Catena Aurea 13237
13237 Jn 12,37-43
S. Chrys. (hom. 67 sur S. Jean). Notre-Seigneur connaissait la haine furieuse des Juifs, qui méditaient sa mort, et c'est le motif qui le porte à se cacher, comme l'Évangéliste semble l'indiquer par ces paroles: «Mais, quoiqu'il eût fait tant de miracles devant eux, ils ne croyaient point en lui», etc. - Théophyl. Ils furent grandement coupables de ne pas croire à de si grands miracles. Ces miracles sont ceux dont il a été parlé plus haut. - S. Chrys. Et, pour qu'on ne pût excuser leur incrédulité, en disant qu'ils ne savaient pas l'objet de la mission du Christ, l'Évangéliste apporte le témoignage des prophètes qui ont connu cet objet: «De sorte que cette parole d'Isaïe fût accomplie: Seigneur, qui a cru à votre parole, et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé? - Alcuin. Le Prophète dit: «Qui a cru ?» pour exprimer le petit nombre de ceux qui ont cru à ce que les sainte prophètes avaient appris de Dieu et annoncé au peuple. - S. Aug. (Traité 53 sur S. Jean). Il fait assez entendre que ce bras du Seigneur c'est le Fils de Dieu lui-même, non pas que Dieu le Père ait une forme humaine, mais il l'appelle le bras de Dieu, parce que toutes choses ont été faites par lui (Jn 1). Si un homme, en effet, avait une puissance assez grande pour exécuter ce qu'il veut sans aucun mouvement de son corps, sa parole serait pour ainsi dire son bras. Cette expression ne peut nullement appuyer l'erreur de ceux qui prétendent qu'il n'y a que la personne du Père, si le Fils est son bras, puisque l'homme et le bras ne forment qu'une seule personne. Ils ne comprennent pas qu'une expression puisse être détournée de sa signification naturelle pour être appliquée à un genre d e choses tout différent, à cause de certains points d'analogie et de ressemblance.
Il en est d'autres qui demandent, en murmurant, en quoi les Juifs ont été coupables, s'il fallait que la prophétie d'Isaïe fût accomplie? Nous répondons que Dieu, dans la connaissance qu'il a de l'avenir, a prédit l'incrédulité des Juifs, sans en être l'auteur; car Dieu ne force aucun homme à pécher, par là même qu'il prévoit les péchés que commettront les hommes. Ce sont leurs péchés qu'il prévoit, et non les siens. Les Juifs se rendirent donc coupables d'un crime qui avait été prévu et prédit par celui à qui rien ne peut être caché. - S. Chrys. Dans cette locution: «Afin que la prophétie d'Isaïe fut accomplie», la particule afin que n'indique pas la cause, mais l'effet; car, si les Juifs n'ont pas cru, ce n'est point parce qu'Isaïe l'avait prédit, mais e'est, au contraire, parce qu'ils devaient être incrédules, qu'Isaïe a prédit leur incrédulité. - S. Aug. Cependant les paroles qui suivent soulèvent une difficulté plus grave; en effet, l'Évangéliste ajoute: «C'est pour cela qu'ils ne pouvaient croire»; parce qu'Isaïe a dit encore «Il a aveuglé leurs yeux, et il a endurci leur coeur, de peur qu'ils ne voient des yeux, et ne comprennent du coeur», etc. Or, s'ils ne pouvaient croire, quel est le crime d'un homme qui ne fait point ce qui lui est impossible de faire? Et, ce qu'il y a de plus grave ici, c'est que Dieu paraît être la cause de leur incrédulité, puisque c'est lui qui a aveuglé leurs yeux et endurci leur coeur; car ce n'est point au démon, mais à Dieu, que l'Évangéliste attribue cet aveuglement. Mais pourquoi donc ne pouvaient-ils croire? Je réponds: Parce qu'ils ne le voulaient pas; car, de même que c'est la gloire de la volonté divine que Dieu ne puisse se démentir lui-même, ainsi c'est la faute de la volonté humaine de ne pouvoir croire à la parole divine. - S. Chrys. Cette manière de parler est passée en usage; c'est ainsi que l'on dit: Nous ne pouvons l'aimer, en rejetant sur l'impuissance de la volonté ce qui est l'effet d'une violente antipathie. L'Évangéliste se sert de cette expression: «Ils ne pouvaient pas», pour montrer qu'il était impossible que le Prophète ait fait une fausse prédiction; mais ce n'est point cette prédiction qui leur rendait la foi impossible, car Isaïe ne l'eût point faite s'ils avaient dû croire.
