Catena Aurea 12615

vv. 15-21

12615 Jn 6,15-21

Bède. A la vue d'un si grand miracle, le peuple comprit que Jésus réunissait la puissance à la bonté, et il voulut le faire roi, car les hommes veulent dans les princes qui sont à leur tête la bonté dans le gouvernement, jointe à la puissance pour les défendre. Mais aussitôt que le Sauveur en eut connaissance, il s'enfuit sur la montagne, c'est-à-dire, qu'il se retira promptement; «Jésus ayant connu qu'ils devaient venir pour l'enlever et le faire roi, s'enfuit de nouveau sur la montagne tout seul»; on peut conclure de là que Notre-Seigneur, qui était d'abord assis avec ses disciples sur la montagne d'où il vit la multitude qui venait à lui, était descendu ensuite de la montagne et avait nourri le peuple dans la plaine, car comment aurait-il pu se retirer de nouveau sur la montagne s'il n'en était d'abord descendu ?

S. Aug. (de l'acc. des Evang). Le récit de saint Jean n'est point ici en contradiction avec celui de saint Matthieu, qui nous dit que: «Jésus monta seul sur la montagne pour prier» (Mt 4). Car ces deux motifs prier et fuir ne s'excluent pas, bien au contraire, Notre-Seigneur nous enseigne que c'est surtout lorsque nous sommes dans la nécessité de fuir qu'il nous faut recourir à la prière. - S. Aug. (Traité 25). Notre-Seigneur était roi, et cependant il craint de devenir roi, parce que sa royauté n'était pas de celle que peuvent donner les hommes, mais bien plutôt une royauté qu'il voulait communiquer aux hommes. En effet, comme Fils de Dieu, il ne cesse de régner avec son Père. Les prophètes ont aussi prédit son règne comme Fils de Dieu fait homme, il a fait chrétiens ceux qui ont cru en lui, et ce sont ceux qui composent son royaume, royaume qui sur la terre se forme et s'achète au prix du sang de Jésus-Christ. Un jour viendra où ce royaume disparaîtra dans toute sa splendeur, lorsqu'après le jugement dernier, la gloire des saints brillera de tout son éclat. Or, ses disciples et la multitude qui croyait en lui, pensaient que sa venue sur la terre avait pour objet l'établissement de ce royaume.

S. Chrys. (hom. 42 et 43). Voyez quelle est la puissance de la sensualité. Il n'est plus question pour eux de la transgression du sabbat, tout leur zèle pour Dieu s'est évanoui, ils sont rassasiés, tout est oublié; Jésus est pour eux un prophète et ils veulent le faire roi et le mettre sur le trône. Mais Jésus-Christ se dérobe à leurs désirs, et nous apprend ainsi à mépriser les honneurs du monde. Jésus laisse donc ses disciples et se retire sur la montagne. Les disciples voyant que le Sauveur les avait quittés, descendirent vers la mer, lorsque le soir fut venu, comme le fait remarquer l'Évangéliste. Ils l'attendirent jusqu'au soir, espérant toujours qu'il viendrait les retrouver, mais le soir venu, ils ne peuvent résister davantage au désir de le chercher, tant était grand leur amour pour leur divin Maître ! et cet amour les porte à monter dans une barque pour aller à sa rencontre: «Et étant montés dans une barque, ils naviguèrent vers l'autre bord pour arriver à Capharnaüm, espérant qu'ils l'y trouveraient.

S. Aug. (Traité 24). L'Évangéliste fait connaître d'abord le but de leur voyage, avant d'exposer quels en furent les incidents. Ils traversèrent le lac, et saint Jean raconte comme par récapitulation ce qui arriva pendant la traversée: «Il faisait déjà nuit, et Jésus n'était pas encore venu à eux».

S. Chrys. (hom. 42 sur S. Jean). C'est avec dessein que l'Évangéliste précise le moment de la traversée, il veut faire ressortir la vivacité de leur amour pour Jésus-Christ. Ils ne disent pas: Le soir est venu, la nuit se fait, leur amour les pousse à s'embarquer malgré tous les obstacles qui se présentaient, d'abord le temps: «Il faisait déjà nuit», puis la tempête: «La mer soulevée par un grand vent s'enflait»; enfin le lieu où ils se trouvaient, la terre était fort éloignée: «Lorsqu'ils eurent ramé environ vingt-cinq ou trente stades». - Bède. Nous employons cette locution lorsque nous sommes dans le doute, à peu près vingt-cinq ou trente. - S. Chrys. (hom. 43). Une dernière difficulté, c'est l'apparition inattendue du Sauveur: «Ils virent Jésus marchant sur la mer et s'approchant de la barque, et ils eurent peur». Il leur apparaît après les avoir quittés, il veut leur apprendre d'un côté ce que c'est que l'abandon et le délaissement, et rendre leur amour plus vif; et de l'autre, leur manifester sa toute-puissance. Cette apparition est pour eux une cause d'effroi: «Et ils eurent peur», dit l'Évangéliste. Aussi Notre-Seigneur s'empresse de dissiper leur frayeur et de relever leur courage: «Mais il leur dit: C'est moi, ne craignez point». - Bède. Il ne leur dit point: Je suis Jésus, mais simplement: «C'est moi», parce qu'ils vivaient dans son intimité, et qu'au seul son de sa voix, ils purent facilement reconnaître leur maître; ou bien, ce qui est plus vraisemblable, il voulut leur apprendre qu'il était celui qui dit à Moïse: «Je suis celui qui suis» (Ex 3, 14).

