de même qu'on voit des hommes faire servir à l'établissement de leur monstrueuse doctrine les saintes Écritures qui ont pour objet l'utilité des fidèles, de même les pharisiens, en ne prenant point dans son vrai sens la prophétie véritable qui avait le Christ pour objet, en ont tiré comme conclusion le dessein de le mettre à mort. - S. Chrys. (hom. 65). Ils cherchaient depu is longtemps à le faire mourir, et ils s'affermirent plus que jamais dans leur dessein.
13154 Jn 11,54-57
Orig. (Traité 28). Jésus ayant appris la résolution que les prêtres et les pharisiens avaient prise dans leur conseil de le mettre à mort, s'environna de plus de précautions, et ne se montra plus avec autant de confiance au milieu des Juifs. Il choisit pour retraite non une cité populeuse, mais une petite ville éloignée et située près du désert: «C'est pourquoi Jésus ne se montrait plus en public parmi les Juifs», etc. - S. Aug. (Traité 19). Ce n'est pas que sa puissance lui fit défaut, et il aurait très bien pu, s'il avait voulu, demeurer publiquement au milieu des Juifs, sans avoir rien à craindre, mais il voulut apprendre par son exemple à ses disciples, qu'il n'y a pour eux aucun péché à se dérober à la haine de leurs persécuteurs, et qu'il vaut mieux échapper en se cachant à leur fureur sacrilège, que de la rendre plus ardente en paraissant à leurs yeux. - Orig. Il est beau et louable pour confesser le nom de Jésus, de ne point rougir d'affronter le combat qui se présente, et de ne point refuser de souffrir la mort pour la défense de la vérité; mais il n'est pas moins louable de ne point donner occasion à une si grande épreuve, non-seulement parce que nous ne pouvons pas prévoir l'issue d'un si grand combat, mais parce que nous devons éviter de donner aux impies et aux méchants les moyens augmenter leur impiété et leurs crimes; car si celui qui devient pour un autre une occasion de péché, portera nécessairement la peine de ce péché, celui qui ne fuit point la persécution, lorsqu'il le peut, ne sera-t-il pas aussi responsable du crime de son persécuteur? Et non-seulement le Seigneur se rendit dans cet endroit écarté, mais pour ôter tout motif à ses ennemis de le chercher, il y conduisit avec lui ses disciples: «Et il y demeurait avec ses disciples». - S. Chrys. Combien les disciples durent être troublés en voyant leur divin Maître échapper au danger par des moyens humains, et comme forcé de chercher un refuge pour se dérober à la poursuite de ses ennemis? Tous sont dans la joie et l'allégresse qui accompagnent les grandes solennités, eux, au contraire, se cachent exposés qu'ils sont à de grands dangers; cependant ils persévèrent avec le Sauveur, suivant la parole qu'il leur avait dite: «C'est vous qui êtes demeurés avec moi au milieu de mes épreuves».
Orig. Dans le sens anagogique, on peut dire que Jésus demeurait avec confiance au milieu des Juifs, alors que le Verbe divin habitait avec eux dans la personne des prophètes; mais il s'en est retiré, et le Verbe de Dieu n'est plus avec les Juifs. Il se rendit dans une petite ville qui était près du désert et dont le prophète a dit: «Les enfants de la femme abandonnée (ou déserte) sont plus nombreux que les enfante de l'épouse». Cette ville s'appelait Ephrem, qui veut dire fertilité; or, Ephraïm fut le frère de Manassé, c'est-à-dire, du peuple ancien livré à l'oubli, car c'est après que ce peuple eut été livré à l'oubli et abandonné, que l'abondance sortit du milieu des nations. Notre-Seigneur quitte donc la Judée et vient dans la terre de tout l'univers, auprès de l'Eglise déserte et abandonnée, et dont le nom veut dire cité féconde, et il y demeure avec ses disciples.
