Catena Aurea 12443

vv. 43-45

12443 Jn 4,43-45

S. Aug. (Traité 16). Après avoir passé deux jours dans la Samarie, Jésus s'en alla en Galilée, où il avait été élevé: «Deux jours après il sortit de ce lieu», etc. Il nous parait surprenant que l'Évangéliste ajoute: «Car Jésus lui-même a rendu ce témoignage qu'un prophète n'est point honoré dans sa patrie», il semble qu'il eût été plus logique de dire qu'un prophète n'est point honoré dans sa patrie, s'il avait évité d'aller dans la Galilée et qu'il fût resté dans la Samarie. Voici à mon avis l'explication de cette difficulté: Jésus ne resta que deux jours dans Samarie, et tous les Samaritains crurent en lui; il prolonge son séjour dans la Galilée, et les Galiléens refusèrent de croire en lui, et c'est ce qui lui fait dire qu'un prophète est sans honneur dans sa sa patrie. - S. Chrys. (hom. 35). On peut dire encore que l'Évangéliste ajoute cette réflexion, parce que le Sauveur ne se rendit pas à Capharnaüm, mais dans la Galilée, et de là dans la ville de Cana; car la patrie dont il est ici question est Capharnaüm, et pour se convaincre qu'il n'y reçut aucun honneur, il suffit de se rappeler les paroles qu'il a prononcées lui-même: «Et toi, Capharnaüm, qui t'es élevée jusqu'au ciel, tu seras abaissé jusqu'aux enfers» (Mt 11). L'Évangéliste appelle la patrie du Sauveur le lieu où il paraît avoir passé la plus grande partie de sa vie.

Théophyl. On peut donner encore cette explication: Jésus, en sortant de la ville de Samarie se rend dans la Galilée, il pouvait donc paraître étonnant qu'il n'y restât pas plus longtemps, l'Évangéliste en donne la raison, c'est qu'il n'y était nullement honoré, ce qu'il déclare en ces termes: «Un prophète n'est point honoré dans sa patrie».

Orig. Approfondissons davantage cette parole. La Judée était la patrie des prophètes, et personne n'ignore qu'ils n'ont reçu des Juifs aucun honneur, comme l'atteste Notre-Seigneur lui-même: «Quel est celui des prophètes que vos pères n'ont point persécuté ?» La vérité de ce proverbe est d'autant plus frappante qu'il ne s'applique pas seulement aux saints prophètes qui ont été méprisés par leurs compatriotes, et à Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, mais qu'il s'étend à certains philosophes qui n'ont recueilli de leurs concitoyens que le mépris, les mauvais traitements et la mort même.

S. Chrys. (hom. 35). Quoi donc? Est-ce que nous ne voyons pas un certain nombre d'hommes qui ont excité l'admiration de leur concitoyens? Ou i, sans doute, mais il ne faut pas prendre l'exception qui arrive rarement comme règle générale. D'ailleurs, s'ils ont été honorés dans leur patrie, ils l'eussent encore été davantage dans un autre pays, car l'habitude et la familiarité engendrent ordinairement le mépris: Lorsque Jésus fut arrivé dans la Galilée, il fut donc accueilli par les Galiléens, comme le remarque l'Évangéliste. Vous voyez que ce sont ceux qui étaient considérés comme plus mauvais qui se pressent le plus d'approcher de Jésus. N'est-ce pas en effet des Galiléens qu'il est dit: «Interrogez et voyez si jamais il s'est élevé un prophète dans la Galilée». Quant aux Samaritains, on faisait un reproche au Sauveur de ses rapports avec eux: «Vous êtes un Samaritain et un possédé du démon» (Jn 18). Or, voilà que les Samaritains et les Galiléens ont embrassé la foi à la grande confusion des Juifs. Les Galiléens paraissent même supérieurs aux Samaritains car ces derniers n'ont cru que sur le témoignage d'une femme, tandis que la foi des Galiléens s'est appuyée sur les miracles que le Sauveur avait opérés sous leurs yeux: «Les Galiléens l'accueillirent, ayant vu tout ce qu'il avait fait à Jérusalem pendant la fête». - Orig. Ce que Notre-Seigneur avait fait en chassant du temple ceux qui vendaient des brebis et des boeufs, leur avait paru tellement extraordinaire, qu'ils l'accueillirent avec empressement, encore sous l'impression de sa puissance, qui n'avait pas moins éclaté, en effet, dans cette circonstance, que lorsqu'il rendait la vue aux aveugles et l'ouïe aux sourds. Je suppose d'ailleurs qu'ils furent encore témoins d'autres miracles.