S. Chrys. (hom. 43). Le Sauveur voulut apparaître aux yeux de ses disciples pour les convaincre que c'était lui-même qui allait apaiser la tempête, circonstance que l'Évangéliste nous fait comprendre, en ajoutant: «Ils voulurent le prendre dans leur barque, et aussitôt ils abordèrent au rivage vers lequel ils se dirigeaient». C'est donc à Jésus qu'ils fure nt redevables de cette heureuse traversée. Cependant il ne voulut point monter dans la barque pour faire mieux ressortir la grandeur du miracle et la puissance divine qui l'opérait. - Théophyl. Vous voyez ici, en effet, trois miracles réunis: Jésus marche sur la mer, il calme la fureur des flots, et fait aborder aussitôt la barque au rivage dont les disciples étaient encore fort éloignés, lorsque le Seigneur apparut. - S. Chrys. (hom. 43). Jésus ne permit pas que la foule le vît marcher sur la mer, parce que ce miracle était au-dessus de sa portée, il ne voulut pas même qu'il se prolongeât longtemps aux yeux de ses disciples, et il disparut presque aussitôt de leurs regards.

S. Aug. (de l'accord des Evang., 1, 47) D'après saint Matthieu, Jésus ordonna d'abord à ses disciples de monter dans une barque, de le devancer au delà du lac, et d'attendre là qu'il eût congédié la foule; et après l'avoir congédiée, il se retire seul sur la montagne pour prier. Saint Jean, au contraire, rapporte que le Sauveur s'enfuit aussitôt sur la montagne, et il ajoute: «Le soir étant venu, ses disciples descendirent vers la mer, et lorsqu'ils furent montés dans une barque», etc. Mais il n'y a ici aucune contradiction, car qui ne voit que saint Jean raconte par récapitulation, comme ayant été fait par les disciples, ce que Jésus leur avait ordonné avant de se retirer sur la montagne? - S. Chrys. (hom. 43). On peut dire encore que ce miracle est différent de celui qui est rapporté par saint Matthieu. Dans le récit de saint Matthieu, les disciples ne reçurent pas aussitôt Notre-Seigneur, ici au contraire, ils s'empressent de le recevoir sans aucun retard. Dans le premier évangéliste encore, la tempête continuait de battre les flancs du navire, ici d'une seule parole, Jésus fait revenir le calme, on peut donc admettre deux miracles différents, ce qui n'a rien de surprenant, car Notre-Seigneur a pu faire plusieurs fois les mêmes miracles pour les rendre plus faciles à croire.

S. Aug. (Traité 25 sur S. Jean). Dans le sens mystique, Notre-Seigneur commence par nourrir la multitude et se retire ensuite sur la montagne, selon ce qui était prédit de lui: «L'assemblée des peuples vous entourera, et à cause d'elle remontez dans les hauteurs» (Ps 7) C'est-à-dire, remontez dans les hauteurs, afin que l'assemblée des peuples vous entoure. Mais pourquoi l'Évangéliste dit-il que le Sauveur s'enfuit? car on n'aurait pu le retenir malgré lui. Cette fuite a donc une signification mystérieuse, et nous apprend que la hauteur de ces mystères ne pouvait être comprise; en effet, vous dites de tout ce que vous ne comprenez pas: «Cela me fuit». Notre-Seigneur fuit donc seul sur une montagne lorsqu'il monte au-dessus de tous les cieux. Tandis qu'il est dans les hauteurs des cieux, ses disciples qui sont restés dans la barque sont exposés à la violence de la tempête. Cette barque était la figure de l'Eglise, il faisait déjà nuit, et il n'y avait rien d'étonnant, la vraie lumière ne brillait pas encore, Jésus n'était pas encore venu les trouver. Plus approche la fin du monde, et plus aussi on voit croître les erreurs et augmenter l'iniquité. En effet, la charité est lumière, suivant les paroles de saint Jean: «Celui qui hait sonfrère demeure dans les ténèbres» (1 Jn 2,9). Les flots qui agitent le navire, la tempête, les vents sont les clameurs des réprouvés. La charité se refroidit, les flots ne cessent de monter et de battre les flancs du navire, et cependant ni les vents, ni la tempête, ni les flots, ni les ténèbres ne peuvent briser la barque et l'engloutir, ni même l'empêcher d'avancer, car celui qui aura persévéré jusqu'à la fin sera sauvé. Le nombre cinq est l'emblème de la loi, renfermée dans les cinq livres de Moïse; le nombre vingt-cinq est donc aussi la figure de la loi, puisqu'il est le produit du nombre cinq multiplié par cinq. Mais la perfection qui est signifiée par le nombre six, manquait à la loi avant l'Évangile, et en multipliant cinq par six, on obtient le nombre trente, figure de la loi accomplie par l'Évangile. Notre-Seigneur vient donc trouver ceux qui accomplissent la loi, en marchant sur les flots, c'est-à-dire, en foulant aux pieds toutes les vaines enflures de l'orgueil et toutes les hauteurs du monde, et cependant les tribulations sont si grandes, que ceux mêmes qui croient en Jésus tremblent d'y succomber.

