Catena Aurea 12124

vv. 24-28

12124 Jn 1,24-28

Orig. (Traité 7 sur S. Jean). Après que Jean-Baptiste eut fait cette réponse aux prêtres et aux lévites, les pharisiens l'interrogèrent de nouveau: «Or, ceux qui avaient été envoyés, étaient des pharisiens.» Autant qu'il est permis de le conjecturer d'après le contexte, ce fut là le troisième témoignage. On peut remarquer que les prêtres et les lévites avaient fait au saint Précurseur une question pleine de convenance et conforme à leur caractère: «Qui êtes-vous ?» Cette question n'est ni insolente ni déplacée, tout y est digne de vrais ministres de Dieu. Mais les pharisiens, justifiant la signification de leurs noms, qui veut dire divisés, importuns et fâcheux, font à Jean-Baptiste, par esprit de division, une question blessante:» Ils l'interrogèrent, et lui dirent: Pourquoi donc baptisez-vous, si vous n'êtes ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète ?» Ce n'est point qu'ils désirent eu savoir la raison, ils veulent tout simplement l'empêcher de baptiser. Avec cela, je ne sais quel motif les portait encore à recevoir le baptême de Jean. Pour expliquer cette conduite, il faut dire que les pharisiens venaient recevoir ce baptême sans y croire, par hypocrisie, et par crainte du peuple. - S. Chrys. (hom. 15 sur S, Jean). On peut dire encore que les prêtres et les lévites eux-mêmes étaient du nombre des pharisiens; ils n'ont pu triompher de Jean par leurs flatteries, ils cherchent donc à l'accuser pour le forcer de faire un aveu contraire à la vérité: «Et ils l'interrogèrent et lui dirent: Pourquoi baptisez-vous, si vous n'êtes ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ?» Comme si c'était une témérité impardonnable de baptiser, sans être le Christ, ou son précurseur, ou son héraut, c'est-à-dire un prophète.

S. Grég. (hom. 7). Mais l'amour de la bonté dans les saints est à l'épreuve même des questions malveillantes qui leur sont adressées. Aussi Jean-Baptiste ne répond à ces paroles dictées par un sentiment de jalousie, que par les enseignements de la vie: «Il leur répondit: Moi, je baptise dans l'eau». - Orig. (Traité 8 sur S. Jean). Quelle autre réponse convenait-il de faire à cette question: «Pourquoi baptisez-vous ?» que de bien définir la nature de son baptême qui était un baptême purement corporel.

S. Grég. (hom. 7). En effet, Jean-Baptiste ne baptisait pas dans l'esprit, mais dans l'eau, parce que son baptême ne pouvait effacer les péchés; ce baptême lavait dans l'eau les corps de ceux qui venaient le recevoir, mais ne purifiait pas les âmes par le pardon. Pourquoi donc baptise-t-il, puisque son baptême ne peut remettre les péchés? C'était pour remplir encore ici son office de précurseur; sa propre naissance avait précédé la naissance du Seigneur, son baptême devait aussi précéder le baptême du Sauveur. Il avait été le précurseur du Christ en l'annonçant aux Juifs, il était juste qu'il le fût aussi par un baptême qui était la figure du sacrement do baptême, et qu'en baptisant de la sorte, il annonçât le mystère de la rédemption, et déclarât que le Rédempteur se trouvait au milieu d'eux, sans en être connu: «Mais il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas». C'est qu'en effet, le Seigneur s'étant manifesté dans un corps sensible, il était visible dans son corps, et invisible dans sa majesté.

S. Chrys. (hom. 16). Jean-Baptiste parlait de la sorte, parce que le Sauveur était mêlé au peuple, comme un homme ordinaire, pour nous apprendre qu'il voulait en tout pratiquer l'humilité. Ces paroles: «Que vous ne connaissez pas», doivent s'entendre d'une connaissance parfaite, qui s'étendit par conséquent à la nature du Sauveur et à son origine divine. - S. Aug. (Traité 4 sur S. Jean). Son humilité le couvrait comme d'un voile qui ne permettait pas de le voir, c'est pour cela qu'il fallut allumer une lampe. - Théophyl. Ou bien le Seigneur était au milieu des pharisiens sans en être connu, parce qu'ils prétendaient savoir les Écritures; comme le Seigneur s'y trouve annoncé, il était au milieu d'eux, c'est-à-dire au milieu de leurs coeurs, mais ils ne le connaissaient pas, parce qu'ils ne comprenaient pas les Écritures. Ou bien encore, Jésus-Christ était au milieu des pharisiens, en tant que médiateur de Dieu et des hommes pour les unir à Dieu, mais les pharisiens ne le connaissaient pas.