Bède. Mais comment purent-ils être témoins de ces miracles? parce qu'eux aussi étaient venus à cette fête. Nous voyons ici en figure que lorsque les nations auront été affermies dans la foi par les deux préceptes de la charité, Jésus-Christ, à la fin du monde, retournera dans sa patrie, c'est-à-dire, vers les Juifs. - Orig. Il est convenable que la Galilée (c'est-à-dire celle qui émigre), vienne célébrer les fêtes à Jérusalem, où est le temple de Dieu, et voir tous les prodiges qu'y opère Jésus, car l'ordre exige que les Galiléens reçoivent le Fils de Dieu qui rient les trouver, sans quoi, ou ils ne l'auraient pas reçu, ou lui-même ne serait pas venu au milieu d'eux s'ils n'avaient été préparés à le recevoir.


vv. 46-54

12446 Jn 4,46-54

S. Chrys. (hom. 35). Notre-Seigneur était venu une première fois à Cana, en Galilée, où il était invité à assister à des noces; il retourne maintenant dans cette ville pour l'attirer davantage à lui par cette démarche toute volontaire qu'il fait en quittant sa patrie, et pour affermir par sa présence la foi que son premier miracle avait commencé de former dans le coeur de ses habitants. - S. Aug. (Traité 16). Lorsqu'il changea l'eau en vin dans cette circonstance, ses disciples crurent en lui, la maison était pleine de convives, et cependant à la vue d'un si grand miracle, aucun autre ne crut à sa puissance divine. Il revient donc dans cette ville pour amener à la foi ceux que son premier miracle n'avait pu déterminer à croire. - Théophyl. L'Évangéliste nous rappelle le miracle qu'il fit à Cana, en Galilée, en changeant l'eau en vin, pour ajouter à la gloire de Jésus-Christ, parce qu'en effet ce ne fut pas seulement à cause des miracles dont ils furent témoins à Jérusalem, mais par suite des prodiges qui s'accomplirent au milieu d'eux qu'ils accueillirent Notre-Seigneur. Il veut nous apprendre en même temps que cet officier croyait en Jésus-Christ depuis le miracle de Cana, bien qu'il ne connût point parfaitement sa dignité: «Or, il y avait à Capharnaüm un officier du roi dont le fils était malade».

Orig. Quelques-uns pensent que cet homme était un des officier d'Hérode, et d'autres affirment qu'il était dé la maison de César, et qu'il avait été envoyé en mission particulière en Judée, car on ne dit pas qu'il fut juif. - S. Chrys. (hom. 35). L'Évangéliste lui donne le nom de Régulus, officier royal, soit qu'il fût de race royale, soit qu'il fût revêtu de quelque haute dignité qui lui faisait donner ce titre. Il en est qui pensent que cet officier est le même que le centenier dont parle saint Matthieu (Mt 8, 5). Mais tout prouve que ce sont deux personnages différents. Le centenier prie Jésus de ne pas venir dans sa maison, alors que le Sauveur se disposait à y aller, cet officier, au contraire, veut l'entraîner chez lui sans que Notre-Seigneur le lui ait promis. Le premier vint trouver Jésus, alors qu'il descendait de la montagne et qu'il entrait à Capharnaüm, celui-ci, lorsque le Sauveur était dans la ville de Cana. Le serviteur de l'un était paralytique, le fils du second était atteint d'une fièvre mortelle. C'est donc de l'officier royal que l'Évangéliste dit: «Ayant appris que Jésus arrivait de Judée en Galilée, il l'alla trouver et le pria de descendre en sa maison», etc. - S. Aug. Il priait, il n'avait donc pas la foi? Quelle explication attendez-vous de moi? Demandez au Seigneur lui-même ce qu'il pense de cet homme: «Jésus lui dit: Si vous ne voyez des signes et des prodiges vous ne croyez pas». Il reproche à cet homme sa tiédeur, sa froideur dans la foi, peut-être même son absence complète de foi; il n'avait qu'un désir la guérison de son fils comme une épreuve certaine de ce qu'était Jésus, de sa dignité, de sa puissance. Le mot prodige (prodigium comme porro dictum), signifie une chose qui date de loin, qui est éloignée et qui annonce un événement futur.

