Catena Aurea 12135
12135 Jn 1,35-36
S. Chrys. (Hom. 17 sur S. Jean). Plusieurs peut-être n'avaient pas prêté grande attention aux premiers discours de Jean-Baptiste, il multiplie donc coup sur coup les témoignages pour les rendre plus attentifs: «Le lendemain, dit l'Évangéliste, Jean était encore là avec deux de ses disciples». - Bède. (hom. pour la vigil. de S. And). Jean se tenait encore là, parce qu'il s'était élevé dans la pratique des vertus à une tulle hauteur, qu'il ne pouvait en être renversé par aucune tentation, par aucune épreuve. Ses disciples étaient avec lui, parce qu'ils suivaient les enseignements de leur Maître avec un coeur plein de docilité et de constance.
S. Chrys. (hom. précéd). Mais pourquoi Jean-Baptiste, au lieu de parcourir toute la Judée pour annoncer Jésus en tous lieux, se tient-il sur les bords du Jourdain, attendant pour le faire connaître, que le Sauveur vienne le trouver? Parce qu'il réservait cette mission aux oeuvres mêmes de Jésus-Christ. Considérez d'ailleurs combien cette conduite fut plus utile à l'édification des âmes. Jean-Baptiste ne fit que jeter une petite étincelle, et on vit aussitôt s'allumer un grand incendie. Si un autre eût parcouru la Judée pour annoncer Jésus-Christ, on eût pu l'accuser d'agir par un motif tout humain, et sa prédication eût donné lieu à mille soupçons. C'est pour cette raison que les prophètes et les Apôtres ont annoncé Jésus-Christ lorsqu'il n'était pas présent, les uns avant son avènement et son incarnation, les autres après son ascension. Mais voyez comme Jean-Baptiste rend témoignage non-seulement de la voix, mais des yeux: «Et regardant Jésus qui s'avançait, il dit: Voici l'Agneau de Dieu». - Théophyl. Il regarde Jésus, comme-pour exprimer par son regard les sentiments de joie et d'admiration que lui fait éprouver la présence de Jésus-Christ.
S. Aug. (Traité 7 sur S. Jean). Jean était l'ami de l'Epoux, il ne cherchait point sa propre gloire, mais rendait témoignage à la vérité, aussi ne voulut-il point retenir près de lui ses disciples et les empêcher de suivre le Seigneur, et c'est lui, au contraire, qui leur montre celui qu'ils devaient suivre en leur disant: «Voici l'Agneau de Dieu». - S. Chrys. (hom. 17 sur S. Jean). Il ne leur fait pas de longs discours, il n'a qu'une chose en vue, c'est de les amener et de les unir à Jésus-Christ, il savait que pour le reste, ils n'auraient pas besoin de son témoignage. Pourquoi encore Jean-Baptiste ne s'adresse-t-il pas à ses disciples en particulier, mais leur dit-il publiquement devant tout le peuple: «Voici l'Agneau de Dieu». En se déterminant à suivre Jésus-Christ, par suite d'un enseignement qui s'adressait à tous, leur résolution fut beaucoup plus ferme et plus constante, et ce ne fut pas eu considération de leur Maître, mais dans leur intérêt, qu'ils s'attachèrent au Sauveur. Remarquons encore que le discours de Jean-Baptiste ne contient aucune prière, aucune instance, il se contenta d'exprimer son admiration à la vue de Jésus-Christ, défaire connaître la grâce qu'il apporte an monde, et de quelle manière il doit purifier les âmes, deux choses que signifie le nom d'Agneau. Il l'appelle l'Agneau avec l'article d Üìíüò, c'est-a -dire l'Agneau par excellence. - S. Aug. (Traité 7 sur S. Jean). Le Sauveur est en effet l'Agneau proprement dit, le seul qui soit sans péché, dont on n'a pas en besoin de laver les souillures, mais qui a été sans souillure aucune. Il est par excellence l'Agneau de Dieu, parce que ce n'est que par le sang de cet Agneau, que les hommes ont pu être rachetés. C'est cet Agneau que redoutent les loups, et qui a donné la mort au lion après que lui-même avait été mis à mort. - Bède. Il s'appelle encore Agneau, parce qu'il devait nous laisser en don gratuit sa toison pour nous en faire une robe nuptiale, c'est-à-dire qu'il a voulu nous laisser les exemples de sa vie, pour nous communiquer les saintes ardeurs de la charité. Alcuin. Dans le sens figuré, Jean s'arrête, c'est-à-dire que la loi cesse, et Jésus vient, c'est-à-dire la grâce de l'Évangile, à laquelle la loi elle-même rend témoignage. Jésus se met en marche pour réunir ses disciples. - Bède. Cette marche de Jésus représente la divine économie de l'incarnation, par laquelle il a daigné venir jusqu'à nous, et nous laisser les exemples d'une vie sainte.
12137 Jn 1,37-41
Alcuin. Les disciples de Jean ayant entendu le témoignage qu'il rendait à Jésus, qu'il était l'Agneau de Dieu, se montrèrent dociles à ses conseils et suivirent Jésus: «Les deux disciples l'entendirent parler ainsi, et suivirent Jésus».
