Catena Aurea 12514

vv. 14-18

12514 Jn 5,14-18

S. Chrys. (hom. 38 sur S. Jean. ) Cet homme une fois guéri ne va pas se mêler aux bruits tumultueux des affaires du monde, ni se livrer aux voluptés sensuelles ou à la vaine gloire, il va tout droit dans le temple, ce qui estime preuve de son grand esprit de religion. - S. Aug. (Traité 17) Le Seigneur Jésus le voyait aussi bien au milieu de la foule que dans le temple; mais pour lui il ne peut connaître Jésus dans la foule, il ne le reconnaît pour vrai Dieu et pour Sauveur que dans un lieu sacré, dans le temple. - Alcuin. Si nous voulons bien connaître la grâce de notre Créateur et parvenir à le voir, il faut éviter la foule, les pensées mauvaises et des affections coupables; il faut fuir les assemblées des méchants, nous retirer dans le temple et nous efforcer de devenir nous-mêmes le temple où Dieu daigne venir et fixer sa demeure.

«Et il lui dit: Vous voilà guéri, ne péchez plus à l'avenir, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pire». - S. Chrys. (hom. 38). Ces paroles nous apprennent d'abord que la longue infirmité du paralytique était la conséquence et la punition de ses péchés. Comme nous sommes la plupart du temps insensibles aux maladies de notre âme, tandis qu'à la moindre blessure que reçoit notre corps, nous prenons tous les moyens pour en être aussitôt guéris, Dieu frappe le corps en punition des péchés de l'âme. Elles renferment un second et un troisième avertissements, c'est la vérité des peines de l'enfer, et la durée infinie de ces mêmes peines. Il en est qui osent dire: Est-ce qu'un adultère d'un instant sera puni par un supplice éternel? Mais est-ce que le paralytique avait péché autant d'années qu'avait duré sa maladie? Concluons de là que la gravité du péché ne doit pas se calculer sur le temps que l'homme a mis à le commettre, mais la nature même de ces péchés. Ces paroles nous apprennent encore que si nous retombons dans les mêmes péchés pour lesquels Dieu nous a sévèrement châtiés, des peines beaucoup plus sévères nous sont réservées, et c'est justice; car celui que les premiers châtiments n'ont pu rendre meilleur, doit s'attendre en punition de son insensibilité et de ses mépris à un supplice bien plus terrible. Si nous ne recevons pas tous ici-bas la punition de nos péchés, ne mettons pas notre confiance dans cette impunité, car elle nous présage pour la vie future des châtiments bien plus terribles. Cependant toutes les maladies ne sont pas absolument la peine du péché, les unes sont la suite de notre négligence, les autres nous sont envoyées comme au salut homme Job pour nous éprouver. Mais pourquoi Notre-Seigneur rappelle-t-il ici ses péchés à ce paralytique? Il en est qui le jugent sévèrement et qui prétendent que le Sauveur lui parle de la sorte parce qu'il avait été un des accusateurs de Jésus-Christ. Que diront-ils donc du paralytique dont il est question dans saint Matthieu (Mt 9), et à qui Notre-Seigneur dit aussi: «Vos péchés vous sont remis ?» D'ailleurs Jésus ne reproche pas au paralytique de la piscine ses péchés passés, il se contente de le prémunir pour l'avenir. Dans les autres guérisons miraculeuses qu'il opère, il ne les présente point comme la peine du péché parce qu'elles n'avaient pour cause que l'infirmité naturelle à l'homme, tandis que pour ces paralytiques, leurs maladies pouvaient être la punition de leurs péchés. Ou bien encore dans la personne de ces paralytiques, c'est un avertissement donné à tous les autres. On peut dire aussi que Notre-Seigneur parle de la sorte à ce paralytique, parce que témoin de sa grande patience, il le reconnut capable de recevoir cette leçon. Il lui donne en même temps une preuve de sa divinité, car ces paroles: «Ne péchez plus,» montrent évidemment qu'il connaissait toutes les fautes dont il s'était rendu coupable.

S. Aug. (Traité 17). Quant à ce paralytique, aussitôt qu'il eut vu Jésus et qu'il eut connu qu'il était l'auteur de sa guérison, il s'empressa de publier sans aucun retard le nom de son bienfaiteur: «Cet homme s'en alla et apprit aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri». - S. Chrys. (hom. 38). Gardons-nous de croire qu'après un si grand bienfait, et l'avertissement qui l'avait suivi, cet homme ait eu si peu de reconnaissance que d'agir ici par un sentiment de méchanceté; s'il avait eu l'intention d'accuser le Sauveur, il n'eût parlé que de la violation du sabbat, sans rien dire de sa guérison; mais il fait tout le contraire, il ne leur dit pas: C'est Jésus qui m'a commandé d'emporter mon lit (ce qui paraissait un crime aux yeux des juifs), mais: «C'est Jésus qui m'a guéri». - S. Aug. (Traité 17). A une déclaration si franche, les Juifs ne répondent que par une haine toujours croissante: «C'est pourquoi les Juifs persécutaient Jésus, parce qu'il faisait ces choses-là le jour du sabbat». Une oeuvre évidemment matérielle et servile avait été faite sous leurs yeux, ce n'était point la guérison de ce paralytique, mais l'action d'emporter son lit, ce qui ne paraissait point aussi nécessaire que sa guérison. Notre-Seigneur déclare donc ouvertement que la loi figurative du sabbat, et l'obligation de garder ce jour n'avaient été données que pour un temps aux Juifs, et que cette loi figurative trouvait en lui son accomplissement: «Mais Jésus leur dit: Mon Père ne cesse point d'agir jusqu'à présent, et moi aussi j'agis sans cesse». (Traité 20) C'est-à-dire: Ne croyez pas que mon Père se soit reposé le jour du sabbat, en ce sens qu'il ait cessé d'opérer; non, il continue d'opérer sans aucun travail, et j'agis de même à son exemple. Le repos de Dieu doit donc s'entendre dans ce sens, qu'après avoir achevé l'oeuvre de la création, il n'a plus tiré du néant de nouvelles créatures. C'est ce que l'Ecriture appelle repos, pour nous apprendre que nos bonnes oeuvres seront suivies d'un repos éternel. C'est après avoir fait l'homme à son image et à sa ressemblance, après avoir achevé tous ses ouvrages, et vu que toutes les choses qu'il avait faites étaient très-bonnes, que Dieu se reposa le septième jour; ainsi n'espérez point de repos pour vous-même, avant d'avoir recouvré cette divine ressemblance que Dieu vous avait donnée et que vous avez perdue par vos péchés, et avant que votre vie ait été remplie par la pratique des bonnes oeuvres.