S. Aug. (de l'accord des Evang., 4, 10). Notre-Seigneur veut tellement élever l'âme de ses fidèles au-dessus de toutes les choses soumises à la mutabilité, qu'il ne veut pas leur voir rechercher des miracles, où sa divinité est le premier et le principal agent, mais qui portent sur de simples changements opérés dans les corps. - S. Grég. (hom. 28 sur les Evang). Rappelez-vous l'objet de la prière de cet officier, et vous connaîtrez. clairement que sa foi était bien chancelante: «Cet officier lui dit: Seigneur, descendez avant que mon fils ne meure». Sa foi était donc bien faible, puisqu'il ne croyait pas qu'il pût guérir son fils sans venir lui-même en personne. - S. Chrys. (hom. 35). Ecoutez sous quelle impression toute humaine il veut attirer le Sauveur chez lui, comme s'il ne pouvait ressusciter son fils après sa mort. Rien d'étonnant du reste qu'il vienne trouver Jésus sans avoir la foi; l'amour des pères pour leurs enfants leur fait consulter, non-seulement les médecins qui ont leur confiance, mais ceux mêmes qui ne leur en inspirent pas une bien grande, parce qu'ils ne veulent rien omettre de ce qui peut conserver la vie à leurs enfants. S'il avait eu une foi vive à la puissance de Jésus-Christ, il l'aurait été trouver jusque dans la Judée.

S. Grég. (hom. 28 sur les Evang). Notre-Seigneur à qui cette prière est adressée, veut nous apprendre qu'il se rend toujours aux invitations qui lui sont faites, et il guérit le fils de cet homme par son commandement, lui qui a tout créé par sa volonté: «Jésus lui dit: Allez, votre fils est plein de vie». Quelle condamnation pour notre orgueil qui respecte et vénère dans les hommes non cette nature faite à l'image et à la ressemblance de Dieu, mais les honneurs et les richesses ! Notre Rédempteur au contraire, pour nous apprendre que les saints méprisent ce qui paraît élevé aux yeux des hommes, et qu'ils estiment et vénèrent ce que les hommes méprisent, refuse d'aller dans la maison de cet officier pour guérir son fils; et il est disposé au contraire à se rendre près du serviteur du centenier. - S. Chrys. (hom. 35). Ou bien encore, la foi du centenier était solidement affermie, et Notre-Seigneur promet d'aller chez lui, pour faire ressortir la piété du centenier. Cet officier au contraire, n'avait qu'une foi bien imparfaite, il ne croyait pas bien entièrement que Jésus pût guérir son fils, sans se rendre près de lui, et le refus du Sauveur a pour but de le lui apprendre, comme l'Évangéliste le dit expressément: «Cet homme crut à la parole que Jésus lui avait dite et s'en alla, sans toutefois comprendre parfaitement cette leçon».

Orig. Ces serviteurs qui viennent à sa rencontre montrent que cet homme était d'un rang élevé et occupait un emploi supérieur: «Comme il était en chemin, ses serviteurs vinrent à sa rencontre», etc. - S. Chrys. (hom. 35). Ils viennent à sa rencontre, non-seulement pour lui annoncer la guérison de son fils, mais parce qu'ils croyaient que Jésus l'accompagnait, et qu'ils regardaient comme inutile qu'il allât plus loin. La question que leur fait cet officier prouve que sa foi n'était ni bien pure ni bien parfaite: «Et il leur demandait à quelle heure il s'était trouvé mieux», Il voulut savoir si sa guérison était l'effet du hasard ou de la parole de Jésus: «Et ils lui dirent: Hier à la septième heure, la fièvre l'a quitté». Voyez comme tout, concourt à rendre ce miracle éclatant, la guérison de cet enfant ne suit pas la marche ordinaire, elle est instantanée et complète pour bien établir qu'elle n'est pas due aux lois de la nature, mais à l'action toute puissante de Jésus-Christ: «Et son père reconnut que c'était l'heure à laquelle Jésus lui avait dit: Votre fils est plein de vie, et il crut lui et toute sa maison».