S. Chrys. (hom. 17 sur S. Jean). Remarquez que lorsque Jean-Baptiste se contentait de dire: «Celui qui vient après moi, est avant moi, et je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sa chaussure», il n'a pris ni gagné personne; mais aussitôt qu'il parle de son incarnation et par là même de ses humiliations, en disant: «Voici l'Agneau de Dieu», ses disciples se mettent aussitôt à la suite de Jésus. Il en est un très-grand nombre qui se sentent moins attirés à Dieu par les considérations élevées sur sa nature divine, que par l'exposé de sa bonté, de sa miséricorde et de ce qu'il a fait pour le salut des hommes. Remarquez que tandis que Jean-Baptiste prononce ces paroles: «Voici l'Agneau de Dieu», Jésus ne dit rien. En effet, d'après les usages reçus, l'époux reste dans le silence, d'autres lui amènent l'épouse, et la lui remettent entre les mains; mais aussitôt qu'il l'a prise pour épouse, il lui témoigne tant d'affection, qu'elle ne se souvient plus de ceux qui l'ont conduite à son époux. Ainsi lorsque Jésus-Christ vient pour épouser l'Eglise, il ne dit rien non plus, Jean-Baptiste, son ami, s'approche seul, lui présente la main droite de son épouse, lorsque par ses discours il remet comme entre ses mains les âmes des hommes. Jésus les accueille et leur témoigne aussi tant d'amour qu'elles ne retournent plus à Jean-Baptiste. Remarquons encore que dans la célébration des noces, ce n'est pas la jeune fille qui va au-devant de son époux, c'est lui-même qui vient la trouver (quand ce serait un fils de roi qui épouserait une humble servante); Notre-Seigneur Jésus-Christ a fait de même; la nature humaine n'est point montée dans les cieux, c'est le Fils de Dieu qui est venu la trouver et qui l'a conduite dans la maison paternelle. Il y eut sans doute d'autres disciples de Jean, qui non-seulement ne suivirent point Jésus-Christ, mais qui nourrirent contre lui des sentiments d'envie, et se montrèrent jaloux de sa gloire. Mais ceux dont les dispositions étaient meilleures s'attachèrent à Jésus aussitôt qu'ils l'eurent connu, non par mépris de leur premier maître, mais par la persuasion où ils étaient d'après les enseignements du Précurseur, que Jésus-Christ les baptiserait dans l'Esprit saint. Considérez dans ces disciples un saint empressement mêlé d'une sage réserve. En se mettant à la suite de Jésus, ils ne se hâtent pas de l'interroger sur les grandes vérités du salut, et ce n'est pas en public, mais en particulier, qu'ils cherchent à lui parler: «Alors Jésus s'étant retourné, et les voyant qui le suivaient, leur dit: Que cherchez-vous ?» Ces paroles nous apprennent que lorsque nous commençons sincèrement à vouloir le bien, Dieu nous prodigue les occasions de salut. Jésus interroge ses disciples, non pour en apprendre quelque chose, mais pour se les rendre plus familiers, leur inspirer une plus grande confiance, et leur montrer qu'ils sont vraiment dignes de ses divins enseignements.
Théophyl. Considérez ici que Notre-Seigneur se tourne vers ceux qui le suivent, et abaisse sur eux ses regards; c'est qu'en effet, si vous ne marchez à sa suite par la pratique des bonnes oeuvres, vous ne parviendrez jamais à voir sa face adorable, ni à entrer dans sa maison. - Alcuin. Ces deux disciples suivaient donc Jésus par derrière, dans l'intention de le voir, mais sans pouvoir y parvenir. Aussi, que fait Jésus? il se retourne, et descend, pour ainsi dire, des hauteurs de sa majesté, afin que ses disciples puissent contempler sa face adorable. - Orig. (Traité 7 sur S. Jean). Peut-être n'est-ce pas sans raison qu'après le sixième témoignage, Jean-Baptiste cesse de parler de Jésus à ses disciples, et c'est Jésus lui-même qui se rend pour ainsi dire un septième témoignage en leur demandant: «Que cherchez-vous ?» - S. Chrys. (hom. 18 sur S. Jean). Ces deux disciples font paraître leur amour pour Jésus-Christ, non-seulement par leur empressement à le suivre, mais par la question qu'ils lui adressent: «Et ils demandèrent: Maître, où habitez-vous ?» Jésus ne leur a encore rien appris, et ils lui donnent le nom de Maître pour se ranger d'eux-mêmes au nombre de ses disciples, et lui faire connaître la raison qui les a déterminés à s'attacher à lui.