S. Aug. (de la Genèse expliq., littér., chap. 11). Il est probable que le précepte de l'observation du sabbat fut donné aux Juifs comme une figure de l'avenir e t pour signifier le repos spirituel semblable au repos de Dieu, et qu'il promettait sous une forme mystérieuse aux fidèles qui auraient persévéré dans la pratique du bien. - S. Aug. Le sabbat viendra lorsque les six âges du monde qui sont comme les six jours seront écoulés, et c'est alors que les saints jouiront du repos qui leur est promis.
- S. Aug. (de la Gen. expl. litt., ch. 2) Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même a voulu consacrer par sa sépulture le mystère de ce repos, en se reposant dans le tombeau le jour du sabbat, après avoir achevé toutes ses oeuvres le sixième jour, et il prononça cette parole solennelle: «Tout est consommé», Qu'y aurait-il donc d'étonnant que Dieu, voulant comme figurer d'avance le jour où le Christ devait se reposer dans le tombeau, ait choisi ce jour pour se reposer de toutes ses oeuvres avant de dérouler l'ordre des siècles? (chap. 12) On peut encore entendre ce repos de Dieu, en ce sens qu'il a cessé de créer de nouvelles espèces d'êtres, car il n'en a créé aucune depuis ce repos mystérieux. Mais depuis cette époque jusqu'à la fin des siècles, il gouverne tous ces êtres qu'il a créés. Sa puissance n'a donc pas abdiqué le septième jour le gouvernement du ciel, de la terre, et de toutes les choses dont il est le créateur, autrement elles rentreraient aussitôt dans le néant. En effet, c'est la puissance du Créateur qui est l'unique cause de l'existence de toutes les créatures, et si l'action de cette divine puissance cessait un instant de se faire sentir, elles cesseraient elles-mêmes d'exister, et toute la nature rentrerait dans le néant. Il n'en est pas du monde comme d'un édifice que le constructeur peut abandonner après l'avoir construit, et qui reste debout alors que celui-ci a cessé d'y mettre la main; le monde serait détruit en un clin d'oeil si Dieu lui retirait son action régulatrice. Ces paroles du Sauveur: «Mon Père cesse d'agir», indiquent une continuation de l'oeuvre divine qui embrasse et gouverné toute créature. On pourrait les entendre dans un autre sens, s'il avait dit: «Et il opère maintenant», sans qu'il fût nécessaire d'y voir la continuation non interrompue de son oeuvre, mais nous sommes forcés de leur donner le premier sens, parce que Notre-Seigneur dit expressément: «Il ne cesse d'opérer jusqu'à présent, depuis le jour qu'il a créé toutes choses.

S. Aug. (Traité 17) Notre-Seigneur semble donc dire aux Juifs: Pourquoi vouloir que je ne fasse rien le jour du sabbat? La loi qui vous ordonne de garderie jour du sabbat vous a été donnée en figure de ce que je devais faire. Vous considérez les oeuvres de Dieu, c'est par moi que toutes choses ont été faites. Mon Père a créé la lumière mais en disant: «Que la lumière soit». S'il a dit cette parole, c'est par son Verbe qu'il a créé la lumière, et c'est moi qui suis son Verbe. Mon Père a donc agi lorsqu'il a créé le monde, et il agit encore en le gouvernant; donc c'est par moi qu'il a créé le monde lorsqu'il l'a tiré du néant, et c'est par moi qu'il le gouverne, lorsqu'il lui fait sentir les effets de son action providentielle.