S. Aug. (Traité 16). S'il crut lorsqu'il apprit que son fils était guéri, et qu'il eut rapproché l'heure de sa guérison de celle où Jésus lui avait dit: «Votre fils est guéri», il n'avait donc pas encore la foi quand il se présenta devant le Sauveur. -
Bède. Nous devons conclure de là qu'il y a des degrés dans la foi comme dans les autres vertus qui ont leur commencement, leur progrès et leur perfection. La foi de cet officier était à son commencement, lorsqu'il vint demander la guérison de son fils, elle prenait de l'accroissement, lorsqu'il crût à la parole du Seigneur qui lui disait: «Votre fils est guéri»; et elle eut toute sa perfection lorsque ses serviteurs lui confirmèrent la guérison de son fils.

S. Aug. (Traité 16). C'est après l'avoir simplement entendu qu'un grand nombre de Samaritains crurent en lui, et après ce grand miracle, il n'y eut que la maison seule de cet officier où cette guérison miraculeuse avait eu lieu. L'Évangéliste ajoute: «Ce fut le second miracle que Jésus fit après être revenu de Judée en Galilée». - S. Chrys. (hom. 35). Ce n'est pas sans raison qu'il fait cette réflexion, et il veut nous faire remarquer que même après ce second miracle, les Juifs n'étaient pas encore parvenus à la hauteur des Samaritains qui n'avaient vu aucun miracle. - Orig. (Traité 18 sur S. Jean). Cette proposition est amphibologique, on peut l'entendre en ce sens, que Jésus en venant de la Judée en Galilée, fit deux miracles, dont le second fut la guérison du fils de cet officier; ou dans cet autre qui est le plus vrai, que de ces deux miracles que Jésus fit dans la Galilée, le second eut lieu lorsqu'il vint de la Judée en Galilée.

Dans le sens mystique, ce double voyage de Jésus en Galilée figure le double avènement du Sauveur dans le monde, le premier qui est tout de miséricorde et où il porte la joie dans le coeur des convives en changeant l'eau en vin; le second où il rend à la vie le fils de cet officier presque entre les bras de la mort, c'est-à-dire le peuple juif qui sera sauvé à la fin du monde après que la plénitude des nations sera entrée dans l'Eglise. C'est lui qui est le grand Roi des rois que Dieu a établi sur la sainte montagne de Sion (Ps 2); ceux qui ont vu son jour ont été remplis de joie (Jn 8). Cet officier royal, c'est Abraham; son fils malade, c'est le peuple d'Israël qui a laissé s'affaiblir entre ses mains le culte du vrai Dieu, et qui transpercé des traits enflammés de l'ennemi, est comme atteint d'une fièvre mortelle. Nous voyons encore ici que les saints dont nous venons de parler, lorsqu'ils ont dépouillé l'enveloppe de cette chair mortelle, prennent compassion de leur peuple. C'est ce que nous lisons dans le livre des Macchabées (M 2, 45), après la mortde Jérémie: «C'est Jérémie, le prophète de Dieu qui prie beaucoup pour le peuple». Abraham prie le Sauveur de venir au secours de ce peuple infirme, c'est de Cana que part cette parole toute puissante: «Votre fils est plein de vie», mais c'est à Capharnaüm que son efficacité se fait sentir; car c'est là que le fils de cet officier est guéri, comme dans le champ de la consolation, et cet enfant représente ces hommes atteints de grandes faiblesses, mais sans être réduits à une stérilité complète. Ces paroles du Sauveur: «Si vous ne voyez des signes et des prodiges» peuvent s'appliquer à la multitude des enfants du patriarche, aussi bien qu'à lui-même. En effet, de même que Jean-Baptiste attendait le signe qui lui avait été donné: «Celui sur lequel vous verrez l'Esprit saint descendre»; ainsi les justes morts depuis le commencement du monde, attendaient l'avènement de Jésus-Christ dans la chair, avènement qui devait se manifester par des signes et par des prodiges. Cet officier, outre son fils, avait des serviteurs qui représentent ceux dont la foi est encore faible et imparfaite, et ce n'est point sans dessein que la fièvre quitte cet enfant à la septième heure, car le nombre, sept est le symbole du repos. - Alcuin. Ou bien encore, c'est parce que c'est l'Esprit aux sept dons qui est l'auteur de la rémission des péchés, car le nombre sept composé des nombres trois et quatre, représente la sainte Trinité dans les quatre temps de l'année, dans les quatre parties du monde, comme dans les quatre éléments.