S. Aug. Mais, direz-vous, le Prophète indique une autre cause que leur volonté, quand il ajoute: «Il a aveuglé leurs yeux», etc. Je réponds que c'est leur volonté qui a mérité cet aveuglement, car Dieu aveugle et endurcit, en abandonnant et en refusant son secours, ce qu'il peut faire par un jugement secret, mais qui ne peut jamais être injuste. - S. Chrys. Dieu, en effet, ne nous abandonne que lorsque nous le voulons, selon ces paroles du prophète Osée: «Vous avez oublié la loi de votre Dieu, je vous oublierai moi-même». (Os 4, 6). Il parle ainsi pour nous apprendre que c'est nous qui commençons nous-mêmes l'oeuvre de notre réprobation, et qui devenons la cause de notre perte. De même que le soleil blesse une vue malade, bien que cet effet ne soit point dans sa nature, ainsi arrive-t-il pour ceux qui ne font nulle attention aux enseignements divins. Or, ces paroles de l'Ecriture: «Il a aveuglé et endurci», sont propres à jeter l'effroi dans l'âme des auditeurs. - S. Aug. Dans celles qui suivent: «Et que venant à se convertir, je les guérisse», faut-il sous-entendre la particule négative ne (c'est-à-dire que ne se convertissant pas), car la conversion est un effet de sa grâce? Ou bien n'est-ce point par un effet de la bonté de ce divin Médecin que les Juifs, pour avoir voulu établir leur justice orgueilleuse (Rm 10), aient été abandonnés et aveuglés pour un temps, afin qu'ils viennent heurter contre la pierre de scandale (Rm 9, 32), que leur face soit couverte de confusion (Ps 82, 17), et qu'ainsi humiliés, ils cherchent non plus cette justice personnelle qui enfle le superbe, mais la justice de Dieu, qui justifie l'impie? Car, ce châtiment a été une cause du salut pour un grand nombre d'entre eux qui, repentants de leur crime, ont cru ensuite en Jésus-Christ. l'Évangéliste ajoute: «Isaïe a dit ces choses lorsqu'il a vu sa gloire et qu'il a parlé de lui». Il a vu sa gloire non telle qu'elle est en elle-même, mais sous une forme symbolique, comme il convenait que Dieu la révélât à un prophète. Ne vous laissez donc point induire en erreur par ceux qui enseignent que le Père est invisible, et que le Fils seul est visible, et qui soutiennent qu'il est une simple créature; car le Fils est également invisible dans sa nature divine, qui le rend égal au Père. Il s'est revêtu de la forme du serviteur pour se rendre visible. Mais avant même son incarnation, il s'ost manifesté aux yeux des hommes sous une forme créée et non tel qu'il est. - S. Chrys. La gloire dont il parle ici est celle qui se révéla aux yeux du prophète, lorsqu'il vit Celui qui était assis sur un trône élevé, il tout ce qui est rapporté en cet endroit. l'Évangéliste ajoute: «Et qu'il a parlé de lui». Qu'a-t-il dit de lui? «J'ai vu le Seigneur assis, et j'ai entendu la voix qui me disait: Qui enverrai-je, et qui ira», etc. «Néanmoins plusieurs des sénateurs eux-mêmes crurent en lui; mais à cause des pharisiens, ils n'osaient le reconnaître publiquement, de crainte d'être chassés de la synagogue; car, ils ont plus aimé la gloire des hommes que la gloire de Dieu». - Alcuin. La gloire de Dieu, c'est de confesser publiquement le Christ: la gloire des hommes, c'est de se glorifier dans les vanités du monde. - S. Aug. L'Évangéliste condamne donc ceux qui auraient pu s'élever, par l'amour, au-dessus de ce premier degré de la foi, et triompher ainsi des tentations de la gloire humaine.
13244 Jn 12,44-50
S. Chrys. (hom. 69 sur S. Matth). Comme l'amour de la gloire humaine empêchait les princes du peuple d'avouer qu'ils croyaient en Jésus-Christ, le Sauveur s'élève avec force contre cette passion: «Jésus s'écria et dit: Celui qui croit en moi, ne croit point en moi, mais en celui qui m'a envoyé». Comme s'il leur disait: Pourquoi redoutez-vous de croire en moi? Votre foi arrive jusqu'à Dieu par moi. - S. Aug. (Traité 52 sur S. Jean). Les hommes ne voyaient que son humanité, qui voilait sa divinité, et pouvaient penser qu'il n'était que ce qu'il paraissait à leurs yeux. Le Sauveur, qui voulait que l'on crût sa nature et sa majesté égales à la nature et à la majesté de son Père, dit aux Juifs: «Celui qui croit en moi, ne croit point en moi», c'est-à-dire, en ce qu'il voit de ses yeux, mais en celui qui m'a envoyé; c'est-à-dire, en mon Père. Car, s'il pense que mon Père n'a que des fils selon la grâce, et qu'il n'a point de Fils qui lui soit égal et coéternel, il ne croit point au Père, qui l'a envoyé, parce que tel n'est point le Père, qui l'a envoyé. Et, comme il ne veut pas laisser supposer que son Père a bien engendré un grand nombre d'enfants par la grâce, mais qu'il n'est point le Père d'un Fils qui lui soit égal, il ajoute aussitôt: «Et celui qui me voit, voit celui qui m'a envoyé». C'est-à-dire, il est si vrai qu'il n'y a point de différence entre mon Père et moi, que celui qui me voit, voit celui qui m'a envoyé. Certainement c'est le Seigneur qui a envoyé les Apôtres, jamais cependant aucun d'eux n'a osé dire: «Celui qui croit en moi»; car nous croyons à l'apôtre, mais nous ne croyons pas en l'apôtre. Le Fils unique au contraire peut dire avec raison: «Celui qui croit en moi, ne croit pas en moi, mais croit en celui qui m'a envoyé». Non pas qu'il repousse la foi de celui qui croit en lui, mais il ne veut pas que cette foi s'arrête à la forme du serviteur.
