Catena Aurea 12106

vv. 6-8

12106 Jn 1,6-8

S. Aug. (Traité 2 sur S. Jean). Tout ce qui précède avait pour objet la divinité de Jésus-Christ, qui, en venant à nous, s'est revêtu d'une forme humaine. Mais comme dans le Verbe fait chair, l'humanité cachait un Dieu; un homme extraordinaire fut envoyé devant lui, pour découvrir en lui, par son témoignage, un caractère supérieur à l'homme. Et quel a été cet envoyé? «Il y eut un homme». - Théophyl. Ce ne fut pas un ange, pour détruire les idées qu'un grand nombre s'était faites de la nature de Jean-Baptiste. - S. Aug. Et comment pourra-t-il nous dire la vérité en parlant de Dieu? «II fut envoyé de Dieu». - S. Chrys. (hom. 6 sur S. Jean). Gardez-vous de croire que cet envoyé de Dieu tienne un langage purement humain, ce n'est point de lui-même qu'il vient parler, toutes ses paroles lui sont dictées par celui qui l'a envoyé; c'est pour cela qu'un prophète lui donne le nom d'ange en parlant de lui: «Voici que j'envoie mon ange», car un ange (ou envoyé), ne dit rien de lui-même, et ne fait que transmettre les ordres de celui qui l'envoie. Ces paroles: «Il fut envoyé», ne signifie pas un acte qui tend à donner l'être, mais qui destine à l'accomplissement d'un ministère. De même qu'Isaïe ne fut pas appelé d'autre part que du monde où il était, et qu'il fut envoyé au peuple du moment qu'il eut vu le Seigneur assis sur un trône sublime et élevé; ainsi Jean fut envoyé du désert pour baptiser, comme il l'atteste lui-même: «Celui qui m'a envoyé baptiser, m'a dit: Celui sur lequel vous verrez», etc.

S. Aug. Comment s'appelait-il? «Son nom était Jean». - Alcuin. c'est-à-dire, grâce de Dieu ou celui en qui était la grâce de Dieu, c'est-à-dire, celui qui, le premier, a fait connaître Jésus-Christ au monde par son témoignage. Ou bien encore, le nom de Jean signifie il a été donné, parce qu'il lui a été donné par la grâce de Dieu, non-seulement d'être le précurseur du Roi des rois, mais de le baptiser.

S. Aug. Pourquoi fût-il envoyé? «Il vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière».

Orig. (Traité 5 sur S. Jean). Il en est qui cherchent à jeter le blâme sur les témoignages que les prophètes ont rendus à Jésus-Christ, et qui prétendent que le Fils de Dieu n'a pas besoin de témoins, et qu'il présente des motifs suffisants de crédulité, soit dans ses enseignements salutaires, soit dans ses miracles tout divins. Moïse lui-même, disent-ils, ne mérita créance que par ses paroles et ses miracles, sans avoir besoin d'être précédé par des témoins. Nous répondons qu'il est un grand nombre de motifs qui peuvent déterminer la foi, mais que tel motif, malgré sa force apparente, ne produira sur quelques-uns aucune impression, tandis que tel autre sera tout-puissant pour les amener à la foi. Or, Dieu a des moyens à l'infini pour amener les hommes à croire qu'un Dieu a daigné se faire homme pour sauver les hommes. Aussi est-ce un fait certain que les oracles des prophètes en ont forcé un grand nombre à croire à la divinité de Jésus-Christ, étonnés qu'ils étaient de voir que tant de prophètes l'avaient annoncé avant son avènement, et prédit d'une manière précise le lieu de sa naissance, et d'autres circonstances semblables. Il faut encore remarquer que les miracles opérés par Jésus-Christ, avaient plus de force pour amener à la foi ceux qui en étaient témoins ou ses contemporains, mais que plusieurs siècles après ils pouvaient n'avoir plus la même puissance, et passer même aux yeux de quelques-uns pour des fables. Donc, lorsqu'un long espace de temps nous sépare de ces miracles, le motif le plus fort de crédibilité, ce sont les prophéties jointes aux miracles. Disons encore, que par ce témoignage rendu à Dieu, plusieurs se sont couverts de gloire. C'est donc vouloir enlever au choeur des prophètes la grâce signalée qui lui a été faite, que de contester l'utilité des témoignages qu'ils ont rendus à Jésus-christ. Jean est venu se joindre à ces prophètes, en rendant lui-même témoignage à la lumière. - S. Chrys. (hom. 5 sur S. Jean). Ce n'est pas sans doute que la lumière eût besoin de témoignage, mais l'Évangéliste nous apprend le vrai motif de la mission de Jean, dans les paroles suivantes: «Afin que tous crussent par lui». Le Fils de Dieu a pris une chair mortelle pour sauver tous les hommes d'une perte inévitable, et c'est par suite du même dessein qu'il envoie devant lui un homme pour précurseur, afin que cette voix d'un de leurs semblables les déterminât plus facilement à venir à lui. -
Bède. L'Évangéliste ne dit pas: Afin que tous crussent en lui, (car maudit est l'homme qui met sa confiance dans l'homme), (Jr 7, 5) mais: «Afin que tous crussent par lui», c'est-à-dire, que tous par son témoignage crussent à cette lumière. - Théophyl. Que quelques-uns aient refusé de croire, Jean n'en est pas responsable. Si un homme s'enferme dans une maison obscure, et se prive ainsi de voir les rayons du soleil, la faute n'en est pas au soleil mais bien à lui-même; ainsi Jean a été envoyé, afin que tous crussent par lui; si ce but n'a pas été entièrement atteint, le saint précurseur n'en est pas la cause.