Théophyl. Lorsque les hommes ou les démons s'efforcent de nous ébranler par la crainte, écoutons Jésus-Christ qui nous dit: «C'est moi, ne craignez point», c'est-à-dire je suis toujours près de vous, je demeure avec vou s comme Dieu, et ne passe jamais, ne vous laissez donc point enlever par de vaines terreurs la foi que vous avez en moi. Voyez encore comment Notre-Seigneur ne vient pas au secours de ses disciples au commencement du danger, mais longtemps après. C'est ainsi que Dieu permet que nous soyons au milieu des dangers, pour éprouver notre courage parce combat contre les tribulations, et nous enseigner à recourir à celui-là seul qui peut nous sauver alors même que tout espoir est perdu. En effet c'est que lorsque l'intelligence de l'homme est à bout de ressources et déclare son impuissance, que le secours de Dieu arrive. Si nous voulons nous aussi recevoir Jésus-Christ dans notre barque, c'est-à-dire lui offrir une habitation dans nos coeurs, nous arriverons aussitôt au rivage où nous voulons aborder, c'est-à-dire au ciel.

Bède. Mais cette barque ne porte point d'hommes indolents et paresseux, elle veut des rameurs vigoureux; c'est ainsi que dans l'Eglise ce ne sont point les âmes molles et nonchalantes mais les âmes fortes et qui persévèrent dans la pratique des bonnes oeuvres qui parviennent au port du salut éternel.


vv. 22-27

12622 Jn 6,22-27

S. Chrys. (hom. 43 sur S. Jean). Notre-Seigneur n'a pas fait connaître clairement au peuple comment il avait marché sur la mer, mais il le lui a laissé soupçonner à en juger par ces paroles de l'Évangéliste: «Le lendemain, le peuple qui était demeuré de l'autre côté de la mer, vit que Jésus n'était point entré dans la seule barque qui était près du rivage», etc. Cette manière de parler indique que le peuple pouvait présumer que le Sauveur avait traversé la mer à pied. Et on ne peut dire ici qu'il était monté dans une autre barque puisqu'il n'y en avait qu'une seule dans laquelle ses disciples étaient montés, sans que Jésus fût monté avec eux.

S. Aug. (Traité 25 sur S. Jean). Notre-Seigneur leur suggère donc l'idée de ce grand miracle. D'autres barques arrivèrent près du lieu où ils avaient mangé le pain que le Sauveur leur avait donné, et le peuple monta dans ces barques pour aller à la recherche de Jésus: «D'autres barques suivirent, etc., et ils se dirigèrent vers Capharnaüm pour chercher Jésus». - S. Chrys. (hom. 42). Et cependant après un si grand miracle, ils ne lui demandent pas comment il a traversé la mer, ni la manière dont s'est opéré ce prodige extraordinaire: «Et l'ayant trouvé au-delà de la mer, ils lui dirent: Maître, quand êtes-vous venu ici ?» A moins qu'on ne prenne ici le mot quand dansle sens de comment. Ils font ici preuve d'une habileté remarquable; ils proclama ient précédemment que c'était un prophète, ils s'étaient concertés pour le faire roi, ils le trouvent aujourd'hui et ne lui découvrent rien de ce dessein. - S. Aug. Voici celui qui s'était enfui sur la montagne, dans la crainte que le peuple ne le fît roi, qui s'entretient maintenant avec le peuple, ils peuvent se saisir de sa personne et le proclamer roi. Mais Jésus, après le miracle plein de mystère qu'il a opéré, leur adresse ses enseignements, afin de nourrir de sa doctrine divine l'âme de ceux dont il a nourri miraculeusement le corps.

Alcuin. Celui qui nous a enseigné par son exemple à fuir la louange et les honneurs de la terre, apprend également aux docteurs comment ils doivent remplir le ministère de la prédication.

S. Chrys. (hom. 44). La mansuétude et la douceur ne sont pas toujours utiles, lorsque vous avez affaire à un disciple d'un esprit lent et peu ouvert encore, il faut le presser avec l'aiguillon; c'est ce que fait ici le Fils de Dieu. La multitude accourt à lui et cherche à le flatter en lui disant: «Maître, quand donc êtes-vous venu ici ?» et il ne répond à cette question que par un reproche pour montrer qu'il ne désire nullement l'honneur qui vient des hommes, mais qu'il ne cherche que leur salut, aussi il ne se contente pas de blâmer leur conduite, il dévoile les pensées les plus secrètes de leur coeur: «Jésus leur répondit: En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez non parce que vous avez vu des miracles», etc. - S. Aug. C'est-à-dire: En me cherchant, vous obéissez aux instincts de la chair, et non aux désirs de l'esprit.

S. Chrys. (hom. 44). Aux reproches Notre-Seigneur ajoute l'enseignement de la doctrine: «Travaillez pour avoir, non la nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle». C'est-à-dire: Vous cherchez la vie matérielle et périssable, mais mon intention en nourrissant vos corps a été de vous inspirer le désir de cette nourriture qui donne non point la vie du temps, mais la vie éternelle. - Alcuin. La nourriture matérielle n'alimente et n'entretient que le corps, et encore n'atteint-elle ce but qu'à la condition d'être renouvelée tous les jours, mais la nourriture spirituelle demeure éternellement et nous donne une satiété perpétuelle et une vie qui n'a d'autre terme que l'éternité.