S. Chrys. Ou bien encore, ces paroles: «Celui qui croit en moi, ne croit point en moi, mais en celui qui m'a envoyé», doivent être entendues dans ce sens: Celui qui reçoit l'eau d'un fleuve, ne reçoit pas l'eau du fleuve, mais l'eau qui sort de la source. Or, le Sauveur voulant montrer qu'on ne peut croire en Dieu le Père sans croire en lui, ajoute: «Celui qui me voit, voit celui qui m'a envoyé». Quoi donc, est-ce que Dieu est un corps? Non, sans doute; mais le Sauveur donne ici le nom de vision à la considération du vrai, qui se fait par l'intelligence. Il explique ensuite ce qu'est la connaissance du Père, en ajoutant: «Et moi, qui suis la lumière, je suis venu en ce monde». Comme le Père est appelé la lumière, le Sauveur emploie et s'applique partout ce nom. Il s'appelle ici la lumière, parce qu'il nous délivre de l'erreur et dissipe les ténèbres de l'intelligence; c'est pour cela qu'il ajoute: «Afin que tous ceux qui croient en moi, ne de meurent pas dans les ténèbres». - S. Aug. Il nous fait assez comprendre par là qu'il a trouvé tous les hommes plongés dans les ténèbres; mais, s'ils veulent sortir des ténèbres au milieu desquelles il les a trouvés, il leur faut croire dans la lumière qui est venue dans le monde. Dans un autre endroit, il dit à ses disciples: «Vous êtes la lumière du monde». Il ne leur dit pas, toutefois: Vous êtes venus dans le monde comme étant la lumière, afin que tout homme qui croit en vous ne demeure pas dans les ténèbres. Tous les saints sont donc des lumières; mais c'est en croyant en Jésus-Christ qu'ils sont éclairés par lui, dont on ne peut se séparer sans retomber dans les ténèbres.
S. Chrys. Le Sauveur veut éloigner la pensée que l'impunité, dont semblent jouir ceux qui le méprisent, vient de sa faiblesse, et il ajoute: «Si quelqu'un écoute mes paroles, et ne les garde pas, je ne le juge pas». - S. Aug. Il faut entendre: Je ne le juge pas actuellement, puisqu'il dit dans un autre endroit: «Le père a donné tout pouvoir de juger à son Fils» (Jn 5). Pourquoi ne juge-t-il pas maintenant? Il en donne lui-même la raison: «Car je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde». C'est donc maintenant le temps de la miséricorde: viendra ensuite celui du jugement. - S. Chrys. Mais de peur que ce délai ne devienne une cause de relâchement, il rappelle l'idée de ce terrible jugement: «Celui qui me méprise et ne reçoit pas mes paroles, a quelqu'un qui le jugera». - S. Aug. Il ne dit pas: Je ne le jugerai pas au dernier jour, ce qui serait en contradiction avec ce qu'il a dit plus haut: «Il a donné tout pouvoir de juger à son Fils». Les paroles: «Celui qui me méprise, a quelqu'un qui le jugera», donnaient naturellement lieu à cette question: Quel est celui qui jugera? Notre-Seigneur la prévient, en ajoutant: «Ce sera la parole même que j'ai annoncée qui le jugera au dernier jour». En s'exprimant de la sorte, il fait assez entendre que c'est lui-même qui doit juger au dernier jour; car il s'est affirmé lui-même, il s'est annoncé et fait connaître lui-même. Ceux donc qui n'ont point entendu sa parole, n'auront point le même jugement à subir que ceux qui ne l'ont entendue que pour la mépriser.
S. Aug. (De la Trin., 1, 12). C'est la parole annoncée par le Fils, qui jugera au dernier jour; parce que le Fils n'a point parlé de lui-même. «Car, ajoute-t-il, je n'ai point parlé de moi-même». Mais je me demande comment nous devons entendre ces paroles: «Ce n'est pas moi qui jugerai, ce sera la parole que j'ai annoncée qui jugera», puisqu'il est lui-même la parole du Père. On peut les expliquer de la sorte: Je ne jugerai pas en vertu d'un pouvoir humain, parce que je suis le Fils de l'homme, mais je jugerai par la puissance du Verbe de Dieu, parce que je suis le Fils de Dieu. - S. Chrys. Ou bien encore: «Je ne le juge pas», c'est-à-dire, je ne suis pas la cause de sa perte, qui ne doit être imputée qu'à celui qui méprise mes paroles; car, ces paroles que j'ai dites prendront le rôle d'accusateur, et enlèveront toute excuse. C'est pour cela qu'il ajoute: «La parole que j'ai annoncée, le jugera». Et quelle est cette parole? Celle que je n'ai point dite de moi-même, mais qui est la parole de mon Père, qui m'a envoyé; car c'est lui qui m'a prescrit, par son commandement, ce que je dois dire, et comment je dois parler. Toutes les vérités qu'il leur annonçait étaient donc dans leur intérêt, et aussi pour les rendre inexcusables s'ils refusaient d'y croire.