S. Chrys. Lorsque Jésus-Christ avait à défendre ses disciples contre le même grief, il produisait l'exemple de David comme eux serviteur de Dieu; mais lorsque lui-même est en cause, il invoque l'exemple de son Père. Remarquons que ce n'est ni comme homme exclusivement, ni comme Dieu qu'il se justifie, mais tantôt sous un rapport, tantôt sous un autre, car il voulait que le mystère de ses humiliations fût l'objet de la foi comme le mystère de sa divinité. Il établit donc ici sa parfaite égalité aveu son Père, et en l'appelant son Père d'une manière toute spéciale (il dit en effet: «Mon Père»), et en faisant les mêmes choses que lui: («Et moi aussi j'agis sans cesse»). «Aussi les Juifs cherchaient encore plus à le faire mourir, p arce que non content de violer le sabbat, il disait encore que Dieu était son Père, se faisant ainsi égal à Dieu». - S. Aug. (Traité 17). Ce n'était pas d'une manière quelconque, mais dans quel sens? «En se faisant égal à Dieu». Nous disons tous à Dieu: «Notre Père qui êtes aux cieux»; nous lisons dans Isaïe, que les Juifs lui disaient: «Vous êtes notre Père». Ce qui les irritait n'était donc pas qu'il appelait Dieu son Père, mais de ce qu'il le faisait dans un autre sens que le reste des hommes. - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 4, 10). En disant: «Mon Père continue d'agir jusqu'à présent, et moi aussi j'agis sans cesse»; il a voulu prouver qu'il était égal à son Père, car il donne comme conséquence que le Fils agit, parce que le Père agit lui-même, et que le Père ne peut agir sans le Fils. - S. Chrys. (hom. 38 sur S. Jean). Si Jésus n'était pas le Fils naturel et consubstantiel au Père, sa justification serait pire que le crime qu'on lui reproche. Un préfet, un gouverneur qui transgresserait un décret royal, ne pourrait se justifier en disant que le roi lui-même transgresse la loi. Mais comme ici la dignité du fils est égal à celle du Père, la justification ne laisse rien à désirer. Le Père qui continue d'agir le jour même du sabbat est à l'abr i de tout reproche, il en est de même du Fils. - S. Aug. (Traité 17). Voici que les Juifs comprennent ce que les ariens ne veulent point comprendre; les ariens prétendent que le Fils n'est pas égal au Père, et de là vient cette hérésie qui afflige l'Eglise.

S. Chrys. (hom. 38). Ceux qui ne veulent pas interpréter ces paroles avec un esprit droit, disent que Jésus-Christ ne s'est pas fait égal à Dieu, mais que c'était là un simple soupçon des Juifs. Raisonnons ici d'après ce que nous avons dit plus haut. Il est incontestable que les Juifs poursuivaient Jésus-Christ, et parce qu'il transgressait la loi du sabbat, et parce qu'il disait que Dieu était son Père; donc les paroles qui suivent: «En se faisant égal à Dieu», doivent être entendues dans le même sens que celles qui précèdent, c'est-à-dire dans le sens littéral.

S. Hil. (de la Trin., 7) Quel est ici le dessein de l'Évangéliste? C'est évidemment de faire connaître la cause pour laquelle les Juifs voulaient faire mourir Notre-Seigneur. - S. Chrys. (hom. 38). Si Notre-Seigneur n'avait pas voulu établir clairement cette vérité, et que ce ne fût là qu'un vain soupçon des Juifs, il ne les eût pas laissés dans cette erreur, et il se fût empressé de la combattre. L'Évangéliste lui-même n'aurait point omis cette circonstance, et il eût fait comme dans une autre occasion où Jésus avait dit aux Juifs: «Détruisez ce temple». - S. Aug. (Traité 17). Cependant les Juifs ne comprirent pas qu'il était le Christ, ni qu'il était le fils de Dieu; mais ils comprirent que Jésus leur parlait d'un Fils de Dieu qui était égal à Dieu. Quel était ce Fils de Dieu? ils ne le savaient pas, ils comprenaient cependant qu'il se disait le Fils de Dieu, c'est pour cela que l'Évangéliste ajoute: «Se faisant égal à Dieu».Or, ce n'est pas lui qui se faisait égal à Dieu, c'est Dieu qui l'avait engendré égal et consubstantiel à lui-même.


vv. 19-20

12519 Jn 5,19-20

S. Hil. (de la Trin., 7) Au reproche qui lui est fait de violer le sabbat, Notre-Seigneur avait répondu: «Mon Père continue d'agir jusqu'à présent, et moi aussi j'agis sans cesse», voulant leur faire comprendre qu'il s'appuyait sur l'autorité d'un si grand exemple, et tout à la fois que ce qu'il faisait était l'oeuvre du Père, parce que le Père-agissait en lui lorsque lui-même agissait. A l'accusation que leur inspire leur jalousie, qu'il se faisait égal à Dieu, en l'appelant son Père, il répond en confirmant la vérité de sa naissance divine et l'excellence de sa nature: «Jésus donc leur dit: En vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait». - S. Aug. (Traité 18). Il en est qui revendiquant le nom de chrétiens (les hérétiques ariens), tout en affirmant que le Fils de Dieu fait homme est inférieur à son Père, veulent appuyer leur sacrilège erreur sur ces paroles et nous tiennent ce langage: Vous voyez que lorsque le Seigneur Jésus s'aperçut que les Juifs étaient indignés de ce qu'il se faisait égal à son Père, il s'empresse de détruire dans leur esprit toute idée d'égalité parfaite; car, ajoutent-ils, celui qui ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait, lui est nécessairement inférieur et ne peut être son égal. Or, si le Verbe était Dieu, il y a donc un Dieu suprême, un Dieu inférieur, et nous adorons deux Dieux, et non pas un seul Dieu. - S. Hil. (de la Trin., 7) Notre-Seigneur dit que le Fils ne peut rien faire de lui-même, afin que cette égalité qu'il proclamait exister entre lui et son Père, ne pût détruire dans leur esprit la distinction d'avec le Père que lui donne sa naissance. - S. Aug. (Traité 20). Voici le vrai sens de ces paroles: Pourquoi vous scandaliser de ce que j'ai appelé Dieu mon Père, et de ce que je me déclare égal à Dieu? Je suis son égal, mais tout en étant engendré par lui; je suis son égal, mais de telle sorte que ce n'est pas lui qui vient de moi, mais moi qui viens de lui. Pour le Fils, être et pouvoir c'est une seule et même chose, et comme le Fils tire sa substance du Père, la puissance du Fils vient également du Père. Donc puisque le Fils ne vient pas de lui-même, il ne peut rien aussi de lui-même. Et c'est ainsi que le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait: voir pour le Fils, c'est la même chose qu'être engendré du Père, la vision pour lui n'est pas différente de la substance. Tout ce qu'il est, c'est du Père qu'il le tient.