Orig. On peut encore voir ici les deux avènements du Verbe dans notre âme: le premier ou l'eau fut changée en vin fait éprouver à l'âme la joie d'un banquet spirituel; le second qui retranche tous les restes de langueur et de mort spirituelle. - Théophyl. Cet officier du roi représente tout homme, non-seulement parce que l'homme est par son âme dans des rapports étroits avec le souverain roi de tout ce qui existe, mais aussi parce que Dieu lui a donné l'autorité sur toutes les créatures. Son fils, c'est l'âme de l'homme en proie à la fièvre des mauvais désirs et des convoitises charnelles. Il s'approche de Jésus et le prie de descendre, c'est-à-dire de s'abaisser jusqu'à lui par une miséricordieuse condescendance et de lui pardonner ses péchés, av ant que cette maladie des voluptés sensuelles ne lui ait fait perdre la vie. Le Seigneur lui dit: «Allez», c'est-à-dire faites toujours de nouveaux progrès dans le bien; et alors votre fils sera rendu à la vie; mais si vous cessez de marcher, votre âme frappée de mort ne pourra plus faire aucune bonne action.


CHAPITRE V


vv. 1-13

12501 Jn 5,1-13

S. Aug. (de l'acc. des Evang., 4,10). Après que Jésus eut opéré ce miracle dans la Galilée, il revint à Jérusalem: «Après cela, la fête étant arrivée, Jésus s'en alla à Jérusalem». - S. Chrys. (hom. 36 sur S. Jean). Cette fête, je pense, était celle de la Pentecôte. Jésus se rendait toujours à Jérusalem aux jours de fête; en célébrant ces fêtes avec les Juifs, il détruisait le préjugé qu'il était opposé à la loi, et attirait à lui le peuple par l'éclat de ses miracles et de sa doctrine; car c'était surtout aux jours de fête que ceux qui n'étaient pas éloignés de Jérusalem s'y rendaient en foule.

«Or, il y avait à Jérusalem une piscine probatique», etc. - S. Aug. Le mot grec ðñüîáôïí veut dire brebis. La piscine probatique était donc une piscine réservée aux animaux, et où les prêtres lavaient les corps des victimes. - S. Chrys. Le Sauveur devait instituer un baptême pour la rémission des péchés, et dont nous trouvons un emblème dans cette piscine et dans d'autres figures semblables. Dieu ordonna d'abord des purifications extérieures pour laver les souillures du corps et les taches qui n'existaient pas en réalité, mais qu'on regardait comme telles, par exemple, celles que l'on contractait par le contact d'un cadavre, par la lèpre ou par d'autres causes du même genre. Dieu voulut ensuite que l'eau fût encore un remède efficace pour diverses maladies, comme nous le voyons ici: «Sous ces portiques gisaient un grand nombre de malades, d'aveugles, de boiteux», etc. Pour nous préparer de plus près à la grâce du baptême, il ne se contente plus de purifier les souillures extérieures, il guérit encore les maladies. Ceux qui approchent de plus près les rois, occupent aussi un rang plus éminent que ceux qui sont plus éloignés, il en est de même des figures de l'ancienne loi. Or, cette eau ne guérissait pas les malades en vertu de sa nature (autrement, elle aurait toujours eu cette efficacité), mais seulement lorsque l'ange descendait: «Un ange du Seigneur descendait à certain temps dans la piscine, et l'eau s'agitait». Il en est de même dans le baptême, l'eau n'agit point par elle-même, mais ce n'est qu'après avoir reçu la grâce de l'Esprit saint, qu'elle efface tous les péchés. L'ange qui descendait du ciel agitait cette eau, et lui communiquait une vertu toute particulière contre les maladies, pour apprendre aux Juifs, qu'à plus forte raison le Seigneur des anges avait le pouvoir de guérir toutes les maladies de l'âme. Mais alors l'infirmité était elle-même un obstacle pour celui qui voulait obtenir la guérison, comme l'indique l'Évangéliste: «Et celui qui y descendait le premier après le mouvement de l'eau, était guéri de son infirmité». Maintenant, au contraire, chacun peut avoir accès; car ce n'est point un ange qui vient agiter l'eau, mais le Dieu des anges qui opère toutes ces merveilles. L'univers entier se présenterait que la grâce ne serait point épuisée, elle reste toujours la même; de même que les rayons du soleil éclairent tous les jours qui se succèdent, sans qu'ils soient jamais épuisés, sans que la profusion avec laquelle le soleil répand sa lumière en diminue l'éclat; ainsi, et à plus forte raison la multitude de ceux qui participent à la grâce de l'Esprit saint n'en amoindrit en rien l'efficacité toute divine. Or, un seul homme était guéri après que l'eau était agitée, afin que ceux qui connaissaient la puissance de cette eau pour guérir les maladies du corps, instruits par une longue expérience, pussent croire plus facilement que l'eau pouvait également guérir les maladies de l'âme.