S. Chrys. (hom. 6 sur S. Jean). D'après l'opinion commune, celui qui rend témoignage nous paraît ordinairement supérieur à celui qui est l'objet de son témoignage, et plus digne de foi; aussi l'Évangéliste se hâte de détruire ici ce préjugé en ajoutant: «Il n'était pas la lumière, mais il était venu pour rendre témoignage à la lumière». Si telle n'a pas été son intention en répétant ces paroles: «Pour rendre témoignage à la lumière», ce membre de phrase est complètement superflu. Ce n'est pas un développement de la doctrine, c'est une répétition de mots inutiles.

Théophyl. Mais la conclusion de ces paroles n'est-elle pas que ni Jean-Baptiste, ni aucun autre saint n'ont été ou ne sont la lumière? Si nous voulons donner à un saint le nom de lumière, il faut employer le mot lumière sans article; si l'on vous demande, par exemple: Jean est-il la lumière? répondez qu'il est lumière, sans mettre l'article, mais non pas la lumière avec l'article; car il n'est pas la lumière par excellence, et il n'est lumière, que parce qu'il est entré en participation de la vraie lumière.


v. 9

12109 Jn 1,9

S. Aug. (Traité 2 sur S. Jean). Nous voyons ici quelle est cette lumière à laquelle Jean-Baptiste rend témoignage: «Celui-là était la vraie lumière». - S. Chrys. (hom. 6 sur S. Jean). Ou bien encore, l'Évangéliste venait de dire que Jean-Baptiste avait été envoyé et était venu pour rendre témoignage à la lumière. Or, ce témoignage d'un homme envoyé tout récemment pouvait faire croire à l'origine récente aussi de celui à qui il rendait témoignage; il élève donc aussitôt nos pensées vers cette existence antérieure à tout commencement, et qui ne doit jamais avoir de fin: «Celui-là était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde.» - S. Aug. (Traité 2 sur S. Jean). Pourquoi saint Jean ajoute-t-il le mot vraie? C'est qu'on donne aussi à l'homme qui est éclairé le nom de lumière, mais la vraie lumière est celle qui éclaire elle-même. Nos yeux aussi sont appelés des lumières, et cependant c'est en vain que ces lumières sont ouvertes, si pour les éclairer, on n'allume une lampe pendant la nuit, où si dans le jour le soleil ne répand sur eux ses clartés. Aussi l'Évangéliste ajoute: «Qui éclaire tout homme». Si elle éclaire tout homme, elle éclaire donc Jean lui-même. Elle éclairait donc celui qu'elle avait choisi pour lui rendre témoignage. Il arrive souvent que le soleil nous fait connaître son lever par la lumière qu'il fait rayonner sur les corps, et cependant nous ne pouvons le voir de nos yeux. Ainsi ceux qui ont les yeux trop malades ou trop faibles pour voir le soleil, peuvent cependant les arrêter sur un mur qui réfléchit sa lumière, sur une montagne, sur un arbre ou sur tout autre objet semblable. Il en était de même de ceux au milieu desquels Jésus-Christ était venu, et qui étaient encore beaucoup moins capables de le voir. Il a donc éclairé Jean de ses rayons, et Jean, qui confessait hautement la source d'où lui venait cette lumière, fit connaître ainsi celui qui l'éclairait. Il ajoute: «Venant en ce monde», c'est qu'en effet, si l'homme ne venait pas en ce monde, il n'aurait pas besoin d'être éclairé, mais il faut qu'il soit éclairé, parce qu'il a quitté l'endroit où il aurait joui toujours de cette divine lumière. - Théophyl. Que le manichéen rougisse d'oser dire que nous sommes l'oeuvre d'un Créateur mauvais et ténébreux; car jamais nous ne pourrions être éclairés si nous n'étions les créatures de la vraie lumière.