Orig. (Traité 7) Ou bien encore, après avoir répondu à la première partie de leur question: «Pourquoi baptisez-vous ?» en leur disant: «Moi, je baptise, dans l'eau», il répond à la seconde partie: «Si vous n'êtes pas le Christ», en faisant l'éloge de la nature supérieure et divine du Christ, dont la puissance est si grande qu'il est invisible dans sa divinité, bien qu'il soit présent partout, et comme répandu dans tout ce vaste univers, ce qu'il veut exprimer par ces paroles: «Il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas». En effet, il est répandu dans tout cet univers, et en pénètre toutes lesparties, tout ce qui est créé ne l'est que par lui; car toutes choses ont été faites par lui. Il était donc évidemment au milieu de ceux qui demandaient à Jean-Baptiste: «Pourquoi baptisez-vous ?» Ou bien encore, ces paroles: «Il y en a un au milieu de vous», doivent s'entendre de nous tous; car il est au milieu de nous, en tant que nous sommes des êtres raisonnables, puisque la partie la plus excellente de notre âme, c'est-à-dire notre coeur, se trouve au milieu de notre corps. Ceux donc qui portent le Verbe au milieu d'eux, mais qui ne connaissaient ni sa nature, ni son origine, ni la manière dont il est en eux, ont le Verbe au milieu d'eux, sans le connaître. Mais pour Jean, il le connaissent, de là ce reproche qu'il leur fait: «Il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas». Les pharisiens qui attendaient la venue du Christ, n'apercevaient en lui rien d'aussi élevé, et le regardaient simplement comme un homme vertueux, voilà pourquoi Jean-Baptiste leur reproche d'ignorer l'excellence et la supériorité du Sauveur. Il leur dit: «Il est, il se tient au milieu de vous», car de même que le Père reste toujours immuable et au-dessus de tonte vicissitude, ainsi le Verbe se tient aussi toujours prêt à nous sauver, c'est dans ce but qu'il s'est incarné, et qu'il se tient au milieu des hommes comme invisible et sans en être connu. Et pour ne pas laisser à penser que celui qui est invisible, qui pénètre le coeur de tous les hommes, et l'univers tout entier, est différent de celui qui s'est incarné et qui s'est manifesté sur la terre, Jean-Baptiste ajoute: «C'est lui qui doit venir après moi», c'est-à-dire qui doit se manifester aux hommes après moi. L'expression après, n'a pas ici le même sens que dans ces paroles où Jésus nous invite à marcher après lui (Mt 16; Lc 9). D'un côté, le Sauveur nous ordonne de le suivre, afin de pou voir parvenir jusqu'au Père en marchant sur ses traces; de l'autre, Jean-Baptiste veut nous faire connaître le but et la fin de sa prédication: il est venu pour préparer les hommes, par la foi, à recevoir des enseignements plus parfaits que ceux qu'il leur donnait. - S. Chrys. (hom. préced). Il leur dit donc: «C'est lui qui doit venir après moi», c'est-à-dire: Ne croyez pas que mon baptême contienne et donne toute perfection, s'il en était ainsi, un autre ne viendrait pas après moi pour donner un baptême différent. Mon baptême en est la préparation, il passera comme une ombre et une image pour faire place à la réalité; car il faut que celui qui doit annoncer la vérité, vienne après moi. Si mon baptême était parfait, il n'y aurait pas lieu de lui en su bstituer un second. Aussi a-t-il soin d'ajouter: «Qui a été fait plus grand que moi», c'est-à-dire qui est plus illustre et plus digne d'honneur et de gloire que moi. - S. Grég. Ces paroles: «Il a été fait avant moi», veulent dire, il m'a été préféré. Il vient après moi; parce que sa naissance a suivi la mienne, mais il a été fait avant moi, parce qu'il a été placé au-dessus de moi.

S. Chrys. (hom. 16 sur S. Jean). Mais Jean-Baptiste ne veut pas laisser supposer qu'on puisse établir une comparaison entre le Christ et lui, et pour montrer que sa gloire est incomparable, il ajoute: «Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sa chaussure», c'est-à-dire il est tellement élevé au-dessus de moi, que je ne suis pas digne d'être compté au nombre de ses derniers serviteurs, car c'est un des derniers offices, que de dénouer la courroie des chaussures. - S. Aug. (Traité 4 sur S. Jean). Se juger digne seulement de dénouer la courroie de sa chaussure, eût déjà été dans Jean-Baptiste un grand acte d'humilité. - S. Grég. (hom. préc). On peut encore donner cette explication. C'était un usage chez les anciens Juifs, que lorsqu'un homme refusait de prendre pour femme celle que la loi lui faisait un devoir d'épouser, celui qui devait l'épouser alors par ordre de parenté, était la chaussure au premier. Or, sous quel titre Jésus-Christ s'est-il surtout manifesté parmi les hommes? comme l'Epoux de la sainte Eglise. C'est donc avec raison que Jean-Baptiste se déclare indigne de dénouer la courroie de sa chaussure, comme s'il faisait ouvertement un aveu: Je ne suis pas digne de déchausser les pieds du Rédempteur, parce que je ne veux pas usurper injustement le titre d'époux. On peut encore l'entendre dans un autre sens. Qui ne sait que les chaussures sont faites de la p eau des animaux, que l'on dépouille après leur mort? Or, le Sauveur par son incarnation, apparut comme ayant les pieds couverts d'une chaussure, en unissant sa divinité à notre nature mortelle et corruptible. La courroie de la chaussure est donc comme le lien de cette union mystérieuse. Jean-Baptiste ne peut dénouer la courroie de sa chaussure, parce qu'il ne peut approfondir lui-même le mystère de l'incarnation, et il semble tenir ce langage: Qu'y a-t-il d'étonnant qu'il ait été placé au-dessus de moi, lui qui est né, il est vrai, après moi, mais dont la naissance est pour moi un mystère incompréhensible? - Orig. Un auteur a donné de ce passage cette interprétation qui a quelque vraisemblance: Je n'ai pas assez d'importance pour que le Fils de Dieu descende pour moi des hauteurs des cieux et se revête d'un corps mortel comme d'une chaussure.