S. Aug. Or, le Père n'a point donné au Fils un commandement qu'il n'avait pas auparavant; car tous les commandements du Père émanent de la sagesse du Verbe, qui est le Verbe du Père. Notre-Seigneur dit que ce commandement lui est donné parce que celui à qui il est donné n'existe pas de lui-même. Donner au Fils ce sans quoi il n'a jamais été Fils, c'est engendrer le Fils, qui n'a jamais cessé d'exister. - Théophyl. Comme le Fils est le Verbe du Père, et qu'il révèle et qu'il explique dans toute leur vérité ce qui est dans l'intelligence du Père, il dit qu'il a reçu le commandement qui lui prescrit ce qu'il doit dire, et comment il doit parler. C'est ainsi que notre parole, lorsque nous voulons dire la vérité, ne fait qu'énoncer ce que la pensée lui suggère.
«Et je sais que son commandement est la vie éternelle». - S. Aug. Si donc le Fils est la vie éternelle, et que la vie éternelle soit le commandement du Père, quelle conclusion tirer de ces paroles, si ce n'est: Je suis le commandement du Père? Ainsi lorsqu'il ajoute: «Ce que je dis donc, je le dis selon que mon Père me l'a enseigné», il ne faut pas l'entendre dans ce sens que Dieu ait adressé une parole extérieure à son Verbe. Le Père a donc parlé au Fils de la même manière qu'il lui a donné la vie, non en lui faisant connaître ce qu'il ignorait, ou en lui donnant ce qu'il n'avait pas, mais en lui donnant ce par quoi il était son Fils. Que signifient ces paroles: «Comme il dit, je parle», si ce n'est: Je parle comme étant le Verbe? Le Père parle comme étant essentiellement vrai; le Fils parle comme étant la vérité. Celui qui est vrai a engendré la vérité; que pourrait-il donc dire à la vérité? Car la vérité n'était point dans cet état d'imperfection qui la rendit susceptible d'un accroissement quelconque de vérité
13301 Jn 13,1-5
Théophyl. Notre-Seigneur, sur le point de quitter ce monde, veut nous faire connaître l'amour qu'il avait pour les siens: «Avant la fête de Pâque, dit l'Évangéliste, Jésus sachant que son heure était venue», etc. - Bède. Les Juifs avaient plusieurs fêtes, mais la plus célèbre et la plus solennelle était celle de Pâque, comme l'Évangéliste veut le faire remarquer par ces paroles: «Avant la fête de Pâque», etc. - S. Aug. (Traité 55). Le mot pâque n'est pas un mot grec, comme quelques-uns le pensent, c'est un mot hébreu, cependant ce mot a dans les deux langues un rapport frappant d'analogie: souffrir se dit en grec p Üóåéí, et c'est pour cela que le mot pa que a été considérer comme synonyme de passion, comme s'il tirait de là son étymologie. Dans sa langue propre, au contraire, c'est-à-dire, dans l'hébreu, le mot Pâque signifie passage, et la raison de ce nom, c'est que le peuple de Dieu a célébré pour la première fois cette fête, lorsqu'après s'être enfui de l'Egypte, il eut traversé la mer Rouge. Or, cette figure prophétique a trouvé son accomplissement véritable, lorsque Jésus-Christ a été conduit comme une brebis à la mort. C'est alors que par la vertu de son sang qui a marqué les poteaux de nos portes, c'est-à-dire, par la vertu du sig ne de la croix empreint sur nos fronts, nous avons été délivrés de la servitude de ce monde, comme de la captivité d'Egypte, et nous accomplissons de nouveau ce passage salutaire, lorsque nous passons du démon à Jésus-Christ, et de ce monde inconstant dans le royaume dont les fondements sont inébranlables. L'Évangéliste semble nous donner cette explication du mot pâque, lorsqu'il dit: «Jésus sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père. Voilà la Pàque, voilà le passage». - S. Chrys. (hom. 70 sur S. Jean). Il le savait auparavant, et non-seulement de ce moment, et ce passage c'est sa mort.
Sur le point de quitter ses disciples, il leur donne des marques plus sensibles de son amour, c'est ce que l'Évangéliste veut nous exprimer par ces paroles: «Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin», c'est-à-dire, il n'oublia rien de ce que peut inspirer un grand amour. Il n'avait pas agi de la sorte dès le commencement, mais il avait été progressivement pour augmenter leur affection pour lui, et leur préparer une source de consolation au milieu des épreuves qui les attendaient. Il les appelle siens, à cause de l'intimité qu'il avait avec eux, car dans un autre endroit, il donne ce nom à ceux qui n'avaient avec lui que les rapports de nature: «Les siens ne l'ont point reçu, dit saint Jean». Il ajoute: «Qui étaient dans le monde», parce qu'il y en avait aussi des siens parmi les morts (comme Abraham, Isaac et Jacob), mais qui n'étaient pas dans le monde. Il aima donc sans jamais cesser, les siens qui étaient dans le monde, et leur donna des témoignages d'un amour parfait, c'est ce que signifient ces paroles: «Il les aima jusqu'à la fin». - S. Aug. Ou bien encore: «Il les aima jusqu'à la fin», pour les faire passer par le moyen de l'amour de ce monde à celui qui était leur chef. Que signifient, en effet, ces paroles: «Jusqu'à la fin ?» Jusque dans Jésus-Christ, car Jésus-Christ est la fin de la loi pour justifier tous ceux qui croient (Rm 10), la fin qui perfectionne et non la fin qui donne la mort. Il me semble qu'on pourrait encore entendre ces paroles dans ce sens trop naturel peut-être, que Jésus-Christ a aimé les siens jusqu'à la mort, mais à Dieu ne plaise, que la mort ait mis fin à l'amour de celui dont elle n'a pu faire cesser l'existence, à moins qu'on ne l'entende de cette manière: Il les a aimés jusqu'à la mort, c'est-à-dire, son amour l'a porté à mourir pour eux.