S. Chrys. (hom. 8 sur S. Jean). Où sont aussi ceux qui prétendent que Jésus-Christ n'est pas le vrai Dieu? alors qu'il est appelé ici la vraie lumière. Mais s'il éclaire tout homme venant en ce monde, comment se fait-il qu'un si grand nombre soient demeurés dans les ténèbres? Car tous n'ont pas connu le culte qui est dû à Jésus-Christ. Il éclaire tout homme, autant qu'il dépend de lui. Mais s'il en est qui ont fermé volontairement les yeux de leur âme pour ne point recevoir les rayons de cette divine lumière, les ténèbres dans lesquelles ils demeurent plongés, ne viennent pas de la nature de la lumière, mais de la malice de ceux qui se privent volontairement du don de la grâce. Car la grâce a été répandue sur tous les hommes et ceux qui ont refusé de la recevoir, ne doivent imputer qu'à eux-mêmes leur aveuglement. - S. Aug. (Enchirid,, 109). Ces paroles: «Qui éclaire tout homme», veulent dire non pas que tous les hommes sans exception sont éclairés, mais que personne ne peut l'être que par cette lumière. - Bède. Il nous éclaire, soit en nous donnant la raison, soit en répandant en nous sa divine sagesse; car nous ne pouvons nous donner la sage sse, pas plus que nous n'avons pu nous donner l'existence.

Orig. (hom. 2 sur div. suj). Ou bien encore, nous ne devons pas entendre ces paroles: «Qui éclaire tout homme venant en ce monde», de ceux qui entrent dans le monde avec un corps formé d'après les principes secrets qui président à la génération, mais de ceux qui entrent dans le monde invisible par la régénération spirituelle de la grâce conférée par le baptême. Voilà pourquoi cette lumière éclaire ceux qui entrent dans le monde des vertus, et non pas ceux qui se précipitent dans le monde des vices.

Théophyl. Ou bien encore, cette lumière qui nous est donnée de Dieu, c'est l'intelligence dont il nous a doués pour nous diriger ici-bas, intelligence qui s'appelle aussi la raison naturelle, mais un grand nombre, par le mauvais usage dé la raison, se sont jetés eux-mêmes dans les ténèbres.


v. 10

12110 Jn 1,10

S. Aug. (Traité 2 sur S. Jean). La lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde, est venue sur la terre sous le voile d'une chair mortelle; car tant qu'elle n'y était que par la divinité, elle était invisible pour les insensés, pour les aveugles et pour les méchants dont saint Jean a dit plus haut: «Les ténèbres ne l'ont point comprise», c'est pour cela qu'il dit ici: «Il était dans le monde». - Orig. (hom. 2 sur div. suj). Lorsque celui qui parle cesse de parler, sa voix cesse de se faire entendre; de même si le Père céleste ne faisait plus entendre son Verbe, l'oeuvre du Verbe, c'est-à-dire l'univers qu'il a créé, cesserait d'exister. - S. Aug. (Traité 2 sur S. Jean). N'allez pas croire qu'il était dans le monde comme sont dans le monde la terre, les animaux, les hommes, ou comme le ciel, le soleil, les étoiles; il y était comme un ouvrier qui dirige l'ouvrage sorti de ses mains: «Et le monde a été fait par lui». Toutefois il n'a pas créé le monde comme un ouvrier fait son ouvrage, car l'ouvrier est en dehors de l'ouvrage qu'il travaille, Dieu, au contraire, est comme répandu dans le monde qu'il crée, il est présent partout, et il n'est pas un seul être qui soit en dehors de son immensité. C'est donc par la présence de sa divinité, qu'il fait tout ce qu'il crée, et qu'il gouverne tout ce qu'il a créé. Il était donc dans le monde, comme le Créateur du monde.