S. Aug. (Traité 25). Il fait pressentir qu'il est lui-même cette nourriture comme il le déclarera plus ouvertement dans la suite de son discours, et il semble leur dire: Vous me cherchez pour toute autre chose que moi, cherchez-moi donc pour moi-même.

S. Chrys. (hom. 44). Mais comme il en est qui voudraient s'autoriser de ces paroles pour mener une vie toute de paresse et d'oisiveté, il est nécessaire de leur rappeler ce que dit saint Paul: «Que celui qui dérobait ne dérobe plus, mais qu'il s'occupe en travaillant des mains à quelque ouvrage bon et utile, pour avoir de quoi donner à ceux qui sont dans l'indigence» (Ep 4, 28). Et lui-même lorsqu'il vint à Corinthe, demeurait chez Aquila et Priscille et travaillait de ses mains (Ac 18). Ces paroles: «Ne travaillez pas pour avoir la nourriture qui périt», n'autorisent en aucune façon la paresse et l'oisiveté, mais nous font un devoir de travailler et de distribuer le fruit de notre travail. C'est là en effet la nourriture qui ne périt pas, tandis que travailler pour la nourriture qui périt, c'est être dominé par l'amour des choses de la terre. Jésus leur tient ce langage parce qu'ils n'avaient aucun souci de la foi, et qu'ils ne songeaient qu'à se rassasier sans travailler, c'est ce qu'il appelle la nourriture qui périt. - S. Aug. De même qu'il avait dit précédemment à la Samaritaine: «Si vous saviez quel est celui qui vous demande à boire, vous lui en auriez demandé vous-même et il vous eût donné une eau vive». Il ajoute ici: «Cette nourriture que le Fils de l'homme donnera».

Alcuin. Lorsque vous recevez le corps de Jésus-Christ des mains du prêtre, faites attention non au prêtre que vous voyez, mais à celui que vous ne voyez pas. Le prêtre n'est que le dispensateur de cette nourriture, il n'en est pas l'auteur. Or le Fils de l'homme se donne à nous, afin qu'il demeure en nous, et que nous demeurions en lui. Ne considérez pas ce Fils de l'homme comme un des enfants ordinaires des hommes, il en a été séparé par une grâce toute particulière qui l'a placé en dehors de tous les autres; ce Fils de l'homme est tout ensemble le Fils de Dieu, comme il le déclare dans ce qui suit: «Car c'est lui que le Père a marqué de son sceau». Marquer d'un sceau, c'est appliquer un signe, et Notre-Seigneur semble dire: Gardez-vous de me mépriser, parce que je suis le Fils de l'homme, car je suis le Fils de l'homme marqué du sceau de Dieu le Père, c'est-à-dire qu'il a imprimé sur moi un signe qui me distingue de tout le reste du genre humain, et qui me constitue son libérateur.

S. Hil. (de la Trin., 8) Les sceaux ont cette propriété de reproduire parfaitement la figure dont ils portent l'empreinte, et de la conserver néanmoins tout entière. Ils reçoivent cette empreinte gravée à leur surface, et la reproduisent dans toute son intégrité. Cette comparaison ne peut donc être appliquée à la génération divine, car dans les sceaux il y a la matière, la différence entre l'original et l'empreinte et l'impression qui reproduit sur une matière plus molle l'empreinte gravée sur un métal plus dur. Mais lorsque le Fils de Dieu qui est devenu le Fils de l'homme pour opérer le mystère de notre salut, dit qu'il a été marqué du sceau de Dieu, il veut nous faire comprendre qu'il reproduit en lui la nature du Père, et qu'il a le pouvoir de donner la nourriture qui renferme le germe de la vie éternelle, parce qu'il contient la plénitude de la nature divine du Père qui l'a marqué de son sceau. - S. Chrys. (hom. 44). Ou bien encore il l'a marqué de son sceau, c'est-à-dire il l'a comme désigné pour nous apporter cette nourriture; ou enfin il l'a marqué de son sceau, c'est-à-dire il nous l'a fait connaître par son témoignage.

Alcuin. Dans le sens mystique, c'est le lendemain, c'est-à-dire après l'ascension de Jésus-Christ, que la multitude, qui s'applique à la pratique des bonnes oeuvres, et qui cesse d'être esclave des plaisirs des sens, attend l'arrivée de Jésus. Cette seule barque qui est sur le rivage, c'est l'Eglise qui est une; les autres barques qui surviennent sont les conventicules des hérétiques, qui recherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ (Ph 2); et c'est avec raison qu'il leur dit: «Vous me cherchez, parce que vous avez mangé des pains».

S. Aug. (Traité 25 sur S. Jean). Combien en est-il encore qui ne cherchent Jésus que pour en obtenir des faveurs temporelles? L'un a une affaire, il vient réclamer l'appui du clergé, un autre est opprimé par un homme puissant, il s'empresse de venir réclamer le secours de l'Eglise; à peine s'en trouvent-ils qui cherchent Jésus pour lui seul.