«Et le souper étant fait», c'est-à-dire, étant complètement préparé et servi sur la table devant les convives, car nous ne devons pas entendre qu'il fut fait en ce sens qu'il fut tout à fait terminé; le souper durait encore, lorsque Jésus se leva de table pour laver les pieds de ses disciples, puisqu'il se remit ensuite à table, et donna un morceau de pain à son traître disciple. Quant à ces paroles: «Le démon ayant déjà mis dans le coeur de Judas», etc.; si vous me demandez ce que le démon mit dans le coeur de ce perfide disciple, je répondrai que ce fut le dessein de le trahir, cette action du démon fut une suggestion intérieure qui eut lieu, non par l'oreille, mais par la pensée, car le démon envoie pour ainsi dire ses suggestions dans les âmes pour les mêler aux pensées de l'homme. Il avait donc déjà mis dans le coeur de Judas le dessein de trahir son maître. - S. Chrys. L'Évangéliste rapporte avec un profond étonnement, que le Seigneur a lavé les pieds de celui qui était déjà résolu à le trahir, et il fait ressortir la profonde malice de ce traître disciple, qui ne fut point arrêté par cette douce et intime communauté de table et de vie, qui éteint ordinairement tout sentiment de haine.
S. Aug. Avant de nous décrire la profonde humilité du Sauveur, l'Évangéliste veut nous remplir de l'idée de ses grandeurs: «Jésus sachant que son Père lui avait remis toutes choses entre les mains», etc., donc jusqu'au traître lui-même. - S. Grég. (Moral., 6, 11 ou 12). Il savait que Dieu lui avait remis entre les mains jusqu'à ses persécuteurs eux-mêmes, afin qu'il fît servir à l'accomplissement de ses desseins miséricordieux, tout ce que leur cruauté à qui Dieu avait comme lâché les rênes, pourrait inventer contre lui. - Orig. (Tr. 32 sur S. Jean). Le Père lui a remis toutes choses entre les mains, c'est-à-dire, a tout remisa son action, à sa puissance, car mon Père, dit le Sauveur, ne cesse d'agir jusqu'à présent, et moi-même j'agis également. Ou bien encore, son Père a remis tout entre ses mains qui embrassent toutes choses, afin que toutes choses lui soient soumises. - S. Chrys. Ce tout qui lui est remis entre les mains, c'est surtout le salut des fidèles. Mais que cette expression ne vous fasse soupçonner rien d'humain, elle exprime simplement l'honneur que le Fils rend à son Père, et la parfaite harmonie qui existe entre eux. En effet, de même que le Père lui a remis toutes choses, lui aussi a remis toutes choses à son Père, comme le dit saint Paul: «Lorsqu'il aura remis le royaume à Dieu et au Père». (1Co 15) - S. Aug. Sachant qu'il sort de Dieu et qu'il retourne à Dieu, bien qu'il ne se soit pas séparé de Dieu lorsqu'il en est sorti et qu'il ne nous abandonne pas lorsqu'il retourne vers Dieu. Théophyl. Comme le Père lui avait remis toutes choses entre les mains, c'est-à-dire, le salut des fidèles, il jugeait convenable de leur enseigner tout ce qui pouvait contribuer à leur salut. Il savait également qu'il était sorti de Dieu et qu'il retournait à Dieu, il ne pouvait donc diminuer sa gloire en lavant les pieds de ses disciples, car cette gloire il ne l'avait point usurpée et il n'y a que ceux qui usurpent injustement les honneurs, qui refusent de s'abaisser dans la crainte de perdre les dignités dont ils se sont emparé sans aucun droit. - S. Aug. Alors que le Père lui avait tout remis entre les mains, il lave non pas les mains, mais les pieds de ses disciples; et lui qui savait qu'il était sorti de Dieu et qu'il retournait à Dieu, il remplit l'office qui convient, non au Seigneur Dieu, mais à un homme et à un serviteur. - S. Chrys. Il était en effet digne de celui qui est sorti de Dieu et qui retournait à Dieu, de fouler aux pieds toute enflure et tout orgueil. Ecoutons la suite:» Il se lève de table, il pose ses habits, et ayant pris un linge, il s'en ceignit; il versa ensuite de l'eau dans le bassin, et il commença à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge qui était autour de lui». Voyez quelle profonde humilité, non-seulement dans l'action même de leur laver les pieds, mais dans les circonstances qui l'accompagnent, car ce n'est pas avant de se mettre à table, c'est après que tous sont assis qu'il se lève, et non-seulement il leur lave les pieds, mais il pose ses vêtements, il se ceint d'un linge, et verse de l'eau dans le bassin, sans donner cette commission jà un autre, il veut tout faire lui-même pour nous apprendre avec quel soin nous devons pratiquer les oeuvres de charité.