S. Aug. (Traité 17 sur S. Jean). C'est un plus grand miracle pour Notre-Seigneur d'avoir guéri les maladies de l'âme, que d'avoir porté remède aux maladies de ce corps périssable et mortel; mais comme l'âme ne connaissait pas le divin médecin qui devait la guérir, qu'elle ne voyait pas les yeux du corps, que ce qui affectait les sens, et qu'elle n'avait point ces yeux du coeur, à l'aide desquels elle peut connaître le Dieu invisible, il fît un miracle que chacun pouvait voir pour guérir les yeux qui avaient perdu l'usage de la vue; il entra dans ce lieu où gisaient un grand nombre de malades, et il en choisit un pour le guérir de son infirmité: «Or, il y avait là un homme qui était malade depuis trente-huit ans».

S. Chrys. (hom. 36 sur S. Jean). Notre-Seigneur ne guérit pas cet homme tout d'abord, il commence par ouvrir son coeur à la confiance et à le préparer à la foi par une question toute de bienveillance. Il n'exige pas de lui la foi, comme lorsqu'il dit aux deux aveugles: «Croyez-vous que je puisse faire ce que vous demandez ?» car ce paralytique ne savait pas encore bien clairement ce qu'était Jésus. Ceux qui connaissaient déjà la puissance du Sauveur par d'autres miracles, étaient comme préparés à cette demande, mais pour ceux qui n'en avaient aucune idée, Jésus attend qu'ils aient vu de leurs yeux de semblables prodiges pour leur demander s'ils ont la foi: «Jésus l'ayant vu couché, et sachant qu'il était malade depuis longtemps, il lui dit: Voulez-vous être guéri ?» Il lui fait cette question, non pour apprendre ce qu'il savait parfaitement, mais pour faire ressortir la patience de ce malade depuis trente-huit ans, et qui chaque année, sans se décourager jamais, se faisait porter en ce lieu dans l'espérance d'être guéri de sa maladie. Il voulait encore nous faire connaître le motif pour lequel parmi tant d'autres, il avait choisi cet homme de préférence pour le guérir. Et il ne lui dit pas: Si vous le voulez, je vous guérirai; car cet homme ne se formait encore aucune idée bien grande de Jésus-Christ. Toutefois, il n'est nullement déconcerté par cette question, il ne dit pas au Sauveur: Vous venez insulter à mon malheur en me demandant si je veux être guéri, il lui répond avec une grande modération: «Le malade lui répondit: Seigneur, je n'ai personne qui me jette dans la piscine dès que l'eau est agitée». II ne savait pas quel était celui qui lui faisait cette question, et ne soupçonnait pas qu'il allait lui rendre la santé; il croyait simplement que Jésus l'aiderait à descendre dans la piscine, mais Jésus lui montre qu'il peut tout faire d'une seule parole: «Jésus lui dit: Levez-vous, prenez votre lit et marchez».

S. Aug. (Traité 17). Notre-Seigneur dit trois choses à cet homme; ces paroles: «Levez-vous», ne sont pas un commandement qu'il lui fait, c'est l'acte même de la guérison, et c'est lorsque cet homme est guéri, qu'il lui commande ces deux choses: «Prenez votre lit et marchez».

S. Chrys. (hom. 37). Voyez jusqu'où s'étend la bonté divine, Jésus ne se contente pas de guérir cet homme, il lui ordonne d'emporter son lit, pour rendre le miracle de sa guérison plus évident et convaincre les plus incrédules, que ce n'était pas une illusion des sens, car comment aurait-il pu emporter son lit, si ses membres n'avaient repris toute leur force et leur fermeté. Le paralytique, en entendant cette parole d'autorité et de commandement: «Levez-vous, prenez votre lit, et marchez», ne songe pas à les tourner en ridicule en répondant: Lorsque l'ange descend pour agiter l'eau, un seul homme peut-être guéri; et vous qui n'êtes qu'un homme, vous espérez par une seule parole avoir plus de puissance que les anges? Non, il écoute avec docilité, il ajoute foi au commandement qui lui est fait, et il obtient sa guérison: «Et à l'instant cet homme fut guéri». - Bède. Les guérisons opérées par le Seigneur sont bien différentes de celles qui sont dues aux soins et à l'habileté des médecins; les premières se font sur une simple parole de commandement, et d'une manière instantanée, tandis que les secondes ont ordinairement besoin d'un temps fort long pour atteindre à leur perfection.