S. Grég. (Moral., 23, 17 ou 20). Cette multitude représente encore ceux qui, au sein même de la sainte Eglise, s'attirent la haine de Dieu en recevant les ordres sacrés qui les rapprochent de Dieu, sans s'occuper des vertus qu'exigent les saints ordres, et en n'y cherchant qu'un moyen de subvenir aux besoins de la vie présente. On suit le Seigneur pour le pain dont on a été rassasié, lorsqu'on ne demande à la sainte Eglise que les biens et les aliments temporels; on le cherche à cause des pains, et non pour ses miracles, lorsqu'on aspire au ministère sacré, non pour y pratiquer la vertu dans un degré plus excellent, mais pour un intérêt tout matériel. - Bède. Ceux encore qui demandent dans leurs prières les biens temporels plutôt que les biens de l'éternité, cherchent Jésus, non pour Jésus, mais pour toute autre chose. Nous voyons ici, en figure, que les conciliabules des hérétiques ne peuvent avoir pour hôtes ni Jésus-Christ, ni ses disciples; ces autres barques qui surviennent, ce sont les hérésies que l'on voit surgir tout d'un coup. Cette foule qui reconnaît que ni Jésus ni ses disciples n'étaient là, représente ceux qui, reconnaissant les erreurs des hérétiques, les abandonnent pour venir embrasser la vraie foi.


vv. 28-34

12628 Jn 6,28-34

Alcuin. Ils comprirent que cette nourriture, qui demeure pour la vie éternelle, c'était l'oeuvre de Dieu, et ils demandent ce qu'ils doivent faire pour travailler à se procurer cette nourriture, c'est-à-dire pour opérer l'oeuvre de Dieu: «Ils lui dirent donc: Que ferons-nous pour opérer les oeuvres de Dieu ?» - Bède. C'est-à-dire, quels préceptes devrons-nous observer pour accomplir les oeuvres de Dieu? - S. Chrys. (hom. 45). Ils lui faisaient cette question, non dans le dessein de s'instruire et d'agir en conséquence, mais pour l'amener à reproduire le miracle de la multiplication des pains. - Théophyl. Bien que Jésus-Christ connût parfaitement l'inutilité de ses enseignements pour ce peuple grossier, il ne laisse pas de lui répondre pour l'utilité générale; et il lui apprend ainsi qu'à tous les hommes quelle est cette oeuvre de Dieu: «Jésus répondit: L'oeuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé». - S. Aug. (Traité 25). Il ne dit pas: C'est que vous croyiez à lui, mais: «C'est que vous croyiez en lui». On peut croire à Jésus-Christ, sans croire immédiatement en lui; ainsi les démons croyaient à Jésus-Christ, sans cependant croire en lui; ainsi nous croyons à Paul, sans pour cela croire en Paul. Croire en Jésus-Christ, c'est donc l'aimer en croyant, c'est unir la foi à l'amour, c'est s'unir à lui par la foi et faire partie du corps dont il est le chef. C'est la foi que Dieu exige de nous, et qui opère par la charité (Gal 5). Cependant la foi est distincte des oeuvres, selon la doctrine de l'Apôtre: «L'homme est justifié par la foi, sans les oeuvres de la loi» (Rm 3, 28). Il est des oeuvres qui paraissent bonnes, quoique séparées de la foi en Jésus-Christ, mais elles ne le sont pas en réalité, parce qu'elles ne se rapportent pas à la fin qui les rend véritablement bonnes: «Car Jésus-Christ est la fin de la loi, pour justifier tout homme qui croit» (Rm 10). Voilà pourquoi Notre-Seigneur n'a pas voulu distinguer la foi des oeuvres, mais qu'il a déclaré que la foi est l'ouvrage de Dieu; car c'est la foi qui opère par la charité. Et il ne dit pas: Votre oeuvre, mais: «L'oeuvre de Dieu est que vous croyiez en lui», afin que celui qui se glorifie, ne se glorifie que dans le Seigneur (2Co 10,17). Croire en lui, c'est donc manger la nourriture qui demeure pour la vie éternelle. Pourquoi préparer vos dents et votre estomac? Croyez, et vous avez mangé. A cause de cette invitation que le Sauveur leur fait de croire en lui, ils répondent en demandant de nouveaux miracles pour appuyer leur foi; car c'est le propre des Juifs de demander des miracles: «Ils lui répartirent: Quel miracle faites-vous, pour que, le voyant, nous croyions en vous ?»

S. Chrys. (hom. 45). Rien de plus déraisonnable à des hommes qui ont pour ainsi dire un miracle entre les mains, que de tenir un pareil langage, comme s'ils n'avaient jamais été les témoins d'aucun miracle. Ils ne laissent même pas au Sauveur le choix du miracle, mais ils veulent le mettre dans la nécessité de n'opérer d'autre prodige que celui qui a été fa it en faveur de leurs ancêtres: «Nos pères ont mangé la manne dans le désert». - Alcuin. Et pour ne point exposer cette manne au mépris, ils la relèvent par l'autorité du Psalmiste en ajoutant: «Ainsi qu'il est écrit: Il leur a donné à manger le pain du ciel» (Ps 77) -
S. Chrys. (hom. 45). Parmi tant de miracles que Dieu opéra dans l'Egypte, dans la mer Rouge, dans le désert, ils rappellent de préférence le souvenir du miracle de la manne, dont leurs instincts sensuels leur faisaient désirer le retour. Remarquez qu'ils n'attribuent point ce miracle à Dieu, pour ne point paraître égaler le Sauveur à Dieu, ils ne présentent point non plus Moïse comme en étant l'auteur, parce qu'ils ne veulent point humilier Jésus-Christ; ils échappent à cette double difficulté en disant: «Nos pères ont mangé la manne dans le désert».