Orig. Dans le sens allégorique, le dîner qui est le premier repas, a été servi à ceux qui ne sont encore qu'initiés avant qu'ils soient arrivés an terme du jour spirituel qui s'accomplit dans cette vie, tandis que le souper est le dernier repas, celui qu'on sert à ceux qui ont atteint une perfection plus grande. On peut dire encore que le dîner c'est l'intelligence des Écritures anciennes, tandis que le souper, c'est la connaissance des mystères cachés dans le Nouveau Testament. Je pense que ceux qui doivent prendre ce dernier repas avec Jésus et s'asseoir à la même table au dernier jour de cette vie, ont besoin d'être purifiés, non point dans les parties les plus élevées du corps et de l'âme, mais dans les parties extrêmes et qui sont en contact nécessaire avec la terre. L'Évangéliste raconte qu'il commença à laver les pieds de ses disciples (car il acheva plus tard cette opération), parce que les pieds des apôtres avaient été salis selon cette parole: «Vous serez tous scandalisés cette nuit à mon occasion». Il acheva ensuite ce lavement des pieds, en donnant à ses apôtres une pureté qu'ils ne devaient plus perdre.
S. Aug. Il a déposé ses vêtements, lorsqu'il s'est anéanti lui-même, lui qui était Dieu; il s'est ceint d'un linge, lorsqu'il a pris la forme de serviteur; il a versé de l'eau dans un bassin pour laver les pieds de ses disciples, lorsqu'il a versé son sang sur la terre pour laver toutes les souillures de nos péchés, il a essuyé leurs pieds avec le linge dont il était ceint, lorsqu'il affermit les pas des évangélistes, par la chair mortelle dont il était revêtu; avant de se ceindre avec le linge, il quitta les habits dont il était revêtu; mais pour prendre la forme d'esclave dans laquelle il s'est anéanti, il n'a point quitté ce qu'il avait, il a pris seulement ce qu'il n'avait pas. Lorsqu'il fut crucifié, il fut dépouillé de ses vêtements, et après sa mort son corps fut enveloppé dans un linceul, et sa passion tout entière a pour fin de nous purifier.
13306 Jn 13,6-11
Orig. (Traite 32 sur S. Jean). De même qu'un médecin, qui est chargé de plusieurs malades à la fois, commence par ceux dont l'état réclame premièrement ses soins; ainsi Jésus-Christ, en lavant les pieds de ses disciples, qui étaient couverts de poussière, commence par ceux qui étaient plus souillés, et vient en dernier lieu à Pierre, comme ayant moins besoin d'avoir les pieds lavés: «Il vint donc à Simon Pierre»; à qui la propreté presque entière de ses pieds conseillait la résistance: «Et Pierre lui dit: Quoi ! Seigneur, vous me laveriez les pieds», etc. - S. Aug. Que signifient ces paroles: «Vous, à moi ?» Elles demandent à être méditées plutôt qu'expliquées, de peur que la langue ne puisse rendre entièrement ce que l'âme a pu en comprendre dignement. - S. Chrys. Ou peut dire encore que bien que Pierre fût le premier, il est probable que le traître insensé s'était assis à table avant lui, ce que l'Évangéliste semble avoir voulu indiquer, quand il dit: «Il commença à laver les pieds», et ensuite: «Il vint à Pierre». - Théophyl. D'où il faut conclure qu'il ne commence point par Pierre, et cependant aucun autre parmi les disciples n'eût osé se placer avant Pierre pour le lavement des pieds.
S. Chrys. On demandera peut-être aussi comment il se fait qu'aucun autre disciple ne se soit opposé à ce que Jésus lui lavât les pieds, à l'exception de Pierre, qui donnait ainsi à Jésus un témoignage éclatant de son amour et de son respect; et il semble qu'on pourrait conclure de là que le Sauveur n'avait lavé les pieds, avant lui, qu'au seul traître, qu'il vint ensuite à Pierre, et que la leçon qu'il lui donne s'adresse à tous les disciples. En effet, si Notre-Seigneur avait commencé à laver les pieds d'un autre disciple, ce disciple l'en aurait empêché par les mêmes paroles que Pierre. - Orig. Ou bien encore, tous présentaient leurs pieds au Sauveur, en disant que celui qui était si élevé au-dessus d'eux ne leur lavait pas les pieds sans raison; mais Pierr e, ne prenant conseil que de son profond respect pour Jésus, ne voulait point présenter ses pieds pour que Jésus les lavât; souvent, en effet, l'Ecriture nous montre Pierre plein d'ardeur pour exprimer ce qui lui paraissait le meilleur et le plus utile. - S. Aug. Ou bien encore, nous ne devons point penser que Pierre seul, de tous les disciples, se soit opposé avec un respect mêlé d'effroi à l'action du Sauveur, tandis que les autres eussent souffert que Jésus leur lavât les pieds; car on ne peut admettre qu'il les eût lavés à d'autres auparavant, et qu'il ne fût arrivé à Pierre qu'en second lieu (car qui ne sait que le bienheureux Pierre était le premier des disciples ?) Il a donc commencé par Pierre. Quand il commença à laver les pieds de ses disciples, il vint d'abord à celui par lequel il commença, c'est-à-dire à Pierre, et c'est alors que Pierre exprima ce sentiment de frayeur et d'étonnement que tous les autres auraient éprouvé également.