S. Chrys. (hom. 8 sur S. Jean). Et encore, comme il était dans le monde, mais sans être contemporain du monde, l'Évangéliste ajoute: «Et le monde a été fait par lui, et il vous élève ainsi jusqu'à l'existence éternelle du Fils unique». En effet, en entendant dire que tout cet univers est son ouvrage, fût-on d'une intelligence bornée, on sera forcé de reconnaître qu'il existait avant son ouvrage. - Théophyl. Saint Jean confond en même temps l'erreur insensée de Marcion, qui prétendait que c'était un mauvais principe qui avait créé toutes ch oses, et celle des ariens qui osaient soutenir que le Fils de Dieu était une simple créature.

S. Aug. (comme précéd). Que signifient ces paroles: «Le monde a été fait par lui ?» On appelle monde le ciel, la terre, la mer, et tout ce qu'ils contiennent. Dans un autre sens, on donne encore ce nom à ceux qui aiment le monde, et c'est de ce monde qu'il est dit: «Le monde ne l'a point connu». On ne peut dire, en effet, ni du ciel, ni des anges, ni des astres, qu'ils n'ont pas connu le Créateur, dont les démons eux-mêmes confessent la puissance. Toutes les créatures lui ont donc rendu témoignage. Quels sont ceux qui ne l'ont point connu? Ceux qui sont appelés le monde, parce qu'ils aiment le monde, car en aimant le monde, nous habitons de coeur dans le monde; ceux, au contraire, qui n'aiment pas le monde, sont de corps dans le monde, mais ils habitent le ciel par le coeur, suivant ces paroles de l'Apôtre: «Pour nous, nous vivons déjà dans le ciel». (Ph 3) C'est donc parce qu'ils ont aimé le monde, qu'ils ont mérité eux-mêmes le nom du monde où ils habitent. Lorsque nous disons d'une maison qu'elle est bonne ou qu'elle est mauvaise, ce n'est point aux murailles que s'adressent notre blâme ou nos louanges, mais à ceux qui l'habitent; c'est ainsi que nous appelons monde ceux qui habitent le monde par leurs affections. - S. Chrys. (hom. 8 sur S. Jean). Quant aux amis de Dieu, ils l'ont connu avant même qu'il eût rendu sa présence sensible, c'est-à-dire avant son avènement en ce monde, comme le prouvent ces paroles du Sauveur: «Abraham, votre père, a tressailli du désir de voir mon jour» (Jn 8, 56). Lors donc que les Gentils nous adressent ce reproche. Pourquoi le Sauveur n'est-il venu opérer notre salut que dans les derniers temps, après tant de siècles écoulés, sans qu'il ait pensé à nous? Nous leur répondons, qu'avant même son avènement, il était dans le monde, sa providence s'étendait à toutes ses oeuvres, et il était connu de tous ceux qui en étaient dignes; et si le monde ne l'a pas connu, ceux dont le monde n'était pas digne, ont mérité de le connaître. En disant: «Le monde ne l'a point connu», il a indiqué sommairement la cause de cette ignorance; car le monde ici sont les hommes qui ne sont attachés qu'au monde, qui n'ont de goût et d'affection que pour le monde; or rien ne trouble autant l'âme que l'amour énervant des choses présentes.


vv. 11-13

12111 Jn 1,11-13

S. Chrys. (hom. 9 sur S. Jean). Ces paroles: «Le monde ne l'a point connu», doivent s'entendre des temps qui ont précédé l'incarnation. Celles qui suivent: «Il est venu dans son héritage», se rapportent aux temps de la prédication de l'Évangile. - S. Aug. (Traité 2 sur S. Jean). «Il est venu dans son héritage», parce que toutes choses ont été faites par lui. - Théophyl. On peut donc entendre ici ou le monde, ou la Judée, qu'il avait choisie pour héritage. - S. Chrys. (hom. 9 et 10 sur S. Jean). Il est venu dans son héritage, non pas dans un motif d'intérêt personnel (car Dieu n'a besoin de personne), mais pour combler les siens de bienfaits. Mais d'où a pu venir celui qui remplit tout de son immensité, et qui est présent partout? C'est par un effet de sa grande condescendance qu'il est venu jusqu'à nous; il était au milieu du monde, sans que le monde pensât à sa présence, parce qu'il n'eu était pas connu; il a donc daigné se revêtir d'un corps sensible. C'est cette manifestation et cette condescendance, qu'il appelle sa présence ou son avènement (hom. 11) Or, Dieu, plein de bonté et de miséricorde, ne néglige rien de ce qui peut nous élever à une vertu éminente. Aussi ne veut-il s'attacher personne par force ou par nécessité, et ne veut nous attirer à lui que par la persuasion et par les bienfaits. De là vient que les uns le reçurent, et que les autres refusèrent de le recevoir; car il ne veut pas qu'on soit à son service malgré soi et comme par contrainte; celui qui le sert forcément et de mauvaise grâce, est à ses yeux comme celui qui refuse complètement de le servir: «Et les siens ne l'ont pas reçu». (hom. 9). L'Évangéliste appelle les Juifs les siens, comme étant son peuple privilégié, ou bien tous les hommes comme étant tous ses créatures. Dans l'étonnement où le jetait la conduite insensée du genre humain, il s'est écrié plus haut: «Le monde a été fait par lui, et le monde n'a point connu son Créateur»; ici l'ingratitude des Juifs le remplit d'indignation, et il lance contre eux cette accusation bien plus grave: «Et les siens ne l'ont pas reçu».