S. Hil. (de la Trin., 7) Pour conserver l'ordre qui doit exister dans notre confession de foi au Père et au Fils, Notre-Seigneur nous expose le mystère de sa naissance qui lui communique la puissance d'agir, non par un accroissement successif des forces nécessaires pour chaque action en particulier, mais en faisant découler ce pouvoir de la connaissance. Et encore, cette connaissance n'est-elle point produite par la vue d'une oeuvre matérielle, que le Fils ferait après l'avoir vu faire à son Père; le Fils est né du Père, et c'est par la certitude qu'il a de posséder en lui la nature et la puissance du Père, qu'il atteste que le Fils ne fait que ce qu'il voit faire au Père. Car Dieu ne voit pas comme nous par les yeux du corps, mais sa vue est tout entière dans la vertu de sa nature.

S. Aug. (de la Trin., chap. 1) Si nous croyons que ces paroles signifient que le Fils de Dieu en tant qu'il s'est revêtu d'une forme humaine est inférieur au Père, il nous faudra comme conséquence admettre que le Père a marché le premier sur les eaux, et qu'il a commencé aussi par faire toutes les actions que le Fils a faites dans sa vie mortelle, en prenant exemple sur son Père; mais qui serait assez insensé pour admettre une semblable opinion? - S. Aug. (Traités 20 et 21 sur S. Jean). Lorsque le Sauveur marchait sur la mer, c'était le Père qui agissait par le Fils, car lorsque le corps marchait dirigé par la divinité du Fils, le Père n'était pas absent, puisque le Fils dit expressément: «Le Père qui demeure en moi, fait lui-même les oeuvres que je fais» (Jn 14, 2). Or, comme ces paroles: «Le Fils ne peut rien faire de lui-même», pouvaient donner lieu à une interprétation toute matérielle d'après laquelle on se représenterait deux ouvriers l'un maître et l'autre disciple, l'un prenant exactement modèle sur l'autre avant de construire un meuble quelconque, Notre-Seigneur ajoute: «Car tout ce que faille Père, le Fils le fait pareillement». Il ne dit point: Toutes les choses que fait le Père, le Fils en fait de semblables, mais il fait absolument les mêmes choses: C'est le Père qui a fait le monde, le Fils qui a fait le monde, le Saint-Esprit qui a fait le monde. Si le Père, le Fils, le Saint-Esprit ne font qu'un seul Dieu, c'est donc le Père qui a fait le seul et même monde par le Fils dans le Saint-Esprit. Le Fils fait donc les mêmes choses que le Père. Notre-Seigneur ajoute: Il les fait pareillement pour prévenir une autre erreur qui pourrait s'élever dans l'esprit. Notre corps paraît faire les mêmes choses que notre âme, mais il ne les fait point pareillement, l'âme commande au corps, mais il y a une grande différence entre le corps et l'âme; le corps est visible, l'âme est invisible. Le maître du corps fait une action, le serviteur fait la même action, mais c'est du maître que le serviteur a reçu le moyen de faire cette action; tous deux l'ont faite, mais tous deux ne l'ont pas faite semblablement. Il n'en est pas ainsi du Père et du Fils, il fait les mêmes choses, et il les fait semblablement, c'est-à-dire qu'il nous faut comprendre que le Fils fait les mêmes choses que le Père, avec la même puissance, avec la même sagesse et par la même opération, et que par conséquent le Fils est égal au Père.

S. Hil. (de la Trin., 7) Ou bien encore: Notre-Seigneur dit qu'il fait toutes choses et les mêmes choses pour exprimer la puissance de la nature divine. C'est la même nature dans le Père et le Fils puisqu'il n'appartient qu'à la même nature de pouvoir absolument les mêmes choses. Mais puisque le Fils fait pareillement les mêmes choses, cette ressemblance dans la manière de faire les oeuvres exclut l'identité de celui qui agit. Tels sont donc les enseignements de la vraie foi qui nous montrent dans un même passage l'identité de nature dans ces mots: «Les mêmes oeuvres», et la distinction du Fils par sa naissance dans cette expression: «Il les fait pareillement».