S. Chrys. (hom. 17 sur S. Jean). Jean-Baptiste prêchait publiquement les prérogatives du Christ avec une indépendance pleine de dignité, et l'Évangéliste désigne le lieu où il faisait entendre sa voix: «Ceci se passa à Béthanie, au delà du Jourdain, où Jean baptisait». Ce n'est ni dans l'intérieur d'une maison, ni dans un lieu retiré qu'il annonçait Jésus-Christ, c'était au-delà du Jourdain, au milieu d'une nombreuse multitude, et en présence de ceux qu'il avait baptisés. Quelques exemplaires portent, et peut-être avec plus de raison: «A Bethabara», car Béthanie n'est ni au delà du Jourdain, ni dans le désert, mais près de Jérusalem. - La Glose. Ou bien, il faut admettre deux endroits du nom de Béthanie, l'un au delà du Jourdain, et l'autre près de Jérusalem, et où Lazare fut ressuscité. - S. Chrys. (hom. 17). C'est encore pour un autre motif que l'Évangéliste fait connaître le nom du lieu où Jean baptisait. Il racontait des faits dont la date n'était pas éloignée, et remontaient à quelque temps seulement auparavant; il appelle donc en témoignage de la véracité de son récit ceux qui avaient été les témoins oculaires de ces faits, qu'il confirme par la désignation des lieux où ils se sont passés.

Alcuin. Béthanie signifie maison d'obéissance, ce qui nous apprend que c'est par l'obéissance de la foi, que tous les hommes doivent parvenir au baptême. - Orig. (Traité 7 sur S. Jean.) Béthanie signifie encore maison de la préparation, et cette signification se rapporte parfaitement au baptême de Jean, qui avait pour fin de préparer au Seigneur un peuple parfait. Le mot Jourdain veut dire leur descente; or, quel est ce fleuve, si ce n'est notre Sauveur qui purifie tous ceux qui entrent dans le monde, en descendant et en s'humiliant non pour lui-même, mais dans la personne du genre humain. Ce fleuve sépare les terres et les villes données par Moïse, de celles qui ont été données par Josué, et les eaux rapides de ce fleuve portent la joie dans la cité de Dieu (Ps 45, 5) De même que le serpent se cache dans le fleuve d'Egypte, ainsi Dieu se cache dans ce fleuve, car le Père est dans le Fils, et ceux qui viennent pour se purifier dans ses eaux, se dépouillent Je l'opprobre de l'Egypte, et se rendent dignes d'avoir part à l'héritage, ils sont purifiés de la lèpre, et ils méritent de recevoir une double grâce et de voir descendre en eux l'Esprit de Dieu, car la colombe spirituelle ne descend point sur un autre fleuve. C'est au delà du Jourdain que Jean donne son baptême, comme précurseur de celui qui venait appeler non les justes, mais les pécheurs.