Orig. Après avoir été convaincus et amenés à Jésus par le témoignage de Jean, les deux disciples, par cette question, reconnaissent Jésus pour leur docteur, et expriment le désir de voir l'habitation du Fils de Dieu. - Alcuin. Car ce n'est pas en passant qu'ils veulent profiter de ses divins enseignements, ils lui demandent où il demeure, afin de pouvoir se pénétrer de ses paroles dans le secret, visiter plus souvent le Sauveur, et en recevoir une instruction plus parfaite. Dans le sens mystique, ils demandent à Jésus-Christ dans quelles âmes il daigne habiter, afin qu'en imitant leurs exemples, ils puissent mériter la même faveur. Ou bien encore, ils virent Jésus marcher, et lui demandent aussitôt où il demeure; et il nous enseigne par là, lorsque nous méditons intérieurement sur l'incarnation du Fils de Dieu, à le prier avec instance et ferveur de nous faire connaître le lieu de son éternelle demeure. Jésus approuve la légitimité de leur demande, et leur ouvre volontiers ses secrets: «Et il leur dit: Venez et voyez». C'est-à-dire: Ce n'est point par des paroles, mais par des oeuvres, que vous pouvez apprendre quelle est mon habitation. Venez donc par la foi et par les oeuvres, et vous verrez par l'intelligence qui vous sera donnée. - Orig. Ou bien encore, par cette parole: «Venez», il les invite à la vie active, et par cette autre: «Voyez», à la vie contemplative.
S. Chrys. (hom. 18 sur S. Jean). Jésus ne leur indique ni la maison ni le lieu qu'il habitait, mais il les attire à sa suite, et leur montre ainsi qu'il les accepte pour ses disciples. Il ne leur dit pas: «Il n'est pas temps encore, demain vous apprendrez ce que vous désirez savoir, mais il leur parle comme à des amis et à des familiers qui auraient depuis longtemps déjà vécu avec lui. Mais comment concilier ce que le Sauveur dit ailleurs: «Le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête», (Mt 8; Lc 9) avec ce qu'il dit ici: «Venez et voyez quelle est ma demeure ?» Ces paroles: «Le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête», veulent simplement dire qu'il n'avait pas de demeure en propre, et non pas qu'il n'habitait pas dans une maison. Voilà pourquoi l'Évangéliste ajoute: «Ils vinrent et virent où il demeurait, et ils restèrent près de lui ce jour-là. Il ne dit pas le motif qui les retint près de lui, il est évident que c'était pour entendre ses divines leçons.
S. Aug. (Traité 7 sur S. Jean). Quel heureux jour pour ces disciples, quelle heureuse nuit ! Construisons donc nous-mêmes aussi dans notre coeur, et élevons une maison où Jésus vienne habiter et où il nous instruise.
Théophyl. Ce n'est pas sans raison que l'Évangéliste nous indique quelle heure il était alors: «Or, il était environ, la dixième heure»; il voulait apprendre aux docteurs comme aux disciples, qu'on ne doit point négliger le soin de la doctrine sous prétexte de l'heure avancée. - S. Chrys. (hom. précéd). Ces disciples montraie nt un grand zèle pour s'instruire, puisqu'ils n'étaient point arrêtés par l'heure avancée qui touchait presque au coucher du soleil. La plupart des hommes, esclaves des besoins de la chair, ne peuvent dans le temps qui suit le repas appliquer leur esprit aux choses nécessaires, parce que leur corps est appesanti par la nourriture. Mais tel n'était pas Jean-Baptiste, qui avait formé ces disciples, et il pratiquait le soir une sobriété beaucoup plus grande que n'est la nôtre le matin.
S. Aug. (Traité précéd). La dixième heure est encore ici le symbole de la loi qui a été donnée en dix préceptes. Le temps était venu d'accomplir par l'amour cette loi que les Juifs ne pouvaient accomplir par la crainte; aussi est-ce à la dixième heure que Notre-Seigneur s'entend donner le nom de Maître; car il n'y a de véritable maître de la loi, que celui qui en est l'auteur.
«André, frère de Simon Pierre, était un de ceux qui avaient entendu le témoignage de Jean, et qui avaient suivi Jésus». - S. Chrys. (hom. 17 sur S. Jean). Pourquoi l'Évangéliste ne nous fait-il pas connaître le nom de l'autre disciple? Il en est qui donnent pour raison que saint Jean était lui-même ce disciple; d'autres, que ce disciple n'était pas autrement important à connaître. Il n'y avait donc aucune utilité à nous apprendre son nom. L'Évangéliste ne nous a pas donné non plus le nom des soixante-douze disciples. - Alcuin. On peut dire encore que ces deux disciples étaient André et Philippe.
12141 Jn 1,41-43
S. Chrys. (hom. 19 sur S. Jean). André ne garda pas pour lui seul ce qu'il venait d'apprendre de Jésus, il s'empresse de courir vers son frère pour lui faire part des grâces qu'il vient de recevoir: «Or, il rencontra d'abord son frère Simon, et lui dit: Nous avons trouvé le Messie (c'est-à-dire le Christ) ». - Bède. (hom. pour la vig. de S. And). Oui, c'est bien avoir trouvé le Seigneur, que d'être embrasé pour lui d'un amour véritable, et plein de zèle pour le salut de ses frères.