S. Aug. (Traité 1 sur S, Jean). Mais si personne absolument ne l'a reçu, personne donc n'est sauvé; car la condition essentielle du salut, c'est de recevoir Jésus-Christ, aussi l'Évangéliste ajoute: «Tous ceux qui l'ont reçu», etc. - S. Chrys. (hom. 10 sur S. Jean). Esclaves ou hommes libres, grecs ou barbares, savants ou illettrés, homm es ou femmes, enfants ou vieillards, tous ont été rendus dignes du même honneur: «Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu». - S. Aug. (comme précéd). Quelle extrême bonté ! il était né Fils unique, et il n'a pas voulu demeurer seul; il n'a pas craint d'avoir des cohéritiers, parce que son héritage ne peut être amoindri par le partage qu'il en fait. - S. Chrys. (hom. 10). Il ne dit pas qu'il les fit enfants de Dieu, mais qu'il leur à donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, nous apprenant ainsi que ce n'est qu'au prix de grands efforts que nous pouvons conserver sans tache ce caractère de l'adoption qui a été imprimé et gravé dans notre âme par le baptême. Il nous enseigne encore que personne ne peut nous ôter ce pouvoir, si nous-mêmes ne consentons à nous en dépouiller. Ceux à qui les hommes délèguent une partie de leur puissance ou de leur autorité, la possèdent presque à l'égal de ceux qui la leur ont donnée; à plus forte raison en sera-t-il ainsi de nous qui avons reçu cet honneur de Dieu même. Il veut encore nous apprendre que cette grâce n'est donnée qu'à ceux qui la veulent et qui la recherchent; car c'est le concours du libre arbitre et de l'opération de la grâce, qui nous fait enfants de Dieu. - Théophyl. Ou bien encore, il veut parler ici de cette filiation parfaite, dont la résurrection doit nous mettre en possession, d'après ces paroles de l'Apôtre: «Attendant l'effet de l'adoption divine, la rédemption de notre corps». (Rm 8) Il nous a donc donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, c'est-à-dire d'obtenir cette grâce dans la vie future.

S. Chrys. (hom. 10). Comme dans la distribution de ces biens ineffables, il appartient à Dieu de donner la grâce, de même qu'il appartient à l'homme de faire acte de foi, saint Jean ajoute: «A ceux qui croient en son nom». Pourquoi ne nous dites-vous pas, saint Évangéliste, quel sera le supplice de ceux qui n'ont pas voulu le recevoir? Mais quel supplice plus grand pour ceux qui ont reçu le pouvoir de devenir enfants de Dieu, que de refuser de le devenir, et de se priver volontairement d'un si grand honneur? Toutefois ce ne sera pas leur seul supplice, ils seront condamnés à un feu qui ne s'éteindra jamais, comme l'Évangéliste le déclarera plus ouvertement dans la suite (Jn 3).