S. Aug. (Traité 25). Ou bien encore, Notre-Seigneur se posait comme supérieur à Moïse, car jamais Moïse n'osa dire de lui qu'il donnait la nourriture qui ne périt point. Au souvenir don c des granas miracles opérés par Moïse, ils en voulaient de plus grands encore, et semblaient dire au Sauveur: Vous promettez la nourriture qui ne périt point, et vous êtes loin de faire des miracles semblables à ceux de Moïse, ce ne sont point des pains d'orge qu'il a donnés au peuple de Dieu, mais la manne qui tombait du ciel.

S. Chrys. (hom. 45). Notre-Seigneur aurait pu leur répondre que Moïse avait fait de plus grands miracles que celui de la manne; mais ce n'était pas le moment de leur parler de la sorte, il n'avait en vue qu'une seule chose, c'était de leur inspirer le désir de la nourriture spirituelle: «Jésus leur répondit donc: En vérité, en vérité, je vous le dis, Moïse ne vous a point donné le pain du ciel», etc. La manne ne venait donc point du ciel, et si l'Ecriture dit qu'elle venait du ciel, c'est dans le même sens qu'elle appelle les oiseaux, les oiseaux du ciel (Ps 8), et qu'elle dit ailleurs: «Le Seigneur a tonné du haut du ciel» (Ps 17; Qo 46). Le Sauveur dit que la manne n'était pas un pain véritable, non pas que la manne ne fût vraiment miraculeuse, mais parce que c'était une figure et non la vérité. Remarquez encore qu'il ne se met pas en opposition avec Moïse, c'est Dieu qu'il oppose à Moïse, et il se met lui-même à la place de la manne. - S. Aug. (Traité 25). Voici le vrai sens des paroles du Sauveur: La manne était le symbole de la nourriture dont je viens de vous parler, et toutes ces choses étaient des figures de la vérité qui devait s'accomplir en moi; vous vous attachez aux figures, et vous n'avez que du mépris pour la vérité. C'est Dieu, en effet, qui donne le pain figuré par la manne, c'est-à-dire, Notre-Seigneur Jésus-Christ: «Car le pain véritable est celui qui descend du ciel et donne la vie au monde». - Bède. Le monde doit s'entendre ici non pas des éléments qui le composent, mais des hommes qui l'habitent. - Théophyl. Notre-Seigneur déclare qu'il est le pain véritable, parce que le premier et le principal objet figuré par la manne, c'était le Fils unique de Dieu fait homme. Le mot manne signifie en effet: Qu'est-ce que cela? Car les Juifs ayant vu la manne tomber du ciel, se disaient l'un à l'autre dans leur étonnement: «Quelle chose est-ce là ?» (Ex 16) Or, le Fils de Dieu fait homme est par-dessus tout cette manne, objet d'étonnement pour les Juifs, qui se demandaient aussi les uns les autres: «Qu'est-ce que cela veut dire? Comment le Fils de Dieu peut-il être le Fils de l'homme? Comment deux natures ne forment-elles qu'une seule personne ?» - Alcuin. Il est descendu des cieux en se revêtant de notre humanité, et c'est la divinité qui s'en est revêtue qui donne la vie au monde.

Théophyl. Ce pain, qui de sa nature est la vie, parce qu'il est le Fils du Dieu vivant, fait l'oeuvre qui lui est propre, en donnant la vie à tout ce qui existe; de même, en effet, que le pain matériel conserve la vie du corps, ainsi Jésus-Christ donne la vie à l'âme par les secrètes opérations de l'Esprit. Il communique même au corps un principe d'incorruptibilité, qu'il lui assure par sa résurrection, et c'est en ce sens qu'il donne la vie au monde. - S. Chrys. (hom. 45). Et ce n'est pas seulement aux Juifs, mais à tous les hommes répandus sur la surface de la terre. Mais ceux qui l'écoutaient ne portaient pas encore leurs pensées si haut: «Ils lui dirent donc: Seigneur, donnez-nous ce pain». Il vient de leur déclarer que c'était son Père qui leur donnait ce pain, et ils ne lui disent pas: Priez-le de nous le donner, mais: «Donnez-nous ce pain». À l'exemple de la Samaritaine, qui avait pris dans un sens matériel ces paroles du Sauveur: «Celui qui boira de cette eau n'aura jamais soif», et qui lui disait pour se mettre à l'abri du besoin: «Donnez-moi de cette eau»; les Juifs disent à Jésus: «Donnez-nous toujours ce pain pour nous soutenir».


vv. 35-40

12635 Jn 6,35-40

S. Chrys. (hom. 45 sur S. Jean). Notre-Seigneur, sur le point d'initier les Juifs à la connaissance de ses mystères, commence par établir sa divinité et leur dit: «Je suis le pain de vie», paroles qui ne s'appliquent point à son corps, dont il dira plus tard: «Le pain que je donnerai, c'est ma chair». Il leur parle donc de sa divinité, car c'est par suite de son union avec le Verbe que la chair est un véritable pain qui devient le pain du ciel pour celui qui reçoit l'Esprit lui-même. - Théophyl. Il ne dit point: Je suis le pain qui sert d'aliment, mais: «Je suis le pain de vie». Tout était devenu la proie de la mort, et c'est par lui-même que Jésus-Christ nous a rendu la vie; et la vie que ce pain soutient et alimente n'est pas cette vie naturelle et passagère, mais la vie sur laquelle la mort n'a aucun empire. C'est pour cela qu'il ajoute: «Celui qui vient à moi, c'est-à-dire, celui qui croit en moi n'aura jamais soif». Ces paroles: «Il n'aura jamais faim», doivent être entendues dans le même sens que ces autres: «Il n'aura jamais soif», elles expriment ce rassasiement éternel qui ne laisse place à aucun besoin, à aucun désir.