S. Aug. (Traité 50 sur S. Jean). Celui qui était descendu du ciel pour souffrir, ne voulut pas s'éloigner du lieu de sa passion, parce que l'heure de sa mort approchait: «Or, la Pâque des Juifs était proche», etc. Les Juifs n'avaient que l'ombre de la vraie Pâque, nous en avons la lumière; le haut des portes des maisons juives était marqué du sang de l'agneau immolé, nos fronts sont marqués du sang de Jésus-Christ. Les Juifs ont voulu ensanglanter ce jour en répandant le sang du Seigneur, et l'Agneau qui a été immolé a consacré à jamais ce jour de fête par son sang. La loi faisait un précepte aux Juifs de se réunir pour cette fête à Jérusalem, de toutes les parties de la Judée, et de se sanctifier par la célébration de cette grande fête: «Un grand nombre de Juifs, dit l'Évangéliste, montèrent de la province à Jérusalem avant la Pâque, pour se purifier». - Théophyl. Ils se rendirent à Jérusalem avant la Pâque pour se purifier, parce que ceux qui s'étaient rendus coupables d'une faute volontaire ou involontaire ne célébraient point la Pâque avant de s'être purifiés, selon la coutume, par des bains, par des jeûnes, en se rasant les cheveux, et aussi en faisant les offrandes qui étaient commandées à cet effet. C'est donc pendant le temps qu'ils accomplissaient ces purifications légales qu'ils cherchent à tendre des pièges au Sauveur. «Ils cherchaient donc Jésus, et se disaient les uns aux autres: Que pensez-vous de ce qu'il n'est pas venu pour la fête ?» - S. Chrys. (hom. 65). Ils lui tendent des embûches jusque dans cette fête de Pâque, et font de cette grande solennité un temps de meurtre et d'homicide. - Omet. Aussi l'Évangéliste ne dit pas: La Pâque du Seigneur, mais: «La Pâque des Juifs», parce qu'ils dressaient des embûches au Seigneur dans cette fête. - Alcuin. Les Juifs cherchaient Jésus-Christ avec de mauvaises intentions; pour nous, nous le cherchons en restant dans le temple à nous consoler, à nous exhorter mutuellement, et à demander qu'il se rende à notre jour de fête, et nous sanctifie par sa présence. - Théophyl. S'il n'y avait que le peuple pour s'occuper de ce dessein sanguinaire, on pourrait dire que sa passion a été le résultat de l'ignorance, mais ce sont les pharisiens eux-mêmes qui donnent l'ordre de se saisir du sa personne: «Or, les pontifes et les pharisiens avaient donné ordre que si quelqu'un savait où il était, il le déclarât, afin qu'ils le fissent prendre». - Orig. Remarquez qu'ils ignoraient où il était; car, nous avons dit qu'il avait quitté la ville de Jérusalem. Vous irez ajouter qu'en cherchant à tendre des pièges à Jésus, ils ne auvent où il est, et qu'ils donnent des commandements bien différents des commandements divins, en enseignant des maximes et des ordonnances tout humaines. - S. Aug. Pour nous, indiquons aux Juifs où Jésus se trouve maintenant. Plaise à Dieu qu'ils veuillent nous entendre et se saisir de lui ! Qu'ils viennent dans l'Eglise, qu'ils apprennent où se trouve Jésus-Christ, et qu'ils s'emparent de sa personne.
13201 Jn 12,1-11
Alcuin. Le temps où le Sauveur avait résolu de souffrir approchait; il se rapprocha donc aussi du lieu où il devait accomplir la mystérieuse économie de sa passion: «Jésus donc, six jours avant la Pâque, vint à Béthanie». Il se rend d'abord à Béthanie, puis à Jérusalem; à Jérusalem pour y souffrir, à Béthanie pour que la résurrection de Lazare s'imprimât plus profondément dans la mémoire de tous; et c'est pour cela que l'Évangéliste ajoute: «Où était mort Lazare, qu'il avait ressuscité».