S. Aug. (même traité). Ceux qui croient en son nom deviennent donc enfants de Dieu et frères de Jésus-Christ, et prennent par là même une nouvelle naissance. Comment, en effet, sans cette seconde naissance pourraient-ils devenir enfants de Dieu? Les enfants dès hommes naissent de la chair et du sang, de la volonté de l'homme et de l'union des époux. Mais comment naissent les enfants de Dieu? Ils ne sont pas nés des sangs, c'est-à-dire, de l'homme et de la femme. Le mot sangs (sanguina ou sanguines) n'est pas lat in, mais comme cette expression est au pluriel dans le texte grec, le traducteur aima mieux la rendre de la sorte, sauf à employer un mot peu conforme aux règles de la latinité, pour faire mieux comprendre la vérité aux esprits moins intelligents. En effet, les enfants naissent du mélange du sang de l'homme et de la femme. - Bède. Il est bon aussi de remarquer que dans la sainte Ecriture, le mot sang au pluriel signifie ordinairement le péché, comme dans ce passage du Psaume 50: «Délivrez-moi des sangs (de sanguinibus) ».

S. Aug. (même traité). Dans les paroles suivantes: «Ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme»; la chair est synonyme de la femme, en souvenir de sa création. Lorsque, en effet, elle eut été créée d'une côte du premier homme, Adam lui dit: «Voici l'os de mes os et la chair de ma chair». Le mot chair signifie donc ici la femme, de même que souvent l'esprit est le symbole du mari, parce que son rôle est de commander, et celui de la femme de servir. Quelle maison plus mal ordonnée, en effet, que celle où la femme commande au mari? Les enfants de Dieu ne sont donc nés ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu. - Bède. La génération charnelle de tous les hommes tire son origine de l'union des époux, tandis que la génération spirituelle a pour principe la grâce de l'Esprit saint.

S. Chrys. (hom. 10 sur S. Jean). L'Évangéliste, en parlant ainsi, veut nous faire comprendre d'un côté la bassesse de la première génération qui vient du sang et de la volonté de la chair, et l'élévation de la seconde qui vient de la grâce et ennoblit notre nature, afin que nous ayons une haute idée de la grâce qui nous a engendrés, et que nous ne négligions rien pour la conserver.


v. 13

12113 Jn 1,13

S. Aug. (même traité). Cette idée d'une naissance qui vient de Dieu était de nature à inspirer un sentiment d'étonnement mêlé de frayeur, et il pouvait même paraître incroyable que les hommes soient nés de Dieu. Aussi l'Évangéliste s'empresse de nous rassurer, en ajoutant: «Et le Verbe a été fait chair». Qu'y a-t-il d'étonnant que des hommes naissent de Dieu? Considérez Dieu lui-même qui a voulu naître des hommes. - S. Chrys. (hom. 11 sur S. Jean). Ou bien encore: après avoir dit que ceux qui l'ont reçu ont reçu de Dieu une nouvelle naissance, il fait connaître la cause d'un si grand honneur, c'est que le Verbe s'est fait chair, car le propre Fils de Dieu est devenu le Fils de l'homme, afin de rendre les hommes enfants de Dieu. Lorsque vous entendez dire que le Verbe s'est fait chair, ne vous laissez pas troubler par ces paroles. Il n'a point changé en chair la nature divine (interprétation qui serait une impiété), mais il a pris la forme d'esclave en demeurant ce qu'il est. C'est pour confondre les blasphèmes de ceux qui prétendent que tout ce qui a rapport à l'incarnation était fantastique et imaginaire que l'Évangéliste s'est servi de cette expression: «A été fait», expression qui ne signifie pas un changement de substance, mais l'union du Fils de Dieu à une chair véritable. S'ils viennent nous dire que Dieu étant tout-puissant, a bien pu changer en chair sa nature divine, nous répondrons que Dieu peut tout ce qui n'atteint pas directement son être divin. Or, toute idée de changement est directement opposée à cette nature immuable.