S. Chrys. (hom. 36). La conduite de cet homme est certainement admirable, mais ce qui suit l'est bien plus encore. Qu'il ait obéi au commandement du Sauveur, alors qu'aucune réclamation ne s'élevait encore, c'est un fait moins digne d'admiration que la fermeté avec laquelle il exécute l'ordre du Sauveur, malgré les récriminations violentes et les accusations des Juifs, que l'Évangéliste rapporte en ces termes: «Or, c'était un jour de sabbat, les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri: C'est aujourd'hui le jour du sabbat, et il ne vous est pas permis d'emporter votre lit». - S. Aug. (Traité 17). Ils n'accusaient pas précisément le Sauveur d'avoir guéri cet homme le jour du sabbat, parce qu'il aurait pu leur répondre que si leur boeuf ou leur âne venait à tomber dans un puits, ils s'empresseraient bien de les retirer le jour du sabbat; ils s'attaquent donc à celui qui portait son lit, et lui disent: Admettons qu'on ne dût point différer de vous guérir, pourquoi vous commander ce travail? Cet homme se contente de leur opposer l'auteur de sa guérison: «Il leur répondit: Celui qui m'a guéri m'a dit: Prenez votre lit et marchez», comme s'il leur disait: Pourquoi ne recevrai-je pas d'ordre de celui de qui j'ai reçu la santé? - S. Chrys. (hom. 36). S'il avait voulu user de malice, il aurait pu leur dire: L'action que je fais est-elle répréhensible, accusez celui qui me l'a commandée, et je déposerai le lit que je porte. Mais en parlant de la sorte, il eût dissimulé la guérison qu'il avait obtenue; il savait que ce qui les blessait, c'était moins la transgression du sabbat que la guérison de sa maladie, il ne cherche pas cependant à cacher ce bienfait, on à se le faire pardonner, mais il le proclame à haute voix. Quant aux Juifs, leur question cache une intention perfide: «Ils lui demandèrent: Quel est cet homme qui vous a dit: Prenez votre lit et marchez ?» Ils ne disent pas: Quel est celui qui vous a guéri? ils insistent sur ce qui pouvait être regardé comme une violation de la loi. Or, celui qui avait été guéri ne savait pas qui il était; car Jésus s'était retiré de la foule du peuple assemblé en ce lieu». Jésus s'était éloigné pour mettre en dehors de tout soupçon le témoignage qui lui était rendu; car cet homme était un témoin irrécusable du bienfait qu'il avait reçu. Il voulait éviter aussi de donner un nouvel aliment à leur méchanceté; car la vue seule de celui à qui on porte envie redouble les ardeurs de cette honteuse passion. Il s'éloigne donc pour leur laisser toute facilité d'examiner ce fait miraculeux. Il en est qui pensent que ce paralytique est celui dont parle saint Matthieu (Mt 9), mais ils se trompent, le paralytique de saint Matthieu était entouré de gens qui prenaient soin de lui, et le portaient, celui-ci n'avait personne qui s'intéressât à lui. D'ailleurs les lieux où s'accomplirent ces deux miracles sont tout différents.

S. Aug. (Traité 17). Si nous considérons ce miracle avec nos idées étroites et à un point de vue purement humain, nous n'y voyons pas un grand acte de puissance, et la part de la bonté ne nous y paraît guère plus grande. Dans un si grand nombre de malades, un seul est guéri, alors que Jésus pouvait d'un seul mot leur rendre à tous la santé. Il nous faut donc comprendre que ce que la puissance et la bonté du Sauveur se proposaient dans les miracles qu'il opérait, c'était l'intérêt et le salut éternel des âmes, beaucoup plus que la guérison temporelle des corps. Les miracles qui avaient pour objet la guérison des corps mortels, n'ont eu qu'une durée passagère; l'âme au contraire qui a cru sur le témoignage de ces miracles a passé de cette vie d'un instant à une vie éternelle. Cette piscine et l'eau qu'elle contenait me paraissent être le symbole du peuple juif, car nous voyons clairement dans l'Apocalypse (Ap 17, 15), les peuples figurés sous l'emblème des eaux.