S. Chrys. (hom. 38). On peut encore donner une autre interprétation de tout ce passage: «Le Fils ne peut rien faire de lui-même», en ce sens qu'il ne peut rien faire qui soit en opposition, en désaccord avec lePère. Et il ne dit point qu'il ne fait rien de contraire, mais qu'il ne peut rien faire, pour montrer l'égalité absolue du Père et du Fils. Ce n'est donc point la faiblesse du Fils mais sa puissance toute divine qui ressort de ces paroles. Ainsi lorsque nous disons: Il est impossible que Dieu commette le péché, nous n'accusons pas s on impuissance, mais nous attestons sa puissance ineffable; ainsi lorsquele Fils dit: «Je ne puis rien faire de moi-même», il nous déclare qu'il est impossible qu'il fasse quelque chose de contraire à son Père.
- S. Aug. (Contre les Ariens, chap. 14) Ces paroles n'accusent donc pas un défaut de puissance dans le Fils, mais sont une attestation de la filiation divine qu'il a reçue du Père, et il est aussi glorieux au Tout-Puissant de ne pouvoir changer, qu'il lui est glorieux de ne pouvoir mourir. Le Fils pourrait faire ce qu'il n'aurait pas vu faire au Père, s'il pouvait faire ce que le Père ne fait point par le Fils; c'est-à-dire s'il pouvait pécher, ce qui ne peut convenir à cette nature immuablement bonne que le Père a engendrée; donc pour lui ne pouvoir pécher, ce n'est pas défaut de pouvoir, c'est an contraire un signe de puissance.

S. Chrys. (hom. 38). Les paroles qui suivent viennent confirmer cette interprétation: «Car tout ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement». C'est-à-dire si le Père fait toutes choses par lui-même, le Fils les fait également par lui-même, suivant la signification de cette parole: «Pareillement, de la même manière». Vous voyez quelle doctrine relevée sous ces expressions si simples; et il ne faut pas vous étonner de la simplicité, de l'humilité même du langage du Sauveur, car il s'exprime de la sorte par ménagement pour ses ennemis qui le poursuivaient à cause des hautes vérités qu'ils entendaient, et parce qu'ils le regardaient comme étant en opposition avec Dieu.

S. Aug. (Traité 21) Après avoir dit qu'il faisait les mêmes choses que fait le Père et qu'il les fait de la même manière, Notre-Seigneur ajoute: «Car le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu'il fait», ce qui parait se rapporter à ce qu'il a dit plus haut: «Le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait, parce que le Père lui montre tout ce qu'il fait lui-même». Mais la pensée de l'homme se trouble encore à ces paroles, et je l'entends dire: Le Père agit donc séparément, pour que le Fils puisse voir ce que fait le Père, de même qu'un ouvrier qui veut apprendre son art à son fils, lui enmontre tous les secrets, afin qu'il puisse faire lui même tout ce qu'il voit faire à son père? Ainsi le Fils n'agirait pas en même temps que le Père, puisqu'il doit voir d'abord ce que fait son Père? (Traité 19). Si nous admettons comme une vérité certaine et incontestable que le Père fait tout par le Fils, nous devons admettre qu'il lui montre ce qu'il fait avant d'agir. (Traité 21) D'ailleurs où le Père montre-t-il à son Fils tout ce qu'il fait, si ce n'est dans son Fils par lequel ilfait toutes choses? Car si le Père donne un modèle au Fils en ce sens que les yeux du Fils sont fixés sur les mains du Père pour voir comment il agit, comment comprendre alors l'indivisible Trinité? (Traité23). Ce n'est donc point en agissant que le Père montre au Fils ce qu'il fait; c'est en faisant cette démonstration qu'il agit par le Fils: le Fils voit ce que le Père lui montre avant d'agir, et c'est de la démonstration du Père et de la vue du Fils que résulte l'action que le Père fait par le Fils. Vous me direz: Je montre à mon fils ce que je veux faire, et il le fait, et c'est moi qui, pour ainsi parler, le fait par lui. La différence ici est énorme, car avant d'agir, vous montrez à votre Fils ce que vous vous voulez faire afin que se guidant sur cet exemple que vous lui donnez avant d'agir, il se conforme parfaitement au modèle que vous lui donnez, et que vous agissiez par lui. Mais pour cela, il vous faut adresser à votre fils des paroles différentes de ce que vous êtes, différentes de ce qu'il est lui-même. Dieu le Père se serait-il servi aussi d'une parole étrangère pour parler à son Fils? Mais le Fils est le Verbe du Père; se servirait-il du Verbe pour parler au Verbe? Ou bien, comme le Fils est la parole par excellence du Père, faut-il admettre entre le Père et le Fils un échange de paroles d'un ordre inférieur? Peut-on supposer qu'un son créé et passager est sorti de la bouche du Père pour aller frapper l'oreille du Fils? Eloignez toute image corporelle, ne voyez ici que la simplicité, si vous-même vous êtes simple. Si vous ne pouvez comprendre ce que c'est que Dieu, comprenez du moins ce qu'il n'est pas: vous aurez beaucoup gagné, si vous n'avez pas sur Dieu des pensées contraires à sa nature divine. Considérez dans votre âme une image de la vérité que je veux vous expliquer. Dans votre âme je vois la mémoire et la pensée. Votre mémoire présente la ville de Carthage à votre pensée et montre à votre intelligence attentive ce qui existait dans Carthage avant que votre attention se tournât de ce côté. Voilà donc tout à la fois et la démonstration de la mémoire, et la vue de l'intelligence, et tout cela sans aucun échange de paroles, sans qu'on ait fait usage d'aucun signe extérieur; et cependant tout ce que vous possédez dans votre mémoire, vous l'avez reçu du dehors. Le Père au contraire n'a point reçu du dehors ce qu'il montre au Fils, tout ici se fait à l'intérieur; car aucune créature n'existerait au dehors, si elle n'avait reçu l'existence du Père par le Fils, et c'est en la montrant à son Fils que le Père l'a créée, parce qu'il l'a créée par son Fils au même moment qu'il la voyait. Le Père engendre donc la vision d u Fils, de la même manière qu'il engendre le Fils, et c'est la démonstration du Père qui engendre la vision du Fils, ce n'est pas la vision qui engendre la démonstration. Si l'oeil de notre âme plus épuré pouvait pénétrer plus avant dans ces profondeurs, nous découvririons peut-être que le Père n'est point différent de l'acte par lequel il montre à son Fils, de même que le Fils n'est point différent de l'acte par lequel il voit ce qui lui est montré.