vv. 29-31

12129 Jn 1,29-31

Orig. (Traité 6 sur S.Jean). Après ce témoignage de Jean-Baptiste, Jésus vient à lui; le saint Précurseur, non-seulement persévère dans son témoignage, mais il expose des effets plus merveilleux encore de la venue du Rédempteur, et qui sont comme figurés par le second jour dont il est question: «Le jour suivant, Jean vit Jésus venant à lui». Autrefois la mère de Jésus, aussitôt qu'elle l'eut conçu, était allé visiter la mère de Jean qui était encore enceinte, et aussitôt que la voix de Marie, qui saluait sa parente, eut frappé les oreilles d'Elisabeth, Jean tressaillit dans le sein de sa mère. Ici Jean-Baptiste voit venir à lui et s'approcher de lui Jésus lui-même, à qui il a rendu témoignage. Il est dans l'ordre que l'homme soit d'abord instruit par le témoignage des autres, avant de juger par ses yeux de la vérité de ce qui lui a été enseigné. La visite de Marie à Elisabeth, qui était son inférieure, et la démarche du Fils de Dieu, qui vient trouver Jean-Baptiste, nous apprennent l'humilité et le zèle avec lequel nous devons nous rendre utiles à ceux qui sont nos inférieurs. Nous ne voyons pas ici de quel endroit le Sau veur vint trouver Jean-Baptiste, mais nous pouvons le conclure de ces paroles de saint Matthieu: «Alors Jésus vint de la Galilée sur les bords du Jourdain, pour être baptisé par lui» (Mt 2). - S. Chrys. (hom. 17). Ou bien, saint Matthieu raconte l'arrivée de Jésus-Christ sur les bords du Jourdain pour recevoir le baptême, et saint Jean une autre démarche du Sauveur pour se rendre près de Jean-Baptiste après son baptême, c'est ce que semble indiquer la suite de son récit: «J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe», etc. Les Évangélistes se sont comme partagé, en effet, les diverses époques de la vie de Jésus. Saint Matthieu passe sous silence tous les faits qui ont précédé la prison de Jean-Baptiste, et passe immédiatement aux événements qui l'ont suivie; tandis que saint Jean s'attache surtout à raconter les faits qui ont eu lieu avant que le saint Précurseur fût jeté dans les fers. C'est ce qu'il fait en ces termes: «Le lendemain, Jean vit Jésus», etc. Pourquoi Jésus vient-il trouver Jean-Baptiste une seconde fois après son baptême? parce que le Sauveur avait été baptisé avec un grand nombre d'autres, et qu'il ne voulait pas qu'on put soupçonner qu'il était venu trouver Jean-Baptiste pour le même motif, c'est-à-dire pour confesser ses péchés, ou recevoir dans le Jourdain le baptême de pénitence. Il revient donc trouver Jean-Baptiste, pour lui donner occasion de détruire cette fausse opinion, ce que Jean fait en ces termes: «Et il dit: Voici l'Agneau de Dieu», etc. Il était de toute évidence, en effet, que celui dont la sainteté infinie devait effacer les péchés des autres, ne venait pas pour confesser ses péchés, mais pour donner occasion à Jean-Baptiste de lui rendre témoignage. Disons encore qu'il vient une seconde fois pour confirmer la vérité des premiers témoignages dans l'esprit de ceux qui les avait entendus, et les préparer à en recevoir d'autres. Jean-Baptiste dit: «Voici l'Agneau de Dieu», pour signifier que c'est cet Agneau qui était autrefois attendu, pour rappeler la prophétie d'Isaïe, les symboles figuratifs de la loi ancienne, et conduire ainsi plus facilement les hommes à la vérité par les figures.

S. Aug. (Traité 4 sur S. Jean). Si un agneau est innocent, et que Jean soit un agneau, n'est-il pas innocent par là même? Mais tous les hommes descendent de cette race coupable dont David disait en gémissant: «Voici que j'ai été conçu dans l'iniquité» (Ps 50) Il n'y a donc que cet Agneau qui ne soit point né de cette race. Il n'a point été conçu dans l'iniquité, et sa mère ne l'a point nourri dans son sein d'un sang impur. Il a été conçu par une vierge, enfanté par une vierge, parce qu'elle l'a conçu par la foi, et que c'est par la foi qu'elle lui a donné le jour.

Orig. (Traité 6 sur S. Jean). On offrait dans le temple comme victimes cinq espèces d'animaux, trois choisies parmi les animaux terrestres, le veau, la brebis et la chèvre, deux parmi les oiseaux, la tourterelle et la colombe. L'espèce ovine en fournissait trois: le bélier, la brebis et l'agneau, et parmi ces trois derniers, Jean-Baptiste choisit l'agneau comme figure du Sauveur, parce que l'agneau était la victime des sacrifices qu'on offrait chaque jour, l'un le matin et l'autre le soir. Or, quel est ce sacrifice que la nature raisonnable doit offrir à Dieu chaque jour, si ce n'est le Verbe toujours plein de force, de vie et de beauté, et qui nous est ici représenté sous la figure d'un agneau? C'est lui qui sera notre sacrifice du matin, qui applique notre intelligence à la méditation des vérités divines, car notre âme ne peut toujours être appliquée à des choses aussi relevées, à cause de son étroite union avec ce corps mortel qui l'appesantit. De cette vérité que Jésus-Christ est un agneau, nous pourrions tirer encore plusieurs conséquences très-utiles, et nous arriverions ainsi jusqu'au sacrifice du soir, qui représente les choses corporelles. Or, celui qui a offert cet agneau en sacrifice, c'est Dieu qui était comme caché dans l'homme; c'est le grand-prêtre qui a dit: «Personne ne m'ôte la vie, mais je la donne de moi-même», (Jn 10) et c'est pour cela qu'il est appelé l'Agneau de Dieu; car il a pris sur lui toutes nos infirmités (Is 53); il a effacé tous les péchés du monde (1P 2); et a reçu la mort comme un baptême (Lc 12). Dieu, en effet, ne laisse passer sans les reprendre et les châtier aucune de nos actions contraires à sa loi, et ce n'est qu'au prix des plus grands efforts qu'elles peuvent être ramenées à cette règle divine.

Théophyl. Ou bien encore, Jésus-Christ est appelé l'Agneau de Dieu, en ce sens que sa mort a été acceptée par Dieu le Père pour notre salut, ou parce qu'il l'a livré lui-même à la mort pour nous sauver. C'est ainsi que nous avons coutume de dire: «Cette offrande est de tel homme», c'est-à-dire que cet homme l'a offerte; de même Jésus-Christ est appelé l'Agneau de Dieu, parce que Dieu a offert son Fils à la mort pour notre salut. L'agneau figuratif n'a effacé le péché d'aucun homme; l'Agneau véritable a effacé le péché du monde tout entier qu'il a délivré de la colère de Dieu, aux châtiments de laquelle il était exposé. C'est pour cela que Jean-Baptiste dit: «Voici celui qui efface le péché du monde». Il ne dit pas: Qui effacera, mais: «Qui efface les péchés du monde», c'est-à-dire qu'il continue toujours de le faire. Ce n'est pas seulement dans sa passion et sur la croix qu'il efface le péché du monde, il n'a cessé de l'effacer depuis sa mort jusqu'à présent, il n'est pas toujours crucifié, il est vrai, puisqu'il n'a offert qu'un seul sacrifice pour nos péchés, ma is il ne cesse de les effacer par la vertu de ce sacrifice.