Théophyl. Le dixième jour du mois, les Juifs prennent un agneau pour l'immoler dans les fêtes de Pâques; c'est de ce jour que commence pour eux les solennités de cette fête. Voilà pourquoi le neuvième jour du mois, qui précède le dixième jour avant la Pâque, ils font un festin splendide, et ce jour est comme l'ouverture de cette grande fête; c'est pour cela que Jésus, venant à Béthanie, prend part à on festin de ce genre: «On lui prépara là un souper», etc. En nous disant que Marthe servait à table, l'Évangéliste nous fait entendre que ce repas avait lieu dans sa maison. Mais considérez la foi de cette femme; elle ne charge pas les femmes de service de servir à table, elle veut elle-même remplir cet office. L'Évangéliste nous donne encore une preuve évident la résurrection de Lazare, en ajoutant: «Lazare était un de ceux qui étaient assis à table avec lui». - S. Aug. (Traité 50 sur S. Jean). Il était donc vivant, il parlait, il mangeait, la vérité se montrait au grand jour, et l'incrédulité des Juifs était confondue.
S. Chrys. (hom. 65). Quant à Marie, elle ne s'occupe point du service ordinaire, elle est tout entière à l'honneur qu'elle veut rendre à son divin Maître, et elle s'approche de lui non comme d'un homme, mais comme d'un Dieu: «Or, Marie prit une livre de parfum de nard pur, d'un grand prix, le répandit sur les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux», etc. - S. Aug. Le mot pistici indique probablement le lieu d'où venait ce parfum précieux. - Alcuin. Ou bien, ce mot ajouté à celui de parfum, veut dire qu'il était pur (de fides), et n'était mélangé d'aucune substance étrangère. Marie était cette femme pécheresse qui était déjà venue trouver le Seigneur dans la maison de Simon, avec un vase de parfum. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 79). Ce fait, qui se répète à Béthanie, est différent de celui que raconte saint Luc; mais il est également raconté par les trois autres évangélistes, saint Jean, saint Matthieu et saint Marc. Dans saint Matthieu et dans saint Marc, le parfum est répandu sur la tète; dans saint Jean, il est répandu sur les pieds; mais nous devons entendre que Marie le répandit non-seulement sur la tête, mais encore sur les pieds du Seigneur. C'est comme par récapitulation que saint Matthieu et saint Marc parlent de ce fait, qui eut lieu à Béthanie, six jours avant la Pâque, et qu'ils racontent le repas dont parle ici saint Jean, et du parfum qui fut répandu sur le Sauveur.
«Et la maison fut remplie de l'odeur du parfum». - S. Aug. (Traité 80). Rappelez-vous ces paroles de l'Apôtre: «Aux uns nous sommes une od eur de mort pour la mort, et aux autres une odeur de vie pour la vie», (2 Co 2, 16) et vous comprendrez par ce parfum comment il était pour les uns une bonne odeur qui donnait la vie, et pour les autres une mauvaise odeur qui donnait la mort: «Alors un de ses disciples, Judas Iscariote, qui devait le trahir, dit: Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers», etc. - S. Aug. Les autres évangélistes disent que les disciples murmurèrent également à la vue de ce parfum répandu, saint Jean ne p arle que de Judas, on peut donc dire que saint Matthieu et saint Marc ont voulu désigner Judas sons le nom des disciples en général, en mettant le pluriel pour le singulier. On peut encore dire que les disciples eurent la même pensée que Judas, ou qu'ils l'exprimèrent, ou que Judas leur fit partager sa manière de voir, et que saint Matthieu et saint Marc ont exprimé ce qu'ils pensaient intérieurement. Mais Judas parle ainsi parce que c'était un voleur, et les autres par intérêt pour les pauvres, et Jean n'a cru devoir ici mentionner que celui dont il voulait faire apparaître l'habitude de voler: «Il dit cela, non qu'il se souciât des choses, mais parce qu'il était voleur, et qu'ayant la bourse, il portait ce qu'on y déposait». - Alcuin. Son devoir était de la porter, son crime de la voler.