S. Aug. (De la Trin., 15, 11) De même que notre Verbe ou notre parole devient en quelque sorte la voix du corps en s'unissant à elle pour se manifester aux sens des hommes, ainsi le Verbe de Dieu s'est fait chair, en s'unissant à elle pour se manifester aussi aux hommes; notre parole devient voix, mais elle n'est pas changée en voix; ainsi le Verbe de Dieu s'est fait chair, mais loin de nous la pensée qu'il ait été changé en chair. Il s'est uni à la chair, mais il ne s'est pas transformé en chair, il s'est fait chair comme notre parole se fait voix. - CONS. D'EPH. La parole qui sort de nos lèvres et dont nous faisons usage dans nos rapports avec les autres hommes, est une parole incorporelle qui n'est sensible ni à la vue, ni au toucher; mais lorsqu'elle s'est comme revêtue de lettres et de formes extérieures, elle devient visible et accessible à la vue comme au toucher. De même le Verbe de Dieu qui, par sa nature, est invisible, est devenu visible; il est incorporel aussi par sa nature, et il a pris un corps accessible au toucher. - Alcuin. (Liv. 1, chap. 1, sur S. Jean). Ces paroles: «Le Verbe s'est fait chair», ne doivent pas s'entendre dans un autre sens que celui-ci: Dieu s'est fait homme en prenant un corps et une âme. De même que chacun de nous est un composé d'un corps et d'une âme qui ne forment qu'un seul homme; ainsi Jésus-Christ, depuis son incarnation, ne fait qu'une seule personne formée de la divinité, d'un corps, et d'une âme. La divinité du Verbe a daigné s'unir à cette nature humaine qu'elle avait choisie spécialement pour qu'elle devînt une seule personne en Jésus-Christ. La nature divine n'a subi dans cette union aucune altération, aucun changement, elle s'est simplement unie à la nature humaine qu'elle n'avait pas auparavant. (Liv. 3, de la foi en la Trin., chap. 9). C'est une vérité incontestable que le Fils de Dieu a pris, non pas la personne, mais la nature humaine pour l'unir à sa personne divine et éternelle; l'homme a comme passé en Dieu, non point par un changement de nature, mais par son union avec la personne divine. Il n'y a donc point deux Christs, il n'y a qu'un seul Christ, Dieu et homme tout à la fois. (Liv. 1, cont. Félix d'Urgel). Cette union du Verbe avec la chair est tellement ineffable, que pour l'exprimer, nous disons que le Verbe s'est fait chair, quoique le Verbe n'ait pas été changé en chair, et cette chair est appelée Dieu, bien qu'elle ne soit pas elle-même changée en la nature divine. (Liv. 3). Nous confessons donc qu'il y a dans la seule personne de Jésus-Christ deux natures unies entre elles par un lien si ineffable, que chacune d'elles conservant ses propriétés, cette sainte et admirable union nous présente, non pas un changement ou une altération de la divinité, mais une élévation sublime pour l'humanité, c'est-à-dire, que Dieu n'a pas été changé en l'homme, mais l'homme glorifié en Dieu, etc. (Dans la Glose). Nous croyons qu'une âme incorporelle peut être unie à un corps, et que l'union de ces deux substances fait un seul homme; nous devons croire plus facilement que la nature divine qui est incorporelle, s'est unie à une âme jointe à un corps pour former une seule personne, de manière que le Verbe n'a pas été changé en chair, ni la chair dans le Verbe, pas plus que le corps ne se change en âme, ni l'âme en corps.

Théophyl. Apollinaire de Laodicée a voulu appuyer son hérésie sur ces paroles; il prétendait que le Christ n'avait point eu d'âme raisonnable, mais seulement un corps ayant pour âme la divinité qui gouvernait et dirigeait le corps. - S. Aug. (cont. Les Ar., ch. 9). Vous êtes impressionné de ce qu'il est écrit que le Verbe s'est fait chair, sans qu'il soit question de l'âme? Mais rappelez-vous que la chair est souvent mise pour l'homme tout entier en vertu de cette locution figurée qui emploie la partie pour le tout, comme dans ces paroles: «Toute chair viendra à vous» (Ps 64) Et dans ces autres: «Nulle chair ne sera justifiée par les oeuvres de la loi». Ce que l'Apôtre explique plus clairement dans l'Epître aux Galates: «L'homme ne sera point justifié par les oeuvres de la loi». (Ga 2) Ces paroles: «Le Verbe s'est fait chair», ont donc la même signification que celles-ci: «Le Verbe s'est fait homme».