S. Grég. (Moral., 8, 20). Il ôtera entièrement le péché du genre humain, lorsque notre corruption sera remplacée par la glorieuse incorruptibilité; car nous ne pouvons être affranchis de tout péché tant que nous sommes retenus captifs dans ce corps de mort. - Théophyl. Mais pourquoi dit-il: «Le péché du monde», et non pas: Les péchés du monde? C'est pour renfermer dans cette dénomination générale l'universalité des péchés, comme lorsque nous disons: l'homme a été chassé du paradis, c'est-à-dire le genre humain tout entier.

Bède. Ou bien, le péché du monde signifie le péché originel, qui est commun au genre humain tout entier. Or, c'est ce péché originel, et tous ceux que les hommes y ont ajoutés, que Jésus-Christ efface par sa grâce. - S. Aug. (Traité 4 sur S. Jean). Celui qui, en prenant notre nature, n'a point pris notre péché, est celui-là même qui efface notre péché. Vous savez qu'il est des hommes qui tiennent ce langage: Nous remettons les péchés aux hommes, parce que nous sommes saints; car si celui qui baptise n'a pas la sainteté, comment peut-il effacer le péché d'un autre, lui dont l'âme est souillée par toute sorte de péchés? A ces prétentions, nous nous contentons d'opposer ces paroles: «Voici celui qui efface le péché du monde», paroles qui détruisent toute confiance présomptueuse dans les hommes. - Orig. (comme préced). De même qu'au sacrifice de l'agneau figuratif les autres sacrifices prescrits par la loi se trouvaient joints par un lien étroit, ainsi au sacrifice de l'Agneau véritable, viennent s'unir par un lien non moins intime, d'autres sacrifices semblables, le sacrifice des martyrs qui répandent leur sang, et dont la patience, la foi et le zèle ardent détruisent et anéantissent tous les obstacles que les impies voudraient apporter au bien.

Théophyl. Jean-Baptiste avait dit précédemment à ceux qu'on lui avait envoyés: «Il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas», il le fait connaître maintenant à ceux qui l'ignoraient: «C'est celui dont j'ai dit: Un homme vient après moi», etc. Il appelle le Seigneur un homme, parce qu'il avait atteint la plénitude de l'âge, puisqu'il fut baptisé à l'âge de trente ans; ou encore, parce qu'il est le mari spirituel de l'âme et l'époux de l'Eglise, ce qui a fait dire à saint Paul: «Je vous ai fiancés à un seul homme qui est Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge toute pure», (2Co 2) - S. Aug. (Traité 4 sur S. Jean). Il est venu après moi, parce que sa naissance a suivi la mienne, mais «il a été fait avant moi», c'est-à-dire qu'il a été placé au-dessus de moi. - S. Grég. (hom. 7 sur les Evang). La raison de cette prééminence de Jésus, c'est, ajoute-t-il: «Qu'il était avant moi», c'est-à-dire, quoique ma naissance précède la sienne, il ne laisse pas d'être au-dessus de moi, parce que son existence n'est point limitée par l'époque de sa naissance, car celui qui a voulu naître d'une mère dans le temps, a été engendré par son Père on dehors de toute succession de temps. - Théophyl. Ecoutez ces paroles, ô Arius ! Jean ne dit pas: Il a été créé avant moi, mais: «Il était avant moi». Que les sectateurs de Paul de Samosate entendent aussi ces paroles, et qu'ils apprennent que Jésus ne tire pas sa première origine de Marie, car s'il avait reçu d'elle le principe de son existence, comment aurait-il pu exister avant son précurseur, puisqu'il est évident que la naissance de Jean-Baptiste précédait de six mois la naissance temporelle de Jésus-Christ ?