S. Chrys. (hom. 19 sur S. Jean). L'Évangéliste ne nous a pas rapporté l'entretien de Jésus-Christ avec ces deux disciples, mais il nous est permis de conjecturer quel en fut l'objet, par ce qu'André dit à son frère, et ce peu de paroles nous en donne comme l'abrégé. Nous y trouvons, en effet, la puissance du Maître qui avait porté le persuasion dans leurs âmes, et la vivacité des désirs dont leur coeur était depuis longtemps animé. En effet, cette parole: «Nous avons trouvé», exprime le travail de l'enfantement d'une âme qui soupirait ardemment après la présence du Me ssie, et qui tressaille de joie d'avoir enfin trouvé l'objet de ses désirs. - S. Aug. Le mot Messie en hébreu, Christ en grec, veut dire oint en latin; car le mot chrisma signifie onction. Tous les chrétiens reçoivent l'onction, d'après ces paroles: «Votre Dieu vous a sacré d'une onction de joie, qui vous élève au-dessus de tous ceux qui doivent la partager;» (Ps 44) tous les saints, en effet, entrent en participation des dons du Christ, mais le Christ lui-même est le saint par excellence, et a reçu par lui-même une onction plus parfaite. - S. Chrys. (hom. précéd). Aussi André ne l'appelle-t-il pas simplement Messie, mais le Messie avec l'article.Remarquez comme tout d'abord Pierre avait un esprit docile, il accourt aussitôt sans tarder, sans hésiter: «Et il l'amena à Jésus». N'accusons pas et ne condamnons pas cette promptitude qui, sans plus d'informations, le fait ajouter foi aux paroles de son frère. On peut supposer raisonnablement qu'André prit soin de lui développer la grande vérité qu'il lui annonçait; mais c'est la coutume des Évangélistes d'omettre un grand nombre de choses pour abréger leur récit. D'ailleurs, il n'est pas dit que Pierre crut immédiatement, mais que son frère l'amena à Jésus et le lui confia pour qu'il apprit de lui toutes les vérités nécessaires. Or, le Seigneur commence à lui révéler lui-même les secrets de sa divinité, et à confirmer cette révélation par les prédictions qu'il fait de l'avenir. En effet, les prophéties sont une preuve non moins forte que les miracles, elles sont même plus particulièrement l'oeuvre de Dieu, que les démons ne peuvent imiter. Dans les miracles, l'illusion est possible, et on peut être trompé par l'apparence. Mais il n'appartient qu'à la nature divine et incorruptible de prédire l'avenir d'une ma nière certaine. C'est ce que fait ici Jésus: «Et Jésus, l'ayant regardé, lui dit: Vous êtes Simon, fils de Jonas, vous serez appelé Céphas, c'est-à-dire Pierre».
Bède. Jésus le considère non-seulement des yeux du corps, mais c'est du regard éternel de sa divinité, qu'il voit la simplicité de son coeur et l'élévation de son âme qui devaient lui mériter d'être placé un jour à la tête de toute l'Eglise. Il ne faut pas chercher une autre signification du mot Pierre dans l'hébreu ou dans le syriaque; car le mot Pierre a en grec et en latin la même signification que le mot Céphas en syriaque, et dans les deux langues, ce nom dérive du mot Pierre. Or, cet Apôtre est appelé Pierre, à cause de la fermeté de la foi avec laquelle il s'attacha à cette pierre, dont l'Apôtre a dit: «Or, la pierre était Jésus-Christ», qui délivre des embûches de l'ennemi ceux qui espèrent en lui, et qui répand sur eux, comme un fleuve, l'abondance de ses grâces spirituelles.
S. Aug. (Traité précéd). Il n'y a rien d'étonnant à ce que le Seigneur ait dit de qui Simon était fils. Il savait, en effet, le nom de tous les saints qu'il avait prédestinés avant la création du monde. Mais ce qui est vraiment extraordinaire, c'est qu'il ait changé son nom et l'ait appelé Pierre au lieu de Simon. Le nom de Pierre vient du mot petra, pierre, et la pierre, c'est l'Eglise, donc le nom de Pierre est la figure de l'Eglise. Le Seigneur veut exciter ici votre attention. Si Pierre avait porté ce nom auparavant, vous n'auriez pas aussi bien remarqué le mystère qu'il renferme, et vous auriez pu croire que ce nom vient du hasard plutôt que d'une disposition providentielle. C'est pour cela que Dieu a voulu qu'il portât auparavant un autre nom, pour faire ressortir plus vivement dans le nom qui lui fut substitué la force du mystère qu'il renfermait.
S. Chrys. (hom. 19). Jésus a changé encore le nom de cet Apôtre, comme preuve qu'il était l'auteur de l'Ancien Testament, et que c'était lui-même qui avait changé les noms des patriarches, et appelé Abram, Abraham; Sarai, Sara (Gn 17), et Jacob, Israël. (Gn 32) Pour plusieurs, il leur a donné leurs noms, dès leur naissance, par exemple à Isaac (Gn 17), et à Samson. (Jg 13) Pour d'autres, au contraire, il a changé les noms que leurs parents leur avaient donnés, c'est ce qu'il a fait ici pour Pierre, et plus tard pour les fils de Zébédée (Mc 3). Ceux dont la vertu devait jeter un vif éclat dès leurs premières années, ont reçu alors leur nom, tandis que ceux dont le mérite et la vertu ne devaient se produire que plus tard, n'ont reçu aussi que plus tard le nom que Dieu leur destinait.