Théophyl. Si l'Évangéliste nomme de préférence la chair, c'est pour nous montrer la condescendance inénarrable de Dieu, et nous faire admirer sa miséricorde qui l'a porté à s'unir pour notre salut, à ce qui est séparé de sa nature par une distance incommensurable, c'est-à-dire la chair. L'âme, en effet, a quelques points de rapprochement avec Dieu. Mais si le Verbe, en s'incarnant, n'avait pas pris une âme humaine, il s'ensuivrait que nos âmes ne seraient ni guéries ni rachetées, car le Sauveur n'a sanctifié que ce qu'il s'est uni. C'est l'âme qui, la première s'est rendue coupable, ne serait-il donc pas ridicule de supposer qu'il se soit uni la chair pour la sanctifier, tandis qu'il aurait délaissé la partie la plus noble de l'homme, comme aussi la plus malade? Ainsi se trouve encore détruite l'hérésie de Nestorius, qui enseignait que ce n'est pas le Verbe-Dieu qui s'est fait homme et qui a été conçu du sang d'une Vierge, mais que la Vierge a enfanté un homme, orné et enrichi de toutes les vertus, et que le Verbe de Dieu s'était uni. Il concluait de là qu'il y avait en Jésus-Christ deux fils, l'un né de la Vierge, qui était homme, l'autre né de Dieu, c'était son luis, qui était uni à cet homme par les liens de la grâce et de la charité. L'Évangéliste lui a répondu d'avance, en affirmant que c'est le Verbe lui-même qui s'est fait homm e, et non pas que le Verbe a fait choix d'un homme vertueux pour s'unir à lui.

S. CYR. (Lett. 8 à Nestor.; 4 dans l'édit. lat). Le Verbe s'est fait homme en s'unissant une chair animée d'une âme raisonnable, par une union ineffable et incompréhensible, qui ne fait en lui qu'une seule personne, et il a été appelé Fils de l'homme, non par suite d'une simple union de volonté ou de bon vouloir, ni parce qu'il avait pris la simple personnalité de l'homme, mais par suite de l'union véritable de deux natures différentes qui n'ont formé qu'un seul Christ et qu'un seul Fils, sans que cette union étroite ait détruit la différence des deux natures.

Théophyl. De ces paroles: «Le Verbe s'est fait chair», nous concluons que le Verbe s'est fait homme, et que tout en demeurant Fils de Dieu, il est devenu fils de la femme, à qui nous donnons le nom distinctif de mère de Dieu, parce qu'elle a véritablement engendré Dieu selon la chair.

S. Hil. (De la Trin., 10). Il en est qui veulent que le Fils unique de Dieu, c'est-à-dire, le Dieu Verbe, qui était en Dieu au commencement, ne soit pas Dieu substantiellement, mais seulement la parole d'une voix qui s'est produite, c'est-à-dire, que le Fils serait pour Dieu le Père, ce que la parole est pour ceux qui la profèrent. Par suite de cette erreur, ils cherchent à nier, par leurs raisonnements insidieux, que le Verbe-Dieu soit né comme homme et comme Christ, en demeurant Dieu. Ils donnent à cette conception et à cette naissance une cause toute naturelle, et refusent de leur reconnaître un caractère mystérieux et divin, de sorte que dans leur sentiment, le Dieu Verbe n'a pas reçu son humanité d'un enfantement virginal, mais il a été simplement dans la personne de Jésus, comme l'esprit de prophétie était dans les prophètes. Ils nous reprochent d'ailleurs de dire que le Christ, dans sa naissance, n'a pas pris un corps et une âme semblables au nôtre, alors que nous professons hautement que le Verbe fait chair a pris en naissant une nature comme à la nôtre, et qu'il est vrai fils de Dieu, en même temps qu'il est né vrai Fils de l'homme. Mais de même qu'il avait reçu de la Vierge un corps qu'il avait lui-même créé, c'est de lui-même aussi que vient l'âme qu'il s'est unie, et qui d'ailleurs n'est jamais donnée à l'homme par voie de génération. Or, puisqu'il est certain qu'il est à la fois Fils de l'homme et Fils de Dieu, n'est-il pas ridicule de supposer en dehors du Fils de Dieu, du Verbe fait chair, je ne sais quel prophète, animé par le Verbe de Dieu, alors qu'il est certain que le Seigneur Jésus-Christ est à la fois Fils de Dieu et Fils de l'homme? - S. Chrys. (hom. 10 sur S. Jean). L'Évangéliste détruit par avance la fausse idée que ces paroles: «Le Verbe s'est fait chair», pourraient faire naître dans certains esprits, d'un changement ou d'une transformation de cette nature incorruptible, en ajoutant: «Et il a habité parmi nous». Car celui qui habite n'est pas une même chose avec le lieu qu'il habite, il en diffère. Je parle ici de la différence de nature, car en vertu de l'union étroite qui existe entre les deux natures, le Dieu Verbe fait chair, ne forme qu'une seule personne sans aucune confusion, comme sans destruction de ces deux natures. - Alcuin. Ou bien encore: «Il a habité parmi nous», c'est-à-dire, il a vécu et conversé parmi les hommes.



Catena Aurea 12106