S. Chrys. (hom. 17 sur S. Jean). On pouvait soupçonner Jean-Baptiste d'obéir à la voix de l'amitié ou aux liens du sang qui l'unissaient à Jésus-Christ en lui rendant un si glorieux témoignage; aussi se hâte-t-il d'ajouter: «Et moi, je ne le connaissais pas», ce qui devait paraître vraisemblable, puisque Jean avait toujours vécu dans le désert. Les prodiges qui avaient entouré le berceau de Jésus enfant, par exemple, lors de l'adoration des mages, ou dans d'autres circonstances semblables, remontaient à une époque déjà éloignée, et au temps de la première enfance de Jean-Baptiste. Depuis, le Sauveur avait passé sa vie dans l'obscurité, et sans être connu de personne, comme le déclare Jean-Baptiste lui-même: «Mais c'est afin qu'il fût manifesté en Israël, que je suis venu baptiser dans l'eau». Donc tous ces prétendus miracles avec lesquels Jésus se serait joué dès son enfance, sont autant de fictions dénuées de fondement. Si Jésus avait fait des miracles dès sa première enfance, Jean l'aurait connu de quelque manière, et le peuple n'eût pas en besoin qu'on le lui fit connaître. Ce baptême n'était donc nullement nécessaire au Sauveur, et il n'avait d'autre raison que de préparer les hommes à croire en Jésus-Christ. Aussi Jean-Baptiste ne dit pas: Je suis venu pour purifier ceux qui reçoivent mon baptême, ou pour les délivrer de leurs péchés, mais: «Je suis venu, afin qu'il fût manifesté eu Israël». Mais ne pouvait-il donc faire connaître Jésus-Christ, et déterminer le peuple à croire en lui, sans qu'il fût nécessaire de baptiser? Oui, sans doute, mais il atteignait ainsi plus facilement ce but, car la foule ne se fût pas empressée d'accourir à lui, si la prédication n'eût pas été suivie du baptême.

S. Aug. (Traité 4 sur S. Jean). Mais dès que le Seigneur fut connu, il était inutile de lui préparer les voies, puisqu'il devenait lui-même la voie pour ceux qui le connaissaient. Aussi le baptême de Jean ne dura plus longtemps, et seulement jusqu'à ce qu'il eût fait connaître suffisamment le Sauveur, si humble dans tout son extérieur. (Tr. 5). C'est donc pour nous donner un exemple d'humilité, et nous engager à recevoir le baptême qui efface les péchés et nous donne le salut, que le Seigneur a daigné être baptisé des mains de son serviteur. Mais afin que le baptême du serviteur ne fût pas mis au-dessus du baptême du Seigneur, d'autres reçurent aussi le baptême du serviteur. Or ceux qui recevaient le baptême du serviteur, devaient encore nécessairement recevoir le baptême du Seigneur, tandis que ceux qui recevaient le baptême du Seigneur, n'avaient nul besoin du baptême du serviteur.


vv. 32-34

12132 Jn 1,32-34

S. Chrys. (hom. 17 sur S. Jean). Le témoignage que Jean-Baptiste avait rendu à Jésus, qu'il pouvait seul remettre les péchés du monde entier, avait pour objet un mystère si relevé qu'il pouvait jeter dans l'étonnement et la stupeur ceux qui l'entendaient, et c'est pour le rendre plus digne de foi qu'il le fait remonter jusqu'à Dieu et à l'Esprit saint. En effet, on pouvait dire à Jean: «Comment donc l'avez-vous connu ?» C'est, répond-il par l'Esprit saint qui est descendu sur lui: «Et Jean rendit encore ce témoignage: J'ai vu l'Esprit saint descendre sur lui», etc. - S. Aug. (de la Trin., 15, 20). Ce n'est pas cependant que Jésus n'ait reçu l'onction de l'Esprit sa int, que lorsqu'il descendit sur lui, après son baptême, sous la forme d'une colombe. Le Sauveur daignait alors représenter son corps mystique, c'est-à-dire son Eglise, dans laquelle surtout ceux qui sont baptisés reçoivent l'Esprit saint. Il serait, en effet, de la dernière absurdité de croire que Jésus ne reçut l'Esprit saint qu'à l'âge de trente ans, puisqu'il avait cet âge lorsqu'il fut baptisé et qu'il vint recevoir le baptême de Jean sans aucun péché, mais aussi sans avoir reçu l'Esprit saint. Il est écrit de Jean, son serviteur et son précurseur: «Il sera rempli de l'Esprit saint dès le sein de sa mère»,et quoiqu'il eût un homme pour père, il reçut l'Esprit saint dès le sein de sa mère, que devrons-nous donc penser et croire de Jésus-Christ fait h omme, lui dont la conception dans le sein de sa mère eut pour principe, non point la chair, mais l'Esprit ?

S. Aug. (du comb. chrét., 22) Nous ne disons pas que Jésus-Christ seul avait un véritable corps, tandis que l'Esprit saint ne se manifesta aux yeux des hommes que sous une apparence trompeuse. Il est aussi indigne de l'Esprit saint que du Fils de Dieu, d'induire les hommes en erreur. Aussi disons-nous que Dieu, qui a créé tout de rien, a pu fort bien créer un véritable corps de colombe sans l'intermédiaire d'aucun oiseau de cette espèce, avec la même facilité qu'il forma un véritable corps dans le sein de la Vierge, sans le concours d'aucun homme.