«Jésus lui répondit: Vous ne savez pas maintenant ce que je fais, mais vous le saurez par la suite». - S. Chrys. C'est-à-dire l'utilité de cet enseignement, et comment l'humilité suffit pour conduire jusqu'à Dieu. - Orig. Ou bien le Seigneur veut nous faire comprendre que cette action cache un mystère; en effet, en lavant leurs pieds et en les essuyant, il les rendait éclatants de blancheur, comme il convenait à ceux qui devaient évangéliser la vertu (Rm 10; Is 52), montrer le chemin de la sainteté, et marcher par celui qui a dit: «Je suis la voie» (Jn 14). Jésus devait déposer ses vêtements avant de laver les pieds de ses disciples, afin de rendre plus purs encore leurs pieds, qui l'étaient déjà, ou pour recevoir sur son propre corps les souillures de leurs pieds, en ne gardant que le linge dont il était ceint; car, «il a lui-même porté toutes nos langueurs». (Is 53) Remarquez encore qu'il ne choisit pas d'autre temps pour laver les pieds de ses disciples que celui où le diable était déjà entré dans le coeur de Judas pour lui inspirer le dessein de livrer le Sauveur à ses ennemis, et où le mystère de la rédemption des hommes allait s'accomplir. Avant ce moment, il n'eût point été opportun que Jésus leur lavât les pieds; car, qui leur aurait rendu cet office dans le temps qui devait s'écouler jusqu'à sa passion? On ne pouvait non plus choisir le temps même de la passion; car il n'y avait point un autre Jésus pour leur laver les pieds; ni le temps qui la suivit, car alors leurs pieds furent purifiés par l'Esprit saint; c'est à ce mystère que le Seigneur fait allusion, quand il dit à Pierre: «Vous n'êtes pas capable de le comprendre, mais vous le comprendrez plus tard, lorsqu'une lumière divine vous en donnera l'intelligence».
S. Aug. Cependant Pierre, comme épouvanté de ce que le Sauveur voulait faire, continue de s'opposera une action dont il ignorait le motif; il ne peut souffrir de voir Jésus-Christ s'humilier jusqu'à ses pieds, et il lui dit: «De l'éternité vous ne me laverez les pieds». C'est-à-dire, jamais je ne le souffrirai; car ce qui ne se fait de l'éternité, ne se fait jamais - Orig. Nous apprenons, par cet exemple, qu'on peut dire dans une bonne intention, mais par ignorance, une chose qui n'est point avantageuse. Pierre, en effet, ignorant combien cette action du Sauveur devait lui être utile, s'en excuse en exprimant un doute plein de respect et de douceur: «Quoi ! Seigneur, vous, me laver les pieds ?» Ensuite il va plus loin: «Jamais vous ne me laverez les pieds ?» et s'oppose ainsi à une action qui devait le faire entrer en communication intime avec le Sauveur. En s'exprimant de la sorte, non-seulement il reprend Jésus de l'inconvenance qu'il y a pour lui de laver les pieds de ses disciples, mais il reproche aussi aux autres Apôtres de céder à ce désir inconvenant en présentant leurs pieds à Jésus. Comme ce refus de Pierre ne pouvait lui être avantageux, Notre-Seigneur ne voulut point lui donner raison: Jésus lui répondit: «Si je ne vous lave point, vous n'aurez point de part avec moi». - S. Aug. Le Sauveur dit: «Si je ne vous lave», bien qu'il ne s'agisse que des pieds seuls, comme on dit: Vous marchez sur moi, alors qu'on ne marche que sur les pieds.
Orig. Comment ceux qui refusent d'entendre, dans un sens tropologique ou moral ce passage et d'autres semblables, pourront-ils expliquer que celui qui a dit à Jésus, par un sentiment de respect: «Vous ne me laverez jamais les pieds», n'ait point de part avec lui pour ce seul fait de n'avoir point eu les pieds lavés par Jésus, comme s'il s'agissait d'un crime énorme? Nous devons donc présenter à Jésus les pieds, c'est-à-dire les affections de notre âme, afin que nos pieds soient éclatants de blancheur, surtout lorsque nous aspirons à des grâces plus hautes et que nous voulons être du nombre de ceux qui évangélisent les biens du ciel.