Théophyl. Ou bien il n'aura jamais ni faim ni soif, c'est-à-dire, qu'il n'éprouvera jamais aucun dégoût, aucune langueur pour entendre la parole de Dieu, et qu'il ne souffrira jamais de la soif spirituelle, comme ceux qui n'ont point été régénérés dans l'eau du baptême et qui n'ont point été sanctifiés par l'Esprit saint.

S. Aug. (Traité 25). Vous désirez donc le pain du ciel que vous avez devant vous, mais vous ne le mangez pas. «Je vous l'ai dit, vous m'avez vu et vous ne croyez point». - Alcuin. Si je m'exprime de la sorte, ce n'est pas que j'espère que vous chercherez à vous rassasier de ce pain, mais c'est bien plutôt pour condamner votre incrédulité qui, tout en me voyant, refuse de croire en moi. - S. Chrys. (hom. 45). Ou bien, Notre-Seigneur fait ici allusion au témoignage des Écritures dont il a dit plus haut: «Les Écritures rendent témoignage de moi»; et encore à ces autres paroles: «Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m'avez pas reçu», etc. Quant à ce qu'il leur dit ici: «Parce que vous m'avez vu et vous n'avez pas cru»; il veut parler en termes couverts des miracles qu'il a opérés sous leurs yeux.

S. Aug. (Traité 25). Cependant je n'ai point perdu le peuple de Dieu tout entier, parce que vous avez vu et que vous n'avez pas cru: «Car tout ce que me donne mon Père viendra à moi, et celui qui vient à moi je ne le rejetterai pas dehors». - Bède. Il dit en termes absolus: «Tout ce que me donne mon Père», c'est-à-dire, la plénitude des fidèles. Ce sont ceux que le Père donne au Fils, lorsque, par une inspiration secrète, il les fait croire au Fils. - Alcuin. Celui donc que le Père attire à la foi qui le fait croire en moi, viendra à moi par la foi pour entrer en union avec moi, et je ne rejetterai pas dehors celui que les pas de la foi et des bonnes oeuvres conduiront jusqu'à moi, c'est-à-dire, qu'il demeurera avec moi dans le secret d'une conscience pure, et je finirai par le recevoir dans l'éternelle béatitude. - S. Aug. (Traité 25). Cette retraite intérieure, d'où l'on n'est point chassé dehors, est un sanctuaire profond et une douce solitude sans aucun ennui, sans l'amertume des mauvaises pensées, sans les agitations des tentations et des douleurs, et c'est de cette retraite intérieure que Notre-Seigneur a voulu parler lorsqu'il dit: «Entrez dans la joie de votre maître» (Mt 25).

S. Chrys. (hom. 45). Ces expressions: «Tout ce que me donne mon Père», prouvent que la foi en Jésus-Christ n'est point une chose ordinaire et facile, ni qui soit l'oeuvre exclusive de notre volonté, elle demande en même temps une révélation supérieure et une âme sincèrement disposée à recevoir cette révélation. Il suit de là que ceux à qui le Père ne donne point cette grâce ne sont pas à l'abri de toute accusation, car nous avons aussi besoin de notre volonté pour croire. Notre-Seigneur condamne en même temps leur incrédulité, en montrant que celui qui ne croit point en lui, va contre la volonté de son Père. Saint Paul dit de son côté, que c'est lui-même qui donne les fidèles à son Père: «Ensuite viendra la fin de toutes choses, lorsqu'il aura remis son royaume à Dieu son Père» (1Jn 1). Celui donc qui croit en moi sera sauvé, car c'est pour les hommes que je suis venu sur la terre, et que je me suis incarné: «Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m'a envoyé». Quoi donc ! est-ce que votre volonté est différente de celle de Dieu? Notre-Seigneur va au-devant de cette pensée, en ajoutant: «Or, la volonté de mon Père, qui m'a envoyé, est que, quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle»; donc c'est aussi la volonté du Fils, puisque le Fils donne la vie à ceux qu'il veut. Tel est donc le sens de ces paroles: Je ne suis point venu faire autre chose que ce que veut le Père, et je n'ai point d'autre volonté que la sienne: «Car tout ce qui est à mon Père, est également à moi»; ce qu'il réserve de dire à la fin de son discours, car il voile de temps en temps les vérités trop relevées pour l'intelligence de ses auditeurs.