Bède. C'est avec raison que cette piscine est appelée la piscine probatique ou des brebis, car le peuple juif est souvent représenté sous l'emblème de la brebis, selon ces paroles du psaume: «Nous sommes votre peuple et les brebis de votre troupeau.» - S. Aug. (Traité 17). L'eau de cette piscine, c'est-à-dire le peuple juif, était renfermée dans les cinq livres de Moïse comme dans cinq portiques; et ces livres découvraient les maladies, mais sans les guérir, car la loi convainquait les pécheurs de leurs crimes, mais sans pouvoir les absoudre. - Bède. Toutes sortes d'infirmités se donnaient rendez-vous autour de cette piscine; les aveugles qui sont privés de la lumière de la science, les boiteux qui n'ont pas la force d'accomplir ce que la loi leur commande, et les desséchés (ou le s paralytiques) qui ont perdu la sève vivifiante de l'amour céleste.

S. Aug. (Traité 17). Jésus-Christ est venu vers le peuple juif, et par les grands miracles qu'il a opérés, et par les enseignements salutaires qu'il leur a donnés, il a troublé les pécheurs (c'est-à-dire l'eau) par sa présence, et les a comme excités à le mettre à mort. Cependant c'est sans se découvrir qu'il les a troublés, car s'ils l'avaient connu, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de la gloire. (1Co 2) L'eau paraissait agitée tout d'un coup, sans qu'on pût voir l'auteur de cette agitation. Descendre dans cette eau agitée, c'est croire humblement à la passion du Sauveur. Un seul homme était guéri à la fois pour représenter l'unité de l'Eglise. Nul autre malade qui venait ensuite n'était guéri, parce qu'on ne peut être ni guéri ni sauvé en dehors de l'unité. Malheur à ceux qui n'aiment point l'unité, et qui forment des parties ou des sectes parmi les hommes ! Celui qui fut guéri de son infirmité était malade depuis trente-huit a ns, et ce nombre est bien plutôt l'emblème de la maladie que de la santé. En effet, le nombre quarante est un nombre consacré pour signifier la perfection, ainsi la loi contient dix préceptes et elle devait être annoncée dans tout l'univers qui se divise en quatre parties, or le nombre dix pris quatre fois ou multiplié par quatre fait quarante. Peut-être encore est-ce parce que les quatre livres de la loi trouvent leur accomplissement dans l'Évangile. Si donc le nombre quarante emporte la perfection de la loi, et si la loi ne peut être accomplie que par le double précepte de la charité, pourquoi vous étonner que cet homme à qui il manquait deux ans pour avoir quarante ans fût languissant et malade? Il lui fallait absolument un homme pour le guérir, mais un homme qui fût en même temps Dieu. Le Sauveur le trouve malade depuis, quarante ans moins deux années, et il lui ordonne deux choses pour combler cette lacune; car ces deux commandements du Seigneur représentent les deux préceptes de la charité, c'est-à-dire de l'amour, de Dieu et de l'amour du prochain. L'amour de Dieu est le premier qui soit commandé; l'amour du prochain est le premier qui doit être mis en pratique, Jésus lui dit: «Prenez votre lit», c'est-à-dire: Lorsque vous étiez infirme, c'était votre prochain qui vous portait; maintenant que vous êtes guéri, portez votre prochain à votre tour. Il lui dit encore: «Marche» mais quelle voie devez-vous suivre? Celle qui conduit au Seigneur votre Dieu. - Bède. Que signifient ces paroles: «Levez-vous et marchez ?» Sortez de votre torpeur et de votre indolence, et appliquez-vous à faire des progrès dans les bonnes oeuvres. Prenez votre lit; c'est-à-dire votre prochain qui vous porte lui-même et supportez patiemment ses défauts. - S. Aug. (Traité 17). Portez celui avec qui vous marchez si vous voulez parvenir jusqu'à celui avec lequel vous désirez demeurer éternellement. Ce paralytique ne connaissait pas encore Jésus, ainsi nous-mêmes nous croyons en lui sans le voir, parce qu'il se retire de la foule pour se dérober aux regards. Dieu ne peut être vu que dans une certaine solitude que se fait l'intention; la foule est toujours au milieu de l'agitation, et la vue de Dieu demande le silence et le secret.



Catena Aurea 12443