S. Chrys. Jésus, au lieu de faire connaître à Pierre les motifs de sa conduite, lui fait des menaces, parce que Pierre n'était point alors en état d'être persuadé; mais dès qu'il entend le Sauveur lui dire: «Vous le saurez par la suite», il n'insiste pas et ne lui dit pas: Faites-le moi savoir actuellement pour que j'accède à votre désir; la menace seule qui lui est faite, d'être séparé de Jésus, le détermine à se rendre. - Orig. Nous nous servons de cette parole du Sauveur contre ceux qui prennent la résolution indiscrète de faire des actions qui doivent leur être nuisibles; car, en leur montrant qu'en persévérant dans ce dessein indiscret et téméraire, ils n'auront point de part avec Jésus, nous leur persuadons d'y renoncer, lors même qu'emportés par la vivacité de leurs désirs, ils auraient donné à leur résolution la sanction du serment.
S. Aug. (Traité 56 sur S. Jean). Mais Pierre, dans le trouble où le jettent à la fois l'amour et la crainte, redoute plus de perdre Jésus-Christ que de le voir s'humilier jusqu'à ses pieds, et Simon-Pierre lui dit: Seigneur, non-seulement les pieds, mais les mains et la tête». - Orig. Jésus ne voulait point laver les mains de ses disciples, pour montrer le mépris qu'il faisait de ce que disaient les pharisiens: «Vos disciples ne lavent point leurs mains lorsqu'ils se mettent à table pour manger» (Mt 15). Il ne voulait point non plus laver la tête, qui reflétait l'image et la gloire du Père, et il lui suffisait que Pierre présentât ses pieds. «Jésus lui répondit: Celui qui est pur n'a plus besoin que de se laver les pieds, et il est pur tout entier». - S. Aug. Il est pur tout entier, à l'exception des pieds; ou si ce n'est ses pieds, qu'il a besoin de laver; car l'homme, dans le baptême, est lavé tout entier, sans excepter même les pieds; mais lorsque sa vie se trouve ensuite mêlée au commerce humain, il foule nécessairement la terre aux pieds. Les affections du coeur humain sans lesquelles cette vie mortelle ne peut ni exister ni se concevoir, sont comme les pieds; et les choses de la terre nous affectent et nous impressionnent à ce point que si nous prétendons n'être coupables d'aucun péché, nous nous trompons nous-mêmes (Jn 1, 8); mais si nous confessons nos péchés, celui qui a lavé les pieds de ses disciples nous remet nos péchés, et purifie jusqu'à nos pieds, par lesquels nous sommes en contact avec la terre. - Orig. Je regarde comme impossible que les extrémités de l'âme et ses parties inférieures ne contractent pas de souillures, quelle que soit la réputation de vertu et de perfection dont on jouisse aux yeux des hommes. Il en est même beaucoup qui, après leur baptême, sont couverts des pieds jusqu'à la tête de la poussière de leurs crimes; mais ceux qui sont ses véritables disciples n'ont d'autre besoin que d'avoir les pieds lavés.
S. Aug. (Lettr. 108 à Seleuc). De ce qui est dit ici, nous pouvons conclure que Pierre était déjà baptisé. Nous pouvons admettre, en effet, que les disciples, par le ministère desquels Jésus baptisait, avaient eux-mêmes reçu le baptême, soit le baptême de Jean, suivant l'opinion de quelques-uns, soit (ce qui est plus probable) le baptême de Jésus-Christ, car celui qui a bien voulu remplir l'humble office de laver les pieds à ses disciples, n'a point dédaigné de leur administrer lui-même le baptême, afin que ceux qui devaient être les ministres de son baptême fussent eux-mêmes baptisés. C'est pour cela que le Sauveur ajoute: «Vous êtes purs, mais non pas tous». - S. Aug. (Tr. 58 sur S. Jean). L'Évangéliste nous explique lui-même le sens de ces paroles, en ajoutant: «Car il savait quel était celui qui devait le trahir, c'est pour cela qu'il leur dit: Vous n'êtes pas tous purs». - Orig. Ces paroles: «Vous êtes purs», s'adressent donc aux onze disciples, et cette restriction: «Mais non pas tous», s'applique à Judas, dont la conscience était souillée, premièrement, parce qu'au lieu de prendre soin des pauvres, il dérobait l'argent qui leur était destiné, et en second lieu, parce que le démon était déjà entré dans son coeur pour lui inspirer de trahir Jésus-Christ. Notre-Seigneur lave les pieds à ses disciples, quoiqu'ils fussent purs, parce que la grâce de Dieu ne s'arrête pas à ce qui est seulement nécessaire; et, comme le dit saint Jean: «Celui qui est pur doit encore se purifier». (Ap 22, 6). - S. Aug. Ou bien, Notre-Seigneur parle de la sorte à ses disciples, parce qu'étant déjà lavés, ils n'avaient plus besoin que de se laver les pieds, car tant que l'homme vit au milieu de ce monde, il foule la terre avec ses affections qui sont comme les pieds de l'âme et contracte des souillures inévitables. - S. Chrys. Ou bien encore, le Sauveur ne leur dit pas qu'ils sont purs, dans ce sens qu'ils soient purifiés de leurs péchés, puisque la victime qui devait les effacer n'était pas encore offerte, mais il veut parler de la pureté de l'intelligence, car ils étaient déjà délivrés des erreurs judaïques.
Catena Aurea 13237