S. Aug. (de l'acc. des Evang., 2, 17). Saint Jean raconte ici que c'est sur les bords du Jourdain (avant que Jésus se rendit en Galilée), que, sur le témoignage de Jean-Baptiste, deux de ses disciples, dont l'un, qui s'appelait André, amena son frère Simon à Jésus, se mirent à la suite du Sauveur, et que ce fut alors que Simon reçut le nom de Pierre. Or, il y a ce semble une assez grave contradiction entre ce récit et celui des autres évangélistes, d'après lesquels Jésus rencontra André et Simon qui prêchaient dans la Galilée, et les appela alors pour en faire ses disciples. Cette contradiction disparaît, en admettant que ces deux frères ne s'attachèrent pas au Sauveur inséparablement et d'une manière définitive, lorsqu'ils le rencontrèrent sur les bords du Jourdain. Ils connurent seulement alors qui il était, et ils retournèrent à leurs occupations. Que personne cependant n'aille penser que Pierre ne reçut son nom que dans la circonstance solennelle où Jésus lui dit: «Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise» (Mt 16). Il reçut ce nom, lorsque le Sauveur lui dit: «Tu t'appelleras Céphas, c'est-à-dire, Pierre» (Jn 1). - Alcuin. On peut dire encore que Jésus ne lui donne pas ici le nom de Pierre, mais qu'il ne fait que présager qu'il lui sera donné plus tard, lorsqu'il lui dira: «Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise» (Mt 16). Mais au moment même de changer son nom, Jésus voulut faire ressortir la signification mystérieuse du nom même qu'il avait reçu de ses parents. En effet Simon veut dire, qui est obéissant, Joanna, signifie grâce, et Jona, colombe. Le Sauveur semble donc lui dire: Vous êtes docile et obéissant, vous êtes le fils de la grâce ou le fils de la colombe, c'est-à-dire, de l'Esprit saint, car c'est l'Esprit saint qui vous a inspiré cette humilité, qui vous fait venir à moi sur la parole d'André votre frère; vous n'avez pas dédaigné, vous son aîné, de suivre celui qui était plus jeune que tous, car le mérite de la foi l'emporte sur les prérogatives de l'âge.
12143 Jn 1,43-46
S. Chrys. (hom. 20 sur S. Jean). Après ces premiers disciples, Jésus cherche à en convertir d'autres, c'est-à-dire, Philippe et Nathanaël: «Le lendemain Jésus voulut aller en Galilée». - Alcuin. En partant de la Judée, où Jean baptisait, Jésus quitte la Judée par honneur pour Jean-Baptiste, et pour ne point affaiblir l'influence de ses enseignements qui devaient encore alors se faire entendre. Sur le point d'appeler de nouveaux disciples à sa suite, il se dirige vers la Galilée, qui signifie transmigration et changement, et il apprend ainsi à ceux qui le suivent à sortir d'eux-mêmes, à faire de continuels progrès dans la vertu, et à parvenir à la joie éternelle par les souffrances, comme il a lui-même voulu avancer et croître en sagesse, en âge, en grâce devant Dieu et devant les hommes (Lc 11), et passer par les souffrances avant de ressusciter et d'entrer dans sa gloire: «Et il trouva Philippe, et Jésus lui dit:» Suivez-moi. On suit Jésus, quand on imite son humilité et sa passion, pour avoir part à la gloire de sa résurrection et de son ascension.
S. Chrys. (Hom 20). Remarquez que le sauveur n a appelé personne à sa suite, avant qu'on eût commencé à s'attacher, à lui; en effet, s'il avait cherché à se faire des disciples, avant que quelques-uns n'eussent pris cette détermination d'eux-mêmes, ils n'auraient peut-être pas persévéré longtemps. Mais au contraire, ils lui restent d'autant plus fidèlement attachés, que c'est volontairement qu'ils ont choisi de marcher à sa suite. Il appelle d'abord Philippe, qui lui était plus connu, comme étant de la Galilée. Mais comment expliquer cet empressement de Philippe à suivre Jésus? André l'avait suivi sur le témoignage de Jean-Baptiste; Pierre, sur la parole d'André; Philippe n'a été instruit par personne, et cette seule parole de Jésus-Christ: «Suivez-moi», suffit pour le déterminer à le suivre. On peut dire que Philippe avait déjà pris cette résolution lorsqu'il entendit J ean-Baptiste, ou que la voix de Jésus fut assez puissante pour produire cet effet. - Théophyl. Car la voix du Sauveur n'était pas un simple son qui frappe les oreilles, mais elle enflammait d'amour pour lui le coeur de ses disciples. D'ailleurs, Philippe avait la connaissance du Christ, et lisait assidûment les livres de Moïse, et y puisait l'espérance de son prochain avènement, il crut donc en lui aussitôt qu'il le vit. Peut-être encore fut-il instruit par André et par Pierre, qui étaient du même pays, et l'Évangéliste semble l'indiquer par ces paroles: «Or, Philippe était de Bethsaïde, de la même ville qu'André et Pierre», etc. -
S. Chrys. (hom. 20). Notre-Seigneur Jésus-Christ fait encore éclater sa puissance en choisissant les plus illustres de ses disciples dans une terre qui n'avait porté jusqu'alors aucun fruit (car aucun prophète n'était sorti de la Galilée). - Alcuin. Bethsaïde, signifie aussi maison des chasseurs, et par le nom de cette ville, l'Évangéliste veut nous montrer ce qu'étaient déjà intérieurement Philippe, Pierre et André, et comment ils rempliraient un jour la mission qui leur serait donnée en se livrant tout entiers à la chasse spirituelle des âmes pour leur donner la vie.