S. Aug. (Traité 6, sur S. Jean). L'Esprit saint s'est manifesté aux hommes sous deux formes visibles différentes, sous la forme d'une colombe lorsqu'il descendit sur Notre-Seigneur après son baptême, et sous la forme de langues de feu quand il descendit sur les Apôtres réunis. D'un côté, c'est le symbole de la simplicité, de l'autre, l'emblème de la ferveur. La forme de la colombe apprend à ceux qui ont été sanctifiés par l'Esprit saint, à fuir toute duplicité; et le feu enseigne à la simplicité, à ne point faire ses actions avec froideur. Ne vous étonnez pas que les langues soient divisées. Ne craignez pas la division, reconnaissez dans la colombe le symbole de l'unité. Il fallait que l'Esprit saint descendît sur Notre-Seigneur sous la forme d'une colombe, pour apprendre à tous les chrétiens qu'on reconnaîtra qu'ils ont reçu l'Esprit saint, s'ils ont la simplicité de la colombe et s'ils vivent avec leurs frères dans cette paix véritable que figurent les baisers des colombes. Les corbeaux donnent aussi des baisers, mais en même temps ils déchirent; la colombe ne sait point déchirer, les corbeaux se nourrissent de corps qui ont été mis à mort, ce que ne fait pas la colombe, qui ne se nourrit que des fruits de la terre. Que si la colombe fait entendre des gémissements d'amour, ne soyons pas surpris que l'Esprit saint ait voulu apparaître sous la forme d'une colo mbe, lui qui prie pour nous par ses gémissements ineffables. (Rm 9) Ce n'est point en lui même, mais en nous que l'Esprit saint gémit par les gémissements qu'il nous inspire. Celui qui gémit d'être accablé sous le poids de ce corps mortel, et de vivre éloigné du Seigneur, gémit d'une manière agréable à Dieu. Mais il en est beaucoup qui gémissent d'être privés de la félicité de ce monde, ou d'être brisés par les épreuves, accablés sous le poids écrasant des infirmités du corps, ce ne sont pas là les gémissements de la colombe. Sous quelle forme devait se manifester l'Esprit saint pour représenter l'unité, si ce n'est sous la forme de la colombe, afin de pouvoir dire à l'Eglise, après lui avoir donné la paix; «Ma colombe est unique ?» (Ct 6)
Quel symbole plus convenable de l'humilité, que cet oiseau simple et gémissant? La sainte et véritable Trinité apparut tonte entière dans cette circonstance; le Père, dans cette voix qui dit: «Vous êtes mon Fils bien-aimé». Le Fils dans celui qui est baptisé, et l'Esprit saint dans la colombe. C'est au nom de cette Trinité, que les Apôtres ont été envoyés pour baptiser au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (Mt 28).

S. Grég. (Moral., 28, 41). Jean-Baptiste ajoute: «Et demeurer sur lui»,car l'Esprit descend, il est vrai, dans le coeur de tous les fidèles, mais c'est dans le médiateur seul qu'il demeure d'une manière spéciale, parce qu'il ne s'est jamais séparé de l'humanité de Jésus, de la divinité duquel il procède. Or le Sauveur parlant à ses disciples de cet Esprit, leur dit aussi: «Il demeurera en vous» (Jn 16). A quel titre particulier demeure-t-il donc en Jésus-Christ? C'est ce qu'il nous sera facile de reconnaître si nous faisons une distinction entre les dons de l'Esprit saint. S'agit-il des dons sans lesquels il est impossible de parvenir à la vie, comme la douceur, l'humilité, la foi, l'espérance et la charité, l'Esprit saint demeure dans tous les fidèles. Mais quant aux dons qui out pour objet la manifestation de l'Esprit saint, et qui tendent moins à conserver la vie spirituelle en nous qu'à l'établir dans les autres, l'Esprit saint ne demeure pas toujours en ceux qui ont reçu ces dons, et il se dérobe quelquefois à l'éclat des miracles pour rendre plus humbles les vertus qu'il a inspirées; Jésus-Christ, au contraire, a eu toujours et en tontes circonstances l'Esprit saint en lui.