S. Hil. (de la Trin., 7) Ce n'est donc point par ignorance, gardons-nous bien de le croire, que le Fils unique de Dieu a besoin de cette révélation, et cette expression ne doit réveiller dans notre esprit d'autre idée que la foi à la naissance du Fils, foi en vertu de laquelle nous croyons que le Fils est sorti de toute éternité du sein de Dieu toujours existant. - S. Aug. (Traité 21). A l'égard du Fils, voir le Père c'est la même chose qu'être Fils. Le Père montre donc tout ce qu'il fait à son Fils, et c'est du Père qu'il reçoit la connaissance de toutes choses, voir et naître sont une même chose pour le Fils, et il tire la connaissance de toutes choses du même principe qui lui communique l'être, la naissance et l'existence éternelle.

S. Hil. (de la Trin., 7) La parole divine est pleine ici de prudence et de circonspection, de peur que l'ambiguïté des termes ne donne l'idée de deux natures différentes. Voilà pourquoi elle nous dit que les oeuvres du Père ont été révélées au Fils, et non pas qu'il a reçu pour les opérer une nature et une force particulières. Ainsi cette révélation du Père au Fils c'est la génération elle-même du Fils, à qui l'amour du Père communique par cette génération elle-même la connaissance des oeuvres qu'il veut faire par lui.

S. Aug. (Traité 21) Mais voici que celui que nous avons dit coéternel au Père, contemplant le Père, et le contemplant par l'acte même de sa génération, nous parle encore de succession de temps: «Et il lui montrera des oeuvres plus grandes que celles-ci». S'il les lui montrera, Ou bien s'il doit les lui montrer, il ne les a donc pas encore montrées, et il les montrera au Fils en même temps qu'à ceux qui l'écoutent: «Afin que vous les admiriez», ajoute Notre-Seigneur. (Traité 19). Il est assez difficile de comprendre comment le Père éternel peut révéler dans le temps d e nouvelles choses à son Fils qui lui est coéternel, et qui connaît tout ce qui existe dans le Père. Quelles sont ces oeuvres plus grandes? la suite nous l'apprend: «Car comme le Père ressuscite les morts et leur donne la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il veut». C'est une oeuvre plus grande, en effet, de ressusciter les morts que de guérir les malades. (Traité 21). Celui qui jusque-là avait parlé comme Dieu, commence ici à parler comme homme. (Traité 23). Dieu montrera donc dans le temps à son Fils fait homme, des oeuvres plus grandes, c'est-à-dire la résurrection des corps; car les corps ressusciteront par suite de la divine économie de l'incarnation du Fils de Dieu dans le temps, tandis que les âmes ressusciteront par la vertu de la nature éternelle de Dieu. C'est par la participation à la nature de Dieu, que l'âme arrive au bonheur; ce n'est point en entrant en participation avec une âme sainte, qu'une âme faible peut obtenir la félicité. De même que l'âme (qui est inférieure à Dieu), communique la vie au corps qui lui est inférieur, il n'y a qu'un être supérieur à l'âme, c'est-à-dire, Dieu qui puisse lui communiquer la vie bienheureuse. Voilà pourquoi Notre-Seigneur a dit précédemment que le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu'il fait; le Père montre au Fils comment les âmes ressuscitent, car c'est par le Père et le Fils qu'elles sont arrachées à la mort, et elles ne peuvent vivre qu'à la condition que Dieu soit leur vie. (Traité 21) On peut dire encore que ce n'est pas précisément au Fils que le Père doit faire cette révélation, voilà pourquoi le Sauveur ajoute: «Afin que vous les admiriez», paroles qui sont l'explication de celles qui précèdent: «Et il vous montrera des oeuvres plus grandes encore, a Mais pourquoi n'a-t-il pas dit: Il vous montrera, au lieu de :«II montrera au Fils ?»C'est parce que nous sommes les membres de son Fils, et il apprend pour ainsi dire de la même manière, qu'il souffre dans ses membres. Il nous a dit: «Lorsque vous donnez au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous donnez» (Mt 25); de même, si nous lui demandons: Comment pouvez-vous apprendre, vous qui enseignez toutes choses? il nous répondra: «Lorsque l'un des plus petits d'entre les miens apprend, c'est moi-même qui apprends».