S. Chrys. (hom. 20). Non-seulement Philippe fut docile aux paroles du Christ, mais il veut l'annoncer lui-même aux autres: «Philippe trouva Nathanaël, et lui dit: Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi», etc. Voyez quelles étaient les saintes préoccupations ds son esprit, comme il méditait continuellement les livres de Moïse, et vivait dans l'attente de l'avènement du Christ. Il savait bien sans doute que le Christ devait venir, mais il ignorait jusque-là que Jésus fût le Christ. Il dit donc à Nathanaël: «Celui de qui Moïse a écrit et que les prophètes ont annoncé»; il donne ainsi un nouveau poids à ses paroles, en montrant que l'étude de la loi et des prophètes lui était chère, et qu'il approfondissait tout en vérité, au témoignage de Jésus-Christ lui-même. Ne soyez pas surpris qu'il appelle Jésus fils de Joseph, il passait alors pour le fils de Joseph. - S. Aug. (Traité précéd). C'est-à-dire, que sa mère était l'épouse de Joseph, car tous les chrétiens ont appris de l'Évangile, que Jésus a été conçu et qu'il est né d'une Vierge. Il ajoute le nom de son pays: «De Nazareth». - Théophyl. Ce n'était pas le lieu de sa naissance, mais celui où il avait été élevé. Sa naissance était inconnue d'un grand nombre, mais on savait qu'il avait été élevé à Nazareth: «Nathanaël lui dit: Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ?» - S. Aug. (Traité préced). La réponse de Philippe se prête également à ces deux significations: ou bien la proposition de Nathanaël est affirmative: «Il peut venir quelque chose de bon de Nazareth», et Philippe ajoute: «Venez et voyez», ou bien elle est dubitative et sous forme d'interrogation: «Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ?» et Philippe lui répond: «Venez et voyez». Quelle que soit du reste celle des deux significations qu'on adopte, elle s'harmonise parfaitement avec ce qui suit. Examinons donc quel est le sens de ces paroles. Nathanaël, qui était très-instruit dans la loi, ayant entendu dire à Philippe: «Nous avons trouvé Jésus de Nazareth»; ce dernier mot réveilla son espérance, et il dit: «Il peut venir quelque chose de bon de Nazareth». Car il avait approfondi les Écritures, et il savait (ce que les scribes et les pharisiens ignoraient), que c'était de Nazareth qu'on devait attendre le Sauveur. - Alcuin. C'est lui qui est le saint par excellence, l'innocence, celui qui est sans tache et dont le prophète a dit: «Un rejeton sortira de la tige de Jessé, et du Nazaréen (une fleur) s'élèvera de sa racine». (Is 11) On peut encore entendre ces paroles dans un sens dubitatif et sous forme d'interrogation. - S. Chrys. (hom. précéd). Nathanaël savait, d'après les Écritures, que Jésus devait sortir de Bethléem. Selon l'oracle du prophète Michée: «Et toi Bethléem, terre de Juda, c'est de toi que sortira le chef qui doit conduire mon peuple d'Israël». (Mi 5) Lors donc qu'il entend dire à Philippe: «Jésus de Nazareth», il a un moment d'hésitation, et trouve que cette indication n'est pas en rapport avec la prédication du prophète. Or, les prophètes donnent au Christ le nom de Nazaréen, parce que c'est à Nazareth qu'il fat élevé et qu'il passa la plus grande partie de sa vie. Remarquez encore la prudence et la douceur de Nathanaël dans la question qu'il adresse à Philippe, il ne lui dit pas: Vous m'induisez en erreur, mais il lui fait cette simple question: «Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ?» Philippe, de son côté, n'est pas moins prudent, il n'est pas déconcerté par la question de Nathanaël, mais il insiste et veut absolument amener un nouveau disciple à Jésus-Christ: «Philippe lui dit: Venez et voyez». Il l'entraîne jusqu'à Jésus-Christ, bien convaincu qu'il ne lui résistera point dès qu'il aura goûté la vérité de ses paroles et de sa doctrine.