S. Chrys. (hom. 17 sur S. Jean). Que personne ne pense que Jésus-Christ eut besoin de recevoir l'Esprit saint, comme nous avons besoin de le recevoir nous-mêmes; Jean-Baptiste détruit jusqu'à l'ombre de ce soupçon, en déclarant que l'unique motif de la descente du Saint-Esprit sur Jésus était de le faire connaître: «Et moi je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau, m'a dit: Celui sur qui tu verras l'Esprit saint descendre et se reposer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit saint». - S. Aug. (Traité 5 sur S. Jean). Mais qui donc a envoyé Jean-Baptiste? Si nous disons: le Père, nous disons vrai; si nous disons: le Fils, nous disons vrai encore, mais beaucoup plus vrai, si nous disons le Père et le Fils. Mais comment pouvait-il ne pas connaître celui qui l'avait envoyé? S'il ne connaissait pas celui des mains duquel il voulait recevoir le baptême, il parlait donc d'une manière inconsidérée, lorsqu'il lui disait: «C'est moi qui dois être baptisé par vous». Il le connaissait donc, pourquoi donc alors affirme-t-il qu'il ne le connaissait pas? - S. Chrys. (hom. 17 sur S. Jean). Jean-Baptiste, en disant: «Je ne le connaissais pas», veut parler d'une époque antérieure et non de celle du baptême, où il dit à Jésus: «C'est moi qui dois être baptisé par vous». S. Aug. (Traité 5 sur S. Jean). Si nous lisons les autres évangélistes qui se sont étendus davantage sur le baptême du Sauveur, nous y verrons de la manière la plus claire que la colombe est descendue sur le Seigneur, lorsqu'il sortit de l'eau. Or, si la colombe n'est descendue qu'après le baptême, et que Jean-Baptiste ait dit à Jésus avant son baptême: «C'est moi qui dois être baptisé par vous», il le connaissait donc avant son baptême; et comment alors a-t-il pu dire: «Je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser m'a dit: Celui sur lequel vous verrez descendre l'Esprit saint ?» etc. Sont-ce ces dernières paroles qui lui ont fait connaître celui qu'il ne connaissait pas? Jean-Baptiste savait que le Sauveur était le Fils de Dieu, il savait également qu'il baptiserait dans l'Esprit saint. Car avant que Jésus-Christ se rendît sur les bords du Jourdain, alors que le peuple venait en foule trouver Jean-Baptiste, il leur dit: «Celui qui vient après moi est plus grand que moi, c'est lui qui vous baptisera dans l'eau et dans le feu». Mais que ne savait donc pas Jean-Baptiste? Il ne savait pas que le pouvoir du baptême devait appartenir exclusivement en propre au Seigneur, qui devait le conserver, de manière à ce que ni Pierre ni Paul ne pussent dire: «Mon baptême», comme nous voyons que Paul a dit: «Mon Évangile»; et que l'administration de ce sacrement devait être confié également aux bons et aux mauvais. Que vous importe un mauvais ministre, alors que le Seigneur est bon? On a rebaptisé après le baptême de Jean-Baptiste, ou n'a point rebaptisé après le baptême d'un homicide, parce que Jean n'a donné que son baptême, et que l'homicide a donné le baptême de Jésus-Christ, et que la sainteté de ce sacrement est si grande, qu'elle ne peut être souillée par un ministre coupable d'homicide. Le Seigneur aurait pu, s'il avait voulu, donner à l'un de ses serviteurs le pouvoir d'administrer le baptême en son propre nom, et attribuer au sacrement de baptême conféré au nom de son serviteur, une efficacité aussi grande que celle du baptême donné par le Seigneur lui-même. Il ne l'a pas voulu, afin que ceux qui reçoivent son baptême missent toute leur espérance en celui au nom duquel ils reconnaîtraient avoir été baptisés, et il n'a point voulu qu'un serviteur plaçât son espérance dans un autre serviteur. S'il avait transmis ce pouvoir à ses serviteurs, il y aurait autant de baptêmes qu'il y a de serviteurs; et comme on a dit le baptême de Jean, on aurait dit aussi le baptême de Pierre ou de Paul. Ce pouvoir que Jésus-Christ s'est exclusivement réservé, est le fondement de l'unité de l'Eglise, dont il est dit: «Une seule est ma colombe». (Ct 6) Il peut se faire que quelqu'un ait reçu le baptême d'un autre que de la colombe, mais il est impossible que ce baptême ait pour lui la moindre efficacité.

S. Chrys. (hom. 17 sur S. Jean). Le Père avait fait entendre sa voix pour proclamer son Fils, l'Esprit saint descend des cieux pour fixer les paroles du Père sur la tête de Jésus-Christ, afin que personne ne fût tenté d'attribuer à Jean ce qui ne convenait qu'à Jésus-Christ. Mais comment, me dira-t-on, les Juifs ne crurent-ils pas s'ils ont vu l'Esprit saint descendre sur Jésus? C'est que de telles apparitions n'exigent pas seulement les yeux du corps, mais encore ceux de l'âme. Lorsqu'ils furent témoins des miracles que faisait Jésus, l'envie égara leur raison à ce point qu'ils affirmaient le contraire de ce qu'ils avaient vu; comment donc veut-t-on que la seule apparition de l'Esprit saint ait pu dissiper leur incrédulité? Suivant quelques-uns, tous ne virent pas l'Esprit saint, mais seulement Jean-Baptiste, et ceux dont les dispositions étaient meilleures; car bien qu'il fût possible de voir des yeux du corps l'Esprit saint descendre sous la forme d'une colombe, il n'était pas nécessaire que tous fussent témoins de cette apparition miraculeuse. Le prophète Zacharie (Za 1-6); Daniel (Dn 7-10); Ezéchiel (Ez 1; 3; 8; 10-11; 37; 40; etc) ., n'eurent-ils pas plusieurs visions sous des formes sensibles, sans qu'aucun autre en fût témoin? Moïse lui-même, n'a-t-il pas vu des choses qui n'ont été révélées à aucun autre? c'est pour cela que Jean-Baptiste ajoute: «J'ai vu et j'ai rendu témoignage que celui-ci est le Fils de Dieu». Il lui avait donné le nom d'Agneau de Dieu, il avait annoncé qu'il baptiserait dans l'Esprit saint, mais jusqu'ici il ne l'avait point appelé Fils de Dieu. - S. Aug. (Traité 7 sur S. Jean). C'était au Fils unique de Dieu, et non point à un Fils adoptif que devait être réservé le pouvoir de baptiser. Les fils adoptifs sont les ministres du Fils unique, le Fils unique a seul le pouvoir du baptême, les fils adoptifs n'eu ont que l'administration.



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