S. Aug. La perversion de Judas ne date pas seulement du jour où il reçut des Juifs la somme d'argent pour leur livrer Notre-Seigneur, bien auparavant il avait la passion du vol, il était déjà perdu, et suivait Jésus, no n de coeur, mais de corps seulement. Le Seigneur voulut nous apprendre ainsi à supporter les méchants pour ne point diviser le corps de Jésus-Christ. Celui qui vole l'Eglise en quelque chose, est semblable au traître Judas. Si vous êtes bon, tolérez les mauvais pour obtenir la récompense des bons, et ne point partager le supplice des méchants. Prenez exemple sur la conduite du Seigneur, lorsqu'il vivait sur cette terre; pourquoi lui qui avait les anges pour le servir, voulût-il que ses disciples eussent une bourse à son usage, sinon pour nous apprendre qu'il serait aussi permis à son Eglise d'avoir de l'argent en réserve? Pourquoi permit-il qu'il y eût un voleur dans sa compagnie, si ce n'est pour enseigner à son Eglise à supporter les voleurs qu'elle aurait dans son sein? Remarquez cependant que celui qui avait contracté l'habitude de voler son maître, n'hésita pas à vendre le Seigneur pour une somme d'argent.
S. Chrys. (hom. 65). Jésus lui confia, quoiqu'il fût un voleur, la bourse des pauvres, pour ôter tout prétexte, toute excuse à sa trahison, car il ne peut alléguer que c'est le désir d'avoir de l'argent qui l'avait porté à cet excès, puisqu'il trouvait dans la bourse qu'il portait de quoi satisfaire abondamment ce désir. - Théophyl. Il en est qui pen sent que Judas fut chargé de l'emploi et de la distribution de l'argent, comme le dernier des apôtres, car l'administration de l'argent est inférieure à la prédication de la doctrine, selon ce que disent les Apôtres eux-mêmes: «Il n'est pas juste que nous abandonnions la parole de Dieu pour le service des tables» (Ac 6, 2).
S. Chrys. Cependant Jésus-Christ fait preuve de la plus grande bonté à l'égard de Judas, il ne lui reproche pas les vols qu'il a commis, il donne à l'action de cette femme une excuse générale: «Jésus lui dit donc: Laissez-la réserver ce parfum pour le jour de ma sépulture». - Alcuin. Notre-Seigneur prédit ainsi qu'il doit mourir et que son corps doit être embaumé avec des parfums, et comme Marie, malgré tout son désir, ne pourrait embaumer son corps après sa mort qui devait être suivie d'une résurrection si prompte, il lui permet de lui rendre cet hommage pendant sa vie. - S. Chrys. En rappelant le souvenir de sa sépulture, il veut encore donner un avertissaient à son traître disciple, et il semble lui dire: Je vous suis à charge, ma présence vous pèse, mais attendez un peu, et je m'en irai; c'est ce que signifient ces paroles: «Vous avez toujours des pauvres avec vous, mais vous ne m'aurez pas toujours». - S. Aug. Il parlait ici de sa présence corporelle, car sous le rapport de sa puissance divine, de sa providence, de sa grâce ineffable et invisible, il accomplit cette promesse qu'il a faite à ses disciples: «Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles». Ou bien encore, Judas est la figure de tous les méchants; si vous êtes bon, vous jouissez de la présence de Jésus-Christ par la foi dans son sacrement, et vous en jouirez toujours, car vous ne sortirez de cette vie que pour aller trouver celui qui a dit au bon larron: «Aujourd'hui vous serez avec moi dans le paradis». Mais si votre conduite est mauvaise, vous paraîtrez jouir de la présence de Jésus-Christ pendant cette vie, parce que vous avez reçu son baptême, parce que vous vous approchez de son autel, mais votre vie criminelle vous la fera bientôt perdre, Jésus ne dit pas: Tu as, mais: «Vous avez», parce que dans un seul homme mauvais, il voit la figure de tous les méchants. «Une grande multitude de Juifs surent qu'il était là, et ils vinrent, non à cause de Jésus seulement, mais pour voir Lazare qu'il avait ressuscité d'entre les morts». C'est la curiosité qui les amène et non la charité. - Théophyl. Ils désiraient voir celui qu'il avait ressuscité, dans l'espérance d'apprendre de Lazare quelque nouvelle des enfers.