12147 Jn 1,47-51
S. Chrys. (hom. 20 sur S. Jean). Nathanaël, en refusant d'admettre que le Christ devait sortir de Nazareth, fait voir l'étude approfondie qu'il avait faite des Écritures; et en consentant à suivre celui qui lui annonçait sa présence, il montre le vif désir qu'il avait de voir le Christ, car il présumait que Philippe pouvait se tromper sur le lieu de sa naissance: «Jésus voyant venir Nathanaël, dit de lui: Voici un vrai Israélite, dans lequel il n'y a point de ruse». Il ne croit pas devoir lui faire aucun reproche, bien que d'après ses paroles, il n'eut pas cru à l'instant même, parce qu'il s'attachait plus que Philippe aux indications des oracles prophétiques. Jésus porte donc de lui ce jugement: «Voici un vrai Israélite, dans lequel il n'y a pas de ruse», parce que ses paroles ne respirent ni flatterie ni aversion. - S. Aug. (Traité précéd). Ou bien encore, que signifient ces paroles: «Dans lequel il n'y a point de ruse ?» Veulent-elles dire que Nathanaël était pur de tout péché, et qu'il n'avait pas besoin de médecin? Non, sans doute, car il n'est personne de ceux qui reçoivent le jour, qui n'ait besoin de recourir à ce médecin. Or, la ruse consiste à feindre une chose différente de celle qu'on fait. Dans quel sens donc n'y avait-il point de ruse dans Nathanaël? C'est-à-dire, que s'il est pécheur, il ne craint pas de le reconnaître; si au contraire il se disait juste, tout pécheur qu'il est, la ruse se fût trouvée sur ses lèvres. Le Sauveur loue donc dans Nathanaël, de reconnaître sincèrement qu'il est pécheur, mais il ne veut nullement dire qu'il soit sans péché.
Théophyl. Mais Nathanaël, malgré cet éloge, ne se rend pas aussitôt, il attend une preuve plus évidente, et il interroge le Sauveur: «Nathanaël lui dit: D'où me connaissez-vous ?» - S. Chrys. (hom. précéd). La question de Nathanaël est la question d'un homme, la réponse de Jésus est celle d'un Dieu: «Avant que Philippe vous appelât, lui dit Jésus, je vous ai vu». Il l'a vu, non pas des yeux de l'homme, mais de ce regard divin que Dieu abaisse sur les hommes du haut des cieux. «Je vous ai vu», c'est-à-dire, j'ai vu les habitudes de votre vie. Il ajoute: «Lorsque vous étiez sous le figuier», là où il n'y avait personne, si ce n'est Philippe et Nathanaël qui s'entretenaient ensemble. L'Évangéliste fait remarquer que c'est en voyant Nathanaël de loin, que Jésus dit de lui: «Voici un vrai Israélite», c'est-à-dire, avant que Philippe se fût approché de Jésus, de manière que vous ne puissiez élever aucun soupçon sur le témoignage du Sauveur. Jésus ne voulut pas répondre: Je ne suis pas né à Nazareth, comme Philippe vous l'a dit, mais à Bethléem, pour ne pas soulever de discussion sur ce point, c'eût été d'ailleurs une preuve insuffisante qu'il était le Christ, et il le prouve bien plus fortement en leur démontrant qu'il était présent à leur entretien.
S. Aug. (Traité 6 sur S. Jean). Examinons si ce figuier a ici une signification particulière. Nous trouvons dans l'Évangile, un figuier maudit, parce qu'il n'avait que des feuilles et point de fruit (Mt 21,18-22 Mc 11,12-24). Au commencement du monde Adam et Eve, après leur péché, se firent une ceinture de feuilles de figuier. (Gn 3,7) Les feuilles du figuier sont donc la figure des péchés. Or, Nathanaël était assis sous un figuier comme à l'ombre de la mort, et le Seigneur semble lui dire: O Israël ! vous qui êtes sans ruse ! O peuple qui vivez de la foi ! avant que je vous aie appelé par mes Apôtres, lorsque vous étiez encore à l'ombre de la mort, et avant que vous ayez pu me voir, je vous ai vu. - S. Grég. (Moral., 18, 20). Ou bien, je vous ai vu pendant que vous étiez sous le figuier, c'est-à-dire, je vous ai choisi lorsque vous étiez encore sous les ombres de la loi.
S. Aug. (sermon 40 sur les paroles du Seigneur). Nathanaël se souvint qu'il était sous le figuier où Jésus n'était présent que par sa science spirituelle et divine, et comme il savait qu'il était seul sous ce figuier, il reconnut que celui qui lui parlait ainsi était Dieu.