vv. 21-23

12521 Jn 5,21-23

S. Aug. (Traité 21). Le Sauveur venait de dire que le Père devait montrer à son Fils des oeuvres plus grandes encore, il explique maintenant quelles sont ces oeuvres: «Car comme le Père ressuscite les morts»,etc. Evidemment, ces oeuvres sont plus grandes, car c'est un plus grand miracle de ressusciter un mort, que de rendre la santé à un malade. Il ne faut pas entendre ces paroles dans ce sens que les uns soient ressuscites par le Père, et les autres par le Fils; car le Fils ressuscite et vivifie ceux-là mêmes que le Père ressuscite et rend à la vie. Et pour qu'on ne dise pas: Le Père ressuscite les morts par le Fils, celui-ci en vertu de sa propre puissance, celui-là par le moyen d'une puissance étrangère, et comme le serviteur fait l'oeuvre de son maître, il établit clairement la puissance du Fils en disant: «Ainsi le Fils donne la vie à qui il veut». (Traité 19). Ne séparez donc pas ici la puissance du Fils de sa volonté, le Père et le Fils ont une même puissance et une même volonté. (Traité 21). Le Père n'a d'autre volonté que celle du Fils, ils n'ont qu'une seule et même volonté, comme ils n'ont qu'une seule et même nature. - S. Hil. (de la Trinit., 7) Vouloir est un effet de la liberté de la nature, et cette liberté concourt avec la volonté du libre arbitre à conduire à la parfaite félicité.

S. Aug. (Traité 21) Mais quels sont ces morts à qui le Père et le Fils rendent la vie? Notre-Seigneur veut parler ici de la résurrection des morts, qui est l'objet commun de notre espérance; non cette résurrection des morts qu'il a rappelés à la vie pour amener à la foi ceux qui en étaient témoins: Lazare, par exemple, qui ressuscita, mais pour être encore victime de la mort, tandis que pour nous, nous ressusciterons un jour pour vivre éternellement avec Jésus-Christ. Ces paroles: «Comme le Père ressuscite et vivifie les morts», ne s'appliquent donc pas aux résurrections miraculeuses qu'il a opérées pendant sa vie mortelle, mais à la résurrection qui sera suivie de la vie éternelle; et Notre-Seigneur prend soin d'établir cette vérité en ajoutant: «Car le Père ne juge personne», etc., preuve évidente qu'il a voulu parler de la résurrection des morts, qui doit avoir lieu lors du jugement dernier. (Traité 23). On peut dire encore que ces paroles: «Comme le Père ressuscite les morts», etc., doivent s'entendre de la résurrection des âmes, et ces autres: «Le Père ne juge personne,» etc., de la résurrection des corps. En effet, la résurrection des âmes est l'oeuvre de la puissance éternelle du Père et du Fils, et elle exige le concours simultané du Père et du Fils. La résurrection des corps, au contraire, est le fruit de l'incarnation du Fils de Dieu, incarnation qui n'est pas coéternelle au Père. (Traité 21). Voyez comme la parole de Jésus-Christ dirige et conduit notre âme d'une pensée à une autre, et ne le laisse pas s'arrêter dans des idées exclusivement matérielles; elle l'exerce par cette conduite, elle la purifie par cet exercice, et en la purifiant, elle la rend capable de recevoir la grâce divine qui doit la remplir. Notre-Seigneur avait dit précédemment: «Le Père montre au Fils tout ce qu'il fait», c'est-à-dire que le Père agissait, et que le Fils semblait attendre. Ici, je vois le Fils qui agit seul, à l'exclusion, ce semble, du Père. - S. Aug. (de la Trin., 1, 13). Ces paroles: «Il a donné tout jugement au Fils», ne doivent pas s'entendre dans le même sens que ces autres: «Il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même»,qui expriment la génération éternelle du Fils. Si ces deux pa ssages devaient s'entendre dans le même sens, le Sauveur n'aurait pas dit: «Le Père ne juge personne», car le fait seul pour le Père de la génération d'un Fils qui lui est égal, entraîne nécessairement le pouvoir de juger avec lui. Ces paroles signifient donc qu'au jour du jugement, ce ne sera pas la nature divine, mais la forme du Fils del'homme qui apparaîtra. Il ne faut pas en conclure que celui qui a donné tout jugement au Fils, sera privé du droit déjuger lui-même, parce que le Fils a dit de lui: «Il est quelqu'un qui en prendra soin (de ma gloire), et qui jugera» (Jn 8, 50). Ces paroles: «Le Père ne juge personne», signifient donc simplement: Personne ne verra le Père au jour du jugement, mais tous verront le Fils, parce qu'il est le Fils de l'homme, et qu'il sera vu même des impies qui jetteront les yeux sur celui qu'ils auront percé de plaies. (Za 12, 10. ) - S. Hil. (de la Trin., 7) Ou bien encore, Notre-Seigneur ne voulant pas que ces paroles: «Le Fils donne la vie à qui il veut», fussent prises comme une négation de sa génération divine, et comme une preuve que sa puissance ainsi que sa nature ne venaient que de lui-même, il ajoute aussitôt: «Le Père ne juge personne,» etc. Dans ces seules paroles: «Il a donné tout jugement au Fils», nous voyons tout à la fois la nature divine du Fils de Dieu et sa génération; car la nature divine seule peut tout avoir, et celui qui est engendré ne peut rien avoir qu'il n'ait reçu. - S. Chrys. (hom. 39). De même qu'il lui a donné la vie, c'est-à-dire qu'il l'a engendré vivant, ainsi lui a-t-il donné tonte puissance pour juger, c'est-à-dire qu'il lui a communiqué cette puissance avec la génération. II se sert ici du mot «il a donné,» pour éloigner toute idée qui exclurait la génération, ou supposerait l'existence de deux Pères. Il dit: «Toute puissance de juger», parce qu'il est le maître de punir et de récompenser selon son bon plaisir. - S. Hil, (de la Trin., 7) «Il lui a donné toute puissance de juger», parce que le Fils donne la vie à qui il lui plait, mais il ne faut pas croire que le Père soit privé de la puissance de juger, parce qu'il ne juge pas lui-même, car le pouvoir judiciaire du Fils vient du pouvoir du Père qui a donné au Fils toute puissance de juger, et Notre-Seigneur fait connaître la raison de cette puissance qui lui est donnée: «Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père».