S. Aug. (Traité 30). Ce miracle que Notre-Seigneur avait opéré, portait avec lui un caractère si éclatant d'évidence, il avait reçu d'ailleurs une si grande publicité, qu'ils ne pouvaient ni le dissimuler, ni le nier, que firent-ils donc? Ils formèrent le projet de faire mourir Lazare. Projet insensé, cruauté aveugle ! Est-ce que le Seigneur, qui a pu ressusciter un homme mort, ne pourrait le ressusciter s'il était tué? Voici qu'il a fait l'un et l'autre: Il a ressuscité Lazare qui était mort, et il s'est ressuscité lui-même, après que les Juifs l'eurent fait mourir de mort violente. - S. Chrys. (hom. 66). Aucun miracle de Jésus-Christ ne leur causa une si grande fureur, il était un des plus éclatants, il avait été fait devant un grand nombre de témoins, et c'était un spectacle vraiment extraordinaire que de voir marcher et parler un mort de quatre jours. On peut dire encore que dans d'autres circonstances, ils croyaient pouvoir détacher la multitude de Jésus, en l'accusant de viole r la loi du sabbat, mais comme ici ils ne pouvaient formuler contre lui aucune accusation, ils tournent tous leurs efforts contre Lazare; c'est ce qu'ils eussent fait à l'égard de l'aveugle-né, s'ils n'avaient cru pouvoir accuser Jésus d'avoir violé la loi du sabbat. Peut-être encore, comme l'aveugle-né était de condition obscure, se contentèrent-ils de le chasser du temple, Lazare, au contraire, était d'une famille distinguée, comme on le voit par le grand nombre de ceux qui étaient venus pour consoler ses soeurs. Ce qui les blessait encore profondément, c'est que tout le monde quittait la fête qui commençait pour se rendre à Béthanie.
Alcuin, Dans le sens mystique, Jésus, en venant à Béthanie six jours avant la Pâque, nous apprend que celui qui avait fait tout l'univers en six jours, et créé l'homme le sixième jour, était venu racheter le monde au sixième âge du monde, le sixième jour de la semaine et à la sixième heure. Le festin que l'on prépare au Seigneur, c'est la foi de l'Eglise qui opère par la charité. (Gal 5, 7) Marthe sert le Seigneur dans toute âme fidèle qui offre à Jésus l'hommage de sa piété et de sa dévotion. Lazare, qui était un de ceux qui étaient assis à table avec lui, est la figure des pécheurs qui, après être morts au péché, sont ressuscites à la justice, se réjouissent de la présence de la vérité avec ceux qui ont persévéré dans la justice, et se nourrissent avec eux des dons de la grâce céleste. C'est à Béthanie que se célèbre ce festin, et avec raison, car Béthanie veut dire maison de l'obéissance, et l'Eglise est vraiment la maison de l'obéissance. - S. Aug. Le parfum que Marie répandit sur les pieds de Jésus, est le symbole de la justice, et c'est pour cela qu'il y en avait une livre. C'était un parfum de nard pur d'un grand prix, ca r le mot pistici, veut dire foi. Vous cherchiez à opérer la justice? Rappelez-vous que le juste vit de la foi. Couvrez de parfums les pieds de Jésus par une vie sainte, suivez les traces du Seigneur, essuyez ses pieds avec vos cheveux, c'est-à-dire, si vous avez du superflu, donnez-le aux pauvres, et vous aurez essuyé les pieds du Seigneur, car les cheveux sont comme une partie superflue du corps. - Alcuin. Remarquez que la première fois elle n'avait répandu ses parfums que sur les pieds de Jésus; ici elle les répand à la fois sur les pieds et sur la tête; d'un côté ce sont les commencements de la vie pénitente, de l'autre c'est la justice des âmes parfaites, car la tête du Seigneur figure la hauteur sublime de sa divinité, et ses pieds l'humilité de son incarnation; ou bien encore la tête, c'est Jésus-Christ lui-même, les pieds ce sont les pauvres qui sont ses membres. - S. Aug. La maison fut remplie de l'odeur du parfum, c'est-à-dire, que le bruit de cette action s'est répandue dans le monde entier comme un parfum d'agréable odeur.
Catena Aurea 13141