S. Aug. (Traité 25). Ou bien encore, le Sauveur donne ici la raison pour laquelle il ne rejette pas dehors celui qui vient à lui: «C'est parce que je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m'a envoyé». L'âme est sortie de Dieu, parce qu'elle était orgueilleuse, c'est par l'orgueil que nous avons été chassés dehors, c'est par l'humilité seule que nous pouvons rentrer. Lorsqu'un médecin qui entreprend la guérison d'une maladie, guérit la maladie elle-même, sans guérir la cause qui l'a produite, la guérison n'est que momentanée, et le mal revient sous l'action de la cause qui persévère. Or, c'est pour guérir la cause de toutes les maladies; c'est-à-dire, l'orgueil, que le Fils de Dieu est descendu des cieux, et qu'il s'est profondément humilié. Pourquoi donc vous enorgueillir, ô homme? C'est pour vous que le Fils de Dieu s'est réduit à cet état d'humiliation. Peut-être rougirez-vous d'imiter l'exemple de l'humilité qui vous serait donné par un homme, imitez-le du moins quand cet exemple vous est donné par un Dieu, qui vous recommande si hautement l'humilité en vous disant: «Je suis venu, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m'a envoyé». L'orgueil, en effet, ne veut faire que sa volonté, l'humilité, au contraire, fait la volonté de Dieu.

S. Hil. (de la Trin., 3) En s'exprimant de la sorte, le Sauveur ne veut point dire qu'il fait ce qu'il ne veut pas, mais il fait paraître son obéissance dans sa soumission à la volonté de son Père, volonté qu'il veut accomplir dans toute sa perfection. - S. Aug. (Traité 25). Celui-là donc qui viendra à moi, je ne le rejetterai pas dehors, parce que je ne suis pas venu pour faire ma volonté; humble moi-même, je suis venu enseigner l'humilité; celui qui vient à moi s'unit et s'incorpore à moi, parce qu'il ne fait pas sa volonté, mais celle de Dieu, et c'est pour cela qu'il ne sera pas jeté dehors, car l'orgueil seul l'avait chassé dehors. On ne peut venir à moi qu'à la condition d'être humble, et on n'est rejeté dehors que par l'orgueil: celui qui pratique l'humilité ne tombe jamais des hauteurs de la vérité. Mais pour quelle raison ne jette-t-il pas dehors celui qui vient à lui, parce qu'il n'est pas venu faire sa volonté? La voici: «Car la volonté de mon Père qui m'a envoyé, est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés». Celui qui est donné à Jésus-Christ est celui qui est resté fidèle à la pratique de l'humilité: «Votre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu'il se perde un seul de ces petits» (Mt 18, 14). Il en peut périr parmi les orgueilleux, mais aucun de ceux qui sont petits ne périt, car il faut devenir semblable à ce petit pour entrer dans le royaume des cieux (Mt 18, 3-5). - S. Aug. (de la correct, et de la grâce, chap. 9) Ceux donc, qui dans les décrets de la providence de Dieu, ont été prévus, prédestinés, appelés, justifiés, glorifiés, sont déjà enfants de Dieu, avant leur seconde naissance et même avant la première, et il est impossible qu'ils périssent, parce qu'ils sont véritablement venus à Jésus-Christ. C'est lui donc qui leur donne la persévérance finale dans le bien, car elle n'est donnée qu'à ceux qui ne doivent point périr. Quant à ceux qui ne persévèrent point, leur perte est certaine.

S. Chrys. (hom. 45 sur S. Jean). Lorsque Notre-Seigneur dit: «Je ne perdrai aucun d'eux»; ce n'est pas qu'il ait besoin d'eux, mais en s'exprimant de la sorte, il fait voir le désir qu'il a de leur salut. Après avoir dit: «Je n'en perdrai aucun, et je ne le jetterai pas dehors»; il ajoute: «Mais je le ressusciterai au dernier jour». C'est qu'en effet, à la résurrection générale, les méchants seront jetés dehors, selon ces paroles du Sauveur: «Prenez-le, et jetez-le dans les ténèbres extérieures» (Mt 22; Mt 25). Vérité que confirment ces autres paroles: «Lui qui peut précipiter dans la géhenne l'âme et le corps» (Mt 10). Il ramène souvent la pensée de la résurrection, pour que les hommes ne jugent pas la conduite de la Providence divine par les seules choses présentes, et pour qu'ils vivent dans l'attente d'une autre vie.

S. Aug. (Traités 23 et 25). Voyez comme il parle ici en termes précis de cette double résurrection: «Celui qui vient à moi ressuscite dès maintenant, en partageant l'humilité de mes membres»; et de plus: «Je le ressusciterai au dernier jour». Pour expliquer davantage ce qu'il venait de dire: «Tout ce que mon Père m'a donné;» et encore: «Je ne perdrai aucun d'eux». Notre-Seigneur ajoute: «Telle est la volonté de mon Père qui m'a envoyé, que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle». Il avait dit précédemment: «Celui qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m'a envoyé». Ici au contraire: «Celui qui voit le Fils et qui croit en lui». Il ne dit point: Et qui croit dans le Père, parce que croire dans le Fils et croire dans le Père, sont une seule et même chose; car de même que le Père a la vie en lui-même, il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même; et ainsi celui qui voit le Fils et qui croit en lui, a la vie éternelle, en arrivant par la foi à la vie qui est comme la première résurrection. Mais cette première résurrection n'est pas la seule, aussi Notre-Seigneur ajoute: «Et je le ressusciterai au dernier jour».



Catena Aurea 12615