S. Chrys. (hom. 39). De ce que le Père est le principe de l'existence et de la puissance du Fils, ne concluez pas que le Fils soit d'une nature différente et n'ait point droit au même honneur, car Notre-Seigneur unit étroitement l'honneur du Fils à l'honneur du Père, et il établit clairement que l'honneur qui est dû au Père, est le même qui est dû au Fils. Dirons-nous pour cela que le Fils est le Père? Non, sans doute, celui qui lui donne le nom de Père, n'honore pas encore le Fils comme le Père, mais les confond tous deux ensemble. - S. Aug. (Traité 21). Pendant sa vie mortelle, le Fils ne paraissait que comme un serviteur, le Père recevait les honneurs dus à Dieu, mais après le jugement, le Fils apparaîtra comme l'égal de son Père, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. (Traité 19). Mais s'il en étaient qui honorent le Père sans honorer le Fils? Cela est impossible: «Celui qui n'honore pas le Fils, poursuit Notre-Seigneur, n'honore pas le Père qui l'a envoyé». Autre chose est de considérer Dieu en tant qu'il est Dieu, autre chose est de le considérer en tant qu'il est Père. Lorsqu'on vous le fait considérer comme Dieu, vous vous le représentez comme un être tout-puissant, comme un esprit souverain, éternel, invisible, immuable. Mais lorsqu'on vous le fait considérer comme Père, cette idée réveille aussitôt dans votre esprit l'idée de Fils, puisqu'on ne peut lui donner le nom de Père, que parce qu'il a un Fils. Et si vous veniez à honorer le Père comme plus grand que le Fils, et le Fils comme lui étant inférieur, vous diminuez la gloire du Père en diminuant l'honneur que vous rendez au Fils. Car quelle est alors votre pensée, c'est que le Père n'a pas voulu, ou qu'il n'a pu engendrer un Fils qui lui fût égal; s'il n'a pas voulu, ce serait donc qu'il lui aurait envié l'existence, s'il ne l'a pu, c'est une preuve d'impuissance. (Traités 23) Ou bien encore, ces paroles: «Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père», se rapportent à la résurrection des âmes que le Fils opère simultanément avec le Père, tandis que les paroles qui suivent: «Celui qui n'honore pas le Fils, n'honore pas le Père», se rapportent à la résurrection des corps. Ici Notre-Seigneur ne dit pas: De la même manière que le Père, parce que Jésus-Christ en tant qu'homme n'a pas droit aux mêmes honneurs que Dieu le Père. (Traité 21). Vous me direz: Le Fils a été envoyé, il est donc inférieur au Père qui l'a envoyé? Eloignez de votre esprit toute idée charnelle, et comprenez qu'il y a eu mission, mais non point séparation; les choses humaines nous induisent en erreur, les vérités divines purifient notre intelligence, bien qu'ici les choses humaines rendent témoignage contre elles-mêmes. Un homme veut demander une femme en mariage, il ne peut le faire par lui-même, il charge un ami plus puissant que lui de faire cette demande. Et cependant remarquez la différence qui existe dans les choses humaines, un homme ne va pas avec celui qu'il envoie, tandis que le Père, qui envoie le Fils, ne se sépare pas de lui, comme le déclare Notre-Seigneur: «Je ne suis pas seul, parce que mon Père est avec moi» (Jn 16, 32). - S. Aug. (de la Trin., 4, 20). Ce n'est pas précisément parce que le Fils est engendré du Père, que les Écritures disent que le Fils est envoyé, mais parce qu'il s'est manifesté au monde, lorsque le Verbe s'est fait chair, ce qui lui fait dire: «Je suis sorti de mon Père, et je suis venu en ce monde»; (Jn 16, 28) ou bien, parce qu'il est successivement envoyé et reçu dans le coeur des fidèles suivant cette parole: «Envoyez-la du ciel (votre sagesse), et du trône de votre grandeur, afin qu'elle soit avec moi, et qu'elle agisse avec moi». (Sag., 9, 10). - S. Hil. (de la Trin). Toute issue est donc fermée aux inventions sataniques de l'hérésie. Jésus est le Fils de Dieu, parce qu'il ne fait rien de lui-même; il est Dieu, parce qu'il fait tout ce que fait le Père, il ne fait qu'un avec le Père, parce qu'ils ont droit aux mêmes honneurs, et cependant il n'est point le Père, parce qu'il est envoyé.



Catena Aurea 12514