S. Chrys. (hom. 20 sur S. Jean). Nathanaël reconnut donc que Jésus était vraiment le Christ, à la révélation qu'il vient de lui faire, à la connaissance qu'il avait de ses dispositions intérieures, et aussi parce que loin de le reprendre, il a fait son éloge, après le langage peu favorable en apparence que Nathanaël avait tenu à son égard: «Nathanaël lui répondit: Maître, vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le roi d'Israël», c'est-à-dire, vous êtes celui que nous attendions, celui que nous cherchions. La preuve indubitable qui vient de lui être donnée, détermine cet aveu; l'hésitation qu'il a manifestée d'abord montre son zèle à chercher la vérité, et son empressement à la reconnaître ensuite est une preuve de sa vertu et de sa religion. (Hom. 21). Ce passage en embarrasse un grand nombre; Pierre, disent-ils, qui a confessé que Jésus était le Fils de Dieu, après avoir été témoin de ses miracles et de sa doctrine, est proclamé bienheureux, de ce que le Père lui a révélé cette vérité, tandis que Nathanaël, qui confesse la divinité de Jésus, sans avoir ni vu ses miracles, ni entendu ses divins enseignements, ne reçoit point les mêmes louanges. En voici la raison, c'est que Pierre et Nathanaël ont tenu le même langage mais sans y attacher le même sens. Pierre a confessé que Jésus était le Fils de Dieu, et vrai Dieu lui-même; Nathanaël, au contraire, ne voit encore en lui qu'un homme. Car en lui disant: «Vous êtes le Fils de Dieu»; il ajoute: «Vous êtes le roi d'Israël». Or, le Fils de Dieu n'est pas seulement le roi d'Israël, il est le roi de tout l'univers. La suite du texte rend encore plus sensible cette différence. En effet, Notre-Seigneur Jésus-Christ n'ajouta rien à la confession de Pierre, il considéra sa foi comme parfaite, et lui prédit que sur cette confession il bâtirait son Eglise, tandis que pour Nathanaël, dont la confession était moins complète et laissait beaucoup à désirer, il l'élève vers des considérations plus hautes: «Et Jésus lui dit: Parce que je vous ai dit: Je vous ai vu sous le figuier, vous croyez; vous verrez de plus grandes choses», c'est-à-dire, vous regardez comme une chose extraordinaire ce que je vous ai dit, et c'est pour cela que vous me proclamez roi d'Israël; que direz-vous donc, lorsque vous verrez de plus grandes choses? Et quelles sont ces choses? «En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme». Voyez comme il l'élève peu à peu au-dessus de la terre, et l'amène à reconnaître que le Christ n'est pas seulement un homme. Car comment celui qui a les anges pour serviteurs, pourrait-il n'être qu'un homme? Il se fait donc ainsi connaître pour le maître des anges qui descendirent sur Jésus et montèrent avec lui comme les ministres de sa divine royauté; ils descendirent sur lui au moment de sa mort sur la croix, et montèrent au temps de sa résurrection et de son ascension. Ils avaient déjà rempli précédemment ce ministère lorsqu'ils s'approchèrent de lui pour le servir dans le désert, et aussi lorsqu'ils annoncèrent sa naissance. Le Sauveur prouve donc ici l'avenir par le passé. En reconnaissant les signes de sa puissance dans le passé, Nathanaël pouvait plus facilement croire à la prédiction que le Sauveur lui faisait pour l'avenir.
S. Aug. (serm. 40 sur les par. du Seig). Rappelons-nous l'ancienne histoire de Jacob, qui vit dans son sommeil une échelle posée sur la terre et dont le sommet touchait au ciel, et les anges de Dieu qui montaient et descendaient le long de l'échelle. (Gn 28,12-18) Jacob, comprenant la signification mystérieuse de cette vision, prit la pierre qu'il avait mise sous sa tête et répandit de l'huile dessus. Est-ce qu'il voulut en cela faire une idole? Non, l'action de Jacob est ici figurative, et il ne rend aucun culte d'adoration à cette pierre. Vous voyez ici l'onction, reconnaissez aussi le Christ. Il est la pierre qui a été repoussée par ceux qui bâtissent. Puisque Jacob, qui fut appelé Israël (Gn 32,29), a vu cette échelle en songe, et que, d'un autre côté, Nathanaël, au témoignage de Jésus, est un vrai Israélite, c'est avec raison que le Sauveur lui rappelle le songe de Jacob, comme s'il lui disait: Le songe de celui dont vous portez le nom se réalisera pour vous-même, vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme. S'ils descendent sur lui, ils montent aussi jusqu'à lui, car il est tout à la fois dans les hauteurs des cieux et sur la terre, il est en haut dans sa propre nature, il est en bas dans la personne des siens.
S. Aug. (Traité 7 sur S. Jean). Les bons prédicateurs qui annoncent vraiment Jésus-Christ, sont les anges de Dieu, ils montent et descendent sur le Fils de l'homme, à l'exemple de saint Paul, qui monta jusqu'au troisième ciel (2Co 2), et qui est descendu jusqu'à donner du lait pour nourriture aux petits enfants. (1Co 3,1-2) Jésus dit à Nathanaël: «Vous verrez encore de plus grandes choses», car la justification de ceux que le Seigneur a appelés à la foi est un plus grand miracle que de nous avoir vus couchés et étendus à l'ombre de la mort. Que nous aurait-il servi, en effet, qu'il nous vit, si nous étions restés à l'ombre de la mort? Mais pourquoi Nathanaël, à qui le Fils de Dieu a rendu un si glorieux témoignage, ne fait-il point partie des douze Apôtres? Nous avons dû voir qu'il était instruit et versé dans la science de la loi, et c'est la raison pour laquelle le Seigneur ne voulut point l'admettre au nombre de ses Apôtres; il aima mieux choisir des ignorants pour confondre la vaine science du monde. Dans le dessein qu'il avait formé d'abaisser la tête altière des orgueilleux, ce n'est point par l'éloquence d'un orateur qu'il voulut amener à lui un pêcheur, c'est par ce simple pêcheur qu'il convertit à lui les empereurs. Cyprien a été un grand orateur, mais avant lui nous voyons Pierre, qui n'était que pêcheur, et c'est par lui que devaient croire dans la suite, non-seulement les orateurs, mais les empereurs eux-mêmes.
Catena Aurea 12135